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Revue So Multiples http://www.so-multiples.com. ISSN 1961-9618 n° 01 février 2008 page 1 So Multiples Au-delà de l’œuvre : les livres et les éditions d’artistes comme espaces de documentation artistique Jérôme DUPEYRAT es pratiques de documentation du réel (archivage, inventaire, constat photographique ou verbal, enquête, reportage) sont particulièrement ancrées dans la création artistique depuis les années 1960. Douglas Huebler donne le ton, lorsqu’il énonce sa conception de l’art à la fin de la décennie : « Le monde est rempli d’objets, plus ou moins intéressants ; je n’ai aucune envie d’en ajouter même un seul. Je préfère, simplement, constater l’existence des choses en termes de temps et/ou de lieu […] Parce que le travail se situe au-delà de l’expérience perceptive, sa connaissance dépend d’un système de documentation. Cette documentation prenant la forme de photographies, cartes, dessins, et langage descriptif 1 . » Les livres d’artistes ont été un outil privilégié pour développer de telles démarches, sans doute car le livre est un médium tout à fait approprié à la diffusion d’un art d’information et de documentation. Mais dans les éditions qui seront évoquées ici, c’est une documentation quelque peu particulière qui retiendra notre attention : celle des œuvres d’art. Dès les années 1960, certains artistes ont publié des éditions hybrides, à la fois catalogues, monographies, albums photographiques et livres d’artistes, afin de documenter leurs propres projets artistiques, déjà existants sous d’autres formes. Depuis les années 1990, époque d’un renouveau d’intérêt envers l’édition dans le domaine de l’art, ces éditions sont extrêmement nombreuses. Le terme de « documentaire » étant fortement connoté, il est peut-être préférable de les nommer documentatives. Leurs auteurs et leurs éditeurs insistent généralement sur leur valeur artistique, en ce qu’elles auraient la capacité de prolonger l’existence des œuvres et de traduire l’intentionnalité auctoriale dont elles résultent. Pourtant, de l’espace imprimé à la réalité de l’œuvre documentée et du contexte spécifique pour lequel elle est souvent produite, les différences ne sont pas anecdotiques. Ces publications soulèvent donc de nombreuses questions quant à leur statut, entre œuvre et document. Si certaines restent avant tout des sources d’information, d’autres sont des outils indispensables à la réalisation de l’œuvre ou en sont même indissociables, s’inscrivant dans un projet artistique commun. Dans tous les cas, elles demandent à être positionnées L

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Au-delà de l’oeuvre : les livres et les éditions d’artistes comme espaces de documentation artistique - Jérôme DUPEYRAT. Revue So Multiples http://www.so-multiples.com. ISSN 1961-9618 n° 01, février 2008

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So Multiples

Au-delà de l’œuvre : les livres et les éditions d’artistes comme espaces de documentation artistique

Jérôme DUPEYRAT

es pratiques de documentation du réel (archivage, inventaire, constat photographique ou verbal, enquête, reportage) sont particulièrement ancrées dans la création artistique depuis les années 1960. Douglas Huebler donne le

ton, lorsqu’il énonce sa conception de l’art à la fin de la décennie :

« Le monde est rempli d’objets, plus ou moins intéressants ; je n’ai aucune envie d’en ajouter même un seul. Je préfère, simplement, constater l’existence des choses en termes de temps et/ou de lieu […] Parce que le travail se situe au-delà de l’expérience perceptive, sa connaissance dépend d’un système de documentation. Cette documentation prenant la forme de photographies, cartes, dessins, et langage descriptif1. »

Les livres d’artistes ont été un outil privilégié pour développer de telles démarches, sans doute car le livre est un médium tout à fait approprié à la diffusion d’un art d’information et de documentation. Mais dans les éditions qui seront évoquées ici, c’est une documentation quelque peu particulière qui retiendra notre attention : celle des œuvres d’art. Dès les années 1960, certains artistes ont publié des éditions hybrides, à la fois catalogues, monographies, albums photographiques et livres d’artistes, afin de documenter leurs propres projets artistiques, déjà existants sous d’autres formes. Depuis les années 1990, époque d’un renouveau d’intérêt envers l’édition dans le domaine de l’art, ces éditions sont extrêmement nombreuses. Le terme de « documentaire » étant fortement connoté, il est peut-être préférable de les nommer documentatives. Leurs auteurs et leurs éditeurs insistent généralement sur leur valeur artistique, en ce qu’elles auraient la capacité de prolonger l’existence des œuvres et de traduire l’intentionnalité auctoriale dont elles résultent. Pourtant, de l’espace imprimé à la réalité de l’œuvre documentée et du contexte spécifique pour lequel elle est souvent produite, les différences ne sont pas anecdotiques. Ces publications soulèvent donc de nombreuses questions quant à leur statut, entre œuvre et document. Si certaines restent avant tout des sources d’information, d’autres sont des outils indispensables à la réalisation de l’œuvre ou en sont même indissociables, s’inscrivant dans un projet artistique commun. Dans tous les cas, elles demandent à être positionnées

