8
96 OCTOBRE 2013 Lettre gratuite et mensuelle. 2 Entretien Cyria Emelianoff 2-3 Politique Les promesses de la 2 e Conférence environnementale L’OACI promet une régulation pour 2020 L’automobile allemande freine toujours L’Australie abroge sa taxe carbone 3 Sciences L’Aquitaine fait son rapport La bidoche émet toujours plus de GES 4 Économie Le véhicule électrique pour tous Les transports doivent s’afficher L’Asie du Sud-Est broie du noir 4 Initiatives Le ciment bétonne sa décarbonisation 5 Action locale Dakar inaugure le premier plan climat africain 6-7 Dossier Ce que nous dit le 5 e rapport du Giec 8 Sciences & Technologies e point fixe est un moment crucial. L’avion est en bout de piste, les freins serrés, le moteur ronflant : c’est l’instant où le pilote vérifie les principaux équipements avant de lâcher les freins et de mettre plein gaz pour décoller enfin. Deux ans avant l’ouverture de la Conférence du Bourget (Paris 2015), l’administration Hollande fait son point fixe climatique. Lors de la seconde Conférence environnementale, fin septembre, le président de la République a rappelé son objectif : « un accord qui engagera toutes les parties prenantes sur une limitation des émissions de gaz à effet de serre pour contenir l’évolution des températures en-deçà de 2 °C à l’horizon de 2100 ». Pour ce faire, a-t-il indiqué, l’Europe devra parler d’une seule voix. C’est-à-dire reconstruire une politique climatique qui n’existe plus. Cette politique devra se fixer un cap. La France propose de réduire de 40 % l’empreinte carbone du Vieux Monde, entre 1990 et 2030. L’Union européenne devra aussi achever son marché intérieur de l’énergie (15 ans qu’on en parle !), développer le stockage géologique du CO2 (dont plus personne ne veut !), restaurer le marché du carbone (dans les limbes !) et instaurer une taxe carbone pour les produits importés (qui hérisse les partenaires de la Chine…). Ambitieux ! D’autant plus ambitieux qu’il n’y a, pour le moment, aucun consensus au sein des 28 sur ce programme. Ni sur le reste d’ailleurs. En ce moment même, l’Europe se déchire sur les futures normes d’émission de CO2 des voitures. Une procédure d’infraction pourrait être lancée contre bon nombre d’États, dont la France, pour transposition insuffisante de la directive « Énergies renouvelables ». Les pays accros au charbon (leur nombre augmente à mesure que le gaz de schiste progresse) torpillent systématiquement toute proposition de réforme de l’ETS. La liste n’est pas close. Tous ces sujets seront pourtant mis sur la table lors du prochain Conseil européen du mois de mars prochain. La diplomatie tricolore disposera alors d’une grosse année pour arracher un consensus. Le quai d’Orsay pourra mesurer son degré de solitude. La crise économique et sociale n’aidera pas les chancelleries à faire montre de courage. De plus, Paris devra compter avec des présidences européennes « faibles », exercées par la Grèce, l’Italie, la Lettonie et le Luxembourg. Il en faudra de la persuasion et des compromis pour « vouloir faire tous ensemble et en même temps différemment » ! L’USINE A GES © la lettre des professionnels du changement climatique www.lusineages.com © FRESHIDEA - FOTOLIA.COM Suivez Volodia Opritchnik sur Twitter : http://twitter.com/Opritchnik 2 millions C’est le nombre de vies sauvées d’ici à 2030, en réduisant les émissions de polluants associés au CO2. L’Europe au point fixe L’Usine à GES © est une publication mensuelle -1- ENERGOGRAD L Édito Spécial Giec

ENERGOGRAD - lusineages.com 96_10_13_DEF.pdf · dès 2017 de 500 000 logements sociaux par an, l’équipement des 35 millions ... des technologies et du numérique. Ce que nous

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: ENERGOGRAD - lusineages.com 96_10_13_DEF.pdf · dès 2017 de 500 000 logements sociaux par an, l’équipement des 35 millions ... des technologies et du numérique. Ce que nous

n°96 OctOBRE 2013 Lettre gratuite et mensuelle.

2 Entretien Cyria Emelianoff

2-3 Politique Les promesses de la 2e Conférence environnementale L’OACI promet une régulation pour 2020 L’automobile allemande freine toujours L’Australie abroge sa taxe carbone

3 Sciences L’Aquitaine fait son rapport La bidoche émet toujours plus de GES

4 Économie Le véhicule électrique pour tous Les transports doivent s’afficher L’Asie du Sud-Est broie du noir

4 Initiatives Le ciment bétonne sa décarbonisation

5 Action locale Dakar inaugure le premier plan climat africain

6-7 Dossier Ce que nous dit le 5e rapport du Giec

8 Sciences & technologies

e point fixe est un moment crucial. L’avion est en bout de piste, les freins serrés, le moteur ronflant : c’est l’instant où

le pilote vérifie les principaux équipements avant de lâcher les freins et de mettre plein gaz pour décoller enfin. Deux ans avant l’ouverture de la Conférence du Bourget (Paris 2015), l’administration Hollande fait son point fixe climatique. Lors de la seconde Conférence environnementale, fin septembre, le président de la République a rappelé son objectif : « un accord qui engagera toutes les parties prenantes sur une limitation des émissions de gaz à effet de serre pour contenir l’évolution des températures en-deçà de 2 °C à l’horizon de 2100 ». Pour ce faire, a-t-il indiqué, l’Europe devra parler d’une seule voix. C’est-à-dire reconstruire une politique climatique qui n’existe plus. Cette politique devra se fixer un cap. La France propose de réduire de 40 % l’empreinte carbone du Vieux Monde, entre 1990 et 2030. L’Union européenne devra aussi achever son marché intérieur de l’énergie (15 ans qu’on en parle !), développer le stockage géologique du CO2 (dont plus personne ne veut !), restaurer le marché du carbone (dans les limbes !) et instaurer une taxe carbone pour les produits importés (qui hérisse les partenaires de la Chine…). Ambitieux ! D’autant plus ambitieux qu’il n’y a, pour le moment, aucun consensus au sein des 28 sur ce programme. Ni sur le reste d’ailleurs. En ce moment même, l’Europe se déchire sur les futures normes d’émission de CO2 des voitures. Une procédure d’infraction pourrait être lancée contre bon nombre d’États, dont la France, pour transposition insuffisante de la directive « Énergies renouvelables ». Les pays accros au charbon (leur nombre augmente à mesure que le gaz de schiste progresse) torpillent systématiquement toute proposition de réforme de l’ETS. La liste n’est pas close.Tous ces sujets seront pourtant mis sur la table lors du prochain Conseil européen du mois de mars prochain. La diplomatie tricolore disposera alors d’une grosse année pour arracher un consensus. Le quai d’Orsay pourra mesurer son degré de solitude. La crise économique et sociale n’aidera pas les chancelleries à faire montre de courage. De plus, Paris devra compter avec des présidences européennes « faibles », exercées par la Grèce, l’Italie, la Lettonie et le Luxembourg. Il en faudra de la persuasion et des compromis pour « vouloir faire tous ensemble et en même temps différemment » !

