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Serge MESURE et Jacques CRÉMIEUX - CNRS, “Neurobiologie et Mouvements”, Chemin J. Aiguier, B.P. 71, 13402 Marseille Cedex 20 Tél : 04.91.16.42.34. Fax : 04.91.77.50.84. E-mail : [email protected] ENTRAÎNEMENT SPORTIF ET ÉQUILIBRE POSTURAL : PERFORMANCES, CONTRÔLE SENSORIEL ET STRATÉGIES SENSORI-MOTRICES INTRODUCTION Afin de positionner cette réflexion dans son contexte, il faut signaler que l’objectif principal de nos recherches était de préciser la contribution de l’entraînement sportif au niveau de l’utilisation des afférences visuelles, mais aussi de préciser les stratégies sensori-motrices utilisées lors du contrôle postural. Tout au long de ce travail expérimental, un certain nombre de questions et de perspectives nous ont semblé importantes. La synthèse qui va suivre s’articulera donc autour de certains thèmes de réflexion, tout en rappelant quelques points spécifiques des divers résultats expérimentaux obtenus. Rappelons néanmoins avant de commencer quelques bases fondamentales de notre réflexion et de notre thématique. La station debout bipède, qui se définit par la position de l’ensemble des segments du corps à un moment donné, nécessite l’organisation et l’intégration d’un équilibre postural sensori-moteur. C’est ainsi que toute modification active ou passive de cette posture fondamentale entraîne la mise en jeu de dispositifs automatiques de compensation, de correction ou de rattrapage destinés à préserver ou à gérer, en toutes circonstances, l’équilibre du corps dans la position choisie. Le maintien d’une activité posturale, dans des conditions inhabituelles et déstabilisantes, doit donc susciter chez l’individu, non seulement l’utilisation et la prise en compte des afférences sensorielles, mais aussi la mise en place de réactions motrices les plus rapides et les plus appropriées possible au rétablissement de l’équilibre. 1) Le choix d’un bon descripteur du mouvement : quelle est la variable sensori- motrice contrôlée par le Système Nerveux Central dans le maintien postural ? D’une manière générale les mesures cinématiques, et notamment accélérométriques, des différents segments corporels sont privilégiées par rapport aux mesures physiologiques. C’est-à-dire que l’intérêt se porte plus sur le résultat du mouvement plutôt qu’à ses commandes nerveuses. Nous pensons en effet que la méthode utilisée des inter-corrélations conjuguées (Amblard et al., 1994) est plus efficacement applicable aux descripteurs cinématiques. Différents auteurs ont en effet remarqué que des patrons cinématiques invariants peuvent résulter de combinaisons très variables de moments angulaires ou d’activations musculaires (Soechting et Lacquaniti, 1989 ; Woollacott et Jensen, 1994). Dans la littérature, les descripteurs du mouvement adoptés pour les différents segments mobilisés sont généralement de même nature. Ainsi ont été corrélés les angles du tronc et de la tête avec la verticale gravitaire chez des enfants et des adultes au cours de la marche (Assaiante et Amblard, 1993 ; Assaiante & al., 1993).

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Serge MESURE et Jacques CRÉMIEUX - CNRS, “Neurobiologie et Mouvements”,Chemin J. Aiguier, B.P. 71, 13402 Marseille Cedex 20Tél : 04.91.16.42.34. Fax : 04.91.77.50.84. E-mail : [email protected]

ENTRAÎNEMENT SPORTIF ET ÉQUILIBREPOSTURAL :

PERFORMANCES, CONTRÔLE SENSORIELET STRATÉGIES SENSORI-MOTRICES

INTRODUCTION

Afin de positionner cette réflexion dans son contexte, il faut signaler que l’objectif

principal de nos recherches était de préciser la contribution de l’entraînement sportifau niveau de l’utilisation des afférences visuelles, mais aussi de préciser lesstratégies sensori-motrices utilisées lors du contrôle postural. Tout au long de cetravail expérimental, un certain nombre de questions et de perspectives nous ontsemblé importantes. La synthèse qui va suivre s’articulera donc autour de certainsthèmes de réflexion, tout en rappelant quelques points spécifiques des diversrésultats expérimentaux obtenus. Rappelons néanmoins avant de commencerquelques bases fondamentales de notre réflexion et de notre thématique. La stationdebout bipède, qui se définit par la position de l’ensemble des segments du corps àun moment donné, nécessite l’organisation et l’intégration d’un équilibre posturalsensori-moteur. C’est ainsi que toute modification active ou passive de cette posture

fondamentale entraîne la mise en jeu de dispositifs automatiques de compensation,de correction ou de rattrapage destinés à préserver ou à gérer, en toutescirconstances, l’équilibre du corps dans la position choisie. Le maintien d’une activitéposturale, dans des conditions inhabituelles et déstabilisantes, doit donc susciterchez l’individu, non seulement l’utilisation et la prise en compte des afférencessensorielles, mais aussi la mise en place de réactions motrices les plus rapides et lesplus appropriées possible au rétablissement de l’équilibre.

