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2-3 Entretien Lionel Perrette 2 Politique Affichage obligatoire pour les transporteurs La lutte contre le changement climatique : une nécessité économique Obama réduit lentement les émissions du gaz de schiste 2-3 Économie Un fonds carbone pour l’Afrique Sans nucléaire, l’Allemagne émet moins de CO2 3-4 Sciences Traquer les émissions depuis l’espace Le Vietnam pourra-t-il encore produire du riz ? Les agrocarburants de nouveau sur la sellette 4 Initiatives L’économie d’énergie : un produit d’appel pour la grande distribution 5 Actions locales Copenhague, capitale climatique européenne ? 6-8 Dossier La séquestration géologique du CO2 tient-elle ses promesses ? 9 Le carbone a la cote Des quotas comme s’il en pleuvait 10 Sciences & Technologies L’autre religion de l’Amérique Contrairement à une idée reçue, toutes les congrégations religieuses américaines ne vouent pas les climatologues aux gémonies. Il y a quelques années de cela, des églises protestantes avaient tenté d’inciter leurs ouailles à choisir des véhicules moins polluants que les monstrueux SUV. Dans un étonnant spot télé, les protestants écolos demandaient aux téléspectateurs : « Quelle voiture conduirait Jésus ? ». Réponse subliminale : « La plus sobre. » Le 22 avril, lors de la célébration du Jour de la Terre à Washington, une nouvelle équipe de prosélytes des économies d’énergie et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre était aux premières loges sur le National Mall. Réunis sous la bannière de l’Association interconfessionnelle pour l’énergie et la lumière (Interfaith Power and Light, IPL), des musulmans, baptistes, méthodistes, juifs, catholiques, bouddhistes, mormons, luthériens, presbytériens et bahá’is, tous pratiquants, ont rappelé que la lutte contre le changement climatique ne contrevient pas aux préceptes des livres saints. Bien au contraire. « Il y a déjà eu des changements climatiques dans l’histoire géologique, mais l’ampleur et la rapidité avec lesquelles se déroule la fonte des glaces n’est pas naturelle, estime Jennifer Rice-Snow, l’une des responsables de l’association œcuménique. Il y a des commandements, dans la Bible et les livres d’autres religions, qui obligent les croyants à prendre soin des enfants de Dieu et à protéger l’œuvre divine. Une œuvre que menace, aujourd’hui, le réchauffement global. » Répartis dans 39 des 50 États fédérés, les membres de l’IPL ne feront pas (pas tout de suite, du moins) changer d’opinion leurs coreligionnaires. Mais leur action témoigne, s’il en fallait la preuve, que la foi n’est pas contraire au dogme…climatique. L’USINE A GES © la lettre des professionnels du changement climatique www.lusineages.com Édito L’Usine à GES © est une publication mensuelle -1- ENERGOGRAD © TERRANCE EMERSON - FOTOLIA.COM Spécial captage du CO2 86 AVRIL 2012 Lettre gratuite et mensuelle. Suivez Volodia Opritchnik sur Twitter : http://twitter.com/Opritchnik 500 milliards d’euros C’est le montant annuel du gaspillage énergétique imputable à la non valorisation, en Europe, de l’énergie thermique valorisable, estime Euroheat and Power. Soit l’équivalent de 1 000 euros par an et par Européen.

ENERGOGRAD - lusineages.com › pdf › UGES 86_04_12 def.pdf · 2014-11-19 · miques de la chasse au carbone. Dans une note transmise par la commissaire à l’action climatique,

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2-3 Entretien Lionel Perrette

2 Politique Affichage obligatoire pour les transporteurs La lutte contre le changement climatique : une nécessité économique Obama réduit lentement les émissions du gaz de schiste

2-3 Économie Un fonds carbone pour l’Afrique Sans nucléaire, l’Allemagne émet moins de CO2

3-4 Sciences Traquer les émissions depuis l’espace Le Vietnam pourra-t-il encore produire du riz ? Les agrocarburants de nouveau sur la sellette

4 Initiatives L’économie d’énergie : un produit d’appel pour la grande distribution

5 Actions locales Copenhague, capitale climatique européenne ?

6-8 Dossier La séquestration géologique du CO2 tient-elle ses promesses ?

9 Le carbone a la cote Des quotas comme s’il en pleuvait

10 Sciences & Technologies

L’autre religion de l’AmériqueContrairement à une idée reçue, toutes les congrégations religieuses américaines ne vouent pas les climatologues aux gémonies. Il y a quelques années de cela, des églises protestantes avaient tenté d’inciter leurs ouailles à choisir des véhicules moins polluants que les monstrueux SUV. Dans un étonnant spot télé, les protestants écolos demandaient aux téléspectateurs : « Quelle voiture conduirait Jésus ? ». Réponse subliminale : « La plus sobre. »

Le 22 avril, lors de la célébration du Jour de la Terre à Washington, une nouvelle équipe de prosélytes des économies d’énergie et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre était aux premières loges sur le National Mall.

Réunis sous la bannière de l’Association interconfessionnelle pour l’énergie et la lumière (Interfaith Power and Light, IPL), des musulmans, baptistes, méthodistes, juifs, catholiques, bouddhistes, mormons, luthériens, presbytériens et bahá’is, tous pratiquants, ont rappelé que la lutte contre le changement climatique ne contrevient pas aux préceptes des livres saints. Bien au contraire.

« Il y a déjà eu des changements climatiques dans l’histoire géologique, mais l’ampleur et la rapidité avec lesquelles se déroule la fonte des glaces n’est pas naturelle, estime Jennifer Rice-Snow, l’une des responsables de l’association œcuménique. Il y a des commandements, dans la Bible et les livres d’autres religions, qui obligent les croyants à prendre soin des enfants de Dieu et à protéger l’œuvre divine. Une œuvre que menace, aujourd’hui, le réchauffement global. »

Répartis dans 39 des 50 États fédérés, les membres de l’IPL ne feront pas (pas tout de suite, du moins) changer d’opinion leurs coreligionnaires. Mais leur action témoigne, s’il en fallait la preuve, que la foi n’est pas contraire au dogme…climatique.

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Édito

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Spécial

captage du CO2

n°86 AvrIL 2012 Lettre gratuite et mensuelle.

Suivez Volodia Opritchnik sur Twitter :http://twitter.com/Opritchnik

500 milliards d’euros C’est le montant annuel du gaspillage énergétique imputable à la non valorisation, en Europe, de l’énergie thermique valorisable, estime Euroheat and Power. Soit l’équivalent de 1 000 euros par an et par Européen.