L’USINE A GES©

la lettre des professionnels du changement climatique

www.lusineages.com

© f

resh

idea

- fo

toli

a.co

m

Suivez Volodia Opritchnik sur Twitter :http://twitter.com/Opritchnik

2 millionsc’est le nombre de vies sauvées d’ici à 2030, en réduisant les émissions de polluants associés au cO2.

L’Europe au point fixe

L’Usine à GES© est une publication mensuelle -1- ENERGOGRAD

L

Édito

SpécialGiec

Page 2: ENERGOGRAD - lusineages.com 96_10_13_DEF.pdf · dès 2017 de 500 000 logements sociaux par an, l’équipement des 35 millions ... des technologies et du numérique. Ce que nous

esponsable scientifique du programme « Prospective des modes de vie urbains et facteur 4 à l’horizon 2050 », cyria

Emelianoff (université du Maine) et son équipe ont imaginé cinq scénarios d’adaptation des citadins. Un exercice de prospective dont les résultats font réfléchir. Retour vers le futur.

Quelle est l’origine de cette recherche sur les modes de vie urbains ?Cyria Emelianoff : Elle a été commandée de façon simpliste par des politiques. Leur question était de savoir comment changer les modes de vie urbains pour alléger l’empreinte carbone de notre société ou la préparer aux conséquences des changements climatiques.

comment avez-vous procédé ?C. E. : D’abord, nous avons tenté de réaliser une rétrospective des modes de vie entre 1960 et au-jourd’hui. Nous avons épluché la littérature scien-tifique portant sur la démographie, le logement, la mobilité, les revenus, les loisirs, les valeurs et les pratiques culturelles.

Des trouvailles ?C. E. : Non, mais il fallait rappeler quelques fonda-mentaux pour aboutir. Durant ce gros demi-siècle, la population s’est accrue. Elle est devenue très ma-joritairement urbaine et a vieilli. La taille moyenne du ménage a diminué. D’un autre côté, le nombre et la taille des logements ont augmenté. Ces loge-ments sont de mieux en mieux équipés, de plus en plus confortables. Plus d’un Français sur deux est désormais propriétaire de sa résidence principale.

Et la ville ?C. E. : Elle a évolué aussi. Elle s’est étendue, est devenue polycentrique et a vu apparaître les ban-lieues. Cette extension urbaine s’est conjuguée à une motorisation croissante. En 1950, les Fran-çais parcouraient, en moyenne, une dizaine de kilomètres par jour : 4 fois moins qu’en 1990. Plus récemment, il est devenu difficile d’accéder à la propriété. À cela s’ajoute l’éclatement du noyau familial. Ces deux phénomènes ramènent vers le centre-ville des populations qui privilégient désor-mais la location dans des immeubles collectifs à l’achat d’une maison de banlieue.

Les loyers ont beaucoup augmenté aussiC. E. : Absolument. D’ailleurs, depuis 2000, le loge-ment est devenu le premier poste de dépenses des ménages, alors que quarante ans auparavant, il était le second, derrière l’alimentation.

cette « crise », que nous subissons plus ou moins depuis une trentaine d’années, a-t-elle influé sur les modes de vie ?C. E. : Bien sûr. Les familles, plus fragmentées, plus fréquemment confrontées au chômage et à la pré-carité, souffrent d’une insécurité croissante. La rup-ture entre la France qui gagne et celle qui souffre débouche, parfois, sur la perte d’idéaux, de valeurs communes, de règles du vivre ensemble. Cela se traduit aussi par des réactions de repli qui peuvent générer des mouvements de radicalisation.

Le film de nos modes de vie passés et actuels étant tiré, comment avez-vous progressé dans votre recherche ?C. E. : Nous nous sommes mis en quête de ce que nous appelons les signaux faibles des modes de vie urbains : des comportements, parfois margi-naux, qui peuvent, par la suite, influencer l’organi-sation sociale urbaine.

ces signaux faibles sont nombreux ?C. E. : Nous en avons détecté trois grands types : la résistance au consumérisme, l’essor de nouveaux modes d’habiter et la quête de l’économie du lien social plutôt que celle de l’économie du bien matériel. L’émergence de ces modes de «  déconsommation » est encourageante, si l’on garde à l’esprit que les deux tiers des impacts environnementaux globaux sont la consé-quence des modes de vie occidentaux, alors qu’ils n’impliquent qu’un sixième de la popula-tion mondiale.

Politique

Les promesses de la 2e conférence environnementaleComme l’année passée, le président de la République n’a pas été avare de promesses, lors de la Conférence environnementale. Dans son discours du 20 septembre, François Hollande a remis au goût du jour des programmes déjà lancés  : les énergies renouvelables qui doivent produire le quart de notre consommation d’énergie finale en 2020 (objectif inatteignable !), la réhabilitation dès 2017 de 500 000 logements sociaux par an, l’équipement des 35 millions de foyers de compteurs communicants de gaz et d’électricité (obligation européenne). Le locataire de l’Élysée a aussi annoncé, pour 2030, la diminution d’un tiers de notre consommation d’énergies fossiles et la réduction de moitié de notre consommation d’énergie finale pour 2050. De vraies nouveautés qui sont, toutefois, dans la lignée de la loi Pope de 2005. Reste à savoir comment atteindre de tels objectifs  ? EDF a bien une solution  : allonger à cinquante ans la durée de vie des réacteurs nucléaires. Une idée qui fait peu à peu son chemin au sein du gouvernement.