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au regard des définitions habituelles selon lesquelles les éditions d’artistes sont des œuvres à part entière et non de simples documents sur l’art, des créations originales et non des matériaux secondaires générés par d’autres œuvres dont elles seraient des reproductions ou des commentaires. Nous verrons alors que ces concepts propres à l’analyse des œuvres d’art ne sont pas forcément les plus appropriés à l’objet d’étude dont il est ici question.

Les éditions documentatives : éditions - souvenirs

Ces éditions documentatives trouvent leur origine, entre autres, avec le développement d’un art de performance et de productions in situ chez les artistes des années 1960-70. Ces pratiques artistiques rendent nécessaire leur documentation dans la mesure où elles sont éphémères, où elles ne laissent pas de traces sensibles et sont réalisées en présence d’un public souvent restreint, parfois totalement absent. Ainsi, l’existence de ces œuvres et leur inscription dans l’histoire de l’art sont autant liées, sinon plus, à leurs modes secondaires de visibilité qu’à leur manifestation immédiate. Mais dans les éditions qui documentent ce type de propositions artistiques, des cartes postales jusqu’aux livres, les documents n’ont souvent qu’une fonction de témoignage strictement informative, même lorsque c’est un artiste qui en est l’auteur. Ces éditions sont à l’image des photos-souvenirs grâce auxquelles nous connaissons l’essentiel du travail de Daniel Buren, qui a lui-même à son actif un grand nombre de livres qu’il ne considère en aucun cas comme des œuvres d’art. Ainsi en est-il de Voile/Toile, Toile/Voile2. Ce livre documente un projet réalisé par l’artiste en 1975-76. Daniel Buren avait fait produire des toiles rayées de son outil visuel, en forme de voiles de bateaux. Tout à fait fonctionnelles, celles-ci furent dans un premier temps montées sur de petites embarcations, lors d’une régate organisée sur un lac berlinois. Dans un second temps, elles furent exposées à l’académie des arts de Berlin. Dans ce contexte, elles redevenaient clairement identifiables comme des œuvres d’art. Daniel Buren montrait ainsi que le statut de l’objet était soumis à son contexte de réception. Le livre éponyme du projet se compose d’une documentation photographique, d’une note d’intention trilingue de l’artiste et de deux autres textes, écrits par des témoins extérieurs au monde professionnel de l’art. En guise d’introduction, Daniel Buren adresse l’avertissement suivant au lecteur :

« Toutes les photos reproduites dans ce livre sont des photos-souvenirs, documents d’un travail. Elles ne sauraient d’aucune façon remplacer celui-ci. Elles permettent, au mieux, d’en rendre compte d’une certaine manière et le lecteur doit être averti ici qu’elles faussent également le travail qu’elles sont supposées reproduire, en le réduisant, l’enjolivant, le fragmentant, le cadrant, l’aplatissant3. »

Les reproches que Daniel Buren formule à l’égard de la reproduction photographique

de ses œuvres peuvent être généralisés aux souvenirs d’installations éphémères et aux livres de performances (ceux de Marina Abramovic et Ulay, de Vito Acconci, de Chris Burden, sont parmi les plus significatifs pour ce qui est des artistes « historiques »). Certes, les reproductions photographiques sont des aide-mémoires, mais elles exposent ceux qui

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ont vu les œuvres au risque de leur substituer un souvenir approximatif. Inversement, pour tous ceux qui n’ont pas vu les œuvres, les photographies ne sont pas à même de restituer ce qui est le plus important dans un travail in-situ ou évènementiel, à savoir le contexte spatial, temporel, institutionnel, etc. De l’œuvre à sa représentation, il se produit un changement de système qui fausse sa réception. Ce changement peut apporter matière à un travail artistique, mais le plus souvent, il donne lieu à la conception de catalogues. Néanmoins, certains sont d’un genre particulier : conçus par les artistes eux-mêmes parce qu’ils entendent exercer un contrôle maximum sur la réception de leur travail, ils ont une forte valeur de commentaire sur celui-ci. Ce sont des récits autorisés4, qui attestent du pouvoir des livres en la matière.

