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92 JANVIER 2013 Lettre gratuite et mensuelle. 2 Entretien Hervé Kempf 2 Politique Un nouveau président pour l’Ademe Les ressources cachées de Paris 2-3 Économie CSC : Air Liquide pourrait décrocher des aides européennes La SEM Énergies Posit’if opérationnelle L’automobile européenne sur la bonne voie 3 Sciences Total arrête son projet de CSC à Lacq 3 Initiatives L’oméga 3, c’est bon aussi pour le climat 4 Actions locales Collectivités rhône-alpines, unissez-vous ! 5-8 Dossier Quand les politiques boudent la science 9 Le carbone a la cote Beaucoup de volumes pour rien 10 Le graphe de Carbone 4 Tout, tout, tout, vous saurez tout sur la CSPE 11 Sciences & Technologies ’est parti ! Après des semaines de tergiversations, le débat national sur la transition énergétique (DNTE) est finalement ouvert. Sans jeu de mots infâme, ce DNTE est porté par une véritable usine à gaz : un groupe d’experts, un autre de contact avec les énergéticiens, un comité de pilotage, un autre chargé d’assurer la liaison avec les débats régionaux, un comité citoyen (pour que tout le monde comprenne de quoi il s’agit !). Sans oublier cinq groupes de travail et un conseil national du débat, sorte de parlement siégeant au CESE et fixant les grandes orientations de la discussion. N’en jetez plus ! Concrètement, à quoi cette causerie nationale doit-elle servir ? À en croire les services du ministère de l’Écologie, il s’agit de trouver collectivement les meilleurs moyens d’imaginer la… transition énergétique. En clair, de concevoir un système énergétique (et pas seulement électrique) moins émetteur de CO2, pérenne et économe pour notre balance des paiements. On y parlera de tout, y compris de gaz de schiste et de nucléaire. Où va se passer ce grand déballage ? Essentiellement dans les régions. L’idée qui prévaut pour le moment à l’hôtel de Roquelaure est que les conseils régionaux organisent des débats territoriaux, dont les bons moments serviront aux rédacteurs d’un projet de loi. Ce texte est espéré à l’automne. Pour dynamiser tout ça, deux événements nationaux sont déjà prévus : journées de l’énergie (fin mars) et journée citoyenne (sorte de conférence de consensus, organisée le 25 mai). Quel résultat peut-on espérer ? Sans se mouiller, le législateur devra voter une loi traçant notre avenir énergétique, lequel devra atteindre les objectifs du paquet énergie (le 3 x 20 % en 2020, ce n’est pas gagné) et voir la part du nucléaire dans la production d’électricité réduite à 50 % d’ici à 2025. Le DNTE, c’est donc utile ? Débattre des questions énergétiques (et donc climatiques !) n’est jamais un vain exercice. Cela étant, voilà annoncé le troisième débat sur l’énergie depuis 1994. Organisé par la ministre de l’Industrie d’alors, Nicole Fontaine, le dernier en date, en 2003, avait accouché d’une loi ambitieuse. En son article 2, cette loi Pope stipule que la France doit réduire de 3 % par an ses émissions de gaz à effet de serre. Ce qui, bien évidemment, ne s’est jamais vu ! L’USINE A GES © la lettre des professionnels du changement climatique www.lusineages.com Suivez Volodia Opritchnik sur Twitter : http://twitter.com/Opritchnik 0,17 % C’est le pourcentage d’articles scientifiques consacrés au climat et publiés dans des revues à comité de lecture, entre 1991 et 2012, qui rejettent les conclusions du Giec, estime une étude de James Powell. Édito Un débat sinon rien ? L’Usine à GES © est une publication mensuelle -1- ENERGOGRAD C

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n°92 Janvier 2013 Lettre gratuite et mensuelle.

2 entretien Hervé Kempf

2 Politique Un nouveau président pour l’Ademe Les ressources cachées de Paris

2-3 Économie CSC : Air Liquide pourrait décrocher des aides européennes La SEM Énergies Posit’if opérationnelle L’automobile européenne sur la bonne voie

3 Sciences Total arrête son projet de CSC à Lacq

3 initiatives L’oméga 3, c’est bon aussi pour le climat

4 actions locales Collectivités rhône-alpines, unissez-vous !

5-8 Dossier Quand les politiques boudent la science

9 Le carbone a la cote Beaucoup de volumes pour rien

10 Le graphe de Carbone 4 Tout, tout, tout, vous saurez tout sur la CSPE

11 Sciences & Technologies

’est parti ! après des semaines de tergiversations, le débat national sur la transition énergétique (DnTe) est

finalement ouvert.

Sans jeu de mots infâme, ce DNTE est porté par une véritable usine à gaz : un groupe d’experts, un autre de contact avec les énergéticiens, un comité de pilotage, un autre chargé d’assurer la liaison avec les débats régionaux, un comité citoyen (pour que tout le monde comprenne de quoi il s’agit !). Sans oublier cinq groupes de travail et un conseil national du débat, sorte de parlement siégeant au CESE et fixant les grandes orientations de la discussion. N’en jetez plus !

Concrètement, à quoi cette causerie nationale doit-elle servir ? À en croire les services du ministère de l’Écologie, il s’agit de trouver collectivement les meilleurs moyens d’imaginer la… transition énergétique. En clair, de concevoir un système énergétique (et pas seulement électrique) moins émetteur de CO2, pérenne et économe pour notre balance des paiements. On y parlera de tout, y compris de gaz de schiste et de nucléaire.

Où va se passer ce grand déballage ? Essentiellement dans les régions. L’idée qui prévaut pour le moment à l’hôtel de Roquelaure est que les conseils régionaux organisent des débats territoriaux, dont les bons moments serviront aux rédacteurs d’un projet de loi. Ce texte est espéré à l’automne. Pour dynamiser tout ça, deux événements nationaux sont déjà prévus : journées de l’énergie (fin mars) et journée citoyenne (sorte de conférence de consensus, organisée le 25 mai).

Quel résultat peut-on espérer ? Sans se mouiller, le législateur devra voter une loi traçant notre avenir énergétique, lequel devra atteindre les objectifs du paquet énergie (le 3 x 20 % en 2020, ce n’est pas gagné) et voir la part du nucléaire dans la production d’électricité réduite à 50 % d’ici à 2025.

