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Enfants du Mékong AIDE À L’ENFANCE DU SUD-EST ASIATIQUE N°166 JANVIER- FÉVRIER 2011 2,40 MAGAZINE www.enfantsdumekong.com LAOS Au-delà de la frontière Philippines Philippines Jour de p Jour de pêche êche Philippines Philippines Jour de p Jour de pêche êche

Enfants du Mékong Magazine n°166

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- Jour de pêche aux Philippines - Laos, le pays d'en face - Eliza, fleur d'espoir philippine - Vietnam, étudiants dans la ville - Good Morning Vientiane

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Page 1: Enfants du Mékong Magazine n°166

Enfantsdu MékongA I D E À L ’ E N F A N C E D U S U D - E S T A S I A T I Q U E

N°166JANVIER-

FÉVRIER 20112,40 €

MAGAZ INE

www.enfantsdumekong.com

LAOSAu-delà dela frontière

PhilippinesPhilippinesJour de pJour de pêcheêche

PhilippinesPhilippinesJour de pJour de pêcheêche

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Le cœur et la raison 3

Philippines Jour de pêche ordinaire 4

Asie du Sud-Est En bref 8

Vietnam Étudiants dans la ville 9

Laos Le pays d’en face 10

PhilippinesEliza, fleur d’espoir philippine 12

En direct 14

PerspectivesLa vie, c’est la joie 15

Témoignage« Voilà ce que je peux faire ! » 16

ÉvénementDes Bambous près de chez vous 17

Nos délégations Agenda, échos 18

Courrier 19

Chronique d’Asie Good morning,

Vientiane 20

Livres, hors-série 22

Rencontre« Je suis un très mauvais touriste » 23

Points chauds

Éditorial

Regards sur l’Asie

Découvrir

Agir

Rédaction MAGAZINE5, rue de la Comète 92600 Asnières-sur-Seine • Tél. : 01 47 91 00 84 • Fax : 01 47 33 40 44 • Fondateur René Péchard (†) • Directeur de la publicationFrançois Foucart • Rédacteur en chef Geoffroy Caillet • Rédacteur Jean-Matthieu Gautier • Couverture Bong, pêcheur philippin © J.-M. GautierMaquette Florence Vandermarlière • Impression Éditions C.L.D. 91, rue du Maréchal-Juin 49000 Angers • Tél. : 02 47 28 20 68 • I.S.S.N. : 0222-6375Commission Paritaire n° 1111G80989 • Dépôt légal n° 910514 • Tirage du n° 166 : 24 000 exemplaires • Publication bimestrielle éditée parl’association Enfants du Mékong • Président François Foucart • Présidente d’honneur Françoise Texier • Directeur général Yves MeaudreAbonnement (1 an, 5 numéros) : 12 euros

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> Sommaire n°166

©O.deFresnoye

2017

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> Éditorial

Vous lirez dans ce numéro d’intéressants repor-tages consacrés aux Philippines. On se conten-

te parfois, bien obligé, de survivre dans cet archi-pel pourtant si beau. La vie quotidienne d’un petitpêcheur est significative : il peut tout juste nour-rir sa famille parce que les fonds marins se dépeu-

plent. Il y a des gangs utilisant des hulboat-hulboat, sans compterles navires-usines (russes, japonais) qui dévastent les océans.Ajoutons que la misère profonde des Philippines, malgré une joie devivre que l’on trouve peu en France, côtoie des fortunes insolentes.Comment comprendre qu’un pays si croyant soit en même temps vic-time d’une énorme corruption ? En attendant nous y sommes, et cer-tains nous demandent pourquoi, si loin de nos bases des bords duMékong ? Parce que, lorsqu’on a mis la main à la charrue, on ne peutplus regarder en arrière. Nous sommes condamnés, avec vous, à nepas abandonner toutes les misères côtoyées là-bas.Les ONG sont toujours confrontées à un conflit entre le cœur et la rai-

son. La raison devrait nous conduire à un business plan, où – je copie unrapport – nous devons nous préoccuper de « la gestion des actions dedéveloppement communautaire et [de] la coordination des partenaires,[du] partenariat économique ou développement de nouvelles filières, afinde favoriser l’accès de produits au plus grand nombre (base of the pyra-mid, social business, commerce équitable). D’ailleurs, l’étude Be-linkedpour Coordination Sud et le Medef montre que… », etc. Pardonnez-moisi vous trouvez cela étrange, mais il faut comprendre qu’une ONG doit,elle aussi, se plier aux normes et au jargon du business. On n’échappe pasaux graphiques, aux réunions, aux rapports copieux (et parfois un peuabscons). Pourtant il y a le cœur, et c’est d’abord là que nous ne pou-vons que pencher. Par définition, ce que nous faisons est déraisonnable,pas forcément appliqué aux lois du marché. Mais tant pis ou plutôt, dansla plupart des cas, tant mieux ! Aidez-nous à écouter notre cœur, touten étant tout de même réalistes. Merci. �

François FoucartPrésident d’Enfants du Mékong

Le cœuret la raison

MAGAZINE N°166 � JANVIER - FÉVRIER 2011 � 3

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Sur la grande île philippinede Negros, les pêcheurs luttent

chaque jour contre la menace quefont peser sur les fonds marins descapitaines sans scrupules. Reportage.Texte et photos : Jean-Matthieu Gautier

L e jour n’est pas levé quand Bongsoulève la moustiquaire de son

châlit de bois et embrasse sa femmeSandra. Blottis les uns contre les autressur le même lit, ses quatre enfants nebougent pas. À la lueur d’une bougiequ’un faible courant d’air affole, sespas contradictoirement hésitants maisfermes se posent sur le sol de sable etde galets de sa petite maison. Aucunréveil n’a sonné, Bong n’en possèdepas. Quelques coqs crient dans le pay-sage nocturne, mais ils crient toutela nuit, toute la journée, cela ne signi-fie rien. Bong se réveille à l’heure, c’esttout.

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Manille

PHILIPPINES

Points chauds > Philippines

Jour de pêcheordinaire

Manapla�

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Aussitôt, il sort de chez lui et vientfrapper à la porte de la maison d’à côté– aumoins aussi misérable que la sienne.Lucy lui ouvre. C’est la mère de Sandra,la doyenne des pêcheurs du petit villagede Chamberry et la présidente de l’Afsa,l’association des pêcheurs du village.Tout le monde l’appelle respectueuse-ment la mother. Elle a préparé lesaffaires de pêche de Bong : un ersatzde glacière en polystyrène renfermantquelques morceaux de glace, un petitfilet vert et un krate, c’est-à-dire uneligne pourvue d’une demi-douzained’hameçons et roulée sur un morceaude bois qui tient dans le poing.

Les hors-la-loi que la loi aideLe principal problème des pêcheurs deChamberry, ce sont les hulboat-hulboat.C’est ainsi qu’ils désignent les bateauxillégaux qui viennent du port voisin deManapla. Une dizaine d’hommes à leurbord, ils sont équipés de moteurs puis-sants et pourvus de filets àmailles extra-fines. Hier, à l’occasion d’une petiteréunion improvisée, l’un des pêcheurs duvillage a signalé deux hulboat-hulboatdans la zone de pêche officiellementattribuée à Chamberry. Lucy a noté« l’incident » dans un épais registre rougeaux coins fragilisés par l’humidité et lesannées. Elle formulera plus tard uneplainte dont elle sait qu’elle n’aboutirapas. Bong, dans une moue dégoûtée,

En rentrant de sa pêche,Bong partagera celle-cien deux parts égales.La première serarapidement avaléeen famille, la secondevendue au marchépar Sandra.

Isidoro est un vieilami de Bong.Comme lui, il filesur sa banka versl’île de Tagubahan,où la pêche est plusprometteuse que surla côte de Manapla.

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4,7millions 8e

DE TONNES DE POISSONSpêchés chaque année aux Philippines

PAYSPRODUCTEURau monde

explique que la corruption règne àManapla : « La municipalité aurait mêmedes parts dans les petites compagniesd’armement des hulboat-hulboat, ajoute-t-il. Rien ne le prouve, mais nous sommesbeaucoup ici à en être convaincus. » Lespêcheurs de Chamberry expriment les unsaprès les autres leur impuissance face àun état de fait qui rend leur situation deplus en plus précaire.

Mais dans le district comme dansbien des endroits aux Philippines, la loia choisi son camp : celui du plus fort.« Si la police arrête quelqu’un, elle feraun rapport et rien de plus », enchéritune voix venue du fond de la salle. « Lapolice ? Le propre chef de la police deManapla est propriétaire d’au moinsdeux hulboat-hulboat », rétorque unautre. Quand le calme revient, Bong,

qui est décidément le plus loquace,conclut. « Nous partons seuls sur nosbanka (barques), et s’il arrivait à l’und’entre nous de vouloir expliquer à uncapitaine de hulboat-hulboat qu’il n’arien à faire là où il se trouve, l’histoirese réglerait à l’ancienne… La mer estgrande… », dit-il d’un air entendu.

Rite initiatiqueLe contact de l’eau est froid et une poi-gnée d’étoiles éclairent encore la nuit.Des barques dodelinent au gré d’unehoule lente. Lancées sur la mer ensom-meillée, leurs voiles gonflées par hami-han, le vent du nord-est, elles ne sontque des ombres à cette heure. Cap aunord, vers l’île de Tagubahan. Bong serre

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Points chauds > Philippines

« Les jours de tempête, on essaie quandmême de sortir, sinon c’est la tempêtedans nos estomacs… »

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le vent au plus près et sa banka tres-saute dans un clapot faiblard, avant des’élancer résolument vers le large. C’estune barque d’environ quatre mètres delong sur cinquante centimètres de large.Deux flotteurs de bois latéraux assurentsa stabilité : le principe du trimaran.La plupart des pêcheurs de Chamberry

utilisent des embarcations du mêmetype fabriquées par leurs soins : « Quandtu as construit ta banka, c’est un peucomme si tu devenais un homme pour ladeuxième fois », explique Bong en insis-tant sur l’aspect de rite initiatique. Sabanka, il l’a construite il y a cinq ans,à l’époque de son mariage avec Sandra.Il venait d’un village voisin, un villageconcurrent. Ça n’était pas évident de sefaire accepter par les autres pêcheurs.Ça l’était d’autant moins qu’il avait pasmal roulé sa bosse auparavant, fait pasmal de bêtises, vécu un peu partout auxPhilippines. Mais l’autorité de Lucy –qui, à 63 ans, continue à prendre la mertous les matins aux aurores – a permisd’arranger les choses.

