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VIETNAM PHILIPPINES Pêche en eaux troubles www.enfantsdumekong.com n°172 - mars-avril 2012 - 2,40 Samar, l’envers du paradis Enfants du Mékong AIDE À L’ ENFANCE DU SUD-EST ASIATIQUE MAGAZINE

Enfants du Mékong Magazine n°172

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Vietnam : Pêche en eaux troubles Cambodge : Terrain miné Philippines : Samar, l’envers du paradis Birmanie : Au pays de l’avenir Chronique : Pierre Schoendoerffer, l’honneur d’un cinéaste

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Page 1: Enfants du Mékong Magazine n°172

VIETNAM

PHILIPPINES

Pêcheen eauxtroubles

www . e n f a n t s d um e k o n g . c o m n °1 7 2 - m a r s - a v r i l 2 0 1 2 - 2 , 4 0 €

Samar,l’enversdu paradis

Enfants du MékongA I D E À L ’ E N F A N C E D U S U D - E S T A S I A T I Q U E

MM AA GG AA ZZ II NN EE

Page 2: Enfants du Mékong Magazine n°172

ÉditorialContre les tragédies du quotidien 3

Points chaudsVietnam // Pêche en eaux troubles 4

Regards sur l’ AsieCambodge // Terrain miné 8Asie du Sud-Est // En bref 9Philippines // Samar, l’envers du paradis 10

Agir ensembleEn direct 14Perspectives // Au pays de l’avenir 15Actualité 16Notre action // Comment nous aider ? 17Nos délégations // Agenda 18Courrier 19

Découvrir l’AsieChronique // Pierre Schœndœrffer,l’honneur d’un cinéaste 20Livres, conférences 23

5, rue de la Comète 92600 Asnières-sur Seine //// Tél. : 01 47 91 00 84//// Fax : 01 47 33 40 44 //// Fondateur

René Péchard (†) //// Directrice de la publication ChristineLortholary-Nguyen // // Rédacteur en chef Geoffroy Caillet//// Rédacteur Jean-Matthieu Gautier //// Couverture À Samar(Philippines) © J.-M. Gautier // // Maquette FlorenceVandermarlière //// Fabrication/production CLD - 33, avenue duMaine 75015 Paris //// Impression Imprimerie de Champagne,Z.I. Les Franchises 52200 Langres //// I.S.S.N. : 0222-6375//// Commission Paritaire n° 1111G80989 //// Dépôt légaln° 910514 //// Tirage du n°172 : 23 800 exemplaires//// Publication bimestrielle éditée par l’association Enfantsdu Mékong •//// Présidente Christine Lortholary-Nguyen ////Présidents d’honneur Françoise Texier, François Foucart//// Directeur général Yves Meaudre //// Abonnement (1 an, 5 numéros) : 12 €

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2 / n°172 //// mars-avril 2012 magazine

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Le printemps arrive… C’est l’occasion de vous proposer un magazine plusmoderne et plus agréable à la lecture. Nous avons opéré un toilettage

de la maquette et de la typographie, en optant pour un vert couleur rizièreet des encadrés qui rappellent des tiges de bambou. Une « touche asiatique »qui, nous l’espérons, vous plaira.

Dans ce numéro, notre rédacteur en chef Geoffroy Caillet nous rappelle unsujet souvent oublié : les mines antipersonnel et les bombes non exploséesqui font encore des ravages au Cambodge. Depuis le début des années 90,

un gros effort à été réalisé grâce à l’aide internationale pour déminer le pays. Mais, par manque devolonté politique argumentée par la crise économique, il tend à s’essouffler. À ce rythme, il faudraencore des décennies pour neutraliser cette menace. La région la plus touchée est le nord-ouest, là oùnous parrainons des centaines de filleuls. Aller à l’école, jouer avec ses camarades, cultiver un lopinde terre peut y devenir une tragédie quotidienne. En attendant qu’une entreprise de déminage s’y inté-resse, de nombreux hectares de champs restent en friche. Combien d’enfants et de parents devrontencore être tués ou mutilés avant que le Cambodge ne sorte de ce cauchemar ?

Un autre article nous invite à réfléchir sur un mode de développement économique irréfléchi. Dansla région de Cà Mau, dans le sud du Vietnam, les Français avaient installé un réseau de canaux afin dedrainer l’eau salée provenant du delta du Mékong. La population pouvait ainsi y cultiver le riz à raisond’une récolte par an. Mais les revenus très faibles ont poussé les agriculteurs à l’aquaculture de crevette.Sa pratique intensive a aujourd’hui de multiplesconséquences pour l’homme et l’environnement,qui poussent beaucoup d’habitants au départ pourtrouver du travail ailleurs.

Ces contextes difficiles nous font mesurer com-bien le soutien que représentent les parrainagesd’Enfants du Mékong n’en finit pas d’être néces-saire. À nouveau, merci de le rendre possible.

Christine Lortholary-Nguyen Présidente d’Enfants du Mékong

magazine n°172 //// mars-avril 2012 / 3

Éditorial

CEnvoyez vos réactions à cettenouvelle formule à notre adresse :[email protected] vous lirons avec attention !

Contre les tragédies du quotidien

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À 360 kilomètres au sud-ouest deSaigon, on ne voit d’abord,

depuis l’avion, que l’immense réseaudes canaux qui ceinturent la ville. Àpeine débarqué, c’est pour se réembar-quer aussitôt, à l’image des marchan-dises acheminées vers Cà Mau : en selaissant porter au fil de l’eau. Tout aulong du canal principal qui traverse laville, de petits entrepôts arborent despanneaux couverts de dessins évoca-teurs, représentant crevettes, poissonset crabes. Longue silhouette sur lequai, Buu Khanh, notre guide, nousattend : « Bienvenue à Cà Mau, le paysdes crevettes ! » Le ton est donné.

.Pour pratiquer l’élevage des crevettes géantes tigrées, Buu Khanha transformé ses rizières en bassins.

Des revenus multipliés par cinqDepuis que la province s’est lancée dansl’aquaculture de crevette, l’activitéconcerne presque tout le monde ici.Son développement spectaculaire placeaujourd’hui Cà Mau au rang de premièreexportatrice du pays. De 20 000 hec-tares en 2000, la surface consacrée àleur élevage est passée à près de250 000, soit la moitié de la superficiedes élevages vietnamiens de crevette.Avec un effet immédiat : l’améliorationdes conditions de vie d’une grande par-tie des familles de cette ville dequelque 200 000 habitants, jusqu’alors

Pêche en eaux troubles

À Cà Mau, le développement del’aquaculture a fait les beaux jours de riziculteurs reconvertis dans

l’élevage de crevette. Mais pour leshommes comme pour l’environnement, cetterévolution montre aujourd’hui ses limites.Reportage. Texte et photos : Geoffroy Caillet200 KM

Golfe deThaïlande

Golfe duTonkin

VIETNAM

Hanoï

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Points chaudsVIETNAM

Cà Mau�

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5,2 millions de tonnes

affairées à une riziculture misérable.Beaucoup ont multiplié leurs revenuspar quatre ou cinq.

La cinquantaine joyeuse, Buu Khanhraconte avec entrain ses débuts avecson père et ses frères sur l’exploitationfamiliale, puis sa prise de consciencedès les années 1990 que « quelquechose se passait ». Il faut dire que BuuKhanh est du genre brillant et précur-seur. Après une maîtrise d’économieà Paris 2, il enchaîne sur un troisièmecycle d’entreprenariat et se documentesur les techniques d’aquaculture. Deretour au Vietnam en 1993, il fondel’année suivante une ferme expérimen-tale et se met à la crevette. À qui veutl’entendre, il répète son credo : « Leproblème n’est pas la pauvreté desterres, mais le manque de connaissancedes gens. » Et il ajoute fièrement :« Malgré mes études, j’ai accepté dedevenir un simple paysan pour montrerà mes compatriotes que c’était pos-sible. »

Au pied d’un de ses cinq grands bas-sins où s’agitent les pales mécaniquesdestinées à aérer l’eau, il parle desrizières qui s’étendaient là autrefois etqu’il a creusées avec les siens pourdévelopper son élevage. « La salinisa-tion des eaux du delta du Mékong nepermettait plus qu’une récolte de riz paran. Alors les gens se sont tournés versla crevette, bien plus rentable. Le gou-vernement a accompagné ce mouvementen partageant le territoire en deux : lapartie sud de Cà Mau s’est mise active-ment à l’aquaculture, tandis que le nordrestait fidèle à la production de riz »,précise-t-il. Vendues à des usines quiles transforment pour l’exportation, unkilo de crevettes permet d’acheter dedix à vingt kilos de riz. Et jusqu’à trentepour Buu Khanh, grâce à la qualité deson élevage.

n°172 //// mars-avril 2012 / 5

6 milliards de dollars

de produits aquatiques exportés par le Vietnam en 2011.