Lionel Perrette suit la séquestration géologique du CO2 pour le compte du ministère de l’Écologie. Il fait le point sur les deux principaux projets de captage-stockage français.

Total teste, en France, l’une des rares chaînes liant captage, transport et injection de CO2. Quels sont les premiers résultats de cette expérience ?Lionel Perrette  : Total poursuit l›expérimentation qui a débuté en janvier 2010. Cette expérimentation consiste à capter le flux de CO2 émis par une chaudière, à le comprimer préalablement à son transport par canalisation, puis à l’injecter dans la limite de 90 000 tonnes, dans un gisement de gaz épuisé sur le site de Rousse. À ce jour, le procédé de captage permet de dégager des enseignements encourageants. Quant à l’injection, le programme d’étude scientifique n’est pas achevé. et les essais se poursuivront jusqu’en 2013.

Quel sera le devenir de ce gaz carbonique ?Lionel Perrette : Total dispose à ce stade d’une autorisation d’injection, et non d’une autorisation de stockage permanent. S’il veut laisser le dioxyde de carbone qu’il a injecté dans l’ancien réservoir de gaz de Rousse, il devra démontrer aux autorités publiques qu’il peut le faire de façon sûre et dans la durée en s’appuyant sur les données collectées dans le cadre de la période de surveillance qui suit la fin des injections. Pour le moment, Total ne peut pas faire cette démonstration. Si cette dernière ne pouvait pas être faite au terme de la période de surveillance, le CO2 devra être retiré. Les essais étant en cours, nous n’aurons pas de réponse sur ce point avant au moins trois ans.

La concertation et l’acceptation du public étaient deux des enjeux de cette expérience. Comment s’est-elle organisée ?Lionel Perrette : Pour ce qui relève de l’administration, le préfet a veillé à ce que tous les avis puissent s’exprimer – en particulier les réticences et les préoccupations – et à ce que des réponses soient apportées aux interrogations. Au-delà de l’organisation d’une enquête publique, les échanges se poursuivent dans le cadre de la commission locale d’information et de suivi (CLIS) mise en place par le préfet.

PolitiqueAffichage obligatoire pour les transporteurs Publié le 18 avril, au JO, un arrêté ministériel fixe au 1er octobre 2013 la date à laquelle tous les transporteurs (de fret, de personnes, collectivités lo-cales ou entreprises privées) devront publier le bilan carbone de leurs pres-tations. Selon un décret du 24 octobre 2011, cette information sera trans-mise, généralement, au moment de l’achat du billet.

La lutte contre le changement climatique : une nécessité économique Alors que la Pologne ne cesse de blo-quer les discussions sur la politique climatique communautaire (la feuille de route 2050, notamment), la Com-mission souligne les avantages écono-miques de la chasse au carbone. Dans une note transmise par la commissaire à l’action climatique, Bruxelles rap-pelle que la rénovation thermique des bâtiments pourrait ainsi créer 400 000 emplois par an dans l’UE.

Obama réduit lentement les émissions du gaz de schisteLa fracturation hydraulique est enfin reconnue pour ce qu’elle est : une technique polluante d’extraction des gaz non conventionnels. Raison pour laquelle l’Agence américaine de pro-tection de l’environnement (EPA) vient de publier des normes qui oblige-ront les exploitants de puits à capter jusqu’à 95 % des émissions gazeuses. L’EPA va imposer aux compagnies gazières de mettre en place des sys-tèmes de captage ou de torchage de gaz sur tous les nouveaux puits qui entreront en production à partir de 2015. Chaque année, 13 000 puits de GNC sont mis en service sur le terri-toire américain. La nouvelle régle-mentation permettra d’éviter l’émis-sion de 190 000 à 290 000 tonnes de composés organiques volatils par an, de 12 000 à 20 000 tonnes de gaz dan-gereux (benzène, toluène, hexane) et de 1 à 1,7 million de tonnes de mé-thane, soit 25 à 42 millions de tonnes éq. CO2.

ÉconomieUn fonds carbone pour l’Afrique La Banque ouest-africaine de déve-loppement, CDC Climat et Proparco

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Lionel Perrette

Entretien Propos recueillis par Volodia OPriTchnik

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Le fait que la neutralisation permanente du gaz carbonique prenne des siècles n’est-il pas de nature à inquiéter les riverains ?Lionel Perrette : La dissolution du gaz carbonique ou sa minéralisation, facteurs de stabilité sur le très long terme, prendra effectivement du temps. L’enjeu est de démontrer que le flux de CO2 injecté évolue bien vers cet état stable. La surveillance du site et les études scientifiques doivent permettre de l’établir.

Autre grand projet comportant aussi les trois maillons de la chaîne : le site sidérurgique de Florange.Lionel Perrette : Ce projet envisage le captage du CO2 sur un haut-fourneau en production – ce qui est une première mondiale – le transport du gaz carbonique par carboduc puis l’injection et le stockage permanent dans le sous-sol de 700 000 tonnes de dioxyde de carbone par an sur une période de dix ans. ArcelorMittal, le porteur de ce projet, en attend beaucoup, de même que les autres sidérurgistes européens. Car, ce procédé, s’il fonctionne comme prévu, permettrait non seulement de diviser par deux les émissions de CO2 par tonne d’acier produite, mais aussi de réduire significativement la consommation de matières premières nécessaires à la fabrication de l‘acier. De plus, le flux de CO2 capté sur le haut-fourneau serait relativement pur. La France soutient de longue date la recherche sur les techniques de captage et de stockage pour réduire les émissions de CO2 des grands émetteurs industriels pour lesquels aucune solution alternative n’apparaît disponible. L’objectif est d’accélérer la réduction des émissions mondiales de CO2, en complément des efforts réalisés en matière d’économies d’énergie et de développement des énergies non carbonées.

Pour autant, le projet de Florange n’est pas encore lancé ?Lionel Perrette : Le coût de cette expérimentation est élevé : plus de 500 millions d’euros. Outre l’apport d’ArcellorMittal, le gouvernement a sollicité un soutien auprès du fonds européen pour les démonstrateurs technologiques (fonds NER300). L’État s’est par ailleurs engagé à apporter un financement de 150 millions d’euros en complément des 9 millions, déjà accordés, qui permettent aujourd’hui à ArcelorMittal de lancer les premiers travaux, dont les échographies du sous-sol, première étape dans le processus de recherche d’un site de stockage adéquat.

