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Thierry Brugvin Largotec/Paris XII [email protected] La décroissance écosocialiste Introduction En 2009, les violentes crises financières, alimentaires, pétrolières et écologiques et ont remis en cause l’ancienne place de l’humain sur la terre et dans la nature. Certains attendent, du progrès technique, la solution à ces crises systémiques. Pour de nombreux membres du mouvement altermondialiste, écologiste, ou anticapitaliste, ces crises sont des opportunités à saisir pour faire entendre leurs idées. Mais pour cela il leur faut proposer les premiers pas concrets, qui pourraient les y conduire. Cet article vise à mettre en lumière, une tendance nouvelle, celle de la «décroissance écosocialiste» parmi les courants décroissants. Le mouvement pour la décroissance, propose de mettre en œuvre un changement de société et une décroissance de l’économie de différentes manières selon leurs orientations idéologiques. Cependant, il existe un élément commun à la plupart des « décroissants », c’est le fait chercher à limiter la consommation des ressources non renouvelables, mis en évidence notamment par l’empreinte écologique 1 . Les membres « la décroissance écosocialiste » proposent en particulier de débuter cette décroissance par les plus riches et de dépasser le capitalisme en proposant des solutions précises. Ainsi, la décroissance écosocialiste vise d’une part la croissance des plus pauvres, au moins jusqu’à hauteur d’une empreinte écologique soutenable pour tous (elle de 1,8 Ha/habitant, pour 6 milliards d’êtres humains) (WWF, 2009) 2 . D’autre part, elle ne s’oppose pas 1 Pour William E. Rees (1999), un des pères de ce concept: « l'empreinte écologique est la surface correspondante de terre productive et d'écosystèmes aquatiques nécessaires pour la production des ressources utilisées et l'assimilation des déchets produits par une population définie à un niveau de vie spécifié, là où cette terre se trouve sur la planète ». 2 En 2005, l’empreinte écologique d’un européen était de 4,8 ha/hab, (France 5,2 ha) tandis que les USA sont à 9,5. La moyenne pour un terrien était de 2,23 ha, or l’empreinte écologique mondiale disponible n’est que de 1,8 ha. Ce qui permet au plus riche de vivre à 1

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Thierry BrugvinLargotec/Paris XII

[email protected]

La décroissance écosocialiste

IntroductionEn 2009, les violentes crises financières, alimentaires, pétrolières et écologiques et ont remis en

cause l’ancienne place de l’humain sur la terre et dans la nature. Certains attendent, du progrès technique, la solution à ces crises systémiques. Pour de nombreux membres du mouvement altermondialiste, écologiste, ou anticapitaliste, ces crises sont des opportunités à saisir pour faire entendre leurs idées. Mais pour cela il leur faut proposer les premiers pas concrets, qui pourraient les y conduire.

Cet article vise à mettre en lumière, une tendance nouvelle, celle de la «décroissance écosocialiste» parmi les courants décroissants. Le mouvement pour la décroissance, propose de mettre en œuvre un changement de société et une décroissance de l’économie de différentes manières selon leurs orientations idéologiques. Cependant, il existe un élément commun à la plupart des « décroissants », c’est le fait chercher à limiter la consommation des ressources non renouvelables, mis en évidence notamment par l’empreinte écologique1.

Les membres « la décroissance écosocialiste » proposent en particulier de débuter cette décroissance par les plus riches et de dépasser le capitalisme en proposant des solutions précises. Ainsi, la décroissance écosocialiste vise d’une part la croissance des plus pauvres, au moins jusqu’à hauteur d’une empreinte écologique soutenable pour tous (elle de 1,8 Ha/habitant, pour 6 milliards d’êtres humains) (WWF, 2009)2. D’autre part, elle ne s’oppose pas forcément à la croissance des secteurs qui ne détruisent pas la nature et les ressources non renouvelables, tels que le social et le culturel. Cette croissance sélective (qui peut aussi être qualifiée de décroissance sélective), pourra se développer, tant que ses externalités négatives (transports, communications…) du secteur socioculturel en particulier, ne dépassent pas le niveau de l’empreinte écologique mondiale soutenable et égale pour tous.

La « décroissance écosocialiste » s’inscrit elle-même, comme un des courants d’un mouvement plus large qu’est l’écosocialisme. « L’écosocialisme » figure, parmi les alternatives au capitalisme proposées par plusieurs mouvements sociaux. Il ne s’agit pas d’un simple socialisme, car il inclut la dimension écologique et il se différencie d’une part du « parti socialiste » français défendant plutôt un capitalisme social ou « social- libéral » et d’autre part du « socialisme soviétique». L’écosocialisme s’est développé surtout depuis les trente dernières années, grâce aux travaux de penseurs comme André Gorz, James O’Connor (USA) qui s’expriment dans un réseau de revues telles que Capitalism, Nature and Socialism, Ecologia Politica, etc.

Selon Löwy, l’écosocialisme est une mouvance qui « est loin d’être politiquement homogène,

1 Pour William E. Rees (1999), un des pères de ce concept: « l'empreinte écologique est la surface correspondante de terre productive et d'écosystèmes aquatiques nécessaires pour la production des ressources utilisées et l'assimilation des déchets produits par une population définie à un niveau de vie spécifié, là où cette terre se trouve sur la planète ». 2 En 2005, l’empreinte écologique d’un européen était de 4,8 ha/hab, (France 5,2 ha) tandis que les USA sont à 9,5. La moyenne pour un terrien était de 2,23 ha, or l’empreinte écologique mondiale disponible n’est que de 1,8 ha. Ce qui permet au plus riche de vivre à ce niveau, c’est notamment le fait que les PED sont en dessous  (Afrique, 1,1 ha, Asie/pacifique 1,2 ha, Kenya 1,1 ha, Inde 0,9 ha) (WWF, 2008).

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mais la plupart de ses représentants partage certains thèmes communs. En rupture avec l’idéologie productiviste du progrès - dans sa forme capitaliste et/ou bureaucratique - et opposé à l’expansion à l’infini d’un mode de production et de consommation destructeur de la nature, il représente une tentative originale d’articuler les idées fondamentales du socialisme marxiste avec les acquis de la critique écologique » (Löwy, 2008, 68-75).

La décroissance écosocialiste dépasse la simple approche de l’économie politique. Elle peut être considérée comme une des tendances du "nouveau" paradigme postmoderniste. Cette forme d’écosocialisme est portée et initiée, par des groupes d’origines très diverses, mais dont certains des membres ou des tendances se rencontrent dans ce nouveau courant de pensée. Il s’agit donc d’une convergence, au moins sur certaines idées, entre une part des membres des associations appartenant aux mouvements altermondialistes, tel Attac, aux écologistes, tel les amis de la Terre, Greenpeace, ou certains Verts comme Yves Cochet, des membres du mouvement pour la décroissance, (le journal de la décroissance, le parti de la décroissance), des trotskistes écologistes dont certains sont membre du NPA, des libertaires, des féministes et même une partie des pratiquants de la santé alternative…

James O’Connor définit comme écosocialiste, les théories et les mouvements qui aspirent à subordonner la valeur d’échange à la valeur d’usage, en organisant la production en fonction des besoins sociaux et des exigences de la protection de l’environnement. Leur but, un socialisme écologique, serait une société écologiquement rationnelle fondée sur le contrôle démocratique, l’égalité sociale, et la prédominance de la valeur d’usage (O’Connor, 1998 : 278- 331). Pour Löwy et une large partie du « nouveau parti capitaliste », le NPA d’Olivier Besançenot, cette société suppose en plus de « la propriété collective des moyens de production, une planification démocratique qui permette à la société de définir les buts de la production et les investissements et une nouvelle structure technologique des forces productives (Löwy, 2008 : 68-75) ».

Or, ce point fait polémique, car les tenants de la décroissance écosocialiste, dont certains sont aussi membres du NPA et d’autres associations, estiment par contre que le dépassement du capitalisme pourrait éventuellement se limiter à une socialisation démocratique ne concernant que les grandes entreprises, mais pas les petites et moyennes entreprises. Tandis que l’écosocialisme anti-capitaliste, recherche en particulier à supprimer la propriété privée des grandes entreprises et à adopter une gestion démocratique et écologique de la société, la décroissance écosocialiste, suppose en plus, le passage au paradigme postmodernisme de la décroissance et en particulier de la « simplicité volontaire ». Ces derniers impliquant à la fois dans la représentation du monde et dans les comportements des citoyens.

Pour exposer les idées du mouvement de la décroissance écosocialiste nous présenterons les 4 piliers de ce courant de pensée :

- La révolution culturelle conduisant vers le paradigme postmoderne de la décroissance, opposée à celui de la modernité. Nous développerons principalement, cet axe et dans une moindre mesure, les trois suivants que sont :

- La limitation, la redistribution des richesses et la protection des biens communs, en opposition à l'accumulation capitaliste et à son productivisme illimité.

- La socialisation démocratique de tout ou d’une partie des moyens de production, en contradiction avec la propriété privée de leurs moyens de production.

- La régulation publique démocratique de la société du plan local au plan international, s’opposant à la gouvernance globale libérale par les entreprises privées.

1) L'ECOSOCIALISME DE LA SIMPLICITE VOLONTAIRE : PASSAGE VERS UN NOUVEAU PARADIGME CULTUREL

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François Houtard, dans une allocution à l’assemblée générale des Nations Unies, le 30 octobre 2008, proposait d’une part de remplacer la valeur d’échange par la valeur d’usage, afin de permettre de créer des biens communs et non plus seulement des biens marchands. D’autre part, il suggérait de s’appuyer sur l’interculturalité, afin de parvenir à changer nos systèmes de valeurs respectifs (Houtard, 2008) 3.

En effet, l’obstacle le plus fondamental, pour dépasser le capitalisme, est de parvenir à dépasser nos modèles de représentation du monde, qui nous semblent naturels et éternels, alors qu’ils ne sont que le résultat d’une culture donnée à une époque donnée. Actuellement, il s’agit de l’idéologie hégémonique capitaliste (Gramsci), qui est devenue une pensée unique et la fin de l’histoire pour certains, tel Fukuyama (1992)4,

Cela suppose, pour les tenants de la modernité (le capitalisme néolibéral et la vision techno-industrielle), d’accéder à un nouveau paradigme, celui de la postmodernité. Cette dernière intégrant une partie de la « vision du monde » traditionnelle des « peuples premiers » vivant sur les continents : asiatique, africain, américain, tels les indiens Kogis vivant dans la jungle d’Amazonie en Colombie.

Ces derniers ont su vivre sur la terre et la préserver pendant des millions d’années. Ils nomment, avec bienveillance, les hommes blancs « les petits frères » et estiment que, si les Kogis disparaissent, l’humanité entière risque aussi d’être anéantie. Ils se considèrent, en effet, parmi les derniers gardiens d’une tradition, d’un mode de vie, d’une vision du monde permettant de maintenir l’harmonie entre l’humanité et la nature (Julien, 2008)5.

Les peuples premiers symbolisent la perpétuation des forces et des faiblesses de l’approche traditionnelle. Pour ce qui est des faiblesses, il y a souvent la domination de l’homme sur la femme, l’autoritarisme du chef, le dogme de la tradition. Bien que vivant eux aussi avec des très faibles revenus, les millions d’individus les plus pauvres, qui vivent avec moins d’1 à 2 $/jour, ne peuvent quant à eux, ni être classés dans la catégorie moderne, traditionnelle, ou postmoderne. Ils devraient être classés, pour certains, dans la catégorie traditionnelle, souvent dans la catégorie des victimes de la modernité capitaliste, parfois dans les deux à la fois et très rarement dans celle de la postmodernité.

L'écosocialisme, représente une des tendances du postmodernisme (qui prend de multiples formes) et qui est portée et initiée par certains groupes, associations et individus des mouvements altermondialistes, écologistes, décroissants, trotskistes, libertaires, anarchistes, féministes, et même des pratiquants des médecines alternatives, du développement personnel…

L’approche fondée sur les soins de santé primaire illustration de la postmodernitéL’exemple de l'approche, en terme de soins de santé primaire, illustre ce passage vers la

postmodernité. Il s’inspire notamment du savoir faire des médecins traditionnels, des « hommes médecines », des chamanes, qui s’appuient notamment sur l’usage des plantes pour soigner. ll permet pour la première fois de mettre en application la définition universelle de la santé, telle qu'elle est énoncée dans la constitution de l'O.M.S (1967 : 1)6 : "La santé est un état de complet bien-être physique mental et social et ne consiste pas en une absence de maladie et d'infirmité." On a ainsi pris en compte la dimension psychique et sociale et plus seulement biologique de la santé. "A

3 HOUTARD François, 30 octobre 2008, Panel sur la crise financière, Assemblée générale des Nations Unies, New York, http://www.un.org/ga/president/63/interactive/gfc/houtart_p.pdf.4 FUKUYAMA, 1992, La Fin de l'histoire et le Dernier Homme, Flammarion, Paris.5 JULIEN Eric, CRUZ Gentil, 2004, Kogis, le réveil d’une civilisation Précolombienne, Albin Michel.6 OMS, Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé, O.M.S., Genève, 1967.

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l'homme-machine dont la médecine académique ne connaissait que les symptômes, les souffrances et la mort, se substituait un homme-total" selon l'expression de M. Mauss (Brelet, 1995 : 134)7.