De moins en moinsde poissonsDeux heures de navigation plus tard, labanka a fini par arriver non loin de l’îlede Tagubahan, de l’autre côté du détroitde Guimaras, à une dizaine de millesmarins de Chamberry et de la côte nordde Negros. Toutes sortes de bateauxconvergent dans ce détroit de Guima-ras, qui est un genre de modèle réduitde Malacca : les gros cargos de com-merce qui s’en vont vers Manille ou versCebu, et puis des pêcheurs, par cen-taines, sur des embarcations de toutesles tailles. Il y a les pêcheurs de crabes,que Bong salue de la main parce qu’ilssont réguliers, et les bankas légères,comme la sienne, qui ne vont qu’à lavoile. Il y a aussi quelques hulboat-hul-boat, qui eux sont vraiment menés par

des sales types, insiste Bong. 90% desmassifs coralliens de la région seraientdétruits par leur faute : ils pêcheraientparfois à la dynamite.Bong, qui a replié sa voile – une bâche

de récupération taillée en triangle, bleued’un côté, orange de l’autre – et prépareses hameçons, ajoute que les pratiquesde pêche des hulboat-hulboat sont tellesque les fondsmarins se dépeuplent à vued’œil. « Ils ne respectent rien. Avec leursfilets aux mailles extrafines, ils attrapentdes poissons qui n’ont pas fini leur crois-sance et qu’ils ne s’embêtent pas à trier[c’est-à-dire à rejeter à la mer, NDLR]. »Il y a cinq ans, à l’arrivée de Bong, il nelui fallait que quelques minutes pourtrouver une zone où il savait pouvoirpêcher en abondance. Aujourd’hui, plu-sieurs heures sont nécessaires.

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Chef d’orchestreBong plonge sa ligne à droite puis àgauche. Quand il la remonte, le mouve-ment de va-et-vient qu’il dessine de sesmains fait penser à celui d’un chef

d’orchestre. En fin d’après-midi, quandil est temps de rentrer, sa glacière necompte que deux ou trois kilos de pois-sons. À 100 pesos le kilo (1,7 euro), cen’est pas bien lourd. Pourtant, Bong

s’estime plutôt chanceux pour ce jour-là. Il est dans la moyenne journalière.Et les jours de tempête ? « Les jours detempête, on avise. Mais le plus souventon essaie quand même de sortir, sinonc’est la tempête dans nos estomacs…La compensation, c’est que nous pou-vons passer du temps avec notrefamille. »Propulsée par un vent portant dont

un effet thermique accroît la puissance,la banka de Bong surfe sur les vagues,embarquant des paquets de mer qu’ilfaut écoper tout en tenant la barre avecfermeté. Sportif ! Dans un immense rire,Bong entame une vibrante déclarationd’amour à la mer et à son métier depêcheur. Puis, plus posément, il ajouteque s’il aime la mer, c’est surtout pourSandra, sa femme – la plus belle femmedu monde, insiste-t-il – et pour leursquatre enfants. C’est pour eux qu’il tra-vaille aussi dur. �

26 enfants attendent un parrain dansle programme de Manapla.

Il est quatre heuresdu matin, Bong avaleson café et fumeune cigarette. Ce petitdéjeuner expédié,il ne mangera rienjusqu’à son retourde la pêche, vers troisheures de l’après-midi.

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Regards sur l’Asie > Asie du Sud-Est

Une Bourse à Vientiane

Célèbres pour l’expressionspectaculaire de leur foi,les Philippins ont participé

en janvier à deux processionsqui ont rassemblé des millionsde fidèles. Par Geoffroy Caillet

N’étaient les visages asiatiques, onse serait crudans les ruesdeNaples

le jour de la San Gennaro ou dans unebourgade du Portugal pour une fête de lamadone. C’est pourtant dans les mégalo-poles surchauffées de l’archipel philippinque se sont déroulées comme chaqueannée aumois de janvier deux immensesprocessions, expression toute latine dela ferveur du seul pays d’Asie à majoritécatholique avec le Timor Oriental.Le 9 janvier, la fête du Nazaréen noir a

attiré 2 millions de personnes dans lesrues deManille. Venue duMexique – alorslui-même colonie de l’Espagnemais paysde tutelle des Philippines –, cette statuedu Christ tirerait sa couleur brune d’un

L e Laos nous aura décidément habitués àtout. La Bourse de Vientiane a ouvert ses

portes mardi 11 janvier, semblant entériner lespropos de Barack Obama qui affirmait en 2009 que

le Laos avait « cessé d’être unpaysmarxiste-léniniste ».Saluant cette initiative, les observateurs de la pressefinancière internationale ont fait remarquer que le petitpays suivait en cela l’exempledes réformeséconomiques

de ses voisins chinois et vietnamien.Mais ils se sont aussimontrés plus scep-tiques que DethphouvangMoularat, le président du Lao Securities Exchange,qui désignait la nouvelle bourse comme « une autoroute de capitaux ». Lesseules sociétés – publiques – actuellement cotées sont la Banque pour leCommerce extérieur du Laos (BCEL) et la compagnie Électricité du Laos (EDL-Generation), dont les investissements se limitent pour l’heure aux ressourcesnaturelles du pays, hydroélectricité etminerais. La difficulté d’adaptation auxnormes boursières, liée au manque de transparence des comptes des socié-tés, risque bien de maintenir Vientiane à un niveau modeste. � J.-M.G.

incendie qui l’aurait épargnéeà son arrivée dans l’archipel, auXVIIe siècle. Sa réputation deguérir maux et maladies expli-que la vénération qui l’entoure :à défaut de pouvoir toujours la toucher,les fidèles lancent mouchoirs et ser-viettes dans sa direction. Pieds nuscomme le Christ sur le chemin du calvaire,ils l’accompagnent tout au long d’uneimmense procession dans le quartier chi-nois de Quiapo. Avant sa seconde sortieannuelle, le vendredi saint.Un nombre équivalent de fidèles se

sont réunis une semaine plus tard àCebu, au centre de l’archipel, pour la fêtedu Sinulog, quimet à l’honneur une autre

statue du Christ, représenté cette foissous la forme d’un enfant, le Santo Niño.La tradition rapporte qu’elle aurait étéofferte par Magellan à Juana, reine deCebu, à l’occasion de son baptême.Parade retraçant la conversion des Phi-lippins au XVIe siècle, messe solennelleet réjouissances se sont succédé toutela journée. Sans compter les activitésouvertement profanes, des concerts demusique pop aux concours de beauté…Éternelles Philippines.�

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Philippines :le mois des processions

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Mékong-ExpressVIETNAM : LE MULTIPARTISME ÉCARTÉAvant même l’ouverture de son congrèsquinquennal, le 12 janvier, qui a abouti à lanomination des dirigeants du pays pour lescinq années à venir, le Parti communistevietnamien (PCV) a réaffirmé son attache-ment au système de parti unique. « LeVietnam ne demande pas et est déterminé àne pas avoir de pluralisme ou de systèmemultipartite », a rappelé Dinh The Huynh,membre du comité central du PCV, lors d’uneconférence de presse consacrée au congrès.L’approche de l’événement avait été mar-quée par une recrudescence de la répressiondes dissidents, lesquels placent plus quejamais leur espoir dans internet qui, mêmesous étroit contrôle, travaille selon eux enfaveur de l’émergence d’une société civile.

©E.deColbert

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Cebu�

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©J.-M.Gautier

Regards sur l’Asie > Vietnam

Étudiants dans la villeQuand les étudiantsvietnamiens descampagnes arrivent enville pour leurs études,tous ont des rêves etdes espoirs. Mais pastoujours ceux auxquelson s’attend. Rencontre.Par Jean-Matthieu Gautier

« Je ne veux pas devenir une femmebattue, je refuse de reproduire le cycle. »

Ça commenceun jour immensémentbanal, à quelques kilomètres de

Dalat. Toan est à la rizière avec son père.Il fait très chaud – on est près de midi –et ils ont tous les deux, avec deux autressœurs et un frère de Toan, l’échine brisée,le bassin tendu vers le ciel, de la boue jus-qu’aux coudes : ils repiquent le riz. Unesœur de Toan arrive dans des éclabous-sures et crie sonnomtrès fort. Elle s’arrêteenfin, très essoufflée, et tend la lettre àToan en précisant que le facteur a ditqu’elle arrivait de Saigon. Toan s’essuie lesmains – mal, la lettre est vite un vaguemorceaudepapiermâché, presqueun tor-chon. Toan l’attendait depuis des mois.C’est évidemment la réponsede l’universitéet elle est évidemment positive. Personnene doutait du contraire. Tout le monderedoutait pourtant ce moment. Toan vamaintenant partir « à la ville », étudierl’architecture, devenir quelqu’un.

K’Kim vient d’une province pas si éloi-gnée deDalat. Il est lui aussimontagnardet a bénéficié du léger avantageoffert auxétudiants des minorités par le ministèrede l’Éducationnationale vietnamien.Assezdécomplexé sur cette question, il parle delui-même de discrimination positive. Pasquestion d’entrer dans un débat pourautant : « La discrimination positive, dit-il, il y a du pour, il y a du contre ; on n’en

finirait pas de discourir sur le sujet. » Pourle moment il est étudiant et l’aurait étéaussi ennaissantdansune famille deKinh,l’ethnie majoritaire au Vietnam : les deuxpoints supplémentaires « offerts » pourson examen d’entrée à l’université n’ontrien changé.