Le recours aux subventions est-il nécessaire ?Lionel Perrette : Il est reconnu en France comme en Europe que ce type de projet ne peut voir le jour qu’avec un certain niveau d’aide publique, dans le contexte actuel. La création du fonds européen précité découle d’ailleurs de ce constat partagé.

Deux projets seulement en France, n’est-ce pas insuffisant ?Lionel Perrette : D’autres projets pourraient voir le jour au cours des prochaines années mais nous sommes aujourd’hui dans une phase de démonstration et non dans une phase de déploiement. En outre, compte tenu de son bouquet énergétique, la France aura sans doute moins besoin de stocker le CO2 que d’autres pays européens. Enfin, au-delà de ces deux projets, les pouvoirs publics, dans une perspective d’usage national et d’exportation de biens et de services, soutiennent de nombreux projets plus modestes.

(filiale de l’AFD) ont annoncé, le 18 avril, la création d’un fonds carbone commun dédié à l’Afrique. Doté de 45 millions d’euros, cet outil servira au fi-nancement de projets MDP en Afrique sub-saharienne, indique le communi-qué. À ce jour, indiquent les trois par-tenaires, 1,2 % des financements créés par le protocole de Kyoto bénéficient à l’Afrique sub-saharienne.

Sans nucléaire, l’Allemagne émet moins de CO2 Les responsables français en sont pour leurs frais. Après avoir répété que l’arrêt du nucléaire allait faire bon-dir les émissions allemandes de CO2, ils doivent reconnaître leur erreur. Publiées le 12 avril, les statistiques de l’Agence fédérale de l’environnement (AFE) sont formelles. En 2011, notre voisin a émis 917 MtéqCO2, soit 2,2 % de moins que l’année précédente. L’hiver doux explique, en partie, cette bonne performance, mais pas unique-ment. Berlin rappelle que la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique progresse. L’AFE indique aussi que les Allemands jettent de moins en moins de déchets putres-cibles (à l’origine du méthane des décharges) et que les agriculteurs ont sensiblement réduit les apports d’engrais azotés (initiateur des rejets agricoles de protoxyde d’azote). Entre 1990 et 2011, les émissions alle-mandes de GES ont baissé de 26,5 %. Soit plus de 5  points de mieux que l’objectif fixé par le protocole de Kyoto.

SciencesTraquer les émissions depuis l’espace Astrium va construire, pour le compte de l’Agence spatiale européenne, un satellite de mesure des émissions de GES. Baptisé « CarbonSat », il four-nira ses mesure avec une résolution inférieure à 2 x 2 km, permettant aux scientifiques, pour la première fois, de quantifier les sources ciblées de CO2, (centrales thermiques ou volcans) et de méthane (décharges, complexes de traitement pétrolier). Il fournira aussi des données sur les émissions océaniques d’hydrates de méthane. Lancement prévu en 2014.

Le vietnam pourra-t-il encore produire du riz ?En partenariat avec des agronomes vietnamiens, des chercheurs de l’Ins-titut international de recherche sur le riz mettent au point une variété de riz

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Entretien Propos recueillis par Volodia OPriTchnik

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En aidant leurs clients à réaliser des économies d’énergie, les hypers les font consommer plus.

« Dans la série “ les contraintes carbone nuisent à l’économie “, je voudrais les certificats d’économie d’énergie. » Adoptée le 13 juillet 2005, la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique nous impose de baisser notre consommation de kilowattheures. Pour nous y aider, le texte a institué les certificats d’économie d’énergie. Inspirés des exemples italien et britannique, ce dispositif est assez astucieux. Il oblige les énergéticiens (EDF, GDF Suez) et les distributeurs d’énergie (Total, les exploitants de stations service, les fioulistes) à faire réaliser des économies d’énergie à leurs clients, sous peine de fortes pénalités financières.

Grosses économiesEntre 2010 et 2013, ces vendeurs d’énergie (les « obligés ») doivent faire baisser la demande de leurs clients publics et privés de 345  TWh : l’équivalent des deux tiers de la demande  d’électricité annuelle française ! Pas si mal. Concrètement, les choses ne sont pas très simples. Les clients des « obligés » doivent réaliser des travaux améliorant la performance énergétique de leur logement, de leur bâtiment public (pour une collectivité locale), de leur usine (une entreprise), voire de leur péniche (pour les bateliers). Validés par la Dreal, ces travaux donnent droit aux certificats d’économie d’énergie (CEE) dont les « obligés » ont besoin pour remplir leurs obligations légales. Seuls « obligés » durant la première période (2006-2010), les énergéticiens ont essuyé les plâtres, sans trop de douleur : leur objectif n’était que

de 54 TWh ! Depuis, le niveau de l’objectif a sexptuplé et la grande distribution est entrée dans la danse.

L’énergie moins chèreComme souvent, c’est Leclerc qui a ouvert le bal. La firme dirigée par Michel-Edouard Leclerc a fait de cette contrainte énergétique un produit d’appel. Via son site internet www.lenergiemoinschere.com, l’enseigne bretonne octroie des « primes énergie » à ses clients qui réalisent des travaux, générateurs d’économies d’énergie et… de CEE. En contrepartie, l’enseigne récupère donc les précieux certificats. Les primes sont distribuées sous forme de chèques-cadeaux, valables uniquement dans les centres… Leclerc.Auchan a adopté le même système. Normal. Comme son concurrent à l’enseigne bleue, le groupe de la famille Mulliez loue les services de la société Économie d’énergie. En toute transparence, celle-ci gère les sites internet de ses clients, traite les dossiers des clients avides de chèques-cadeaux et collecte les CEE pour le compte des deux groupes. Avec un certain succès. « En 2011, les 100 000 dossiers que nous avons traités ont généré une économie d’énergie totale de 10 TWh », confirme Myriam Maestroni, présidente d’Économie d’énergie. Auchan est aussi enthousiaste : « Pour le moment, estime Bruno Lipczak, le patron d’Auchan Carburant, nous montons 15 000 dossiers par an. De quoi réduire la demande d’énergie de 1,6 TWh/an, alors que notre objectif, pour les trois ans de cette période, est de 4 TWh. »

Mais, au fait, que font ces milliers de clients de tous leurs bonus ? Selon une étude conduite par Économie d’énergie, 72 % des dépenses engagées dans les magasins Auchan avec la carte Waaoh portent sur des produits alimentaires. Rien de superflu, donc.