Selon Claudine Brelet ce changement de vision prend sa source en 1905 dans "le nouvel esprit scientifique" (G. Bachelard), au moment où la relativité einsteinienne vient déformer des concepts primordiaux que l'on croyait à jamais immobiles." Cette approche dynamique de la vie fut introduite par Malinowski avec l'anthropologie culturelle (Brelet 1995 : 134).

C'est ce qui permit à l'occident d'adopter une vision unifiée du monde et de redéfinir la Modernité héritée du XVIIIe siècle. Ce nouveau paradigme fut repris par le rapport Brundtland en 1987 qui affirme: "qu'il n'existe pas de séparation entre l'organisme humain et son environnement (The world commission on environment and developpement, 1987)8." De même Ignacy Sachs insiste sur la nécessité de "redéfinir la modernité", en établissant "une civilisation, centrée sur l'homme et favorable à la nature » (Sachs, 1993 : 21).9

Les décroissants écosocialistes sont des alterculturels (créatifs culturels et altercréatifs)Différentes catégories sont regroupées sous le terme de "créatifs culturels" par Paul H. Ray et S.

R. Anderson (2001)10. Selon ces derniers, même s'ils ne se sont pas encore reconnus comme "groupe", les « créatifs culturels » partagent un certain nombre de valeurs : l'écologie, le féminin, l'engagement social, l'être plutôt que l'avoir... On pourrait dire, à l’instar de Marx, qu’ils ne sont qu’une classe en soi et non une classe pour soi et que par conséquent ils n’exercent pas encore leur véritable potentiel sur la société. Le livre de Ray et Anderson résulte notamment d’une enquête menée en 2000, sur les créatifs culturels aux Etats-Unis. Une étude similaire a été ensuite menée en France, en 2006, par l’association Biodiversité Culturelle et J.P Worms (2007)11.

Selon Worms, il faut disposer de 6 dimensions concomitantes nécessaires pour être qualifié de « créatif culturel » en France (17% de la population française):

- Respecter l’environnement et sa santé,- Considérer comme important le rôle des femmes dans la société (et estimer que les valeurs

de coopération doivent supplanter celle de compétition),- Avoir une distance par rapport au paraître, donc préférer l’être plutôt que l’avoir- Etre intéressé par le développement personnel, voir la spiritualité - Avoir une implication sociétale concrète- Avoir une approche multiculturaliste de la société.

Cette dernière étude, distingue 5 grandes catégories dans la population française:- Les créatifs culturels : 17% en France de 2006, soit 8 millions contre 24% aux USA.- Les altercréatifs : 21% en France (12 millions). Ils ont les mêmes valeurs que le créatif culturel.

A la différence des créatifs culturels, l’ altercréatif ne s’intéresse pas au développement personnel ni à la dimension spirituelle. « Il ne s’implique pas dans les milieux associatifs. Il est prêt à s’engager en faveur de l’écologie, mais de façon individuelle. Il a une vision plus "séparatiste" de la vie : il ne 7 BRELET Claudine, Anthropologie de l'ONU, l'Harmattan, Paris, 1995.8 THE WORLD COMMISSION ON ENVIRONMENT AND DEVELOPPEMENT, Notre futur à tous, Ed. Brundtland, G., Oxford University Press, Oxford, 1987.9 SACHS, Ignacy, L'écodéveloppement, Syros, Paris, 1993.10 RAYP.H., ANDERSON S.R., 2001, L’émergence des créatifs culturels : enquête sur les acteurs d’un changement de société, Yves Michel.11 WORMS J.P, ASSOCIATION BIODIVERSITÉ CULTURELLE, 2007, Les créatifs culturels en France, Yves Michel.

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considère pas qu’il y a un lien entre l’écologie et la spiritualité, ni entre l’évolution intérieure et l’évolution de la société » (Doquois, 2008)12. Les altercréatifs, peuvent être regroupés avec les créatifs culturels et représentent alors 38% d’alterculturels (20 millions).

- Les protectionnistes inquiets  à hauteur de 23%, qualifiés ainsi car ils sont en rupture avec les influences environnementales et éducatives.

- Les conservateurs modernes  représentent 20% de la population.-Les détachés sceptiques (et non pas pessimistes) sont 18% : ils créent leur mode de

fonctionnement propre et sont plus facilement repérables que les créatifs culturels.

Le courant de la décroissance écosocialiste se rapproche de celui des alterculturels, mais seule une partie de ceux-ci s’inscrit dans la catégorie des « créatifs culturels ». En effet, dans le courant de la décroissance écosocialiste, les personnes qui s’intéressent à ces deux dernières dimensions ne s’expriment que rarement sur ces sujets, qui sont généralement mal perçus parmi la majorité des militants laïcs situés de « gauche ». En effet, la spiritualité y reste souvent reléguée à la figure de « l’opium du peuple » mise en avant par Marx, aux déviances sectaires, ou à la figure de l’intégrisme religieux. Tandis que les pratiques de développement personnel sont généralement perçues comme une activité relativement étrangère, voir une pratique réservée à des « bourgeois nombrilistes ». A l’inverse, les pratiquants du seul développement personnel estiment souvent que, pour changer le monde, il suffit de se changer soi et qu’ensuite les institutions de la société changeront d’elles-mêmes. Cependant, à la différence des créatifs culturels, ils se contentent souvent, d’une quête de changement personnel, mais ne s’impliquent rarement dans les mouvements sociaux.

Le besoin de croissance infinie, de la vitesse extérieure contre celle de la lenteur et de la simplicité intérieure

Les « occidentaux » sont poussés culturellement vers la suractivité, ce qui crée une civilisation de la croissance et de la vitesse infinie. Une des raisons de cette éternelle, course en avant et de l’hyperactivité des occidentaux en particulier, s’explique à nouveau par une besoin de compenser la peur du manque, du vide et finalement la peur de la mort. Dans la culture moderne, en particulier celle du capitalisme occidental techno-industriel, une des valeurs dominantes repose sur la recherche du rendement, de la productivité, de la croissance économique sans limite. Tandis que dans la culture postmoderne, la priorité est donnée au temps intérieur, à la quête de la lenteur, comme opportunité de la « simplicité heureuse ». Ceci, afin de développer aussi les qualités intérieures de l’être humain. Un peu dans la même veine, Paul Lafargue, le gendre Karl Marx, avait déjà écrit en 1881 « le droit à la paresse » (2007)13.

La culture capitaliste moderne pousse ainsi ses membres vers la quête du pouvoir, de la prédation de l’homme sur ses semblables et sur la nature (dont il est coupé). Tandis que certaines cultures traditionnelles, telles celle des indiens Kogis, tendent vers la recherche de l’harmonie entre l’être humain, la Nature et la Terre considérée comme une « mère symbolique » (Julien, 2008)14. Ce qui implique alors naturellement pour eux, comme pour les tenants de l’écologie post-moderniste, le respect de la nature, afin de préserver sa propre santé et de partager des richesses économiques et

12 DHOQUOIS Anne, 2008, Zoom : les créatifs culturels, http://www.place-publique.fr/article2574.html. 13 LAFARGUE Paul, Le droit à la paresse, Altiplano, 2007.14 JULIEN Eric, CRUZ Gentil, 2004, Kogis, le réveil d’une civilisation Précolombienne, Albin Michel.

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naturelles, en particulier lorsqu’elles sont limitées et non renouvelables (pétrole, uranium, métaux…).

Pour y parvenir, les tenants de la décroissance écosocialiste, préconisent, une autolimitation qui soit fondée sur le principe de « la sobriété heureuse » telle que le formule Pierre Rabi, ou de la « simplicité volontaire » (Burch, 2003)15 s'inscrivant dans le registre de l'autonomie. On peut ainsi qualifier cette démarche d’autolimitation, de « simplicité heureuse ». Elle vise aussi à développer les qualités psychologiques de l’être humain (se détacher du besoin de posséder, de consommer, du pouvoir, de s’oublier dans l’activisme…). Qualités qui sont nécessaires d’acquérir, afin de pouvoir réellement mettre en œuvre cette autolimitation, en vue d’un partage équitable des ressources entre tous les êtres vivants.

Culture Moderne(du capitalisme occidental

techno-industriel)

Culture traditionnelle (des peuples premiers)

Culture postmoderne(de la décroissance écosocialiste)

Rythme de vie Recherche de la vitesse et de l’accélération infinie

Priorité au temps intérieur Recherche de la lenteur afin de développer aussi les qualités intérieures de l’être humain

Quête de la lenteur, « éloge de la paresse » comme opportunité de la« simplicité heureuse »

Mode de transport

Croissance infinie et mondialiséeRégulée par les besoins du marché et non par la rationalité écologique

Lent car pédestre, animal, voile, mais respectueux de l'environnement

Décroissance des transports visant à réduire l’empreinte écologique

Habitat et lien social

Solitude individualiste dans des mégalopoles

Relation au sein de petite communauté

Réseaux sociaux situés dans de petite ville ou des villages

15 BURCH Mark, 2003, La voie de la simplicité, Ecosciété, Montréal.

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La pression sociale et l’imitation contre la décroissance écosocialisteNombreux sont les citoyens qui sont sensibles au discours de la simplicité volontaire, de

l’écosocialisme et de la décroissance. Or, un des obstacles majeurs à leur mise en œuvre par les individus eux-mêmes, relève de la pression exercée involontairement par les groupes de pairs, le milieu social et le besoin d’adopter les mêmes pratiques que les autres. Ainsi, la personne pense qu’elle a réussi sa vie, parce qu’elle a atteint le même standard, la même norme que ses proches. Il ne s’agit pas seulement d’avoir une voiture, un travail, une maison et des enfants, mais par exemple aussi de voyager. Si la plupart des proches d’une personne voyagent à l’étranger 2 à 3 fois par an, celui-ci risque de se sentir frustré par rapport à ce standard. Il aura donc d’autant plus de difficulté à moins voyager pour diminuer son empreinte écologique, surtout s’ il en a les moyens financiers.

En effet, la pression sociale des collègues, des membres de son groupe de référence pousse à l’imitation, à l’isomorphisme (Powell, DiiMaggio: 1983 : 152)16 afin de rester conforme aux pratiques de son milieu, de sa culture et de ses codes. L'individu tend à reproduire les pratiques de sa classe sociale. C’est le phénomène de "reproduction" décrit par Bourdieu (1972)17. Par exemple, si

Il existe donc une relation dialectique entre le besoin psychologique de consommation et les organisations politiques et économiques qui incitent à la consommation. On doit donc considérer que les problèmes politiques relèvent aussi bien de déficiences de nature sociale, donc collectives, que de faiblesses psychologiques donc individuelles.

Le besoin de consommation comme compensation d’une insécurité et de carences psychiquesLe sociologue Veblen Thorstein (1970)18 qualifie de « consommation ostentatoire », l’acte de

consommer pour paraître, pour se sentir exister par le regard qu’on imagine envieux et admiratif des autres. En effet, Le besoin de consommer pour paraître vise souvent à compenser nos carences identitaires. Plus les individus se sentent mal aimés, mal reconnus, plus ils ressentent un vide existentiel, un manque de sens profond, plus ils cherchent des béquilles pour répondre à leurs carences affectives et identitaires.

Le besoin de possession et d’accumulation est quasiment illimité chez certains milliardaires, qui accumulent plus qu’ils ne pourront jamais consommer ou dépenser. Car, le ressort profond de leurs besoins est fondé sur un besoin de puissance. Cela devient un indicateur de réussite, plus ils possèdent, plus ils se sentent puissants et plus leur classement dans le palmarès des personnalités les plus riches du monde progresse ! Ce besoin de puissance est lui-même le signe d’un complexe d’infériorité explique Adler (1918)19, d’une peur d’assumer sa part de fragilité.

Mais pour les moins riches, le besoin de possession repose d’abord sur la peur du manque. Le fait de posséder des richesses, des biens à profusion, rassure les personnes qui se sentent éternellement en danger de tomber un jour dans la précarité économique, alors même qu’elles détiennent déjà une propriété, une automobile, un métier, ou plus généralement lorsqu’elles disposent déjà d’une situation professionnelle assurée. Leur analyse n’est pas fondée sur les faits, mais sur une angoisse d’insécurité inconsciente, la crainte de sombrer un jour dans la précarité. Pour s’en prémunir elles ne cessent d’accumuler, même quand leurs besoins minimums sont satisfaits, cependant c’est peine perdue, puisque leur problème n’est pas matériel, mais psychique.

Pour s’en détacher, les membres du mouvement pour « la simplicité volontaire » (Burch, 2007) apprennent à vivre heureux avec de faibles moyens, grâce à des joies et des activités simples. Ceci,

16 DI MAGGIO P.J., POWELL W.W., avril 1983, « The iron cage revisited : institutional isomophism and collective rationality », Organizational fields, american sociological review, n° 48.17 BOURDIEU Pierre, PASSERON J. C., 1972, La reproduction, Paris, Minuit.18 THORSTEIN Veblen, 1970 (1899), Théorie de la classe des loisirs, Paris, Gallimard.

19 ADLER Alfred, (2006) Théorie et pratique de la psychologie individuelle (1918), L'harmattan.

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afin de se détacher de leur besoin de possessions matérielles et d’autrui, de consommation de marchandises, de leurs addictions aux sucreries, à la sexualité…Cela n’empêche pas une partie d’entre eux de militer en même temps, contre l’exploitation et la domination du capitalisme, mais ils ne se limitent pas à la dénonciation, et tentent de mettre en pratique concrètement une société alternative au capitalisme, fondée notamment sur l’accumulation illimitée de la propriété privée.