Vulnérabilité et émulationAujourd’hui il se souvient parfaitement dujour de son arrivée à Saigon, de l’espècede frayeur, de sentiment de vulnérabilitétotale qui s’était emparé de luimalgré lesrecommandations paternelles : « Tuarrivesau terminus du train, tu sors de la gare, etlà tu abordes le premier chauffeur demoto-

taxi que tu vois et tu lui demandes le che-min de l’université. C’est très simple.» C’estce qu’il a fait. Il avoue aujourd’hui avoirpeu de relations avec les étudiants kinhde son âge : « Je n’ai pas beaucoup d’amiskinh… pardon, je n’ai aucun ami kinh »,se ravise-t-il avec un air presque surpris.Au chapitre des aveux, il ajoute que la viedans les grandes villes n’est vraiment passa tasse de thé. Il ne saurait pas expliquer

pourquoi mais c’est ainsi. Il a des motscomme « relations humaines teintées dematérialisme, superficialité, course au suc-cès, concurrence… »D’une façon générale, ces mots revien-

nent chez la plupart des «montagnards »interrogés. Et trèspeuenvisagentd’ailleursde vivre enville une fois leurs études ache-vées. ChanaDa, si. C’est unKhmerduDeltade 24 ans, étudiant en littérature vietna-mienneàSaigondepuis quatre ans. Il sou-ligne à son tour la concurrence très forteentre étudiants mais il la trouve saine,voire essentielle. Il aime la ville, sondyna-misme, l’espèce d’émulation qu’elle faitnaître. Il a mis du temps à s’y faire desamis, mais c’était simplement parce qu’ilne sortait pas de sa chambre les premièresannées : il n’en avait pas les moyens et« le but de [sa] présence ici n’était pas dese distraire mais de travailler ». Le proposest sensiblement identique chez NguyenThi Ching qui, elle, souhaite s’installer àSaigon à la fin de ses études et y trouverun mari. Elle ne veut pas d’un mari pay-san, comme ses parents, comme sessœurs… Elle refuse de « reproduire lecycle » : « Je ne veux pas devenir unefemme battue. Ici en ville, les femmes ontplus d’indépendance, plus de reconnais-sance. C’est cela que je souhaite. » �

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Soubanh chu-chote, comme

s’il craignait d’êtreentendu par desoreilles indiscrè-tes. De sa besacede toile, il sort à ladérobée un livretde famille où il

désigne les photos de sescinq enfants. « Les trois

aînés sont partis, eux aussi »,déclare-t-il timidement. En arpentantl’unique rue de son village, il a parfoisdu mal à se convaincre qu’il est encored’ici. Avec son sol terreux, ses simplesmaisons de bois et sa modeste école,Tha Teng n’a pas grand-chose à voiravec les agglomérations modernes qu’ila traversées il y a dix jours pour rentrerau pays. Et lorsqu’il s’enquiert auprèsde Vanxay, sa femme, d’un voisinabsent, la réponse ne l’étonne pas : luiaussi a quitté le Laos pour tenter sachance en Thaïlande.

Regards sur l’Asie > Laos

Le pays d’en faceAux portes d’un Laos aux ressources limitées, la Thaïlande fait figurede terre promise. Comme Soubanh, des milliers de paysans sans avenirsont contraints à chercher du travail chez leurs puissants voisins.Reportage dans le sud du Laos. Par Geoffroy Caillet

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Tha Teng

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Partir dès 14 ansSoubanh a 44 ans. En 2007, il a tiré lesconclusionsd’uneénièmemauvaise récoltede riz sur une surfacemisérable – à peine100m2. À quelques dizaines de kilomètresde Tha Teng, dans le sud du Laos, la fron-tière thaïlandaise était unappel audépart.Ses trois aînés, âgés de 14 à 20 ans,avaient franchi le pas l’un après l’autre.Employés dans unatelier de confectiondela régionde Sakaeo, ils ne reviennent plusque rarement à Tha Teng. « Ici, les enfantspartent dès 14 ans pour quelques mois ouquelques années», déplore Vanxay, qui n’apas vu les siens depuis près d’un an.C’est pour leur rendre visite que Sou-

banh s’est rendu en Thaïlande la premièrefois. Mais lorsqu’il a voulu lui aussi y tra-vailler, il a dû payer 3 500bahts à unpas-seur pour obtenir emploi et faux papiers.L’équivalent du salairemensuel des jeunesLaotiennes qui servent dans les restau-rants thaïlandais. Levées à deuxheures dumatin, elles y travaillent chaque jour jus-qu’à 18h. Les mineurs qui décrochent un

emploi de domestique sont payés, eux,2 500 bahts, « lamoitié de ce qui est payéaux Thaïlandais », assure Soubanh.Pour les candidats au départ, les petits

boulots nemanquent pas au pays du sou-rire. Employésd’ateliers de confection, sai-sonniers agricoles dans l’Isan – la granderégion rurale frontalière –ouvriers àBang-kok, employés de pêche à Phuket… Etmaçons commeSoubanh, qui a trouvé dutravail dans le sud, à 50 kilomètres de lafrontière avec la Malaisie. « Il y a beau-coup de routes en construction en Thaï-lande », se réjouit-il. C’est à la réfectionde l’une d’elles qu’il est employé depuisplusieurs mois avec une soixantaine deses compatriotes. Un travail péniblemaisqui lui rapporte 9 000 bahts (225 euros)parmois, un salaire bien supérieur à ceuxqu’il peut espérer au Laos. « Ici, mêmeen ville on gagne à peine l’équivalent de2 900 à 3 700 bahts (de 74 à 93 euros).En Thaïlande, c’est jusqu’à 9 700 bahts(241 euros) mensuels qu’on peut espé-rer », reprend-il pour justifier son départ.

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©J.-M.Gautier

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Pour beaucoup de Laotiens, partir est une question de survie.

© EdM

À la merci d’une expulsionÀ Tha Teng, rares sont les familles dontun membre ne se trouve pas en Thaï-lande. Père, mère et enfants, tous sontsusceptibles de quitter le village au grédes besoins du foyer. Le manque de sur-faces cultivables, la mauvaise qualitédu riz et l’absence complète de débou-chés économiques ici n’est pas un casisolé dans un pays où près de la moi-tié de la population vit en-dessous duseuil national de pauvreté. Pour beau-coup de Laotiens, partir est une ques-tion de survie. Et la proximité avec leurflorissant voisin thaïlandais concentretous les espoirs.Dans ces conditions, la moindre dé-

pense imprévue entraîne souvent undépart. C’est le cas de Chinda, la sœurde Soubanh, qui doit rembourser unedette faramineuse de 15 millions de kips(1 400 euros), contractée pour soignerson fils malade. Elle a confié ses autresenfants à sa belle-sœur, qui a aussi prisen charge sa propre petite-fille. Pour

ces familles décomposées de fait,l’entraide va de soi. L’éloignement lesmet pourtant à rude épreuve. « Beau-coup de villageois contractent le sida enThaïlande et le rapportent à Tha Teng,explique Vanxay. Et les enfants grandis-sent souvent sans parents, ou les parentssans enfants… »Les travailleurs immigrés laotiens ont

l’avantage de comprendre la langue thaïe,proche de la leur. Une garantie minimecontre la précarité de leur situation là-bas. Malgré l’intérêt représenté par unemain-d’œuvre bon marché, leur semi-clan-destinité les met constamment à la mercid’une expulsion par la police thaïlandaise.Soubanh est explicite : « Les clandestinssont placés en détention provisoire jusqu’àce qu’ils soient assez nombreux. Puis onles renvoie au Laos dans des camions àdouble étage. Environ 200 Laotiens sontrenvoyés ainsi chaque mois. »

« J’aimerais rester mais je n’ai pas le choix »Pour Soubanh, l’époque des passeurs serabientôt terminée. Cette fois, il est rentréà Tha Teng avec un objectif : préparerson dossier pour obtenir un passeport detravailleur. Moyennant 12 000 bahts dontson patron lui a fait l’avance, il pourra

travailler officiellement en Thaïlande sansêtre astreint à la mobilité des clandes-tins et sans menace d’expulsion. Commen’importe quel Thaïlandais, il bénéficieraaussi d’une couverture sociale. Rentrer définitivement au Laos, il y

pense, bien sûr. D’ici deux ans, il espèreavoir économisé suffisamment pourachever la construction de sa maison àTha Teng et, surtout, acheter une sur-face cultivable assez vaste pour pouvoirnourrir les siens. L’eldorado thaïlandaisdont rêvent tant de ses compatriotes,Soubanh en connaît les limites. Il saitau bout du compte qu’il lui permettraseulement, un jour, de mieux vivre ici.À Tha Teng, le chassé-croisé des

départs et des retours est permanent.La fille de Soubanh va bientôt rentrerde Sakaeo. Grâce à l’argent qu’elle a éco-nomisé sur les 150 bahts gagnés chaquejour comme couturière, elle a de quoi

faire vivre les siens pendant longtemps.Soubanh, lui, espère repartir d’ici deuxsemaines, une fois son passeport obtenu.« J’aimerais rester mais je n’ai pas lechoix », glisse-t-il en manière d’excuse àl’adresse d’un pays qui ne peut pas le fairevivre. Pourtant, il repart soulagé : cettefois au moins, Vanxay sera du voyage. �

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Regards sur l’Asie > Philippines

attachée au foyer d’Enfants du Mékong àCebu. Quatrième et dernier véhicule, unpédicycle nous laisse presque à notre des-tination : le quartier d’Inayawan, à côtéde la montagne d’ordures de Cebu.

Maison de bambouNous allons rencontrer Eliza chez elle. Ellene peut pas bouger, coincée par une crisede tuberculose. Un petit pont passe au-dessus d’une rivière dont on devine àpeine l’eau noire. Par milliers, les déchetsdu village s’accumulent, flottent. « Pour-quoi a-t-on inventé les sacs en plastique ?,me demande Dorothy. Les sacs en papiermarron étaient aussi bien. Le plastique asali la terre entière. » Comme elle a rai-son ! La maison d’Eliza est au bout de larue, dans le virage. Elle est en parpaingset ciment, avec un toit en tôle. Àl’intérieur, il fait sombre. Le sol est enterre. Eliza nous attend, assise sur un litde bois. Il n’y a pas de matelas, elle estappuyée contre un mur en ciment inégal.Un coussin protège son dos.Eliza est née à Mindanao il y a 25 ans.