Le DNTE, c’est donc utile ? Débattre des questions énergétiques (et donc climatiques !) n’est jamais un vain exercice. Cela étant, voilà annoncé le troisième débat sur l’énergie depuis 1994. Organisé par la ministre de l’Industrie d’alors, Nicole Fontaine, le dernier en date, en 2003, avait accouché d’une loi ambitieuse. En son article 2, cette loi Pope stipule que la France doit réduire de 3 % par an ses émissions de gaz à effet de serre. Ce qui, bien évidemment, ne s’est jamais vu !

L’USINE A GES©

la lettre des professionnels du changement climatique

www.lusineages.comSuivez Volodia Opritchnik sur Twitter :http://twitter.com/Opritchnik

0,17 %C’est le pourcentage d’articles scientifiques consacrés au climat et publiés dans des revues à comité de lecture, entre 1991 et 2012, qui rejettent les conclusions du Giec, estime une étude de James Powell.

Édito

Un débat sinon rien ?

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omptable des excès environnementaux et climatiques des plus riches, dénonciateur de l’oligarchie,

le journaliste Hervé Kempf annonce l’irrésistible déclin de l’Occident dans son nouveau livre Fin de l’Occident, naissance du monde, publié au Seuil. explications.

nous avons échappé, il y a un mois, à la fin du monde, et vous, vous annoncez la fin de notre monde. vous ne craignez pas l’effet de saturation ? Hervé Kempf : Nous ne parlons pas de la même chose. Dans mes trois derniers livres, j’ai décortiqué de façon cohérente les questions écologiques, sociales, économiques, qui se posent à notre société. Cette fois, j’ai fait autre chose.

Mais encore ?H.K. : Regardons d’où nous venons. Il y a un millier de siècles environ, Homo sapiens a commencé à coloniser la terre à partir de l’Afrique. Par la suite, on peut considérer que toutes les sociétés qui se sont constituées ont eu plus ou moins le même niveau de consommation matérielle ou énergétique. Ces civilisations, bien sûr, présentaient de fortes inégalités, mais globalement leur empreinte environnementale est restée à peu près constante au fil de l’histoire.

Jusqu’à récemment…H.K. : C’est exact. Entre la Renaissance italienne du XVe siècle et la révolution industrielle du milieu du XVIIIe siècle, l’Europe, puis ceux que l’on allait appeler « les pays du Nord », se sont mis à considérablement accroître leur consommation matérielle et énergétique, jusqu’à lui faire atteindre des niveaux bien supérieurs à ceux des autres régions du monde. L’historien américain Kenneth Pomeranz a qualifié ce glissement de «  Grande divergence ».

et les pays du Sud souhaitent réduire cette divergence.H.K. : Effectivement. Ce que nous vivons depuis quelques décennies, et que nous résumons dans le concept de mondialisation, pourrait être appelé « la Grande convergence ». Tous les pays émergents et en développement veulent

consommer autant que les États-Unis ou l’Europe. Malheureusement, ce mouvement débute au moment où nos sociétés rencontrent les limites physiques de la biosphère.

Que doit-on craindre ?H.K. : Il ne faut pas être grand clerc pour se rendre compte que la crise écologique interdisant la progression continue de la croissance économique, il est probable que la croissance économique s’arrête, voire s’inverse, dans les pays les plus riches et ralentisse, voire s’arrête, dans les pays émergents et pauvres. En résumé, les pays du Nord ne vont plus cesser de s’appauvrir. Voilà posé l’horizon politique de ces prochaines décennies.

Cet horizon a-t-il été observé par les princes qui nous gouvernent ?H.K. : Je ne le crois pas. Et si notre classe dirigeante reste dans l’état de crispation qui est le sien depuis plusieurs décennies, cette mutation s’effectuera probablement dans la violence et le chaos.

Jared Diamond, l’auteur d’effondrement, avance que de telles évolutions font chuter des civilisations. H.K. : Absolument. Mais là où son analyse rejoint la situation actuelle, c’est précisément dans l’irresponsabilité du comportement des élites. Hier, c’était les chefs des Vikings du Groenland qui se sont montrés incapables d’adapter leur mode de vie aux contraintes de la vie polaire, incapacité qui a finalement provoqué la disparition de leur communauté. Aujourd’hui, on voit des entrepreneurs, des rentiers, des artistes, préférer l’exil fiscal au paiement d’un impôt légitime. Nos dirigeants ne sont pas conscients de la gravité de la situation et se bloquent, de manière dangereuse, sur des positions archaïques.

Politique

Un nouveau président pour l’ademe Le gouvernement a fait son choix. Après avoir renouvelé le conseil d’administration du bras séculier du ministère de l’Écologie, le premier ministre a annoncé le 2 février qu’il présenterait Bruno Léchevin à sa présidence. Ancien syndicaliste CFDT à EDF, Bruno Léchevin a été commissaire à la Commission de régulation de l’énergie (CRE) entre 2000 et 2008. Délégué général du médiateur national de l’énergie depuis 2008, il exerçait en parallèle le rôle de conseiller spécial auprès du président de la CRE.

Un long débat sinon rien Officiellement ouvert le 29 novembre, le débat national sur la transition énergétique n’a vraiment débuté que début 2013. Le temps de constituer et de faire fonctionner son conseil national (sorte de parlement), les cinq groupes de travail, le comité d’experts, le comité de pilotage, le comité citoyen, le groupe de contact avec les entreprises de l’énergie et le comité de liaison du débat décentralisé. À cet égard, les régions, notamment l’Île-de-France, ont commencé à phosphorer dans leur coin. L’objectif du gouvernement est de synthétiser les débats d’ici à l’été pour rédiger un projet de loi de programme qui sera présenté au Parlement à l’automne.