Cependant, ce mouvement de la « simplicité volontaire » ne touche qu’une petite partie de la population mondiale solvable. La majorité des autres individus des pays riches sont la cible des professionnels du marketing capitaliste qui s’appuie sur ces failles, qu’ils ont étudiées de très près. Dans le cadre de la « société de consommation », ils cherchent ainsi à accroître les profits des entreprises en poussant la population à la consommation, en particulier par la publicité. Le besoin psychosociologique de possession, et de consommation est ainsi renforcé par le marketing capitaliste. De plus, depuis l’antiquité au moins, les pouvoirs en place ont bien compris l’utilité de répondre à ce besoin à travers « le pain et des jeux » comme disaient les romains. Un peuple qui ne crie pas trop famine, qui a le ventre plein, et qui s’amuse, devient alors plus facile à diriger à son insu.

Culture Moderne(du capitalisme occidental

techno-industriel)

Culture traditionnelle (des peuples premiers)

Culture postmoderne(de la décroissance écosocialiste)

Mode de réparation des richesses et de

solidarité

L'accroissement des richesses globales bénéficiera à tous par ruissellement (percolation)

Solidarité économique communautaire

Recherche d’une redistribution des richesses et d'une régulation sociale à la fois mondiale et relocalisée

Mode de consommation

Consommer pour pérenniser la croissance capitaliste, se donner une façade sociale, pour oublier son vide existentiel (du pain et des jeux)

Consommation comme lien avec les esprits de la nature, qui sont remerciés pour avoir créé la nourriture

Décroissance de la consommation de biens matérielsRécupération (recyclage) pour économiser de l'argent et préserver l'environnement

L’autolimitation individuelle condition de la démocratie et de la lutte contre la démesure Concernant l’action démocratique, comme la consommation ou la production, il existe de

nombreuses politiques relevant de la régulation hétéronome, c’est à dire extérieure aux individus. Or, une part de la régulation démocratique réside aussi dans le développement de l’autonomie des citoyens. Castoriadis, explique « le peuple peut faire n’importe quoi et doit savoir qu’il ne doit pas faire n’importe quoi. » (Castoriadis, 1996). C’est pourquoi, le peuple a la nécessité de l’autolimitation au plan démocratique, comme au plan de la consommation.

Il a la nécessité de poser des limites à ses actes, de lutter contre “l’hubris”, c'est-à-dire la démesure liée à la perte de limite, le chaos. «Le projet d’autonomie est littéralement aussi un projet d’autolimitation » nous dit Cornélius Castoriadis, (1996, IV : 137)20. Selon lui, il s’agit donc de se donner à soi-même ses propres lois et limites. Il ne faut pas attendre cela de l’Etat, de la police. Qui posera des limites à la liberté humaine, qui empêchera les humains de faire des délits, d’attenter à autrui ? Rien ni personne d’autre que leur propre conscience, leur propre éthique, leur propre réflexion. Car, aucune institution ne suffira jamais à garantir les principes d’autonomie et 20 CASTORIADIS Cornélius, Les Carrefours du Labyrinthe, vol I à V, Seuil, 1996.

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d’autolimitation. Ces principes doivent être intériorisés par les êtres humains estime Castoriadis, leur éducation doit leur transmettre des valeurs fortes, un souci de la chose publique, un intérêt pour la conscience et la responsabilité. « S’il n’y a aucune garantie absolue pour une société autonome, la garantie « la moins contingente de toutes se trouve dans la ‘’paideia’’21 des citoyens, dans la formation (toujours sociale) d’individus qui ont intériorisé à la fois la nécessité de la loi et la possibilité de la mettre en question, l’interrogation, la réflexivité et la capacité de délibérer, la liberté » (David, 2000 : 56)22.

Comme l’explique Castoriadis, à travers son projet d’autonomie, les meilleures lois, règlements et procédures promulgués par les organisations internationales, les Etats, les entreprises et même les associations ne suffiront pas à faire respecter la démocratie en leur sein et ni à l’extérieur. Car un comportement démocratique ne relève pas seulement d’un savoir faire. En effet, le dialogue démocratique suppose aussi le dialogue et l’écoute sincère entre les personnes, une certaine éthique de la discussion, une volonté de dialogue de chaque individu, une ouverture à l’autre dans le respect de ses limites, de ses différences... En un mot, un savoir être ne se limitant pas à un savoir faire . Il y a peu d’espoir de “faire de la politique autrement” sans cette prise en mains du premier niveau politique: la conduite de chacun par lui-même. N’oublions pas ce vieil adage, “la fin ne peut justifier les moyens”. Pour cette raison, l’autre pan de l’action politique relève de l'action de soi sur soi.

L’individuation, condition d’accès à l’autonomie de son mode vie et de consommationPour parvenir à s’émanciper du comportement des autres, il faut parvenir à un minimum

d’autonomie. La fin d’une psychanalyse -si tant est qu’elle est vraiment une fin, puisque l’individu évolue sans cesse- c’est l'autonomie du sujet qui permet à une personne, de faire la distinction entre ses fantasmes et la réalité sociale. La capacité de devenir autonome « nécessite un gros capital narcissique libre, une capacité à assumer l'authenticité » de ce que l’on ressent, à ne pas fuir ce que l’on est véritablement.C’est pouvoir disposer d’une psyché qui permette de se hisser sur un pied d'égalité vis-à-vis de ses parents, de l'autorité et qui s'affirme comme légitime pour participer à l'élaboration de la loi collective en politique et au niveau personnel en psychothérapie. C’est cela au fond, l’autonomie psychique (Barbery, 2009)23.

La psychanalyse vise à aider l’individu à devenir autonome : capable d’activité réfléchie et de délibération. De ce point de vue, elle appartient pleinement à l’immense courant social-historique qui se manifeste dans les combats pour l’autonomie, au projet émancipatoire auquel appartiennent aussi la démocratie et la philosophie » (Castoriadis, 2001)24.

Chez Castoriadis, « l’autonomie serait à concevoir comme un processus, puisque c’est par le biais de l’activité elle-même, et non d’un savoir préalable, qu’elle se développe. La tâche du militant  serait ainsi de ‘’relayer’’ les tendances à l’autonomie qui se manifestent dans les luttes sociales. (…) « L’histoire ne se résume pas à des raisons, ni la société au symbolique, comme le suppose le structuralisme, car l’imaginaire, cette faculté de poser une relation à ce qui n’est pas, est ‘’seul à même de faire être ce qui n’a jamais été‘’. C’est dans cette créativité inhérente aux sociétés humaines que se trouve le germe de l’autonomie, car la société est autocréation » (Buissonette, 2008)25.

21 ‘’Paideia’’ est le concept antique grec concernant le processus de construction du caractère des citoyens.22 DAVID Gérard, Cornelius Castoriadis, le projet d’autonomie, éd. Michalon, 200023

BARBERY Stéphane, Introduction a la métapsychologie de Castoriadis, 2009, http://www.barbery.net/psy/fiches/cc.htm. 24 CASTORIADIS Cornelius, Psychanalyse et politique, Passant n°34, avril 2001 - mai 2001.25 BISSONNETTE Jean-François, Philippe Caumières, Castoriadis. Le projet d’autonomie, Notes de Lecture, Le monde Commun, 2008.

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Circularité du collectif et de l’individu, du social et du psychologique dans le processus de changement

Quels sont les leviers d’un changement possible ? « Pourquoi, la situation contemporaine est-elle tellement incertaine ? ». Dans ses recherches, comme philosophe et comme psychanalyste, Castoriadis a abordé les niveaux individuels et sociaux du changement social. Selon lui, les institutions aussi bien que les psychés s'auto-élaborent dans le temps. De même que la socialisation individuelle, le psychisme individuel est le résultat d’interaction avec les autres, le développement d’une civilisation est le fruit des rencontres, de conflits avec les autres civilisations.

On observe donc, une circularité entre la dimension psychique et les contraintes, la pression sociale, c'est à dire de la pression éducative, professionnelle, sociale qui oriente un dirigeant dans ses décisions. Lorsqu'un être humain normal, moyen, se situe dans une situation sociale qui ne limite plus son besoin d'omnipotence (l'enfant roi), son besoin de pouvoir (Adler, 1918) ou son besoin de consommer.C’est donc par un changement intérieur personnel (psychologique, pratique, voir spirituel…), par le renoncement à son besoin consommer, de paraître, pour se consacrer à un véritable service des autres, que la société peut évoluer plus rapidement. En effet, lorsqu’une grande masse d’individus opère un changement de conscience, alors les règles sociétales, les lois internationales, les pouvoirs mondiaux se transforment vers plus d’équité. Ces changements de conscience et ces nouvelles règles sociétales empêchent alors certains individus placés au sommet des organisations (économique, politique, sociale, religieuse…) de se laisser dériver vers leurs faiblesses (tel le besoin de possession sans limite), qui les conduisent à reproduire les pratiques productivistes. C’est donc la transformation intérieure des individus qui agit sur la régulation globale de la société qui, elle-même, façonne de nouveaux individus via les diverses formes de l’éducation des masses (école, médias, discours politiques…). Car une éducation des masses, façonnée par des élites ou des peuples empreints du besoin de consommer, ne fait que se reproduire elle-même, créant une société de la marchandisation.

DIMENSION SANITAIRE, PSYCHOLOGIQUE, ET SPIRITUELLE

Culture Moderne(du capitalisme occidental

techno-industriel)

Culture traditionnelle (des peuples premiers)

Culture postmoderne(de la décroissance

écosocialiste)Approche du corps

Approche mécanique et matérialiste du corps appuyée

La santé dépend de l'harmonie entre l'être humain, la nature et

La santé physique est en relation avec la santé psychique

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et de la santé sur une médecine fondée sur la chimie les esprits

Mode de raisonnement

IntellectualisteRéductionnisme scientisteCe qui n'est pas scientifiquement vérifié n'existe pas

Bon sens pratiqueIntuition chamanique Approche symbolique, spirituelle et mythologie de la réalité

Recherche de l'harmonie entre l'intuition et l'intellectApproche symboliqueet mythologique du mondeExpérimentation personnelle

Psychologie Approche égotique

Culte de l'EgoBesoin de puissance et de reconnaissanceOubli de soi dans l'activisme

Sagesse et principes fondés sur l'autorité des anciens et de la tradition spirituelle

Recherche de la connaissance de soi, pour se détacher de ses dépendances (développement personnel)Se changer soi pour changer le monde

La « personnalité culturelle » narcissique et prédatrice dans la culture capitalisteLe système capitaliste exerce un impact sur notre psychisme explique Christopher Lasch

(2000)26, dans son livre, « la culture du narcissisme ». Dans la mesure où le capitalisme libéral valorise la réussite individuelle, le mérite, la compétition entre les individus, cela renforce le culte de l'Ego, la recherche de pouvoir, le besoin de reconnaissance, l’oubli de soi dans l'hyperactivité… De même que le fait de consommer plus qu’autrui, ou de pouvoir acheter des biens et des services très onéreux, afin d’afficher de manière ostentatoire sa réussite sociale, par exemple par l’achat d’une voiture haut de gamme, ou d’une magnifique maison.

Pour reprendre le terme de « personnalité culturelle » de l’anthropologue Abraham Kardiner (1969)27., le capitalisme forgerait ainsi une personnalité narcissique, individualiste et prédatrice. Cette orientation tend ainsi à s’opposer à la recherche d’une maturité intérieure fondée sur la connaissance de soi, le détachement vis-à-vis de ses dépendances (possession, orgueil, besoin de pouvoir, reconnaissance sociale…). Il s’agit du processus d’individuation, dans les termes du psychanalyste Carl G. Jung (1995 : 280)28, le contemporain de Freud. A la différence de l’individualisation qui tend vers l’égoïsme, le narcissisme et la solitude, l’individuation contribue à nous différencier, à développer notre spécificité, non pas pour se hisser au dessus de la masse, mais pour apporter à la collectivité une couleur différente, des qualités personnelles. Il s’agit des bienfaits de la coopération sociale par la diversité, qui se rapproche de l’utilité de la « biodiversité », au plan biologique. Ainsi, le changement de soi, la transformation individuelle contribue à changer le monde, à la fois par l’action concrète et aussi par la force de la diffusion de l’exemple.

Pourquoi un tel besoin d’être aimé et reconnu ? Si Christopher Lasch (2000) nous montre notamment une des causes relevant de l’analyse sociologique, l’autre aspect répond à des critères plus psychologiques. L’apport principal de Freud et de la psychanalyse a été de montrer qu’il existait un inconscient et un subconscient qui dirigeaient nos comportements à notre insu, de manière plus ou moins forte, selon les moments, les situations et les personnes. Pour certains courants de la psychologie, le besoin d’être aimé et reconnu réside principalement dans un manque d’amour et d’estime de soi, qui peut venir de l’enfance et qui est entretenu à l’âge adulte. Les deux peurs les plus fondamentales sont la peur de manquer d’amour et du manque de puissance, qui si elles sont poussées à leur extrême conduisent à l’angoisse de la mort en situation de total abandon ou 26 LASCH Christopher, La culture du narcissisme, Climats, 2000 (première édition : 1979). 27 KARDINER Abraham, 1969, L’individu dans sa société, Gallimard.28 JUNG Carl G., Les Racines de la Conscience, Buchet Chastel, 1995.

