EN GUISE D'INTRODUCTION A UNE SEMIOTIQUE ARCHITECTURALE
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EN GUISE D'INTRODUCTION A UNE SEMIOTIQUE ARCHITECTURALE: LA PROBLEMATIQUE DE LA FONCTION-SIGNE par Daniel PERAYA Une théorie de la signification architecturale et ur- baine s'est fait jour à partir du développement de la sémiotique. Elle se constitue aujourd'hui encore à par- tir du concept-clef: la fonction-signe. A travers la déconstruction de' celui-ci, c'est sans doute la définition des limites de la sémiotique qui s'ébauche. 1. Linguistique, sémiologie et sciences sociales Depuis que Ferdinand de Saussure en a formulé le projet fondateur, la sémiologie n'a cessé d'être l'objet de sollicitations de la part des «sciences de l'homme ». Quoi de plus normal en définitive puisque, à travers le Cours, la sémiotique se voyait définie comme une science qui étudierait «la vie des signes au sein de la vie sociale; elle formerait une partie de la psychologie sociale et par conséquent de la psychologie générale ... » (de Saussure, 1969). Pour de Saussure déjà, il s'agit d'indiquer l'enracinement de la sémiologie dans l'en- semble des sciences humaines. Car le point de vue du psychologue est aussi un point de vue sémiotique: «Il (le psychologue) étudie les mécanismes du signe chez l'individu ; c'est la méthode la plus facile mais elle ne conduit pas au-delà de l'exécution individuelle et n'atteint pas le signe qui est social par nature» (de Saussure, 1969 : 34). C'est donc dire aussi que le domaine sêmiologique est le domaine du social par excellence : pour pouvoir l'explorer, la recherche sémiotique devra donc s'adjoindre à la recherche anthropologique, psychanaly- tique, historique, sociologique, etc. Pourtant, ce que sera la sémio- logie, personne n'en sait encore rien. F. de Saussure même ne peut que reconnaître son existence en tant qu'elle est une nécessité théo- rique: «Puisqu'elle n'existe pas encore, on ne peut dire ce qu'elle sera, mais elle a droit à l'existence, sa place est déterminée d'avance» (de Saussure, 1969 : 33). En réalité, de Saussure en sait bien plus long que ce qu'il veut bien en dire. Lors d'une première délimitation du champ sémiotique, la sémiologie apparaît comme la science générale des signes, dont la 149
EN GUISE D'INTRODUCTION A UNE SEMIOTIQUE ARCHITECTURALE
LA PROBLEMATIQUE DE LA FONCTION-SIGNE
par
Daniel PERAYA
Une théorie de la signification architecturale et ur- baine s'est
fait jour à partir du développement de la sémiotique. Elle se
constitue aujourd'hui encore à par- tir du concept-clef: la
fonction-signe. A travers la déconstruction de' celui-ci, c'est
sans doute la définition des limites de la sémiotique qui
s'ébauche.
1. Linguistique, sémiologie et sciences sociales
Depuis que Ferdinand de Saussure en a formulé le projet fondateur,
la sémiologie n'a cessé d'être l'objet de sollicitations de la part
des «sciences de l'homme ». Quoi de plus normal en définitive
puisque, à travers le Cours, la sémiotique se voyait définie comme
une science qui étudierait «la vie des signes au sein de la vie
sociale; elle formerait une partie de la psychologie sociale et par
conséquent de la psychologie générale ... » (de Saussure, 1969).
Pour de Saussure déjà, il s'agit d'indiquer l'enracinement de la
sémiologie dans l'en- semble des sciences humaines. Car le point de
vue du psychologue est aussi un point de vue sémiotique: «Il (le
psychologue) étudie les mécanismes du signe chez l'individu ; c'est
la méthode la plus facile mais elle ne conduit pas au-delà de
l'exécution individuelle et n'atteint pas le signe qui est social
par nature» (de Saussure, 1969 : 34). C'est donc dire aussi que le
domaine sêmiologique est le domaine du social par excellence : pour
pouvoir l'explorer, la recherche sémiotique devra donc s'adjoindre
à la recherche anthropologique, psychanaly- tique, historique,
sociologique, etc. Pourtant, ce que sera la sémio- logie, personne
n'en sait encore rien. F. de Saussure même ne peut que reconnaître
son existence en tant qu'elle est une nécessité théo- rique:
«Puisqu'elle n'existe pas encore, on ne peut dire ce qu'elle sera,
mais elle a droit à l'existence, sa place est déterminée d'avance»
(de Saussure, 1969 : 33). En réalité, de Saussure en sait bien plus
long que ce qu'il veut
bien en dire. Lors d'une première délimitation du champ sémiotique,
la sémiologie apparaît comme la science générale des signes, dont
la
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linguistique ne serait qu'une discipline particulière : c Pour nous
au contraire, le problème linguistique est avant tout sêmiologique,
et tous nos développements empruntent leur signification à ce fait
important. Si l'on veut découvrir la nature de la langue, il faut
la prendre d'abord dans ce qu'elle a de commun avec tous les autres
systèmes du même ordre s (de Saussure. 1969: 35). Le postulat
saussurien s'énoncera alors contradictoirement à travers la
subordi- nation théorique de la linguistique à la sémiologie tout
en attribuant à la linguistique le statut de modèle instrumental: c
Pourquoi la sémiologie n'est-elle pas reconnue comme science
autonome, ayant comme toute autre son objet propre? C'est qu'on
tourne dans un cercle : d'une part, rien n'est plus propre que la
langue à faire com- prendre la nature du problème sémiologique;
mais pour le poser convenablement, il faudrait étudier la langue
elle-même) (de Saus- sure, 1969 : 33-34). L'intérêt se déplace donc
rapidement de la sémio- logie vers la linguistique. F. de Saussure
fracture le cercle sémio- logie-linguistique selon un profil tout
différent de celui qui se dessi- nait au début du Cours. Dans un
premier temps de la démarche saussurienne, il revient à la
sémiologie d'établir les règles générales qui fondent l'analyse
linguistique. Or, dans un second temps, c'est à la linguistique
même qu'échoit ce même rôle. D'une part, «la langue est un système
de signes exprimant des idées, et par là comparable à l'écriture, à
l'alphabet des sourds-muets. aux rites symboliques, aux formules de
politesse, aux signaux militaires, etc. Elle est seule- ment le
plus important de ce système) (de Saussure, 1969: 101). D'autre
part, «la langue, le plus complexe et le plus répandu des systèmes
d'expression est aussi le plus caractéristique de tous ; en ce sens
la linguistique peut devenir le patron général de toute sémio-
logie, bien que la langue ne soit qu'un système particulier) (de
Saussure, 1969 : 101). Ainsi, dès sa formulation initiale, la
sémio- logie s'autorise de la linguistique et c'est sous cette
double tutelle, théorique et méthodologique, qu'elle connaîtra ses
premiers dévelop- pements. Pour ce faire, elle soumettra à son
enquête de nombreuses activités humaines, s'essayant sur des objets
non-linguistiques, jusqu'à tracer les limites de ce qui justement
la fonde (1): le modèle phono- logique. Et tous les phénomènes,
d'ordre socio-culturel, dont la sémio- tique entreprendra
l'analyse, auront au moins un point commun: à un premier niveau
déjà, strictement empirique, tous présenteront un investissement
sémantique médiatisé par une structure formelle, par une série
d'éléments discrets, i.e. par des signes.
