12
ENTRETIEN AVEC SVĀMI PREMANANDA - 24 octobre 2015 - Que voyons-nous ? Tout change - Un ou Deux ? UN, la cause de toutes les causes. Deux, engendre l’activité. Le Big-Bang - Le UN et le multiple. Que sommes-nous ? Le UN est caché dans la multiplicité. Âme individuelle et Âme universelle - JE SUIS. Le corps - Dessus-dessous - Le Yoga. Svāmi Premananda Un sage merveilleux à la joie éclatante. Entre 1964 et 1970 Svāmi Premananda résida dans de nombreux ermitages étudiant le sanskrit, le Vedānta et le yoga qu’il pratiqua de façon intense. Entre 1970 et 1973, il demeura au sommet d'une montagne près d’un petit temple dédié à la déesse Durgā dans la solitude totale et le silence. Puis Svāmiji 1 est descendu au village de Ganeshpur près d’Uttarkashi. Depuis 40 ans, il vit dans ce village où il a établi le Shivanandashram pour l’enseignement et le Shivanand Seva Samiti pour des activités caritatives, éducatives et des soins médicaux. Des personnes viennent à l'ashram chaque jour, cherchant soins, aide matérielle, spirituelle et religieuse. Svāmiji ne renvoie jamais quelqu'un les mains vides. Il nous initie au Vedānta à la façon traditionnelle nous invitant à regarder autrement tout ce que nous pensons connaître et à déconstruire nos certitudes jusqu’à vivre la réalité ultime, Dieu. Il lit et commente le Yogavāsiṣṭha, un des écrits fondateurs du Vedānta. Le Vedānta est issu de l’hindouisme ancien qui se consacre à la relation de l’être individuel à l’Etre Universel et la réalisation de la réalité ultime, Mokṣa, la libération. Le Yogavāsiṣṭha est un texte sanskrit composé entre le VIᵉ-VIIᵉs et le XIIᵉs ap. J-C. Le texte se présente sous la forme d'un discours entre Vāsiṣṭha, un grand sage, et le jeune prince Rāma. Cet enseignement est associé à l’Advaita- 1 Svāmiji, un est un maître spirituel. Le suffixe "ji", Svāmiji, marque à la fois le respect et l’affection portée au maître. 1

ENTRETIEN AVEC SVĀMI PREMANANDA · 2017-04-18 · Tout ce que nous voyons est le résultat d’une cause et tout ce que nous voyons sera une cause pour quelque chose qui va arriver

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: ENTRETIEN AVEC SVĀMI PREMANANDA · 2017-04-18 · Tout ce que nous voyons est le résultat d’une cause et tout ce que nous voyons sera une cause pour quelque chose qui va arriver

ENTRETIEN AVEC SVĀMI PREMANANDA- 24 octobre 2015 -

Que voyons-nous ? Tout change - Un ou Deux ?UN, la cause de toutes les causes.

Deux, engendre l’activité.Le Big-Bang - Le UN et le multiple.

Que sommes-nous ?Le UN est caché dans la multiplicité.

Âme individuelle et Âme universelle - JE SUIS.Le corps - Dessus-dessous - Le Yoga.

Svāmi Premananda

Un sage merveilleux à la joieéclatante. Entre 1964 et 1970 SvāmiPremananda résida dans de nombreuxermitages étudiant le sanskrit, leVedānta et le yoga qu’il pratiqua defaçon intense. Entre 1970 et 1973, ildemeura au sommet d'une montagne près d’un petit temple dédié à la déesseDurgā dans la solitude totale et le silence. Puis Svāmiji1 est descendu auvillage de Ganeshpur près d’Uttarkashi. Depuis 40 ans, il vit dans ce village oùil a établi le Shivanandashram pour l’enseignement et le Shivanand SevaSamiti pour des activités caritatives, éducatives et des soins médicaux. Despersonnes viennent à l'ashram chaque jour, cherchant soins, aide matérielle,spirituelle et religieuse. Svāmiji ne renvoie jamais quelqu'un les mains vides. Il nous initie au Vedānta à la façon traditionnelle nous invitant à regarderautrement tout ce que nous pensons connaître et à déconstruire noscertitudes jusqu’à vivre la réalité ultime, Dieu. Il lit et commente leYogavāsiṣṭha, un des écrits fondateurs du Vedānta. Le Vedānta est issu de l’hindouisme ancien qui se consacre à la relation del’être individuel à l’Etre Universel et la réalisation de la réalité ultime, Mokṣa,la libération. Le Yogavāsiṣṭha est un texte sanskrit composé entre le VIᵉ-VIIᵉs et le XIIᵉsap. J-C. Le texte se présente sous la forme d'un discours entre Vāsiṣṭha, ungrand sage, et le jeune prince Rāma. Cet enseignement est associé à l’Advaita-

1 Svāmiji, un est un maître spirituel. Le suffixe "ji", Svāmiji, marque à la fois le respect et l’affectionportée au maître.