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d’insécurité absolue. C’est pourquoi, en dernière analyse, la peur fondamentale qui régit toutes les autres est la peur de la mort, du vide absolu.

C’est donc, moins grâce au la fuite de la réalité par des actions relevant de la chirurgie esthétique, moins l’illusoire compensation offerte grâce à l’accès à des situations sociales valorisantes, que par un retour sur soi, que les êtres humains peuvent se libérer de la tyrannie de la quête de reconnaissance et d’amour, de la peur du vide et de la mort. Une psychothérapie, ou simplement une autoanalyse consiste à prendre conscience de ses peurs, à être à l’écoute de ses manques, puis à les accepter, et chercher à y répondre en les reconnaissant d’abord, puis en cherchant à s’en détacher, ou à y répondre par des actions concrètes. Le dépassement de ses peurs inconscientes consiste donc une étape fondamentale, vers le mieux être, l’accès au bonheur de vivre et finalement à l’autonomie véritable de l’être humain, fondement d’une société émancipée.

Du fétichisme de la consommation de masse, à l’aliénation des travailleursMarx affirmait que « La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison

du procès de production sociale qu'en épuisant simultanément les deux sources d'où jaillit toute richesse: la terre et le travailleur » (Marx, 1963)29. Dans son livre le Capital, l’analyse de Marx précise ce processus illusoire relevant du besoin de consommer et commercer. Il explique que lorsque nous achetons une marchandise, nous oublions que ce n’est qu’un objet matériel et nous en faisons une idole, un fétiche, nous sommes victimes du mécanisme de « fétichisation de la marchandise » (Marx, 1948 I,1,4 : 57)30. « Pour trouver une analogie à ce phénomène, il faut la chercher dans la région nuageuse du monde religieux » souligne Marx (1948 : 1, 1 : 83)31. Il est d’ailleurs assez révélateur de voir que ces dernières années, la marchandisation de la société ne cesse de s’accroître. Ce que l’on qualifiait de légumes, d’animaux ou d’activités de loisir sont devenus des « produits », or ce terme n’était autrefois attribué qu’aux seuls produits fabriqués à partir de la chimie.

Marx pousse ensuite plus loin son analyse avec le concept de réification, qui concerne la substitution des rapports entre les choses, aux rapports entre les hommes. C’est la transformation symbolique, du produit du travail et de la force de travail en marchandise qui le rend possible. C'est-à-dire que les relations sociales et humaines entre les hommes ne sont plus perçues, que comme des relations marchandes. Dans « Misère de la philosophie », Marx pousse, dans sa logique extrême, la logique de certains économistes pour qui seul compte le temps de travail, « le temps est tout, l’homme n’est plus rien ; il est tout au plus la carcasse du temps » (Marx Karl, 1862: 47)32.

L’aliénation est à l’origine est un terme juridique, mais il est aussi un concept transversal puisqu’il s’inscrit à la fois en philosophie, économie et psychologie. Il est issu de Hegel et repris par Marx, qui le décrit comme l’état dans lequel l’être humain est détourné de sa conscience véritable, par les conditions économiques dans lesquelles il vit. Le prolétaire voit son travail lui devenir étranger, aliéné, son travail perd de sa vitalité, car il est incorporé dans les machines et dans l’argent. La répétition infinie et abrutissante d’une même tache aliène les travailleurs. Pour Marx, « l’aliénation de l’ouvrier dans son produit signifie non seulement que son travail devient un objet, une existence extérieure, mais que son travail existe en dehors de lui, indépendamment de lui, étranger à lui, et devient une puissance autonome vis-à-vis de lui, que la vie qu’il a prêtée à l’objet s’oppose à lui, hostile et étrangère (…) ». En quoi consiste l’aliénation du travail? « D’abord, dans 29 MARX, 1963, Le capital, Livre I, (fin du 13e chapitre), Oeuvres/Economie, I, Gallimard.30 MARX Karl, Le capital. Critique de l'économie politique, Livre I, section 1, chapitre 4, Paris: Éditions sociales, 1948 (1867).31 MARX Karl, Le capital. Critique de l'économie politique, Livre I, section 1, chapitre 1, Paris: Éditions sociales, 1948 (1867).32 MARX Karl, 1962 (1847), Misère de la philosophie, Paris, Editions sociales.

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le fait que le travail est extérieur à l’ouvrier, c’est-à-dire qu’il n’appartient pas à son essence, que donc, dans son travail, celui-ci ne s’affirme pas mais se nie, ne se sent pas à l’aise, mais malheureux, ne déploie pas une libre activité physique et intellectuelle, mais mortifie son corps et ruine son esprit. En conséquence, l’ouvrier n’a le sentiment d’être auprès de lui-même qu’en dehors du travail et, dans le travail, il se sent en dehors de soi. (…) Enfin, le caractère extérieur à l'ouvrier du travail apparaît dans le fait qu'il n'est pas son bien propre, mais celui d'un autre, qu'il ne lui appartient pas, que dans le travail, l'ouvrier ne s'appartient pas lui-même, mais appartient à un autre » (Marx, 1962)33.

Lorsqu’un individu est aliéné, il n’a même pas conscience d’être exploité, pas conscience d’être dominé, ni même d’appartenir à une classe sociale particulière avec qui il pourrait défendre ses intérêts (la classe en soi). Cependant, l’aliénation peut prendre différentes formes, religieuse avec Ludwig Feuerbach (1804-1872), familiale, sexuelle, ou socio-économique chez Marx. La phrase célèbre de ce dernier « la religion est l’opium du peuple » illustre bien, comment les pouvoirs religieux sont parvenus à dominer et aliéner leurs adeptes et les travailleurs de leurs obédiences, pour leur faire accepter leur domination politique et économique et celle des capitalistes et auparavant des monarques. Cependant, il faut distinguer, le pouvoir religieux, de la vie spirituelle, qui sont de nature bien différente.

33 MARX Karl, Manuscrit de 1844, Economie politique et philosophie, Paris, Editions Sociales, 1962.

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Culture Moderne(du capitalisme occidental techno-

industriel)

Culture traditionnelle (des peuples premiers)

Culture postmoderne(de la décroissance écosocialiste)

Forme de travail

Travailler plus, plus vite, plus efficacement, recherche de la productivité maximum, pour gagner plus.

Travailler au rythme des saisons, de la lumière du jour, et cesser quand les besoins essentiels sont satisfaits

Partage le travail, pour que tous y ait droitTravailler moins pour accroître son temps pour soi et autrui

Forme de la valeur

et mode de calcul de la

richesse

Valeur marchande PIB qui croit même avec les destructions (accidents, réparation…)

Valeur d'usageet valeur symbolique (prestige, pouvoir magique…)

Equilibrer valeur d’usage et valeur marchandeIDH (indice de développement humain)

Approche de la technique

Pouvoir de la technique (technicien et technocrate) supérieure au pouvoir du peupleUtopie prométhéenne de la technique comme solution à tous les problèmes, y compris la fin des ressources non renouvelables (pétrole, uranium, métaux…)

Technique artisanale

Technologie appropriée et maîtrisée (fondée sur l'identité culturelle et l'autonomie).Renoncement à la solution du tout technologiqueOu, principe de précaution fondé sur une décroissance en attendant les alternatives technologiques

"Métiers" typiques

IndustrielTechnicienScientifique

ChasseursCueilleursCultivateursChamanes

Professions "alternatives"Professions sociales et écologistesMétiers de la culture Enseignement

Le respect de la nature suppose une expérience vécueLa démocratie écologique reste à inventer collectivement. Les problématiques qu’elle soulève

requièrent, des citoyens, la capacité à l’insérer dans chacun de leurs gestes, de leurs pensées et leurs objets matériels, afin de reconsidérer la place qu’ils occupent dans la nature et les conséquences écologiques et sociales que cela implique.

Il s’agit du « développement d’une ‘’culture de la nature’’ soucieuse d’un ‘’habité’’ harmonieux et attentive aux espaces occupés par les autres habitants » (Flipo, 2009). En effet, Arne Naess explique que la préservation de la nature suppose une expérience vécue de la nature, comme source de plaisir, de bien être, de santé mentale et physique. Sans cela, il est difficile de réussir à se motiver pour la défendre. Si, notre « ’’soi’’ est élargi et approfondi, alors la protection de la nature nous permet de nous sentir libre et est alors perçu comme la protection de nous-mêmes ... De même que nous n’avons pas à nous faire la morale pour respirer ... si votre ’’moi’’au sens large englobe un autre être, vous n'avez besoin d'aucune exhortation morale à le protéger ... », ni d’une pression extérieure, telle que la loi pour protéger la nature et les animaux qui y vivent (Naess, 2008)34.

De plus, le raisonnement purement intellectualiste, vis-à-vis de l’écologie et plus largement du monde, consistant à penser qu’il n’y a que ce qui est scientifiquement vérifié qui existe, conduite à un réductionnisme scientiste. Il tend à se couper de l’approche plus sensitive et vécue, plus symbolique et mythologie de la réalité, à exclure une relation équilibrée entre l'intellect et l'intuition.

34 NAESS Arne, 2008, Ecologie, communauté et style de vie, Editions MF, trad. Charles Ruelle.

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Or, une large part de la compréhension de la vie passe par l’expérimentation personnelle, le ressenti, avant de passer par le crible de la « raison raisonnante ». L’approche exclusivement mécanique et matérialiste du corps, appuyée sur une médecine fondée sur la chimie, omet aussi de prendre en compte que la santé dépend de l'harmonie, entre l'être humain, les autres, et la nature. Elle tend à nier le fait que la santé physique est en relation avec la santé psychique.

Culture Moderne(du capitalisme occidental techno-

industriel)

Culture traditionnelle (des peuples premiers)

Culture postmoderne(de la décroissance écosocialiste)

Relationhomme-nature

Recherche du pouvoir de l’homme sur la nature

Homme au dessus de la nature et coupé d’elle depuis la renaissance (les lumières)

L’être humain doit chercher l’harmonie avec la Nature considérée comme mère de l’humanité, source de sa vie et de sa vitalité (Kogis)

Recherche du respect de l'environnement pour conserver sa beauté et notre santé ("écologie classique")OuDe l'hypothèse Gaia (Lovelock), ou la terre est un organisme autorégulé à l’écosophie (Gaia est un être vivant) et la « noosphère : la conscience collective » formée par l’humanité (Teillard De Chardin) est l’intellect de la terre.

Approche de la nature

(minérale, végétale, animal)

Approche matérialiste, atomisante et utilitariste Recherche de l'harmonie

Recherche du contact de la nature comme source de bien être, de santé et de la préservation des générations futures

Approchede la santé

Approche économique, matérialiste (biologique), du corps, des maladies physiques et psychiques, d’où l'usage d'une médecine chimique (allopathique) enrichissant l'industrie pharmaceutique

Maladie considérée comme le résultat d'un déséquilibre matériel, psychique et spirituel (esprits ou dieux)Guérison par les plantes et le chamanisme

Maladie considérée, comme un déséquilibre biologique et psychiqueMédecine alternative, naturelle, traditionnelle (plantes, homéopathie, acupuncture…)

SpiritualitéSens du sacré

Fétichisme

Athéisme Ou religion monothéiste et pyramidaleFétichisme de la marchandise et même des idoles (stars médiatiques)

Relation chamanique et spirituelle avec la nature (minérale, végétale, et animale) les esprits qui les dirigentIdolâtrie et fétichisme des lieux et objets

Sacralisation athéiste de l'humanité et de la natureOu syncrétisme spirituel (recomposition de différentes spiritualités)

Démographie Diminuer la population par les seules mesures contraceptives.

Naissances nombreuses dans un but de sécurisation des parents quand il deviendront âgés et de lutte contre la forte mortalité.

Diminuer la population, grâce à la redistribution des richesses, à l’éducation, qui conduisent à l’émancipation des femmes.

Stratégie Malthusienne néolibérale contre politiques sociales en matière de démographieOn observe différentes attitudes face à la croissance de la population mondiale. En 1994, on

estimait « qu’au rythme actuel rythme de 1,6% par an, une grandeur double en 44 ans. S’il devait se maintenir, les 5,63 milliards d’hommes deviendraient 11,3 milliards en 2038, 22,5 milliards en 2082,

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etc. Pourtant l’O.N.U. prévoit que la population mondiale serait « seulement » de 8,3 milliards en 2025. Une stabilisation aux alentours de 11 à 12 milliards à la fin du XXIe siècle est son hypothèse » centrale (Population et société, 1994)35. Actuellement, les démographes estiment, qu’en 2050, la population mondiale devrait atteindre les 9 milliards36 d’individus (AFP, 2009)37. Certains experts estiment qu’à 9 milliards, voir jusqu’à 11 milliards, la terre pourraient nourrir toutes l’humanité. D’autres estiment au contraire qu’il serait préférable de revenir à un nombre très restreint et ce d’autant plus que les ressources non renouvelables tendent à disparaître.