S'ouvrant à l'analyse des pratiques socio-historiques, on devine
les raisons qui poussèrent la sémiotique à se montrer attentive aux
autres disciplines ayant le social pour objet. Mais cette attention
ne pouvait être que réciproque. Dans le contexte où s'élabore la
rela- tion linguistique/sémiologie, tel que nous venons de le
redéfinir
(1) Sur ce point précis, cfr R. Barthes (1964); J. Kristeva (1969);
J. Derrida (1967); E. Carontini et D. Peraya (1975: chap. 1).
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brièvement, l'importance du geste sémiotique revient, en effet, à
autoriser un discours cohérent. systématique dans le domaine de
l'e:humain). Au même moment ce vaste domaine se voit enfin forma-
lisable et peut devenir objet d'une investigation et d'une
<connaissance scientifiques. C'en est assez pour que la
tradition idéaliste des sciences humaines cède à l'illusion
scientiste : la linguistique s'instaure candi- dement comme une
science-pilote. Aveuglées par la caution scienti- fique qu'offre le
modèle phonologique aux analyses socio-historiques, les sciences
sociales vont opérer un glissement méthodologique d'im- portance
qui ne pourra cependant que paraître suspect au regard de la
critique épistémologique : le déplacement mécaniste des concepts
opératoires et du e:modèle» proposés par la linguistique
saussurienne, plus généralement par la linguistique structurale,
produira comme effet immédiat l'amalgame de toute pratique sociale
donnée et du système signifiant-type, le langage articulé. Bien sûr
une telle assi- milation n'est possible qu'à la condition de
refuser aux diverses pra- tiques sociales une spécificité en tant
qu'activité sociale particulière, ayant donc un rôle et une
efficacité sociale propre dans un mode de production donné mais
aussi un lieu et/ou mode spécifiques d'articulation aux autres
instances qui constituent la formation sociale. Etrange réduction
de l'Histoire, de ses déterminations et de son moteur à un code
rhétorique et purement formel: tel est le geste que suscite et
qu'avalise un certain positivisme linguistique.
Il. Architecture: sociologie et théorie de la signification
C'est à partir de ce mouvement généralisé que s'est fait jour
l'exigence d'une théorie de la signification dans le champ de
l'archi- tecture et de l'urbain. Il serait donc intéressant
d'éclaircir le champ problématique où, en réponse à Iii demande
émanant à chaque fois d'une discipline particulière (ethnologie,
sociologie, théorie de l'ur- banisme, etc.), une telle théorie tend
aujourd'hui à se constituer sinon à s'explorer, répétant sans doute
à un niveau spécifique (celui de l'analyse de l'espace) le geste
idéologique qui préside à la trans- formation du discours des
sciences humaines. Il ne s'agit pas de dresser ici un inventaire
exhaustif (2) de toutes ces tentatives qui appartiennent à ce que
nous pourrions appeler une pré-sémiotique architecturale. Une
remarque cependant : si elles présentent pour le point de vue
sémiotique un intérêt, c'est qu'elles mettent en place et font
travailler sur un corpus limité un ensemble de propositions
méthodologiques.
(2) Nous ne tiendrons pas compte ici des textes littéraires qui,
les premiers peut-être, ont mis en évidence la fonction symbolique
et poéti- que de l'architecture. Cfr. V. Hugo, in Fr. Choay (1965:
404-408); et ce qu'en dit R. Barthes (1967: 7-17). Pensons aussi à
La Cathédrale de J. K. Huymans, cité par U. Eco (1972 : 277).
Citons dans une perspective phénoménologique, P. Sausot
(1971).
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Lorsqu'il s'agit de démontrer que l'espace est saturé de sens et
que s'y produit un réseau d'expression symbolique, quand donc il
faut prouver empiriquement que l'espace est susceptible d'être
appré- hendé par l'analyse sémiotique, il est souvent fait appel
aux analyses que Cl. Lévi-Strauss consacre aux villages de
certaines tribus a-histo- riques d'Amérique du Sud,
particulièrement à celle du village Bororo (Lévi-Strauss, 1955 :
223-256 ; 1958 : ch. VII et VIII). C'est à cette dernière que l'on
peut référer la démarche de quelques rares urba- nistes et
théoriciens de l'Urbain (3). C'est en effet au départ de cette
première analyse que l'on a commencé à considérer tout dispositif
spatial comme un système non-verbtü d'éléments signifiants dont la
structuration même doit être mise en corrélation avec d'autres
plans de significations socio-culturelles (mythologies, système de
représen- tations religieuses et idéologiques, conception du monde,
etc.) et avec l'ensemble des institutions politiques et sociales
qui définissent historiquement un groupe social comme tel. Il faut
sans doute donner raison à M. Castells lorsqu'il souligne les
dangers d'une analyse qui, mécaniquement, assimilerait l'espace au
signifié/structure sociale. En effet, si la clé de l'organisation
signifiante se situe bien dans le rapport au signifié social, on se
trouve confronté à une symbolique propre au dispositif spatial en
tant que forme. Tout se passe alors comme si l'organisation sociale
était un code et la structure spatiale un ensemble de mythes, comme
si la pratique sociale pouvait être ramenée à un langage et les
rapports sociaux à une pratique commu- nicative (4). Ecueil que
n'ont pu éviter de nombreux travaux socio- logiques.
Tel était déjà le cas pour Kevin Lynch (1960, Trad. franç. 1970),
dont la démarche, quoique fort éloignée théoriquement du structura-
lisme, apparaît en définitive assez proche de celle du .sémiologue.
Sa préoccupation majeure consiste à penser l'espace urbain (les
villes de Boston, de Jersey City et de Los Angeles) dans les termes
mêmes de la conscience qui les perçoit: c'est dire qu'il s'agit
d'étudier la lisibilité du paysage urbain, donc de reconnaître en
celui-ci des éléments discontinus (nous dirions des «unités
discrètes s ) et de les organiser en un schéma cohérent, structuré,
en une image urbaine. Cette dernière n'est autre que la
représentation de chacune de ces trois villes chez leurs habitants.
Mais l'image urbaine se constitue
(3) Cfr. Architecture d'aujourd'hui (1968), numéro spécial consacré
au thème de la ville particulièrement les textes de J. Castex et
Ph. Panerai, de R. Berardi ainsi que « Remarques à propos de
sémiologie urbaine». Cfr. aussi Fr. Choay (1965), R. Barthes (1967)
et Le sens de la ville (1973). (4) M. Castells (1972a : 273-280;
1972b: 81-92). La critique que nous
reproduisons ici, lorsqu'elle porte spécifiquement sur les travaux
de Lé- vi-Strauss, suppose que l'on puisse assimiler, dans un même
espace théo- rique, le village Bororo et l'espace urbain dans une
société capitaliste, qui fait l'objet des travaux de Castella.