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Sophie d’AnhALT

L’économie d’énergie : un produit d’appel pour la grande distribution

Initiatives capable de résister à deux semaines de submersion. Les scientifiques anti-cipent, en effet, la montée du niveau de la mer, notamment dans le delta du Mékong, qui fournit la moitié de la production rizicole nationale. La Mer jaune monte maintenant jusqu’à 40  kilomètres à l’intérieur des terres deltaïques  : 4 fois plus loin qu’il y a trente ans.

Les agrocarburants de nouveau sur la sellette Voilà des années que les associations, l’État et les promoteurs des agrocar-burants s’écharpent sur le bilan car-bone des carburants d’origine végé-tale. L’Ademe vient d’apporter deux nouvelles pierres à l’édifice. L’agence présidée par François Loos a publié, le 6 avril, deux études (réalisées par l’Inra) portant spécifiquement sur les conséquences du changement d’af-fectation des sols (CAS). « Nous avons épluché 560 évaluations de 49 études », comptabilise Stéphane de Cara. « Dans certains cas, les études estiment que le CAS peut économiser jusqu’à 300 grammes équivalent CO2 par méga-joule (gCO2éq/MJ); d’autres font état d’un bilan défavorable pouvant s’élever jusqu’à 2 300 gCO2éq/MJ », explique le chargé de recherche au sein du département d’économie de l’Inra. Si l’Ademe se garde bien de trancher, les tendances ne sont pas favorables aux agrocarburants. « Près de 90 % des évaluations collectées concluent que le développement des biocarburants induit un CAS (direct ou indirect) qui génère des émissions de GES. […] Pour plus d’un quart des évaluations collec-tées, le seul effet des CAS entraîne des émissions supérieures à celles du carbu-rant fossile de référence (83,8 gCO2éq/MJ). Si lui sont ajoutées les émissions liées à la production, la transformation et la distribution des biocarburants, les émissions totales associées aux biocar-burants sont supérieures à celles du car-burant fossile de référence dans plus de la moitié des évaluations. En outre, plus des deux tiers des évaluations abou-tissent à un bilan total en émission qui ne permet pas de respecter le seuil de réduction des émissions de GES de 35 % par rapport à celles du carburant fossile de référence », conclut l’une des deux études.

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Sophie d’AnhALTActions locales

Copenhague, capitale climatique européenne ?

contact : Jan rASmuSSen, [email protected]

En chiffres

Superficie : 74,4 km2

Population intra muros : 542 000 habitants

Émissions : 2,8 MtCO2/an (2007)

La capitale danoise vise la neutralité carbone d’ici à 2025. Et elle y met les moyens. voici lesquels.Pour celles et ceux qui suivent les questions climatiques, le nom de Copenhague reste associé au sommet de 2009, dont le semi-échec marque encore les esprits. En rester là serait tragique. Car, la capitale du Danemark est l’une des villes les plus avancées qui soient dans la réduction de son empreinte carbone. C’est la raison qui l’a conduite à postuler au titre 2014 de capitale verte d’Europe. À København, la chasse au carbone a officiellement été ouverte en 2009, avec l’adoption de son plan qui prévoit une diminution de 20 % des émissions locales de gaz à effet de serre (GES) entre 2005 et 2020, et la neutralité carbone cinq ans plus tard. En clair, Copenhague prévoit d’abaisser de moitié ses émissions directes (jusqu’à 1,1 MtCO2/an) et de compenser les rejets fatals en augmentant la puissance des parcs éoliens et en développant la plantation de forêts. Ambitieux, si l’on garde à l’esprit que la population de l’agglomération aura, dans le même temps, progressé d’environ 10 %.

Toujours plus de cyclistesDéjà bien pourvue en transports publics (un ré-seau express régional, six lignes de chemin de fer urbain, deux lignes de métro, sans compter les bus et les navettes fluviales), la ville de la petite sirène continue d’améliorer les performances en-vironnementales des transports. En développant son réseau de pistes cyclables et le nombre de stations de vélos en libre service, la mairie am-bitionne que la moitié des transports domicile-travail se fasse à vélo en 2025 : 15 points de mieux qu’aujourd’hui.

La municipalité multiplie aussi les stations de recharge des véhicules électriques et à hydrogène. Et pour donner l’exemple, elle aura totalement « électrifié » son parc de véhicules d’ici à la fin de l’année. Parallèlement, la circulation des véhicules « thermiques » est, petit à petit, entravée : par l’accroissement du nombre de zones à basse émission (comparable aux futures Zones d’actions prioritaires pour l’air (Zapa) françaises), l’alourdissement de la fiscalité des carburants fossiles, l’augmentation du nombre de taxis « verts ». Sans oublier le projet de taxe sur les embouteillages (un péage dont le tarif varie en fonction des jours et des heures), inspiré des modèles britannique et suédois.

Décarboner le chauffage urbainLe long du port et au large, les éoliennes sont déjà en batterie. Ces turbines produisent une part grandissante des électrons consommés par les Copenhaguois. Mais c’est surtout dans le secteur du chauffage que la ville entend progresser. Déjà 98 % des logements intramuros sont raccordés au réseau de chauffage urbain. Mais la majorité des chaufferies consomment encore du charbon

ou du fioul. Au fil des ans, ces installations seront converties à la biomasse et n’émettront plus – comptablement – de CO2. Régulièrement, la cité portuaire organise des campagnes de sensibilisation à la maîtrise de la demande en énergie qui portent leurs fruits. Entre 2005 et 2010, la consommation d’électricité a reculé de 5  % et celle de chaleur collective de 15  %. À moins que cela ne soit le résultat des programmes de rénovation urbaine.

L’eau n’a pas été oubliée. En augmentant le prix du mètre cube et en équipant tous les logements de compteurs, la consommation est passée, entre 1987 et 2010, de 170 litres par personne et par jour à 108 litres (150 litres par personne et par jour à Paris). Ce qui limite la quantité d’énergie nécessaire au transport et au traitement. Gros consommateur de kilowattheures, l’assainissement est promis à la sobriété. Constatant un fort accroissement de la pluviométrie, Copenhague va investir 3 à 5 milliards de couronnes (400 à 670 millions d’euros) pour développer les réseaux séparatifs, qui évacueront directement en mer les eaux pluviales.

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Espoir des scientifiques et des industriels, le stockage géologique du gaz carbonique est victime de la crise financière et de déboires techniques. Faut-il toujours la considérer comme une technique anti-réchauffement ?