L’OAcI promet une régulation pour 2020L’Organisation de l’aviation civile interna-tionale (OACI) a enfin décidé de réguler les émissions de CO2 du transport aérien. À l’issue de deux semaines de négocia-tions, le régulateur de l’aviation civile mondiale a décidé de mettre en œuvre un système de marché destiné à maîtri-ser les empreintes carbone des compa-gnies. Lequel ? Mystère. L’OACI se donne jusqu’à… 2016 pour décider. Elle promet toutefois que le dispositif (marché de quotas, taxe) sera opérationnel d’ici à 2020. Premier système sectoriel à voir le jour, le dispositif OACI signe probable-ment la fin de l’intégration de l’aviation commerciale dans l’ETS européen. L’ONG Transport & Environment rappelle que les émissions carbonées de l’aviation ont doublé, ces vingt dernières années, et tri-pleront d’ici à 2050, si aucune régulation n’est mise en œuvre.

L’automobile allemande freine toujoursPour la troisième fois, l’Allemagne a ob-tenu, le 2 octobre, le report du vote sur l’adoption d’un règlement européen fixant les normes d’émission des véhi-cules neufs pour 2020. Dans sa version actuelle, le projet de norme fixe la limite

…/…

cyria Emelianoff

Entretien Propos recueillis par Volodia OPriTChnik

L’Usine à GES© est une publication mensuelle -2- ENERGOGRAD

R

Page 3: ENERGOGRAD - lusineages.com 96_10_13_DEF.pdf · dès 2017 de 500 000 logements sociaux par an, l’équipement des 35 millions ... des technologies et du numérique. Ce que nous

Suffiront-ils à faire basculer la société ?C. E. : Je ne le crois pas. Car, en parallèle, l’Humanité subit de plein fouet les progrès de la biologie, des technologies et du numérique. Ce que nous pourrions appeler « la révolution info-nano-bio-cognitivo-technologique ». À tout cela, il faut ajouter des tendances globales, comme la raréfaction de l’accès à l’énergie et aux ressources naturelles, les modes d’organisation nationale (centralisation accrue ou régionalisation ?) et notre capacité à nous réconcilier avec la nature.

Après avoir convoqué les fondamentaux du passé et de notre présent, que nous annoncez-vous ? C. E. : Il ne s’agit pas d’une annonce, mais des résultats d’un exercice de prospective. En travail-lant sur la démographie, la consommation, la vie quotidienne, la culture, l’environnement, la ville, les technologies et l’économie, nous avons élaboré 5 scénarios possibles d’évolution de nos modes de vie urbains.

Scénario 1 ?C. E. : Le consumérisme vert est la continuation de notre modèle actuel qui aurait intégré l’innovation technologique et la lutte contre le changement climatique. Nous consommons toujours autant de produits. Mais ceux-ci ont été verdis et leur bilan carbone est contrôlé. Une taxe carbone de 100 € la tonne a été instaurée ainsi que de multiples mécanismes de compensation de nos émissions de GES. Les inégalités sociales et environnemen-tales se sont creusées. Le gouvernement est donc devenu autoritaire.

Scénario 2 ?C. E. : C’est l’ère du cyborg. De formidables progrès dans le domaine de la génétique, du rajeunisse-ment des tissus et des prothèses permettent aux membres des classes les plus favorisées d’être hyperperformants et d’allonger sensiblement leur durée de vie. N’habitant que dans des villes closes, à l’environnement préservé, ils ne fréquentent pas les simples humains qui survivent en subissant les effets des pollutions, des changements clima-tiques, de la raréfaction de l’accès aux ressources et à la biodiversité. La Planète est régie par un gouvernement mondial, dont l’une des préoccu-pations principales est de démocratiser la distribu-tion de… prothèses.

Scénario 3 ?C. E. : La crise économique ne fait qu’empirer. Peu à peu, une part croissante de la population se dé-tourne du système économique et se met à l’écart de la société, non seulement pour survivre, mais aussi pour partager des valeurs et des intérêts. À l’instar des Amish, aux États-Unis, ou des membres des kibboutzim en Israël, ils vivent en communauté, selon leurs propres règles (économiques, sociales)

et sont « tolérés ». La gestion du pays devient duale. À l’État, l’administration des fonctions réga-liennes, la gestion des infrastructures, des poli-tiques sanitaires. Aux communautés, la gestion de l’aménagement écologique, la production alimen-taire. Une alimentation qui d’ailleurs est devenue quasiment végétarienne.

Scénario 4 ?C. E. : La société de « l’âge de la connaissance » est aussi le résultat d’une crise économique sans fin. Après des émeutes qui ont détruit les quartiers d’affaires, les biens de consommation sont tota-lement dévalués. Démarre « l’âge de la connais-sance », dont la première des concrétisations est l’accès universel à l’internet et à la formation conti-nue, accompagné d’une démocratisation extrême de l’accès aux savoirs. Le pouvoir est exercé à deux niveaux, mondial et local. Une monnaie mondiale a remplacé toutes les autres. Les forums internet mondiaux permettent de débattre des sujets de société et de trancher : le développement des OGM et des cyborgs est interdit. Localement, des assemblées métropolitaines organisent l’approvi-sionnement en produits alimentaires (par circuits courts), la production et la distribution d’énergie (renouvelable), la gestion de l’eau et des déchets, l’organisation de la mobilité.

Scénario 5 ?C. E. : De multiples crises économiques, sanitaires, climatiques ont placé l’environnement au centre de l’action collective et de l’organisation sociale. Ce renversement des valeurs est marqué par le développement de la sobriété (énergétique, ali-mentaire) et par une éco-fiscalité visant à réduire notre bilan carbone et notre consommation de ressources naturelles. Dans le monde écono-mique, l’écologie industrielle est d’ailleurs devenue la norme.

Pour effrayantes et rassurantes qu’elles soient, ces visions de nos modes de vie à 2050 ne répondent pas à LA question : laquelle est la moins carbonifère ?C. E. : Pour répondre à cette question, nous avons fait un gros travail d’évaluation des émissions de GES des ménages actuels, en plus de la scénari-sation de nos modes de vie future. Ce qui n’est pas facile, tant les situations, les habitudes sont diverses. Globalement, on peut estimer que les deux premiers scénarios ne répondent pas à l’objectif de la loi Pope de 2005 : réduire d’un facteur 4 nos émissions de GES d’ici à 2050. Gros-sièrement, ces deux modes de vie permettent (grâce aux technologies et à la décarbonisation de la production d’énergie) de réduire l’empreinte carbone de nos descendants de 7 % à 30 %. En poussant tous les leviers possibles, les trois der-niers scénarios permettraient d’abattre nos émis-sions carbonées de 48 % à 84 %.

d’émission à 95 grammes de CO2 par kilo-mètre : intenable pour les constructeurs allemands. Par deux fois, l’administra-tion Merkel avait déjà réussi à ajourner la décision finale. Elle vient de récidiver. Avec l’aide de la Pologne, du Royaume-Uni, de la Hongrie, du Portugal et de la République Tchèque. Cinq pays où Daimler, BMW, Audi et Volkswagen ont… des usines. Prochaine tentative : le 14 octobre.