1

Page 2: ENTRETIEN AVEC SVĀMI PREMANANDA · 2017-04-18 · Tout ce que nous voyons est le résultat d’une cause et tout ce que nous voyons sera une cause pour quelque chose qui va arriver

Vedānta et au Yoga et explique la nature illusoire du monde manifesté et leprincipe de la non-dualité (Advaita : unité)

Svāmi Premananda : Si Dieu est celui qui fait, alors, ne vous inquiétez pas. Et si cen’est pas Dieu qui fait, qui est celui qui fait ? Si Dieu n’était pas, est-ce que le monde,notre beau monde, serait là ? Que voyez-vous ? Votre vision n’aurait pas de fondement,aucune certitude dans ce que vous verriez. En ce moment je vous vois. Qui êtes vous ?(Et Svāmiji éclate de rire)2. Etes-vous le corps ? Vous pouvez répondre, oui, je suis lecorps. Qu’appelle-t-on le corps alors ? Mais si on regarde bien, il n’y a rien qui puisseêtre le corps. Il y a des parties du corps mais ce que nous appelons "corps", n’existe pas.

- Pouvez-vous me montrer votre corps ? demande-t-il à une personne qui, pourlui répondre, lui montre sa main.

- Vous me montrez des doigts. Je peux dire que ce sont des doigts. Mais où est lamain ? Montrez-moi votre main, touchez toute votre main ? La personne touche lasurface de sa main. Que touchez-vous là : la peau, la paume, les doigts ? La personnerépond "la peau".

- Oui ! Svāmiji glousse puis poursuit. Où est votre main ? Montrez-la moi, touchez-la. La personne répond en faisant un geste englobant : c’est tout cela.

- Alors, si c’est "tout", montrez-moi le tout (rire énorme).Voyez, tout est confus, rien n’est certain, sûr. Concernant tout ce que nous voyons

c’est la même chose. Nous croyons voir quelque chose. Mais si nous regardons bien,même le tissu n’est pas du tissu. Ce sont des fils entrecroisés, mais si nous regardonsmieux ce ne sont pas des fils que nous voyons, c’est du coton. Et le coton n’est pas ducoton, c’est une plante (rire). Mais ce n’est pas une plante... Vous pouvez ainsi, dans toutque vous percevez, continuer à chercher l’origine de chaque élément et ainsi remonterencore et encore. En une seule phrase je peux vous donner la définition de ce mondemerveilleux. C’est quoi ? Ce monde visible est fait de cycles, de cycles de causes etd’effets.

Tout ce que nous voyons est le résultat d’une cause et tout ce que nous voyonssera une cause pour quelque chose qui va arriver. La graine germe et devient petitepousse, la pousse devient feuille, plante, branche, bourgeon, fleur, fruit, graine ànouveau et le cycle se répète. A tout instant de ce cycle tout est en mouvement. Passeulement dans un cas particulier mais pour tout ce que nous voyons. Le livre n’est pasle livre, la montre n’est pas la montre, Quand on analyse et qu’on regarde avec des yeuxclairs... -Svāmiji part dans un grand rire : yeux clairs... Claire... puis reprend- L’expression"les yeux clairs" signifie la vision analytique. Tout ce monde n’est qu’un assemblaged’éléments confus qui se transforment sans cesse et ne peuvent pas être décortiquéstant que l’on n’a pas cette vision analytique. Donc, on ne peut pas dire que ce monde"est", qu’il est cause de quoi que ce soit. Donc, aucune identité, aucune personne nepeut ici être l’auteur de l’action, "celui qui fait". Car au moment-même où il fait l’action,"celui qui fait" disparaît. Il devient le "non-agissant".

2 Le rire de Svāmiji est exceptionnel, tonitruant et communicatif. Tout son être est secoué par ce rirequi semble jaillir du plus profond de lui. En même temps ses yeux pétillent de malice. Et parfois,avant même d’avoir compris son propos, nous rions tous avec lui. Lorsque le sujet est ardu, ce rire ale don de détendre et d’aiguiser l’écoute.

2

Page 3: ENTRETIEN AVEC SVĀMI PREMANANDA · 2017-04-18 · Tout ce que nous voyons est le résultat d’une cause et tout ce que nous voyons sera une cause pour quelque chose qui va arriver

Et pourtant, maintenant je suis dans ce monde visible, je suis aussi sujet auchangement et, de ce point de vue, je ne peux pas être l’auteur de l’action. Alors, qui estl’auteur de l’action ? Au bout du compte, quand on y réfléchit bien, ça ne peut être queDieu. Le travail se fait, l’activité se fait... et nous cherchons un auteur, un responsablepour tout ce qui se fait.

Objectivement nous ne pouvons pas le découvrir. Qui est Dieu ? Où est Dieu ?Comment est Dieu ? Quand est Dieu ? Ces questions n’ont aucun sens. Et si nousremontons et remontons jusqu’à la cause originelle de toute la chaîne d’effets produits,trouverons-nous Deux ou trouverons-nous UN ? Deux choses ou une chose ? Si je suisun petit enfant, puis-je avoir deux pères, deux mères ? Non, une seule cause. La causene peut pas être double. Et là nous arrivons au UN, le UN ultime, qui doit être, quidevrait être et qui EST la cause de toutes les causes. En fin de compte, nous revenonsau UN que nous appelons Dieu. Appelez-le comme vous voulez. Et même si vousl’appelez "chien" ça ne lui fait aucun tort. Appelez-le comme vous voulez, ça lui estcomplètement égal (énorme rire). Il ne peut être qu’UN. Il ne peut pas être double. Voilàcomment le UN est à l’origine de toute chose. Le UN absolu. On abandonne l’auteur del’action.