1) Le choix d’un bon descripteur du mouvement : quelle est la variable sensori- motrice contrôlée par le Système Nerveux Central dans le maintien postural ? 

D’une manière générale les mesures cinématiques, et notammentaccélérométriques, des différents segments corporels sont privilégiées par rapportaux mesures physiologiques. C’est-à-dire que l’intérêt se porte plus sur le résultat dumouvement plutôt qu’à ses commandes nerveuses. Nous pensons en effet que laméthode utilisée des inter-corrélations conjuguées (Amblard et al., 1994) est plusefficacement applicable aux descripteurs cinématiques. Différents auteurs ont eneffet remarqué que des patrons cinématiques invariants peuvent résulter decombinaisons très variables de moments angulaires ou d’activations musculaires(Soechting et Lacquaniti, 1989 ; Woollacott et Jensen, 1994).Dans la littérature, les descripteurs du mouvement adoptés pour les différentssegments mobilisés sont généralement de même nature. Ainsi ont été corrélés lesangles du tronc et de la tête avec la verticale gravitaire chez des enfants et desadultes au cours de la marche (Assaiante et Amblard, 1993 ; Assaiante & al., 1993).

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Les mesures de positions de l’oeil, de la main et de la cible ont été corrélées aucours de coordinations oculo-manuelles chez le singe (Gauthier et Mussa Ivaldi,1988). Des auto-corrélations et des inter-corrélations ont été aussi utilisées pouranalyser les ondes cérébrales lentes, les activités électriques du cerveau ou pourl’identification de la phase dans les réponses des systèmes biologiques aux entrées

périodiques (Berger & al., 1992, Amblard 1996). Mais il est également tout à faitpossible d’envisager de corréler différents types de descripteurs du mouvement, àl’intérieur d’un domaine commun de fréquence. Il est possible, par exemple,d’envisager de corréler la position de l’oeil et l’accélération de la tête, dans le casd’études du réflexe vestibulo-oculaire.En ce qui concerne les ajustements posturaux, Amblard et al. (1985) ont montréqu’ils peuvent intervenir dans un domaine de fréquence assez étendu. Lesmouvements brusques de correction posturale ont en effet des composantes dehautes fréquences, alors même que les mouvements de déséquilibre peuvent avoirdes amplitudes assez faibles. N’oublions pas en effet que le but du contrôle del’équilibre est de bouger le moins possible. Toutes ces raisons font que les mesures

d’accélérations linéaires paraissent particulièrement appropriées à la description desmouvements posturaux (Gurfinkel & al., 1988 ; Lekhel et al., 1994). Ces mesuresd’accélération sont beaucoup plus sensibles que les mesures de position ou devitesse, et ceci dans un large domaine de fréquence (Amblard, 1996). L’accélérationlinéaire d’un segment est simplement proportionnelle à la résultante des forces qui luisont exercées. Dans le cas de petites variations angulaires, l’accélération linéaire estproportionnelle à l’accélération angulaire, et donc aux moments résultants, ce quiinclut les moments passifs, biomécaniques et musculaires. Ainsi l’accélération peutêtre considérée comme un compromis entre la cinématique et les descripteursphysiologiques.Une distinction physiologique importante doit cependant être introduite entre lesinfluences purement biomécaniques et morphologiques et le contrôle actif duSystème Nerveux Central (SNC) (Lee, 1980 ; Woollacott et Jensen, 1994). Ce typede problème ne peut pas être résolu à l’aide des seuls descripteurs cinématiques. Lapremière approche dans cette direction passe à l’évidence par les descripteursélectro-myographiques (Soechting et Lacquaniti, 1989). Ces derniers auteurs ontutilisé des calculs d’inter-corrélation entre les enregistrements EMG au cours demouvements réflexes et volontaires, en se focalisant sur les composantes actives(synergies) des mouvements transitoires. Ils ont ainsi démontré la faisabilité descalculs de Fonctions d’Intercorrélations Croisées sur les EMG, qui devraient aussipouvoir révéler les composantes actives du contrôle postural sans perturbation.

L’un des résultats marquants de cette série de recherches expérimentales sur leseffets de l’entraînement, est de nous avoir révélé l’importance du choix judicieux desindices pour évaluer une performance posturale, et les stratégies qui la sous-tendent(Mesure & al., 1994). Il a été démontré, dans des expériences de contrôle posturalsur balancelle (Mesure & al., 1995), là où la description en termes d’accélérationslinéaires avait dans une large mesure échouée pour la description des stratégies,qu’une prise en compte des oscillations angulaires permettait en revanched’expliciter les stratégies spécifiques des populations de sujets étudiés. Cela peut seconcevoir par l’utilisation de système d’analyse optoélectronique du mouvement pourla mesure des angles, l’application de l’indice d’ancrage (Assaiante et Amblard 1993)lors d’études sur le développement, et l’application des propriétés des fonctions

d’inter-corrélation entre deux niveaux de mesure (Mesure & al., 1997). En utilisantces différents outils ces auteurs ont pu non seulement mettre en évidence des