Les ressources cachées de Paris La ville de Paris a lancé mi-décembre un appel à contribution auprès des institutionnels, chercheurs, universitaires, entrepreneurs et particuliers, pour trouver les ressources énergétiques cachées de la capitale : chaleur de data centers, fraîcheur des carrières, eau de pluie, énergie cinétique des piétons, chaleur d’un fournil de boulangerie, chaleur des stations enterrées…). Les contributions peuvent être envoyées jusqu’au 15 mars à [email protected]

Économie

CSC : air Liquide pourrait décrocher des aides européennesAlors que la Commission espérait voir fonctionner une douzaine d’installations de captage-stockage de carbone (CSC) d’ici à 2015, la déception est au rendez-vous. En décembre dernier, faute de projet, Bruxelles n’a pu attribuer la moindre aide au CSC dans le cadre du programme NER 300. L’an prochain, Air Liquide

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Hervé Kempf

entretien Propos recueillis par Volodia OPriTcHniK

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espère placer son projet néerlandais Green Hydrogen. Concrètement, il s’agit de capter les 550 000 tonnes de CO2 produites annuellement par son usine d’hydrogène de Rozenburg. Le gaz sera ensuite acheminé par carboduc vers le port de Rotterdam, avant d’être injecté dans le fond de la mer du Nord danoise, pour stimuler l’exploitation pétrolière.

La SeM Énergies Posit’if opérationnelle Officiellement lancée par la région Île-de-France, en 2011, la société Énergies Posit’if est opérationnelle. D’un concept proche de celui de la SPL lyonnaise (lire page 4), cette SEM, dotée de 5,5 M€, ambitionne de finan-cer les travaux d’amélioration de l’effica-cité énergétique de milliers de logements franciliens en utilisant le système de tiers investisseur. Regroupant une quinzaine de collectivités, Énergies Posit’if pourrait aussi investir dans des installations de produc-tion d’énergies renouvelables, photovol-taïque, notamment.

L’automobile européenne sur la bonne voie Les principaux constructeurs opérant en Europe sont sur le point d’atteindre l’objectif des 130 gCO2/km fixé par la Commission pour 2015. C’est l’une des conclusions d’une étude d’Environment & Transport. En moyenne, les véhicules neufs du millésime 2011 émettent 136 gCO2/km. Les flottes les moins carbonées sont celles de Fiat, Toyota, PSA et Renault. Au rythme actuel de réduction des rejets carbonés (-3 %/an), l’ONG estime probable l’atteinte de l’objectif fixé pour 2020 : 95 gCO2/km.

Sciences

Total arrête son projet de CSC à Lacq C’est dans les prochaines semaines que le pétrogazier français doit arrêter son expérience de captage-transport et stockage de CO2 à Lacq (Pyrénées-Atlantiques). Cette première européenne a connu quelques déboires techniques, réduisant les ambitions de l’industriel. Un tonnage de dioxyde de carbone inférieur aux prévisions (120 000 tonnes) a été injecté dans le réservoir de Rousse, à 4 500 m de profondeur. Néanmoins, Total estime avoir prouvé la faisabilité du dispositif. Dès l’arrêt de l’injection, le puits sera contrôlé pendant trois ans. Le temps que l’administration décide du devenir du gaz carbonique injecté.

L’Usine à GES© est une publication mensuelle -3- ENERGOGRAD

nathalie KerHOaS, [email protected]

n remettant les vaches à l’herbe, une association d’éleveurs produit non seulement un lait à haute valeur

nutritionnelle mais aussi des crédits carbone. Une démarche unique au monde. explications.

Depuis des décennies, les scientifiques savent que la nourriture donnée aux vaches influe sur la qualité nutritionnelle du lait et la production de rots de méthane des ruminants. Au terme d’une quinzaine d’années de recherches, les chercheurs de l’Inra et les éleveurs du groupement Bleu-Blanc-Cœur (BBC) ont mis au point une méthode révolutionnaire pour tirer pleinement parti de ce mécanisme naturel.

Plus d’oméga 3 et moins de méthaneEn ne nourrissant les vaches que d’herbe (à 80 %) et de graines de lin, de colza et de lupin, chercheurs et paysans ont réduit la production de graisses saturées et accru le taux d’acide gras oméga 3 dans le lait. « Le lait ainsi produit est d’une bien meilleure qualité nutritionnelle que les laits habituels. Cinq études cliniques sur l’homme l’ont démontré », résume Nathalie Kerhoas, directrice générale de BBC. Bon pour l’homme, le lait BBC s’avère également bon pour le climat.

Pour schématiser, le retour des vaches à l’herbe réduit, lors de la digestion, leur production de méthane, gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO2. « Les vaches qui mangent de l’ensilage d’herbe et des graines produisent entre 15 % et 20 % de méthane en moins. De ce fait, elles conservent plus d’énergie pour elles. Elles sont donc en meilleure santé, plus fertiles, plus productives et voient moins souvent le vétérinaire », s’enthousiasme Jean-Pierre Pasquet, éleveur à Châtillon-en-Vendelais.

Autant de bénéfices, validés par le programme national nutrition santé, auraient normalement

suffi aux 5 000 producteurs regroupés dans BBC. Pas à Nathalie Kerhoas. « Nous avons souhaité valoriser les efforts de nos adhérents », explique-t-elle. Sur fonds propres l’association entreprend de faire valider par le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa) le calcul de l’allégement de l’empreinte méthane du « retour à l’herbe ».

Un projet validé par l’OnUNantie de données certifiées, BBC se lance dans une aventure autrement plus audacieuse : faire reconnaître son menu bovin comme un moyen efficace de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Après des mois de démarches, elle obtient que le ministère de l’Écologie et l’ONU accréditent le projet au printemps dernier, dans le cadre de la mise en œuvre conjointe (MOC), l’un des mécanismes du protocole de Kyoto. Cette année, BBC devrait donc recevoir 25 068 unités de réduction d’émissions. Baptisée « Éco-Méthane  », cette opération devrait être renouvelée ces prochaines années. Reste à savoir comment utiliser les crédits carbone dont le prix sur les marchés n’est pas au zénith.

En plus de chercher des acheteurs, la directrice de BBC entend surtout convaincre les fournisseurs des 500 éleveurs « bas méthane » d’accepter des URE en paiement de leurs produits. « Nous souhaitons mettre en place une économie du carbone positive », avance-t-elle. « Pour la première fois, nous sommes au cœur d’une démarche environnementale et nous ne la subissons pas », conclut Jean-Pierre Pasquet.