Les éditions documentatives : outils de l’œuvre

En revanche, les documents sont parfois absolument nécessaires à la réalisation de l’œuvre ou à l’accomplissement du programme que se fixe l’artiste. Dans ce cas, les éditions sont un support idéal à la mise en place de ses projets, et si elles ne font pas œuvre en elles-mêmes, au moins sont-elles les outils du processus artistique. Days off. A Calendar of Happenings5 (1970), d’Allan Kaprow, est un calendrier composé de quarante-huit planches relatives à divers happenings réalisés par l’artiste. Les pages, généralement plusieurs par action, se composent d’une date de réalisation, d’un titre, d’un script et de photographies en noir et blanc. Souvent, la réalisation de ces dernières est mentionnée dans le script, ce qui leur confère un statut dépassant d’emblée celui du document strictement informatif. Days Off ne prétend pas reproduire l’expérience des happenings, mais de par son contenu et son usage, cette publication tire sa possible valeur artistique de sa capacité à générer de nouvelles formes de discours qui visent la même intentionnalité. Dans son introduction, Allan Kaprow qualifie le contenu de la publication de bavardage (« gossip ») : un bavardage qui se rapporte à des évènements passés mais qui peut encore agir sur le lecteur. Non seulement cette édition documente des happenings qui visent à une fusion de l’art et de la vie, mais de plus, elle produit elle aussi un effet similaire par d’autres moyens : parce qu’elle s’approprie la forme triviale d’un calendrier, parce qu’elle est une création autant visuelle que verbale, parce que chacun peut rejouer les scripts. Car à la manière d’une partition, Days Off est aussi une invitation à reproduire les actions documentées. L’édition qui était alors la trace d’un évènement passé devient un élément générateur pour sa re-production. Allan Kaprow explicite cette possibilité dans une autre de ses publications, Air Condition6 (1975) :

« […] Les photos reproduites ici ne sont pas des documents. Elles sont des illustrations accompagnant le programme verbal et sont intentionnellement neutres pour ne pas confondre le “programme“ avec l’expérience subjective. Ensemble, de tels liens entre texte et image peuvent être lus et joués comme l’équivalent d’un scénario de film ou d’un plan de jeu au football […]7 »

De telles éditions participent pleinement à la démarche de l’artiste. Outre leur valeur documentaire sur des actions éphémères que peu de personnes ont vécues en temps réel,

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elles lui servent à accomplir d’une autre manière le programme qui le guide dans tout son travail : permettre à chacun de confondre l’art et la vie. Autre édition significative de ces ambivalences, Domaine d’un rouge-gorge/Sculpture 1969 (1970), de Jan Dibbets, est quant à elle un outil de publication indispensable à l’œuvre qu’elle documente. Le livre débute avec un manuscrit fac-similé retranscrit dans une traduction trilingue. Jan Dibbets y présente son projet :

« Début mars 1969, je me décidais à faire une intervention dans le domaine d’un rouge-gorge, de la sorte que l’oiseau volât et contrôlât à la fois mon dessin/sculpture. Celle-ci ne peut jamais être vue dans sa totalité ; c’est grâce à la documentation que l’on peut en reconstituer la forme en pensée […] Une fois le travail achevé, je me proposais de tracer la forme du nouveau domaine sur le sol, comme un dessin, au moyen de bâtonnets. Le mouvement de l’oiseau entre les points que j’aurais déterminés constituait la sculpture8. »

Suivent une carte d’Amsterdam et du parc où est intervenu l’artiste, une série de photographies annotées, des schémas et des dessins accompagnés du récit des évènements. Ces documents attestent de l’extension du domaine de l’oiseau par l’ajout de bornes qui l’invitaient à étendre sa zone de vol au fil des jours. Le livre a un statut assez indéterminé : il n’est pas réellement l’œuvre, celle-ci consistant en une sculpture immatérielle qui doit être reconstituée mentalement ; mais le livre est justement l’unique outil qui permet d’assurer cette reconstitution : il permet de publiciser l’œuvre, sans quoi elle serait inopérante. Souvent, ces éditions ne correspondent guère à la définition selon laquelle les livres d’artistes se caractérisent par l’adéquation de leur contenu à la forme spécifique du livre et sont en cela un genre artistique à part entière9. En revanche, elles adhèrent à une autre conception du livre, envisagé non plus comme genre, mais comme médium au service des informations qu’il rend visible et qu’il permet de diffuser. Elles sont l’expression de pratiques artistiques pour lesquelles les questions formelles et l’appartenance à un genre n’ont justement pas, ou peu de sens.