Voyez la logique : si le UN devient Deux, il n’est plus UN. Mais s’il n’y a pas Deux iln’y a pas d’activité. En fait, il faut être trois. L’auteur de l’action, l’action elle-même et cequi est fait. C’est le substrat de toute activité. Sinon il n’y a pas d’activité possible. Et sile UN ne peut pas devenir Deux, comment quelque chose peut-il advenir. Je vais vous lemontrer pratiquement. (Svāmiji va démontrer avec ses doigts dressés ou repliés).

Le UN c’est la constance, il dresse l’index.Si le UN ne peut pas devenir Deux, il n’y a aucune action possible. Mais qu’est-ce-

que l’activité ? Nous avons déjà vu que les changements sont appelés activité. Quand onest stable, constant, y-a-il une activité ? Non. Mais si je me lève et bouge, si je bouge mamain, si j’ouvre et ferme les yeux, l’activité commence et la stabilité est rompue. L’étatd’équilibre, d’harmonie est perturbé. Mais le UN ne peut pas devenir Deux, donc le UNn’est jamais dérangé. Il reste toujours stable. Le UN ne peut pas être la cause del’activité. Est-ce que vous suivez ? N’hésitez pas à m’interrompre parce que la logiqueest précise. Ce n’est que pure logique. Et comme vous êtes des êtres humains, c’estnotre privilège d’avoir un intellect3 et il faut l’utiliser, sinon nous ne serions que desimples animaux. Les animaux mangent et boivent, ils ont peur, ils dorment et sereproduisent. Nous faisons exactement la même chose. Alors, en quoi leur sommes-nous supérieurs ? Seulement lorsque nous utilisons notre intellect, notre pouvoir dediscrimination nous sommes humains, des êtres supérieurs. C’est de cette façon quenous devons utiliser notre intellect : pour discriminer, analyser toute chose.

Nous sommes donc arrivés au point où nous comprenons qu’il n’y a nulle partaucun auteur de l’action. Le Deux qui produit de l’activité se transformeimmédiatement en quatre, en huit... c’est la loi de la multiplicité. Il n’y a qu’à cette

3 "Dans l’un des systèmes philosophiques de l’Inde, l’homme est composé de différents plans : lessens, le mental et l’intellect (buddhi). (…) L’âme individuelle passe d’un plan à l’autre. Plus l’âme s’élève,plus son expérience est proche de la conscience de Dieu." (John Martin)

Lire aussi sur le site des "Chemins de Shanti" l’entretien avec Chandrananda Mataji du 3 Mars2015 : "Dieu nous a donné le corps, le mental, l’intellect...".

3

Page 4: ENTRETIEN AVEC SVĀMI PREMANANDA · 2017-04-18 · Tout ce que nous voyons est le résultat d’une cause et tout ce que nous voyons sera une cause pour quelque chose qui va arriver

condition que l’activité se produit. Que se passe-t-il avec la bombe atomique ? Le savez-vous ? C’est une réaction en chaîne à partir de la fission d’un atome. Une modificationen chaîne de tous les atomes. Si un seul atome éclate, tous les autres sont amenés à sediviser. Aussi la bombe atomique peut-elle créer énormément de dégâts.

Vous connaissez sans doute la théorie du Big-Bang (grand rire) Il y a eu uneexplosion ! (et Svāmiji continue de rire comme s’il racontait une blague) Il y a eu un son,un bruit. Les philosophes de l’Inde se sont intéressés à cette vibration, ce son. Lesphilosophes occidentaux, eux, se sont intéressés à l’explosion.

Puis-je ajouter quelque chose ? Puis-je vous donner votre carte d’identité ? Puis-je? Vous me le permettez ?Vous êtes un atome dans le processus de confusion et dans le processus

d’explosion. Vous êtes en cours d’explosion.

Maintenant je vais vous donner la vision de l’explosion. L’explosion n’est riend’autre qu’une suite continuelle de changements. Et c’est ainsi qu’est notre monde.Nous sommes tous partie prenante de ce grand processus que nous appelons"Evolution" (énorme rire) .

Mais regardons cela d’un angle un peu différent. Cette explosion peut se direaussi "multiplication". Et la multiplication c’est la propagation (Svāmiji rit encore,entraînant les participants dans son rire. Le silence met un peu de temps à revenir !). Sivous désirez quitter ce monde de propagation, devenez moine et ne vous propagezpas ! Sinon vous resterez désespérément dans le processus d’explosion et de confusionsans que rien ne puisse vous en sortir. Vous êtes pris sans fin dans un filet. C’estdangereux, terrifiant ! C’est sans repos et la source de toutes nos souffrances. Donc, nevous propagez pas, ne vous répandez pas. D’un autre point de vue cela veut dire "resteztranquilles". Pour nous, le sens de la quiétude signifie harmonie et paix absolue. Cen’est possible que dans l’état méditatif. C’est cela que tous les chemins de Yoga, que lessages et les saints nous suggèrent. Vous comprenez donc que dans cet état, il n’y a pasd’action, il n’y a pas d’auteur d’action... vous ne faites rien.

Mes chers amis, rentrez dans le silence complet. Ne voyez pas, n’entendez pas,ne sentez pas, ne respirez pas (grand rire) retenez le souffle pour l’éternité.

Vous pensez peut-être : Quel est ce bonhomme, là, devant nous ? Dire que noussommes venus jusqu’ici pour écouter un type qui nous dit n’importe quoi !

Je vous réponds : vous avez dû vous tromper d’endroit ! Méfiez-vous ! (énormerire) Et attention !!! Je vais finir par vous dire : ne mangez pas, ne marchez pas, neregardez pas... Vous êtes tombés sur un dingue !...