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stratégies de stabilisation spécifiques de certains segments corporels importantsdans la tâche considérée et des stratégies de mouvements angulaires coordonnés,mais encore décrire des différences dans le choix de ces stratégies par des sujetsexperts ou non experts dans des activités d’équilibre.Cette distinction entre les descripteurs d’accélération linéaire et de variation

angulaire correspond très certainement à quelque chose de plus fondamental qu’unsimple hasard de calcul du point de vue de l’expérimentateur. Sans aller jusqu’àaffirmer trop vite que, dans le cas d’un équilibre maintenu sur une balancelle instable,ce sont les angles qui deviennent les variables contrôlées par le S.N.C., il ne nousparaît pas invraisemblable qu’il y ait là une voie de réflexion fructueuse. Il faut eneffet considérer que dans une tâche comme celle qui nous intéresse, quoi qu’il ensoit du point de vue du physicien, il est indispensable de contrôler les déplacementslinéaires du centre de gravité, en raison de l’étroitesse du support et de soninstabilité. Le S.N.C. quant à lui ne peut obtenir le résultat souhaité qu’en opérantune gestion très précise de la variation (dans le temps) des angles des différentesarticulations. Il est bien évident en effet que dans une chaîne articulée de segments

corporels rigides, le jeu de la musculature ne peut directement agir que sur lesangles entre ces différents segments. C’est la seule opération primaire qui soit à saportée. Il n’est cependant pas exclus de supposer qu’une représentation plus subtilede ces actions, à un niveau supérieur de l’élaboration de la commande motrice,permette au S.N.C. d’évaluer et de gérer les conséquences linéaires de sescommandes angulaires. Dans le cas qui nous occupe, même si la variable contrôléeest la position du centre de gravité, comme le suggère Massion (1997), il ne paraîtpas surprenant, en tout état de cause, que des coordinations angulaires et descontrôles de stabilisation angulaires aient pu être mis en évidence, là où ladescription en termes linéaires devenait trop aléatoire.Une semblable distinction entre contrôle des angles et contrôle des déplacements adéjà été relevée par Assaiante & al. (1993), dans une étude de contrôle posturalchez le jeune enfant de 2 à 3 ans. Dans cette expérience, les enfants étaient soumisdans le plan sagittal à des oscillations sinusoïdales horizontales sur tapis roulant. Lesauteurs précédents, après une description comparée des performances en termeslinéaires et angulaires, ont proposé que la seule stratégie adaptative adoptée par lesenfants de ces âges consistait simplement en un raidissement de l’ensemble desarticulations. Il s’agit de la stratégie la plus sommaire du contrôle des angles, quiconsiste à les fixer tous avec la meilleure efficacité possible. Ce choix inconscient etsimpliste revient à simplifier la tâche en minimisant le nombre de degrés de libertéangulaires à contrôler simultanément pendant le mouvement (Bernstein, 1967 ;

Assaiante et Amblard, 1993).Notre volonté de complexifier la tâche posturale proposée au sujet afin de permettrel’étude du rôle de l’entraînement sportif a permis en soi de spécifier l’intérêt du choixdu référentiel à analyser en fonction de la tâche. Il paraît donc raisonnable de penserque l’étude du contrôle postural statique et quasi-dynamique, et fort probablement,par extension, les phénomènes locomoteurs, ne peuvent concrètement s’évaluer quevis-à-vis d’un indice pertinent dépendant de la situation expérimentale. A ce propos,les indices angulaires d’ancrage, complétés par les fonctions d’inter-corrélation,restent pour nous un choix pertinent et prometteur. Il est cependant utile de définirpréalablement, et de manière très précise la variable que nous supposons êtrecontrôlée. Cela afin de permettre une certaine approximation de la sensibilité du

système à analyser, ainsi qu’une meilleure détermination du système de mesure àemployer.

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2) Pouvons-nous considérer une utilisation différentielle des entrées sensorielles en fonction de l’entraînement sportif ? 

L’importance de l’activité physique pendant l’ontogenèse pour la mise en place des

coordinations visuo-motrices conduit à penser que, tout au long de son existence,l’homme est susceptible sinon de transformer du moins de modifier ses cadres deréférences et donc d’enrichir le répertoire de ses activités d’adaptation (Paillard,1971, 1976). Différents groupes de sujets (experts ou non) ne semblent pas avoirune utilisation identique des afférences sensorielles (Ripoll, 1990, Mesure & al.,1997). Il semble que la pratique d’une activité physique aurait tendance à développerla faculté du sujet à privilégier et à sélectionner un type particulier d’information. Ilpourrait s’agir, pour le sport, de sélectionner plus efficacement la sourced’information sensorielle la plus appropriée dans une situation posturale donnée (laproprioception au niveau des jambes et des chevilles dans le cas de la balancelle).Cela lui permettrait une détection plus rapide des signaux détecteurs d’erreurs et