Cette ambiguïté n'est pas élu- cidée par Castells.
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de réalités physiques precises qui contribuent à la formation de
chaque image particulière de manière à la faire apparaître en tant
qu'identité, pourvue d'un sens qui correspond à la relation
pratique et/ou émotive de l'objet avec l'observateur. Ces divers
éléments sont les chemins, les clôtures, les quartiers, les zones,
les nœuds, etc. qui pourraient facilement se muer en catégories
sémiotiques. La démarche de Lynch est cependant ambiguë. Si elle se
soutient d'un vocabulaire de la signification et affiche un sens
réel de l'unité, donc un décou- page (opération fondamentale du
point de vue sémiotique), elle demeure - R. Barthes le souligne
(1967 : 7-17) - plus gestaltiste que structurale. Barthes ne tire
cependant pas les conséquences de cette critique fondamentalement
juste. En fait, en séparant l'image urbaine (la ville/objet) et
l'observateur (l'habitant comme sujet), il devient possible
d'analyser dans une perspective mentaliste l'image de la ville en
tant que configuration formelle et autonome. Dès lors, c'est bien
l'introduction de la signification urbaine qui fera problème. En
effet, cette dernière met en évidence le processus de production
des formes mêmes de l'urbain en tant que structures dont le sens
doit être référé à un contenu sémantique socialement déterminé. Car
il n'y a pas de signification dans une ville en soi, séparée de la
pratique et de l'usage social qu'en ont les individus dans un mode
de production donné et dans les rapports sociaux de production qui
caractérisent celui-ci. Or chez Lynch, la contradiction se situe à
ce niveau précis où forme urbaine et sémantique sociale n'entrent
jamais en rapport si ce n'est sous une forme mécaniste: ambiguïté
bien plus grande encore et qui ne relève pas du seul gestaltisme.
La tentative de Lynch n'est pas restée sans échos. Reprise à son
compte par Raymond Ledrut (5) et cette fois sur la base de la
pratique sociale, elle débouche sur l'étude de la représentation de
l'urbain en tant qu'idéologie de l'urbain, sans plus prendre dès
lors en consi- dération l'efficacité sociale spécifique des formes
et des structures spatiales. C'est dans cette perspective encore
que se situent divers textes qui tentent de mettre en relation un
certain type d'habitat et certains modes spécifiques de
comportement: thème privilégié par la sociologie universitaire (6).
N'arrive-t-on pas de cette façon à établir la connexion entre des
modèles culturels (structures spatiales, séquences d'attitudes et
de comportements, représentations idéolo- giques) et leurs
déterminations par la pratique sociale dans le cadre du mode de
production capitaliste. Ces recherches, en tant que propositions
méthodologiques, présentent de nombreuses indications
(5) R. Ledrut (1970 et 1973). Pour la critique du premier de ces
deux textes, M. Castells (1972a). (6) N. Haumont (1968: 180-190) ;
M.-G. Raymond (1968: 191-210) ;
J. Ion (1970). Ce dernier texte nous paraissant important dans la
me- sure où il tente de découvrir la relation entre l'architecture
réelle (con- struite) et l'architecture représentée (discours
publicitaire des promo- teurs, etc.) en termes d'un rapport de
reproduction de l'idéologie domi- nante, déjà inscrite dans le
modèle-type de l'habitat.
153
qui laissent entrevoir le déplacement interne au champ sociologique
d'une problématique entièrement soumise à l'idéalisme et à une
méta- physique de l'homme. Mais elles n'en restent pas moins
limitées par leurs présupposés empiristes: une théorie des modèles
n'est, en défi- nitive, jamais qu'une idéologie de la
connaissance.
III. Au point de départ: de Saussure
Devant une telle diversité de discours ayant pour fond le problème
de la signification architecturale ou urbaine, tout se passe comme
si la sémiotique se trouvait inapte à cerner l'objet-architecture à
son niveau spécifique, ou encore comme si l'architecture et
l'urbain n'avaient, pour le point de vue sémiotique, aucune réalité
sauf peut- être celle «d'un amas confus de choses hétéroclites sans
liens entre elles », selon les termes mêmes dont de Saussure, au
début de son Cours, désignait le langage (de Saussure, 1969 : 24).
Or la sémio- tique n'est qu'un point de vue: elle repère à travers
la pratique sociale diverses pratiques signifiantes, c'est-à-dire
des formes spéci- fiques, celles des activités étudiées et
envisagées à ce niveau seule- ment comme un langage, où s'inscrit
et se produit un tissu de signi- fications (toujours
contradictoires), lequel s'alimente au système général des
idéologies d'une formation sociale déterminée. Il convien- drait
donc de situer les niveaux précis où l'architecture et l'urbain
peuvent être analysés en tant que lieu d'une production signifiœnte
d'une part, de produire la théorie des mécanismes de cette
production d'autre part. C'est à cette seule condition qu'une
expression telle que «le langage de la ville» cessera d'appartenir
à l'ordre de la métaphore pour désigner, en tant que connaissance,
la réalité d'un procès sémiotique particulier.
Nous ne formulerons pas ici cette théorie sémiotique dont l'exi-
gence, nous croyons l'avoir montré, se fait aujourd'hui insistante.
Notre propos, plus limité, s'inscrit en effet dans le cadre d'une
enquête méthodologique préalable. On se souviendra du contexte
méthodologique et théorique dans lequel le COUTSde linguistique
géné- rale se formule, contexte qu'au même moment le Cours
déplace:
1° l'historicisme linguistique qui se consacre tout entier dans la
découverte de filiation entre les morphèmes de diverses langues
dont on supposait la parenté. Quant à l'ordre entre ces éléments,
au sein d'une même langue, on lui attribue un statut secondaire,
celui d'un épiphénomène; on considère donc celui-là comme la
survivance accidentelle d'une organisation primitive disparue
;
2° la tradition idéaliste de la. philosophie du langage qui, depuis
les grammairiens de Port-Royal, proclame l'existence d'une
structure nécessaire de l'Idée qui constituerait la forme
organisationnelle de tout énoncé ;
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3° l'ancienne problématique philosophique de l'origine du langage
qui se soutient d'une interrogation des rapports langue/réalité
(7).
Le texte saussurien, quand bien même il ne satisfait pas encore en
tous points aux exigences d'une théorie, s'il contient donc
toujours certains manques qui le font paraître ambigu ou
contradictoire (8), nous intéresse en ceci qu'il propose une
reformulation radicale de la problématique et de l'investigation
linguistiques (9); mais il nous intéresse aussi en ce qu'il ne peut
se produire comme tel qu'à partir d'un mouvement de déconstruction
et de déplacement des théories qui soit l'ont précédé, soit lui
coexistent. Mimer ce geste inaugural de F. de Saussure, tel sera
notre objectif.
IV. L'ouverture d'une problématique théorique
Déjà par son titre, La fonction et le signe (1968 ; trad. française
à laquelle nous nous référons dans ce texte: 1972), le texte qu'U.