Comme vous êtes là pour une courte durée je ne vais pas seulement commenterun passage du Yogavāsiṣṭha mais plutôt répondre à des questions bien que le livrecontient tout et que nous sommes tous contenus dans cet écrit. Poser des questions estmaintenant le meilleur moyen d’avoir des éclaircissements, d’apprendre quelquechose. Les enfants ne cessent pas de poser des questions. C’est ainsi qu’on apprend.

4

Page 5: ENTRETIEN AVEC SVĀMI PREMANANDA · 2017-04-18 · Tout ce que nous voyons est le résultat d’une cause et tout ce que nous voyons sera une cause pour quelque chose qui va arriver

Donc, allez-y !

Q ? : Vous avez dit "si un seul atome éclate, tous les autres sont amenés à sediviser". A l’inverse, je pensais à des personnes comme Bouddha, le Christ... quinous ont montré le chemin de l’unité. On dit que le Christ est devenu UN etj’entends ici, qu’il manifeste l’unité qui existe dans l’univers pour que nousvivions de cette unité à travers lui.

Le multiple ne peut être trouvé que dans l’unité. Et le UN, l’unité, nous apparaîtmultiple. De toute éternité le UN est vu comme multiple et le multiple est vu commeUN. C’est cela qui est cause de toute confusion, incompréhension et façon de toutmélanger. C’est ce qui est enseigné par tous les grands saints : apprendre à ne plus voirque l’UN et non le multiple. Voir l’unité dans la diversité. On le voit, le perçoit déjà maison ne donne pas de sens à cela. Quand je vous dis "montrez-moi votre main", Quecomprenez-vous et que faites-vous ? Vous me montrez une main mais cette main estcomposée de nombreuses parties. En fait on ne voit de main nulle part. Pour toutechose que nous voyons il faut tenter de voir l’unité qui englobe toute la diversité de cequi la compose. Voilà ce que nous enseignent tous les grands maîtres, tous les saints. Etmême si chacun comprend ce qu’ils enseignent d’une façon différente, d’où lesnombreuses religions, philosophies,... leur enseignement est toujours le même. Laseule issue, le seul chemin pour sortir de cette confusion et de cette multiplicité estd’apprendre à voir l’unité dans la diversité.

Le UN est toujours caché derrière l’apparente multiplicité. Le UN se divise en multiples choses. Mais chaque chose est encore un UN qui se divise à son tour. Dans ce monde relatif nous ne traitons qu’avec cette multiplicité. Sans le trois,

quatre... rien ne peut s’accomplir dans ce monde. Rien ne peut être fait. En mêmetemps, quand cette multiplicité se déploie, nous entrons dans la confusion parce que laconscience de l’unité est perdue. Devons-nous traiter avec la multiplicité ou tenter depercevoir l’unité ? Nous ne savons plus. Par exemple, quand je vous dis "touchez votremain" vous touchez la peau, les doigts, les ongles... mais il n’y a pas la "main". La mainunique n’existe pas. C’est ainsi que l’on entre en confusion avec toutes les choses de cemonde que l’on perçoit, que l’on touche... Alors, que faire ?

Une participante répond :- Voir le UN derrière chaque chose.- Voir chaque chose comme partie du UN.Si l’on veut agir dans ce monde, alors nous agissons avec la diversité, la

multiplicité. Mais si nous ne voulons pas agir dans ce monde il faut traiter directementavec le UN. Le UN avec le UN.

Si je dis que je suis mon corps, laissez-moi être mon corps. Qu’est-ce que celaveut dire ?

Une participante répond :- Identification ?Non, je suis mon corps. Mais au moment même où je bouge ma main, je suis ma

main. (rire) Au moment où j’ouvre mes yeux, je deviens mes yeux... Soyez ce que vous

5

Page 6: ENTRETIEN AVEC SVĀMI PREMANANDA · 2017-04-18 · Tout ce que nous voyons est le résultat d’une cause et tout ce que nous voyons sera une cause pour quelque chose qui va arriver

êtes. Etes-vous le corps ? Qu’êtes-vous ? Soyez ce que vous êtes !

Q ? : Comment savoir ce que nous sommes ?Se poser la question, c’est le chemin ! Alors, menez l’enquête ! Et vous trouverez

la réponse. Qui vous donnera la réponse ? La réponse c’est le JE. Personne d’autre nepourra vous répondre. Quand vous voulez marcher ou quand vous voulez écrirequelque chose, puis-je écrire à votre place et ce que j’écris peut-il devenir votre texte ?C’est vous qui devez écrire ou marcher. Si vous voulez voir je ne peux pas voir à votreplace. Si vous n’ouvrez pas les yeux, comment pouvez-vous voir ?

Posez-vous à vous-même la question. Il n’y a que le JE qui peut la donner. Quandvous voulez marcher quelqu’un peut vous tenir la main un petit moment mais ensuitevous marchez seuls. Quand un petit enfant fait ses premiers pas, sa maman lui tient lamain pour l’aider à avancer. Vous pouvez être un peu aidés. Mais ensuite c’est à vous dechercher : "Suis-je mon corps ?...Non". Alors allez plus loin : "Où est ce corps, qu’est cecorps ? Ce que je vois n’est-ce qu’une partie de ce corps ?..." Et le corps ne peut pas êtretrouvé. "Alors que suis-je ?"...