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qui ont dénaturé les sols. Près des deuxtiers des terres vouées à ce modèlemixte n’ont plus rien donné, jetant ànouveau dans la misère des famillesentières. Désormais, beaucoup partentchercher du travail ailleurs. Même pourl’aquaculture, l’eau est souvent tropsalée aujourd’hui.

En réalité, un tel système supposeraitun investissement considérable dans leréseau hydraulique de la région, pourgarantir notamment une irrigation eneau douce et une évacuation de l’eausalée satisfaisantes. Mais en l’absence

.En élevage extensif ou semi-intensif, un hectare de bassin donneun rendement de 300 à 500 kilos de crevettes.

de fonds, le statu quo demeure, etl’exploitation intensive reste encoura-gée par les autorités. Malgré la volontéaffichée par le ministère des produitsaquatiques de consacrer au bio la moi-tié des élevages de Cà Mau, les projetsde crevettes biologiques demeurent desexemples minoritaires. À la Ferme 184,développée en partenariat avec une ONGsuisse depuis 2001, les résultats obte-nus donnent pourtant toute satisfactionet permettent aux éleveurs d’améliorerleurs gains : les crevettes biologiquessont vendues 20% plus chères que leprix moyen.

À Cà Mau, l’aquaculture de crevette afait l’effet d’une nouvelle ruée vers l’or.Si l’exploitation moyenne tourne autourde deux hectares, les plus grosses encomptent jusqu’à dix. Quant aux véri-tables entreprises, elles avoisinent lescinquante hectares. « Or, souligne BuuKhanh, les usines se sont tellement déve-loppées qu’elles ne fonctionnent parfois

L’exploitation intensiveencouragéeLa partition évoquée par Buu Khanh estrécente et reste théorique. Jusqu’à pré-sent, les autorités locales ont privilégiéun système de culture mixte riz-crevette,en jouant sur l’alternance de l’eau douceet salée pour permettre une récolte deriz pendant la saison des pluies, puisl’élevage de crevette après un apportd’eau salée. Mais le détournement duréseau hydraulique existant, destiné àdrainer l’eau salée pour préserver lesrizières, a produit des eaux saumâtres

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Points chaudsVIETNAM

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gÀ Cà Mau, l’aquaculture de crevette a fait l’ effet d’une nouvelleruée vers l’or.

n°172 //// mars-avril 2012 / 7

POISSON-CHATOutre la crevette géante tigrée et lacrevette géante d’eau douce, l’aqua-culture vietnamienne produit le pangaou poisson-chat du Mékong, large-ment exporté depuis les années 2000.Ses filets blancs sans arêtes sont trèsappréciés en Europe, où il a concur-rencé la perche du Nil, malgré desrumeurs sur la qualité de son éle-vage. Les autres espèces compren-nent le panæus à pattes blanches etle semilabeo notabilis, ainsi que lescrabes marins et différents bivalves,dont l’huître du Pacifique.

qu’à 60%. Pour les faire tourner, les auto-rités poussent à la culture intensive ».Un mode d’élevage qui suppose un plusgrand nombre de crevettes par bassin,une plus grande quantité de nourritureet l’utilisation de pompes pour le renou-vellement de l’eau, le modèle extensiftraditionnel fonctionnant uniquement,lui, selon le rythme des marées.

Destruction des mangrovesOutre la crise du riz entraînée par la sali-nisation des eaux et par la réductiondes surfaces agricoles, les conséquencesécologiques d’une aquaculture incon-trôlée dans le delta du Mékong sontsans appel. L’abattage des arbres pourla construction des bassins aquacoles

et l’absorption des flux de la maréeentraînent une destruction préoccu-pante des mangroves de Cà Mau, parmiles plus grandes au monde après lacuvette amazonienne. Conséquence : ledépérissement des crevettes, privées deces zones nourricières naturelles. Pourcompenser la baisse de la productivitéet de la rentabilité, l’aquaculture a sur-enchéri. Un cercle vicieux aux effetsdévastateurs.

Dans un tel contexte, les petits aqua-culteurs se trouvent les premiers désa-vantagés et ont du mal à faire face auxinvestissements indispensables à leurexploitation. « Ici, les sols sont acides,il faut les traiter. Et les eaux sont sou-vent polluées par les usines voisines »,

souligne Van Hien, le voisin de BuuKhanh. Aujourd’hui journalier agricole,il a transformé il y a sept ans sonunique lopin de terre en petit bassin àcrevettes. La production qu’il en tiraitlui permettait d’arrondir ses fins de moisen les vendant au détail. Mais le moisdernier, les violentes averses de la sai-son des pluies ont inondé son bassin.Toutes les crevettes sont mortes.Depuis, sa femme a trouvé un travailcomme ouvrière dans une usine… detransformation de crevettes.

Aujourd’hui, c’est jour de pêche pourBuu Khanh et sa famille. Des dizainesd’amis sont venus leur prêter main-forte.De l’eau jusqu’à la taille, un casque demoto sur la tête pour se protéger dusoleil, ils organisent un système de ratis-sage du bassin au moyen de vastesfilets. En haut de la berge, les paniersde crevettes frétillantes défilent métho-diquement sur la balance. Les plusgrosses seront vendues 200 000 dongsle kilo, les plus petites 60 000. Tout sou-rire, une crevette géante tigrée de vingtcentimètres entre les doigts, Buu Khanhcroit aux mérites de son élevage exten-sif et semi-intensif. Il insiste surl’urgence pour ces aquaculteurs à peinesortis de la rizière de « se former à leurnouveau métier, pour éviter les erreurs etles dégâts écologiques ». En espérantsurtout une prise de conscience géné-rale, qui permettra de ne pas faire dela poule aux œufs d’or un cadeau empoi-sonné pour toute la région du delta. �

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Le ton était ferme. Lors de la Confé-rence du désarmement qui s’est

tenue à Genève le 29 février dernier, àla veille du treizième anniversaire del’entrée en vigueur de la Conventiond’Ottawa, son président, Prak Sokhonn,a appelé la communauté internationaleà « ne pas manquer [en dépit de la crisefinancière] à ses obligations d’aider lessurvivants des explosions des mines etde libérer les terres de leur asservisse-ment mortel ».

Prak Sokhonn connaît bien le sujet.Ministre auprès du Premier ministre du Cambodge et vice-président del’Autorité cambodgienne d’action contreles mines et d’aide aux victimes, il aprésidé en décembre dernier à PhnomPenh la onzième assemblée des Étatsparties à la Convention, dont il a saluéle « grand succès ». À Genève, il a sou-ligné les « fins humanitaires » aux-quelles vise ce « moyen » que sont lesdélibérations sur le désarmement. Leurbut : « Produire des résultats qui ferontune différence dans la vie des gens, par-tout. »

Adoptée à Oslo en 1997 et signée àOttawa la même année, la Conventionsur l’interdiction des mines antiperson-nel est entrée en vigueur le 1er mars1999. À ce jour, 159 États sont partiesà la Convention, 155 d’entre eux nedétiennent plus de stocks de minesantipersonnel, plus de 44,5 millions demines ont été détruites par eux. Sur-tout, le déminage a permis de remettreen état des millions de mètres carrés deterres devenues impraticables. Mais en2010, on a malgré tout recensé encoreplus de 4 000 accidents et un millier devictimes de ces bombes à sous-muni-tions.

Le treizième anniversaire de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel vient rappeler que le Cambodge reste

toujours sous la menace de ces armes redoutables. Par Geoffroy Caillet

Les enfants, premièresvictimesAvec 286 personnes tuées ou blessées,la situation du Cambodge fait mesurerle chemin qui reste à parcourir. Dans lenord-ouest du pays, les régions de Bat-tambang, Banteay Meanchey ou Pailin,l’un des derniers bastions des Khmersrouges (cf. EdM n°171), sont les prin-cipales touchées. S’y aventurer hors despistes, c’est prendre le risque de sautersur une mine placée jusque dans lesannées 1990 par des combattantsappartenant aux rangs Khmers rougesou aux troupes gouvernementales. Auxabords de la ville de Pailin, des véhi-cules blancs circulent çà et là : ceux deséquipes de Halo Trust, une ONG britan-nique chargée du déminage dans larégion.

Dans le district de Malai, Martin Main-diaux raconte : « Le mois dernier encore,

un paysan s’est écarté dela piste avec son motocul-teur pour prendre un raccourci. Il a sauté surune mine. Huit personnessont mortes dans l’acci-dent… » Au Cambodge,les mines antipersonnelne sont que le derniercadeau empoisonné d’unhéritage historique dou-loureux. S’y ajoutent lesmines anti-char et lesbombes non explosées,larguées par millions surle pays pendant la guerredu Vietnam.