Mindanao est trop connue aujourd’huipour être l’île du terrorisme, des mouve-ments séparatistes musulmans qui fontquotidiennement la une des radios locales.Là, elle est élevée par un oncle avec sonfrère Elizao et sa sœur Ellen. Eliza estl’aînée. Après la naissance d’Ellen, lesparents se sont séparés et ont essayé detrouver du travail sur Cebu, une autre île.L’oncle ne donne pas toujours à manger,il est sévère aussi et Elizao tombe gra-vement malade. Eliza réussit à contactersa maman, qui les recueille un temps. Puisc’est avec le papa que les trois enfantsvont finalement s’installer dans un espace

minuscule, près de la montagne d’orduresde Cebu. Eliza a sept ans.Leur maison est alors faite de bambou

et de feuilles tissées, comme beaucoupd’autres dans le bidonville. Parfois, dansce pays de typhons, quand la pluie de

fois pour voir dehors, entre les gensentassés sur le banc en face. Ou bienje me retourne, quand c’est possible. Lerisque alors est de bousculer l’ordre éta-bli des jambes alignées, la mosaïque despieds mélangés, la géométrie fragile desderrières posés en quinconce.

Nous devons changer de jeepney, puisprendre un tricycle à moteur. Ce sontquatre moyens de transport différents quenous utiliserons pour aller d’un quartier àl’autre de la ville. Seul, je n’y arriverais pas.Je suis avec Dorothy, l’assistante sociale

L e jeepney s’est arrêté dans l’embou-teillage et rote bruyamment sa

fumée noire. Comme à Manille, les jeep-neys de Cebu sont bruyants et leurs vieuxmoteurs fatigués polluent gravement laville. Dérisoire protection, quelques pié-tons mettent un mouchoir sur leur visage.Les stations se font au gré de la main dupassant qui la lève pour y monter, et augré du peso que l’on fait sonner sur la barred’inox du plafond pour commander l’arrêt.À cette heure matinale, la circulation

est déjà dense. Des voitures rutilantesse traînent au même rythme que lesvieux taxis japonais. Les taxis, ici, sonttous les mêmes : blancs, défoncés etdécorés de statuettes, de guirlandes, demoquette. Dans le jeepney, j’ai peur delouper l’arrêt. Alors je me penche par-

L’espoir, aux Philippines, n’est pas dans uneéconomie florissante, une richesse du sous-sol ou dans l’océan qui borde l’archipel. Il est dans la personne. Le récit qui suit est l’histoire d’une de ces fleurs d’espoir : Eliza. Par Yves Aillerie

Eliza, fleur d’espoir philippine(1/2)

© Y. Aillerie

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Aux intonations de sa voix, on sent que la cohésion et la force de sa famillesont évidentes.

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MAGAZINE N°166 � JANVIER - FÉVRIER 2011 � 13

© esprit-photo

© esprit-photo

mousson et les vents sont trop forts, letoit s’envole et l’eau rentre. Alors lafamille entière va se réfugier chez les voi-sins. Sur son lit de bois, Eliza serre uncoussin contre sa poitrine. Parfois, unequinte de toux suspend son récit. Et puiselle reprend, écoutant mes questions avecpatience, racontant avec confiance. Laconfiance, ce n’est pas à moi qu’elle ladonne, mais Dorothy est là. Elle est macaution. Sa voix est faible et douce. Dansle débit rythmé de ses mots, elle aspireparfois un « h » et avale un « r ». Alorsses phrases s’arrondissent et envoûtent.

Travail sur la déchargeDans le lointain parfois, un coq se réveilleet chante. Non, il ne chante pas. Il hurle.Aujourd’hui, l’endroit est préservé desodeurs de la montagne. « Cela dépend duvent », m’explique Eliza. Le village estexcentré. Peu de taxis ou de véhicules àmoteur. Seuls les tricycles non motorisésy entrent. Dans cette maison sans véri-table porte, nous n’entendons que les voi-sins si proches, les coqs et le ventilateur,qui remue un peu l’air lourd et nous évitede nous liquéfier instantanément.En 1995, le papa est malade. Il ne tra-

vaille plus. Il n’y a aucun revenu dans lamaison. Alors les enfants vont travailler.Eliza a dix ans. Elle va le matin à l’écoleet l’après-midi sur la montagne d’ordurespour trier les déchets. La revente desplastiques rapporte entre 15 et 20 pesospar jour, soit 35 centimes d’euro. Dansles odeurs de décomposition et de pneusqui brûlent, le travail est pénible. Sur la

montagne d’ordures, il y a toutes sortesde déchets, organiques, chimiques, cor-rosifs parfois. Bientôt Eliza développe unasthme et Elizao des maladies de peauqui les obligent à arrêter.Il faut trouver une autre source de reve-

nus. Alors, avant l’école, elle va vendre dela nourriture sur le bord de la route. Uneamie lui a indiqué une recette de polvo-

ron, un dessert sucré et brun. Le papa vacuisiner, les enfants vont vendre. La ventecommence le matin à six heures et doitêtre terminée avant le début de l’école.Avec le temps, Eliza va apprendre d’autresrecettes dont le yemas, à base de lait. Decette façon, c’est parfois jusqu’à 60 pesospar jour, soit un euro, qui permettent denourrir la famille. Aux intonations de savoix, on sent que la cohésion et la forcede cette famille sont évidentes. Elizatrouve normal de travailler en-dehors deses études pour subvenir aux besoins desuns et des autres, pour compenserl’incapacité d’un père malade.

Un parrain !Les années passent, sans repos. À l’école,une camarade d’Eliza a un parrain françaisgrâce à Enfants du Mékong. De loin ellelui a signalé Thomas, le volontaire Bam-bou qui vient parfois à l’école. Eliza n’osepas aller au-devant de lui. Elle n’a jamaisadressé la parole à des étrangers. Elle apeur que son niveau d’anglais soit tropfaible. Un jour elle le croise et se décideà lui demander d’être parrainée. Le pre-mier pas est franchi. À chaque fois qu’ilpasse à l’école, elle lui fait la mêmerequête. Enfin elle a un entretien avec lui.Thomas est impressionné par la motiva-tion de la très jeune fille. Eliza a seize anset bientôt, par l’intermédiaire d’Enfants duMékong, elle aura un parrain français quiprendra en charge ses frais de scolarité.Pourtant, la famille est toujours en

situation de survie. Si les cours sont assu-rés, il reste à payer la nourriture et le coûtdu transport à l’école. Eliza et son frèrecontinuent à vendre les plats du papa. Etpuis la maison en bambou est décidé-ment trop fragile. Alors, à la fin de sa pre-mière année d’université, Eliza arrête sesétudes. Pendant dix mois elle travaillepour une grande société d’électroniqueen vérifiant les connections des télé-phones portables en sortie de chaîne defabrication. Ce travail rapporte 200 pesospar jour. Eliza épargne pour acheter par-paings et ciment. Le papa est un ancienmaçon, il construit la maison où noussommes aujourd’hui. Mais commentfinancer le toit de tôle ? (à suivre) �

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Agir > En direct

LE MOT DU PARRAINAGE

Chaque chargée de parrainages’occupe de 80 à 100 programmes.

Par son expertise, elle est l’interlocutricedu parrain qui souhaite obtenir des ren-seignements sur son filleul, sur le fonc-tionnement du programme ou sur le res-ponsable local. Elle est aussi le référentdu volontaire Bambou sur place. C’est doncpar elle que transitent les rapports devisite, les rapports financiers et les lettresd’information reçues par les parrains.Pour mieux répartir la charge de travail,

le service parrainage a été réorganisé enjanvier 2011. La constitution de binômespermet désormais une meilleure réparti-tion du travail et une meilleure disponi-

bilité des chargées de parrainage dont lazone d’activité s’est diversifiée. L’équipecompte désormais 12 personnes :- Thaïlande : Anne Monmoton et DianeTeso- Philippines : Lorraine Dupoyet etElena di Masso- Vietnam : Delphine Muller, BénédictePilven, Laurence Vielle, Pauline Delhu-meau et Elena di Masso- Cambodge : Anne-Sophie Paquet- Laos : Diane Teso- Birmanie : Anne Monmoton- Chine : Delphine MullerElles sont à votre disposition pour toutequestion concernant votre filleul. �

Une nouvelle organisation

24H D’UNE VIE DE BAMBOU : Claire de Saint-Lager, volontaire Bambou à Phnom Penh6h30 : Réveil. J’avais prévu de faire unegrasse mat’ jusqu’à 7h30 mais c’était sanscompter avec les garçons qui s’acharnent surla toute nouvelle sonnette de la maison desfilles parce qu’ils sont à court de riz… 12h : Après avoir planché toute la matinéeau Centre Mérieux avec Stéphanie sur un ate-

lier « pédagogie », je rentre déjeuner au foyer. Entre la sieste desunes et les devoirs des autres, je corrige les exercices de français deSoheng et sers de jury pour l’oral d’anglais de Sophuong.14h : Départ pour le marché olympique, le plus grand de Phnom Penh,avec ses étals débordants de bric-à-brac en tout genre ! Ballon de vol-ley, volants de badminton, raquettes de ping-pong, je repars avec toutle matériel requis pour le prochain tournoi de sport.16h : Les étudiants reviennent de l’université et le défilé commencedans mon bureau. Je surveille ensuite l’auto-étude, une bonne occa-sion d’aider les étudiants en français et en anglais. J’essaie tant bienque mal d’expliquer le rôle du parlement à Chanly (3e année)…18h30 : Dîner au Centre. Rak m’interroge sur l’avenir de l’exceptionculturelle française. Voilà les questions de mes petits génies desrizières !20h : Retour au foyer avec mes 17 filles. Après avoir soigné troispetits bobos, j’apprend aux filles à jouer au Uno et au 1000 bornes.Fous rires assurés !22h : Je souhaite de beaux rêves à chacune et sonne le couvre-feu.22h30 : Je peux enfin me doucher à l’eau froide et me coucher. À peine le temps de lire quelques lignes, à 23h je dors déjà…

Des garderies sur la décharge

VOLONTAIRES BAMBOUS

PROGRAMMES DEDÉVELOPPEMENT

© E. di Masso

© D.R.