Eco consacre à la sémiotique architecturale s'inscrit dans la
perspective d'une élaboration théorique. Explicitement, on se
trouve renvoyé au point de théorie que R. Barthes tentait de
circonscrire à propos de la nature du signe sémiologique (1964 :
107 et suiv., 141 et sui v.; 1969 : 266-270). Dans les Eléments, il
expose la conception saussu- rienne du signe linguistique, puis
celle de Hjelmslev dont est issue la distinction entre forme et
substance qui semble particulièrement séduisante, «utile:. et e
facile s à manier pour discerner les signes linguistique et
sémiologique. Cette différenciation apparaît impé- rative lorsque
les signifiés d'un système sont nécessairement relayés, « parlés s
par une métalangue dont la substance (10) est de nature
(7) Nous avons tenté de montrer lors de séminaires orgamses dans le
cadre de l'Institut Supérieur d'Etude pour le Langage Plastique
(oc- tobre 73-janvier 74) en quoi ces trois questions émergent du
même hori- zon théologique.
(8) Il est vrai que dans l'histoire des formations théoriques, on
ne pas- se pas d'une théorie à une autre, de « l'idéologie» à la «
science» par coupure, par une mutation franche. L'article de Cl.
Normand, (1973: 109-126) nous semble reposer cette question
fondamentale de l'épistémo- logie : qu'est-ce que le statut de
coupure épistémologique, qu'est-ce donc que la science, plus
particulièrement dans le champ des sciences sociales? (9) C'est
sans aucun doute pour cette raison que F. de Saussure redé-
finit avec tant de précision et de précautions et l'objet de la
lingui8tique en tant que science et la tâche du linguiste.
L'explicitation de cette der- nière sous-tend toute la
démonstration saussurienne lorsqu'il s'agira d'abord d'attaquer la
notion d'élément linguistique, d'aborder ensuite le problème de la
délimitation des unités. On connaît l'hypothèse de F. de Saussure:
retrouver et délimiter l'unité linguistique, c'est retrouver le
principe et l'organisation de la langue comme système; dans
l'élément il faut supposer le système, dans le particulier le
général. (10) On peut craindre dans les Elëment« une lecture
imprécise des textes
de Hjelmslev. Il semblerait que Barthes e manque s la distinction
que
155
différente (c'est en effet le cas de la mode écrite) ou encore
lorsque l'on a affaire à un «système d'objets» dont la substance
n'est pas «immédiatement et fonctionnellement signifiante»
(Barthes, 1964 : 113) (11). Ce sont donc le plus souvent des objets
d'origine utilitaire que la société dérive à des fins de
signification, car il n'existe aucun objet «qui soit entièrement
épuisé par une praxis pure» (Barthes, 1969 : 266). Si le vêtement,
si la nourriture signifient, ils n'en ont pas moins une fonction :
l'un sert à protéger, le second assouvit un besoin physiologique.
Contrairement au signe linguistique, la fonction- signe appartient
à un système dérivé dont «l'être» de la substance d'expression
n'est pas la signification; en conséquence, telle que l'on peut la
décrire empiriquement à travers notre expérience vécue, elle
apparaît comme le nœud d'un compromis entre ustensilité et sens.
Reste à savoir comment procède alors ce mouvement de dérivation
sémantique qui transforme l'ustensile en un objet (12). «Dès qu'il
y a société, tout usage est converti en signe de cet usage»
(Barthes, 1964 : 113), c'est-à-dire que toute fonction se voit
aussitôt prise en charge et intégrée à un système social de
significations synchroniques dans lequel la fonction serait perdue
pour le signe. Ainsi la veste- sport n'existe déjà plus qu'en tant
que signe de la «sportivité» dans la mesure où précisément elle
entre en concurrence et s'oppose au signe de «l'habillé» (13). De
même le bois-élément se détache du bois-matière : par exemple, le
chêne massif se distingue du teck non plus en tant que matière
brute ou en tant que substance naturelle, mais bien en ce qu'il est
signe d'une certaine chaleur, d'une valeur d'ambiance dans le
système d'ameublement contemporain (Sur ce point précis, cfr. J.
Baudrillard, 1970 : 54-57 «La logique de l'am- biance »). Cependant
il faut constater l'existence d'une fonctionna- lisation récurrente
de l'objet, d'un second investissement sémantique d'ordre
connotatif qui vise, quant à lui, à transformer un ordre de signes
en un ordre de raisons. Si l'objet répond encore à la satis-
faction d'un besoin anthropologique, ce n'est plus alors qu'à
l'inté- rieur d'un système rhétorique sans rapport avec la pratique
et l'usage réels auxquels se prête l'objet. Plus la description de
la fonction à accréditer est précise, fouillée et détaillée, plus
la fonction s'irréalise
trace Hjelmslev entre matière et substance d'expression. Sur ce
point précis que l'on se réfère à E. Carontini et D. Peraya
(1975).
(11) Notons que cette bipartition ne semble pas nécessairement
aussi nette. Dans Système de la, mode, c'est le vêtement, même
écrit, qui sert d'exemple au développement de la
fonction-signe.
(12) Nous reprenons cette catégorisation à J. BaudriIlard (1969 et
1972 : 59-94) .
(13) L'objet devient signe, en définitive, s'il correspond au
modèle (la langue) dont il serait une parole, s'il est donc
standardisé; ce que tous sont aujourd'hui. La référence au modèle
comme schéma culturel se double ici d'une tentative, à peine
effleurée, d'asseoir le processus de sémanti- sation sur la base
réelle d'un mode de production économique, spécifique cette fois à
la production industrielle.
156
et s'enferme dans une rhétorique; tel est le cas de la mode écrite.
Parce qu'elle est rhétorique, la re-fonctionnalisation apparaît
comme une rationalisation, comme un alibi. Selon un processus
analogue à celui du mythe, cette rationalisation opère la
réinscription du signe dans la réalité sur le mode de la
déculpabilisation (elle fonde le signe en nature), mais elle masque
en même temps la logique de diffé- renciation sociale (14) de
laquelle participe la pratique des objets.
On peut regretter que l'analyse de Barthes ne soit pas développée
plus longuement; elle aurait mérité à être approfondie pour être
entièrement satisfaisante car, telle quelle, elle procède d'une
hypo- thèse contradictoire. Elle débute en effet par une
proposition théo- rique correcte qui consiste à reléguer hors du
champ sémiotique toute considération sur l'objet réel envisagé
comme ustensile et à intégrer l'objet-signe dans un système
différentiel de valeurs à travers le double registre sémantique que
nous avons rappelé. Cependant la fonction-signe possède une valeur
anthropologique et se présente sans doute «comme l'unité où se
nouent les rapports du technique et du signifiant» (Barthes, 1964 :
114) dans la mesure où toute la démon- stration se soutient encore
de l'évidence empirique qui attribue à chaque objet un statut
fonctionnel premier, surdéterminé par un investissement sémantique,
par une valeur d'ordre connotatif que confère à l'objet, l'usage
social. Et c'est bien ce que laisse entrevoir l'analyse
barthésienne ; le procès de production d'un objet-signe au départ
d'un ustensile ne sera jamais complètement élucidé : un objet est à
la fois usage et signe de cet usage. La sémantisation se trouve
ramenée, dans cette perspective, à une simple surcharge sémantique
de nature lexicale, analysable en termes de dénotation et de conno-
tation. En dernière analyse, il faudra sans doute considérer la
fonc- tion-signe, en tant que catégorie sémiotique, comme un
concept hybride et contradictoire, produit de deux points de vue
difficilement conciliables: une hypothèse empiriste d'ordre
sociologique (l'objet d'usage médiatise un besoin anthropologique)
et l'exigence d'une théorie de la signification.