Les éditions documentatives : parties intégrantes d’un projet artistique

Certaines publications sont donc pour le moins singulières : difficile de les catégoriser sans équivoque dans des genres éditoriaux clairement définis, si tant est que cela ait un sens. D’autres le sont d’autant plus que leurs auteurs s’évertuent ouvertement à brouiller la distinction traditionnelle entre œuvre et document, en posant un principe d’équivalence ou d’équité entre ces deux notions. C’est le cas pour nombre d’artistes conceptuels, de land artists et de leurs successeurs plus ou moins lointains. Ainsi, Richard Long considère que toutes les formes de son travail sont « égales et complémentaires10 » : sculptures, cartes, textes et photographies. Countless Stones11 (1983) en est un exemple tout à fait représentatif : ce livre documente une marche réalisée au Népal en compilant soixante-seize photographies en noir et blanc. Celles-ci révèlent des

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chemins linéaires et des arrangements pierreux tels que Richard Long, artiste marcheur, les affectionne. Elles sont reproduites en pleine page, le plus souvent sur la page de droite, parfois en vis-à-vis sur une double page, de sorte à créer un rythme et des séquences dans la lecture. Cette publication, éditée à l’occasion d’une exposition de l’artiste, peut être appréhendée de diverses façons : comme un catalogue relatif à un geste artistique qui s’exprime dans la marche, comme un catalogue de sculptures ready-made rencontrées par l’artiste sur son chemin, comme un livre d’artiste dont l’objet est le récit d’une randonnée au Népal.

Il faut bien noter que les documents ont un statut privilégié dans la démarche de l’artiste, les photographies en particulier. Celles-ci sont tout d’abord la preuve qu’une marche a bien eu lieu, mais elles ne cherchent pas à reproduire cette expérience et proposent plutôt une version seconde de l’œuvre. Pour Richard Long, la photographie n’a pas seulement un rôle d’archive. Elle est un mode d’investigation du réel et des conventions au moyen desquelles il est représenté. D’ailleurs, ce sont souvent des critères photographiques qui guident l’artiste dans son travail de sculpture (importance du point de vue, de la perspective axiale, des principes de cadrage, etc.) et si la documentation de ses œuvres a une valeur « égale et complémentaire » à celles-ci, c’est qu’elles sont conçues pour être restituées sous une forme documentaire. En fait, les livres tels que ceux de Richard Long sont les manifestations d’œuvres « plurielles », au sens où l’entend Gérard Genette. Ce dernier désigne par là les œuvres dont la « pluralité […] procède pleinement d’une intention auctoriale, comme lorsqu’un artiste, après avoir produit un tableau, un texte, une composition musicale, décide d’en produire une nouvelle version plus ou moins fortement différente, mais assez proche et dérivée de la première pour que la convention culturelle la considère plutôt comme une autre version de la même œuvre que comme une autre œuvre12. » Ce type de productions relève d’un régime de l’œuvre que Gérard Genette nomme la transcendance, pour signifier la manière dont l’existence d’une œuvre peut « déborder » l’objet idéal ou physique en lequel elle consiste. Les éditions documentatives relèvent précisément de ce régime, car elles prolongent ou reformulent l’existence des œuvres qu’elles documentent au-delà de leur matérialité ou du moment de leur réalisation éphémère. Et c’est bien ainsi que procède Richard Long. Les documents qui dérivent de ses marches en rapportent le plus important, à savoir les traces laissées dans la nature par l’artiste ou constatées par lui sur son chemin ; ils ont en cela un rapport de proximité suffisamment important avec ce qu’ils documentent pour être considérés comme l’une des versions d’un projet unique : Countless Stones est une œuvre consistant à la fois en la réalisation d’une marche au Népal, en une série de photographies réalisées à cette occasion et en un livre les présentant. Bien des éditions appellent des réflexions similaires. Plus récemment, l’artiste Simon Morris a publié The Royal Road to the Unconscious13 (2003) pour documenter un projet reposant à la fois sur une série de performances et sur leur documentation (vidéos, photographies, expositions et éditions). Ce projet trouve son origine dans la mise en relation de deux livres : L’Interprétation des rêves14 de Sigmund Freud et Le Royal Road Test15 d’Ed Ruscha (1967). Ce dernier livre, réalisé en collaboration avec Mason Williams et Patrick Blackwell, se présente comme le compte-rendu photographique d’une action au cours de

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laquelle la machine à écrire de marque « Royal » d’Ed Ruscha fut jetée par la fenêtre de sa voiture élancée à près de 150 Km/heure sur une autoroute. Les trois comparses parcoururent ensuite le site de la destruction pour récupérer et photographier les pièces dispersées.

Figure 1. Simon Morris, The Royal Road to the Unconscious, York, Information as Material, 2003.

© Simon Morris.

Simon Morris a appliqué à L’Interprétation des rêves le traitement destructeur du livre d’Ed Ruscha, en l’utilisant comme un protocole ready-made pour une série d’actions (découpage des mots freudiens, dispersion en voiture, ramassage) réalisées principalement par ses collaborateurs : ses étudiants du York College, le psychanalyste Howard Britton, les photographes Maurizio Cogliandro et Dallas Seitz, le vidéaste Daniel Jackson, etc.