Si je désire connaître l’heure je regarde la montre. Svāmiji brandit un stylo : - Est-ce que cela est une montre ? Non, alors j’élimine. Il saisit un carnet : - Est-ce que cela est une montre ? Non. Je jette. Il montre un gobelet : - Est-ce que cela peut me donner l’heure ? Non !!! (Et dans grand rire, il continue avec d’autres objets) - On élimine ainsi tout ce qui n’est pas ce que l’on cherche.A un moment donné : Ah ! Voilà la montre (il lève bien haut la montre). Quand on

la cherche, on la trouve et quand on la trouve on la reconnaît. Le processus estd’éliminer tout ce qu’elle n’est pas. Vous connaissez la signification de "éliminer par lanégation". Svāmiji fait un jeu de mots (not getting : littéralement, "négationner") quiveut dire : ne pas avoir ce qui n’est pas. Quand on cherche il faut éliminer, nier. Ainsi onobtient ce qui n’est pas nié. Et une fois qu’on a trouvé on n’a plus besoin de chercherautre chose (rire). Donc, passez par la négation de tout ce qui n’est pas ce que vouscherchez. Et seul, le JE restera.

Q? Si l’âme universelle est éternelle pouvez-vous dire si l’âme individuelle estelle aussi éternelle ; ou si non, quand s’est-elle séparée de l’âme universelle.

Vous demandez, si le UN absolu est éternel, peut-on dire que l’âme individuelleest identique à l’âme universelle. On est forcé de dire oui ! (rire) Pourquoi ?

Svāmiji lève la main doigts écartés : - Combien de doigts voyez-vous ?

Après chaque question directe il y a un petit moment de silence... Dans quel piègeSvāmiji va-t-il encore nous fourrer ? Mais sourire aux lèvres, Svāmiji attend. Alors c’estd’une toute petite voix que l’un d’entre nous répond : - Cinq.

Il garde la main levée doigts écartés.

6

Page 7: ENTRETIEN AVEC SVĀMI PREMANANDA · 2017-04-18 · Tout ce que nous voyons est le résultat d’une cause et tout ce que nous voyons sera une cause pour quelque chose qui va arriver

-Comptez-les. Une personne compte : - Un, deux, trois, quatre, cinq.- S’il manque le Un, peut-on compter Deux sans Un ? Si on enlève Un, il n’y a pas

Deux. Il montre deux doigts. - Combien y en a-t-il ? Deux.En montrant un doigt après l’autre. - Celui ci est Un, celui-ci est DeuxIl baisse le doigt Un. - Si j’enlève Un, peut-on encore dire que celui-ci est Deux ? Pouvez-vous le dire ?Une personne répond : - Non.- Deux est dépendant de Un. Comprenez-vous ? Non, vous ne comprenez pas. Il lève un doigt. - Voilà Un. Puis le baisse. - Il ne peut pas avoir Deux s’il n’y a pas Un. Il lève un doigt, puis un autre. - Deux ne peut venir que s’il y a Un déjà. Deux est dépendant de Un. Si Un n’est

pas, est-ce que Deux peut être ? Vous comprenez ? Deux doigts levés, il rabat le premier. - Si le Un n’existe pas, Deux ne peut pas arriver. Ce sera à nouveau Un. Vous

comprenez maintenant ? De la même façon le monde entier dépend du UN etseulement du UN.

La main levé, il déplie tous les doigts l’un après l’autre : puis les montre et enfin lesrabat l’un après l’autre sauf le Un.

- A partir du UN tous les autres viennent. Ils ont chacun un nom Cinq, Quatre,Trois, Deux. Pour revenir au UN, il faut éliminer les autres l’un après l’autre.

Q ? : Mais à quel moment l’âme individuelle s’est-elle coupée de l’âmeuniverselle ?

Le multiple est vu comme multiple mais en réalité il n’y a pas de multiple. Il n’y ajamais eu de multiple. Notre vision est faussée.

Q ? : Pourquoi n’y a-t-il pas de multiplicité ?- Combien de livres y a-t-il sur cette table ?- Un seul livre.- Pouvez vous me montrer un livre ici ? (attention ! piège!) Ce sont des pages, du

papier, pas un livre !

Q ? : Le concept de livre est-il sur-ajouté ? Le concept du UN cache la multiplicité, et la multiplicité est cachée dans le UN.

Ceci est une page. Pouvez-vous voir la page quelque part ? Non, il y a des lignes, desmots. Pouvez-vous voir vraiment une ligne ? Non. Des mots ? Pouvez-vous voir un seul

7

Page 8: ENTRETIEN AVEC SVĀMI PREMANANDA · 2017-04-18 · Tout ce que nous voyons est le résultat d’une cause et tout ce que nous voyons sera une cause pour quelque chose qui va arriver

mot ? Non, une écriture. Une écriture ? Non, de l’encre...De la même façon le UN est caché dans la multiplicité et la multiplicité est cachée

dans le UN. Quand on abandonne le multiple, on découvre le UN. Et là, que se passe-t-il ? C’est de la haute logique et c’est difficile à comprendre. Je vais vous dire ce qui sepasse.