L’Australie abroge sa taxe carboneComme promis, le nouveau premier ministre australien a annoncé, le 29 sep-tembre, l’abrogation de la taxe carbone, mise en œuvre par la précédente admi-nistration travailliste. Elle sera remplacée, annonce Canberra, par un plan d’action directe, aux contours des plus flous.

Sciences

L’Aquitaine fait son rapportÀ l’initiative du conseil régional, les Presses universitaires de Bordeaux viennent de publier un imposant ou-vrage sur les impacts du changement climatique en Aquitaine. Coordonné par le climatologue Hervé Le Treut, ce travail a réuni 165 auteurs et contributeurs. En s’appuyant sur un millier de publications scientifiques (reprenant donc la méthode du Giec), cette équipe dresse un bilan des connaissances et ouvre des pistes d’adaptation. Un travail qui mériterait d’être poursuivi dans les autres régions de l’Hexagone et des DOM-COM.

La bidoche émet toujours plus de GESSept ans après un premier rapport, l’Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) remet le couvert. Dans une étude, publiée fin septembre, la FAO affine le bilan carbone de l’industrie mondiale de la viande. En 2006, cette empreinte carbone était estimée à 4,6 milliards de tonnes équivalent CO2. Elle atteint désormais 7  milliards de tonnes. Fort heureusement, rappellent les auteurs, des solutions existent, à l’instar de la méthanisation des lisiers ou de la remise à l’herbe des bovins. Une expérience tentée avec succès par le réseau Bleu Blanc Cœur (lire L’Usine à GES n° 92).

…/…

Entretien Propos recueillis par Volodia OPriTChnik

L’Usine à GES© est une publication mensuelle -3- ENERGOGRAD

Page 4: ENERGOGRAD - lusineages.com 96_10_13_DEF.pdf · dès 2017 de 500 000 logements sociaux par an, l’équipement des 35 millions ... des technologies et du numérique. Ce que nous

Économie

Le véhicule électrique pour tousSodetrel, filiale d’EDF, s’associe avec Bati-gère, une entreprise sociale pour l’habi-tat. Objet du partenariat : mettre en place un système d’auto-partage de voitures électriques pour les usagers d’habitats sociaux. Une première expérience a été lancée, début septembre, dans une rési-dence de Nancy. Les locataires peuvent en bénéficier moyennant le paiement d’un abonnement annuel de 20 € et de 2,5 € par heure de conduite.

Les transports doivent s’afficherDepuis le 1er octobre, les entreprises de transport doivent publier le bilan car-bone de leurs prestations. Le décret 2011-1336 du 24 octobre 2011 couvre tous les modes de transport soumis à la règlementation française et oblige les transporteurs de personnes, de marchan-dises ou de déménagement à mettre à disposition de leurs clients un état de toutes les émissions de CO2 du puits à la roue. Le mode de calcul de ces émissions de CO2 prend en compte le poids de l’expédition, la distance parcourue et le facteur d’émission du mode de transport.

L’Asie du Sud-Est broie du noirTristes perspectives que celles présen-tées, le 2 octobre, par l’agence inter-nationale de l’énergie (AIE). Dans un rapport consacré à l’avenir énergétique des 10 pays de l’Asean, l’AIE annonce un quasi-doublement du bilan carbone de la zone d’ici à 2035 (soit 2,3 milliards de tonnes de CO2 par an). En cause, la crois-sance démographique, l’urbanisation, la demande d’énergie, mais aussi la baisse des prix mondiaux du charbon. Selon l’or-ganisation parisienne, 70 % des centrales en cours de construction en Asie du Sud-Est consommeront du charbon.

L’Usine à GES© est une publication mensuelle -4- ENERGOGRAD

econde industrie émettrice de cO2 après l’énergie, le ciment a développé des techniques pour alléger son

bilan carbone. Elles restent, hélas, l’apanage des compagnies européennes.

Il en est des combats climatiques comme des vêtements : il y a des modes. Après avoir mené d’importants combats contre les centrales électriques au charbon, les « climateux » s’en prennent, depuis quelques mois, à l’aviation commerciale. L’enjeu est important. En plein essor, le transport aérien rejette, environ, 3 % des gaz à effet de serre (GES) anthropiques. Après une première tentative de régulation par l’Union européenne, des négociations serrées se déroulent, en ce moment, sous l’égide de l’Organisation internationale de l’aviation civile, réputée peu favorable à la contrainte climatique.

Une demande qui exploseIl est une industrie, très émettrice, qui semble être, jusqu’à présent du moins, passée entre les gouttes de la critique : le ciment. Après le secteur énergétique, c’est pourtant l’industrie la plus émettrice de CO2. À elle seule, elle est responsable d’au moins 5 % de nos rejets carbonés. La faute à notre consommation. Après l’eau, le ciment est la ressource que nous consommons le plus. Et ça n’est pas fini. Selon les projections d’International Cement Review, la demande mondiale devrait tripler, entre 2001 et 2016. Si les chiffres sont exacts, la Chine consommera, en 2016, autant que la Planète dix ans plus tôt.

C’est son mode de production qui fait du ciment un gros émetteur de carbone. Pour commencer, on mélange du calcaire et de l’argile. Cet agglomérat est ensuite broyé, séché (opération très énergivore), puis cuit à 1 500 °C (autre étape bouffeuse de kilowattheures). Sorti du four, ce « clinker » est, de nouveau, broyé avant d’être mélangé à du gypse. Voici résumée la recette du Portland, le ciment de base. Globalement, la fabrication d’une tonne de ciment relâche

800 kg à 900 kg de CO2. La demande mondiale progressant de 3 % à 4 % l’an, le bilan carbone du secteur devrait passer de 2,3 milliards de tonnes de gaz carbonique par an, en 2005, à 3,5 milliards, en 2020.

cuire moins chaudLes cimentiers travaillent, depuis des années, à alléger cette empreinte. Et ils ont commencé par le plus évident : la cuisson. À coups d’améliorations, l’efficacité énergétique des énormes fours rotatifs a été grandement améliorée. Résultat : on consomme moins d’énergie pour produire autant. Des entreprises, comme Lafarge, ont aussi changé de sources d’énergie. Le fioul et le charbon laissent, petit à petit, la place à des combustibles alternatifs. Certains ne sont pas des plus écolos, comme les pneus, ou des plus sains, comme les farines animales. Depuis peu, les entreprises s’orientent vers l’utilisation de la biomasse, bilan carbone (officiel) irréprochable. Le premier cimentier mondial annonce ainsi que 14  % de l’énergie qu’il utilise sont d’origine végétale. Dans six ans, ce sera la moitié. Italcementi investit dans les renouvelables. Le groupe italien entend, à terme, produire toute l’électricité dont il a besoin. Il exploite déjà des barrages et des fermes photovoltaïques, en Italie, des centrales éoliennes en Bulgarie. Au Maroc, la maison-mère des ciments Calcia construit la première centrale solaire à concentration du royaume.