C'est dans cet espace contradictoire que s'installera
définitivement le texte de U. Eco. .
v. Fonctionnalisme et dénotation architecturale
Une première approche des mondes des objets et du construit pose à
la sémiotique le problème de leur essence, tel que R. Barthes déjà
le posait: objets et architecture ne sont pas conçus à des fins de
signification ou de communication; ils ne communiquent donc
rien
(14) Ce n'est que dans le sens précis d'une différenciation de
classes que l'on peut parler de sociologie et de socio-logique,
Barthes lui-même avance que toute sémiologie ne peut être qu'une
sémiaclastie.
157
puisqu'ils sont destinés à assumer une fonction d'usage. Ce qui
londe la réalité de l'objet c'est, en définitive, son statut
premier de valeur d'usage que lui attribue l'hypothèse empirique :
«Personne ne peut mettre en doute qu'un toit sert,
fondamentalement, à couvrir ou qu'un verre à recueillir un liquide,
de sorte qu'on puisse, après, le boire aisément» (Eco, 1972 : 262).
Il reste alors à démontrer que, malgré le statut non communicatif
des objets, le point de vue sémiotique est capable d'appréhender
ceux-ci, d'en «fournir des clés explicatives. dira Eco, en termes
de communication. Il est facile de décomposer cette démonstration
en ces diverses articulations pour faire apparaitre son caractère
tautologique, si ce n'est sophistique. En effet, la démonstration
s'énonce déjà implicitement à travers l'hypothèse et la
thèse.
Hypothèses: - la sémiotique a pour objet tous les phénomènes de
culture ; - la culture est essentiellement communication (15)
;
car en réalité tous les phénomènes de culture sont des systèmes de
signes
- implicitement donc, tout système de signes est érigé en tant que
système de communication; nous reviendrons sur ce préalable qui
fonde tout l'idéalisme linguistique.
Thèse: - l'architecture se prête à l'analyse et à la méthode
sémiotiques;
elle est donc un système de signes et/ou un système de commu-
nication.
Démonstration: - l'architecture est un phénomène de culture; elle
est communication
puisqu'elle communique la fonction à accomplir ; elle est en con-
séquence un système de signes. Mais alors comment caractériser le
signe architectural? En toute
logique, au niveau dénoté, les catégories saussuriennes du
signifiant et du signifié formaliseront mécaniquement l'hypothèse
fonctionna- liste qui, issue depuis plus de quarante ans de la
théorie et de la pratique architecturales, les dominent encore
toutes deux aujourd'hui.
(15) Comparons cette formulation à celle-ci, p. 26: « Mais dire que
la culture « doit être étudiée comme» n'implique pas que la culture
« est». communication.Ce n'est pas pareil, en effet, de dire qu'un
objet est e8.~ tialiter quelque chose ou qu'il peut être vu 8ub
ratione de ce quelque chose» et p. 28: « Mais réduire toute la
culture à la communicationne Signifie pas réduire toute la vie
matérielle à « l'esprit» ou, en tous cas, à de purs faits mentaux.»
Réfutation purement rhétorique de l'idéalis- me et de la confusion
hégélienne qui identifient objet réel et objet de con- naissance:
illusion qui caractérise toute problématique empiriste et qui fait
du réel le résultat (essentialiter) de la pensée (sub ratione) ...
L'en- semble des définitions que nous explicitons ici se trouve p.
261-262.
158
C'est par ailleurs Ce préalable fonctionnallste qui règle toute la
démarche de Eco. Il écrit en effet: «Précisons, qu'à partir d'ici,
nous nous servirons de l'expression «architecture» pour indiquer
les phénomènes architecturaux proprement dits, ainsi que ceux du
design, ceux de l'urbanisme» (1971 : 139-147). Telle était déjà
l'atti- tude théorique et méthodologique des C.I.A.M. ou d'un Le
Corbusier. Qu'il suffise de rappeler ce court texte : «Pas une
seconde, l'archi- tecture ne l'a quitté (l'homme): meubles,
chambre, lumière solaire ou artificielle, respiration et
température, disposition et services de son logis, la maison ; la
rue ; le site urbain ; la ville ; la palpitation de la ville ; la
campagne, ses chemins, ses ponts, ses maisons, verdure et cie,
nature. ... Architecture en tout: sa chaise et sa table, ses murs
et ses chambres, son escalier ou son ascenseur, sa rue, sa ville»
(Eco, 1971: 139-147). Tout le credo fonctionnaliste se trouve ici
résumé. Méthodologiquement,il devient alors possible d'analyser
trois réalités, trois pratiques sociales distinctes ayant chacune
leurs propres caractéristiques comme si elles ne faisaient qu'une.
Le déno- minateur commun qu'est la fonction occulte, en
conséquence, la spéci- ficité historique de chacune de ces
pratiques. Dans ces conditions, et dans ces conditions seulement,
il faudra donner raison à J. Bau- drillard : l'analyse sémiotique
fait bel et bien œuvre de «réduction sémioloçique » en ce qu'elle
méconnaît et refoule le sol réel où sont produites historiquement
ces pratiques. Les grands absents de cette sémiotique positiviste
sont, faut-il le dire, le matérialisme historique et le
matérialisme dialectique. Il faut dès lors poser dans un seulet
même geste :
objet d'usage - Forme
Fonction
En effet: «Notre orientation sémiotique reconnaît ainsi dans le
signe architectural la présence d'un signifiant dont le signifié
est la fonction que celui-ci rend possible» (Eco, 1972: 269) et,
d'autre part: c L'objet d'usage, sous l'angle de la communication,
est le signt"fiant de ce signifié e'xactement et
conventionnellement dénoté qui est sa fonction» (Eco, 1972 : 271).
Notons au passage la répé- tition du geste que, déjà, nous avons
signalé: la confusion entre l'objet réel (l'objet d'usage) et
l'objet de connaissance (le signe archi- tectural) que rend
possible la définition du signifiant architectural. En effet, la
nature de celui-ci est délimitée par des caractéristiques formelles
déterminées qui ne sont autres que celles de la structure formelle
de l'objet réel, décrites à travers le relais métalinguistique du
langage verbal. Ainsi de l'escalier qui, en tant que structure
archi- tecturale,mais donc aussi en tant que Sa architectural, se
définit comme «des parallélipipèdes superposés de manière que leurs
bases
159
ne coïncident pas, mais dont le glissement progressif et de
direction constante, configure des surfaces praticables de niveaux
successive- ment et progressivement toujours plus élevés par
rapport au plan de départ» (Eco, 1972: 269). Et pourtant Eco, pour
fonder son projet de sémiotique architecturale, prétend éviter
cette assimilation qui, du point de vue strictement linguistique,
se traduit par la superposition pure et simple du signifiant au
référent, et donc par un aplatissement du triangle sémantique
d'Ogden et Richards (Eco, 1972 : 261). Il n'est donc nullement
question de préciser le niveau où objets
et architecture relèvent de la démarche sémiotique, tout au con-
traire; il s'agit d'imposer à l'objet réel, en tant qu'il est
précisément destiné à un usage particulier, une configuration
structurelle déjà signifiante. En réalité, la dénotation
architecturale ainsi définie attribue à la forme de l'objet réel,
i.e. à sa structure formelle, un sens immanent, i.e. sa fonction.