L’oméga 3, c’est bon aussi pour le climat

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actions locales

Collectivités rhône-alpines, unissez-vous !

n créant la première SPL dédiée à l’efficacité énergétique des bâtiments publics, onze collectivités de la région rhône-alpes vont alléger leur bilan carbone

sans débourser un euro. Une expérience à suivre.

L’équation est presque insoluble. C’est entendu, les collectivités doivent, comme tout le monde, abattre leurs émissions de gaz à effet de serre. C’est acté : l’un des principaux moyens à leur disposition est l’amélioration des performances énergétiques des bâtiments publics. C’est problématique : l’argent vient à manquer en cette période de crise. Question : comment financer l’« infinançable » ?

Un statut plus souple que celui de la SeMProfitant de la loi du 28 mai 2010, une vingtaine de collectivités ont créé depuis plus de deux ans des sociétés publiques locales (SPL). Régies par le code du Commerce (plus souple que le code général des collectivités territoriales), les SPL n’ont, contrairement aux sociétés d’économie mixte, que des collectivités territoriales pour actionnaires. C’est sur leur territoire, et leur territoire seulement, que la SPL agit dans toutes sortes de domaines qui vont de la gestion des transports en commun à la promotion touristique en passant par la rénovation thermique des bâtiments publics.

C’est précisément ce dernier créneau qu’ont choisi une dizaine de collectivités rhône-alpines, dont le conseil régional, pour lancer le 6 décembre dernier la première société publique locale d’efficacité énergétique de l’Hexagone.

Un programme de 50 millions d’eurosPrésidée par Benoît Leclair, vice-président (EELV) du Conseil régional à l’énergie et au climat, ladite société dispose d’un capital de 5,3 millions d’euros, intégralement versé par ses collectivités-actionnaires au prorata du nombre d’administrés. Ce capital permettra de lever une cinquantaine de millions d’euros, notamment auprès de la Deutsche Bank. Gestionnaire du Fonds énergétique européen, la banque allemande s’est déjà engagée à prêter 20 millions d’euros.

Avec cette manne, la société va engager, ces trois prochaines années, 17 opérations de réhabilitation de lycées, d’écoles, de gymnases et de théâtres, en agissant comme tiers

investisseur. Elle financera les chantiers de rénovation thermique des bâtiments de ses actionnaires.

Toute publique qu’elle soit, la SPL n’est pas une entreprise philanthrope. Elle se remboursera en percevant des loyers auprès des collectivités propriétaires qui n’auront pas eu à avancer le moindre euro. Des loyers qui pourront être « recalculés », explique Benoît Leclair, dès lors que les opérations de rénovation auront généré des certificats d’économie d’énergie.

Ce qui n’est pas seulement une hypothèse d’école. « Notre but, souligne l’élu savoyard, est effectivement que toutes les rénovations atteignent les objectifs du label BBC rénovation, soit 80 kilowattheures par an et par mètre carré.  » Les bâtiments ainsi rénovés verront leur consommation énergétique diminuer des trois quarts. Ce qui allégera sensiblement leur bilan carbone. Qui a dit que la rénovation thermique n’était pas une affaire rentable ?

Sophie d’anHalT

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Benoît leclair, [email protected]

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ongtemps les gouvernements des pays riches ont suivi les climatologues. Depuis Copenhague et l’offensive des négationnistes du climat, il est devenu urgent d’attendre.

Rarement médiatisés, les rapports de l’Agence européenne de l’environnement (AEE) font pourtant souvent mouche. Voilà des années que l’agence de Copenhague nous alerte sur la dégradation de notre environnement, la dangerosité de l’air que nous respirons, les conséquences de notre mauvaise gestion des déchets. J’en passe. Fin janvier, l’AEE a jeté un nouveau pavé dans la mare, en publiant, onze ans après le premier, le second tome de Signaux précoces et leçons tardives.

En 2001, l’Agence s’illustre en racontant comment, faute d’avoir écouté les lanceurs d’alerte, nous nous sommes rapidement entichés de technologies dont nous avons, par la suite, âprement regretté la généralisation. En quelque 200 pages, des historiens des sciences nous rappellent les destins tragiques de l’amiante, des CFC, des farines animales, des radiations artificielles ou de la dioxine.

« Les études de cas historiques montrent que les avertissements ont été ignorés ou écartés jusqu’à ce que les dommages pour la santé et l’environnement deviennent inéluctables. Dans certains cas, les entreprises ont privilégié les profits à court terme au détriment de la sécurité du public, en cachant ou en ignorant l’existence de risques potentiels. Dans d’autres cas, les scientifiques ont minimisé les risques, parfois sous la pression de groupes d’intérêts », soulignent les auteurs. En conclusion, l’AEE estime indispensable de renforcer l’évaluation technologique, la surveillance environnementale et sanitaire à long terme et l’écoute des lanceurs d’alerte.

Onze ans plus tard, ces « leçons tardives » ont-elles été retenues ? On peut en douter. Surtout après

avoir potassé le chapitre que le second tome de Signaux précoces et leçons tardives consacre aux changements climatiques.

Des faits pour initier les gestesFace à l’incertitude, ses deux auteurs estiment que seule la connaissance scientifique est susceptible d’initier l’action climatique des politiques. Ce n’est qu’une fois prouvées la croissance régulière de la concentration en gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère, la confirmation du réchauffement par la mesure, la relation entre accroissement des concentrations de GES et réchauffement climatique, ou entre activités anthropiques et réchauffement que les gouvernements agissent, avancent Hartmut Grassl et Bert Metz. Dans les faits, qu’en est-il ?

Les concentrations de GES dans l’atmosphère sont mesurées avec précision depuis 1958. Cette année-là Charles David Keeling du Scripps Institute installe deux stations de mesure, à Mauna Loa (Hawaï) et en Antarctique. Dès 1970, les relevés de l’observatoire des îles Hawaï montrent une augmentation moyenne de la concentration de GES de 0,4 % par an.