donc de générer des réactions posturales également plus rapides ou plus fines. Or, ilest important de signaler que le maintien de l’équilibre postural ne représente pastoujours une fin en soi, spécifiquement lors d’activités de déséquilibres naturels ouprovoqués, mais qu’il est indispensable à toutes activités ou mouvements humains.Nous pensons que les informations sur ce référentiel égocentrique postural doiventêtre privilégiées comme source d’afférence sensorielle de surveillance (Massion1997, Vidal & al., 1982), par la nécessité de limiter le nombre d’informations lors dutraitement au niveau central (Paillard, 1990). La stimulation inadéquate d’un systèmesensoriel, provoquant l’illusion d’un mouvement du corps, peut produire undéséquilibre postural, puisqu’il est extrêmement difficile de l’intégrer aux signauxcontradictoires provenant des autres systèmes sensoriels. Ce raisonnement est à labase de certaines explications des phénomènes de cinétoses (Ohlmann, 1993 ;Berthoz, 1997) Le degré du déséquilibre postural est donc fonction du degré duconflit, soit entre les entrées sensorielles multimodales, soit entre le patron actuel etle patron attendu des entrées réafférentes produites par un mouvement volontaire.Les paramètres du patron attendu étant déterminés par l’expérience sensori-motriceantérieure (Brandt & al., 1981 ; Brandt, 1988).En accord avec Droulez, Berthoz et Vidal (1985) et Nashner (1985), nous pensonsque l’entrée sensorielle n’est pas seulement utilisée pour une évaluation continue dubalancement (boucle sensori-motrice à rétroaction), mais aussi pour un ajustementdiscontinu, ou encore qu’elle sert à déclencher des stratégies posturales

programmées, c’est à dire des patrons d’activations musculaires (Brandt, 1988). Lessynergies d’activation musculaires, telles qu’elles sont programmées par l’expérienceantérieure de l’équilibration active et de la locomotion, peuvent être guidées par uneou plusieurs entrées sensorielles choisies en fonction de la tâche. Il n’y aprobablement pas de stimulation adéquate d’une boucle visuo-spinale spécifiquepour la posture, mais le poids sensoriel de la vision doit être basé principalement surla précision et le seuil bas de détection du mouvement relatif à l’environnement(Brandt, 1988). Sachant que dans certaines situations limites, la vision peut voir sonrôle minimisé au profit d’autres canaux sensoriels (c’est le cas du contrôle del’équilibre dynamique lors d’une locomotion sur une poutre étroite par exemple).Dans la perspective de la psychologie différentielle, la transposition des résultats

concernant la dépendance/indépendance à l’égard du champ visuel, à la situationquasi-dynamique que représente le maintien de l’équilibre postural dans des

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situations aussi instables (telles qu’une balancelle ou la position de Rombergsensibilisée sur sol mou), amène raisonnablement à penser que certains sujets sontnaturellement plus sensibles que d’autres aux informations visuelles et qu’ils lesutilisent afin de se constituer un cadre d’orientation de référence. La question du rôle joué par ce cadre dans le contrôle de l’équilibre postural reste posée (Isableu & al.,

1997). Dans l’obscurité nous constatons que les non experts, en situation critique(Romberg sensibilisée, déstabilisation latérale sur balancelle), adoptent une stratégiede contrôle en bloc entre le segment céphalique et le tronc (Mesure & al., 1995).Cette stratégie peut amener le sujet à se référer principalement au système desurveillance vestibulaire, qu’il doit faire correspondre aux afférences proprioceptives,en se servant de ce fait de la référence gravitaire comme moyen de détection desdéstabilisations de la posture. De plus, lors des situations expérimentales dansl’obscurité, il est possible d’imaginer que l’intérêt du cadre visuel puisse êtreremplacé par une commande centrale de type proaction (feed-forward), ce quipermettrait au sujet d’anticiper par référence à une situation bien connue(phénomène lié à l’apprentissage et à la mémorisation), ou simplement de se

reporter sur un autre type de stratégie de contrôle présent dans son répertoire, si lasituation le permet.Les signaux vestibulaires restent prédominants pour la résolution de tâchesposturales spécifiques, durant lesquelles l’abondance des informations enprovenance des récepteurs somato-sensoriels semble difficile à analyser (Marchand& al., 1988). Tout laisse supposer que le système vestibulaire devient ici l’organe desurveillance sans cesse “réajusté” par les informations proprioceptives et égalementvisuelles lorsque celles-ci sont présentes. La gestion rétroactive plus ou moinspossible et appropriée de ces informations vestibulaires serait la base dedifférenciation entre non experts et experts. La vision reste néanmoins uneinformation pertinente. Un effet de l’entraînement à l’usage de la vision chez lepatient délabyrinthé a également été rapporté par Allum & Pfaltz (1985) dans uneépreuve avec rotation du support. Bles (1979) soulignait déjà, même chez un sujetnormal, la nécessité d’un apprentissage pour le contrôle visuel de la posture dès queles réafférences visuelles sont anormales, par exemple sur un support mou induisantdes oscillations posturales importantes. Cet effet se caractérise dans les expériencespar l’absence de chutes en situation de lumière normale, donc par une absence dedéséquilibre extrême nécessitant un programme moteur réactionnel. Dans cesdifférentes situations le système visuel est un référentiel utilisé dans les oscillationsde grandes amplitudes mais aussi, dans les cas extrêmes, comme un système desécurité sur le contrôle des hautes fréquences d’oscillations du corps.