Cruauté supplémentairedans un Cambodge quis’en passerait bien : plusdu tiers des victimes

recensées sont des enfants. Une situa-tion qui place le pays au deuxièmerang derrière l’Afghanistan des pays oùles enfants sont les plus touchés, rap-porte l’Observatoire international desmines. Pour le total des victimes, leCambodge occupe la quatrième placeaprès l’Afghanistan, la Colombie et lePakistan.

Si, depuis 1992, 700 hectares ont étédéminés au Cambodge, la baisse de27% des aides internationales desti-nées à financer les opérations en 2010fait craindre un recul des résultatsescomptés dans les années à venir. Laquestion politique semble bien la clédu problème financier, quand on saitque la Convention d’Ottawa ne fait pasencore le plein des pays les plus impor-tants. Parmi eux, les États-Unis, l’Inde,la Russie et la Chine manquent encoreà l’appel. �

Phnom Penh

Mék

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CAMBODGE

VIETNAM

LAOSTHAÏLANDE

Mer de Chine

Méridionale

Golfe deThaïlande

200 KM

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CAMBODGE

Regardssur l’Asie

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Cambodge : terrain miné

Page 9: Enfants du Mékong Magazine n°172

Mille kilomètres debout sur le Mékong

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Le riz thaïlandaismoins compétitif

C ’était l’une des mesures phare dugouvernement de Yingluck Shina-

watra si elle était élue en juillet 2011 :augmenter le prix de vente minimum dela tonne de riz – celle-ci passant de10 000 à au moins 15 000 bahts – afind’offrir un meilleur pouvoir d’achat auxagriculteurs et de relancer la consomma-tion intérieure. Mais ce calcul est aujour-d’hui remis en question par les chiffres

alarmants des exporta-tions de riz thaïlandaispour le premier tri-mestre 2012, qui enre-gistrent une baisse de41%.

Premier exportateurmondial de riz depuisde nombreuses années,avec un record de plusde 10 millions detonnes en 2011, laThaïlande ne devrait

exporter en effet que 6 millions detonnes en 2012. Les récentes inonda-tions n’ayant pas eu de conséquencedirecte sur la production, le pays risquefort de se retrouver avec un stock de rizdont son marché intérieur ne pourra pasassumer seul l’écoulement.

L’autre facteur aggravant de cettemesure d’augmentation mise en placeen octobre est l’arrivée sur le marché

magazine n°172 //// mars-avril 2012 / 9

CAMBODGE : DES OUVRIERS DUTEXTILE BLESSÉS PAR BALLESLes ouvriers du textile cambod-giens qui manifestaient le 20février dernier devant leur usinedemandaient dix dollars de plussur leur salaire mensuel, quandun homme habillé en civil s’estmis à leur tirer dessus avec unrevolver – sans doute un garde del’usine. Une enquête est encours. Ou semble l’être, car pourle moment, les autorités cam-bodgiennes semblent avoiroublié « l’incident ».

Mékong-Express

ASIE DU SUD-EST

Regardssur l’Asie

Résident de Phuket depuis vingt ans, le Fran-çais Patrick Gasiglia tentera en septembre

prochain de relever un défi de taille : descendrele Mékong sur mille kilomètres en paddle surf / SUP

(Stand Up Paddle), ce sport qui consiste à surfer avec unepagaie, debout sur une planche. Son trajet se déroulera surla partie du fleuve qui sert de frontière naturelle au Laos età la Thaïlande, de Chiang Khan, à l’ouest de Vientiane, jus-qu’à Khong Chiam, à l’est d’Ubon Ratchathani.

Pour ce passionné de sports mécaniques et de sports nautiques, à la foismoniteur de planche à voile, de catamaran et de plongée PADI, le paddle surfdemande « un quart d’heure d’apprentissage » et s’adresse facilement aux« 7-77 ans ». Lui en affichera cinquante cette année. Les îles du Mékong appartenant toutes au Laos, les arrêts y serontimpossibles. L’expédition se fera donc côté thaïlandais au moyen de visas pour la Thaïlande, tout comme l’assistance tech-nique et humaine, assurée par un 4X4. Durée prévue : deux à quatre semaines, en fonction du courant... � G.C.Pour en savoir plus : http://supmekong1000.wordpress.com

d’un concurrent important. En levantfin 2011 des mesures restrictives liéesà son exportation de riz, l’Inde affichedes prix d’exportation hautement com-pétitifs, qui grèvent une partie des partsde marché thaïlandaises.� J.-M.G.

200 KM

Golfe deThaïlande

Bangkok

Mékong

LAOS

CAMBODGE

MALAISIE

BIR

MAN

IE THAÏLANDE

ChiangKhan

KhongChiam

Page 10: Enfants du Mékong Magazine n°172

Une grande partie des habitants des bidonvilles de Manilleviennent de l’île de Samar, au centre du pays. Un exode qui puise

ses racines dans les inégalités du monde rural philippin. Texte et photos : Jean-Matthieu Gautier

Aux abords du pont qui enjambela rivière, noire comme le fond

d’un puits à charbon et débordanted’ordures que les enfants récupèrent enriant, toute une population s’occupe àrafistoler de pauvres habitations debâches et de planchettes détruites lematin même sur ordre de la municipa-lité. Nous sommes à Caloocan, qui n’estpas le quartier le plus pauvre de Manille,mais qui n’en est certainement pas leplus riche. Anna Vanessa, originaire del’île de Samar, au centre du pays, estarrivée à Manille lorsqu’elle avait treize

ans. Parce que, se souvient-elle, « la vien’était plus possible à Samar : trop detyphons, pas assez de travail… ». Elleassure par ailleurs ne pas en vouloir auxdestructeurs de la municipalité : « Ilsfont leur travail. »

En aparté, cette femme d’une quaran-taine d’années au visage marqué ajouteque ces « destructeurs » et les « squat-ters » qui vivent près du pont ont passéun accord : lorsque la municipalitéordonne de détruire les habitations illé-gales des « squatters », les « destruc-teurs » les préviennent discrètement et

se contentent de venir vérifier que lesmaisons ont bien été détruites – en réa-lité démontées par les « squatters » eux-mêmes, ce qui engendre moins de casse.« C’est ce détail qui fait la différence avecSamar », ajoute Anna Vanessa dans unpetit rire de gorge. « Là-bas, explique-t-elle, les typhons détruisaient tout, pre-naient les vies et ne prévenaient jamaisde leur arrivée… Ici c’est dur, c’est trèsdur, mais c’est mieux », dit-elle encore,sincèrement convaincue, bien que savoix se perde dans le brouhaha de lacirculation.

200 KM

PHILIPPINES

Manille

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Regardssur l’AsiePHILIPPINES

Samar, l’envers du paradis

Samar

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Une île qui se vide de ses habitantsUn avion plus loin, nous voilà àSamar, l’un des principaux pôles demigration vers Manille. Avec un peuplus d’un million d’habitants, c’est latroisième plus grande île du pays. Cechiffre peu élevé s’explique mal, com-paré au nombre d’habitants desbidonvilles de Manille originaires del’île : « Je me suis demandé si Samar(…) était plus peuplée que le restedu pays, ce qui aurait expliqué cesproportions, mais il n’en est rien »,écrit Jean-Marc Oswald, auteur en 2010d’un audit commandé par Enfants duMékong sur la situation des bidonvillesphilippins.

De fait, à l’échelle des Philippines,la population de Samar représente unchiffre dérisoire. Pire, si l’on met cechiffre en balance avec celui de lapopulation vivant dans les bidonvillesde Manille, soit six ou sept millionsdont la moitié seraient originaires deSamar, on réalise que cette moitiéserait en réalité plus nombreuse queles habitants de Samar résidantencore dans l’île.

Un système de type féodal« Les raisons de ce départ massif [deSamar et, par extension, des cam-pagnes, NDLR] tiennent à des problèmesstructurels », analyse encore Jean-MarcOswald. Le principal reste le systèmeféodal de propriété qui a toujours eucours aux Philippines (cf. EdM n°167).

À la fin des années 80, les grands pro-priétaires terriens possédaient plus de80% des terres cultivables et continuentà en détenir plus de 60% aujourd’hui.Ainsi, différentes pratiques continuentà perdurer, largement défavorables auxpaysans. Parmi elles il y a le tersyuhan.« Après la moisson, un tiers de la récolte

magazine n°172 //// mars-avril 2012 / 11

.Petit propriétaireterrien, Alberto clamehaut et fort son amourdu travail de la terre.

Page 12: Enfants du Mékong Magazine n°172

gPour survivre, Samar n’a pour elleque la noix de coco et la pêche.

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Regardssur l’AsiePHILIPPINES

me revient, et les deux tiers restants sontpour le propriétaire du terrain sur lequelje travaille », explique ainsi RenatoYabao quand les coqs qui hurlent sansarrêt le laissent s’exprimer.

