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esprit de bière un projet de film de claudio pazienza

52 minutes, sup 16 mars 1999

kòmplot films etc … sprl 52, rue d’artois – 1000 Bruxelles

tél 02 502 52 94 fax 02 502 85 32

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synopsis

Radiographie d’un verre de bière,de l’homme qui le boitet du décor où celui-ci a décidé de l’avaler.

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note d’intention

« Aux mines de sel de Salzbourg, on jette, dans les profondeurs abandonnées de la mine, un rameau d’arbre effeuillé par l’hiver ; deux ou trois mois plus tard on le retire couvert de cristallisations brillantes : les plus petites branches, celles qui ne sont pas plus grosses que la patte d’une mésange, sont garnies d’une infinité de diamants, mobiles et éblouissants ; on ne peut plus reconnaître le rameau primitif » ( Stendhal, De l’amour, Ch. II). J’associe volontiers le processus de la pensée à cette citation. Méconnaissable et transformée, la pensée se recouvre d’histoire(s) et de vécu(s). Impossible, pourtant, de savoir comment elle a surgi, comment elle s’impose à nous. Impossible également – dans mon cas – de savoir comment me défaire de quelques unes d’entre elles. Une en particulier est d’une insistance quasi comique : celle qui veut que l’exercice même de la pensée soit une nécessité. Je vis donc cette nécessité comme un jeu menant à un « gai savoir ». Un parcours conduisant à une forme d’accomplissement, de bien-être. Gai veut dire, ici, ludique, jouissif, contagieux, envoûtant. Bref : leurre ou pas leurre, la quête qu’une pensée enclenche est indissociable de l’acte même de filmer. Leurre ou pas, un film à faire, c’est faire en sorte qu’une pensée soit en mouvement. C’est en partie la raison pour laquelle j’associe volontiers le cinéma à une machine à penser. Qu’est-ce au juste ? C’est pratiquer le cinéma de manière telle qu’il devienne un outil. Un outil qui va permettre, certes, de donner à voir le résultat d’une

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recherche, d’un déplacement, mais aussi (et je dirais surtout) il va permettre d’accéder à une forme de connaissance qu’il serait plus difficile d’atteindre autrement. Cet outil va (me) permettre de donner un nom à la complexité qui m’assaille dès que je lâche le regard et l’esprit, dès que regard et esprit se promènent sur leur sujet, sur l’Histoire et sur le désir de quelque chose. Cet outil va (me) permettre de donner un nouveau nom à quelque chose jusque-là dense et brumeux. Ceci me mène à penser que tout sujet est (aussi) un prétexte. Tout sujet porte en lui un deuxième sujet. Un sujet invisible et virtuel, certes, mais essentiel : celui de la démonstration qu’une pensée est possible. Et que penser est - comment dire ? – salutaire. Que penser – pourquoi pas ? - permet de concevoir le monde non comme une chose finie et aboutie qu’on subirait tel un destin, mais comme une chose à inventer sans cesse.

Il est des sujets qui portent mieux que d’autres mes pensées. Il est des sujets qui, de premier abord se donnent à voir tout en ne cachant pas l’autre sujet. La bière en est un. Je bois de la bière et m’en sers souvent en cuisine (ce qui n’est certainement pas un argument suffisant pour avoir envie d’écrire un film). Je commence même à avoir une discrète culture de bièrologue. La bière, on la fréquente quotidiennement. Même si on n’en boit pas, on sait de quoi il s’agit. On pourrait grossièrement parler d’une substance jaunâtre souvent amère, d’un liquide qu’on peut diluer avec de la grenadine ou de la limonade. Accessoirement on pourrait même plonger un verre de genièvre dans une grande pils, pour que celle-ci devienne un sous-marin. D’autre part, en parlant de bière, on imagine un certain folklore, on visualise les étiquettes des bouteilles, les chopes en céramique couvertes de bas-reliefs. Parfois on découvre par hasard (et ça étonne toujours tout le monde) qu’en Mésopotamie et en Egypte, aux temps des pharaons on en buvait une quantité non négligeable (une quantité probablement inférieure à la moyenne belge de l’année 1997: 102 litres par habitant). Bref : quand on prononce le mot « bière » on voit et on sait de quoi on cause. Et – en même temps, j’en suis convaincu - on ne voit pas du tout de quoi il est question, on ne sait pas du tout ce qu’on avale.

Cette simple constatation (j’avale sans savoir ce que j’avale) pourrait devenir une fabuleuse métaphore de notre temps. Or, dans ce travail, dans ce film, il sera certes question de savants dosages entre eau, orge, houblon, arômes divers etc … pour savoir ce qu’un buveur avale vraiment, mais il sera aussi question de cette métaphore et des ramifications que la métaphore induit. Si je regarde intensément un

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verre, que pourrais-je voir d’autre (autre que le liquide, autre que la chimie, autre que la dimension économique, autre que l’aspect sociologique) ?

J’y vois par exemple – cyniquement, oui – 1/50ème d’homme. Un Homme qui, réduit à la plus essentielle de ses composantes (l’eau), aurait décidé de faire valoir l’ultime valeur marchande qu’il représente. Transformé en bière, c’est ainsi qu’il ferait un dernier tour de piste…J’y vois Pasteur (et ses levures) qui est un contemporain de Marx (et ses luttes de classes)…

On pourrait voir aussi, toujours dans ce même verre de bière, un cycle. Le cycle d’éléments (d’ingrédients) qui se transforment et donnent naissance à autre chose. Ce cycle rappelle en quelque sorte aussi le cycle (vie / mort) de l’homme. L’homme en tant que sujet en devenir (en chaire et en os) et l’homme en tant que sujet qui – en devenant – ne cesse de se repenser, de (se) transformer.