Voilà vingt-six ans, deux chercheurs norvégiens imaginent une drôle de solution pour se débar-rasser du CO2 des centrales thermiques : l’injec-ter dans des structures géologiques étanches. Erik Gøsta Bruno Lindeberg et Torleif Holt viennent d’inventer le concept de stockage géologique du carbone, l’une des premières armes à intégrer le râtelier climatique.

Pour la plupart des experts, l’idée des deux scientifiques de la Fondation norvégienne pour la recherche scientifique et industrielle (Sintef ) est proprement géniale. Plus besoin de transi-tion énergétique : il suffit de capter le CO2 des effluents gazeux des centrales électriques, raf-fineries et autres usines sidérurgiques, et de le transporter avant de l’injecter dans le sous-sol.

Un million de tonnes sous la merMotivée par la lourde taxe carbone que le royaume vient d’inscrire à son code des impôts, Statoil essuie les plâtres. Pour réduire son impo-sition, la compagnie pétrolière norvégienne décide d’injecter dans un aquifère salin, situé dans le sous-sol de la mer du Nord, le million de tonnes de CO2 que produit annuellement sa plate-forme gazière Sleipner B. Suivie par des centaines d’experts du monde entier, l’opéra-tion débute en 1996. Elle n’a connu aucun inci-dent jusqu’ici.

Deux ans plus tard, le pétrolier canadien Cenovus annonce son intention d’utiliser le gaz carbonique produit par une usine américaine pour améliorer la productivité de ses puits de pétrole, situés à 320 km de l’usine. Un « carbo-duc » est tiré entre le Dakota du nord et la Sas-katchewan. L’injection de dioxyde de carbone

débute en 2000. Réduisant à néant les émis-sions carbonées de l’usine américaine tout en accroissant la longévité des puits de Weyburn, la rentabilité de l’opération est maximale.

En 2005, le Giec évalue l’intérêt de l’invention de Lindeberg et de Holt. Dans un rapport spé-cial, l’institution onusienne estime que 9 à 45 % des émissions industrielles de gaz carbonique peuvent être évitées grâce au captage-stoc-kage de dioxyde de carbone (CSC). «  Si l’on prend les rapports du Giec, de l’Agence internatio-nale de l’énergie ou d’autres, on escompte pouvoir réduire de 20 % les émissions anthropiques de gaz carbonique grâce au CSC  », confirme Catherine Truffert, directrice de la recherche du BRGM.

Des siècles d’émissionsRelativement bien connu des géologues, le sous-sol européen offre d’ailleurs d’impor-tantes opportunités. « Même si chaque site est particulier, nous savons que la géologie du conti-nent peut accueillir plusieurs siècles d’émissions industrielles », estime Isabelle Czernichowski-Lauriol, présidente de CO2Geonet, l’un des principaux réseaux européens de recherche sur le stockage géologique du gaz carbonique.Curieusement, alors que les pétroliers améri-cains injectent depuis des décennies du CO2 dans leurs puits pour en améliorer le rende-ment, ce sont les Européens qui mettent le pa-quet sur la « séquestration du carbone ». Via ses programmes-cadres pour la recherche et son programme destiné à accélérer la transition énergétique (Set Plan), la Commission subven-tionne à tour de bras les projets des instituts de recherche et des industriels. Des consortiums de recherches fleurissent : la plate-forme zéro

émission, CO2Geonet, CO2Europipe (pour éla-borer les grands « carboducs » européens), etc. Dans la foulée, de petites opérations de CSC éclosent : à Porto Tolle, en Italie, à Belchatow, en Pologne, à Jänschwalde, en Allemagne, à Com-postilla, en Espagne. Peu désireuse de partager ses données, Total montre son propre projet de captage-transport et stockage, à Rousse, près de Pau.

Pour encadrer cette activité promise à un bril-lant avenir, l’Europe publie une directive enca-drant les activités de transport et de stockage géologique du gaz carbonique, dans le cadre du paquet énergie climat de 2008.

10 milliards d’euros par anCerise sur le gâteau, la Feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de car-bone à l’horizon 2050 place le CSC au cœur de la stratégie climatique communautaire. Toujours débattue par les États membres, cette commu-nication de la Commission stipule que « la solu-tion du captage et stockage de carbone devrait également être étendue à grande échelle après 2035, notamment pour capter les émissions des procédés industriels. Cela nécessiterait un inves-tissement annuel de plus de 10 milliards d’euros. ».

Réunis, mi-avril, dans la petite île vénitienne de San Servolo, les participants au réseau CO2Geo-net ont fait le point sur leurs travaux. Mais aussi sur la situation. Laquelle est moins brillante qu’il n’y paraît.

Il y a quelques années, la Commission euro-péenne espérait voir fonctionner une douzaine d’installations de taille industrielle vers 2015.

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Volodia OPriTchnik, envoyé spécial à Venise

La séquestration géologique du CO2 tient-elle ses promesses ?

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Électriciens et équipementiers annonçaient une banalisation de la technologie à partir de 2020. Deux visions bien optimistes.

Dans les prochains mois, la Banque européenne d’investissement (BEI) dévoilera les projets de CSC, de taille industrielle, qu’elle soutiendra, grâce à la NER 300. Imaginé en 2009, ce dispo-sitif a permis de confier 300 millions de quotas d’émission de GES à la BEI. En les cédant au meilleur prix, la banque européenne devait financer jusqu’à 50 % des coûts de construction et de fonctionnement d’installations de CSC. Sur la quinzaine de projets présélectionnés par la Banque, la Commission européenne n’en retiendra qu’une demi-douzaine. Voire moins.

Une paire de projetsMi-2009, le quota européen flirtait avec les 15 euros. « À l’époque, la Commission et les experts de la BEI espéraient retirer jusqu’à 7 milliards de la vente des quotas. Aujourd’hui, la monétisation de ces quotas s’effectue à un prix oscillant entre 6 et 7 euros, et il faut plutôt tabler sur 2 milliards de recettes », résume un proche du dossier. De quoi financer une paire de projets, guère plus. Or, sans expérimentation grandeur nature, scienti-fiques et industriels n’espèrent pas enregistrer les progrès techniques nécessaires pour abais-ser les coûts. Lesquels restent très élevés. Pour une centrale au charbon, construite dans un pays de l’OCDE, le coût de production atteint 105 dollars/MWh (80 euros) avec CSC, contre 55 dollars (42 euros) pour une installation crachant

son carbone dans l’atmosphère, indique une récente étude de l’Agence internationale de l’énergie.

