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Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 56 (2008) 49–50 Éditorial Enfants, adolescents et leur famille face à une maladie neuromusculaire Children, adolescents and their family confronting a neuromuscular disease Mots clés : Maladie neuromusculaire ; Enfant ; Famille Keywords: Neuromuscular disease; Child; Family Ce numéro de la revue Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence concerne la pratique, croissante, d’un bon nombre d’entre nous qui, sur la demande des équipes médicales et chirur- gicales, sont amenés à s’occuper d’enfants et d’adolescents ayant une maladie somatique et de leur famille. Il est le résultat d’un projet qui s’appuie sur plusieurs collaborations pluridiscipli- naires où l’Association franc ¸aise contre les myopathies (AFM) a une place essentielle, comme on peut le voir à la lecture de plu- sieurs articles de ce numéro et notamment du premier « Maladies neuromusculaires : évolution des concepts médicoscientifiques et des pratiques de soins » par J.A. Urtizberea, W. Boucharef et M. Frischmann. Il renvoie au travail en commun de ces équipes avec des psychologues, psychanalystes et psychiatres dans des pra- tiques d’ailleurs diversifiées et dans des lieux qui favorisent les échanges et la collaboration. C’est, comme le montrent plusieurs articles, le cas de bien des consultations « Maladies neuromus- culaires » en France. Les expériences de Lille, Montpellier, Hendaye ou Paris l’illustrent bien, avec notamment la Pitié- Salpêtrière où existent des échanges à deux niveaux, d’abord au niveau des équipes soignantes de l’institut de myologie, du département de génétique et du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, mais aussi au sein du diplôme universitaire « accompagnement des personnes atteintes de maladie géné- tique et de leur famille », qui a lieu sur le site depuis neuf ans, dans le cadre de l’université Pierre-et-Marie-Curie – faculté de médecine Pitié-Salpêtrière. Parmi bien d’autres, trois questions sont présentes au sein des dix articles qui constituent ce numéro. La première concerne les effets de la maladie, ici évolutive et parfois à risque létal, le plus souvent d’origine génétique, chez l’enfant ou l’adolescent et au sein de la famille, à travers ce qu’on pourrait appeler : le temps de l’annonce... et celui de l’après. N’est-ce pas utile de se représenter ainsi la tempo- ralité impliquée par tout ce que mobilisent la découverte puis l’évolution de la maladie, depuis l’attente, le choc de l’annonce et la mise en place de l’abord thérapeutique, jusqu’au suivi et l’accompagnement de l’enfant et de sa famille pendant plusieurs années ou décennies ? Cette distinction a contribué en effet à se poser, entre autres, des questions sur la meilleure manière, sans doute vaut-il mieux dire la moins mauvaise manière, d’annoncer la maladie et d’aider le patient et sa famille à surmonter cette annonce et à ne pas se sentir seuls face à la maladie. Mais en même temps, on voit bien que cette distinction est trop sché- matique dans bien des cas et que tous les processus d’attente, de découverte, de prise de conscience, de révélation, d’annonce des troubles et des conséquences de la maladie sont très intri- qués et étalés dans le temps. Ne peut-on pas dire que d’une certaine manière l’annonce est toujours en train de se faire, tant du côté des professionnels qu’au plan du vécu du patient et de sa famille, compte tenu à la fois de l’évolution des troubles, mais aussi des remaniements psychiques qui surviennent tout au long de celle-ci et du développement de l’enfant ? On voit bien, à titre d’exemple, tout ce que l’adolescent va découvrir, « après- coup », de sa maladie et de ce qu’elle implique de nouveau à cet âge, alors même qu’il en est atteint depuis plusieurs années, voire depuis la naissance. Sans doute faut-il aussi s’arrêter un moment sur l’observation, bien décrite dans un des articles (M. Gargiulo et al.), que l’annonce n’est que trop peu souvent faite directe- ment à l’enfant par souci de le protéger, par peur de lui faire mal, en lien avec tout ce qui est volontiers formulé en termes de violence du dire où par exemple nommer ce serait condamner, ce serait figer la situation. Pourtant, sans doute faut-il insister beaucoup, et peut-être plus encore chez l’enfant, sur la vio- lence du non-dit, du silence, on pourrait dire de la non-annonce à l’enfant lui-même de la maladie et de ses conséquences. L’expérience et les données de travaux sur cette question mettent bien l’accent sur cette réalité de la non-annonce à l’enfant et des effets délétères de la non-réponse des adultes, parents ou pro- fessionnels, au besoin fondamental de savoir et de connaître de l’enfant. 0222-9617/$ – see front matter © 2008 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.neurenf.2008.01.002