Autre piste suivie : la modification de la formulation. En remplaçant une partie du carbonate de calcium par de la bauxite et du sulfate de calcium, Vicat peut réduire de 200  °C la température de cuisson. Pour réduire la température de cuisson, Lafarge a choisi d’utiliser des cendres volantes, des pouzzolanes et des

laitiers en substitution. Objectif : une diminution de 25 à 30 % des émissions de CO2 imputables à la production. Aussi méritoires soient-ils, ces efforts restent insuffisants. Pour le moment, la production des ciments low carbon se limite à quelques milliers de tonnes. À comparer aux 3,5 milliards de tonnes produites en 2011. D’autre part, ces progrès ont été réalisés par des cimentiers européens. Or, les principaux pays producteurs restent la Chine, l’Inde, l’Iran, le Brésil ou la Turquie. Pour alléger son empreinte carbone, le secteur du ciment devra relancer le transfert de technologies. Une vieille revendication des pays émergents.

Le ciment bétonne sa décarbonisation

Initiatives Sophie d’AnhAlT

S

© h

e2 -

foto

lia.

com

Page 5: ENERGOGRAD - lusineages.com 96_10_13_DEF.pdf · dès 2017 de 500 000 logements sociaux par an, l’équipement des 35 millions ... des technologies et du numérique. Ce que nous

Action locale

Dakar inaugure le premier plan climat africain

e 1er juillet, la ville et la région de Dakar ont lancé le premier plan climat territorial du continent. Baptisée « Plan Climat territorial intégré » (PCTI), la démarche

ne déboussolera pas les édiles français.

Avec le soutien de l’Agence francilienne de l’envi-ronnement et des nouvelles énergies (Arene) et de l’Ademe, le bureau d’études vendômois Espere a réalisé le profil énergétique des émissions de GES de la capitale du Sénégal. Une cartographie de la vulnérabilité aux conséquences des chan-gements climatiques de l’agglomération est en cours de réalisation. Aux parties prenantes locales d’imaginer, désormais, le plan d’atténuation des émissions et d’adaptation. Ce qui n’est pas gagné d’avance, tant la région phare du Sénégal est un précipité des problèmes économiques, sociaux et environnementaux du pays.

Un poids lourdAbritant plus de 3 millions d’habitants (le quart de la population sénégalaise), Dakar concentre 80 % des activités économiques nationales. Son empreinte carbone est donc majeure. Selon Espere, la capitale et son agglomération émettent environ 15,7 millions de tonnes équivalent CO2 par an. Soit plus de 90 % des GES recensés dans la seconde communication nationale, adressée à l’ONU en 2010. Certes, les méthodes de calcul françaises et onusiennes diffèrent, mais pas au point de travestir une réalité : le point focal du carbone sénégalais se trouve à Dakar.

D’origine entièrement fossile, l’énergie (compre-nant production d’énergie et transport) est, sans surprise, le premier poste émetteur : 45 % du total. Avec 20 %, l’industrie précède de peu le résiden-

tiel dakarois (15 %). Spécificité locale : une bonne partie des émissions des logements dakarois est imputable aux fuites de fluides frigorigènes des climatiseurs, qui ont un important pouvoir de réchauffement global. Détail non négligeable : les Sénégalais consomment 90 kg de riz par an (18 fois plus que les Français) : importée dans sa totalité, cette céréale « pèse », à elle seule, 8 % du bilan carbone dakarois.

ciel polluéCentrales électriques, groupes électrogènes, usines et cimenteries, sans compter les deux-roues, voitures et camions, sont hors d’âge. Peu efficaces, ils sont fortement émetteurs de CO2 et de pollutions atmosphériques. Selon l’Orga-nisation mondiale de la santé, le ciel dakarois est d’ailleurs le plus chargé en particules fines d’Afrique après celui de Gaborone au Botswana.

Décarboner l’atmosphère ne pourra contribuer qu’à améliorer la santé des Dakarois. Quelles pistes peuvent-elles être empruntées ? Améliorer la performance énergétique des bâtiments et de leurs climatiseurs, pour commencer. Le secteur électrique étant largement déficient (moins d’un Sénégalais sur deux a accès à l’électricité), l’équi-pement des bâtiments publics en panneaux pho-tovoltaïques « devrait faciliter l’appropriation de ces technologies par les acteurs du territoire », estiment les experts d’Espere. À propos de bâtiment, le développement de matériaux de construction alternatifs au ciment (la cimenterie Sococim est à l’origine de 70 % des émissions du secteur industriel) permettrait de réduire sensiblement les émissions de l’agglomération et la générali-sation de fours solaires pourrait réduire les fortes consommations de bois de chauffe et de charbon de bois, gros émetteurs de poussières toxiques.

Dakar

Sophie d’AnhAlT

Dakar en chiffres

3,2 millions d’habitants (2011)

15,7 millions de tonnes équivalent cO2 par an

550 km2

L’Usine à GES© est une publication mensuelle -5- ENERGOGRAD

L

http://www.pctidakar.org/wp-content/themes/healthStyle/ressourcespcti/Synthese-Bilan-Carbone-Territoireregion-de-dakar.pdf Macoumba diAgnE (Espere Sénégal), [email protected]

Page 6: ENERGOGRAD - lusineages.com 96_10_13_DEF.pdf · dès 2017 de 500 000 logements sociaux par an, l’équipement des 35 millions ... des technologies et du numérique. Ce que nous

près six ans de travail, les bénévoles du Giec publient le premier tome des quatre de leur cinquième rapport d’évaluation. Globalement, les grandes tendances annoncées

dans les précédents opus sont confirmées. L’obligation d’agir n’en est que plus urgente.