Plus de 150 familles vivent dansle bidonville d’Inayawan, sur

la décharge de Cebu (Philippines), où elles tentent de récolter desdéchets monnayables. Les enfantssont livrés à eux-mêmes car leursparents n’ont pas les moyens de les faire garder. Ils sont sales, mal nourris et leur santé se dégrade. Sous l’impulsion des habitants a étécréée en 2006 l’association BatangMekong, qui a permis de développerhuit garderies de 10 enfants de troisà six ans. Celles-ci leur assurent :- Santé et hygiène : toilette desenfants et distribution quotidienned’un repas, d’un goûter nutritif et sibesoin de médicaments.- Éducation : apprentissage de la vieen groupe et préparation à l’école…- Développement : cadre de vie où lesenfants se sentent en sécurité…Les garderies se tiennent chez huit

mamans volontaires de la décharge,dont Batang Mekong a équipé les maisons (achat d’outils pédagogiqueset réalisation de menus travaux). Chacune est aidée d’une autrefemme. Ce sont donc 16 mamans quiont obtenu un emploi et une forma-tion. Les parents s’impliquent aussien cuisinant les repas.Enfants du Mékong soutientintégralement ce projet, dont lebudget annuel est de 23 230 €.Aidez-nous ! �

Contact : Valérie [email protected] 01 47 91 00 84

14 � N°166 � JANVIER - FÉVRIER 2011 MAGAZINE

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© E. di Masso

L undi 13 décembre, foyer deButuan, sur l’île de Mindanao

(Philippines). Tenu d’une main demaître par Estelle, je débarque de l’avionqui m’amène de Cebu. Je n’ai pas letemps de poser mon maigre sac queLouis-Marie m’emmène avec notreadministrateur Ariel Aguettant dans unbidonville : Holy Redeemer. Ce squat estignoble et Dieu sait si j’en ai vu. Onmarche sur des pneus et des planchesjetés dessus pour ne pas enfoncer dansun cloaque visqueux et ténébreux, lescabanes tiennent à peine sur leurs pilo-tis rongés par l’humidité où, dans laseule pièce, s’entassent dix enfants.Nous allons voir la grand-mère de Chris-tian. Elle élève ses petits-enfants carles parents partent souvent pendant desmois trouver un emploi et parfois dis-paraissent. Leur progéniture vit de ladébrouillardise de leur aïeule.Christian a dix ans et ne va plus à

l’école. Il erre dans ces lieux aussi cri-minogènes qu’infects. Nous sommes làpour le reprendre en main. Ces mèresou ces grands-mères souvent abandon-nées se battent avec un courage et uneintelligence des situations qui sontexemplaires. Ce sont de grandes dames,de très grandes dames. Souvent ellessont belles, avec cette dignité de prin-cesses qui nous intimide. Au milieu decet univers de chaos, elles sourient etsont habitées par une joie souveraine.Ce n’est pas une joie facile et niaise,une joie « irresponsable », mais une joietranscendante qui vient du fond de leurâme transparente. Avec Ariel, nouséprouvons un sentiment immensed’admiration et de respect. Cette magni-fique grand-mère assume quinze de sespetits-enfants.

La grande leçon des enfants et des familles que nous soutenons en Asie, c'est une joie fondée sur l'amour de la vie. À son contact, la tristesse et l’angoisse de notre monde s’effacent.Par Yves Meaudre, Directeur général d’Enfants du Mékong

La vie, c’est la joie> Perspectives

MAGAZINE N°166 � JANVIER - FÉVRIER 2011 � 15

qui l’entouraient, puis elle reprit en lesdésignant : « Lequel voudriez-vous queje supprime en premier ? » Je vois encorel’ami bonze qui m’accompagnait, reje-tant un pan de sa robe safran sur sonépaule, éclater de rire et traduire, ce quimit en joie toute la famille.La joie des pauvres les habite. Je com-

prends mieux maintenant les raisons duclimat de tristesse et d’angoisse quirecouvre notre pauvre Occident. NotreEurope pourtant si riche, si confortable,si techniquement sûre, est désespéréeparce qu’elle ne se bat pas pour vivre.On règle les problèmes par la mort alorsque ces mères démunies de tout maisresponsables d’innombrables enfantsnous apprennent à aimer ce qu’il y a deplus précieux : la vie. Leur joie est fon-dée sur l’amour de la vie. C’est unegrande leçon d’amour que nous appren-nent les mamans magnifiques de nosfilleuls. Les aider – elles en sont telle-ment reconnaissantes – c’est nous mettresous perfusion de joie. �

Les aider, c’est nousmettre sous perfusionde joie.

« On se bat pour vivre ! »« Je les aime, lolo [grand-père], je lesaime tous, ils sont ma joie ! » Mais quelsouci, quelle angoisse, pensons-nous !Certes, et pourtant : « Ils sont majoie ! » Cette réflexion m’a renvoyé àcette scène vécue il y a trois ans, alorsque j’étais dans un village extrêmementpauvre vers Pailin, au Cambodge, pro-vince réputée pour être tenue par desKhmers rouges.

Face à une marée d’enfants, je posaila question un peu pesante que tous lesOccidentaux ont en tête pour régler ladémographie des pauvres. Une mère defamille m’avait répondu avec son splen-dide sourire khmer : « Ici on ne tue pasla vie, on se bat pour vivre ! » Ellem’observait avec sa ribambelle de gamins

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Agir > Témoignage

© D.R.

Cette histoire commence en octobre1981. À 21 ans, je me retrouve

presque par hasard « animatrice » dans uncentre provisoire d’hébergement quiaccueille pour six mois une dizaine defamilles du Sud-Est asiatique. Moi qui neconnais du Cambodge, du Laos et du Viet-nam que les boat people vus à la télé, jesuis chargée de leur accueil et de leursuivi : papiers à remplir, demandes d’asilepolitique, relations avec les médecins, etc.Je travaille avec mon cœur. Je fais « de

mon mieux » pour eux, simplement, et çamarche. Une grande amitié naît avec deuxfamilles cambodgiennes : d’un côté MmeKrauch et ses six enfants, de l’autre les Ear(parents et enfants : Koung, Karen, Kmao,ainsi que les jumeaux Sopheap et Sophal,nés durant la fuite en Thaïlande, et Sigo-lène que j’ai vu naître en 1982).Je n’ai jamais oublié ces six mois qui

m’ont tellement fait grandir. Ces famillesm’ont tant donné, tant appris. Deux ansplus tard, c’est avec les Krauch, désormaisinstallés à Paris, que je découvre la capi-tale de mon pays ! Les années passent, jedéménage souvent pour mon travail. Lafamille Ear est restée à Sainte-Sigolène.Nous gardons le contact de loin en loin,par téléphone et par courrier.Un jour, dans la salle d’attente d’un

médecin, j’ai trouvé le magazine d’Enfantsdu Mékong et je me suis dit : « Voilà ceque je peux faire ! » Ainsi a commencépour moi l’aventure du parrainage, il y alongtemps maintenant. En 1999, Kmaom’a invitée à son mariage en me disant :« Quand j’ai su que j’allais me marier, lapremière personne que j’ai voulu inviter,c’est toi ! » J’en ai été bouleversée. J’aipassé deux jours chez eux à cette occa-sion, me sentant aussi à l’aise que dansma propre famille et découvrant avec bon-heur des traditions étonnantes pour moi.

Amie de familles boat people puis marraine de deux enfants, une visite auCambodge s’imposait. Récit d’une longue histoire d’amitié.Par Marie-Paule Sévenier, marraine de Viketya et de Kim

« Voilà ce que je peux faire ! »

16 � N°166 � JANVIER - FÉVRIER 2011 MAGAZINE

Buddhism for Development, l’ONG localepartenaire d’Enfants du Mékong. Kmaom’accompagne. Nous nous rendons vitecompte que Viketya habite en réalité lemême village que… Mme Ear. Il aurait puvivre à des centaines de kilomètres de làet il se trouve à deux kilomètres !Je suis très émue, j’ai un trac fou ! Nous

arrivons et ses deux sœurs nous accueil-lent. Viketya est en classe, il va arriver.Il est bientôt là et sa première réactionest de… me trouver très grande ! Noussommes tous les deux intimidés. J’ai prévude petits cadeaux, on parle, on prend desphotos. Viketya est très intelligent et trèscourageux, malgré sa maladie (le sida). Ilva à l’école, apprend et fait des projets.Il vit avec ses deux sœurs et son frèredans la plus extrême pauvreté.Cette rencontre a été très émouvante et

le départ difficile. Je trouve indispensableles mesures de précaution prises autourdes visites, mais c’est très frustrant. On atout juste le temps de « s’apprivoiser »et il faut partir en sachant qu’on ne sereverra peut-être jamais plus… Waouh,pas évident ! Mais je conseille cette visiteà tout parrain. Le lien est créé, il est dif-férent des simples courriers. On sait, ona vraiment compris les conditions de vie,

rencontré la famille, vu la maison… Leton des lettres n’est plus le même après,y compris du côté de Viketya, beaucoupmoins solennel, beaucoup plus proche.Cet hiver Mme Ear ne retourne pas au

Cambodge. Elle m’a récemment dit au télé-phone : « Non, pas cette année, maisl’année prochaine avec Kmao et sa famille,Sigolène et son mari, et… toi, Marie-Paule. » Et je n’ai pas dit non… �

Je travaille avec mon cœur. Je fais « de mon mieux », simplement.

« Je suis très émue, j’ai un trac fou ! »Un jour je leur parle de mon filleul Vike-tya, montre les photos, précise qu’il habiteprès de Battambang… Kmao me dit : « Jepars en décembre au Cambodge pour 15jours avec ma mère, viens avec nous ! »Impossible ! Je viens de finir mes congésd’été… Les finances, le travail, tout mesemble problématique. Mais l’idée fait son

chemin : y aller accompagnée de Kmaoet de sa maman, voir le pays « de l’in-térieur », rencontrer mon filleul et lafamille de Kmao. Je ne peux pas ratercette opportunité.Je pars finalement et après quelques

jours de voyage, c’est le grand moment dela rencontre avec Viketya. Nous avons ren-dez-vous à Battambang avec Vincent, levolontaire Bambou, et les responsables de

Page 17: Enfants du Mékong Magazine n°166

Le but de cette Tournée étaitde mieux faire comprendre

le fonctionnement du parrainage à travers ses intervenants : la chargée de parrainage et le parrain en France, le Bambou en Asie. Pendant une heure de spectacle mêlant films, témoignages de Bambous, saynètes, photos, le public a été plongé au cœur de l’actiond’Enfants du Mékong.L’échange qui suivait a permis àtous les parrains et futurs parrainsde rencontrer les Bambous, les salariés et les bénévoles de l’association. Leurs témoignagespleins de conviction ont porté,puisque ce sont près de 100 nouveaux filleuls qui ont pu, grâce à de nouveaux parrains,prendre le chemin de l’école.Au total, plus de 2 285 personnesont assisté au spectacle. Cette belle aventure n’aurait pas été possible sans l’aide des 99 bénévoles qui ont rejointnos délégués pour l’organisationdes 17 soirées ! Un grand merci à eux.