Enfants, adolescents et leur famille face à une maladie neuromusculaire

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Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 56 (2008) 49–50

Éditorial

Enfants, adolescents et leur famille face à une maladie neuromusculaire

Children, adolescents and their family confronting a neuromuscular disease

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ots clés : Maladie neuromusculaire ; Enfant ; Famille

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Ce numéro de la revue Neuropsychiatrie de l’Enfance et de’Adolescence concerne la pratique, croissante, d’un bon nombre’entre nous qui, sur la demande des équipes médicales et chirur-icales, sont amenés à s’occuper d’enfants et d’adolescents ayantne maladie somatique et de leur famille. Il est le résultat d’unrojet qui s’appuie sur plusieurs collaborations pluridiscipli-aires où l’Association francaise contre les myopathies (AFM)une place essentielle, comme on peut le voir à la lecture de plu-ieurs articles de ce numéro et notamment du premier « Maladieseuromusculaires : évolution des concepts médicoscientifiquest des pratiques de soins » par J.A. Urtizberea, W. Boucharef et. Frischmann.Il renvoie au travail en commun de ces équipes avec des

sychologues, psychanalystes et psychiatres dans des pra-iques d’ailleurs diversifiées et dans des lieux qui favorisent leschanges et la collaboration. C’est, comme le montrent plusieursrticles, le cas de bien des consultations « Maladies neuromus-ulaires » en France. Les expériences de Lille, Montpellier,endaye ou Paris l’illustrent bien, avec notamment la Pitié-alpêtrière où existent des échanges à deux niveaux, d’abordu niveau des équipes soignantes de l’institut de myologie, duépartement de génétique et du service de psychiatrie de l’enfantt de l’adolescent, mais aussi au sein du diplôme universitaireaccompagnement des personnes atteintes de maladie géné-

ique et de leur famille », qui a lieu sur le site depuis neuf ans,ans le cadre de l’université Pierre-et-Marie-Curie – faculté deédecine Pitié-Salpêtrière.Parmi bien d’autres, trois questions sont présentes au sein des

ix articles qui constituent ce numéro.La première concerne les effets de la maladie, ici évolutive

t parfois à risque létal, le plus souvent d’origine génétique,hez l’enfant ou l’adolescent et au sein de la famille, à travers

e qu’on pourrait appeler : le temps de l’annonce. . . et celuie l’après. N’est-ce pas utile de se représenter ainsi la tempo-alité impliquée par tout ce que mobilisent la découverte puis’évolution de la maladie, depuis l’attente, le choc de l’annonce

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222-9617/$ – see front matter © 2008 Publie par Elsevier Masson SAS.oi:10.1016/j.neurenf.2008.01.002

t la mise en place de l’abord thérapeutique, jusqu’au suivi et’accompagnement de l’enfant et de sa famille pendant plusieursnnées ou décennies ? Cette distinction a contribué en effet à seoser, entre autres, des questions sur la meilleure manière, sansoute vaut-il mieux dire la moins mauvaise manière, d’annoncera maladie et d’aider le patient et sa famille à surmonter cettennonce et à ne pas se sentir seuls face à la maladie. Mais enême temps, on voit bien que cette distinction est trop sché-atique dans bien des cas et que tous les processus d’attente,

e découverte, de prise de conscience, de révélation, d’annoncees troubles et des conséquences de la maladie sont très intri-ués et étalés dans le temps. Ne peut-on pas dire que d’uneertaine manière l’annonce est toujours en train de se faire, tantu côté des professionnels qu’au plan du vécu du patient et de saamille, compte tenu à la fois de l’évolution des troubles, maisussi des remaniements psychiques qui surviennent tout au longe celle-ci et du développement de l’enfant ? On voit bien, àitre d’exemple, tout ce que l’adolescent va découvrir, « après-oup », de sa maladie et de ce qu’elle implique de nouveau àet âge, alors même qu’il en est atteint depuis plusieurs années,oire depuis la naissance.