Maggy, la pionnièreAprès avoir été prévu dès 1938 par Guy Stewart Callendar, le réchauffement climatique est confirmé en 1980 et 1985 par les premiers colloques sur le climat de Villach (Autriche). En 1988, les chercheurs du programme international Scope affirment que les activités humaines bouleversent le climat. Les participants à la Conférence de Toronto appellent à une réduction de 20 % d’émission de CO2 d’ici à 2005. Message reçu à Londres. Chimiste de formation, Margareth

Thatcher est la première cheffe de gouvernement occidental à s’inquiéter, dans un discours à la Royal Society, des conséquences de la hausse de la concentration de GES. Réunis à Nordwijk (Pays-Bas) l’année suivante, des scientifiques appellent les pays les plus riches à stabiliser leur empreinte carbone dès que possible.

En 1990 justement, le tout nouveau Giec publie son premier Rapport d’évaluation. Dans sa synthèse de la littérature scientifique, le fruit des amours de l’OMM et du Pnue confirme que les activités humaines font grimper la concentration de gaz carbonique, de méthane et de protoxyde d’azote. Pour ceux que l’on n’appelle pas encore des climatologues, la cause est entendue ! Le climat s’est réchauffé de 0,3 °C à 0,6 °C durant le XXe siècle, avec déjà quelques conséquences à la clé : montée du niveau des mers, retrait des glaciers continentaux et modification du régime des précipitations dans certaines régions.

Inédit : les gouvernements entendent les cher-cheurs ! En 1992, une centaine de chefs d’État signent une batterie d’accords sensés encadrer le développement humain et limiter ses impacts environnementaux. Dans le lot : la Convention de l’ONU sur les changements climatiques. En termes parfois vagues, elle impose de « stabili-ser, conformément aux dispositions pertinentes de la Convention, les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du sys-tème climatique » ; 195 pays la ratifient. Les nations les plus industrialisées (de l’époque) sont priées de retrouver, en 2000, le niveau d’émission de GES comptabilisé en 1990.

Volodia OPriTcHniK

Quand les politiques boudent la science

Dossier

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Objectif : 2 °CAu fil des ans, le réquisitoire se fait plus précis, plus inquiétant aussi. L’impact climatique des activités humaines est énoncé dès 1995 par le Giec. Dans son second Rapport d’évaluation, l’institution onusienne affirme qu’un faisceau d’éléments convergents suggère une influence humaine « discernable » sur le climat. Une fois encore, le politique est à l’écoute. Les ministres européens de l’Environnement décident en 1996 que le réchauffement doit être limité à 2 °C entre 1750 et la fin du XXIe siècle. Cet objectif sera repris par la communauté mondiale par la suite.

En décembre 1997, la communauté internationale rédige à Kyoto un protocole additionnel à la Convention de l’ONU sur le changement climatique. Pour la première fois, une quarantaine d’États se voient imposer – sanctions à l’appui – la maîtrise de leurs rejets de GES, les copies devant être relevées le 31 décembre 2012.

Le calendrier est court et les mauvaises nouvelles affluent. Publié en 2001, le troisième Rapport d’évaluation du Giec affirme sans ambages : « Il y a de nouvelles et fortes preuves que l’essentiel du réchauffement observé ces 50 dernières années est attribuable aux activités humaines. » Cette conclusion ne rebute pas George W. Bush. Le 30 mars, le président américain annonce la sortie de l’Hyperpuissance du protocole de Kyoto, jugé contreproductif pour le climat (aucune contrainte ne pèse sur les pays émergents) et pour… l’économie américaine. Paradoxe : ce président climato-sceptique décerne, quelques mois plus tard, la médaille nationale de la science à David Charles Keeling (l’homme de la mesure du CO2). Dans la foulée, le locataire de la Maison Blanche se met à dos sa propre administration. Commentant les conclusions alarmistes de la troisième communication américaine au secrétariat de la Convention de l’ONU sur le changement climatique, George W. Bush parle d’un travail « bureaucratique » qui n’engage pas son gouvernement. Un bras d’honneur adressé à l’agence fédérale de l’environnement, auteur du rapport, et à la communauté scientifique.

La science et les financesAprès un rapide et peu mobilisateur débat sur l’énergie (déjà !), la France adopte, le 13 juillet 2005, la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique. Peu connu, ce texte impose à la France de « diminuer de 3 % par an en moyenne les émissions de gaz à effet de serre ». Faut-il préciser que cet article 2 de la loi Pope ne sera jamais respecté ?

Deux ans plus tard, le quatrième rapport du Giec confirme les précédentes alertes. Le tome 3 de l’imposant ouvrage annonce que pour limiter à

2 °C le réchauffement d’ici à la fin du siècle, les émissions mondiales de GES doivent commencer à décroître dès 2015. Un retard de dix ans ferait grimper le mercure d’au moins 3 °C et dilapiderait nos économies.

Quelques mois plus tard une commission d’économistes britanniques rend un rapport inédit sur le coût du changement climatique. Coordonné par Nicholas Stern, il se résume ainsi : en consacrant 1 % du PIB mondial à la réduction de nos émissions, nous pouvons tenir notre objectif de 2 °C. Mais si nous refusons d’agir, les conséquences des changements climatiques amputeront d’un quart notre production de richesse.

Entretemps l’Union européenne a ouvert le premier marché mondial du carbone (« l’ETS » en jargon communautaire). Son principe est simple : l’industrie lourde voit ses émissions de CO2 limitées. Tout dépassement oblige l’exploitant d’un site industriel à acheter des quotas d’émission supplémentaires mis sur le marché par les usines « vertueuses ». Le dispositif sera copié par une vingtaine d’États américains, deux provinces canadiennes, l’Australie, la Corée du Sud, le Japon et quelques mégapoles chinoises.

Le Grand soir de 2009En 2008, l’Europe va plus loin. Unilatéralement, les 27 s’imposent de réduire de 20 % leurs émissions de GES entre 1990 et 2020. Effort pouvant être porté à -30 % en cas d’accord mondial. Pour y parvenir, les 27 s’obligent à porter à 20 % la part des renouvelables dans leur bouquet énergétique et à accroître de 20 % l’efficacité énergétique. Dans le lot, Bruxelles fait aussi adopter une directive sensée favoriser le développement du captage-stockage géologique du gaz carbonique industriel. À ce jour, aucun pays ne s’est doté d’un corpus juridique comparable au paquet énergie climat européen : le fameux 3 x 20 %.