Comme prévu, le Groupement intergouverne-mental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) a rendu public, le 27 septembre, le premier tome de son cinquième rapport d’évaluation. Et avec lui, le fameux « résumé pour décideurs », négo-cié plusieurs jours durant entre climatologues et représentants de 195 gouvernements. À dire vrai, l’une des rares surprises de cet événement fut de ne pas (encore ?) entendre Claude Allègre hurler à la machination scientifique, lui qui en connaît un rayon sur le sujet. Pour le reste, ce premier tome – consacré aux éléments scientifiques des chan-gements climatiques(1) – confirme, à quelques exceptions près, le diagnostic déjà posé, depuis 1990, par les précédentes moutures.

Du jamais vu depuis 800 000 ansÀ commencer par le réchauffement climatique proprement dit. Le climat se réchauffe bien. Entre 1880 et 2012 la température moyenne globale a augmenté de 0,85 °C. « Et ces trente dernières années ont sans doute été les plus chaudes depuis 1 400 ans », ajoute Gerhard Krinner, directeur de recherche au Laboratoire de Glaciologie et de l’Environnement (CNRS). L’influence humaine est désormais sans équivoque. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) imputables à nos activités n’ont cessé de progresser. Entre 1750 (début de la révolution industrielle) et 2011, les concen-

trations des trois principaux GES ont, respecti-vement, crû de 40 %, 150 % et 20 %. Grâce aux études réalisées sur les bulles d’air fossiles conte-nues dans les carottes de glace, on sait désormais que les concentrations de gaz carbonique (CO2), de méthane (CH4) et d’oxyde nitreux (N2O) sont les plus importantes depuis 800 000 ans. Toujours par rapport à 1750, le forçage radiatif a atteint 2,29 W/m2 en 2011 contre 1,25 W/m2 en 1980 et 0,57 W/m2 trente ans auparavant. Dit autrement : « Il est extrêmement probable que plus de la moi-tié de l’augmentation observée de la température moyenne à la surface du globe, entre 1951 et 2010, soit due à l’augmentation anthropique des concen-trations de gaz à effet de serre et à d’autres forçages anthropiques conjugués », explique Serge Planton, de Météo France.

La mer, plus chaude et plus acideCe réchauffement n’a pas seulement concerné les continents et les basses couches de l’atmos-phère. L’océan, stockant 90 % de l’énergie du réchauffement, s’est aussi réchauffé. Ces qua-rante dernières années, les 75 premiers mètres de profondeur ont vu leur température moyenne grimper de 0,11 °C par décennie. Des élévations de température ont été mesurées au-delà de 4 000 mètres de profondeur. Du fait d’une évo-lution du régime des précipitations au-dessus

des mers, les zones à forte salinité (où il y a plus d’évaporation que de pluie) deviennent de plus en plus salées. A contrario, les régions océaniques peu salées deviennent de plus en plus douces. Ces deux tendances sont observées depuis une soixantaine d’années. L’océan absorbant toujours plus de carbone, il a tendance à s’acidifier. Depuis le XVIIIe siècle, son pH a perdu 0,1 unité, ce qui correspond à un accroissement de 26 % de la concentration en ions hydrogène. Énorme !

La glace reculeSur mer comme sur terre, la glace recule (presque) partout. Durant la période 1979-2012, l’étendue moyenne de la banquise arctique a diminué de près de 4 % par décennie. Aux antipodes, c’est l’inverse. Le terrain de jeu des glaces de mer antarctiques s’est accru d’environ 1,5 % par dé-cennie. Sur terre, c’est la débâcle. Ces vingt der-nières années, les glaciers perdaient 275 milliards de tonnes (Gt) de glaces par an : 21 % de plus qu’au cours de la période 1971-2009. La fonte de la calotte du Groenland s’est accélérée à un rythme impressionnant : 215 milliards de tonnes par an, durant la première décennie du siècle, contre 34 Gt/an durant la dernière décennie du XXe siècle. Au sud, ça n’est pas mieux. La calotte glaciaire antarctique a vu quadrupler sa vitesse de fusion durant les mêmes périodes.

Avec de tels apports d’eau douce continentale, conjugués à l’expansion thermique, l’océan ne pouvait pas rester dans son lit. Entre 1901 et 2010, le niveau moyen des mers s’est donc élevé de 19 centimètres. Mais comme au Mont Saint- Michel, la mer arrive maintenant presque au ga-lop. Durant le XXe siècle, le niveau moyen s’élevait de 1,7  millimètres par an. L’élévation est désor-mais supérieure à 3 millimètres par an.

Alerte au méthaneLes amateurs de sports d’hiver ont du mouron à se faire. Entre 1967 et 2012, l’étendue du manteau neigeux de l’hémisphère Nord a diminué de 1,6 %

Volodia OPriTChnikDossier

L’Usine à GES© est une publication mensuelle -6- ENERGOGRAD

A

Quid du hiatus ?Entre 1998 et 2012, le réchauffement a été moindre que durant la période 1951-2012. Un phénomène dont les négationnistes du changement climatique se sont évidemment emparés. Problème : ce « hiatus climatique » est prévu par la théorie. « Le réchauffement n’est pas un processus continu et uniforme sur la Planète, explique Hervé Le Treut, direc-teur de l’Institut Pierre-Simon Laplace. Il y a d’abord d’importantes variations naturelles qui se superposent aux activités humaines. Ce qui

est difficile, c’est d’analyser le mécanisme précis qui est à l’origine de ce plateau de température. » En l’occurrence, le suspect idéal semble être l’océan, qui emmagasine plus d’énergie qu’on ne l’imaginait jusqu’alors. Mais il n’est pas impossible qu’à la faveur d’un mouvement d’eau, tout ou partie de la chaleur captée soit restituée par les eaux à l’atmosphère. Ce qui accélérerait un réchauffement ralenti.

V.O.

ce que nous dit le 5e rapport du Giec

© a

l1ce

nte

r - f

oto

lia.

com

(1) Publiés en mars et en avril prochains, les trois prochains tomes seront consacrés aux impacts, à la vulnérabilité et à l’adaptation au changement climatique, ainsi qu’aux moyens d’atténuer le phénomène.