Quand j’abandonne les pages, ces centaines de pages, (Svāmiji ferme le livre) quereste-t-il ? Le livre, n’est-ce pas ? Il reste le livre. Mais pourtant on ne peut pas trouverle livre. On ne peut pas trouver le concept de livre, ni la forme du livre. Et pourtant,l’existence du livre est là. Pourtant, quelque chose existe bien qui n’est ni le livre, ni lespages, ni le UN, ni le multiple, mais quelque chose existe bien. Pouvez-vous dire quevous n’existez pas ? Vous ? (rire) Et vous ? Personne ne peut admettre qu’il n’existe pas.Mais votre nom n’existe pas, votre forme non plus. Les formes et les noms sonttoujours trompeurs. Ils sont sujets au changement, à la confusion : s’agit-il de Un, deDeux, de plusieurs... Donc on ne peut pas se fier aux noms et aux formes. Mais on nepeut pas nier l’existence. Donc, toute chose existe bien. Et l’existence ultime estreconnue comme UNE. C’est ce qu’on appelle Dieu. Voilà pourquoi et comment l’âmeindividuelle existe bien ; pourquoi elle est UNE avec Dieu. Compris ? Est-ce que l’onpeut dire que l’âme individuelle n’existe pas ? Non, elle est là. L’Existence existe. Etcette Existence UNE imprègne tout ce qui existe. En montrant plusieurs choses autourde lui Svāmiji répète : Ceci est Existence, ceci est Existence... L’Existence imprègne toutce qui est. C’est comme cela. Dieu est toujours présent, toujours existant, imprégnanttout ce qui est. Si moi je suis là, le JE est mal compris L’âme individuelle ne peut pasêtre autre chose que Dieu lui-même. On ne peut pas dire qu’elle n’existe pas. Sil’Existence est Dieu-même qui imprègne tout ce qui est, alors l’âme individuelle estaussi UNE.

C’est à cause d’une fausse compréhension, d’un état de confusion dans lequelnous sommes toujours, que nous mélangeons le UN et le multiple.

L’âme individuelle peut-elle être appelée Dieu ? Il n’y a même pas à se poser laquestion. L’âme individuelle pourrait-elle être comme Dieu ? Non ! Elle est, elle ne peutêtre rien d’autre que Dieu, l’Existence de Dieu lui-même.

Dons, chers amis, vous êtes Dieu. Vous êtes Dieu et il n’y a que Dieu qui existe. S’adressant à une personne : - Quel est votre nom ?- F...- Nooooon ! (grand rire qui entraîne celui de tous). Non, je ne peux pas vous

croire. Je ne vous crois pas ! N’êtes-vous pas Celui qui entend ? Celui qui voit ? Celui quiparle ? Celui qui pose la question ? Comment pouvez-vous dire que votre nom est tel outel ? Vous mentez ! (grand rire) Ne mentez pas, dites la vérité.

Une participante s’adressant à Svāmiji : - Et quel est votre nom ?- Je n’ai pas de nom. JE SUIS, JE SUIS. Mon nom est JE. Un grand JE qui imprègne

tout. Mon nom est Vous, mon nom est Lui, mon nom est le JE absolu.Puis dans un grand éclat de rire en s’adressant à cette participante :

8

Page 9: ENTRETIEN AVEC SVĀMI PREMANANDA · 2017-04-18 · Tout ce que nous voyons est le résultat d’une cause et tout ce que nous voyons sera une cause pour quelque chose qui va arriver

- Et vous ? Quel est votre nom ? Pouvez-vous oser dire avec assurance etfermeté : Je Suis Dieu. Je ne suis pas ce corps. Pouvez-vous le dire ?... Non... Parce quependant toute votre existence vous avez été habituée, entraînée, conditionnée à penserque vous êtes ce corps... Quel dommage !

Dire que je suis ce corps, que je suis Svāmi untel, que je suis bon, mauvais, unsaint, tout cela est faux. Maintenant je vais vous dire un secret. Quand on vousdemande votre nom donnez-le mais intérieurement n’y croyez pas et comportez-vouscomme si vous n’y croyez pas.

S’adressant à une personne : - Quel est votre nom ?- M...- Quand je vous demande votre nom vous me répondez M... Intérieurement n’y

croyez pas, n’y adhérez pas. Dans le monde relatif vous avez besoin d’un nom, c’estfonctionnel, c’est juste une pièce de théâtre, une comédie. Vous pouvez dire jem’appelle M... mais intérieurement pensez continuellement non, je ne suis pas M... Je nesuis pas le corps, je suis en train de mentir et ne peux pas compter sur ces mensonges.

Je vais vous donner un autre exemple. Il y quatre ou cinq ans il y eut un incendieà Mexico qui a provoqué de grands dégâts. Beaucoup d’animaux sont morts et desmilliers et des milliers d’hectares ont été réduits en cendre. Rien n’a pu être sauvé. Est-ce qu’aujourd’hui vous vous sentez désolés ? Non, ça ne vous concerne pas. Vous n’êtesni concernés ni tristes. De plus, au moment où cela s’est passé, c’était loin, en Amériqueet vous étiez en sécurité, vous n’alliez pas mourir donc tout allait bien. C’est commecela que ça fonctionne dans notre vie.

Mais si c’est votre forêt qui brûle, vous allez courir. Mexico est loin, vous n’y êtespas attachés, vous ne vous sentez pas propriétaire, vous n’avez rien là-bas. Mais si c’estvotre enfant qui est à l’hôpital vous êtes sur le qui-vive et faites tout ce qui a besoind’être fait. Pourquoi faites-vous tout cela ? A cause de votre attachement.

Vous comprenez donc que c’est quand on commence à s’approprier les chosesque l’on commence à s’en préoccuper et à s’y associer. Si vos objets sont abîmés, çam’est égal. C’est comme cela généralement. Parfois il y a des exceptions mais engénéral ça fonctionne ainsi.