2009 doit être l’année du grand soir climatique. À l’occasion du sommet annuel sur le climat, l’ONU espère faire avaliser un nouvel accord international : un Kyoto bis devant encadrer la lutte contre le changement climatique sur le moyen terme. Au fil des mois de préparation de cette conférence de Copenhague, la tension monte entre les négociateurs. Plus ou moins tu jusque-là, un point fondamental bloque l’avancée des discussions. En deux décennies, les grands pays émergents sont entrés dans le peloton de tête des principaux émetteurs de GES. La Chine occupe le premier rang mondial, l’Inde le quatrième. Et les perspectives montrent que leur développement effréné bousculera le climat bien plus vite qu’escompté dans les années 1990.

Problème, la Convention de 1992 et le protocole de Kyoto font porter la responsabilité des changements climatiques (et donc les efforts à accomplir) sur les épaules des pays (jadis) les plus industrialisés. Or, sous le triple effet du progrès technique, des politiques climatiques ou énergétiques et de plusieurs crises économiques, leurs émissions tendent à diminuer, contrairement à celles des pays émergents. Mais ceux-ci, au nom de la lutte contre la pauvreté, n’entendent pas freiner leur marche vers la prospérité. C’est l’enlisement diplomatique. Copenhague accouche d’une déclaration reconnaissant l’objectif des 2 °C. Ce semi-échec marquera durablement l’esprit des négociateurs et des gouvernants.

2010, annus horribilisDisparaissant des agendas diplomatiques et politiques, le climat réapparaît à la rubrique des… faits divers. Dans les mois qui précèdent Copenhague, une formidable campagne, venue d’on ne sait où, tente de discréditer le Tyndall Centre, l’un des principaux centres de recherche sur le climat du Royaume-Uni. Dans un brûlot truffé de contrevérités, de mensonges et de courbes truquées, Claude Allègre assimile, au début de 2010, les climatologues à des mafieux. En réponse, 400 « scientifiques du climat » signent une pétition appelant la ministre de la Recherche à réagir à ces attaques. Manipulée par certains de ses membres, l’Académie des sciences française organise en septembre 2010 un curieux débat sur la science du climat, qui jette le doute sur les causes du réchauffement climatique. Étonnant, si l’on se souvient que la veille dame du quai Conti avait quelques années plus tôt cosigné, avec d’autres institutions comparables, une lettre ouverte appelant les gouvernements des pays du G8 à agir urgemment pour combattre lesdits changements climatiques. C’est aussi en ce piteux mois de septembre que le premier ministre français François Fillon annonce l’abandon du projet de taxe carbone : une promesse faite par le président Sarkozy en octobre 2007 ! La fracture entre climatologues et politiques semble irréductible.

Loin des 3 x 20Chaque année qui passe les chercheurs dénoncent pourtant l’aggravation de la situation. Le 15 janvier dernier, la Nasa et l’administration américaine de l’océan et du climat ont rappelé que les années 2000 comptaient parmi les plus chaudes enregistrées dans le monde depuis… 1880. Durant les 12 premières années du siècle – et malgré la crise – les émissions anthropiques de CO2 ont crû de 3 % par an en moyenne : le triple du rythme observé durant la décennie précédente. Sans une inflexion majeure de nos rejets, la température moyenne

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globale s’accroîtra de 4 à 6,1 °C entre 1750 et 2100 : l’un des pires scénarios modélisés par les climatologues depuis une vingtaine d’années. Pour rester en deçà des 2  °C nous devons stabiliser le volume de nos rejets d’ici à 2020, puis les réduire de 3 % par an. Ce qui, compte tenu de notre bouquet énergétique, nous oblige à recourir massivement au stockage géologique de CO2.

Face à de tels enjeux, que nous proposent nos dirigeants ? En Europe, faute d’accord entre les 27, rien de mieux que d’atteindre des objectifs fixés en 2008 par le paquet énergie climat.

Objectifs désormais intenables. Deux exemples. Dénué de toute autorité sur l’ETS, l’Europe voit s’effondrer le prix des quotas de GES qui désormais ne valent plus rien. Cette descente aux Enfers boursiers n’a plus le pouvoir d’inciter l’industrie à investir dans les réductions d’émissions. Plus près de chez nous : la France. Notre pays n’a amélioré son efficacité énergétique que de 3 %. Au rythme actuel de mise en service d’éoliennes et de fermes photovoltaïques, l’Hexagone ne disposera en 2020 que des deux tiers des installations de production d’énergie renouvelable prévues à cet horizon. Nous serons loin des 3 x 20 %.

Sur le plan international, la situation n’est guère meilleure. Le seul résultat concret du sommet climatique de Doha qui s’est tenu en décembre dernier aura été la confirmation de l’année 2015 comme année de signature d’un nouvel accord international de gestion du climat : six ans après celui qui aurait déjà dû être signé dans la capitale danoise. Or, les écueils signalés en 2009 affleurent toujours. Et personne ne s’en détourne, malgré les cris de la vigie scientifique.

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Évolution des émissions de CO2 anthropiques

Depuis 1750, la concentration de CO2 dans l’atmosphère a progressé de 40 %

Transport international

Pays émergents Autres pays émergents Autres grands pays émergents Chine

Pays industrialisés (annexe 1) Autres économies en transition Russie Autres pays de l’OCDE 1990 Japon Europe des Douze (nouveaux États membres) Europe des Quinze États-Unis

Moyenne mensuelle globale Moyenne saisonnière corrigée

1000 millions de tonnes de CO2

Année

CO2

(ppm

)

Sources : Edgar, AIE, USGS, WSA, Noaa

Source : Noaa

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Évolution des émissions de CO2 par habitant

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Pays industrialisés de l’annexe 1

1990 2000 2011

Pays émergents 1990 2000 2011

tonnes de CO2 par habitant

australie

États-Unis

arabie saoudite

canada

russie

corée du Sud

Taïwan

allemagne

Pays-Bas

Japon

Pologne

europe des 27

royaume Uni

chine

afrique du Sud

Ukraine

italie

espagne

France

iran

Mexique

Thaïlande

Brésil

indonésie

inde

Source : PNUD

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Le carbone a la cote

Beaucoup de volumes pour rienn 2012, les marchés du carbone ont connu un record de volumes échangés. Une frénésie due à l’effondrement

des prix.