Page 7: ENERGOGRAD - lusineages.com 96_10_13_DEF.pdf · dès 2017 de 500 000 logements sociaux par an, l’équipement des 35 millions ... des technologies et du numérique. Ce que nous

par décennie pour les mois de mars et d’avril. Plus inquiétante est la situation dans les très hautes latitudes. Ces régions où la terre est toujours ge-lée s’étendent sur 25 millions de kilomètres car-rés. Ces trois dernières décennies, la température moyenne a pu y grimper de 3 °C, avec des consé-quences importantes. En Russie, des cryosols, épais d’une dizaine de mètres, ont intégralement dégelé entre 1975 et 2005. Dans la région sibérienne de Vorkouta, la limite sud du permafrost est remontée de 80 kilomètres vers le nord. La dégradation du pergélisol provoque de nombreux dégâts, à com-mencer par des éboulements sur les glaciers et des affaissements de terrain, notamment le long des côtes sibériennes. Les sols gelés (continentaux et sous-marins) recèlent du méthane, piégé dans le terrain glacé sous forme d’hydrates. Leurs réserves pourraient être supérieures à celles de tous les

autres hydrocarbures réunis. Selon les dernières évaluations, les émissions de méthane (un puis-sant GES) du permafrost atteindraient déjà 5 à 10 millions de tonnes par an, soit 125 à 250 millions de tonnes équivalent CO2.

tout dépendra de notre bon vouloirQuid de notre futur climatique ? Pour les pro-chaines années, c’est plié. D’ici à 2035, la tempé-rature moyenne globale progressera de 0,3  °C à 0,6 °C par rapport à la moyenne observée entre 1986 et 2005. Pour la suite, tout dépendra de notre bon vouloir. Au rythme actuel d’émission (48,6 Gt équivalent CO2/an(2)), les scénarios les plus plausibles semblent être les RCP 4,5 et  6. Lesquels nous promettent, pour le milieu du siècle, un accroissement de 1,4 °C de la tempé-rature moyenne globale (par rapport à la fin du

XXe siècle) et une élévation de 26 centimètres du niveau des mers. À plus long terme (2100) et si nous restons sur la même trajectoire d’émissions, le mercure du thermomètre planétaire pourrait grimper de 1,8 °C à 2,2 °C (toujours par rapport à l’an 2000) et le niveau des mers d’un demi-mètre. Des conclusions que l’on pouvait déjà lire à l’issue de la conférence climatique de Villach. C’était en octobre 1985.

Volodia OPriTChnikDossier

L’Usine à GES© est une publication mensuelle -7- ENERGOGRAD

La géo-ingénierie, ça marche ?Le cinquième rapport du Giec innove en évaluant, pour la première fois, les possibili-tés qu’offrirait la géo-ingénierie (lire L’Usine à GES n° 85 et 90). « La communauté scien-tifique s’est emparée assez tard de ce sujet », reconnaît Laurent Bopp, chargé de recherche au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement. Dans l’ensemble, les auteurs admettent qu’ils ont peu de littérature scien-tifique à se mettre sous la dent pour se forger

une opinion. « Beaucoup d’idées qui circulent ne s’appuient sur aucun travail scientifique », confirme Hervé Le Treut. En outre, les perfor-mances annoncées sont très insuffisantes au regard des défis à relever. Certains projets, comme la reforestation massive peuvent entrer en compétition avec d’autres activités humaines. En définitive, seule la brumisation de sulfates dans l’atmosphère semble susci-ter un début d’intérêt. Ce volcanisme artificiel

pose toutefois bien des questions : quels ton-nages de sulfates injecter, quels seraient les dégâts collatéraux d’un tel système, comment s’assurer de son fonctionnement permanent, avec quelle gouvernance  ? De plus, ajoutent les climatologues, aucune de ces techniques n’apporte de solution pour lutter contre cer-taines des conséquences des changements climatiques, telle l’acidification des océans.

V.O.

Rapports 4 et 5 : des différences ?Même si leurs principaux messages sont très proches, les deux derniers rapports comportent quelques différences. Ainsi, contrairement à ce qu’évoquaient les rapports du quatrième opus, le débit des grands fleuves ne s’est pas accru. Autre révision : la tendance à l’accroissement des périodes de sécheresse depuis les années 1970 n’est pas confirmée. De même, les assureurs seront ravis d’apprendre que, finalement, les climatologues n’ont pas constaté d’augmentation ni de la puissance ni du nombre de cyclones tropicaux en quarante ans. Une petite nouveauté pour finir. La couverture nuageuse n’est plus ce qu’elle était. Entre 1953 et 2002, le ciel canadien est devenu de plus en plus gris. Tout comme en Chine, entre 1990 et 2005. Entre 1971 et 1996, cette couverture s’est réduite au-dessus de l’Amérique du Sud, de l’Eurasie et de l’Afrique. L’Amérique ne faisant rien comme tout le monde, on y note un accroissement des cumulus mais une diminution des stratus. Les cirrus, eux, désertent les cieux de tous les continents. La nouvelle découragera les amateurs de beaux ciels, mais pas forcément les politiques. Car, rappelle le rapport, à l’exception de ceux situés à basse altitude (pour lesquels les scientifiques ne peuvent encore se prononcer), les nuages ont plutôt tendance à réchauffer l’atmosphère.

V.O.

GIEc : du côté des autres groupesDerrière le prestigieux « groupe 1 » (les sciences physiques) se cachent les groupes de travail 2 et 3, qui finaliseront leurs textes, en début d’année prochaine, pour « les impacts » et au printemps pour « la réduction des émissions ». La synthèse finale ne sera formalisée qu’en décembre 2014. Ces textes représentent une masse considérable de travail, une mine bibliographique qui nous présente la synthèse des meilleures publications et des consensus sur les implications prévues. Moins courus que les discussions sur la sensibilité terrestre ou sur la montée des océans, ils sont aussi plus ardus. Il faut être un peu spécialiste pour aller au bout des chapitres consacrés, par exemple, aux relations entre développement et lutte contre les changements climatiques. C’est pourtant là que se dessinent les discussions de demain. Ainsi, les sciences politiques viennent à la rescousse du processus. Dans le cinquième rapport, le choix a été fait de limiter le rôle des ingénieurs et spécialistes des énergies. Le chapitre sur l’énergie, un peu neutralisé par la présence de nombreux lobbies, est moins intéressant que ceux dédiés à l’aménagement ou à l’industrie, où le débat

a semblé plus ouvert à des thèmes comme la décroissance ou l’économie circulaire. De même, les chamailleries entre économistes, qui envahissaient le troisième rapport, sont limitées. Désormais, c’est la décision politique, notamment pour donner un prix aux émissions de GES, qui importe plus que la théorie. Reste la question centrale pour la mitigation : est-il déjà trop tard ? Nous ne le saurons que dans six mois avec la rédaction ultime des résumés. Mais déjà, le ton est donné. Dans une première ébauche du texte, l’objectif des 2 °C est qualifié de « quasi impossible » à atteindre. La « patte » de l’auteur principal, David Victor, est pessimiste. Bien en phase avec l’humeur présente, ce chapitre est suivi d’un texte très « politiste » sur la prise de décision. On y apprend que les décideurs ne pourront faire les choix radicaux qui s’imposent que s’ils croient que le résultat sera au rendez-vous. Soit l’exact contraire de l’humeur massacrante qui règne depuis Copenhague.