Énergivores, les installations de captage dimi-nuent sensiblement (de 8 % à 10 %) le rende-ment énergétique d’une centrale thermique. Imposantes, ces installations représentent un investissement de l’ordre de plusieurs centaines de millions d’euros. « Les coûts de production d’électricité décarbonée par le CSC sont inférieurs à ceux de l’éolien off-shore. Ce qui reste encore trop élevé pour les électriciens. Raison pour laquelle, cette technologie doit bénéficier d’une aide au déploiement comme les autres technologies de décarbonisation », préconise Philippe Paelinck, vice-président d’Alstom Power, chargé de l’environnement.

D’où que vienne le financement (du contri-buable ou du consommateur, voire des deux), industriels et scientifiques ont besoin d’argent pour aller de l’avant. Hélas, l’oseille se fait rare en cette période de crise.

Inquiétantes fracturesD’autant que des projets phares de recherches ne donnent pas d’aussi bons résultats qu’es-comptés. Lors du séminaire de San Servolo, Klaus Wallmann a soulevé quelque inquiétude. Le géologue de l’institut des sciences marines de Kiel (Allemagne) a annoncé avoir mis à jour, à proximité du puits d’injection de Sleipner B, une jeune fracture géologique d’une douzaine

Volodia OPriTchnik, envoyé spécial à Venise

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Dossier

Entretien

Est-il facile de faire accepter la séquestration du carbone ?Psychologue à l’université de rome La Sapienza, Samuela vercelli travaille sur la question de l’acceptation du stockage géologique du carbone. Un sujet diablement complexe.

Comment les riverains d’un site potentiel d’injection de CO2 appréhendent-ils un tel projet ?

Samuela Vercelli : différemment des experts. Les techniciens considèrent que le stockage géologique du carbone est une technologie sûre. Se fondant sur l’étanchéité des gisements d’hydrocarbures, ils estiment qu’il n’y aucun risque à injecter dans le sous-sol d’importants volumes de gaz carbonique. dans leur très grande majorité, les riverains d’un site potentiel d’injection du cO2 ignorent tout de cette technique et souvent des problématiques qui s’y rattachent.

Ils savent, tout de même, que le CO2 est un gaz à effet de serre…

Samuela Vercelli : Pas forcément. c’est la raison pour laquelle les promoteurs d’un projet de stockage doivent mener un double travail. en premier lieu, il faut expliquer les tenants et aboutissants du projet. cela va des rejets de carbone du secteur industriel – qui contribuent au réchauffement climatique – jusqu’aux éventuels risques pour la santé que ferait peser la présence d’un site de stockage. mais attention ! Les citoyens n’ont plus confiance dans les experts. Aussi, la démarche pédagogique relèvera-t-elle, non pas d’un sachant omniscient, mais des représentants des disciplines concernées, médecins compris. ce panel devant être accompagné par les représentants politiques locaux. c’est cette

Quelle place pour le captage ?L’une des principales conditions nécessaires à l’injection du CO2 dans le sous-sol, c’est de disposer d’im-portants volumes de... CO2. Ce qui suppose d’équiper de systèmes de captage de gaz carbonique les instal-lations industrielles fortement émet-trices (centrales électriques à flammes, raffineries). À de très rares exceptions près (en Suède, en France, au Dane-mark ou aux États-Unis), aucune chau-dière industrielle n’est ainsi pourvue. En cause : les coûts sont prohibitifs (jusqu’à un milliard d’euros pour les installations les plus importantes !), les sites de stockage opérationnels se comptent sur les doigts d’une main, les législations ne sont guère incita-tives. Le potentiel est pourtant impor-tant. Une étude de l’AIE, portant sur les 10 pays du monde comptant le plus de centrales électriques au char-bon (Chine, USA, Inde, Japon, Corée du Sud, Afrique du Sud, Pologne, Allemagne, Russie, Australie), estime que 390 à 1 000 GW de capacités exis-tantes pourraient être ainsi équipées d’ici à 2035. De quoi éviter l’émission de 2 à 5,3 milliards de tonnes de CO2 par an. Qu’on se le dise !

Sophie d’Anhalt

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de kilomètres de long. Même s’il ne se pro-nonce pas définitivement, le spécialiste des hydrates n’exclut pas qu’elle ait pu être ouverte par les mouvements de la saumure, provoqués par l’injection du CO2 dans le sous-sol. L’hypothèse est d’autant plus plausible qu’un incident comparable s’est produit sur un puits de pétrole situé à 300 km de Sleipner. Le 14 mai

2008, Statoil détecte, sur le champ Tordis, une grosse fuite d’hydrocarbures en provenance du fond marin. Les limiers du pétrogazier nor-végien découvrent que l’huile suintant du fond a été expulsée de la roche par l’eau réinjectée dans le puits pour en accroître le rendement. Sous l’effet de la surpression, le fond s’est fissuré et a perdu en étanchéité.

Fin de partie pour France NordDans l’Hexagone, c’est France Nord qui donne des signes de faiblesse. Conduit par GDF Suez et Total, ce programme visait à identifier un aqui-fère salin susceptible de séquestrer 200 millions de tonnes de gaz carbonique. Faute de résultat, il pourrait être arrêté d’ici la fin de l’année.Lancé par ArcelorMittal, le projet de Florange n’est pas en meilleure posture. D’un coût supé-rieur à 500 millions d’euros, cette combinaison de captage-transport et stockage de CO2, de taille industrielle, n’a pas bouclé son budget. Pour le moment, seul le gouvernement français a réuni 150 millions d’euros. Reste à trouver le reste. Ce qui n’est pas gagné.

« Avec la crise financière, qui a brutalement ralenti la production industrielle, et la diminution de la production des centrales au charbon, la plupart des pays européens ont atteint l’objectif fixé par le protocole de Kyoto et n’ont pas l’intention d’aller plus loin, pour le moment », analyse Nick Riley, du British Geologic Survey.

Le Royaume-Uni est l’un des derniers pays à ne pas abandonner la filière. Après un premier appel d’offres infructueux (tous les industriels s’étaient désistés), Londres promet une aide de 1 milliard de livres (1,2 milliard d’euros) aux compagnies d’électricité qui réaliseront une ou des centrales thermiques captant et envoyant leur CO2 au fond de la mer du Nord.