Il existe finalement deux grandes stratégies, pour réduire la natalité mondiale : Les stratégies mathusiennes néolibérales visant à agir contre le développement de la natalité à travers divers procédés (contraception, planning familliale…). Les plus extrêmes préconisent même des solutions qui se rapproche des thèses eugénistes, tel que l’absence de soins de santé pour les plus pauvres. Dans les PED par exemple, l’absence de prise en charge des traitements du SIDA aboutit à cette situation. Or, ce laisser faire, réside finalement dans le choix politique des nations les plus riches, consistant à ne pas organiser un financement mondial de la santé.

A l’inverse, les politiques sociales qui visent redistribution des revenus, afin de favoriser l’éducation, l’émancipation des femmes, la lutte contre la discrimination à l’égard des femmes et leur autonomie personnelle, professionnelle et leur retraite. En effet, les démographes tel Emmanuel Todd, observent que plus les femmes sont instruites, moins elles mettent au monde un nombre important d’enfants. Cela s’explique notamment par une meilleure connaissance des systèmes de contraception la capacité à les intégrer et une plus grande autonomie de la femme, vis à vis de son époux et de la tradition. Mais, réunir ces conditions cela suppose aussi: des emplois et des revenus suffisants, des terres accessibles pour leur permettre de vivre de leurs revenus. Ces ressources permettant aux parents d’envoyer les enfants à l’école, afin de s’instruire afin de s’émanciper. De même la création d’un système de retraite par répartition limite la natalité. Sinon les parents font beaucoup d’enfants, afin qu’il y en survivent suffisamment pour les aider durant leurs vieux jours.

A travers certains membres de ces minorités alternatives (politiques, associatives…), on observe donc le passage de la modernité du capitalisme techno-industrielle, à la postmodernité de la décroissance écosocialiste. Ce qui suppose le passage de:

- La recherche du pouvoir, de la prédation de l’homme sur ses semblables et sur la nature (dont il est coupé), vers la recherche de l’harmonie entre l’être humain, la Nature et la Terre considérée comme une « mère symbolique ». Ce qui implique alors naturellement de respecter la nature, afin de préserver sa propre santé et de partager des richesses économiques et naturelles et lorsqu’elles sont limitées.

- La recherche de la vitesse et du productivisme matériel, vers la quête de la sobriété heureuse, respectueuse des biens non renouvelables, à travers la simplicité volontaire, afin de développer aussi les qualités intérieures de l’être humain, -L’approche fondée sur une vision réductionniste, c’est à dire intellectualiste, matérialiste et atomisante de la société et du monde, vers une approche symbolique et unifiée du monde, alliant 35 POPULATION ET SOCIÉTÉ , oct 1994, Bulletin Mensuel d'Information de l'Institut National d'Études Démographiques, INED, n° 294. 36 37 AFP, Des experts appellent à freiner la croissance de la population mondiale, 21/09/2009.

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l’intellect et l’intuition.

2) LIMITATION, REDISTRIBUTION DES RICHESSES ET PROTECTION DES BIENS COMMUNS (En opposition à l'accumulation capitaliste et à son productivisme illimité):Fabrice Flipo explique que la nature, qui n’est produite par personne, est la propriété de toutes et

de tous. Une démocratie écologique doit donc pérenniser les droits de tous les êtres humains à disposer d’un espace écologique minimal (terre, climat, services écologiques essentiels ressources renouvelables ou non, etc.) lui permettant de disposer des moyens de vivre. Elle doit aussi faire en sorte que les disparités de modes de vie ne dépassent pas un espace écologique maximum au-delà duquel les autres espaces écologiques sont réduits. L’idée de « res communis » peut traduire cela : la nature est une chose commune au sens où chacun(e) doit y avoir droit mais pas plus que sa part (Flipo, 2009)38.

C’est pourquoi, une des conditions de la décroissance écosocialiste réside dans la redistribution et la limitation des richesses. C’est-à-dire la :

- Limitation des salaires (de 1 à X fois le salaire minimum)- Limitation des revenus (intérêts, dividendes…) à X %- Limitation du patrimoine à X euros et/ou X biens (maison, terrain, véhicule…)- Redistribution des richesses économiques des individus, des entreprises et des Etats:

- par les impôts et les taxes (sur les produits, les profits, salaires, spéculation…)- du local à l'international, - intégrant la dette écologique (fondée sur notamment sur l'empreinte écologique)

et la dette économique du Nord vis-à-vis du Sud (reposant notamment sur les prélèvements coloniaux et néo-coloniaux).

- Limitation des prélèvements et de la consommation des ressources non renouvelables (pétrole, métaux…) et des biens communs (eau, sols, forêt, air, animaux…) afin de préserver la vie des générations futures sur la terre.

La préservation des biens communs et la décroissance de la consommation des ressources non

renouvelables supposent une régulation publique internationale démocratique fondée sur la subsidiarité. C'est à-dire que chaque Etat, étant souverain, dispose du droit de gérer lui même ses ressources (renouvelables ou non). L'ingérence humanitaire, (ou écologique) renforçant généralement les pratiques consistant à s'immiscer dans la souveraineté d'un Etat et d'un peuple.

Enfin, la préservation des biens ne peut se limiter à des lois relevant de l'hétéronomie, c'est-à-dire de lois extérieures à l’être humain, mais suppose une éthique de l'autolimitation individuelle telle que l’exprime Castoriadis (1996). Une autolimitation qui soit fondée sur le principe de la « simplicité volontaire » (Burch, 2003) s'inscrivant dans le registre de l'autonomie. Ceci, afin de pouvoir réellement mettre en œuvre cette autolimitation, en vue d’un partage équitable des ressources entre tous les êtres vivants. D’un point de vue éthique et logique, cette décroissance de la consommation devrait théoriquement débuter par celle des individus les plus riches, car ce sont eux qui possèdent généralement « l’empreinte écologique » la plus forte, donc qui pèsent le plus sur l’environnement et sur les ressources naturelles.

38 FLIPO Fabrice, 2009,  « La Terre, 2108 : un archipel de communautés autonomes », Mouvements.

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Pour Castoriadis, « la suppression de la hiérarchie des salaires est donc le seul moyen d'orienter la production d'après les besoins de la collectivité, d'éliminer la lutte de tous contre tous et la mentalité économique, et de permettre la participation intéressée, au vrai sens du terme, de tous les hommes et de toutes les femmes, à la gestion des affaires de la collectivité » (Castoriadis, 1979)39. Dans cette vision de la démocratie économique, ce qui motive l’individu, devient le besoin de servir autrui, d’être reconnu pour son action, pour son statut plus que par son salaire. D’ailleurs, lorsque l’on demande à des individus s’ils préfèrent être éboueurs à 2000 euros, ou artiste, PDG ou chef d’Etat pour 1000 euros, la plupart préfère être rémunéré moins, mais finalement obtenir une reconnaissance sociale. Actuellement en occident, le montant du salaire remplit aussi une fonction de reconnaissance, de prestige sociale, du moins pour les hauts salaires.

39 CASTORIADIS Cornélius, Le contenu du socialisme, (1955), éd.10/18, 1979.

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Culture Moderne(du capitalisme occidental

techno-industriel)

Culture traditionnelle (des peuples premiers,tel les indiens Kogis)

Culture postmoderne (de la décroissance

écosocialiste)

Usage des ressources non renouvelables

et des ressources naturelles

Consommation jusqu'à leur terme, des biens non renouvelables, considérés pour leur valeur marchande et pour satisfaire l'impératif de croissance infinie

Approche fondée sur leur valeur d'usage permettant la reproduction de la nature par une consommation non excessive

Décroissance de la consommation des ressources non renouvelables et tentative de gestion rationalisée et collective

Mode de répartition des richesses et de

solidarité

L'accroissement des richesses globales bénéficiera à tous par ruissellement (percolation)

Solidarité économique communautaire

Recherche d’une redistribution des richesses et d'une régulation sociale à la fois mondiale et relocalisée de manière sélective

Mode d'accumulation

mode de détachement

Accumulation fondée sur un besoin de puissance et de possession (peur du manque)

Cesser d’accumuler quand les besoins minimums sont atteints

Recherche du détachement du besoin de possession et de la« simplicité volontaire »

Limitation de la richesse

Pas de limite théorique (milliardaires en nombre croissant)

Richesse matérielle secondaire, car limitée à ce qui peut être transportée

Autolimitation, fondée sur le principe de la sobriété heureuseVolonté de limiter et redistribuer les salaires, revenus et patrimoine.

Mode d'échange (lien

socio- économique)

Recherche de l'intérêt individuel par le profit économique ou symbolique (prestige)Echange monétaire internationalOuverture des marchés à la loi du plus fort

Don et contre don matériel, symbolique et socialTroc

Monétaire (globale) et monnaie locale (SEL)Economie de proximité (pour privilégier aussi la relation sociale)Protectionnisme

Mode de production

Productivisme et croissance infinie, comme moteur du capitalisme

Economie de subsistance

Décroissance de la production des plus riches pour permettre celle des plus pauvres (au moins jusqu’à atteindre une empreinte écologique soutenable et égale pour tous).

Localisation de la production

SpécialisationDomination du centre sur la périphérieInégalité des termes de l'échangeOuverture des marchés

Production localeEchanges limités essentiellement aux nomades

Autonomie locale et nationale, avant d’échanger Relocalisation sélective de la production

Méthode de culture

ProductivisteIntensiveChimique, génétique, enrichissant l'industrie agro-alimentaire

ExtensiveFondée sur l'harmonie avec les esprits des plantes, de la pluie…Cueillette, chasse (Nomadisme), culture sur brûlis

BiologiqueCulture de proximitéRotation des cultures

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3) LA SOCIALISATION DEMOCRATIQUE DES MOYENS DE PRODUCTION DES GRANDES ENTREPRISES (plutôt la propriété privée de leurs moyens de

production)Pour Marx, le cœur du capitalisme est la propriété privée des moyens de production dont les

propriétaires tirent la plus-value sur leurs salariés et dont la finalité est d'accroître sans cesse leur capital ((Marx, 1948)40. Pour les écosocialistes, la socialisation démocratique (ou nationalisation, appropriation, ou propriété collective des moyens de production des grandes entreprises) s'avère donc le premier pas qui permet de basculer véritablement vers une société non capitaliste. Les PME ne sont pas concernée, afin de conserver la liberté d’initiative des acteurs économiques à la base du système, en effet une planification intégrale deviendrait trop lourde, trop centralisé et inadapté aux besoins des citoyens. A travers le tableau ci-dessous synthétisons les différences et les principes du capitalisme néolibéral, du communisme soviétique, et de la décroissance écosocialiste.

Tableau comparatif schématique de trop modèle économique (idéaltypique)Le capitalisme néolibéral

Le communisme soviétique

 

La décroissance écosocialiste  Le capitalisme

Nature de la Propriété

Propriété privée des moyens de production

Appropriation collective de tous les moyens de production

Socialisation des moyens de production des grandes entreprises (partielle et non totale)

Accumulation/ redistribution

Accumulation illimitée des richesses par des intérêts privés et plus-value

Redistribution des richesses imparfaite dans la réalité

Limitation et redistribution des richesses (et non égalisation)

Motivation (Incitation)

Motivation fondée sur l'appât du gain, le profit économique individuel.

Motivation fondée surtout sur la reconnaissance sociale (pas sur le profit), d'où un manque de motivation

Motivation fondée aussi sur la reconnaissance sociale, voir le service altruiste et pas seulement sur le profit économique.

Le libéralisme économique Le communisme soviétique

La décroissance écosocialiste

Mode d’organisation de

la production : régulation par le marché et liberté

d'initiative/Planification

étatique/

Liberté d'initiative des acteurs économiques stimulée par la concurrence (régulation par le marché: les entreprises privées), dérégulation (ou rerégulation libérale) des règles et lois, sociales, écologiques financières, monétaires, investissements, commerce international (mais pas de la circulation des personnes)… La régulation libérale suppose un Etat minimaliste, mais fort, pour faire appliquer ses règles et lois.

Planification de la production par l'Etat, donc une insuffisance de la liberté d'initiative des acteurs économiques.

Liberté d'initiative économique des PME et coopératives et des grandes entreprises socialisées (et non dérégulation, ou centralisme), mais incluant une large régulation du marché, par des pouvoirs publics démocratisés (subsidiarité, décentralisation, délégation, participation, co-décision, consultation…).

Forme de démocratie

Démocratie libérale (pluraliste, c’est-à-dire concurrence entre groupes privés plus que décisions par les pouvoirs publics).

Démocratie limitée à la "dictature du prolétariat", planification de la production par l'Etat, donc une insuffisance de la liberté d'initiative et une inadéquation aux besoins de la base

Démocratie participative mais avec arbitrage final des pouvoirs publics

40 MARX Karl, Le capital. Critique de l'économie politique, Paris: Éditions sociales, 1948 (1867).

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Mode de gestion interne et de régulation démocratique des grandes entreprises socialiséesOr, une large part des projets écosocialistes, concernant la régulation démocratique des grandes

entreprises publiques (socialisées) par les décisions d’orientations générales votées par le parlement national sont pratiquées depuis longtemps, dans le cadre du modèle socio-démocrate. Cette régulation étatique de l’économie est réalisée, grâce à des incitations (et non des contraintes) fondées sur des subventions, ou des votes des représentants de l’Etat au sein des conseils d’administration et une délégation de certaines opérations financées par les pouvoirs publics auprès des associations et des entreprises, dans certains secteurs.