Antoine Bonduelle, expert-reviewer, AR5 WG III et contributeur à L’Usine à GES

http://www.developpement-durable.gouv.fr/iMg/pdf/OnErC_SPM_V3b.pdf

© a

l1ce

nte

r - f

oto

lia.

com

(2) Selon une estimation publiée au printemps dernier par Ecofys.

Page 8: ENERGOGRAD - lusineages.com 96_10_13_DEF.pdf · dès 2017 de 500 000 logements sociaux par an, l’équipement des 35 millions ... des technologies et du numérique. Ce que nous

Sciences et technologies Antoine BOnduEllE

ÉNERGIE

Stockage par le froidStocker l’électricité sous forme d’air liquide à -196 °C et la restituer dans une turbine : cette voie d’amélioration du stockage des surplus d’énergies variables est explorée à l’Université de Birmingham. La question centrale est l’échange de chaleur lors de la détente de l’air. L’expansion du gaz à 700   fois son volume liquide peut amener un rendement du cycle complet allant de 25 % à 70  % selon l’usage de la chaleur. Ce dernier cas correspond à la fois à un recyclage interne, entre les phases de compression et de détente, et à la récupération d’une chaleur de processus industriel. Selon les fondateurs du Centre de stockage par cryogénie, le procédé ne consomme pas de matériaux coûteux, toxiques ou rares. Le nouveau pilote vise à améliorer les résultats de l’expérience menée depuis 2011 qui avait permis de conserver 2,5 MWh d’électricité, grâce à un réservoir de 60 tonnes d’air liquide.

richard William

[email protected]

Le verre qui filtre la lumière et la chaleur séparémentDes nanocristaux insérés dans des composés d’oxydes métalliques amorphes ont permis de créer une vitre pouvant modifier indé-pendamment ses propriétés de transmission de la chaleur infrarouge et de la lumière. Ces filtres, mis au point par des chercheurs de la fonderie moléculaire du Lawrence Berkeley Laboratory à San Francisco, ont fait l’objet d’une publication dans la revue Nature. Un faible courant (2,5 volts) permet de faire pas-ser d’un état à l’autre les cristaux d’oxyde d’in-

dium dopés à l’étain, insérés dans du verre d’oxyde de niobium, sans dégradation après 2 000 cycles. Les effets électrochromiques sont déjà connus pour la création de vitrages intelligents. Mais les applications existantes sont chères et limitées. Le nouveau procédé pourra s’appliquer à des climats plus variés en combinant protection estivale et hiver-nale. La commercialisation commencera d’ici à trois ans via la start-up californienne Helio-trope Technologies. Elle en est au stade d’éva-luation chez des industriels verriers.

Anna llordés (lBl)

[email protected]

cLIMAtOLOGIE

Une mesure laser des icebergs et des températures polairesUn système Lidar fonctionnant par spectros-copie Raman embarquée sur un navire faci-lite le suivi de la formation des icebergs et de leur environnement de température en Arc-tique, de façon plus précise que les mesures satellitaires. Celles-ci, basées sur les infra-rouges, mesurent une couche supérieure fine de l’eau, qui peut être influencée par le vent et la présence de cristaux de glace, et serait donc plus froide que la colonne d’eau juste inférieure. À l’inverse, le laser peut pénétrer jusqu’à 5 m de profondeur. Une équipe scien-tifique moscovite a mis au point un instru-ment combinant portabilité (20 kg et 300 W de consommation) et précision de la mesure. La carte des glaciers inclut les températures, l’humidité, les matières organiques et la chlo-rophylle pour le phytoplancton. La mesure donne aussi des indications sur la contamina-tion par les dérivés pétroliers. Cette recherche

tente de décrire le processus de formation des icebergs dans les Fjords des Svalbard, un archipel situé au niveau de Groenland. Il pro-pose aussi de généraliser l’étude de l’Océan Arctique via la circulation de drones sans pilote pour réaliser les mesures dangereuses des bords des glaciers et calibrer les mesures satellitaires.

Alexey F. Bunkin

[email protected]

tRANSPORtS

Aviation : moins d’insectes, c’est moins de consommationGrâce à des campagnes de mesure sur le comportement des insectes à basse altitude (moins de 200 m), menées en Saxe-Anhalt par le centre allemand d’aéronautique DLR, il sera possible de limiter l’impact des in-sectes sur les ailes d’un avion. Pour cela, un avion d’essai muni de surfaces autocollantes a imité les segments de vols commerciaux à moins de 15 m d’altitude. L’écrasement des insectes dégrade en effet les propriétés des surfaces portantes des avions de façon significative. L’objectif est d’incorporer des protections contre les nuages d’insectes sur les générations suivantes d’avions, en proté-geant leurs surfaces d’attaque en carbone, qui ont besoin d’être particulièrement lisses pour créer des flux laminaires efficaces. Des volets spéciaux pourraient être ajoutés durant les décollages et les atterrissages, combinant une poussée supplémentaire et la protection anti-insectes.

dominic gloß (dlr Braunschweig)

[email protected]

ENERGOGRADEnergograd est une société spécialiséedans l’information sur l’énergie et le changementclimatique.Energograd - Volodia OPRITCHNIK73, rue de Cléry - 75002 ParisTél. : 06 26 81 31 98 - [email protected] L’Usine à GES et ses services sur le net :

www.lusineages.com

ISSN 2114-7248

Rédacteur en chef :Volodia OPRITCHNIK

Rédacteurs ayant participé à ce numéro : Sophie D’ANHALTAntoine BONDuELLE – E&E ConsultantsValéry LARAméE DE TANNENBERGVolodia OPRITCHNIK

Secrétariat de rédaction/révision : Anne LOmBARD – [email protected]

Maquette et mise en page : Pascale mICHON – [email protected]

L’Usine à GES© est une publication mensuelle -8- ENERGOGRAD