Vous êtes attachés à vos proches, à ce qui vous est proche, et vous pouvez êtresoucieux et préoccupés. Bien sûr, l’Amérique, vous la portez aussi dans votre cœur maisc’est loin et vous n’avez pas d’attachement.

Alors, revenons au corps. Ce corps, à qui appartient-il ? C’est votre corps ? Oui.Votre mental ? Oui. Mais votre corps et votre mental sont-ils proches de vous ?

Le mental est le même en chacun de nous mais nos noms sont différents. Etnotre corps n’est pas plus proche. Au contraire, il est plus éloigné que notre mental. Lecorps lui aussi a des noms et des formes. Si votre corps possède des noms c’est qu’il estdéjà assez loin de vous. Alors pourquoi vous en soucier ? Laissez-le aller en enfer, iln’est pas proche de vous. Vous n’avez aucun attachement à avoir. Le corps et le mentalsont des objets. Alors, comme le feu à Mexico, il sont loin. Pourquoi ne pas abandonnertout souci de notre corps. Si la forêt brûle là-bas, laissez-là brûler, tant que ce n’est pas

9

Page 10: ENTRETIEN AVEC SVĀMI PREMANANDA · 2017-04-18 · Tout ce que nous voyons est le résultat d’une cause et tout ce que nous voyons sera une cause pour quelque chose qui va arriver

votre maison qui brûle. Mais si votre maison brûle, il faut vous en préoccuper.Pour ce que nous sommes réellement, le corps est éloigné de nous. Le mental est

plus proche. Laissez ce qui doit arriver à votre corps, ne vous en souciez pas. Laissez-lealler dans le feu (rire). Ne vous inquiétez pas. Préoccupez-vous plutôt du mental qui estbeaucoup plus proche.

Mais encore plus près que le mental il y a le Prāṇa4. Alors laissez le mental alleraux enfers et sauvez votre Prāṇa. De cette façon il est toujours possible d’aller plusprès, encore plus près de ce que nous sommes. Et là, on peut rester dans la félicité,Ānanda, qui est ce qu’il y a de plus près de ce que nous sommes.

Dans un grand éclat de rire : Je suis désolé si maintenant vous vous sentez encolère.

Q ? : Mais c’est aussi avec notre corps que nous pouvons accéder à la félicité.Donc je suis surprise d’entendre que nous pouvons laisser notre corps aller dansle feu... Je ne suis pas d’accord. Je ne comprends pas ce genre de propos. Sans lecorps, sans la méditation, je ne peux pas atteindre cet état de félicité. J’ai besoinde prendre soin de ce corps.

Ne soyez pas en colère ! Oui, il faut utiliser ce corps. C’est un instrument. Dans cesens, ce corps est utile pour vous. Alors, protégez-le (rire très haut perché) mais cetteplante est aussi utile pour vous, alors, protégez-là. Tout l’univers est utile pour vous. Sivous voulez prendre soin de votre corps il faut maintenir l’harmonie dans toutl’univers. Bienvenue ! Vous ne pouvez plus vous échapper !

Je suis d’accord avec vous. Mais il faut voir la totalité. Et ça, c’est Dieu. Si vousvoulez maintenir votre corps intact, il faut prendre soin de ce petit doigt aussi. Sauverce petit doigt, sauver le corps tout entier. Et si vous voulez vous sauver vous-mêmealors le devoir obligatoire auquel vous ne pouvez pas échapper, c’est de prendre soinde tout l’univers. Et vous devenez Dieu. C’est ce qu’il y a de plus intime en nous.

Comment peut-on dire que Dieu est ce qui nous est le plus intime ? Svāmijis’étrangle de rire : Mais non, Dieu est quelque part là-haut ! Ou bien il est tout en bas !Où peut-on le trouver ?...

Quand on prend en compte la totalité il n’y a plus de haut ou de bas, ni intérieur,ni extérieur. Il y a ce qui est. Il EST. L’extérieur et l’intérieur, le haut et le bas sont destermes relatifs.

La table est-elle en haut ou en bas ?Une participante :- Par rapport à quoi ?Eclat de rire de Svāmiji qui répète : - Par rapport à quoi ? Par rapport à quoi ? … Par rapport à rien. Car elle ni en haut, ni en bas. De rien. En comparaison de la

terre elle est au-dessus. Et Svāmiji commence à empiler des objets. Ce livre est-il au-dessus ou au-dessous de la table ? Au-dessus. Et maintenant la table est passée sous lelivre. Elle était au-dessus de la terre, maintenant elle est sous le livre. Alors elle est au-

4 Le Prāṇa est l'énergie de vie qui circule, grâce à la respiration, dans les nāḍī (conduits subtils). C'estce corps subtil qui, par l'intermédiaire des nāḍī principaux et des sept centres d'énergie met unepersonne en relation avec la vie divine.

10

Page 11: ENTRETIEN AVEC SVĀMI PREMANANDA · 2017-04-18 · Tout ce que nous voyons est le résultat d’une cause et tout ce que nous voyons sera une cause pour quelque chose qui va arriver

dessus ou au-dessous ? Il faudrait savoir ! Ça n’a aucun sens. Cela n’a de sens quequand on compare.