Du point de vue de la régulation de l’économie, les décroissants écosocialistes ne cherchent finalement qu’à pousser les tendances socio-démocrate existantes vers plus de radicalité sociale et démocratique. Au croisement des expériences de la démocratie participative, de l’autogestion (Sainsaulieu, 1972)41, de la théorie des parties prenantes ou des stakeholders (Freemann, 1984)42, on observe une convergence concernant la démocratisation de la régulation des entreprises, entre les partisans de politiques sociales démocratisées, telle l’association Attac, certaines associations d’usagers des services publics, ou certaines tendances du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), ou du parti communiste (PC). Dans ces organisations, après la crise financière de fin 2008, un consensus s’est opéré autour de la nécessité de nationaliser ou de socialiser les banques. Certains tels les décroissants écosocialistes et certaines tendances du NPA estiment qu’il faut pousser ce choix plus loin, c’est-à-dire jusqu’à socialiser l’ensemble des grandes entreprises privées et aussi à les démocratiser. Avant de devenir porte parole du NPA, Olivier Besançenot déclarait en 2008, lors d’un meeting de la LCR, durant les présidentielles à Besançon : « il faut nationaliser, socialiser les grandes entreprises, mais pas l’ensemble de l’économie. Il faut laisser les petites et moyennes entreprises fonctionner librement, en conservant leur caractère privé ». Bien, que ce ne soit pas l’avis de tous les membres du NPA, dont certains sont plus radicaux, Alain Krivine l’ex-porte parole de la LCR et actuellement membre du conseil politique national du NPA, tenait un discours semblable lors d’un meeting pour les européennes, à Besançon, en mai 2009. Dans leur perspective, les décisions des grandes entreprises socialisées seraient par exemple assurées par:

- une direction participative fondée sur la subsidiarité des décisions dans l'entreprise.- par un conseil d'administration composé par:

- les syndicats de salariés,- les associations parties prenantes (usagers, consommateurs, associations écologistes…),- les représentants de l'Etat ou des pouvoirs publics locaux:

(les élus du peuple sont choisis pour préserver l'intérêt général)- et par un directeur élu par ces différents acteurs.

Socialiser seulement les grandes entreprises, afin de conserver la liberté d'initiative des PMELa planification nationale de la production des anciens systèmes communistes a échoué,

notamment parce qu'elle était trop rigide et insuffisamment adaptée aux besoins de la base (la demande des consommateurs et du marché) et par un manque de démocratie. Pour les tenants des politiques sociales démocratisées, il s’agit donc de préserver la liberté d'initiative, dans une

41 SAINSAULIEU Renaud, La démocratie en organisation : vers des fonctionnements collectifs de travail, Librairie des méridiens, Paris, 1972.

42 Pour Freeman, « une partie prenante, représente tout groupe ou individu qui peut être affecté ou est affecté par les actions mises en oeuvre par une organisation pour atteindre ses buts ». Par exemple des ONG, des clients... L’entreprise aurait donc une obligation morale de prendre en considération ses parties prenantes dans sa gestion et ses activités.

FREEMAN, “The politics of stakeholders theory: some future directions.Business of Ethics Quaterly, n°4:4, 1984.

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régulation démocratisée de l'économie. Actuellement, pour le courant «socialiste autogestionnaire », dont était autrefois partisan la CFDT, pour l'Union syndicale Solidaires (union à laquelle appartiennent les syndicats SUD), pour le courant École Émancipée et de la CNT, il s'agit donc de laisser aux acteurs économiques le maximum de liberté d'initiative et de démocratie économique, sociale et politique. Il faut aussi limiter la socialisation aux grandes entreprises, sans toucher les petites et moyennes entreprises (PME), les coopératives privées et les travailleurs indépendants, car leur régulation dans le cadre d’une économie planifiée est inadaptée à leur multitude et donc à leur liberté d’initiative.

Au plan politique, ce qui différencie une PME d'une grande entreprise, c'est que cette dernière dispose d'un impact politique et économique, d'une capacité d'influence sur les élus nettement plus importante. En effet, les transnationales, de par leurs puissances économiques dépassent le budget de certains Etats et leurs réseaux d’influence politique surpassent parfois le pouvoir de certains gouvernements.

L'idéal du socialisme autogestionnaire, des années 50 à 70, était l'appropriation collective de toutes les entreprises et une autogestion collective. Mais, Renaud Sainsaulieu a observé qu'au plan de la démocratie interne, les expériences, comme celle de LIP, ont montré qu'il était souvent difficile de parvenir à une démocratie véritable, notamment par manque de temps disponible pour les discussions et parfois aussi par une insuffisance de compétence (Sainsaulieu, 1972). Cela ne signifie pas qu’un niveau élevé de démocratie, dans l'entreprise, est inatteignable, mais qu’il s’agit de rester prudent vis-à-vis d’une approche trop utopique, fondée sur le seul idéal de l’égalité parfaite dans la capacité à la prise de décision. Ce qui peut être dissocié de l’égalité en terme de salaire entre tous les membres d’une entreprise, qui relève de pratique qu’on observe déjà parfois.

Dans les nations communistes du bloc soviétique, où toute propriété privée des moyens de production avait disparue, plus aucune entreprise n'appartenait aux individus privés. Ceci a conduit à une trop grande dépendance vis-à-vis de l'Etat, des pouvoirs publics locaux, ou des banques publiques pour pouvoir investir de manière libre et répondre de manière adéquate rapidement aux besoins de la population.

Pour remédier à cet écueil, les sociaux démocrates, le Parti Socialiste en 1981, on choisit de conserver une certaine proportion de propriété privée (motivation pour un profit économique) et de liberté d'initiative. Entre la planification soviétique, la régulation par le marché du libéralisme économique, le curseur oscille donc selon les expériences historiques. Actuellement les sociaux démocrates européens, tendant plutôt vers le pôle libéral. La décroissance écosocialiste cherche, quant à lui, un équilibre fondé sur une planification démocratique (par le parlement et les citoyens..) des grandes orientations des grandes entreprises socialisées, de l'Etat et sur la conservation de la liberté d'initiative des PME et des coopératives. Ce point d’équilibre est donc situé entre le pôle du capitalisme social des sociaux démocrates et le pôle de l’économie uniquement publique et planifiée par d’Etat de l’ex-modèle soviétique.

Dans la décroissance écosocialiste, les travailleurs indépendants et les PME et les coopératives privées conservent leur fonctionnement actuel, c'est à dire leur liberté de choix de création et d'investissement, car cela permet la liberté d'initiative et la motivation par les revenus individuels. Par contre, les entreprises sont incitées à se démocratiser et à fonctionner, comme les coopératives (pour élargir le pouvoir de décision), même si ce n’est pas la démocratie et l'égalité parfaite. Si les grandes entreprises privées étaient alors socialisées, la propriété privée de chaque travailleur indépendant et de chacun des propriétaires des PME et des coopératives existerait toujours, mais serait limitée à X euros ou biens, de même que leurs profits et leurs salaires.

L’économie participaliste

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«L'économie participaliste» (ou parecon) conçue par Michael Albert (2003) est un autre exemple, de régulation démocratique et planifiée de l’économie, dans la mesure ou elle s’oppose « au marché capitaliste et à la planification bureaucratique » et quelle accorde la confiance à « l'auto-organisation des travailleurs et l'anti-autoritarisme » (Löwy, 2008)43.

Dans le modèle de planification participative d'Albert, «les travailleurs et les consommateurs déterminent en commun la production en évaluant de façon approfondie toutes les conséquences. Les instances d'assistance décisionnelle annoncent ensuite les indices des prix pour tous les produits, les facteurs de production, dont la main d'œuvre et le capital fixe. Ces indices sont calculés en fonction de l'année précédente et les changements survenus. Les consommateurs (individus, conseils, fédération de conseils) répondent par des propositions en utilisant ces prix comme une évaluation réaliste de l'ensemble des ressources, du matériel, de la main d'œuvre, des effets indésirables (tels que la pollution) et des avantages sociaux inhérents à chaque bien ou service. Simultanément, les travailleurs individuels, ainsi que leurs conseils et fédérations, font leurs propres propositions, en annonçant ce qu'ils prévoient de produire et les facteurs de production nécessaires, en se basant eux aussi sur les prix comme estimation de la valeur sociale de la production et des coûts qu'elle implique. Sur la base de propositions rendues publiques par les travailleurs et les consommateurs, les conseils décisionnels peuvent calculer les excès d'offre ou de demande pour chaque produit et réviser l'indice des prix selon une méthode qui fait l'objet d'un accord social. Les conseils révisent alors à leur tour leurs propositions [...] Dans la mesure où aucun acteur n'a plus d'influence qu'un autre dans le processus de planification, où chacun évalue les coûts et les bénéfices sociaux avec un poids qui correspond à son degré d'implication dans la production et la consommation, ce processus génère simultanément équité, efficacité et autogestion » (Albert, 2003) 44. L’intérêt du modèle d’Albert réside dans son analyse précise de la complexité des processus de décisions, cependant à la différence de la planification de la décroissance écosocialiste, il ne prend pas en compte les représentants de l’Etat dans les prises de décisions. Or, malgré les limites, ils restent encore les plus légitimes représentants de l’intérêt général, lorsqu’ils sont élus par l’ensemble de la population. L’autre limite, réside dans le fait que ce système concernerait l’ensemble de l’économie et non pas les seules grandes entreprises. Or, vouloir étendre la planification, jusqu’aux PME s’avérerait contreproductif, comme on a pu le constater dans le système soviétique.

L'impossibilité de concilier égalité de revenus, de pouvoir de décision et de prise de risque dans l'entreprise

Pour Castoriadis, « la suppression de la hiérarchie des salaires est donc le seul moyen d'orienter la production d'après les besoins de la collectivité, d'éliminer la lutte de tous contre tous et la mentalité économique, et de permettre la participation intéressée, au vrai sens du terme, de tous les hommes et de toutes les femmes à la gestion des affaires de la collectivité » (Castoriadis, 1979)45. Dans cette vision de la démocratie économique écosocialiste, ce qui motive l’individu, devient le besoin de servir autrui, d’être reconnu pour son action, pour son statut plus que par son salaire. D’ailleurs, lorsque l’on demande à des individus s’ils préfèrent être éboueurs à 2000 euros, ou artiste, PDG ou chef d’Etat pour 1000 euros, la plupart préfère être rémunéré moins, mais finalement obtenir une reconnaissance sociale. Actuellement, en occident, le montant du salaire remplit aussi

43 LÖWY Michael, « Écosocialisme et planification démocratique », Ecologie & Politique, n ° 37, 2008, p. 165-180.

44 ALBERT Michael, Après Le Capitalisme - Eléments D'économie Participaliste, Agone, 2003, 190 p., in Löwy (2008).45 CASTORIADIS Cornélius, Le contenu du socialisme, éd.10/18, 1979 (1955).

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une fonction de reconnaissance, de prestige sociale, du moins pour les hauts salaires. Si l’analyse de Castoriadis (1979) se défend sur le plan des salaires, par contre, une société ou les

PME et les coopératives seraient fondées, sur les principes de l'égalité des revenus et de la liberté égale de tous, conduirait probablement à une faillite généralisée. En effet, tous les individus ne disposent pas des mêmes ressources financières et ne désirent pas forcément investir dans des moyens de production privés (les coopératives sur ce point fonctionnent comme de nombreuses entreprises privées fondées sur la propriété privée de plusieurs individus). Par conséquent, ces les individus ne peuvent donc pas tous disposer des mêmes droits et pouvoirs de décision. Car, une décision erronée peut conduire à des pertes financières, si la coopérative ou l'entreprise fait faillite. Dans la perspective de la décroissance écosocialiste, la société n'a pas à prendre en charge les prises de risques inconsidérées (d'un dirigeant d’une banque privée, ou d’une petite coopérative). C’est à dire que celui qui échoue doit être pénalisé financièrement et de manière proportionnelle. Par conséquent, tous les individus ne disposeront pas de ressources financières absolument égales à terme, même si un minimum et un maximum sont indispensables.

Peut-on imaginer une société où tous les individus disposent de capitaux, de biens et de salaires égaux? Oui, en ce qui concerne les salaires, mais pas complètement au niveau des revenus. Ils pourraient alors se réunir pour créer des coopératives ensemble. Or, une société, où tous les individus auraient les mêmes ressources financières, supposerait que la prise de risque, donc que la motivation ne soit pas valorisée. Lorsque l’on substitue la rémunération financière par la seule reconnaissance sociale, en versant des revenus égaux, c’est la collectivité qui doit assumer les risques financiers d'un éventuel échec.

Par conséquent, les individus sont déresponsabilisés et risquent de sombrer dans ‘’l’hubris’’, c'est-à-dire la démesure explique Castoriadis (1996, IV : 137)46. Par conséquent, si l’égalité des salaires est envisageable, l’égalité complète des revenus n’est pas soutenable, dans une société où la liberté d’initiative existe. On observe donc qu'il est difficile de concilier l'égalité :

- des risques financiers d'investissement dans une propriété privée,- du pouvoir de décision,- de revenu dans l'entreprise,- de liberté d'initiative des entreprises.

La décroissance écosocialiste au plan économique : une synthèse des apports du capitalisme libéral et du communisme utopiqueFaute de parvenir à l’idéal d’un système communiste véritablement démocratique, les

décroissants écosocialistes cherchent à renforcer la démocratie à tous les niveaux de la société et des entreprises. Cependant, ils comptent se limiter à la socialisation des grandes entreprises qui ont un poids économique et politique fort et laisseraient aux PME et aux coopératives leur nature privée, donc la propriété privée des moyens de production à une personne ou à un collectif.