Renato, 47 ans, cultive la terre d’ungrand propriétaire du nord de Samar,dans la petite commune d’Allen. Enplus de planter, piquer et récolter leriz, il passe beaucoup de temps ausommet des cocotiers, pour y récupé-rer des noix de coco, une activité dan-gereuse et très peu lucrative. À chaquerécolte, il doit emprunter de l’argentpour acheter des engrais chimiques etdes pesticides. Le taux de rembourse-ment de ces emprunts est générale-ment de 20% par mois.

Alberto Cabacal, petit propriétaire etemployé municipal à Allen, reçoit quantà lui dans une sorte de bureau – le nommême de « bureau » est sans doute unpeu exagéré – qui a l’avantage d’êtresitué en bord de plage. Il se fait tard,le soleil décline fortement, au moinsautant que les cocotiers, et inspire auciel une teinte pastel. S’ajoute alors en

bande son le ressac mou des vagues,qui confère à l’ensemble un air de décorhollywoodien, étonnant contraste avecla vision que l’on a de Samar. Du moinscelle inspirée par les descriptions qu’enfont les émigrés de Manille. Bref,l’illusion est parfaite et pousse às’interroger encore et encore : pourquoitant de gens ont-ils envie de quitter cepetit paradis ?

Inégalités foncières et mal-développementAlberto Cabacal, regard malin, rieur,presque enfantin, sympathique mêmeau milieu d’une trogne de pirate enretraite, aime rappeler avec force que« travailler la terre est avant tout unevocation ». Il dénonce le laxisme dugouvernement en matière d’agricultureet son manque de volonté à dévelop-per un secteur tertiaire qu’il méprise.Mais ce qu’il pointe par-dessus tout,c’est l’absurde condamnation de Samaren « île de la noix de coco ». Dans lesannées 60, diverses réformes agrairesont amené les dirigeants philippins à

.Anna Vanessa est une batpeople, une « femme chauve-souris ». C’est ainsi que sont désignées aux Philippines les personnes habitant sous les ponts.

Page 13: Enfants du Mékong Magazine n°172

BIDONVILLES44% des habitants urbains viventdans des bidonvilles. À titre de com-paraison, la part des bidonvilles auxPhilippines est proportionnellementplus importante qu’au Brésil, payspourtant réputé pour ses immensesfavelas.

magazine n°172 //// mars-avril 2012 / 13

réserver les terres à certaines culturesafin d’en tirer le meilleur parti pos-sible. Absurdement, il a donc étédécidé de façon tacite que Luzon, lagrande île du nord, verrait sa produc-tion agricole presque intégralementdédiée à la culture du riz, que lagrande île de Negros, plus au sud,serait quant à elle vouée à la canneà sucre, et celle de Samar, au centre,à la noix de coco, qui en regorgeaujourd’hui.

Ce qu’Alberto Cabacal et de nom-breux petits propriétaires regrettent,c’est un système agricole à sensunique, qui rend Samar dépendante deses voisines. Incapable de produiresuffisamment de riz pour nourrir sapopulation, elle est obligée d’importercet aliment de base. Pour survivre,Samar n’a donc pour elle que la noixde coco et la pêche. Encore le com-merce de la noix de coco et de lacoprah est-il également soumis à lamainmise de grandes coopératives –chinoises pour la plupart, insisteAlberto – qui parasitent le marché, enfixant des prix sur lesquels les petitsproducteurs ne peuvent s’aligner.

Pourquoi les jeunes fuient-ils Samar ?Parce que l’on n’y trouve aucune indus-trie, parce que la terre a été appau-vrie par la surexploitation de la noix decoco, parce que les jeunes se rêvent unautre destin que celui de paysan sansterre et sans avenir. « L’inégalité fon-cière est couplée avec un mal-dévelop-pement économique du monde rural »,martèle Jean-Marc Oswald, qui soulignele malaise de populations qui se sen-tent à nouveau délaissées par les pou-voirs publics en plus d’être spoliées parles grands propriétaires terriens. �

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gLE MOT DU PARRAINAGE

À Khamti, dans le nord-ouest del’État Kachin, à la frontière

indienne, le Père James La Doï accueilledans un foyer 40 garçons et filles, pourla plupart de l’ethnie Nagas. Ils peuventainsi finir leur primaire et poursuivre leursétudes en secondaire. À cause du climatet de l’extrême isolement de la région,les conditions de vie y sont très rudes.

Sans argent pour la nouvelle annéescolaire qui commence en mai, le PèreJames risque de ne pas pouvoir mainte-

nir le foyer. Dix parrainages collectifssuffiraient pourtant à garantir sonouverture. Ils permettront d’améliorerla nourriture – essentiellement du rizaujourd’hui – et d’assurer les frais sco-laires de tous les enfants.

Plus que jamais, votre soutien estindispensable. Merci ! �

Birmanie : dix parrainagespour un foyer

Un engagementqui dure !

gPARTENARIATS

La Fondation Artelia s’estengagée cette année encore

auprès de nos étudiants du centrede soutien scolaire Docteur Chris-tophe Mérieux à Phnom Penh. Sonsoutien financier assurera une par-tie de leurs frais de scolarisation.Certains étudiants auront parailleurs à nouveau la chance de sevoir proposer des modules de sou-tien pédagogique conduits par lescollaborateurs de l’entreprise Arte-lia. Afin d’assurer la montée encompétence de nos étudiants dansdivers métiers, un volontaire Bam-bou est chargé de déterminer lescours supplémentaires dont ilsauraient besoin afin de les doterd’un avantage concurrentiel sur lemarché du travail cambodgien.

La Fondation Artelia enverra aussiquatre de ses collaborateurs àPhnom Penh pour assurer des courset des travaux pratiques à desgroupes d’une quinzaine d’élèvesdans leur domaine de compétence.La Fondation, qui a déjà envoyé dixcollaborateurs à Phnom Penh depuis2008, participe enfin par des apportsprofessionnels sur des logiciels infor-matiques tels qu’Autocad, sur lesoutils de bureautique et les problé-matiques d’ingénierie (conduite deprojet) nécessaires à nos étudiants.Un grand merci à cette fondationfidèle, qui a la conviction que nousbâtissons ensemble les hommes dontle Cambodge a tant besoin. �

AgirensembleEN DIRECT

14 / n°172 //// mars-avril 2012 magazine

gVOLONTAIRES BAMBOUSÊTRE BAMBOUPar Marie-Agnès PerretJ’ai deux enfants dans

les bras, trois accrochés à mes jambes, et unnombre inconnu entrain de grimper surmon dos. Je suis dansun hangar, au milieu de centaines d’enfantsdes rues.J’ai un stylo à la

main, un appareilphoto dans l’autre, un carnet sur les genoux. J’essaie de connaitre lavie de ce filleul, dans un savant mélange d’anglais et tagalog.J’ai une tasse de thé sur la table, un écran sous les yeux, un clavier

sous les mains. Je rédige mes rapports et mes lettres aux parrains.J’ai un crayon mâchonné dans la bouche, des lunettes sur le bout

du nez, des chiffres sous lesdites lunettes, la cervelle qui fume. Jetente de comprendre la comptabilité d’un programme.J’ai le vent dans les cheveux, le sourire jusqu’aux oreilles, des pay-

sages magnifiques sous mes yeux. Je suis sur le toit d’un jeepney.J’ai la tête qui se cogne aux toits, l’équilibre hasardeux entre les

planches, des explosions de rires aux alentours. Je suis dans unbidonville.J’ai un micro à la main, cinquante enfants qui me regardent, la cer-

titude que le ridicule ne tue pas. Je chante a cappella.J’ai des doutes et des convictions, de nouvelles découvertes chaque

jour, un quotidien complètement chamboulé, un cœur heureux auplus profond… Je suis BAMBOU.