Pour Nashner & al. (1982) l’appareil vestibulaire permettrait de résoudre les conflitsvisuo-proprioceptifs induits, soit par un environnement visuel stabilisé, soit par unasservissement du support aux mouvements du sujet. La question est de savoir siune telle conception hiérarchique n’est pas spécifique à certaines situationsexpérimentales. Ainsi, dans le modèle de Zacharias & Young (1981) les conflits decourte durée seraient résolus en faveur des indices vestibulaires, mais unediscordance prolongée aboutirait à donner de plus en plus de poids aux indicesvisuels.Ainsi, toutes les activités posturo-cinétiques s’organisent à partir de la sélection d’undes trois types de référentiels stables. Il s’agit soit du support sur lequel se tient lesujet, soit de la verticale gravitaire, soit de la position du centre de gravité. Dans le

premier cas, le sujet se réfère principalement à la proprioception en provenance deseffecteurs et organise sa posture de façon ascendante : depuis les pieds jusqu’à la

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tête. Dans le second cas, le sujet prend “appui” sur la verticale gravitaire enstabilisant sa tête sur l’espace à partir des informations principalement vestibulaireset organise ainsi sa posture de façon descendante depuis la tête jusqu’aux pieds(Assaiante et Amblard, 1993). Enfin, dans le troisième cas, l’organisation posturaleen situation difficile convergerait directement par une stabilisation au niveau du

bassin. Il est important de préciser que si les stratégies motrices de rattrapage del’équilibre peuvent être différenciées, en fonction précisément de l’amplitude dudéséquilibre, elles peuvent également être l’expression d’une préférence individuellesi les conditions autorisent une certaine vicariance (Ohlmann & Brenet, 1990, Luyat& al., 1997). Ce phénomène d’adaptabilité individuelle et de vicariance se manifestepar les résultats exprimés par l’analyse des quotients du Romberg visuel, etl’absence de stratégies sensorielles posturales communes à un groupe de sujetsdans une situation expérimentale plus contraignante sur balancelle (Mesure & al.,1995).Il est maintenant bien établi que pour coordonner les mouvements, le cerveaun’utilise pas les informations sensorielles de façon continue. Il semble que dans bien

des cas (par exemple le skieur de compétition qui est entraîné à suivre l’imagementale de sa course sur la piste de ski), le traitement continu des informationssensorielles serait beaucoup trop lent (Berthoz, 1997). Il y a donc probablement desreprésentations mentales du mouvement du corps dans l’espace, des réseauxneuronaux grâce auxquels les mouvements du corps peuvent être simulés sans êtreexécutés (Decety & al., 1991). Il semble que les informations des sens ne sontutilisées que pour valider ou corriger de façon intermittente ces représentations. Laprise d’information par tel ou tel capteur serait prévue dans le programme centralcorrespondant à un mouvement automatique ou à un mouvement appris (Berthoz,1997). Ceci conduit à une théorie de la préspécification ou de la présélection desinformations. Si cette théorie est vraie, elle suppose que la représentation del’espace et du corps dans les réseaux de neurones centraux se fait suivant desrègles ou des mécanismes qui ne correspondent pas nécessairement à la géométrieeuclidienne classique.Par ailleurs, vis à vis de la dépendance à l’égard du champ visuel, il seraitintéressant d’examiner les différences individuelles dans l’utilisation des indicesvisuels en fonction de la tâche (Isableu & al., 1997). Nous pourrions ainsi comparerles effets posturaux d’une verticale visuelle biaisée (vection optostatique) à ceux dela vection optocinétique, en examinant leur rôle dans le déclenchement du mal destransports (cinétoses).

3) La sélectivité du contrôle : un principe d’économie.

Nous avons eu l’occasion de montrer dans nos recherches que l’un des aspectsintéressants qui caractérisent le résultat d’un entraînement sportif face aux aptitudesd’équilibre est la capacité à sélectionner la dimension de la performance qui est laplus pertinente pour la réalisation correcte d’une tâche posturale donnée. Ainsi,lorsque les sujets entraînés doivent maintenir leur équilibre en position de Rombergsensibilisée, sur une balancelle qui les déstabilise dans le plan latéral, ils contrôlenttout particulièrement leur stabilisation angulaire en roulis, et se préoccupentnettement moins du tangage. Une sélectivité équivalente a déjà été relevée chez lessujets adultes “non experts” lors de la marche sur une poutre étroite, tout

particulièrement dans l’obscurité. Dans ces conditions, les adultes, contrairement auxenfants de 7-8 ans, adoptent une stabilisation angulaire préférentielle de la tête sur