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Il y a une différence fondamentale entre la proposition de Simon Morris et celle de son aîné : alors que l’action réalisée par Ed Ruscha n’avait d’autre but que d’aboutir à un livre, la sienne connaît d’autres modes de visibilité et elle est signifiante en elle-même (le langage, la délégation de l’autorité et la déconstruction comme processus créateur sont au cœur du travail de l’artiste). Le livre The Royal Road to the Unconscious reprend presque trait pour trait l’apparence du Royal Road Test. De même format (24 x 16 cm), il est relié tout comme lui par une spirale et se compose de photographies en noir et blanc dont la mise en page est fortement similaire. Cette entreprise d’appropriation traduit l’intérêt de Simon Morris pour la matérialité des livres, pour leurs propriétés en tant que forme et en tant qu’objet. Howard Britton, son principal collaborateur, dit que sa pratique artistique commence et s’achève avec les livres : « […] c’est à dire la matérialité des livres – couvertures, couleurs, polices de caractères, dos, reliures, qualité physique des mots, coupés à la fois manuellement et virtuellement, photographies, ponctuation, paragraphes, lignes – mais pas le sens, le contenu du livre16. » Pourtant, l’artiste revendique aussi un art dont le matériau serait l’information – Information as material17 est le nom de la maison d’édition qu’il a fondée à York, en Grande-Bretagne – d’où la nature ambiguë des documents dans son travail. Dans le cas du projet The Royal Road to the Unconscious, la photographie a un statut qui dépasse la seule fonction d’enregistrement : elle est intégrée au projet artistique en tant que pratique qui participe à sa construction. Ainsi, si le livre de Simon Morris se compose pour l’essentiel de reproductions, traces d’évènements passés, il n’est pas, à la différence d’un catalogue documentaire ou d’un livre de performance, le simple constat d’une œuvre achevée. En effet, le fait que la réalisation des photographies et leur mise en page dans le livre aient été déléguées sous la direction du Dr Howard Britton permet un effacement de l’autorité qui est à la base du travail de Simon Morris. Cela lui permet aussi d’intégrer la philosophie psychanalytique à son projet en en faisant une pratique en actes. Plus qu’elles ne représentent un processus artistique, ces photographies instaurent enfin un espace à l’intérieur duquel le lecteur peut reconstituer ce qui a été rompu par l’artiste. À ce titre, le livre est une version du projet, sa version éditoriale, dérivée des performances mais ayant sa propre signification. La distinction œuvre/document devient particulièrement caduque dans ce type de productions. Elle l’est encore plus lorsque Simon Morris réalise des posters associant la documentation photographique de son projet à des textes critiques écrits par le Dr Howard Britton pour des revues d’art ou des catalogues d’exposition (This Man Is Philosophically Irresponsible/Cet homme est philosophiquement irresponsable, poster recto verso A2 plié en livret A3, 2004 ; Sentences on Simon Morris, poster recto verso, 70 x 50 cm, 2005). Pour l’artiste, ces éditions relèvent d’une intention tout à fait similaire à celle qu’il développe dans son livre, et il les envisage comme des œuvres d’art qui contiennent des informations sur son travail. Si de telles éditions ont une valeur artistique en dépit de leur caractère dérivé et documentaire, c’est d’une part grâce à l’usage des documents qui y est fait, mais d’autre part et surtout à cause de la nature des projets qui y sont documentés : ces derniers intègrent leur destinée documentaire à leur réalisation et font de la publication des documents un moment du processus artistique.

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Depuis 1997, Lena Goarnisson18 mène un travail de réflexion collective ayant pour objet la relation à la mort dans la société contemporaine. Memento Mori, titre générique pour toutes les propositions qui s’inscrivent dans ce projet, résulte d’un protocole de base qui se résume à l’échange d’un « plomb » contre le récit d’une mort violente. Les plombs sont des feuilles de métal roulées sur elles-mêmes et sur lesquelles sont inscrits un nom et une date de décès. Par l’acceptation de cet objet médiateur auquel est associé le récit d’une mort tragique, résultant de la violence que l’homme fait à l’homme, des participants peuvent s’engager avec l’artiste dans une relation d’échange (correspondances épistolaires, rencontres, actions communes) qui constitue un cadre structurant pour ce projet. En instaurant une présence symbolique de la mort, Lena Goarnisson entend ainsi questionner les constructions identitaires et culturelles qui se jouent autour de ce sujet tabou, qui est pourtant au cœur de la sphère privée et publique.

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Figure 2. Lena Goarnisson, Memento Mori (« chutes »), Nantes, éd. Joca Seria, 2003.