Le marché du carbone va-t-il bien ? Ou vraiment très mal ? Le débat est ouvert parmi les experts du dioxyde de carbone, qui affichent un optimisme à géométrie variable. « Jusqu’ici, tout va bien », assure New Energy Finance, une petite structure d’information sur les énergies alternatives rachetée par l’agence financière Bloomberg. Selon l’agence, le marché du carbone n’a jamais été aussi actif qu’en 2012. Les volumes échangés ont atteint 10,7 milliards de tonnes de CO2, soit un tiers du gaz carbonique anthropique émis dans le monde chaque année.

Soldes de carboneMais ne nous voilons pas la face : ces volumes importants en apparence, symptômes théoriques

d’un marché sain et en croissance, n’ont rien de bien glorieux pour le mécanisme de marché mis en place dans la foulée du protocole de Kyoto. Certes, il y a eu un vrai réveil du marché du carbone à la fin de l’année 2012 alors qu’approchait la fin de la phase II du marché européen de quotas d’émissions (l’ETS) programmée pour 2013. Depuis le début de l’année, une part importante des quotas en Europe est en effet désormais mise en vente et non plus donnée aux industriels. Lesquels avaient donc tout intérêt à acheter sur le marché avant que les enchères ne fassent peut-être grimper les prix.

Le projet de la Commission européenne de retirer un certain nombre de quotas du mécanisme

alexia Tilly

Cours du CO2

6 euros

la tonne

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Un marché irréparable et pour causeLe ministre de l’Environnement italien, Corrado Clini, est formel : le marché du carbone serait « irréparable » ; selon lui, une taxe carbone européenne serait même préférable. Il faut dire que l’Italie n’a pas fait grand’ chose pour « réparer » le marché du carbone. C’est même le seul pays où la fraude à la TVA sur le carbone est ENCORE possible, trois ans après le scandale qui a vu les mafias plumer les États européens. Quant à une taxe carbone, rien n’empêche l’Italie de la mettre en place comme ont pu le faire l’Allemagne et le Royaume-Uni.

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Prix moyen du carbone (au 20.01.13) Tableau des prix Prix moyen mensuelQUOTaS eUrOPÉenS Marché spot 6,45 euros

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afin de doper les cours a pu également faire craindre une hausse. Les industriels se sont donc rués sur ce qui peut être interprété, pour la fin 2012, comme les soldes du carbone. À moins de 7 euros la tonne, le marché spot affiche en effet un prix considéré comme plancher. Pour les crédits dépendant du mécanisme onusien, les échanges ont également été importants en fin d’année mais à des niveaux de prix qui frisent le ridicule.

effondrement des coursLe prix moyen de la tonne de carbone, tous marchés confondus, a sombré à 5,7 euros par tonne en 2012, contre 11,2 l’année précédente. Au total, les volumes échangés sur le carbone ont chuté de 36 %, à 61 milliards de dollars. L’exclusion progressive des programmes de crédits carbone les moins vertueux, dont ceux qui concernent les pays d’Europe de l’Est, a en effet entraîné un effondrement des cours.

Le bilan est donc plus négatif que positif, même si les développements américains et australiens montrent que le concept intéresse toujours. La Californie a rejoint, début janvier, les neuf États américains ayant déjà imposé une contrainte carbone (via la RGGI) ; et l’Australie rejoindra, en 2015, le mécanisme européen.

D’ici là, la Commission européenne reste le principal arbitre des prix du carbone, le marché européen étant de loin le plus important. La décision potentielle de retirer 900 millions de quotas du marché reste en suspens ; si Bruxelles parvient à imposer son projet, le prix moyen du carbone pourrait atteindre entre 10 et 12 euros par tonne sur la période 2013-2015, selon une analyse de la Commission. Dans le cas contraire, la fourchette de cotation ne devrait pas dépasser les 5 ou 6 euros. Certains pays s’opposent vivement à ce projet. C’est le cas de la Pologne, forte émettrice de CO2 en raison d’une production d’électricité dépendante du charbon.

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Parts relatives des énergies renouvelables dans la CSPe en 2013 (prévisionnel)

Le graphe de Carbone 4

Tout, tout, tout, vous saurez tout sur la CSPe

ombre de Français ont récemment découvert l’existence de cette taxe à l’occasion de sa forte croissance annoncée. voici à quoi elle sert.

Payée par les consommateurs de courant, la Contribution au service public de l’électricité (CSPE) finance la péréquation en faveur de zones non reliées aux réseaux métropolitains, le surcoût associé aux politiques de soutien aux énergies renouvelables et à la cogénération, et le tarif de première nécessité. Ce qui fait de la CSPE un instrument de solidarité.

7 % du coût des électronsFixée par le gouvernement sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), la CSPE s’élevait à 0,9 cent d’euros par kilowattheure au début de l’année 2012. Elle augmentera de 17 % au 1er juillet 2013. La CSPE représente environ 7 % du coût de l’électricité pour un consommateur résidentiel (au tarif réglementé). Les charges publiques financées par la CSPE sont en augmentation :•   attribution  automatique du  tarif  de première né-

cessité (pas de demande à effectuer) ;•   augmentation de  la quantité d’énergies  renouve-

lables qui bénéficient des tarifs de rachat (en parti-culier pour le photovoltaïque) ;

•   mise  en  service  de  nouvelles  centrales  dans  les Dom-Tom et les zones connectées au réseau.

Ces augmentations se répercutent sur la CSPE dans la limite d’une augmentation de 0,3 cent d’euro par kilowattheure par an (sauf décision contraire du gouvernement). En 2013, les charges publiques à financer par la CSPE sont évaluées à 7,3 milliards d’euros :•   5,2  milliards  d’euros  pour  le  financement  des 

charges prévisionnelles de 2013 ;•   2,1 milliards d’euros pour  régulariser  les années 

passées. Le précédent niveau de la CSPE n’était pas suffisant pour compenser les charges. Ceci a conduit à une accumulation de déficit de 2,1  milliards d’euros, à rembourser dans le futur.