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l’espace dans le plan frontal (Assaiante et Amblard, 1993). Cette sélectivité decontrôle postural concrétisée par le phénomène d’entraînement sportif semblecorrespondre de la part des sujets experts, à l’utilisation d’informations sensoriellespertinentes de surveillance.Dans le cas de l’équilibre sur balancelle, la réalisation du protocole était possible de

façon identique par les non experts et les experts, qu’il y ait ou non-sélectivité desvariables pertinentes à contrôler. Notre interrogation s’est porté sur la nécessité decette sélectivité. Or, les résultats montrent que cette sélectivité permet une meilleureefficacité, c’est-à-dire un contrôle postural plus pertinent dans des conditions toujoursplus difficiles, et ceci grâce à l’entraînement. Ce phénomène se caractérise par desindices de performance posturaux qui montrent une stabilisation plus efficace chezles experts que chez les non experts. Nous inclinons à penser que dans des casextrêmes, tel que le funambulisme, pour ce qui est du contrôle de “ l’équilibre de luxe”(André-Thomas, 1940), la stricte sélectivité des mouvements à contrôler est nonseulement un avantage déterminant, mais une nécessité absolue pour la réussite del’épreuve.

De plus, il est également possible que cette sélectivité soit le signe de la mise enoeuvre par le S.N.C. d’un principe d’économie, comparable à celui qui préside àl’économie de l’énergie dissipée au cours de la marche (Cavagna et Franzetti, 1986).Ici encore, l’hypothèse s’appuie sur le principe d’une réduction maximum des degrésde liberté à contrôler simultanément au cours du mouvement.La sélectivité du contrôle de la variable pertinente peut signifier au moins deuxchoses : – L’ancrage est limité au plan de déstabilisation : un support peut être déstabilisantdans un seul plan, et le sujet peut limiter le contrôle postural à ce plan et fairel’économie du travail dans un plan perpendiculaire. La composante angulairecontrôlée sera alors celle dont l’axe de rotation est perpendiculaire à ce plan. Nouspouvons, néanmoins, parler d’une “hiérarchie” dans la difficulté des plans euclidiensà maîtriser. En effet, il parait probable que le plan sagittal (oscillations antéro-postérieures) reste plus aisé à contrôler. Il va de soi que c’est le plan de lalocomotion et de la majeure partie des déplacements segmentaires ou globaux. Leplan frontal (oscillations latérales), en revanche, dans lequel les déplacements etmouvements sont moins usuels, paraît plus difficile à maîtriser. Cependant,l’entraînement sportif par un travail segmentaire et global plus varié et diversifiésemble permettre une sélectivité de ce contrôle aux différents niveaux anatomiques,mais qui reste, intimement dépendante de la difficulté de la tâche à réaliser (figuren°1).

 – L’ancrage est limité au niveau anatomique le plus critique : ce peut être la tête aucours de la locomotion, et/ou le niveau des hanches, siège du centre de gravité, aucours du contrôle postural difficile. Des travaux récents effectués chez l’hommeadulte (Ripoll, 1990 ; Berthoz et Pozzo, 1988 ; Grossman & al., 1988 ; Nashner & al.,1988) ont contribué à développer l’idée d’une organisation descendante du contrôlede l’équilibre en cours de la locomotion à partir de la stabilisation de la tête surl’espace. Le dernier type d’ancrage au niveau du bassin, qui se vérifie par nosrésultats en situation balancelle, dénote une organisation segmentaire en plusieursblocs (Mesure & al., 1995). Le premier bloc, constitué du segment jambier dans satotalité, fournit les informations directes de la déstabilisation via la cheville et lescapteurs tactiles plantaires. Le second bloc constitué par le tronc (c’est-à-dire la

masse la plus importante du corps) agit comme le “contre-balancier” en fonction de ladéstabilisation et donc en opposition du segment jambier (corrélations négatives

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entre les mouvements tronc/jambes). Le segment céphalique, quant à lui, représenteun bloc solidarisé ou désolidarisé du tronc en fonction de l’urgence de la situation(risque de chute, figure n°1).

4) Stratégies posturales globales ou contrôles segmentaires : un choix limité par la difficulté de la tâche.

L’enseignement le plus clair de l’analyse des expériences de contrôle postural surune balancelle semble être que, de global dans des conditions plus clémentes, le

contrôle postural peut devenir simplement segmentaire dans des conditions dedifficultés posturales extrêmes (Pozzo & al., 1995).Il semble ainsi qu’il faille se garder des généralisations en termes de stratégiesposturales. Pour autant, il n’est pas garanti que les stratégies repérées au cours deperturbations transitoires (Nashner et McCollum, 1985) soient les mêmes que cellesqui interviennent au cours du contrôle en situation stationnaire. Au cours d’unmaintien postural peu critique, le sujet peut faire appel à certaines stratégies plus oumoins globales (Amblard & al., 1993), tandis que, la difficulté devenant extrême, ilsemble qu’il n’ait plus que le recours à des réflexes locaux, tels que ceux quiinterviennent au niveau des chevilles au cours d’une déstabilisation du support(Nashner, 1985). Il a même été évoqué la possibilité d’un contrôle de type chaotiqueou stochastique (De Luca & al., 1993). Le terme de stratégie prendrait ici tout sonsens, qui sous-entend un choix plus ou moins délibéré à l’intérieur d’un répertoire de