© Lena Goarnisson.

Memento Mori a suscité de nombreuses publications depuis sa création : cartes postales (éditions cARTed19), tracts, livrets et livres. Parmi toutes ces éditions se trouve un livre éponyme du projet20. Celui-ci est tout à fait représentatif du type d’ouvrages hybrides qui prolifèrent aujourd’hui et pour lesquels le terme éditions documentatives est sans doute le plus justifié, tant ils échappent aux catégorisations habituelles entre livres d’artistes et livres d’art. Memento Mori, le livre, tient à la fois de la monographie, du journal d’artiste, du catalogue raisonné, de l’album photographique et de l’ouvrage littéraire. Chaque section de la publication pourrait être identifiée à l’une de ces catégories clairement définies. Mais considéré dans son ensemble, le livre Memento Mori ne relève pas tant de l’un ou l’autre de ces genres qu’il ne crée lui-même son propre modèle, approprié spécifiquement à la documentation de ce projet hétéroclite. En conjuguant plusieurs langages et plusieurs pratiques éditoriales, Lena Goarnisson conçoit ainsi un modèle intermédiatique, pour reprendre le vocabulaire de Dick Higgins21, modèle qui émerge « entre » divers médiums et divers modes d’expression dont elle propose une fusion conceptuelle. Véritable source d’informations sur le projet dont il dresse une sorte de bilan, ce livre en est aussi un élément constitutif, et ce pour plusieurs raisons : car il est un outil de publication pour un art sans objets et sans spectateurs, reposant seulement sur des relations et des participants ; car le projet se poursuit depuis sa publication et qu’il en constitue ainsi une étape, ayant pu avoir une influence sur son développement (le projet était initialement baptisé Déplacements et c’est lors de la publication du livre que toutes les propositions ont pris le titre générique de Memento Mori) ; enfin, car en perpétuant la mémoire des personnes défuntes qui sont au centre de Memento Mori, ce livre permet à Lena Goarnisson et à ses lecteurs de construire une réflexion sur la mort et sur la place que nous lui accordons, ce qui est précisément l’enjeu de ce projet.

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L’œuvre et son contexte d’existence confondus Ces éditions sont particulièrement difficiles à cerner parce qu’elles atténuent ou effacent la frontière entre les œuvres et le contexte plus général dans lequel s’inscrit leur existence, leur para-œuvre composée de tous les éléments qui permettent leur émergence et leur visibilité. Cette confusion de l’art et de son contexte est un trait significatif de la création contemporaine, ce qu’a bien compris un artiste tel qu’Hubert Renard, qui pousse à l’extrême cette logique en concevant des documents d’archives, des sites web22, des diaporamas et surtout des catalogues d’exposition qui sont les seules manifestations d’une œuvre fictive entièrement construite par ses documents. Cette démarche qui fait s’interpénétrer la réalité et la fiction est motivée par la relation que nous avons avec les œuvres d’art, à l’ère de leur reproductibilité technique et de leur dématérialisation au profit d’un art du discours et de l’information :

« Combien d'œuvres d'art, fameuses ou pas, ne me sont connues que par leur reproduction photographique dans un catalogue ? Combien d'expositions ? […] Combien de fois ai-je dit que je connaissais tel ou tel travail artistique, parce que j'avais lu un article, feuilleté un catalogue, qui le présentait ? Peut-on se contenter de la reproduction, du commentaire ? [...] Cette question, qui n'était peut-être pas aussi pertinente il y a simplement, disons, quarante ans (tout le monde sera d'accord avec moi je pense pour dire que la peinture de Rothko, pour ne citer qu'elle, est impossible à reproduire) devient plus complexe avec l'art conceptuel, évidemment, mais aussi aujourd'hui avec des œuvres qui procèdent plus du sens et du savoir que des sens et du sentiment23. »

Les catalogues d’exposition d’Hubert Renard, outils privilégiés de son travail, sont d’autant plus intéressants que les catalogues sont les documents sur l’art par excellence. Or dans le cas d’Hubert Renard, ces derniers sont en fait des livres d’artiste, puisqu’ils mettent en œuvre la fiction qui caractérise sa démarche artistique. Ils lui permettent de crédibiliser son travail fictionnel en créant son propre système de l’art, avec ses institutions, ses curators, ses critiques d’art, etc. Le travail de l’artiste réside alors dans le détournement et l’imitation du genre catalogue : son contenu critique et scientifique, ses tendances en matière de graphisme, de hiérarchie des informations, de mise en page du texte et des images. Ainsi, le catalogue du Centre Limousin d’Art et Culture24 (1984-1994), institution dont le nom suffit à évoquer le souci de décentralisation et de démocratisation culturelle des années 1980, a la sobriété et l’économie de moyens d’une institution régionale fraîchement créée. Derrière une couverture on ne peut plus simple, les reproductions d’œuvres se succèdent à raison d’une par page, le plus souvent en noir et blanc, accompagnées de leur légende et parfois de citations ou de propos de l’artiste. Ce corpus est introduit par une préface et un texte critique ; l’ouvrage s’achève sur une biographie de l’artiste. C’est là le contenu traditionnel d’un catalogue d’exposition. À l’inverse, Stille Gesten25 (1991-2001) est un bel objet visuel et graphique qui se veut manifestement l’imitation d’un type de publications omniprésent depuis les années 1990, époque supposée de sa publication : le catalogue-livre d’artiste, produit dérivé d’une exposition qui cherche souvent à ressembler à une production artistique de par son identité