Elle identifie cette dernière grâce au schéma fonctionnaliste et la
reconnaît, par le biais du formalisme linguistique, comme l'aspect
sémantique ou tout au moins commu- nicatif de l'objet, Il va de soi
que, dans une telle perspective, le découpage et l'identification
des unités sémiotiques reproduira néces- sairement l'ordre et la
structuration apparente de la réalité archi- tecturale : pourra
être considéré comme signe tout objet réel, tout segment de
construit, tout espace enfin qui soit réductible à une fonction
particulière déterminée par une axiologie anthropologique. On en
arrive facilement à considérer le syntagme architectural comme la
juxtaposition des composantes techniques du bâtiment ou encore
comme la concrétisation, dans le bâti, d'un programme.
Les impasses théoriques et méthodologiques que l'on rencontre ici
apparaissent déterminées par la problématique téléologique sur
laquelle s'érigent et le «communicationisme» linguistique et le
fonc- tionnalisme architectural : le langage sert à penser et il
exprime la pensée; la forme sert la fonction et elle l'exprime.
Dans les deux cas, il existe un présupposé d'antériorité logique,
transcendantal en son principe, entre la fonction et la forme (16),
entre le signifié
(16) Il n'y a qu'une contradiction apparente entre ce que nous
affirmons ici et « l'éternité de la forme pure» telle que H. Van de
Velde pouvait la définir: « La forme pure se range d'emblée dans la
catégorie des formes éternelles. Le besoin qui a provoqué sa
naissance peut être particulier à notre époque, mais s'il est le
résultat précie et spontané d'une stricte con- ception rationnelle
de l'objet, de l'adoption la plus logique à ce qu'il doit être pour
répondre à l'usage le plus pratique que l'on attend de lui, il s'en
suivra que cette forme annexe d'emblée les traits les plus
frappants de la grande famille qui se perpétue depuis l'aurore de
l'humanité jusqu'à nos jours, celles des formes pures et radicales.
Le temps ne compte pour rien» (in Le style moderne, contribution de
la France, 1925, cité par Fr. Choay 1965: 77). Ce rejet hors du
temps, donc hors de l'Histoire, dont la forme est l'objet pour des
raisons d'ordre esthétique, n'est en réalité que la conséquence
d'une juste évolution du rapport forme/fonction. Mais la fonction
n'en détermine pas moins tout le processus. C'est ce même
160
et le signifiant. Sur le plan strictement linguistique, on aura
recours au rapport statique de signification que de Saussure
localise, à l'inté- rieur du signe isolé, entre ses deux e faces s
constitutives, c dans les limites du mot considéré comme un domaine
fermé, existant pour lui-même s (de Saussure, 1969 : 159). Or l'on
sait que l'on ne peut fonder un tel rapport que sur l'existence de
signifiés translinguisti- ques stables. On découvre ici l'une des
contradictions majeures du texte saussurien: ce rapport statique,
s'il justifie l'irréductibilité de la signification à la valeur et
au sens, contredit radicalement cette même théore linguistique de
la valeur (17). Dans l'analyse de la fonction-signe, le rapport
fonC'tionf'forme et Sé-Sa sera toujours défini comme ce rapport
interne de signification. Mais cela veut dire, en même temps, que
l'on considère l'objet d'usage et la fonction- signe comme des
entités positives, auto-suffisantes et autonomes par rapport aux
deux systèmes spécifiques dans lesquels ils s'inscrivent. En
conséquence, il ne sera jamais Question dans «La fonction et signe
s ni d'analyser concrètement, sur la base d'un corpus limité, un
système synchronique de valeurs différentielles et
oppositionnelles, ni de produire une théorie sémiotique du sens
architectural en terme de valeur. Nous risquerions volontiers une
comparaison bien qu'elle puisse paraître manquer de nuances: la
démarche de Eco ne serait en rien différente de celle qui domina la
linguistique pré-saussurienne, comparatiste et historiciste. On se
souvient en effet qu'à l'encontre des intentions dont elle
procédait, elle n'a jamais amené qu'à la dis- location et à la
négation des systèmes linguistiques (Ducrot, 1968 : 14-96).
On le voit, le critère de pertinence sémiotique choisi par Eco sera
celui du «discours naturel », fonctionnel 'du donné/vécu
architectural empirique : à cette unique condition, l'architecture
pourra être envi- sagée en tant que fait de communication. Car,
lorsque l'on parle de fonction-signe, la fonction communicative de
l'objet et sa fonction d'usage ne sont pas seulement solidaires :
elles se définissent tauto- logiquement l'une par l'autre et se
redoublent. Ge faisant, Eco institue sous la forme d'une e
pseudo-thêorfe s (nous dirons d'une idéologie théorique) le geste
typique de l'idéologie bourgeoise par lequel la bourgeoisie
transforme la réalité du monde en une image, et l'Histoire en
Nature (Barthes, 1957).
postulat que l'on retrouve chez U. Eco, lorsqu'il dira que dans
certains cas de « codificatilYn8 etables», le signifiant
architectural peut conserver la même configuration structurelle
durant des « millénaires d'histoires» (Eco, 1972 : 269).
(17) La valeur provient « de la situation réciproque des pièces de
la langue» (de Saussure, 1969: 15'9) et ne résulte donc que « de la
pré- sence simultanée des autres (termes) » (Godel, 1969: 69). On
dira donc que « la valeur est un élément du sens mais qu'il importe
de ne pas prendre le sens (au sens large) autrement que comme une
valeur» (Godel, 1'969 : 90).
2 161
,VI. Un idéalisme fondateur: le geste de La Structure absente
On.ne peut lire « L~ fonction et le signe ), on ne peut donc
analyser les contradictions qui traversent ce texte, qu'en
rapportant ce dernier au projet général, fondateur de La Structure
absente. Il s'agira de définir. les limites de la sémiotique pour
mieux en préciser. la nature spécifique. La reformulation du projet
sémiotique fera apparaître un élargissement considérable de son
objet: tout ce qu'une phéno- ménologie intuitive désigne comme
«fait de culture» (objets, com- portements, rapports sociaux, arts,
etc.) pourra faire l'objet d'une 'étude sémiotique. Celle-ci prend
en charge tout le champ tradition- nellement imparti à
l'anthropologie culturelle à laquelle elle est destinée' à se
substituer (Eco, 1972: 21-35). La sémiotique ainsi redéfinie se
place d'emblée dans le même espace que celui des sciences sociales
traditionnelles dont elle se distinguerait par son formalisme
méthodologique hérite de la linguistique. En d'autres termes, il
sera implicitement. question, dans La Structure absente,
d'introduire à une.réflexion critique ayant pour objet la
détermination de conditions épistémologiques générales. Poser en
effet à une science et, à fortiori à une science en formation, la
question «qui êtes-vousj s, c'est en même temps voir dans quelle
mesure une pratique théorique peut licitement prétendre au rang de
science (Herbert, 1969 : 137-165).