En octobre a eu lieu la première Tournée Bambou : une équipe de volontairestout juste rentrés d’Asie et de membres de l’association qui ont sillonné laFrance pour 17 soirées-spectacles.

Des Bambous près de chez vous> Événement

© EdM

MAGAZINE N°166 � JANVIER - FÉVRIER 2011 � 17

Photos : J.-M. Gautier

Vivant Émouvant

De beaux décors

Ambiance jeune Sincérité

Simplicité Naturel Personnel...

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LE MANS (72)

Samedi 5 février à 17h

PRÉSENTATION-DÉDICACELibrairie Doucet, avenuedu Général de Gaulle

Rendez-vous à la librairieDoucet : une présentationd’Enfants du Mékong, laforce du don aura lieu avecVincent Pieri, qui parlera deson livre et le dédicaceraaprès la conférence.Contact : Joëlle LehainTél. : 02 43 86 96 [email protected]

MARSEILLE (13)

Dimanche 6 février à 16h30

CONCERTÉglise Notre-Dame du Mont

Le pianiste-conteur ÉdouardExerjean fera vivre au pianoun Impromptu musical etlittéraire avec des fables de La Fontaine, des poèmesde Maurice Carême et de Jacques Prévert, sur des extraits de Beethoven,Mozart, Chopin, Debussy,Poulenc ou Érik Satie, dans lecadre de la Saison Musicale.Réservez vos places pour un concert exceptionnel, en vente également auprès du réseau Fnac et sur internetsur www.fnac.comContact : Georges RobertTél. : 04 91 41 48 [email protected]

PARIS (75007)

Mardi 8 février à 20h

CONCERTCathédrale des Invalides

Concerto n°2 de Chopin etSérénade de Tchaïkovski, avecMarc Laforet et l’Orchestre de chambre de la NouvelleEurope, dirigé par NicolasKrauze, dans le cadre de la Saison Musicale d’Enfants du Mékong.Contact : Didier RochardTél. : 06 60 40 48 [email protected]

GRENOBLE (38)

Jeudi 10 février à 20h

DÎNERRestaurant Le PhnomPenh – 18, rue Thiers,parking

Venez nombreux au dîner dela délégation de l’Isère. Auprogramme, dîner asiatique,projection d’un film, échangesentre parrains. Ne manquezpas l’occasion de présenter àvos amis l’action d’Enfants duMékong et invitez-les. Menutout compris : 18 €. Réserv.Contact : Anne-Corinne FavreTél. : 04 76 87 39 [email protected]

VANNES (56)

Samedi 12 février à 20h30

CONCERTÉglise Notre-Dame de Lourdes Dans le cadre de la SaisonMusicale, le chœur d’hommesdu pays vannetais seproduira, sous la direction deMalgorzata Pleyber, au profitd’Enfants du Mékong. Tarif :10 € par adulte, gratuit pourles enfants. Nous vousinvitons à venir nombreux et à en parler autour de vous !Contact : Hervé de Villeneuve Tél. : 06 12 90 03 [email protected]

CLAPIERS (34)

Samedi 26 février à 20h

CONCERTSalle Georges Dezeuzel’Ostau, place MaxLeenhardt

Récital de violon et violoncelle par le duoAlexandre et Elena Dimitriev,dans le cadre de la SaisonMusicale. Au programme : J.-S. Bach, L. Boccherini, R. Glière, F.-M. Veracini, G. Finzi et B. Bartok. Réservezvos places auprès de votredéléguée dès maintenant.Contact : Marie-Sylvie AchardTél. : 04 67 59 40 [email protected]

LIVRY-GARGAN (93)

Dimanche 6 mars à partir de 14h

RENCONTRE DE PARRAINSSalle paroissiale del’amitié – 5, rue Graffan

La délégation de Seine-Saint-Denis a le plaisir de vousconvier à un après-midid’animation. Nous vousproposerons un concert dugroupe « Les Zaphones », qui interprète, avec fantaisieet talent, des chansons de

variétés, un buffet-goûter etla projection du film Vivrecomme un enfant. Notreaprès-midi sera récréativemais aussi riche en informa-tions passionnantes. Voilàl’occasion de découvrirEnfants du Mékong en familleou avec vos amis. N’hésitezpas à les inviter ! Le nombrede places étant limité, mercid’adresser votre réservationaccompagnée d’une participa-tion de 10 € par adulte (chèqueà l’ordre d’Enfants du Mékong, àLise Cassina – 12, allée Sudrot93190 Livry-Gargan).Contact : Lise CassinaTél. : 06 82 01 33 [email protected]

ENGHIEN-LES-BAINS (95)

Vendredi 11 mars à 20h30

CONCERTÉglise Saint-Joseph

Dans le cadre de la SaisonMusicale d’Enfants duMékong, venez assister auconcert Porte des mondes,impro pour un baobab, avecMarc Vella au piano. Tarifadulte : 12 €, tarif réduit : 8 €.Réservez vos places dèsmaintenant.Contact : M.-C. BoismartelTél. : 01 39 34 03 [email protected]

SEMALLE (61)

Mardi 22 mars et mercredi23 mars de 10h à 19h

VENTE DE SOIERIESLa Cour

Vente privée de Soieries duMékong chez Mme Stanislasd’Argentré.Contact : Chantal JoussetTél : 06 22 21 17 43 et 02 33 28 15 [email protected]

GRENOBLE (38)

Jeudi 31 mars à 20h30

CONCERTSalle Olivier Messiaen

Dans le cadre de la SaisonMusicale d’Enfants duMékong à Grenoble, c’est levioloncelliste Jonas Bouanicheet le pianiste Valentin Cottonqui interpréteront un récital pour violoncelle et piano surdes airs de Bach, Beethoven,Schumann, Debussy. Tarif :12 €, tarif réduit 10 €.Réservez dès maintenant vos

places auprès de votredéléguée.Contact : Anne-Corinne FavreTél. : 04 76 87 39 [email protected]

GÉRARDMER (88)

Dimanche 3 avril à 17h précises

APRÈS-MIDIPROJECTIONÉglise de Gérardmer

Présentation et animationautour du film de Xavier de Lauzanne sur la missiondes volontaires d’Enfants du Mékong en Asie. Nemanquez pas l’occasion deprésenter à vos amis votreaction en faveur des enfantsd’Asie au cours d’un goûterconvivial après la projection.Invitez de futurs parrains !Retenez vos places en vousrenseignant auprès desdélégués de Gérardmer.

Contact : M. et G. MadreTél. : 03 29 65 91 [email protected]

TOULOUSE (31)

Tous les vendredis de 20h à 22h

ENTRAÎNEMENTSEPAK TAKRAW(TAKOR)Gymnase MauriceBécanne, rue T. Rivière(Fontaine-Lestang)

Sous la houlette du trèsprofessionnel AlexandreMounsaveng, venez vous initier à ce sporttypiquement asiatique.Contact : Philippe LandauTél. : 05 61 41 63 [email protected]

Retrouvez en détaill’agenda des déléguéssur notre site internet :www.enfantsdumekong.com

AGENDA

Agir > Nos délégations

18 � N°166 � JANVIER - FÉVRIER 2011 MAGAZINE

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ÉCHOSDÉLÉGATION 37VENTE DE NOËL À TOURS

Comme chaque année,une grande vente deNoël a eu lieu à Tours ledernier week-end denovembre. Cette annéeencore, elle a remporté unfranc succès. Depuis mainte-nant 15 ans, cette vente dela délégation de Toursrécolte en moyenne 20 000 €de bénéfices, en se basantsur le travail annuel deparrains très investis !On y trouve une douzaine de stands : stand de 200poupées récupérées et« rhabillées » par les mainsd’une tricoteuse experte,stand de déguisements parune équipe de 12 personnesqui cousent de 120 à 130déguisements pour enfantstout au long de l’année,stand de brocante, stand debricolage-cartonnage aveccitrouilles décorées, pommes

de pin et couronnes décora-tives, stand de boîtes àcigares recouvertes de tissu,stand de layette, stand delivres avec les éditions duTriomphe, stand de bijoux,écharpes et petitespochettes, stand devaisselle, stand de bricolage,stand de fromages et standd’alimentation où sevendent pâtés de sanglierfaits maison, gâteaux auchocolat ou au café, confi-tures, très bon riz, lentillesou noix selon les années.Sans oublier le salon de thé-restaurant installé là pourdeux jours.

Gérald Bruley des Varannes,délégué de Tours, est à ladisposition de ceux quisouhaiteraient des préci-sions pour faire partager son expérience et susciterdes vocations !