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visuelle, comme s’il y avait un style livre d’artiste – ce qui n’est bien évidemment pas le cas. Stille Gesten alterne de multiples documents : des photographies en noir et blanc représentant des espaces spacieux et immaculés, visiblement l’espace d’exposition avant l’accrochage des œuvres ; des schémas de sculptures-mobiliers et des photographies couleurs en pleine page de plantes bourgeonnantes vues en gros plan, sans doute les œuvres de l’exposition. Jusqu’à sa couverture dont les habituelles informations paratextuelles (titre, éditeur, etc.) ont été rejetées sur une page intérieure, ce livre tend à s’affirmer comme une succession d’images, sans légendes ni commentaires.

Figure 3. Hubert Renard, Stille Gesten, Krefeld, Kunsthalle, 1991 [Rennes, éd. Incertain Sens, 2001].

© Hubert Renard.

En relativisant et en subvertissant le caractère soit disant objectif et informatif du document, en en faisant un matériau premier et non second par rapport à l’œuvre, Hubert Renard offre l’exemple le plus éloquent du potentiel créatif propre à toutes les pratiques de documentation. Sa démarche montre à quel point il ne s’agit pas d’une activité de constat mais d’une écriture partiale, offrant un espace pour le commentaire comme pour la création artistique.

La mise à mal des outils d’analyse habituels Aux éditions documentatives correspondent divers usages des documents : tantôt comme indices objectifs, comme traces d’un évènement passé ou d’un objet achevé, tantôt comme matériaux artistiques pour la construction d’une œuvre nouvelle. Dans la plupart des cas, ces usages ont tendance à se confondre. La publication des documents participe alors à la construction d’un projet artistique dont ils proposent des variations sous une forme éditoriale ou dont ils sont des annexes indispensables. Il est difficile de conceptualiser ces possibilités à l’aide des critères de définition et de jugement qui sont traditionnellement ceux de l’esthétique, de l’histoire et de la critique d’art –fut-il contemporain. Or, c’est bien là qu’est l’intérêt de ces publications : on ne peut les

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évaluer à l’aune des outils d’analyse habituels alors que leurs auteurs tentent de brouiller les frontières entre œuvre et document, entre original et reproduction, entre création et commentaire, entre production et interprétation, entre les rôles de l’artiste, de l’archiviste et de l’historien. De telles éditions appartiennent à un domaine intermédiaire entre l’œuvre et la non-œuvre, et peuvent nous mener à invalider cette distinction au profit d’un domaine plus large, englobant tous les produits d’une activité artistique. Cela semble s’imposer dans le cas de certaines démarches qui se caractérisent autant par les objets ou les actions données à voir que par leurs conditions de réalisation, leur discours et leurs modes de visibilité. Ce n’est plus alors l’œuvre et les documents qu’il faut distinguer, mais plutôt diverses utilisations des documents au sein d’une démarche artistique unique et divers états ou moments de l’œuvre, envisagée en tant que concept ou que processus. Jérôme DUPEYRAT Jérôme Dupeyrat (www.jrmdprt.net) est titulaire d’un master en histoire et critique des arts et prépare un doctorat en esthétique. L’étude des éditions d’artistes est au centre de ses recherches : Documentation artistique et stratégies éditoriales : Pratiques de documentation dans les livres et les éditions d’artistes, mémoire sous la direction de Valérie Mavridorakis, Université Rennes 2 Haute Bretagne, 2007 ; Places et rôles des éditions d’artistes dans les stratégies d’exposition contemporaines, thèse en préparation sous la direction de Leszek Brogowski et d’Anne Mœglin-Delcroix, Université Rennes 2 ; Coadministrateur du site Internet unlimited edition (www.unlimitededition.net) ; membre de la République Bananière (www.republiquebananiere.net). Il collabore aussi de façon régulière aux revues Hors d’œuvre et Multiprise et participe actuellement à la création de la revue 2.0.1., Revue de recherche sur l’art du XXe et du XXIe siècle (www.revue-2-0-1.net).