L’augmentation de la CSPE étant limitée à 0,3 cent d’euros par kilowattheure par an, il faudra probablement attendre 2017 avant de résorber entièrement ce déficit. En 2020, la contribution de la CSPE pourrait atteindre 24 euros par mégawattheure, soit un surcoût pour les ménages d’environ 140 euros par an (source : DGEC).

Très cher solaireEn 2013, le photovoltaïque représente environ 15 % des obligations d’achat d’énergie renouvelable, mais 70 % du coût des ENR dans la CSPE. La production d’électricité photovoltaïque représente ainsi la première charge de la CSPE, à hauteur de 41 % des coûts. Cela s’explique par des tarifs de rachat élevés pour les installations photovoltaïques par rapport aux autres énergies renouvelables. En particulier, les tarifs de rachat d’électricité photovoltaïque antérieurs au moratoire (décembre 2010) étaient d’environ 0,55 euro par kilowattheure. Depuis, le prix a baissé mais la CSPE doit financer ces tarifs sur une durée de vingt ans.

En 2020, les installations photovoltaïques bénéfi-ciant des tarifs de rachat antérieurs au moratoire représenteront 40 % de la puissance installée et 60  % des charges de la CSPE dues au solaire.

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Source : Scénario DGEC, Rapport de la Cour des Comptes, La Contribution au service public de l’électricité (CSPE), juin 2012.

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Sciences et technologies antoine BOndUelle

CLiMaTOLOGieagir avant 2020Tenir l’objectif des 2 °C va être de plus en plus difficile. Et 2020 apparaît comme une année charnière. Une équipe de modélisateurs respectés (IIASA, ETH Zurich, NCAR) décrit ce qui nous attend si l’action tarde. Publié mi-décembre par Nature Climate Change, leur étude jette une pierre dans le jardin des officiels européens tentés de repousser les échéances à 2025 ou 2030. L’auteur principal, Joeri Rogeli, de l’ETH Zürich, avait déjà cosigné en février 2012 les fameuses estimations du budget carbone mondial cumulé permettant de tenir un scénario limitant la hausse à 2 °C. En gros, si nous attendons 2020 pour réduire les émissions mondiales, la stabilisation du réchauffement à 2 °C, reste possible mais à un coût considérable et avec des risques d’échec élevés. Cela oblige aussi à parier sur l’efficacité de technologies expérimentales (le captage-stockage de carbone, notamment) et sur les changements d’affectation des terres, deux dossiers encore très incertains. À l’inverse, tout se passe mieux si l’action débute dès maintenant. Selon les auteurs, le plafond nécessaire pour atteindre l’objectif des 2 °C est de 41 à 47 GtCO2 par an en 2020. Or, les engagements actuels conduisent plutôt à 55 Gt contre 50 GtCO2 actuellement. Parmi les options gagnantes, la fermeture d’une centrale au charbon par semaine pendant dix ans ou des économies d’énergie résolues. Cette dernière action offrant à l’Humanité les plus grandes marges de manœuvre.

Joeri rOGelJ (eTH Zürich),

[email protected]

Des températures toujours plus extrêmesLes extrêmes mensuels de température autour du monde ont quintuplé en dix ans par rapport à ce qui aurait été attendu en se basant sur cent trente et un ans de statistiques. Dans un article paru en janvier dans Climatic Change des chercheurs allemands et espagnols montrent que les vagues de chaleur en Russie (2010), en Australie (2009 et 2013), aux États-Unis (2012) et en Europe (2003) ont dépassé les capacités d’adaptation des systèmes forestiers ou des agricultures. Les records se multiplient alors que le réchauffement en cours dépasse les variabilités naturelles dues aux oscillations océaniques et même s’y superpose. Cette multiplication des records va encore croître dans les prochaines décennies selon le modèle, et ce alors que les valeurs à battre seront de plus en plus élevées.

dim cOrnOU, centre de recherche

sur le climat de Postdam, [email protected]

TranSPOrTnavires : une nouvelle héliceLe nouveau système de propulsion d’une drague de sable et de gravier a été amorti en dix-huit mois grâce aux économies d’énergie générées, annonce MAN Alpha, filiale danoise du motoriste allemand. Datant d’une trentaine d’années, l’ensemble hélices-tuyères a été remplacé pour optimiser les consommations à faible vitesse et limiter les vibrations. Le bruit dans les cabines a

diminué de 10 dB, et le navire est devenu plus manœuvrable. Le client, NCC, est un des plus importants opérateurs de travaux publics maritimes de Scandinavie.

Man diesel & Turbo,

[email protected]

ÉnerGieLes éoliennes se paient une toileEt si l’avenir de l’éolien devait être recherché dans la préhistoire de l’aviation ? En partenariat avec l’université Virginia Tech et le laboratoire américain des énergies renouvelables, General Electric (GE) met au point une pale d’aérogénérateur révolutionnaire. Contrairement aux modèles actuels, recouverts de composite, la future pale GE serait une structure légère totalement entoilée, comme les premiers biplans. Ces futurs engins pourraient atteindre 130 mètres de long, sans pour autant faire exploser les coûts. Ces nouvelles pales ouvrent la voie à des machines dont la puissance pourrait avoisiner les 15 MW soit le double des machines actuelles les plus puissantes. L’expérience des textiles spéciaux autorise à tabler sur une durée de vie de vingt ans avec une faible maintenance.

Todd alHarT,

General electric Global research, [email protected]

ENERGOGRADenergograd est une société spécialiséedans l’information sur l’énergie et le changementclimatique.Energograd - Volodia OPRITCHNIK73, rue de Cléry - 75002 ParisTél. : 06 26 81 31 98 - [email protected] L’Usine à GES et ses services sur le net :

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ISSN 2114-7248

rédacteur en chef :Volodia OPRITCHNIK

rédacteurs ayant participé à ce numéro : Sophie d’ANHALT Antoine BONdUELLE – E&E ConsultantsValéry LARAMÉE dE TANNENBERgVolodia OPRITCHNIKAlexia TILLy

Secrétariat de rédaction/révision : Anne LOMBARd – [email protected]

Maquette et mise en page : Pascale MICHON – [email protected]

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