Contact : Gérald Bruley des VarannesTél. : 02 47 52 70 14 –[email protected]

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> Courrier

Vous pouvez nous adresser vos courriers au 5, rue de la Comète 92600Asnières, en mentionnant « Courrier des lecteurs », ou par e-mail :[email protected]

THAÏLANDEUne petite mainqui prend la vôtreau hasard d’unchemin, un regardpétillant qui seplonge dans levôtre, un T-shirtusé jusqu’à lacorde et sale sous

l’uniforme impeccable de l’école... Voilà qui fait chavirerle cœur autant que ça le remplit et donne tout son sensà notre présence ici. On pensait leur apprendre des choses,et pour le moment ce sont tous ces enfants qui sont lesguides de notre vie. Que ce soit à Om Pai de manière plusquotidienne ou dans les différents foyers et camps deréfugiés birmans où nous nous rendons par passage dedeux-trois jours pour rencontrer les enfants parrainés,nous sommes sans cesse impressionnés par leur courageet leur dignité. On essaie juste d’être à la hauteur de leursourire et de leur confiance innocente, et on se sent tel-lement petits tout d’un coup.Comme pour tout le monde, certains matins sont plus dif-ficiles que d’autres, mais il nous suffit d’un éclat de riredont ils ont le secret pour nous regonfler à bloc. On aenvie de tout donner, de se donner… On sait qu’on estun tout petit plus à un tout petit moment de leur vie,mais on va essayer de l’être à fond. Et on se sent telle-ment privilégiés d’avoir la chance de vivre à leurs côtés.Merci à vous chers parrains, famille et amis, d’être der-rière nous dans cette aventure... �

Pierre-Antoine et Marion Fourrier, volontaires Bambous à Om Pai (Thaïlande)

CORRESPONDANCEJ’entretenais jusqu’à présent unecorrespondance avec mon filleul, maisdepuis qu’il est parti étudier au lycée, j’ai très peu de nouvelles. Je ne sais mêmepas s’il reçoit les courriers que je continue à lui envoyer. Je suis déçue. Marie-Odile, Dunkerque

Grâce à votre soutien financier et moral,votre filleul a eu la chance de poursuivre sascolarité après le collège et il fait aujour-d’hui partie des rares jeunes de son villageà avoir atteint cet objectif. Il vit désormaisà plusieurs centaines de kilomètres de sondomicile.Vos lettres lui sont toujoursenvoyées à l’adresse du programme dont il dépend et son responsable les luitransfère dès qu’il le peut. Mais le cheminde ces lettres est désormais plus long, d’oùun tel décalage. Et puis votre filleul n’étaitpeut-être pas habitué à écrire seul. Dans ce cas, les rappels de son responsable de programme peuvent lui manquer. Maisn’hésitez pas à continuer de lui écrire !Dans la situation où il se trouve, vos lettreslui seront un soutien précieux.�

VIETNAM DU 7 AU 21 MARS 2011 - DU 13 AU 24 AVRIL 2011CAMBODGE DU 14 AU 28 FÉVRIER 2011 - DU 9 AU 23 OCTOBRE 2011THAÏLANDE DU 16 AU 30 OCTOBRE 2011LAOS DU 16 AU 30 OCTOBRE 2011 PHILIPPINES SUR DEMANDE

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Découvrir > Chronique d’Asie

M algré le soleil brûlant, les enginsde chantier qui bitument et

aplanissent la route bordant le Mékongne cessent d’attirer les promeneurs. Poureux, tout l’enjeu est d’assouvir leurcuriosité sans abandonner leurs tongsau goudron fumant. Armés de parapluiesconvertis en ombrelles, deux bonzesrelèvent comiquement leur robe safran.Une mère empoigne ses fils pour fran-chir l’obstacle. Tendu au-dessus d’eux,le bras du roi Anouvong semble bénir àla fois ses compatriotes et le groupe detouristes coréens qui s’est laissé vendreune visite à cette nouvelle statue.

Une statue symboleUne nouveauté à Vientiane, on nous labaille belle. La belle endormie, l’indo-lente du Mékong, la capitale à tête desous-préfecture dont on l’a toujoursaccablée se serait donc décidée à bou-ger ? Le premier constat du visiteur deretour à Vientiane, c’est la disparitiond’une partie des gargotes légendairesoù Laotiens et touristes venaient boireune Beerlao au coucher du soleil. À leurplace, une vaste esplanade aménagéeen jardin entoure le piédestal où sedresse la statue de huit mètres de haut.Un monument qui cumule les symboles.

La capitale du Laos, qui a fêté en 2010 les 450 ansde sa fondation, mise comme son pays sur le changement sans bouleversements. Texte et photos : Geoffroy Caillet

Good morning,Vientiane

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D’abord le choix du roi Anouvong, com-battant malheureux mais acharné des Sia-mois au début du XIXe siècle et véritablehéros national. Une distinction que legouvernement communiste n’a jamaisremise en cause, comme le prouve cetteréalisation phare de la célébration des450 ans de Vientiane. Et puis sa position,résolument tournée vers la rive thaïlan-daise, de l’autre côté du Mékong. À bieny regarder, son bras droit ne bénit pas,il défie. Et le gauche tient une épée –encore au fourreau.Qui défie-t-il, peut-on se demander

compte tenu de la faiblesse séculaire duLaos. L’explication officielle souligne quele pays a, comme hier, besoin d’un hommefort à sa tête. Mais la propagande pour leparti communiste laotien ne suffit pas àépuiser le sens de cette œuvre grandiose.Aujourd’hui, c’est à trois voisins aussi puis-sants qu’envahissants que doit faire facel’ancien royaume de Lane Xang : la Thaï-lande, où nombre de Laotiens ont désor-mais pris leurs habitudes économiques,sociales et culturelles (cf. p. 10-11), leVietnam, grand frère politique du Laos, etla Chine, sa rivale dans la course aux res-sources naturelles du pays. Pour l’heure,c’est elle qui détient la plus grande forcede frappe. Investissements forestiers etminiers, banques et centres commerciaux,prêts et aides financières de toute sortepleuvent sur le Laos. Et si la statued’Anouvong correspondait à une prise deconscience des dirigeants laotiens ? À une

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est vite vu. Si l’on considère que lesravages de la malbouffe incitent aujour-d’hui les pays développés à faire machinearrière, on peine à voir dans cette ouver-ture du Laos au monde moderne un motifde réjouissance. D’autant que le décol-lage économique du pays n’est toujourspas à l’ordre du jour.

Modernité à petits pasLoin de ces préoccupations, les jeunesLaotiens branchés n’ont pas abandonnéaux touristes le monopole des nouveau-tés. Cheveux gominés et teints, jeansslim et bracelets multicolores, ils seretrouvent eux aussi aux terrasses descafés à la mode. La nuit, ils dansent dansles boîtes de Vientiane au son de la

variété thaïlandaise. Fils de membres dugouvernement, de hauts fonctionnairesou de riches négociants sino-laotiens, ils ont accueilli avec enthousiasme l’ou-verture du premier centre commercialmoderne de la capitale en 2007. Le TalatSao, voisin du marché historique de Vien-

tiane, fait pourtantpâle figure à côté des mallsgigantesques de Bangkok. Les bou-tiques y sont encoremodestes et sententplus le bazar que lesmagasins tendance.Mais une nouvellesociété de consomma-tion est bel et bien enmarche et l’extensionprévue cette annéecomportera deux sallesde cinéma – les seulesde la ville avec cellesde l’immense super-marché Tang Frères.

Signe de la volonté du gouvernementde faire de Vientiane une vitrine écono-mique et culturelle, les grands change-ments se sont opérés depuis dix ans augré des sommets internationaux. En2004, celui de l’Asean a vu surgir de terrele terrifiant Don Chan Palace, l’hôtel leplus haut de la ville avec sa quinzained’étages. La capitale s’est aussi dotée defeux tricolores et de signalisation. La 23eConférence ministérielle de la francopho-nie de 2007 a débouché sur l’apparitiondes noms de rues et sur la restaurationde demeures coloniales. En 2009, les SEAGames ont doté la ville d’installationssportives d’envergure (cf. EdM n°160). ÀVientiane, tout va vite. Trop, parfois.Construit par un groupe malaisien, le DonChan est aujourd’hui presque toujoursdésert et l’îlot sur lequel il est bâtis’enfoncerait sous son poids. Surtout, lesconcessions de terrains à des promoteurschinois ou vietnamiens, y compris dansdes zones classées, tirent la ville du côtéd’une urbanisation anarchique.

Royauté et communismeAvec sa fulgurante modernité et sesantiquités durables, Vientiane a de quoisurprendre. En remontant l’avenue LaneXang, le flot des voitures contraste avecla modestie du parc automobile dudébut des années 2000. Depuis le palaisprésidentiel, la succession des pagodes,marchés et bâtiments publics est élo-quente. Certains ministères se sont ins-tallés dans des maisons de l’époquecoloniale, d’autres dans des construc-tions modernes de style socialiste, dontles façades arborent le double drapeaulaotien et communiste.Tout en haut de Lane Xang, le Patuxai,

l’arc de triomphe local, ferme la perspec-tive. Plus loin, les faîtages dorés du ThatLuang, monument bouddhique du XVIesiècle, brillent comme hier de tous leursfeux. À l’entrée trône la statue d’un autreroi, Setthathirat, vainqueur des Birmansen 1570. Ainsi blottie à l’ombre de sonhistoire, la ville dégage une impressiontenace, dont on ne sait s’il faut la redou-ter ou s’en réjouir. Celle que, à Vientiane,tout bouge mais rien ne change. �

mise en garde même symbolique contreles tentatives de dépeçage de leur pays ?

Fast-food contre riz gluantC’est ce qui vient à l’esprit en arpentantles rues de Vientiane, encore parées desbanderoles et drapeaux de l’anniversairede la ville, fêté en grande pompe au moisde novembre. Des rues poussiéreusescomme une ville de western, malgré lesefforts de bitumage. Mais une ville quilouche précisément de plus en plus surle monde occidental. À Vientiane, le tou-risme auquel le Laos s’est converti depuissa réouverture en 1989 dicte désormaisles règles. Impensables il y a encore cinqans, les enseignes proposant hamburgers,frites et pizzas pullulent désormais. Si Mc Donald’s manque encore à l’appel,c’est que dans sa conversion ultra-rapideà la globalisation gastronomique, le Laosse contente facilement de produits desubstitution. Un coup d’œil suffit àdébusquer les chaînes thaïlandaises der-rière l’imitation des standards américains.Cette révolution n’est pas seulement

destinée aux 2 millions de touristesannuels. Pour beaucoup des 800 000habitants de Vientiane aussi, le moded’alimentation a changé. Ici, les nouillesexpress et le riz blanc, plus rapide à cuire,remplacent souvent le traditionnel rizgluant, nourriture rurale par excellence.Pour les nombreux employés des compa-gnies de service de la capitale, le choix

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Avec sa fulgurantemodernité et sesantiquités durables,Vientiane a de quoisurprendre.

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Découvrir > Livres, hors-série

à lire on a aimé à ne pas manquer

HORS-SÉRIE LE BOUDDHISME AU LAOS À TRAVERS LA PHILATÉLIECapitaine Henri Achard et Philippe DrillienPublié par l’AICPTL (Association internationale des collection-neurs de timbres-poste du Laos), ce hors-série reproduit letexte d’une conférence de 1959 du capitaine Henri Achard surle bouddhisme laotien. Les illustrations sont tirées du richepatrimoine philatélique du Laos. Disponible en version numé-rique (6 € TTC) ou en version papier (noir et blanc, 15 € TTC). Adresser chèque bancaire ou postal à Philippe Drillien, Le Prainet, 71240 Jugy, ou paiement par PayPal (ajouter 6% de frais) à [email protected].