1 « The world is full of objects, more or less interesting ; I do not wish to add any more. I prefer, simply, to state the existence of things in terms of time and/or place (…) Because the work is beyond direct perceptual experience, awareness of the work depends on a system of documentation. This documentation takes the form of photographs, maps, drawings, and descriptive language. » Douglas Huebler, January 5-31, 1969, New York, Seth Siegelaub, 1969, n. p.

2 Daniel Buren, Voile/Toile, Toile/Voile, Berlin, D.A.A.D., 1975. 3 Ibid., n. p. 4 Cf. Jean-Marc Poinsot, Quant l'œuvre a lieu : L'art exposé et ses récits autorisés, Genève, Musée d'art

moderne et contemporain ; Villeurbanne, Institut d'art contemporain, 1999. 5 Allan Kaprow, Days Off. A Calendar of Happenings, New York, The Junior Council of the Museum of

Modern Art, 1970. 6 Allan Kaprow, Air Condition, Los Angeles, autoédité, 1975. 77 « The photos reproduced here are not documents. They are illustrations accompanying the verbal

program and are intentionally neutral in order not to confuse “program” with subjective experience. Together such text-picture linkages can be read and enacted as the equivalent of a film scenario or football game plan. » Allan Kaprow, Ibid., n. p.

8 Jan Dibbets, Roodborst territorium/Sculptuur 1969. Robin Redbreast’s Territory/Sculpture 1969. Domaine d’un rouge-gorge/Sculpture 1969. Rotkehlchenterritorium/Skulptur 1969, Cologne, Walther König ; New York, Seth Siegelaub, 1970, n. p.

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9 Voir principalement : Anne Moeglin-Delcroix, Esthétique du livre d’artiste, 1960-1980, Paris, Jean-Michel

Place, BNF, 1997 ; Clive Phillpot, « Book Art Digressions », Artists’ Books, Londres, Arts Council of Great Britain, 1976, pp. 17-49.

10 Richard Long, « Words After the Fact », in Touchstone, Bristol, éd. Arnolfini, 1983, n. p. Cité et traduit dans Anne Mœglin-Delcroix, Sur le livre d’artiste, Articles et écrits de circonstances (1981-2005), Marseille, éd. Le mot et le reste, coll. « Formes », p. 301.

11 Richard Long, Countless Stones, Eindhoven, Van Abbemuseum, 1983. 12 Gérard Genette, L’œuvre de l’art, Immanence et transcendance, Paris, éd. du Seuil, coll. « Poétique”,

1994, p. 188. 13 Simon Morris [en collaboration avec le Dr Howard Britton, Maurizio Cogliandro, Daniel Jackson, Dallas

Seitz], The Royal Road to the Unconscious, York, Information as Material, 2003. 14 Pour l’édition utilisée par Simon Morris : Sigmund Freud, The Interpretation of Dreams (1899), Londres,

Penguin Books, 1985. 15 Edward Ruscha, Royal Road Test, s.l. [Los Angeles], autoédité, 1967. 16 « (…) which is to say the materiality of books – covers, colours, typeface, spines, bindings, the

physicality of the words, cut up both manually and virtually, photographs, punctuation, paragraphs, lines – but not the meaning, content of the book. » Howard Britton, « Sentences on Simon Morris », East International 2005, Norwich, Norwich School of Art & Design, 2005, pp. 100-103.

17 Cf. www.informationasmaterial.com. 18 Cf. www.assoate.infini.fr. 19 Cf. www.carted.free.fr. 20 Lena Goarnisson, Memento Mori, Nantes, éd. Joca Seria, 2003. 21 Dick Higgins, « Intermedia », foew&ombwhnw, New York, Something Else Press, 1969, pp. 11-29.

Traduit dans Nicolas Feuillie (éd.), Fluxus Dixit, une anthologie, vol.1, Dijon, Les presses du réel, coll. « L’Ecart Absolu », 2002, pp. 201-207.

22 Voir principalement http://hubrenard.free.fr. 23 Hubert Renard, texte pour le livret de l’exposition Critique et Utopie - Livres d'artistes (commissariat :

Anne Mœglin-Delcroix et Leszek Brogowski), La Criée centre d'art contemporain, Rennes, 12 janvier - 10 février 2001, livret non paginé.

24 Hubert Renard, Hubert Renard, Limoges, Centre Limousin d’Art et de Culture, 1984 [Paris, Hubert Renard, 1994].

25 Hubert Renard, Stille Gesten, Krefeld, Kunsthalle, 1991 [Rennes, Éditions Incertain Sens, 2001].