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tactiques variées disponibles. Il serait apparemment plus judicieux de parler destratégie en situations extrêmes, où le sujet serait livré à ses réflexes de contrôle lesplus élémentaires, dans une épreuve de type tout ou rien (il réussit, et toujours parles mêmes moyens, ou c’est la sanction inexorable de la chute). La nuance, auniveau de ces propos, serait de dire que ce type de contrôle extrême n’est

concevable que dans des situations extrêmes, ce qui signifie, pour la situationexpérimentale utilisant une balancelle instable, que les sujets qui n’oscillaientquasiment pas, faisaient intervenir plutôt des stratégies régulatrices progressivementadaptables.Lors du maintien postural en situation expérimentale, le sujet par consigne ne peutdéplacer aucun appui, nous écartons donc là une possibilité de récupération par unmouvement distal approprié. Le programme postural résultant de ce type de situationdoit donc inhiber certains processus réactionnels. Il existe là une situationconflictuelle vis à vis du choix stratégique moteur (entre la consigne et les processuspré-établis). Par ailleurs, nous savons que la mobilisation des programmes posturo-cinétiques relève des principes généraux avec l’existence de commandes proactives

(feed-forward), associées synergiquement aux commandes du mouvement etboucles rétroactives en rétroaction (feed-back) qui leur assurent leur servo-assistance (Gahery et Massion, 1981), par exemple, la recalibration descoordinations visuo-manuelles après déviation visuelle prismatique. Les facteurskinesthésiques et posturaux se trouvent donc normalement combinés aux autresinformations sensorielles.Selon certains auteurs, il y aurait une double stratégie de contrôle de la position dusujet dans son environnement selon les situations. L’une automatique, quifonctionnerait comme un système en boucle de rétroaction négative pour annuler lesfaibles perturbations de cette position (Perrin & al., 1987). L’autre interviendrait pours’opposer aux perturbations plus importantes, et prévoirait ce qu’il convient de fairegrâce à l’expérience antérieure mémorisée (Droulez & al., 1985), ce qui seraitdirectement imputable à des phénomènes antérieurs d’apprentissage.

5) L’entraînement sportif : affinement de stratégies pré-existantes et/ou construction de stratégies nouvelles ? 

Une question qui est soulevée par le problème de la programmation centrale dumouvement est celui de son acquisition. Il ne fait pas de doute en fait que lemouvement acquiert ses caractéristiques par apprentissage. Il est d’abord fragmentéet guidé dans chacune de ces étapes par les afférences sensorielles et devient

ensuite continu et relativement indépendant des messages liés à son exécution(figure n°2). Les mécanismes qui interviennent dans l’apprentissage de mouvementsbalistiques sont très complexes et font appel à des notions de construction del’espace (Paillard, 1976). De ce fait, l’apprentissage consiste à mettre en mémoireune image centrale du mouvement. Elle résulterait de la confrontation d’une part desinformations sur l’espace dans lequel le mouvement s’effectue, et d’autre part, destraces laissées par l’activité motrice et sensori-motrice associée aux mouvementsprécédents (Massion, 1992).L’hypothèse pourrait être que, par comparaison avec ce qui se passe au cours del’ontogenèse, l’apprentissage d’un nouveau geste sportif passe par uneprépondérance momentanée de la contribution visuelle. L’ontogenèse nous apprend

en effet, que chaque fois que l’enfant apprend une nouvelle habileté posturale(station assise, station debout, locomotion, etc.), il existe une prédominance de

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l’entrée visuelle au service d’un nouveau type de contrôle postural (Butterworth etHicks, 1977 ; Woollacott & al., 1987 ; Assaiante & al., 1993). Dans nos études, nousn’avons pas observé la construction d’une nouvelle habileté chez les experts, maissimplement observé leurs performances posturales, une fois devenus experts. Parailleurs, nous avons pu constater, ne serait ce qu’au niveau de l’apprentissage entre

deux séances expérimentales, une adaptation (à court terme) des non experts. Cerésultat significatif exprimé par la diminution du nombre de chutes démontre uneadaptation sensori-motrice à la situation. Sachant que cette adaptation à court termeest le résultat direct d’un entraînement à long terme (Pedotti & al., 1989 ; Massion,1992 ; figure n°2).

Notre hypothèse est d’imaginer deux grandes catégories de stratégies de contrôlepostural. La première correspond à un “gel” des différentes articulations des chevilles

à la tête, afin de traiter le plus rapidement possible les informations prédominantesissues des effecteurs somato-sensoriels de la cheville et d’effectuer une corrélation