Parallèlement, l’administration Cameron doit aussi réformer le système de tarifs d’achat de l’électricité produite par les énergies renou-velables. À la place, l’alliance libérale-conser-vatrice envisage d’instaurer des tarifs d’achat d’électricité décarbonée, subventionnant tou-jours éolien et photovoltaïque, mais aussi le captage-stockage de carbone. À suivre…

Volodia OPriTchnik, envoyé spécial à Venise

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Dossier

Scénarios d’avenirBertrand Guillaume,Valéry Laramée de Tannenberg,Collection Émergences160 pages / 22,50 € / 21 mars 2012EAN 978-2-200-24851-2

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diversité de l’expertise qui en fait désormais la crédibilité. en second lieu, il ne faut pas imposer la décision à la population qui doit être véritablement partie prenante du projet. Sans cela, pas de consensus possible, et souvent pas de projet non plus.

Bon nombre de nos concitoyens, dites-vous, n’associent pas stockage du CO2 et changement climatique. Comment contourner cet écueil ?

Samuela Vercelli : Les gens font clairement le lien entre les fumées qui sortent des cheminées des centrales électriques ou des usines et le carbone que l’on injecte sous terre. mais ils ne perçoivent pas forcément le stockage comme un moyen de lutter contre le changement climatique. Aussi vaut-il mieux présenter le stockage comme un moyen de réduire la pollution générée par la combustion des fossiles.

Donc, avec de la pédagogie et de la concertation, on peut y arriver…

Samuela Vercelli : il faut beaucoup plus, c’est la compréhension de chacun – de l’homme de la rue au président du pays – qu’il faut rechercher pour que notre societé prenne les décisions nécessaires. Avec la montée du climato-scepticisme, la confusion s’installe. Les gens ne savent plus si le changement climatique est une réalité, s’il est dangereux, s’il faut faire quelque chose et de quelle façon… en italie, la population, à qui l’on a tenu maints discours sur la question, est désappointée, car elle n’a vu aucune action suivre ces grandes promesses. ce qui alimente l’idée que le réchauffement n’est pas un problème si grave.

Propos recueillis par VO

À lire

Le carbone a la cote

Des quotas comme s’il en pleuvait

Les cours ont touché un plus-bas à 6,14 euros en avril. L’Allemagne mise à part, tous les pays européens croulent sous l’excès de quotas pour 2011. Pas facile de lire dans le marc de café ce que seront les émissions de CO2 de l’industrie euro- péenne dans les quatre ans à venir. Les fonction-naires bruxellois sont en train d’en faire l’amère expérience. Et ce, pour la seconde fois. Pour la période 2005-2008 déjà, le nombre de quotas alloués aux 12 000 sites assujettis à la contrainte carbone avait été surévalué. Les prix du quota avaient sombré jusqu’à quelques centimes.

10 millions de quotas français en tropEn 2011, rebelote. En France, ce sont 10 millions de tonnes de trop qui ont été données aux indus-triels. Au niveau européen, les quotas en excès atteignent 87 millions de tonnes. La grande ma-jorité des sites industriels a donc été saturée de quotas. L’Allemagne est le seul pays à afficher un déficit au niveau national. Fukushima y est pour beaucoup : l’arrêt de sept réacteurs nucléaires a entraîné une forte activité des centrales ther-miques à charbon, très émettrices en carbone. Selon les derniers chiffres publiés par Bruxelles début avril, les émissions de CO2 ont, en effet, reculé en 2011, pour atteindre 1 693 millions de tonnes. Le nombre de quotas alloués, y compris ceux qui ont été donnés aux nouveaux entrants, a, de son côté, atteint 1 985 millions de tonnes.

Décalage majeurLe décalage entre la prévision et la réalité est donc majeur : au départ, le mécanisme est prévu pour créer de la rareté. Les émissions auraient dû excéder les 2 100 millions de tonnes par an pour que le prix du carbone ait un sens.En plus de l’activité économique mollassonne, qui a ralenti les cadences dans l’industrie, l’Europe du carbone paie la rançon d’un paradoxe. Les politiques de soutien aux énergies renouvelables ont visiblement eu plus d’impact que la tentative de maîtrise des émissions des industriels. Une partie des réductions d’émissions serait donc due à une autre erreur de calcul : une mauvaise esti-mation de l’impact des politiques publiques.La mise sur le marché de centaines d’éoliennes et de capacités solaires importantes continue de réduire la demande de combustion d’énergies fossiles, ne serait-ce qu’à la marge.

Une bonne nouvelle pas si bonneCela devrait a priori constituer une bonne nou-velle pour le climat : les émissions de CO2 bais-sent et les énergies renouvelables progressent. Mais à long terme la nouvelle est plutôt négative. En effet, le signal prix donné aux industriels pour les inciter à moderniser leur outil de production est tout simplement inexistant. Ils se retrouvent,

au final, sans la moindre incitation à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. La crise du crédit qui frappe toute l’Europe ne les engage pas non plus à investir  : plutôt que s’engager contre le changement climatique, les industriels sont au contraire incités à économiser leur cash au lieu de leurs émissions de gaz à effet de serre. Ils ont ainsi intérêt à brûler du charbon, le combustible le moins cher pour les électriciens, à tour de bras, plutôt que de recourir au gaz ou d’investir dans de nouvelles turbines à gaz dernier cri.La Commission européenne a néanmoins promis, courant avril, qu’une nouvelle législation concer-nant la régulation du marché du carbone serait proposée dès cette année. Si l’on ne change rien au dispositif, Deutsche Bank estime que le surplus de quotas représentera un total de 681 millions de tonnes d’ici à 2020.Les trois propositions actuellement en discussion pour ranimer le soldat carbone portent sur une raréfaction de l’offre de quotas. Pour redresser les cours, Bruxelles prévoit de retirer des quotas du montant total prévu pour 2013 ; ou d’augmenter l’objectif de réduction des émissions pour 2030. Des propositions qui ne font pas l’unanimité.Grand consommateur de charbon devant l’Éternel, la Pologne, qui n’a jamais été moteur dans la lutte contre le changement climatique, a déjà fait connaître son opposition à un tel programme. Elle est toutefois seule à assumer publiquement cette position, politiquement difficile à faire passer auprès d’un électorat européen convaincu de l’urgence de l’action contre le changement climatique. Même si, à moins de six euros par tonne de GES, il y a urgence. Selon les spécialistes, les investissements durables démarrent lorsque le quota coûte au moins 30 euros par tonne, soit cinq fois plus qu’actuellement.

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Alexia TiLLy

Cours du CO2

7 euros

la tonne

,30

Arriba ! les quotas arrivent au MexiqueEn adoptant une nouvelle législation, le Mexique est devenu, en avril, le second pays le plus ambitieux en termes de réduction de ses émissions de CO2. Ce pays d’Amérique centrale prévoit de les faire reculer de 30 % d’ici à 2020 et de 50 % d’ici à 2050. Il prévoit de mettre en place un système d’échange de quotas, prioritairement destiné aux énergéti-ciens et cimentiers.