Sans doute faut-il aussi s’arrêter là un moment sur’observation, bien décrite dans un des articles (M. Gargiulot al.), que l’annonce n’est que trop peu souvent faite directe-ent à l’enfant par souci de le protéger, par peur de lui faireal, en lien avec tout ce qui est volontiers formulé en termes de

iolence du dire où par exemple nommer ce serait condamner,e serait figer la situation. Pourtant, sans doute faut-il insistereaucoup, et peut-être plus encore chez l’enfant, sur la vio-ence du non-dit, du silence, on pourrait dire de la non-annonce

l’enfant lui-même de la maladie et de ses conséquences.’expérience et les données de travaux sur cette question mettent

ien l’accent sur cette réalité de la non-annonce à l’enfant et desffets délétères de la non-réponse des adultes, parents ou pro-essionnels, au besoin fondamental de savoir et de connaîtree l’enfant.
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La deuxième question concerne les modalités du travail’aide et de soutien psychologique pour l’enfant et pour saamille, à travers la formulation : quel accompagnement psy-hologique des enfants et de leur famille ? Bien entendu cetccompagnement psychologique concerne tous les profession-els impliqués dans la prise en charge de l’enfant et de’adolescent.

L’article « Comment concilier exigence du suivi médicalt accompagnement psychologique ? » de P. Beze-beyrie poseien les questions liées à la fois à ce qu’il appelle l’exigencee la démarche et du suivi médical, mais aussi celle de larise en compte du vécu de l’enfant et de la famille. C’estvidemment à travers leur propre expérience clinique et leursualités relationnelles, enrichies notamment par les échangesluridisciplinaires, que tous ces professionnels accomplissente travail d’accompagnement psychologique, lequel concerneien entendu aussi lorsqu’ils sont présents ou sollicités, lessychologues travaillant au sein de ces services et parfois dessychiatres d’enfant et d’adolescents dans le cadre de leur acti-ité de psychiatrie de liaison.

Cela nous amène à nous poser la question centrale : commentrriver à travailler au mieux avec notre empathie, nos ressourcessychologiques personnelles, mais aussi notre vécu parfois dou-oureux et fait de sentiments d’impuissance, tant au moment de’annonce que lors de l’après, c’est-à-dire ici tous les mois, touteses années qui vont concerner l’évolution progressive invali-ante, parfois mortelle, de la maladie neuromusculaire. Plusieursrticles de ce numéro concernent ce travail d’accompagnement,otamment « au plus près de la réalité quotidienne vécue par lesnfants et les familles » : celui de M. Gargiulo et al., de P. Jouinott al. et celui de J. Roy.

La troisième question pourrait être formulée ainsi : commentieux travailler. . . ensemble ?Comme on le voit bien dans ce numéro, apparaissent

iverses modalités de collaboration entre membres des équipes

t de l’adolescence 56 (2008) 49–50

édicales, spécialistes des maladies neuromusculaires, pro-essionnels dits paramédicaux, kinésithérapeutes par exemple,t « psy », psychologues travaillant dans ces services ou psy-hiatres ou membres d’une équipe psychiatrique dans le cadree l’activité de psychiatrie de liaison. Plusieurs articles font étate ces différentes modalités de collaboration : ceux de D. Heron,. de Barbot, de S. Debarge et al., de M. Gargiulo et al., de. Guez et celui de M. Douniol et al., ce dernier centré sur

a tentative de délimitation de la notion de phénotype psychia-rique dans ce domaine. Cela va du travail entrepris dès le stadee la consultation pluridisciplinaire, certaines équipes asso-iant directement l’intervention du psychologue, soit dans uneonsultation en binôme, soit en deux temps successifs, jusqu’auuivi organisant de manière souple l’intervention des uns et desutres.

Cela n’est pas une mince question que celle de notre capacitétravailler ensemble, membres des équipes médicales, chirur-

icales et « psy » ou membres des équipes « psy ». Cela n’estas toujours simple, facile, compte tenu de la complexité desituations et aussi des enjeux psychologiques sous-jacents chezes professionnels en termes de rivalité, de désir de contrôle ou’appropriation, etc. En même temps quel enrichissement per-onnel et quel bénéfice pour les enfants, les adolescents et leuramille !

P. Mazet ∗M. Gargiulo

C. ReveillereM. Frischmann

Service de psychiatrie enfant et adolescent, hôpital de laSalpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (P. Mazet)