CInformations au 01 47 91 00 84ou auprès d’Anne Monmoton :[email protected]

© DR

Page 15: Enfants du Mékong Magazine n°172

Pay s del’avenir :

sa situationgéographique, ses

richesses minières etforestières l’attestent.Plus encore, la qualitéintellectuelle s’impose

lorsqu’on échange avec la jeunesse. La soif d’apprendre et de s’ouvrir àl’universel y est immense. Un ami supé-rieur d’une pagode près du lac Inlé m’afait échanger avec une quarantained’enfants dans un lieu aussi beauqu’inaccessible. L’intelligence est dans lacuriosité. Elle est aussi dans le cœur.Dans le nord de l’État shan, sœur R.M.s’occupe avec ses adolescents orphelinsde 184 enfants, dont beaucoup de han-dicapés. En Europe, on fermerait son éta-blissement vétuste et insalubre. Là, desenfants aident d’autres enfants. Seuleresponsable, sœur R.M. a 75 ans ! Lapauvreté les a rendus libres d’aimer là oùnos procédures tuent les âmes. Sans lemoindre sou, j’ai promis beaucoup ! Jecompte sur les parrains…

Le régime dit s’ouvrir. Par rapport à ily a trois ans, les signes d’un apaisementsont là. Il faut rester prudent, mais j’aipu aller de Taunggyi à Moulmein, de Myti-kyina à Pathein sans trop de difficulté.Partout j’ai rencontré des religieuses quis’impliquaient avec courage. Trois sœursde Saint François-Xavier, âgées de 75, 40et 25 ans, s’occupent de 127 enfantsorphelins du typhon Nargis de six mois àseize ans. Elles leur apprennent dès leplus jeune âge à aiguiser leur attentionles uns pour les autres. Une paix palpablerègne. La population nous attend. Sansêtre naïfs, prenons exemple sur l’Égliseet les bonzes : profitons de cette ouver-

La Birmanie est, en Asie, le pays de l’avenir. Mais l’ouvertureesquissée ne doit pas masquer des réalités encore très difficilespour son peuple. Par Yves Meaudre, Directeur général d’Enfants du Mékong

Au pays de l’avenir

plusieurs dizaines de villages, a été inter-prétée comme un véritable camouflet parl’Empire du milieu. Il menace de rétor-sion le gouvernement birman. J’ai pu par-tout constater que celui-ci obtient, si cen’est les suffrages des populations, dumoins de faire baisser d’un cran l’hostilitédu peuple kachin – première victime – àson égard. C’est sans doute le but recher-ché, quitte à défier son colossal et

encombrant voisin.Mais il ne s’agit qued’un ajournement.Aussi la populationreste-t-elle l’armeau pied.

Les villageoisavaient été militai-rement déplacésde leurs villages,où ils assuraientleur autonomie. Ils

ture pour faire le bien. Aidons ceux qui,avec sollicitude et amour, éduquent lesenfants. Les appels sont considérables.

L’ouverture n’est évidemment pasmorale. Comme le doi moi vietnamien, elleest purement tactique. Le pouvoir birmande Naypyidaw cherche le relâchement del’étreinte du blocus, l’obtention de la pré-sidence de l’Asean et l’apaisement desconflits avec les résistances kachin et

karen. De ces guerres internes sont nésde nombreux camps de réfugiés intérieurs.Seuls la Caritas et les diocèses pourtantpauvres assurent la survie des populationsdéplacées. Restons à leurs côtés. Ils onttellement besoin de nous.

Une leçon de dignitéThei Sein, le président du Myanmar, veutrééquilibrer l’envahissante présence desChinois en proposant à l’Inde voisine etaux Occidentaux des investissements àréaliser. L’interruption des travaux del’énorme barrage de Myitsone, entreprispar les Chinois qui avaient fait évacuer

© T. A

lisier

Naypyidaw

200 KM

Golfe deThaïlande

Merd’Andaman

(MYANMAR)BIRMANIE

INDECHINE

LAOS

THAÏLANDE

Mékong

PERSPECTIVES

magazine n°172 //// mars-avril 2012 / 15

L’honneur d’Enfants du Mékong estd’être aux côtés du peuple birman.

ont été installés dans des constructionsen béton, dont le ciment s’effrite déjàet les murs ondulent. Ils ont eu uneannée de riz pour se nourrir. Après,n’ayant plus de terre, il faut espérer quece projet ne reprendra pas et qu’ils pour-ront retourner dans leurs villagesaujourd’hui à l’abandon. Visiter ces lieuxdésertés arrache l’âme. La voracité desChinois fait peur et désole qui découvredans ces peuples courageux et intelli-gents une vraie leçon de dignité et d’amour du prochain. L’honneurd’Enfants du Mékong est d’être à leurscôtés. Grâce à vous. �

Page 16: Enfants du Mékong Magazine n°172

gDÉFI DU MÉKONG

Défi du Mékong, la marqueSport & Humanitaire au

service d’Enfants du Mékong, seréinvite aux 20 km de Bruxellesle 27 mai prochain.Le principe : des coureurs des20 km de Bruxelles décidentde courir pour Défi du Mékonget deviennent sportifs acteurs.Ils courent pour une bellecause et en plus collectentdes fonds auprès de proches et d’amispour permettre à des enfants d’aller àl’école ! Au programme :� 150 coureurs Défi du Mékong et autantde supporters attendus.� Une soirée de lancement qui a rassem-blé plus de 100 personnes.� Une collecte qui a pour but de financer

des salles de classe et une bibliothèquepour les 442 lycéens de Prosperidad, auxPhilippines : un programme de dévelop-pement Enfants du Mékong de 49 408 €.Avec eux vous pouvez : participer, venirsoutenir, faire un don ! �

Enfants du Mékong aux 20 km de Bruxelles !

AgirensembleACTUALITÉ

16 / n°172 //// mars-avril 2012 magazine

gWEBDOCUMENTAIRE

COMMENT VIT-ON AUJOURD’HUI DANS LES BIDONVILLES DE MANILLE ?

Découvrez-le dans le webdocumentaire Manila Moneyla, une enquête interactive qui vous plongera au cœurdu mal-logement philippin et de l’action de nos responsables et volontaires Bambous auprès de vos filleuls.

CRendez vous surbruxelles.defidumekong.com ©

EdM

webdoc.enfantsdumekong.com

Page 17: Enfants du Mékong Magazine n°172

Chacun cherche à constituer un patrimoine, pourtransmettre aux générations futures ou pour faireface à des situations inattendues. Sans doute sou-haitez-vous aussi donner à d’autres sans désavan-tager vos proches.

N’hésitez pas à consulter votrenotaire ou à me contacter pouren parler ! Guillaume d’Aboville : 01 47 91 00 [email protected]

L’assurance vie, qu’est-ce que c’est ?

C’est un contrat permettant de faire fructifierdes fonds tout en poursuivant un objectif à longterme, comme par exemple verser un capital ouune rente au(x) bénéficiaire(s) du contrat, soitau décès de l’assuré, soit de son vivant à partird’une date déterminée.

Les avantages fiscaux

Le capital des assurances vie n’entre pas dansl’évaluation d’une succession. Il n’y a donc pas defrais de mutation lors de la délivrance du contrat.Ainsi les sommes transmises reviennent intégrale-ment à l’association bénéficiaire.

Quels avantages à donner à Enfants du Mékong ?

Ce moyen, souple et efficace, permet à Enfantsdu Mékong d’obtenir des fonds rapidement, sansdéfavoriser les héritiers du reste de votre patri-moine.

Pour Enfants du Mékong, c’est lui donner lesmoyens de poursuivre son action, pour subvenir àdes dépenses urgentes ou récurrentes.

Comment nous aider ? (4/5)Quatrième volet de notre présentation. Pour nous aider à éclaircir lesperspectives de nos enfants pauvres d’Asie, nous vous exposons ici unmoyen efficace auquel on ne pense pas toujours : l’assurance vie.

Parrainage

ParrainageBambou

Assurancevie

Don I.R. ou I.S.F.

Assurancevie

Legs

© J.-M

. Ga

utier

Vous souhaitez… Notre réponse… permettre à un enfantd’aller à l’école pour 24 €ou 39 € par mois

… soutenir les missions de nos 50 Bambous envoyés sur le terrain (19 € par mois)

… faire un don ponctuel ou récurrent

… donner un bien ou unesomme d’argent de votrevivant

… souscrire un contratd’épargne pour verser un capital au(x) bénéficiaire(s)

… transmettre par testamentune partie ou la totalité de vos biens

Donation

NOTRE ACTION

magazine n°172 //// mars-avril 2012 / 17

Page 18: Enfants du Mékong Magazine n°172

AGENDA

Constitution d’une équipeen Haute-Savoie. Apporterun plat ou une boisson.RSVP.Contact : C. et M.BarberoTél. : 04 79 60 06 91 / 06 02 50 37 [email protected]

gLONDRES

Du 27 au 29 avrilVente de Soieries etprésentation deChildren of theMekong - 16hAsia House Fair, 63 New Cavendish Street,London W1G 7LP

Horaires : vendredi 10h à20h, samedi 10h à 18h,dimanche 11h à 16h.Contact : Eugénie ProuvostTél. : +44 (0)741 269 22 [email protected]

gSAINT-MARTIN-DEBRÉHAL (50)

Dimanche 29 avrilCompétition de golfGolf de Bréhal, rue du Golf

Vous pouvez vous inscriresur www.golf-de-brehal.comou en contactant le golf au02 33 51 58 88.Contact : Béatrice ValdantTél. : 06 88 17 77 [email protected]

gBÉZIERS (34)

Du 11 au 13 maiSalon du commerceéquitableParc des Expositions

La délégation de l’Héraultsera présente pour unevente au Salon duCommerce équitable. Contact : M.-S. et J.-F. AchardTél. : 04 67 59 40 [email protected]

gMOUGUERRE-PORT (64)