Stop me, I’m polluting !Certains traders n’ont pas hésité à voter Mélenchon, utilisant leur bulletin de vote comme un appel au secours. « Arrê-tez-moi arrêtez-moi, ce monde est devenu fou », tentaient-ils de dire au travers des urnes. C’est un peu la même logique qui a incité le pétrolier Shell à se fendre d’une grande déclaration sur le sys-tème européen d’échange de quotas. « Il faudrait retirer un milliard de quotas du dispositif pour revenir à une situation précrise », a déclaré Graeme Sweeney, le vice-président exécutif de la société.

Prix moyen du carbone (au 20.04.12) Tableau des prix Prix moyen mensuelQuOTAS eurOPéenS Bluenext Marché spot 7,30 euros

QuOTAS eurOPéenS ice Livraison déc 2012Livraison déc 2013Livraison déc 2014

7,45 euros7,93 euros8,53 euros

rGGi 1,93 dollars

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Sciences et technologies Antoine BOndueLLe

ÉLECTrICITÉMunich : une centrale virtuellePour optimiser les ressources énergétiques de l’agglomération munichoise, la régie locale (Stadtwerke München) s’est alliée à Siemens pour concrétiser une « centrale virtuelle », maillon du réseau de distribution d’électricité intelligent. La gestion de 12  MWe de capacités renouvelables et de 8  MWe de cogénération est mutualisée dans un système centralisé. Ce dispositif permet, à moindre coût que des systèmes séparés, de prévoir la demande d’électricité et de chaleur et la production renouvelable. Il permet aussi de revendre au meilleur moment l’électricité renouvelable et de moduler la production de chaleur en fonction de la demande réelle. Cette gestion fine des capacités de production minimise aussi les émissions de GES du système énergétique munichois. La Stadtwerke München dessert un million de ménages et d’entreprises en électricité, gaz et chaleur. Elle livre aussi l’eau, les transports publics et gère 18 piscines. Elle emploie près de 8 000 personnes.

dr. dietrich Biester, Siemens Smart

Grid division, [email protected] Tél: +49 (911) 433-8617

Bettina hess, Stadtwerke münchen, [email protected] Tel: +49 (89) 2361 5042

Éolien marin : la Belgique prend de l’avanceEn attendant la turbine Alstom de 6 MW à attaque directe, promise pour bientôt, au large des côtes nantaises, le consortium C-Power (dont font partie l’allemand RWE, le français EDF Énergies Nouvelles et le leader mondial des travaux maritimes

DEME) installe en Belgique les premiers exemplaires d’un modèle construit par REPower de puissance nominale… 6,15  MW : 48 exemplaires sont prévus, dont 30 dès cette année, sur la centrale de C-Power et visent 10 % de l’objectif belge d’électricité renouvelable. Le rotor fait 126 m de diamètre, mais, bizarrement, les premiers exemplaires ont été livrés au port d’Ostende (Belgique)… par la route. Les nacelles et les tours viennent, eux, de Bremerhaven par bateau. Les fondations sont de type « jacket » en tubes construits à Hoboken, près d’Anvers, et posés en trois étapes : le sol marin est dragué, ensuite quatre pieux de 50 m sont enfoncés, puis la fondation est installée dessus. Le financement de la centrale – dont les premières turbines ont été posées en 2009 – implique huit banques européennes (dont la BEI) pour un total de 1,3 milliard.

Filip martens, c-Power,

[email protected] Tél.: +32 (0) 475239329

Ann Wittemans, deme n.V., [email protected] Tél. : +32 3 210 67 94

En Californie, les diodes sont plus brillantesUne entreprise de Fremont (Californie) lance une gamme de sources lumineuses à diodes électroluminescentes (LED) destinées à remplacer les petites lampes halogènes. Pour abaisser le coût des LED et densifier leur lumière, les produits de la start-up Soraa utilisent le nitrure de gallium, semi-conducteur actif, directement sous forme d’un cristal pur. Habituellement, il s’agit d’un dépôt sur un substrat de saphir ou de carbure de silicium, nettement moins cher. Dans le cas présent, la liaison entre cristaux des matériaux hétérogènes divise la densité

de courant admissible dans la jonction. Selon Soraa, la pureté du matériau permet d’accroître le rendement de la source lumineuse et de n’utiliser qu’une seule diode de 12 W pour remplacer une source halogène de 50 W.

Jane Park, Soraa, [email protected]

Tél. : +1(415) 309-4305

STOCKAGEDe l’oxygène pour le stockage du carbonePour la première fois, en Australie, une centrale au charbon a été équipée d’une chaudière à oxycombustion. En dopant la combustion avec de l’oxygène, on obtient des fumées de gaz carbonique – et de vapeur – quasi pures. Ce qui facilite, par la suite, le transport et l’injection sous terre du gaz carbonique. La centrale Callide-A de Biloela vise à réduire au minimum les installations aval de séparation, coûteuses en investissement et en énergie. Le système a été mis en œuvre sur une unité rénovée de 4 x 30 MW, jumelée à deux installations de production d’oxygène. Le tout a nécessité un investissement de 130 millions de dollars (102 millions d’euros). Dans ce dispositif, l’oxygène est mélangé à une partie des fumées, ce qui accroît la concentration de gaz carbonique. Testé avec succès au Japon sur 30 MW, ce système fera l’objet de cinq années d’essais en Australie. Le CO2 collecté devrait être injecté dans un aquifère salin, situé à proximité de la centrale. Outre CSE, le projet associe le charbonnier australien Xsrata, les industriels japonais IHI et Mitsui, l’électricien J-Power et Schlumberger.

dr chris Spero, callide Power Station,

[email protected]

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Energograd est une société spécialiséedans l’information sur l’énergie et le changementclimatique.Energograd - Volodia OPRITCHNIK73, rue de Cléry - 75002 ParisTél. : 06 26 81 31 98 - [email protected] L’Usine à GES et ses services sur le net :

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Rédacteur en chef :Volodia OPRITCHNIK

Rédacteurs ayant participé à ce numéro : Sophie d’ANHALT, Antoine BONDUELLE - E&E Consultants, Valéry LARAMÉE DE TANNENBERG, Volodia OPRITCHNIK,Alexia TILLY.

Secrétariat de rédaction/révision : Anne LOMBARD - [email protected]

Maquette et mise en page : Pascale MICHON - [email protected]

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