Mais à cette question, il n'est répondu traditionnellement que par
une critique techniciste des instruments scientifiques propres il
un champ scientifique donné. On s'abstient en effet, pour que se
survive comme telle la pratique scientifique (18), d'interroger le
pourquoi.iles raisons et l'efficacité différentielle d'un champ
scien- tifique particulier, c'est-à-dire le rapport de cette
science aux autres qui l'environnent. C'est dans ce mouvement
qu'apparaissent de nom- breuses combinaisons idéologiques, des
formations atypiques (Her- bert, 1968 : 74-92) qui, en dernière
analyse, se présentent comme des variations d'une formation
idéologique dominante, dont elles dérivent. Le plus souvent, elles
sont produites pour répondre à la demande sociale qui émane
toujours de la bourgeoisie. Elles sont nécessaire- ment
récupérables par le processus idéologique dominant, puisque, le
plus souvent, elles sont produites à cet effet: faut-il rappeler
les sollicitations technicistes dont est l'objet un courant
sémiologique entièrement soumis au positivisme dans quelques
grandes agences de publicité, belges ou françaises ... En réalité,
les sciences sociales ne se présentent jamais comme une simple
technique opératoire ou comme une pure idéologie : elles seraient
plutôt comme toute idéologie théorique «le produit de
l'interdétermination d'une technique (impor- tée des techniques de
transformation de la matière, tout au moins
(18) Par exemple, dans les conditions actuelles de la division du
tra- vail, Ill, science et le Savoir reproduisent, dans leur
pratique, cette di- vision.
162
au départ), et d'une idéologie concernant les rappOrts sociaux
(l'objet de la pratique politique) (Herbert, 1969 : 154).
On ne sera donc pas étonné si le projet de sémiotique
architecturale élaboré par Eco débouche sur la définition normative
du rôle de l'architecte et de l'architecture dans un processus, à
long terme, de transformation du monde et des rapports sociaux de e
notre s société (19). II s'agit explicitement de préciser
l'efficacité politique « novatrice s à laquelle doit prétendre
l'architecte puisque sa pratique, à son niveau spécifique, est une
pratique éminemment politique. Nous trouvons l'exposé systématique
de ces considérations dans les chapi- tres 3 et 5 (Eco, 1972 :
276-287 : «La communication architecturale et l'histoire s ;
295-300: «L'architecture comme communication de masse? »); Eco y
précise en effet l'insertion de l'architecture dans le social. Nous
citerons aussi les chapitres 4 et 5 de la section A qui ont pour
objet, quant à eux, la définition sémiotique des idéolo- gies,
c'est-à-dire l'explicitation de ces dernières en termes de rhéto-
rique (Eco, 1972 : 144-166).
VII. Une sémiologie, à droite
Nous ne formulerons ici que quelques remarques; elles suffisent,
croyons-nous, à préciser le projet politique de Eco qui sous-tend
et détermine son projet sémiotique jusque dans les moindres détails
et confère à ce dernier le statut d'une idéologie théorique : une
con- ception individualiste du monde redoublée par un idéalisme
historique sans borne. On sait que, dans la conception hégélienne,
chaque période tirait son unité d'une catégorie, d'un principe
spirituel dont le droit, la religion, la politique n'étaient que la
manifestation phénoménale:
. aujourd'hui la connaissance philologique et le savoir
universitaire prennent la relève. De plus, c'est le geste même de
la philosophie que l'on trouve développé ici : une radicale
séparation de l'Histoire et de l'économie politique, cette dernière
étant par ailleurs complètement refoulée même sous ses formes
idéalistes et non-marxistes. Car, en définitive, c'est l'Homme qui
fait l'Histoire et non les conflits entre classes et intérêts de
classes antagonistes. Dès que l'on occulte la lutte des classes et
son rôle de moteur de l'histoire, on demeure en effet dans la
problématique qu'ouvre la question du sujet de L'his- toire: «qui
est-ce qui fait l'histoire? ». Dans cet espace, l'histoire est
pensée comme le résultat du faire, de l'action, d'un sujet: il est
évident que l'on ne peut alors que retomber dans l'exaltation de
l'individu, de l'architecture, et de ses capacités créatrices. Ce
mythe
(19) Celle-ci, hors du matérialisme historique, n'à pas de nom
puis- qu'elle n'est pas caractérisée par un mode de production et
par des rap- ports sociaux de production déterminés. Seul
l'idéalisme peut parler de u notre» société, celle de la
bourgeoisie dominante. La classe bourgeoise vit, en effet, de
l'illusion de son éternité et de son universalité, de son
a-historicité.
163
développé par l'idéologie bourgeoise recueille, aujourd'hui plus
que jamais, l'adhésion de la petite bourgeoisie intellectuelle et
artistique dans la mesure où précisément il légitime et rassure les
positions de classes et le statut social que l'un et l'autre
occupent dans les rapports sociaux de production d'une formation
sociale capitaliste.
Corrélativement, c'est une conception strictement formelle et
rhéto- rique de l'idéologie qui sera développée. Certes, Eco fait
allusion à Marx et au matérialisme historique lorsqu'il définit
l'idéologie comme une vision «partielle/partiale» du monde, comme
«fausse cons- cience» et comme «camouflage théorique de rapports
sociaux con- crets et de conditions de vie données» (Eco, 1972 :
145). Marx se trouve ici convoqué pour sanctionnerI'Idéologie
dominante: suprême ironie; celle-ci tente d'envelopper le
matérialisme historique de son geste récupérateur et c'est à ce
geste-là que Marx lui-même devrait servir de caution théorique!