Samedi 12 mai Soirée asiatique - 18hSalle d’Ibusty

Soirée à l’occasion desnouvels ans khmer, lao etthaï : conférence, vented’artisanat et de Soieries duMékong, dîner asiatique,tombola. Inscription avantle 3 mai.Contact : Marie-Hélène PerretTél. : 05 59 31 86 01 [email protected]

gCLICHY (92)

Jeudi 12 avrilDîner - 20hRestaurant Le Palais deClichy – 150, boulevard du Général Leclerc

Prix : 20 €. Chèque à S. etF. Chartier – 76, rue d’Alsace92110 Clichy. Contact : S. et F. ChartierTél. : 06 32 66 54 [email protected]

gSINGAPOUR

Samedi 14 avril10e Gala Enfants duMékong - à partir de19h30Swiss Club

Dîner, animations et soiréedansante. 100% desbénéfices seront reversés àl’association pour soutenirl’accès à la nutrition et à lasanté des foyers du BanteayMeanchey, au Cambodge !Contact : Amélie VilletTél. : +65 91 29 70 [email protected]

gVALRÉAS (84)

Dimanche 15 avrilRécital Gospel - 18hÉglise paroissiale N.-D. de Nazareth

Chœur mixte venud’Avignon. Répertoire degospel traditionnel a capellasous la direction de JoëlKelemen. Ce concert estoffert à Enfants du Mékongpar Gospel Accord. Verre del’amitié. Entrée libre.Contact : Tinou DumondTél. : 06 10 15 06 [email protected]

gDRAGUIGNAN (83)

Dimanche 15 avrilDéjeuner - 12hMaison des Œuvres (LeClou), à l’angle du parkingdes allées d’Azémar

Paella géante au profit denos filleuls d’Asie. Repas :20 € tout compris (adultes),10 € (plus de 12 ans). RSVP.Contact : Ch.et M.-L. LaudeTél. : 09 61 45 70 [email protected]

ogGAP (05)

Samedi 21 avrilDîner - 19h

Restaurant China Royal,avenue d’Embrun

25 € par adulte (cocktail,buffet, café, vin compris).Chèque à l’ordre de SarahGrimaud, quartier Le Pont,05400 La Roche-des-Arnauds.RSVP avant le 10/04.Contact : Sarah GrimaudTél. : 06 81 66 51 [email protected]

gSTRASBOURG (67)

Dimanche 22 avrilRencontre - 16hFoyer de l’église Saint-Urbain – 28, rue de Lièpvre

Réunion de parrains etd’amis suivie d’une projec-tion sur l’association.Exposition des Soieries duMékong.Contact : Sylvia MarzolfTél. : 06 58 37 72 [email protected]

gNICE (06)

Mardi 24 avril Dîner - 19hAngkor Restaurant – 18, rue Paganini

Prix : 23 € (moins de 12 ans : 12 €)Contact : Irène LeblondTél. : 04 94 76 48 [email protected]

gTOURS (37)

Mardi 24 avril Présentation - 16hSalons de l’Orangerie

Présentation suivie d’un filmet d’un échange. Vente desSoieries du Mékong. Contact : G. B. des VarannesTél. : 02 47 52 70 [email protected]

gRILLIEUX-LA-PAPE (69)

Mercredi 25 avril Dîner - 19h30Restaurant Jardin Indo-chine, av. de l’Hippodrome

Le prix sera de 20 €.Contact : Paul et Anne BaudTél. : 04 74 05 73 [email protected]

gANNECY (74)

Vendredi 27 avrilPique-nique - 19h30Salle paroissiale de l’égliseSainte-Bernadette, avenued’Albigny

gPHUKET

Dimanche 10 juinDéfi du MékongVenez courir avec nous aumarathon de Phuket pournous aider à construire desécoles ! Contact : Alice Claë[email protected]

gCOLLEVILLE-SUR-MER (14)

Dimanche 10 juinPique-nique - 12h30Centre EOLIA

Avec Stéphanie, guide àOmaha Beach. Suivi d’unemarche d’1h30. Contact : D. et S. Lebris :06 87 70 83 51 [email protected]

gLA CRAU (83)

Dimanche 17 juinDéjeuner Domaine des Mesclances

Stands, jeux pour lesenfants. Repas : 20 €adultes, 10 € enfants. RSVP.Contact : N. et C. BrandebourgTél. : 04 94 36 28 [email protected]

gSENS (89)

Vendredi 22 juin Rencontre - 19hSalle de la Poterne

Avec Hugues Boulard,ancien volontaire Bambou.Verre de l’amitié.Contact : Jean-Luc BoulardTél. : 03 86 95 44 [email protected]

gMARCQ-EN-BARŒUL(59)

Vendredi 22 juin Dîner - 20hLe Gourmet d’Asie – 7, rue de l’ÉgalitéContact : É. et M.-Laure IbledTél. : 03 20 72 31 [email protected]

gCLAPIERS (34)

Dimanche 24 juin Vente Soieries et artisanat. Plusd’informations surwww.enfantsdumekong.com. Contact : M.-S. et J.-F. AchardTél. : 04 67 59 40 [email protected]

gMONTPELLIER (34)

Du 14 au 29 maiVente de commerceéquitableVente d’artisanat. Plusd’informations à venir surwww.enfantsdumekong.com. Contact : M.-S. et J.-F. AchardTél. : 04 67 59 40 [email protected]

gLUNEL (34)

Lundi 14 maiPrésentationLions Club

Présentation d’Enfants duMékong avec la projectiond’un film sur les Bambous.Contact : M.-S. et J.-F. AchardTél. : 04 67 59 40 [email protected]

gLONDRES

Mercredi 16 maiDîner - 19hNous vous attendons dansun restaurant asiatique deLondres pour un dîner deparrains. Contact : Eugénie ProuvostTél. : +44 (0)741 269 22 [email protected]

gBANGKOK

Mardi 22 mai Conférence - 19hAlliance Française

Sophie Boisseau du Rocheret Damien Verny tenterontde répondre à la question :comment le peuple birmanpeut-il être lui-même acteurdu changement ?Contact : Claire [email protected]

gBÉZIERS (34)

Dimanche 27 mai Vente d’artisanatAllée Paul RiquetContact : M.-S. et J.-F. AchardTél. : 04 67 59 40 [email protected]

gCLAPIERS (34)

Dimanche 10 juinVide-grenierUne centaine d’exposants etdes stands de restauration.Contact : M.-S. et J.-F. AchardTél. : 04 67 59 40 [email protected]

18 / n°172 //// mars-avril 2012 magazine

AgirensembleDÉLÉGATIONS

Page 19: Enfants du Mékong Magazine n°172

CVous pouveznous adresser vos courriers au 5, rue de laComète - 92600Asnières, enmentionnant« Courrier deslecteurs», ou par mail : [email protected]

«Juste une questiond’amour»Je vous envoie un chèque de 65 €. Je suis au chômage, maisj’exclus totalement d’arrêter leparrainage. Je ne suis pas encore à la rue. C’est juste une questiond’amour. Il n’y a là rien deremarquable. Bonne année 2012 à toute l’équipe ! Amicalement. Anne-Marie, Saône-et-Loire

PrécisionPour avoir fait un voyage en Birmanievoici quelques années, puis un autre au Vietnam et au Cambodge plusrécemment, j’ai beaucoup aimé lenuméro de janvier-février, qui faitremonter tant de souvenirs. Comme il est vrai qu’avoir la joie de rencontrerson filleul avec sa famille et lesresponsables de programme augmenteencore l’ intérêt que nous portons déjà à l’œuvre éducative ethumanitaire. Qu’il me soit permisd’ajouter une précision concernant la cathédrale de Saigon : l’un desgrands vitraux porte l’effigie d’Anne de Bretagne. Pour nous, habitants de l’Ouest, c’était un regard important,peut-être à relier à l’époque oùbeaucoup de Bretons ont sillonné les océans.Jean, Loire-Atlantique

gPHOTOS DE PARRAINS

gDE VOUS À NOUS

© DR

magazine n°172 //// mars-avril 2012 / 19

COURRIER

Découvrez l’Asie du Sud-Est et rencontrez votre filleul !

En partenariat avec Enfants du Mékong, Terralto organise pour les parrains et leurs amis des voyages uniques combinant la rencontre des filleuls chez eux et la découverte de leur pays en circuit de 15 jours, avec guide francophone.

Prochains départs VIETNAM DU 7 AU 25 JUILLET 2012 - DU 2 AU 14 OCTOBRE 2012 CAMBODGE DU 4 AU 17 OCTOBRE 2012 - DU 8 AU 21 NOVEMBRE 2012THAÏLANDE NOVEMBRE, SELON LA DEMANDE

LAOS NOVEMBRE, SELON LA DEMANDE

CONTACTEZ-NOUS !36, rue des États Généraux78000 Versailles

www.terralto.comTél. : 01 30 97 05 [email protected]

Parrains et filleuls au Vietnam

Page 20: Enfants du Mékong Magazine n°172

rin, le radio, troque ses vieuxgodillots contre ceux du ser-gent Roudier, mort la nuit précédente,est particulièrement éloquente sur cepoint – qui n’entend pas s’en laissercompter, qui résiste à une armée qui luiest supérieure en nombre, en connais-sance du terrain, en soutien logistiquemême.