L’Ombre du passéJean Tu TriÉd. L’Harmattan, 244 p., 22 €

Ce recueil de nouvelles raconte douze vies différentes de Viet-namiens à travers un siècle. Il permet au lecteur de suivre l’évolutiond’un pays en mutation à travers les vicissitudes de son histoire mou-vementée : guerres, révolutions, bouleversements politiques etsociaux. Tous ces événements ont exercé une profonde influence surla vie et la mentalité vietnamiennes. Cependant, les traditions etla culture du pays forment encore un fond vivace pour guiderl’attitude de tout Vietnamien, qu’il vive chez lui ou en exil à l’étranger.

Mémoires de la Cité interditeDan Shi et Jin YiÉd. Picquier, 242 p. et 194 p., 15,50 €

Avec Mémoires d’un eunuque dans la Cité interdite et Mémoiresd’une dame de cour dans la Cité interdite, les éditions Picquier nousprésentent un diptyque homogène sur les mœurs de la famille impé-riale. Le premier, rédigé sous la forme d’un roman par le grand histo-rien spécialiste de la dynastie Qing, Dan Shi, raconte l’histoire de YuChunhe, eunuque enfermé pendant 18 ans dans la Cité interdite. Sesmémoires romancés constituent une mine de révélations sur le quoti-dien et l’existence d’une caste chinoise méconnue : les castrats.Mémoires d’une dame de cour relève d’un registre différent. C’est l’histoirecontrastée de He Rong, mariée au sortir de l’enfance à un eunuque etqui servira notamment l’impératrice Cixi. Très descriptif, ce secondouvrage se révèle parfois un peu rébarbatif. On préférera le premier.

Le Même Soleil (Indochine 1945-1954)Raoul CoutardÉd. Le bec en l’air, 176 p., 31,90 €

Ils sont légion, ceux que l’on aura appelé les « Asiates »,souvent méprisés par l’opinion occidentale, traités d’idéalistes,d’impérialistes... Raoul Coutard, connu pour ses fonctions de directeurde la photographie et de réalisateur, est de ceux-là, qui « fît l’Indo »en tant que reporter-photographe pour Paris-Match, Life ou Radar. LeMême Soleil rassemble des photographies inédites et – chose rare pourl’époque – en couleur, prises par Raoul Coutard à l’occasion de diffé-rents séjours auprès de minorités ethniques indochinoises. Un regardsubtil et précieux sur ces populations qui n’ont jamais cessé d’être écar-tées de la « grande histoire » de l’Indochine.

Mon destinSingto Na ChampassakÉd. L’Harmattan, 280 p., 27 €

Singto Na Champassak est un jeune lieutenant fraîchement sortide Saint-Cyr lorsqu’il retourne dans son pays natal, le Laos, en juillet1970. Tout bascule avec l’avènement du gouvernement communisteen avril 1975. Na Champassak passe quatre ans en camp de déten-tion dans la région d’Attapeu, puis s’évade et gagne la France commeréfugié. Il servira ensuite comme officier dans l’armée française.Un témoignage minutieux sur les heures tragiques vécues par le Laosdes années 70, victime collatérale de la guerre du Vietnam et ciblede la révolution communiste.

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Sean Flynn, l’instinct de l’aventurePhilippe LombardÉd. du Rocher, 150 p., 16,90 €

C’est à la croisée de deux destins tourmentésque nous emmène le livre de Philippe Lombard : celui d’unplay-boy d’Hollywood en mal d’aventure et celui du Sud-Estasiatique de l’après-décolonisation. Tombé aux mains desViêt-congs le 6 avril 1970 près de Phnom Penh alors qu’ilcouvrait la guerre du Vietnam comme reporter-photographe,Sean Flynn fut vraisemblablement livré aux Khmers rougeset exécuté par eux l’année suivante. Après avoir passé les30 années de sa vie à tenter de se faire un prénom.

Né du mariage orageux d’une légende d’Hollywood,Errol Flynn, et de l’actrice française Lili Damita, ex-meneuse de revue au Casino de Paris, il s’était d’abordlancé dans le cinéma pour gagner son indépendance. Enfait d’Hollywood, c’est la série B européenne qui lui offreses rôles. En 1962, des producteurs italo-espagnols s’em-pressent de concocter pour lui un Fils du capitaine Blooddestiné à exploiter le souvenir du rôle tenu par ErrolFlynn 25 ans plus tôt. Sept autres petits films d’aventuresuivent, où sa décontraction de beau gosse sympathiquene suffit pas à masquer son manque de conviction ni à conjurer l’ombre de son père, décédé en 1959.

Sean cherche sa voie. Tueur de tigre au Pakistan, guidede safari en Tanzanie, il devient en 1966 correspondant deParis-Match au Vietnam. Aux côtés des troupes améri-caines, il est fasciné et révulsé par ce qu’il voit. Après undernier film, quelques clichés de la guerre des Six-Jours auMoyen-Orient, des séjours à Paris et aux États-Unis, ilretourne en Asie. Sa quête erratique traduit une quête inté-rieure. Il passe sept mois en Indonésie, étudie le bouddhis-me. Puis repart à Saigon. Au nom de l’info.

Comme toutes les destinées tragiques, celle de cet autreJames Dean a été source d’inspiration : Jean Lartéguy pourson Enquête sur un crucifié, Francis Coppola pour le person-nage de journaliste d’Apocalypse Now, les Clash pour leurchanson homonyme… Bien documenté, ce premier livre enfrançais consacré à Sean Flynn retrace par le menu son his-toire et sa personnalité attachante en s’appuyant efficace-ment sur les témoignages de ceux qui l’ont connu. À unami qui tentait de le dissuader d’accomplir son ultimereportage, Sean avait répondu : « Je sais que c’est dange-reux. Mais c’est ce qui en fait un bon sujet. » Loin d’uneréplique d’acteur, un mot d’authentique journaliste. � G.C.

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avec deux ou trois renseignements glanésici et là : Éric Lobo mérite sans doutel’épithète d’aventurier, mais il est déjà unaventurier d’un autre genre, un brin passé.Un côté tête brûlée. Un air désabusé detype qui s’en fout et en a vu bien d’autres.Il appartient à la génération des IndianaJones et des Crocodile Dundee. On le pré-sente d’ailleurs comme « photographe-ethnologue », et manifestement ces deuxétiquettes lui conviennent plutôt bien.

Accident de parcoursSon premier contact avec l’Asie date de1988, au nord de l’Inde, où il se rend ensimple touriste. Il est alors consultant chezAuguste-Thouard et s’est offert un pre-

mier Leica assorti dequelques optiques. Sapassion de la photorelève de l’heureux ac-cident de parcours : unattrait pour la peintureet le dessin frustré parle manque d’espacelorsqu’il arrive à Parispour ses études. AuCachemire, les musul-mans entament uneénième lutte pourl’autonomie du Cache-mire indien. Éric Loboest là avec ses Leica :le bon endroit, le bonmoment, ces circons-

tances qui font le reporter-photographe.L’agence Gamma achète ses photos, c’estson premier voyage. Suivront quelquesautres, au Tibet notamment, un Tibet quin’est plus vraiment vierge mais déjà enpartie interdit. De là, son chemin s’est tracé de lui-

même, assez naturellement. D’abord la Bir-manie – pas seulement touristique, cardeux ou trois expéditions dans les Étatsshan et karen avec Médecins sans Fron-tières lui permettent d’accomplir ce qu’ilsemble préférer : braver l’interdit. La réa-lisation d’un reportage sur les « bûche-rons-pêcheurs » du lac Nam-Ngun, auLaos, s’inscrit dans cette veine : « Je suisun très mauvais touriste », dit-il avecsérieux. Les abords du lac sont interditsmais «on s’arrange». Une partie de chasseau silure, un gros poisson de plus d’unmètre, kalachnikov au poing avec les gar-diens du site, suffit à faire de ceux-ci descopains-complices : le tour est joué.

Désirs d’échappée belleQuelques mois plus tard, Éric Lobo semarie et part en voyage de noces au Viet-nam. Très joli pays qui le séduit mais nesuffit pas à combler ses désirs d’échappéebelle. À Saigon, il se laisse complaisam-ment embobiner par un revendeur depierres volées sur le site d’Angkor, ildécide de s’y rendre, non pour voler despierres mais pour faire des photos : il n’estpas un collectionneur, qu’on se le dise.Les balles sifflent, les obus dégringolentd’un ciel diaphane, tout va bien. Éric Lobos’amuse, jusqu’au jour où il ramasse unblessé sur la route de Battambang. Il luifaudra beaucoup insister pour que sesguides acceptent de porter le blessé dansla jeep. L’expérience est rude, marquante,mais ne l’empêche pas de poursuivre saroute sac au dos et Leica en bandoulièrevers l’Indonésie et les Papous – large-ment mis à l’honneur dans son livre. �

20 000 kilomètresà travers l’Asie des minoritésÉd. Romain Pages,356 p., 34,50 €

Avec 20 000 kilomètres à travers l’Asie des minorités,Éric Lobo signe un ouvrage photographiqueexceptionnel. Rencontre avec un photographe-ethnologue de talent. Par Jean-Matthieu Gautier

Éric Lobo est-il un aventurier ? Leterme est aujourd’hui vide de sens,

mais si l’on se pose la question… Rendez-vous place des Ternes où il a « gardé unbureau » – Éric Lobo vit dans le sud de laFrance. Veste en velours et foulard de soieconvenablement noué autour d’un courasé de près, bien peigné, souriant : c’estun dandy se dit-on, il y a tromperie surla marchandise. Ce monsieur-là n’a rien duphotographe aventurier qu’il prétend être,qui vient de boucler un tour du mondeen Harley-Davidson et a publié plus desept livres sur ses pérégrinations autourdu monde, principalement en Asie. Plusencore, l’homme est disert, et son accentde cigale et de lavande, l’espèce d’emphasequ’il met à narrer ses histoires – ne s’enraconterait-il pas à lui-même ? – contri-buent à nous faire douter. Les faits sont pourtant là. Le livre 20

000 kilomètres à travers l’Asie des minori-tésposé en évidence sur la table l’atteste,

« Je suis un trèsmauvais touriste »

© J.-M. Gautier

Découvrir > Rencontre

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Ce qu’il semble préférer : braverl’interdit.

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