Tout devient permis dès lors que le non-dit de cette référence est
précisément le caractère d'exploitation des rapports de production
capitalistes; dès lors que l'on occulte ce qui distingue
radicalement le matérialisme historique de toutes les idéologies
théoriques produites par la bourgeoisie: le caractère de classe
prolétarien de l'économie politique marxiste. Pour la sémiologie,
l'idéologie aurait alors un statut privilégié: autonomisée par
rapport à la réalité sociale d'où elle procède, elle se
présenterait comme un discours constitué par des: « messages », par
des «contenus séman- tiques» qui se succèdent ou parfois même
peuvent coexister. Les idéologies se reflètent donc dans les
aspects préétablis du langage : en conséquence, «un bouleversement
réel des attentes idéologiques n'est effectif que dans la mesure où
il est réalisé par des messages qui bouleversent aussi les systèmes
d'attentes rhétoriques. Et tout bouleversement profond des attentes
rhétoriques est aussi un redi- meneionmement des attentes
idéologiques» (Eco, 1972: 164). C'est évidemment «oublier» quelque
peu rapidement qu'à l'ensemble des rapports de production qui
constitue la structure économique de la société, qu'à sa
superstructure juridique et politique correspondent des formes de
conscience sociale déterminées, qu'il n'existe donc d'idéologies
que d'idéologies de classes. C'est «oublier» encore que seule une
transformation radicale de cette «base concrète» de la société peut
offrir les conditions objectivement nécessaires pour que soit
destituée, de sa position de dominante, l'idéologie bourgeoise
(20). C'est oublier enfin que la véritable scène de l'histoire
réside dans les formes d'organisation du travail, dans l'évolution
de la contra- diction entre forces productives et rapports de
production et non dans une pratique langagière et/ou discursive,
quelles qu'en soient la souplesse et la mouvance. On assiste alors
à un changement de référence pour le moins symptomatique. Il ne
fallait certes pas s'at-
(20) Ce qui ne peut se produire que progressivement, par une lutte
idéologique continue contre les résidus de l'idéologie bourgeoise,
durant une longue période historique.
164
tendre à voir explicités les mécanismes idéologiques sur la base du
matérialisme historique et du matérialisme dialectique. L'analyse
de ceux-là aura donc pour fond les théories de l'avant-garde
artistique formaliste italienne (Eco, 1972 : 164). Peu s'en faut
que celle-ci ne soit érigée en avant-garde politique: on le sait,
le formalisme « révo- lutionnaire» a toujours été un terrain
d'action privilégié par la bourgeoisie.
Mais une telle opération n'est possible que si la sémiotique est
rendue volontairement aveugle: «La sémiotique n'a pas à savoir
comment naît ce message (l'idéologie) ni pour quelles raisons poli-
tiques et économiques ... » (Eco, 1972 : 145). Quant à nous,
ouvrons les yeux et voyons rapidement quels peuvent être les effets
de tels présupposés au niveau particulier d'une analyse ayant pour
objet la pratique architecturale:
10 Eco oppose deux types d'architecture : celle qu'il considère
comme un discours persuasif et rassurant, comme un fait de communi-
cation de masse et l'œuvre «vraie» d'architecture qui est plus que
cette triviale communication de masse puisqu'elle comporte un
aspect inventif et créateur. On peut dès maintenant affirmer que
cette distinction recouvre, dans le réel, l'opposition entre le
champ de la grande production de masse et celui de la production
savante : cette dernière étant spécifiquement dévolue aux couches
intellectuelles de la classe dominante, et caractérisée par une
logique de distinction sociale, dans une société de classes. Cette
catégorisation aura pour effet implicite de légitimer la position
de classe et le statut social de l'architecte, comme agent social
inséré dans le champ d'une production savante.
20 Eco fonde cependant l'apport novateur de cette architecture
savante dans une critique de la société et plus précisément dans
une critique des idéologies de l'habitat. Il indique en effet que
l'architecture connote toujours une idéologie de l'habitat, que
l'architecte doit donc porter la critique à ces idéologies et leur
en substituer de nouvelles. Car bien sûr l'architecture est
déterminée par des codes culturels. Mais quand il s'agit de
réintégrer l'histoire dans son schéma sémiotique, ce sera dans les
termes d'un relativisme cultu- raliste, d'un historicisme
élémentaire. Mais alors, quelle peut bien être la nature de la
charge idéologique contestataire que Eco attri- bue à
l'architecture? Et, puisque la société est conçue comme un bloc
homogène et non-contradictoire, dont la division en classes
antagonistes échappe totalement à Eco, la critique dont est capable
l'architecture ne porte sûrement pas sur les rapports sociaux de
production.
30 Reste à définir la fonction sociale de l'architectu e dans la
perspec- tive d'une transformation de la société. Celui- à aura à
refuser deux attitudes :
165
- soit apporter la réponse exacte à la demande sociale architec-
turale en respectant tous les codes culturels ; ce faisant il ne
viserait à aucune transformation, il obéirait aux décisions
sociologiques et politiques du pouvoir;
- soit rechercher un bouleversement total et immédiat des codes
existants sans tenir compte de la réalité de ceux-ci; cette
attitude, qui fait de l'architecture le démiurge de l'histoire,
serait refusée d'emblée par les utilisateurs de l'architecture
eux-mêmes.
Il faudra donc que l'architecte «tienne compte du code de base et
en étudie les articulations inusitées qui soient toutefois
consenties par le système d'articulation s ou encore qu'Il «
projette des fonctions premières variables s (qui relèvent de la
dénotation fonctionnaliste) et « des fonctions secondes ouvertes s
(qui relèvent, quant à elles, du niveau symbolique, i.e. de l'ordre
de la connotation) (Eco, 1972: 299 et 285 ; repris p. 314).
L'architecte exercerait sa pratique comme une activité ludique qui,
à force d'adresse, de prudence et d'invention, finirait par
transformer et par restructurer l'appareil idéologique, sur la base
d'un changement de l'appareil rhétorique (Eco, 1972 : 285). Il
semble cependant assez évident que ces «exécutions inusi- têes s ne
sauraient en aucun cas mettre en péril l'essentiel du système
social, à savoir le mode de production, les rapports sociaux de
produc- tion qui en découlent et, en définitive, la domination de
la classe bourgeoise. Un tel pouvoir appartient à la lutte dans le
champ prin- cipal qu'est celui de la pratique politique. Bien sûr,
c l'acte de com- muniquer avec l'architecture contribue sans doute
à changer les circonstances mais il ne constitue pas l'unique forme
de praxis:. (Eco, 1972 : 317). Mais de quelle pratique s'agit-il,
et surtout com- ment l'envisager à partir des présupposés
individualistes et élitistes qui fondent la démarche de Eco?
Il faut se rendre à l'évidence: l'architecture risque fort de
n'être jamais productrice de transformations sociales. Citons
Engels : c ce n'est pas la solution de la question du logement qui
résout du même coup la question sociale, mais bien la solution de
la question sociale, c'est-à-dire l'abolition du mode de production
capitaliste, qui rendra possible celle de la question du Iogement s
(Engels, 1969: 64). L'architecture, aussi e progressistes soit-elle
(il s'agit bien ici de l'architecture c aoeiale s, de
l'architecture de masse à laquelle faisait allusion Eco), ne
pourra, tant que durera ce mode de production, que c pallier au
plus pressé s. Reste l'architecture savante: elle pro- duit certes
des e innovations », mais elles les destine exclusivement aux
classes dominantes. Et lorsqu'enfin, les classes non-privilégiées
se les approprient (selon une logique d'identification et
d'ascension sociale), les classes dominantes, elles, se sont déjà
donné de nouvelles formes de distinction sociale. Quant à spéculer
abstraitement sur la manière dont une société socialiste peut
régler la répartition et l'usage social de l'espace construit, il
n'en est pas question: ce serait
166
aboutir directement à l'utopie alors que seule l'analyse concrète
d'expériences historiques précises, la Chine par exemple,
permettrait d'ébaucher une réponse à cette question (Buchanan,
1973).
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