Cette guerre que beaucoup qualifientencore de « coloniale », Schœndœrffer laconnaît, il l’a faite en tant que caméra-man aux armées. Il a partagé le même

destin que ces hommes qui peinaient dansla boue, a lu sur les visages la peur ou ladétermination et, obsédé par un besoinde transmettre qui l’a toujours animé, ila su rendre à l’histoire ce qui apparte-nait à l’histoire. Il a su, par l’alchimie tran-quille de ses images, montrer des visagesd’hommes, là où tout un chacun ne voyaitque des visages de soldats.

Cinéaste, pourquoi pas ?On ne dira jamais assez comme rien neprédestinait cet Alsacien d’origine à une

P ierre Schœndœrffer est mort le14 mars 2012, à six heures du

matin. C’est à six heures du matin éga-lement que, le 14 mars 1954, tombè-rent les premiers soldats françaisretranchés dans la cuvette de Dien BienPhu. L’assaut vietnminh avait démarréla veille, et Pierre Schœndœrffer yétait. Il avait 26 ans et un sens dudevoir et de l’engagement forgé aucours de longues heures de marche,caméra à l’épaule dans les jungles indo-chinoises avec les soldats français.

Ces jeunes soldats français engagés,Pierre Schœndœrffer leur rendra unhommage simple et beau dans l’un deses plus grands films : La 317ème Section.On se souvient de cette histoire en noiret blanc, alors que tout le cinéma del’époque n’est que couleur, ce film deguerre lent, presque lancinant, cettefuite à travers le Cambodge profond, leplus beau film de guerre français del’avis de nombreux spécialistes. L’arméefrançaise y est une armée de « rom-biers » aux pieds nus – la scène où Per-

Il était un cinéaste du réel, un aventurier de l’image. Il nous laisse en héritage unemagnifique filmographie, hommage à deshommes morts pour la France dans un pays qu’ilavait appris à aimer : l’Indochine. Par J.-M. Gautier

PierreSchœndœrffer,l’honneur d’un cinéaste

20 / n°172 //// mars-avril 2012 magazine

Découvrirl’ AsieCHRONIQUE

gSes films sont à revoir aujourd’huidans leur dimension d’héritage.

Page 21: Enfants du Mékong Magazine n°172

.Pierre Schœndœrffer sur larivière Chay, dans le nord duVietnam, pendant le tournagede Dien Bien Phu (1992).

© Thomas Goisque

QQUUEELLQQUUEESS DDAATTEESS1928 : Naissance à Chamalières(Puy-de-Dôme)1947 : Embarquement commematelot sur un caboteur suédois (il passera 18 mois dans laBaltique et en Mer du Nord)1952 : Engagement au Servicecinématographique aux armées etarrivée en Indochine1954 : À la chute de Dien Bien Phu,il reste quatre mois prisonnier desVietminhs1958 : La Passe du diable, d’aprèsle roman de Kessel1965 : La 317ème Section, d’aprèsson roman, prix du scénario auFestival de Cannes 1967 : La Section Anderson, oscardu meilleur documentaire 19681976 : Le Crabe-tambour, grandprix du roman de l’Académie française1977 : Adaptation du Crabe-tam-bour au cinéma1982 : L’Honneur d’un capitaine1998 : Membre de l’Académie desBeaux-Arts1992 : Dien Bien Phu2004 : Là-haut, un roi au-dessusdes nuages

© Th

omas

Goi

sque

carrière de cinéaste. Au cours d’une inter-vention à la Cinémathèque française ennovembre 2007, il rappelait son parcourset évoquait tour à tour Godard, anciencritique littéraire, ou Resnais, ancienmonteur, dont les carrières de cinéastess’étaient forgées dans une logique claire.Lui non. Lui a lu, adolescent, Fortunecarrée de Joseph Kessel et a décidé dedevenir marin. Marin, alors qu’il vivaitdans le Puy-de-Dôme, que sa famille étaitoriginaire d’Alsace... Aucun rapport. Maisil avait lu Fortune carrée, qui est le livrede l’aventure, le livre des hommes quientendent se forger un destin, celui oùKessel rencontre Henry de Monfreid, l’unedes plus belles figures d’aventuriers duXXe siècle. Toujours au cours de cetteintervention, Schœndœrffer raconte –avec sa voix douce de grand-père apaiséet d’homme qui a vu, qui a su et qui veutcontinuer à dire – cette nuit étoilée oùil se tient à la barre d’un cargo suédoisdont il est timonier, et la mer « commedes écailles de sardines sous la lune, d’unebeauté fantastique ! ». Cette vérité luiparvient alors, éclatante : son destin àlui, Pierre Schœndœrffer, n’est pas d’êtremarin, mais de transmettre. Il n’est paspeintre, songe-t-il, il n’est pas sculpteur,

il ne sera jamais écrivain parce que, dys-lexique, toute sa scolarité est un échec.Mais « cinéaste, pourquoi pas », se dit-il, « ça ne doit pas être si compliqué ».Las. En retournant à Paris, le jeune pro-vincial, déjà ancien marin, se heurte àdes murs. Et puis il lit dans Le Figaroqu’un cinéaste aux armées, GeorgesKowal, est tombé au Tonkin. Il décide des’engager comme caméraman. C’est lapetite porte, sans doute, mais elle lemènera loin. Fortune carrée !

Tout est possibleEn 1952, il arrive donc en Indochine, etcomme un jeune Rastignac, il s’exclameface aux temples d’Angkor : « Tout estpossible. Le monde est à moi. » Oui, toutest toujours possible pour les jeunes Ras-tignac qui ont lu Kessel et ont du talent.L’Indochine, ce sera la grande affaire deSchœndœrffer. Prisonnier au lendemainde la défaite de Dien Bien Phu, il res-tera toujours très pudique sur cettepériode, se contentant de commentairesévasifs ou d’évocations détournées dansl’un ou l’autre de ses films. À sa libéra-tion des camps vietminhs, Schœndœrf-fer est déjà gagné par le fameux « maljaune » cher à Lucien Bodard. Il reste

donc encore quelque temps en Indochinecomme reporter pour les magazines ParisMatch et Life, y gagne très bien sa viemais sent vite qu’il risque de s’y enliser.À Hong Kong, il rencontre Kessel avec quiil passera une nuit « kesselienne » selonses propres mots, « avec beaucoupd’alcool et même un peu d’opium… ». Ildécide ensuite de rentrer en France, mais

Page 22: Enfants du Mékong Magazine n°172

le métier de reporter ne suffit pas à étan-cher sa désormais fameuse soif de trans-mettre. C’est cette soif qu’il personnifieramerveilleusement dans Le Crabe-tambour,son autre chef-d’œuvre. « Qu’as-tu fait detes talents ? », demande la parabole. C’estprécisément la question que se posecontinûment l’un des protagonistes dufilm, le commandant de l’escorteurd’escadre Jauréguiberry, qui souhaiterevoir une dernière fois avant de mourircelui qu’il a trahi en Algérie. « Qu’as-tufait de tes talents ? », c’est ce que sembleaussi se demander en permanence PierreSchœndœrffer.

De l’audace !Reporter, c’est bien, mais ce n’est pas suf-fisant. En 1958, il part en Afghanistanavec Joseph Kessel tourner La Passe dudiable, film peu marquant mais qui aurale mérite de lui ouvrir enfin les portes duvrai cinéma. Pour ce film, il fait déjàappel à Raoul Coutard. Il racontera, àl’occasion de la restauration de La 317ème

Section par la Cinémathèque française en2010, dans quelles circonstances il feraitappel à ce grand directeur de la photo-graphie qui officiera par la suite sur laplupart de ses films : « Je le connaissaisdepuis 1952, quand je suis arrivé en Indo-chine (...). Lorsque Joseph Kessel m’a

imposé comme metteur en scène, j’ai pro-posé Coutard à Kessel. J’ai envoyé un télé-gramme à Raoul en lui disant très laco-niquement de revenir. Il n’a pas répondu.J’ai regardé alors la liste des avions quirentraient de Saigon, et en calculant lenombre d’heures qu’il lui fallait pour réglerses affaires là-bas, j’avais imaginé le jouret l’heure de son arrivée en France. Lemoment venu, je suis allé à Orly, et au pre-mier avion, il était là ! »

De l’audace, Raoul Coutard ! Del’audace, Schœndœrffer ! Et il n’en man-quait pas, car il en fallait pour mon-trer la guerre d’Indochine – cette guerredont tant de Français ne voulait pasentendre parler au motif qu’elle était« sale » ou qu’elle était « coloniale ».Il en fallait aussi pour traiter le sujettoujours brûlant de la torture en Algé-rie avec L’Honneur d’un capitaine.