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directe avec les informations des autres effecteurs. Ce mode de gestion seraitimputable aux non experts. Le deuxième type de contrôle, plus représentatif desexperts, correspond à un “dégel” des articulations, une liberté segmentaire, lié aucontrôle du centre de gravité (bassin), où nous pourrions concevoir unecomplémentarité des différentes informations sensorielles, évoluant et fluctuant en

fonction de la tâche à résoudre quant à la priorité d’un type sensoriel de surveillance(Figure n°2).Au cours du contrôle postural, statique ou quasi-dynamique, un certain nombred’effets liés à l’entraînement sportif a été mis en évidence, mais il n’est pasimprobable que les effets de cet entraînement soient plus spécifiques des situationsd’équilibre beaucoup plus dynamique. Effectivement, le sportif doit plus souventcontrôler son équilibration en cours de mouvement et donc en dynamique lors de cesmultiples activités motrices et rarement en conditions statiques.Il serait, par ailleurs, intéressant d’étudier une situation susceptible de provoquer unerégression de l’adaptation des sujets experts au niveau de leur performanceposturale. La question qui reste posée est de savoir s’il est possible, dans un tel cas,

de constater une absence de stratégie globale ou segmentaire, l’apparition destratégies spécifiques aux non experts, ou l’adaptation posturale à de nouvellesstratégies. Ainsi, suite à l’entraînement d’habiletés motrices (mise en place decomportements posturo-cinétiques adaptés), est ce que l’individu régresse à sonstade initial et fait une inhibition complète de son vécu, fait-il un transfert de sescapacités adaptatives en fonction de la nouvelle situation (plasticité sensori-motrice),ou bien, s’adapte-t-il entièrement (plasticité corticale du traitement de l’information) ?Un point supplémentaire réside dans la comparaison entre les capacités de contrôlede l’équilibre chez l’enfant et le sujet âgé qui nous permet d’entrevoir des similitudesà la fois dans les caractéristiques des oscillations et dans les réponsesneuromusculaires sous-jacentes du contrôle postural. De même, des chercheursadoptant cette perspective pourraient se demander si certains changementscomportementaux qui interviennent avec l’âge, comme l’altération du contrôlepostural ou la diminution de la vitesse de la marche (Woollacott et Jensen, 1994),sont des stratégies qui s’adaptent aux changements de capacités d’équilibre, ou peutêtre seulement aux changements de la perception des affordances dansl’environnement (Ohlmann, 1990). C’est pourquoi la connaissance du répertoire desprocessus vicariants et de leur mode de gestion permet d’aborder un problèmeessentiel pour le pédagogue comme pour l’ergonome qui est de concevoirl’adaptation non pas simplement par rapport aux situations, mais aussi par rapport àleurs possibilités de variations (Ohlmann, 1990).

CONCLUSION

La coordination des différents espaces à l’intérieur desquels nos activités prennentplace (égocentré et exocentré) nécessite la constitution d’une référence qui ne peutse concevoir sans l’interdépendance de systèmes tels que la sensorialité et lamotricité. Ces deux systèmes sont, de ce fait, inséparables quant à une bonne etcorrecte construction et organisation de l’individu. Notre réalité spatiale ainsidécouverte dépend donc à la fois de notre équipement sensoriel (nos organes dessens), mais aussi de nos instruments moteurs (nos muscles et articulations quimobilisent les parties mobiles de notre corps) et de cette force omniprésente qu’est

la pesanteur. La coordination de ces trois facteurs nous permet d’obtenir uneperception de notre corps et du mouvement de notre corps qui représente

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l’information essentielle pour l’unification de l’espace dans lequel nos activitésprennent place (Paillard, 1987).En conclusion, il est important de rappeler le peu de données bibliographiquesconcernant les effets de l’apprentissage sportif sur le contrôle postural, qu’il s’agissedes effets sensoriels ou des choix stratégiques (Woollacott & al., 1987 ; Berthoz et

Pozzo, 1988 ; Mesure & al., 1997). Nous pensons avoir, dans cette synthèse,contribué à préciser certains aspects de ces problèmes particuliers, sans pouvoirtoutefois répondre aux multiples questions soulevées, tant les activités posturales sesont révélées complexes. Par ailleurs, ce travail a également insisté sur certainessimilitudes entre l’entraînement sportif et l’ontogenèse, mettant ainsi en exerguequelques hypothèses de travail qu’il restera à préciser. Il est donc possible deconsidérer l’ontogenèse et l’apprentissage comme un dialogue permanent entre leS.N.C. et les effecteurs qu’il commande, dans la mesure où au cours de lacroissance les contraintes biomécaniques sont en évolution permanente, ce quiamène le S.N.C. à réaliser nécessairement une adéquation entre ses commandes etl’état biomécanique du système à un niveau de compétence donné.

C’est de la même façon en intégrant les données évolutives des effecteurs et lesréafférences sensorielles qui le renseignent sur les résultats de ses actions que leS.N.C. constitue progressivement un répertoire de stratégies appropriées enréponses aux invariants et aux surprises du milieu dans lequel l’enfant et l’adulte sontamenés à évoluer. Des similitudes ont de même été relevées entre le principe de“sur-entraînement” lié au sport et le principe de “sur-entraînement” nécessaire dansla rééducation pathologique. Nous pensons avoir, ainsi, développé et mis à l’épreuvequelques réflexions et outils d’analyse susceptibles d’étayer et d’argumenter le cadredu contrôle des progrès posturo-cinétiques de patients à rééduquer. Un travailimportant reste néanmoins nécessaire pour préciser les phénomènes d’adaptationssensori-motrices et les bienfaits de l’entraînement sensori-moteur lors de tâchesposturo-cinétiques quotidiennes.

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