Si vous avez mille dollars, votre voisin, un million de dollars et moi, un seuldollar. Qui est riche ?... Aucun n’est riche. Et lui (en pointant le doigt vers un autreparticipant) n’a pas de dollar du tout. Alors je suis plus riche que lui, mais plus pauvreque vous. Et vous, vous êtes plus pauvre que votre voisin mais plus riche que moi. Voilàcomment le monde entier peut être compris.

Je vais vous livrer un secret très drôle, très très drôle. Supposez que vous ayez unproblème quelconque et même un problème très compliqué. Par exemple quelqu’unvous fait un procès ; votre société va faire faillite ; quelqu’un vous a agressé, violé ;votre maison a subi des dégâts ; vous n’avez plus rien à manger... Jusqu’à quel pointallez-vous en être affectés ? On a toujours beaucoup de problèmes et on est toujourspréoccupé par quelque chose.

Dans ce cas quel est le remède ?... Ne pas s’inquiéter... Aller rendre visite àquelqu’un qui a plus de problèmes que vous et Svāmiji éclate de rire. Il poursuit enriant : Allez voir quelqu’un dont la maison a brûlé, quelqu’un qui a été mordu par unchien, quelqu’un dont l’ami blessé est à l’hôpital... Allez voir quelqu’un qui souffreencore plus que vous. Comparez vos problèmes aux siens et vous allez pouvoir vousdire "je vais beaucoup mieux, je n’ai pas tant de problèmes que cela finalement" et vousserez consolés !Ça c’est le remède drôle.

Allez voir votre voisin, demandez-lui : "es-tu heureux ?" et il va vous déroulerdes kilomètres de problèmes. Personne sur cette terre n’est sans problèmes. C’est ceque l’on voit tous les jours. C’est une situation habituelle. Alors, pour réduire vosinquiétudes, écoutez les problèmes des autres. Vous aurez un peu de répit !

Svāmiji revient à l’empilement d’objets qu’il a édifié. Maintenant, mes lunettessont-elles au-dessus ou au-dessous de la main ? Le verre est sous les lunettes et sur lebol. Voilà comment on peut comprendre le monde entier.

Q ? En quoi le Yoga contribue-t-il à nous conduire vers l’unité ? Nous avons mal compris ce qu’est le Yoga. En occident, et pour beaucoup

d’Indiens maintenant, Yoga veut dire "postures". Ce n’est pas cela. Dans un sens littéralle Yoga est le facteur unifiant. Yoga signifie "union". Le Yoga fonctionne comme un pont.Vous comprenez maintenant ?

Q ? : C’est tout ? (rires)Yoga est union. C’est comme un pont qui réunit deux extrémités. Le Yoga unit le

monde à Dieu. Le Yoga unit l’âme individuelle à l’âme universelle. Le Yoga unit lemultiple à l’UN. Yoga signifie union. Il nous rapproche de l’UN. Le Yoga prend demultiples voies, de multiples formes pour nous permettre de trouver le chemin del’union à Dieu. Les postures en sont une petite partie. En pratiquant tous les jours lespostures nous pouvons maintenir notre corps sain. Et comme l’a dit Mātaji5, il fautprotéger et préserver le corps pour pouvoir l’utiliser. Nous devons maintenir ce corps

5 Mātaji : nom affectueux que Svāmiji donne aux femmes qui séjournent à l’ashram. Mā signifie mère.Svāmiji s’adresse ici à la participante qui a posé une question concernant le corps.

11

Page 12: ENTRETIEN AVEC SVĀMI PREMANANDA · 2017-04-18 · Tout ce que nous voyons est le résultat d’une cause et tout ce que nous voyons sera une cause pour quelque chose qui va arriver

en bonne santé. Les postures de Yoga aident à cela. Mais aussi le contrôle du souffle quinous aide à conserver l’harmonie, nous permet de rester stables et d’aller vers l’union.Il y a encore beaucoup de choses à dire.

Les techniques du Yoga, dans la voie du Rāja-Yoga comprennent huit parties. Onparle des huit marches du Yoga. Les postures ne sont que l’une de ces huit marches.Finalement le Yoga nous conduit à un état méditatif. Si nous utilisons une image ceserait celle du Yoga qui nous permet de rapprocher le pied de la montagne de sonsommet. Le sommet est UN mais une multitude de sentiers conduisent au sommet. Onpeut grimper au sommet de la montagne par ces petits chemins tracés sur toutes lesfaces de la montagne. Et chacun doit trouver le chemin qui lui convient. Si vous avezune voiture, vous pouvez prendre une bonne route avec des virages bien aménagéspour arriver au sommet. Si vous n’en avez pas, il vous faudra marcher et, s’il n’y a pasde sentier, vous allez devoir vous agripper aux rochers, aux branches... Choisissez votrepropre chemin pour monter. Le Yoga indique ces chemins qui rapprochent le bas de lamontagne de son sommet. Le pied de la montagne est très vaste, très étendu, c’est cequ’on appelle le monde. Au pied de la montagne il peut y avoir des forêts, des buissons,des pierres, du relief, des pentes à grimper ou à descendre et sur le chemin il peut yavoir tout cela. Choisissez votre chemin. Il faut atteindre le sommet et arrivés ausommet vous découvrez tous les chemins. Vous pouvez voir tout autour en un seulcoup d’œil. Vous connaissez tout.

Voilà comment le Yoga nous aide et comment le Yoga est l’union à Dieu.

Traduction simultanée : Claire DagnauxTranscription et notes : Jacqueline Danigo

12