Le reste de la carrière cinématogra-phique de Pierre Schœndœrffer est àl’avenant. Sa qualité principale auradonc été de témoigner de la guerre dansce qu’elle a d’humain, sans jamais cher-cher à verser dans le sensationnel. La317ème Section nous marque et nous parleparce que ce film de fiction croise lagrande tradition du documentaire fran-çais, tout comme les livres de Kesseloscillent abondamment entre reportage

22 / n°172 //// mars-avril 2012 magazine

SSOOLLDDAATT DDEE LL’’ IIMMAAGGEEPierre Schœndœr rffer était soldatde première classe d’honneurdu 1er RCP (régiment de chas-seurs parachutistes). Il aimaitciter dans ses films (notammentà la fin du court métrage docu-mentaire Sept Jours en mer) oudans ses livres la prière desparachutistes, inspirée du para-chutiste André Zirnheld, mort en1942 : « Donnez-moi, Seigneur,donnez-moi ce que personne nevous demande. Donnez-moi lerisque et l’ inquiétude. Donnez-moi le vent, la pluie et la tempê-te. Et donnez-les-moi définitive-ment car je n’aurai pas le cou-rage de vous les demander. »

Découvrirl’ AsieCHRONIQUE

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et roman. Dans tout cela domine unefaçon de «montrer à voir » qui renvoie,plus loin encore, au grand journalisteAlbert Londres et à ses réflexions tou-jours très actuelles sur le vraisemblableet la vérité. Schœndœrffer était ungrand monsieur, un « rapporteur deréel ». Ses films, « vraisemblables » dansle bon sens du terme parce que baséssur la vérité, sont à revoir aujourd’huidans leur dimension d’héritage, commeautant de talents qui auraient fructifiéavec le temps. �

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magazine n°172 //// mars-avril 2012 / 23

Nay Pyi Taw Guy LubeigtÉd. Irasec – Les Indes Savantes, 194 p., 22 €

Une ville sortie de terre, à la surprise générale, bâtie dans le plus grandsecret : pourquoi, comment ? C’est à ces questions que répond cette étude– la première du genre – menée de main de maître par l’historien GuyLubeigt. Nay Pyi Taw, une résidence royale pour l’armée birmane met enlumière les raisons qui ont amené la junte à se construire sa ville au milieude la jungle, dans une région faiblement industrialisée où personne n’auraitsongé à bâtir une capitale. Plus encore, l’ouvrage permet d’entrer dansla logique de ces hommes souvent sans scrupules (ils n’ont pas hésité àse faire construire d’immenses villas au luxe ostentatoire), toujours à latête d’un pays qu’ils asphyxient de leurs diktats.

L’Asie du Sud-Est 2012Sous la direction de J. Jammes et B. de TréglodéÉd. Irasec – Les Indes Savantes, 398 p., 20 €

Comme chaque année, l’Irasec (Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est) publie ce que l’on serait tenté d’appeler son rapport d’observationdu sous-continent. Quels événements ont véritablement marqué la der-nière année écoulée ? Que retenir de la politique toujours imprévisible– et en même temps si prévisible – de l’indéboulonnable Premier ministrecambodgien Hun Sen, du « plat réchauffé » du contentieux frontalier dePreah Vihear à la préparation des prochaines élections législatives ? Quedire de l’arrivée à la tête du pays le plus économiquement stable de larégion – la Thaïlande –, de la petite sœur d’un ancien repris de justice,Yingluck Shinawatra ? Cet ouvrage comme toujours très documentéfait appel aux meilleurs spécialistes pour délivrer une vision claire, presqueexhaustive, de la situation de chaque pays de la zone.

Nostalgie de la rizièreAnna MoïÉd. de l’Aube, 224 p., 8,10 €

Les deux recueils de nouvelles d’Anna Moï, L’Écho des rizières et Parfumde pagode, se trouvent réunis dans ce petit volume, auquel s’ajoute unrécit inédit en manière de conclusion à ces deux cycles. L’auteur décritle premier comme « l’itinéraire d’une victoire sur la peur et l’envol, à la fin,de l’artiste », le second « un parcours jonché de maisons et d’élémentsd’architecture comme les lits, les chambres et les objets ». Le résultat estun bijou de poésie, qui dépeint à petites touches le Vietnam d’aujourd’huidans de courtes chroniques tour à tour drôles, tendres ou mélancoliques.Un livre à lire comme on déguste un mets vietnamien : en savourant leplaisir rare des impressions délicates qui se prolongent.

Laos – Carnet de voyagesOlivier LeclercÉd. Prochaine escale, 64 p., 28 €

Comme le note à juste titre la préface, l’auteur de ce Carnetde voyages « n’est plus seulement un artiste, il est historien,géographe, ethnologue... » Chacun de ses dessins est untableau dont le dessin forme l’unité, mais qui déroule en réa-lité un univers harmonieux fait de textes, de photos, de billets

d’entrée, de coupures de journaux… Une promenade pas à pas dansun Laos de rêve et pourtant bien réel, qui fait humer au lecteur lessenteurs du marché, entrevoir le défilé des moines bouddhistes, décou-vrir la cuisine locale, ressentir, surtout, le charme puissant d’un paysqui, malgré l’irruption d’une modernité violente, fait toujours figurede paradis perdu. Jusqu’à quand ? À commander sur : http://www.laos-prochaine-escale.org

CONFÉRENCETOUR D’HORIZON DU VIETNAM CONTEMPORAINParis, mercredi 30 mai à 18h30Journaliste et photographe, Nicolas Cornet collabore avec des magazines français et euro-péens et a publié plusieurs livres. Vingt-cinq ans après l’ouverture économique, les réformestransforment profondément la vie de la société vietnamienne. Les disparités grandissent entremonde rural et urbain. Hanoi, Saigon et Danang deviennent des villes internationales et leVietnam se profile en puissance régionale. Nicolas Cornet fait part de ses impressions sur lesmutations de ce pays qu’il affectionne.1 conférence : 10 € - 8 conférences : 60 € - 50% de réduction pour les étudiantsRéservation obligatoire - Tél. : 01 53 63 39 18 ou [email protected] Maison de la Chine – 76, rue Bonaparte 75006 Paris

KampuchéaPatrick DevilleÉd. du Seuil, 264 p., 20 €

C’est en 1860 qu’Henri Mouhot découvre les templesd’Angkor. Chasseur de papillon épris d’aventure et desolitude, bien plus intéressé par les insectes que parl’archéologie, il mourra avant que les relevés et cro-quis de son journal ne connaissent en France unengouement qui ne s’éteindra plus. Ces grandes ruinesdans la jungle attirent comme autant de coléoptèresaveuglés les aventuriers européens qui remontent, lesuns après les autres, les méandres du Mékong à larecherche de métal jaune, de nouveaux territoiresvierges à estampiller, de frontières à tracer, d’âmessauvages à éduquer. Comment ne pas faire le lien,comme Patrick Deville, entre cette découverte fortuiteet les massacres des Khmers Rouges, presque deuxsiècles plus tard ? Comment ne pas se rappeler quec’est rue Saint-André-des-Arts, à Paris, que Saloth Sar–alias Pol Pot – Ieng Sary, Khieu Samphan et les autresvont commencer à rêver tout haut d’un Cambodgeindépendant, autonome et pur ?

Patrick Deville emmène dans son sampan sur legrand fleuve, outre ses lecteurs, la cohorted’aventuriers divers qui ont au fil des années renforcéles liens entre la France et le Cambodge : Malraux, Loti,Pavie, tous ceux qui ont cartographié, décrit ou se sontperdus dans la jungle qui recouvre les temples d’Angkor.Il décrit par leurs mots l’histoire du pays et son contex-te géopolitique, des découvertes de Mouhot au procèsdes dirigeants Khmers Rouges, des illusions de l’époquecoloniale aux charniers de S-21, se remémore avec euxles intrigues de Norodom Sihanouk, s’étonne, lui aussi,de constater la quiétude actuelle des anciens dirigeantsde l’Angkar, coupables pourtant de tant d’atrocités. S’ilsuffit, comme le clamaient alors les frères numérotés,« d’un ou deux millions de jeunes pour construire leKampuchéa nouveau », il se demande, et le lecteuraussi, ce qu’il serait advenu du Cambodge et desCambodgiens si Mouhot s’était contenté de jouer avecson filet à papillons. Mais Patrick Deville ne donne pasde leçon : il se contente dans un style simple et sansartifices de nous faire voyager dans le temps avec desaventuriers d’un autre âge, de nous faire découvrir unpeuple qu’on a envie de mieux connaître, et un paysqu’on a envie d’aimer. � Amaury de Marignan

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