La décroissance écosocialiste combine alors l'appropriation collective des moyens de production, la propriété privée et la liberté d'initiative. C'est-à-dire une synthèse des points forts du communisme (l'appropriation collective et égalisation des ressources), du libertarisme et de l'anarchisme (propriété privée organisée en coopératives autonomes des Etats) et du capitalisme libérale (la liberté d'initiative et la propriété privée). Pour la décroissance écosocialiste, il s’agit donc, tout en tendant vers le pôle de l’égalité, de parvenir à tenir trois tendances parfois contradictoires :

- La régulation démocratique interne des entreprises (modèle autogestionnaire socialiste ou anarchiste).

46 CASTORIADIS Cornélius, Les Carrefours du Labyrinthe, vol I à V, Seuil, 1996.

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- La planification de la production des grandes entreprises (modèle socialiste soviétique).- La liberté d’initiative des petites et moyennes entreprises dans une économie non planifiée

(modèle libéral et socio-démocrate).

On peut donc définir trois phases vers la socialisation démocratique des entreprises:- Phase 1: La Socialisation des banques- Phase 2 : La Socialisation des grandes entreprises (mais pas des PME) - Phase 3: L’extension de la socialisation aux PME, mais jusqu'où afin de conserver la liberté

d’initiative?

4) REGULATION PUBLIQUE DEMOCRATIQUE DE LA SOCIETE DU PLAN LOCAL AU PLAN INTERNATIONAL (Plutôt que la gouvernance néolibérale par les entreprises privées)En plus des pratiques relevant du projet d’autonomie politique formulée par Castoriadis, les

tenants de la décroissance écosocialiste cherchent à faire rempart à la dérégulation croissante de la gouvernance mondiale a-démocratique et néo-libérale. Mais, pour cela, ils ne cherchent pas simplement à renforcer la régulation publique, mais l'ensemble de la démocratie, car ils estiment que la société doit à la fois être plus régulée, mais de manière démocratique, c'est à dire par les pouvoirs publics et la population. Ainsi, les niveaux de la régulation démocratique qui doivent respecter le principe de subsidiarité, sont le niveau, local, régional, national, continental, international.

Sur le plan sectoriel, la régulation démocratique concerne les règles, normes et lois régissant les secteurs de l’économie, du social, du culturel, du politique et de l’écologie.

La « bonne gouvernance » et la gouvernance néolibérale : une privatisation de la gouvernance des normes sociales et environnementales

Un des premiers à développer la théorie de la gouvernance fut Rosenau, dans son ouvrage « gouverner sans gouvernement » (Rosenau, 1992), où il introduit d’autres formes d’autorité que l'autorité étatique (Strange, 1996).Dans la mesure où, au sein de la Banque Mondiale, l’idéologie néo-libérale est hégémonique, c’est donc dans le cadre de cette politique qu’elle entend exercer ce qu’elle nomme une « bonne gouvernance ». La « bonne gouvernance », pour la Banque Mondiale, est aussi synonyme de « bonne gestion du développement » (World Bank, 1992). Marie Claude Smouts la qualifie « d’outil idéologique pour une politique de l’État minimum » (1998), mais néanmoins puissant, qui applique les principes du consensus de Washington. Cependant, si cette politique se limite aux fonctions régaliennes, cela ne signifie pas un État faible. Il s’agit en réalité d’un « État gendarme » visant théoriquement à faire respecter les règles d’un marché concurrentiel et les libertés individuelles.

La régulation démocratique suppose le respect de l’Etat de droit On peut analyser la régulation démocratique, notamment dans les relations entre les PED et

les pays développés, sous l’angle du respect de la légalité. Le non respect de la loi généralisé signifie l'absence de l'Etat de droit. Nous retiendrons la définition première et minimum de l'Etat de droit, il s'agit d'un système institutionnel dans lequel les pouvoirs publics sont

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soumis au respect du droit47. Ce n'est donc pas une démocratie parfaite, mais un minimum à atteindre pour pouvoir approfondir les autres dimensions.

L’illégal est un des aspects du non démocratique car la démocratie suppose le respect de la légalité, c’est à dire de l’Etat de droit, mais aussi, de la transparence, de la légitimité des représentants, de la participation, etc.

Dans un régime républicain occidental fondé sur le respect de l'état de droit, sur le respect des lois, sur une séparation claire entre les biens publics et privés, les pratiques néo-patrimoniales relèvent de l'illégalité. Les élus du peuple qui s'y adonnent devraient donc être punis par la justice, or c'est rarement le cas et lorsqu'ils sont inculpés, cela donne lieu souvent à des non-lieux ou à des légères peines, qui ne sont mêmes pas systématiquement appliquées. Concernant le procès Elf, quelques semaines après son incarcération, André Tarallo (le monsieur Afrique d'Elf), "en sortait pour raisons médicales" et ne devait plus jamais y retourner. M. Tarallo avait fait appel. Un an plus tard, en mars 2005, le jugement était encore plus sévère : sept ans d'emprisonnement ferme et toujours la même peine d'amende, 2 millions d'euros. Or, cette forte amende n'a toujours pas été acquittée (Robert, 200748).

Pour les décroissants écosocialistes, la régulation démocratique pour être effective doit donc reposer sur:

- une régulation légale, c'est-à-dire  respectant l’Etat de droit (les lois)- la transparence des décisions (non occultes) prises - par des acteurs légitimes du fait de leur nature, car :

- indépendants économiquement,- élus démocratiquement,- adoptant des décisions de manière suffisamment participatives.

- l'égalité dans la propriété et la gestion de l'appareil économique et financier, (pouvoir capitaliste). - I'égalité du temps pour se former et pour militer (Braibant, 2005)49.

- l'égalité des niveaux d'éducation (donc des moyens financiers d’accès à l’éducation notamment),

- l'égalité des conditions de vie et de biens (Tocqueville 1948)50 qui suppose :- Une égalité de priorité politique (égalité contre liberté) dans le vote des lois du fait de

conditionnée par une égalité des conditions de vie (Noberto Bobbio).- Une égalité économique et sociale afin de parvenir à l’égalité juridique, c'est-à-dire de

pouvoir affronter de manière égale les conséquences des pénalités économiques en cas d’infraction à la loi.

En effet, l'égalité juridique n'est pas réelle sans l'égalité économique et sociale (conditions de vie, possibilité de mobilité sociale) car l'exploitation économique capitaliste engendre la domination et l'aliénation des travailleurs. En résumé, la régulation démocratique est une régulation légale, égale, transparente, par des acteurs légitimes.

47 Dans une seconde définition (que nous ne retiendrons pas), l'Etat de droit se compose du respect des droits fondamentaux (civils et politiques), l'Etat libéral (Etat minimum, régalien, gendarme) et la démocratie libérale (pluralisme des partis, suffrage universel). "L'Etat de droit apparaît comme une organisation politique et sociale destinée à mettre en oeuvre les principes de la démocratie libérale" (CHEVALIER, Jacques, 1994, L'Etat de droit, Paris, 2e Edition, p.54).48 ROBERT-DIARD Pascale, 09/03./2007, Affaire Elf : l'amende impayée d'André Tarallo, Le Monde.49 ? BRAIBANT Patrick, 2005, Lettres aux anticapitalistes et aux autres sur la démocratie L'harmattan.50 TOCQUEVILLE Alexis, 1948, Souvenir, Tome 2, L'harmattan.

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La régulation démocratique participative encadrée par les pouvoirs publicsDans le cadre de la gouvernance globale, les partisans du néo-libéralisme proposent le

développement d'un mode de gouvernance dominé par les acteurs économiques privés. Or, au sein de la société civile une large part des mouvements sociaux transnationaux, dont les décroissants écosocialistes, ne souhaitent pas ce mode de gouvernance. Ils entendent au contraire, promouvoir un mode de régulation démocratique encadré par les pouvoirs publics nationaux et internationaux s’inscrivant dans le cadre d’une “politique sociale” et non pas libérale.

Ainsi, certains mouvements sociaux transnationaux (MSTN) telle la Clean Clothes Campaign Européenne et les écosocialistes qui militent pour le respect des normes fondamentales du travail entendent mettre en oeuvre une régulation démocratique participative, encadrée par les pouvoirs publics nationaux et internationaux. La participation à la régulation par les pouvoirs publics se renforce, lorsque les financements publics sont versés pour des actions et des idées provenant des associations civiques de développement plutôt que des seules instances étatiques notamment. Le financement attribué par l’Union Européenne, pour les projets de vérification indépendante par la CCC européenne s’inscrit dans cette dernière politique. Ces initiatives, ces projets, qui proviennent de la base, relèvent de la régulation déléguée ascendante (bottom-up). Tandis que la régulation déléguée descendante (top-down) relève, par exemple, de politiques gouvernementales mises en oeuvre par des opérateurs privés ou parapublics. Il s’agit d’appels d’offres pour des projets formulés par le public, de financement à une organisation sur la base d’une idée, d’un projet, de règles issues cette fois des pouvoirs publics (du sommet). Cette régulation déléguée descendante favorise donc moins la dimension ascendante de la régulation et sa subsidiarité. Cependant, dans les deux cas les pouvoirs publics conservent un certain “contrôle social”, un pouvoir d’arbitrage, en sélectionnant les projets de la base s’inscrivant dans son cadre politique (Brugvin, 2007)51.

Régulation démocratique fondée sur la subsidiarité et la transparence.Pour y parvenir, il s'agit selon les écosocialistes d'appliquer une régulation fondée sur le principe

de subsidiarité (une décision ne doit être prise au niveau supérieur, que si elle ne peut pas être décidée au niveau inférieur). Cela signifie que les acteurs économiques et sociaux disposeront de la libre initiative, à l'exception des obligations décidées par les autorités publiques démocratiques (pouvoirs publics et parties prenantes).

L'autre élément clé de la démocratie réside dans la transparence : c'est-à-dire notamment l'accès à l'information, textes de lois en projet, comptes bancaires dans les banques et paradis fiscaux, contrats des entreprises, nomination des juges, soutien militaire aux dictatures en Afrique… L’introduction de la subsidiarité peut ainsi être fondée:

- sur la nature et la légitimité des acteurs (privée puis publique),- la verticalité spatiale (bottom-up, régulation ascendante),

- la temporalité, c’est à dire un arbitrage différé plutôt que simultané.- un encadrement des acteurs privés par les pouvoirs publics qui soit fondé sur:

A- une norme publique (droit positif) délimitant les négociations, ou les négociations entre acteurs privés (loi cadre, directives...).

B- Et/ou l’arbitrage des pouvoirs publics :51 BRUGVIN Thierry, 2007, Les mouvements sociaux face au commerce éthique, Une tentative de régulation internationale du

travail, Hermès/Lavoisier, Londres.

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B-1- en fonction de l’intérêt des plus défavorisés ou du plus grand nombre

(dimension substantialiste) et/ou,B-2- à l’égard du processus de réflexion et de décision

de la régulation participative avec les acteurs privés (dimension procédurale).

Cependant, la participation subsidiarisée ne peut être mise en oeuvre légitimement que dans le cas où il existe une indépendance économique entre les acteurs de la régulation.

La complémentarité des formes de régulation démocratiqueLes décroissants écosocialistes préconisent, pour améliorer la régulation démocratique, de :- Renforcer la démocratie directe (chaque fois que cela est possible) avec (référendums, votation

d'initiative populaire…)- Compléter la démocratie représentative par la démocratie participative et associationiste :

- avec co-décision, mais avec un arbitrage final (ou majoritaire) des pouvoirs publics car ils disposent de la légitimité de l'élection par le peuple,

- avec consultation seule,- renforcer la démocratie revendicative (manifestation, interpellation…),- renforcer la démocratie communicationnelle (l'indépendance des médias, les débats…),- renforcer la révocabilité possible des élus.

Les critères de l’arbitrage dans les régulations démocratiques Lorsque nous utilisons le terme d’arbitrage dans notre cadre de recherche, il s’agit soit des

dispositifs d’arbitrage entre acteurs (dimension procédurale de la démocratie), soit des choix d’arbitrage entre des priorités et des idées (dimension substantialiste de la démocratie). Dans la régulation démocratique envisagée par les décroissants écosocialistes, l’arbitrage des pouvoirs publics se fonde soit sur:

- La dimension substantialiste: quels sont les besoins, les droits, les libertés nécessaires à une régulation démocratique?

- La dimension procédurale: quels sont les moyens, les modalités, les instruments pour parvenir à la régulation démocratique ?

- la dimension substantielle et procédurale : quels sont les besoins, les droits, les libertés à mettre en oeuvre en priorité, pour parvenir à équilibrer la participation entre les acteurs? Ou bien quels sont les dispositifs démocratiques procéduraux prioritaires permettant de satisfaire les droits des plus favorisés par exemple? (Brugvin, 2007).

La dimension substantielle de l’arbitrage ou des décisions des pouvoirs publics (PP) dans la régulation démocratique

Dans ce cas, on peut observer trois grands critères dans les décisions de la régulation visant l’intérêt général. Celles-ci peuvent être prises soit en fonction :

-de l’intérêt général de l’ensemble du peuple, ou des travailleurs,- de la majorité du peuple ou des travailleurs,- des plus défavorisés.

Lorsque la CCC Européenne milite pour la mise en oeuvre des codes de conduite portant sur les normes fondamentales du travail, par conséquent c’est un arbitrage fondé sur l’intérêt des plus défavorisés qu’elle serait susceptible de réclamer en cas de désaccord.

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La dimension procédurale de la décision ou de l’arbitrage des pouvoirs publics (PP) dans la régulation démocratique participative

Différents types de participation aux décisions existent dans la perspective écosocialiste:1- Il n’y a pas de participation des acteurs privés (démocratie représentative pure)2- Il y a une participation des acteurs privés aux décisions publiques.

2-1- Il y a une participation à la réflexion, à l’élaboration des idées mais pas à la décision finale (vote éventuel)

2-2- Il y a une participation aux décisions finales:- Sans arbitrage des pouvoirs publics: donc les acteurs privés décident seuls.- Avec un arbitrage des pouvoirs publics soit :

- sur la base du rapport de force dominant entre les acteurs en conflits (acteurs économiques privés et acteurs sociaux),

- sur la base d’un consensus ou d’un vote dans lequel les pouvoirs publics disposent d’une voix sur les trois (régulation démocratique tripartite à l’OIT),

- s’il y a un désaccord entre les acteurs privés ou si la négociation entre les acteurs privés a abouti à un accord ne se fondant pas sur l’intérêt général, alors la décision finale (ou l’arbitrage) est prise par les pouvoirs publics en se fondant sur le critère de l’intérêt général.

2-3 - Le niveau du pouvoir décisionnel établi par les différentes formes de démocratie (participation, revendication...):

- Le pouvoir d’élaboration ou d’influence sur les décisions (à voter)- Le pouvoir de prise de décision finale (le droit de vote)- Le degré de participation proche ou lointaine vis-à-vis des décideurs ou des structures

décisionnelles qui permet ou pas l’accès aux infos, l’influence par la proximité relationnelle, sur l’élaboration ou le vote.

- Un dialogue qui est consensuel ou qui est fondé sur un rapport de force (revendication) - La capacité d’influer les décisions en amont ou en aval (Brugvin, 2007).

Le développement d’une « démocratie associationiste »,fondée sur la légitimité morale et légitimité par la production d’idées Parmi ces orientations vers plus de démocratisation des pouvoirs publics, il existe la tendance de

la démocratie que l’on peut qualifier « d’associationniste », ou de « démocratie triarticulée ». Les ONG tentent de s’appuyer entre autres, sur leur «l’autorité morale», selon les termes de Cutler (1999)52. Cette autorité se fonde, selon elles, sur trois pôles. Ce sont elles qui proposent des thèmes, à l’agenda des organisations internationales et ensuite qui disposent d’une expertise généralement importante, lorsqu’elles se spécialisent. Enfin, les ONG se positionnent, souvent, dans ces domaines sociaux visant à l’émancipation et, en tant qu’organisations non gouvernementales, elles revendiquent leur neutralité vis-à-vis de l’Etat.

Selon Perlas (2003)53, le rôle de la société civile (associations citoyennes) consiste à élaborer des idées qui permettent de développer des alternatives, d’influencer ou de faire pression, au plan idéologique, sur les pouvoirs publics, mais aussi sur les acteurs économiques (Perlas 2003). Tandis que pour Waddell, l’intérêt principal de la société civile est social, son but principal est

52 CUTLER Claire, HAUFLER Virginia, PORTER Tony, (dir.) Private Authority and International Affairs, Suny Press, 1999.

53 PERLAS Nicanor, 2003, La société civile : le 3e pouvoir, Ed. Yves Michel.

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« l’expression de valeurs », grâce à un pouvoir de nature « normatif ». De plus, elle « produit des biens de groupes », grâce à une « base relationnelle », fondée sur les valeurs (Waddell, 1999). Perlas et Waddell utilisent le terme de société civile, dans son sens restrictif, c’est à dire d’association citoyenne.

Une organisation de la société civile atteint son but, précise Perlas, lorsqu’ « elle a permis d’institutionnaliser une partie de son programme, dans les sphères du marché et de l’Etat » (Perlas, 2003 : 227). A l’inverse, une des dérives consiste dans une « pseudo-triarticulation ». Les organisations de la société civile peuvent, par exemple, devenir de simples exécutantes des programmes de l’Etat » (Perlas, 2003 : 226). Dans ce cas, il s’agit d’une régulation déléguée de l’Etat, à des associations parapubliques (les Gongos).

A l’inverse, les entreprises se voient généralement conférer une légitimité par leur efficacité productive, s’expliquant notamment par le fait que leur survie économique dépend de leurs résultats concrets sur le terrain. C’est le cas pour les sociétés d’audit, mais cette forme de légitimité ne suffit pas, pour permettre une efficacité, en matière de vérification des normes sociales.

Waddell considère que « le principal champ d’action des entreprises est le système économique où le pouvoir dominant est donné aux propriétaires, et où le mécanisme fondamental, pour amener les gens à faire ce qu’une organisation désire, est la rétribution financière (ou rémunération) ».

Ainsi, la principale forme de pouvoir du secteur du marché est la ‘’rémunération’’. Son but est la ‘création de richesse’ par la création de ‘’biens privés’’ et sa base relationnelle, la ‘‘transaction’’ (financière) (Waddell, 1999).

Une association, qui cherche exclusivement à produire comme une entreprise privée, sera contrainte de faire des profits pour pérenniser des activités. Par conséquent, elle perd son indépendance économique et s’éloigne de sa nature d’association civique, jusqu’à la perdre. Lorsque les ONG cherchent à supplanter l’Etat, dans ses fonctions de service public et d’assistance sociale, elles s’inscrivent dans une politique caritative (les Restos du coeur, Action contre la faim…). Or, elles ne disposent pas de capacités financières suffisantes, pour se substituer aux Etats. De plus, en concentrant leur temps et leur énergie, sur des actions de nature développementale, il leur en manque pour proposer des idées nouvelles. Ce n’est pas le cas, lorsque ces actions développementales (opératoires) sont de nature expérimentale. En effet, elles peuvent parvenir, à développer alors une idée nouvelle de développement social, que l’Etat ou les acteurs économiques pourront ensuite tenter de dupliquer à grande échelle.

A la différence des partis politiques au pouvoir, les associations citoyennes n’ont pas à réaliser de compromis électoraux. Elles sont plus libres de proposer des idées alternatives nouvelles qui seraient trop avant-gardistes car elles ne courent pas le risque de ne pas être élues.

Civicus est un réseau mondial, regroupant des acteurs des trois secteurs, au sein de 60 pays. Cependant, Perlas estime que, dans ce cas, « la triarticulation est purement institutionnelle, car il manque la reconnaissance pleine et entière, du fait que la société civile est, dans son essence, une institution culturelle et donc un défenseur de la sphère culturelle » (Perlas, 2003 : 230). Dans la perspective de Perlas, si les acteurs ne sont pas conscients de leur spécificité et de leur appartenance à ce groupe (que sont les associations citoyennes, les mouvements sociaux) disposant d’objectifs et de capacités qui leur sont propres, il n’y pas de « conscience de classe », pourrait-on dire, en reprenant les termes de Marx, et donc pas de « triarticulation consciente » et maîtrisée.

Si les membres de la société civile ne sont pas suffisamment vigilants, ils risquent « d’être piégés et d’être instrumentalisés » (Perlas, 2003 : 226). Jürgen Habermas, dans son livre, Raison et

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Légitimité (1992), parlait de la nécessité d’une sphère culturelle indépendante qui légitimerait les processus politiques et économiques (Habermas, 1992)54.

Caractéristiques des trois secteurs principaux de la société chez Waddell (1999)55

Thèmes Secteur

Etat Marché Civil

Intérêt principal Politique Economique Social

Principale forme de pouvoir Coercitive Rémunératrice Normative

Biens produits Publics Privés De groupe

Principaux buts Ordre social Création de richesse

Expression de valeurs

Critère d’évaluation Légalité Rentabilité Justice

Base relationnelle Réglementations Transactions Valeurs

Ces différenciations formulées par Waddell sont intéressantes, en revanche, elles nécessiteraient une analyse plus précise et plus conflictuelle de la société civile, dans la lignée de Gramsci. En effet, ce type de régulation tripartite ou ‘triarticulée’ risque fort de conduire à un disparition, ou une manipulation du coeur de la société civile. Rappelons que la vision néo-libérale de la société civile y inclut les entreprises privées. De plus, si les associations citoyennes se laissent absorber par les autres acteurs du triptyque, elles perdent la légitimité spécifique. Si elles ne parviennent pas à conserver leur indépendance et leur nature unique, elles deviennent des Gongos (ONG gouvernementale) ou des Bingos (NGO, ou ONG de Business) et perdent du coup l’apport spécifique qu’elles sont susceptibles de proposer à la société. Ainsi, à travers le tableau suivant, nous proposons un vision quelque peu différente de celle de Waddell et de Perlas, qui nous semble plus adaptée à la réalité.

Comparaison entre les trois secteurs : dimensions de la triarticulation

THEMES POUVOIR PUBLIC ECONOMIQUE SOCIETE CIVILE Mouvements sociaux

Sphère principale-Champ d’action

Juridique et Politique Economique Socioculturelle

Principale fonction actuelle

Arbitrer en fonction de l'intérêt général

Production de biens et services Création de valeurs

But principal Ordre social Rémunération- Justice et création de valeurs

Principales formes de pouvoir Coercitif

Rémunératrice-Capacité de production

et propriété privéeNormatif

Moyens d'action Réguler (décision) Lois Production

Expression de valeurs par la communication

(dénonciation)

54 HABERMAS Jürgen, Raison et légitimité, le problème de la légitimation dans le capitalisme avancé, Payot, (1992), 1973.

55 WADDELL Steve, The Evolving Strategy Benefit for Business in Collaboration with Nonprofits in Civil Society: A Strategic Ressources, Capabilities and Competencies Perspective, USAID, 1999.

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Biens produits Publics Privés Idées-Valeurs-Culture

Critère d'évaluation Légal rationnel Rentabilité Justice

LégitimitéElective-

Indépendance économique

ProductiveMorale-Participative-

Indépendance économique

On observe donc des conflits ou des complémentarités entre ces différents pôles de légitimité, qui permettent de renforcer la démocratisation de la régulation du travail :

– légitimité élective / légitimité participative, – légitimité élective / légitimité morale et par les idées,– légitimité participative / légitimité par l’indépendance économique. Par ailleurs, précisons qu’en fonction des instances de régulation, la légitimité d’un même acteur

peut varier. Par exemple, la légitimité participative d’une ONG sera plus importante, dans le cadre d’un collectif qui vise à défendre les travailleurs et qu’elle aura elle-même créé. Tandis que sa légitimité sera moindre, au sein d’une organisation internationale de défense des travailleurs (la CISL, la CMT, la CES . . . ) créée par des salariés d’entreprises. Par conséquent, en fonction des instances de régulation, la pondération du pouvoir de décision finale (du droit de vote) devrait aussi varier.

CONCLUSION

La décroissance écosocialiste repose donc sur un programme alternatif au capitalisme, qui est fondé sur quatre piliers :

Le premier pilier consiste à passer de la modernité fondée sur vision techno-industrielle et capitaliste pour accéder à un nouveau paradigme, celui de la postmodernité de la décroissance écosocialiste. Ceci suppose de passer du productivisme et de la croissance infinie, comme moteur du capitalisme, à la décroissance de la consommation des ressources non renouvelables, en débutant par les plus riches. D’autre part la croissance peut perdurer dans les secteurs sociaux et culturels, tant que leurs externalités négatives restent faibles.

C’est pourquoi le second pilier réside dans la redistribution des richesses, avec des taxes, des impôts et l'instauration d'un salaire maximum.

Le troisième pilier s’appuie sur la socialisation démocratique des banques, puis celle des grandes entreprises dont la gestion et les décisions sont assurées par les représentants de l'Etat, les syndicats, les usagers et les associations parti-prenantes (régulation tripartite).

Le quatrième et dernier pilier, repose lui, sur la régulation démocratique d’une économie au service du social et de l’écologie, du plan local au plan international, pour appliquer le principe de subsidiarité et de la tripartition, à tous les niveaux, afin d'éviter la dérégulation croissante de la gouvernance mondiale néo-libérale et anti-démocratique.

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Les trois phases du passage du capitalisme libéral à la décroissance écosocialisteA partir de ces différentes observations, au plan économique, nous pouvons distinguer trois

étapes, dans le passage du capitalisme libéral à la décroissance écosocialiste. Dans la première phase, il ne s’agit que du passage du capitalisme libérale au néo-keynésianisme, ce qui suppose: plus de régulation, plus de distribution des richesses et plus de démocratie. Dans la seconde, il y a un passage du néo-keynésianisme à l'écosocialisme. Ce qui suppose, en plus des trois points précédents, une socialisation démocratique de toutes les grandes banques puis de toutes les grandes entreprises. Dans sa troisième et dernière phase, il s’agit de l’écosocialisme parfait (mais inatteignable). Il consiste dans la démocratie parfaite fondée sur la complète liberté et l'égalité (ou l'équité). Sur le plan économique cela aboutira-t-il à la socialisation démocratique et l'autogestion des grandes, mais aussi des petites entreprises?

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