D’une certaine manière, la bière parle de son temps, de ce temps-ci. De l’ici et du maintenant. Même dans sa banalité, dans sa « quotidienneté » elle recèle en filigrane ce que tout « grand événement » dit sur nous, comme fait tout signe. Voilà une des hypothèses que le film veut mettre à l’épreuve. Le désir de me servir de cette substance pour développer et partager une pensée n’est donc pas innocent.

Ce sont les qualités et les caractéristiques de ce signe-là qui maintenant me semblent rassembler le plus d’atouts pour parler d’une époque. Je m’explique.

Sujet d’une frivolité apparente, la bière en cette fin de siècle n’est souvent télégénique que par sa capacité d’asseoir autrement les discours identitaires. On pourrait ainsi déceler la manie de faire boire – par l’intermédiaire d’un verre de bière - une séquence d’histoire, un sentiment d’appartenance à un terroir, à une communauté aussi vieille qu’une Stella (Anno 1533). Le retour en force du discours sur ce qu’on pourrait appeler « le lignage de l’homme et sa soif d’origine» trouve dans la bière un allié efficace et redoutable. De même, l’imagerie autour de l’objet « bière » semble vouer un culte tant au savoir-faire des brasseurs qu’un culte au passé tout court.

La bière « dit », me « parle » car, comme exposé plus haut, elle est à la fois immédiate dans son message (Je suis là, blonde, voluptueuse, … avale moi !) et détentrice d’une caisse de résonance qu’on ne soupçonne pas. L’exemple de sa télégénie est une des nombreuses manières de l’illustrer.

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Le film, ici, entend permettre de faire découvrir une partie de cette caisse de résonance (n’en déplaise aux œnologues ) mais entend aussi faire l’analyse d’une attitude qui se révèle et qui se manifeste (entre autres) à travers la bière. Une attitude qui, elle (je me répète) parle intensément de notre époque.

Quelle est cette attitude ? C’est celle qui consiste à dire que n’existe que ce qu’on voit, que ce qu’on perçoit. C’est celle qui consiste à dire que le réel, c’est la perception du symptôme, pas l’analyse des causes (causes que l’œil, lui, ne voit pas). C’est celle qui consiste à dire que si le goût est bon pourquoi vouloir s’encombrer de la structure chimique.

Pourquoi donc s’évertuer à parler de la bière sous son aspect visible (chimique, économique, historique …) ainsi que sous ses aspects moins visibles (l’histoire, le mythe, ses cycles) ? Pourquoi vouloir tisser une pensée qui, s’appuyant sur le sujet « bière », parlerait d’un présent ?

Essentiellement parce que : a) c’est la manière qui me semble la plus adéquate et

juste de raconter un sujet b) c’est une invitation à penser la complexité que l’objet

« bière » recèle au-delà de son apparence. La bière est, ici, à la fois sujet et objet. A la fois substance « analysée » et substance « prisme » permettant de faire glisser cette « manière de regarder » sur d’autres objets.

Le film veut donc mettre en place un dispositif qui par des glissements progressifs et ludiques, par des rapprochements incessants et par une ramification étudiée permette de parler d’un temps présent, des contours d’un homme en quête d’altérité.

Ceci implique nécessairement une pratique qui ne saurait se passer d’allers-retours. Allers-retours entre écriture et tournage. Allers-retours entre tournage et montage. Allers-retours entre montage de l’image et montage du son.

Résumons :

« Esprit de bière » choisit la bière comme un éminent prétexte à regarder intensément un objet, une substance, une matière, une époque. Que voit-on si on regarde une chose aussi banale qu’une bière ? L’accent sera mis autant sur la bière (la substance) que sur l’acte de regarder.

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L’analyse de ce contenu doit permettre autant de découvrir une vérité (chimique, biologique, sociologique …) que de dégager des récurrences, des cycles dans les processus du brassage et dans notre vie.

L’accent est mis autant sur les étapes du brassage que sur la volonté de décomposer, de rapprocher, de monter entre elles des images et des sons. Ces rapprochements doivent – eux – permettre de parler d’un temps présent, d’une certaine tendance à.

Tout en cherchant une réponse à la question posée plus haut (Que voit-on si on regarde une chose aussi banale qu’une bière ?) la ramification de l’enquête introduira une autre question, à savoir : Pourquoi avale-t-on (en l’occurrence une bière) sans vouloir savoir ce qu’on avale ? Pris au pied de la lettre, cette question mérite l’intervention d’un maître brasseur, d’un nutritionniste, d’un psychologue, d’un neurologue, d’un biologiste. Sous son aspect métaphorique, par contre, la question interpellera des philosophes, un politologue, un chef de parti, un urbaniste, un antique militant (…).

Tout ceci, finalement, pour répondre à une question qui précède toutes celles écrites ci-dessus et qui me revient à l’esprit sans cesse : « Comment donc questionner et raconter, là, maintenant, mon époque, une époque en fermentation ? ».

Quel forme donc donner à ce voyage dont les bornes ont été énoncées ci-dessus ? Quel en est le langage ?

Vouloir parler, là, en bière (comme on parle en français ou en musique) n’est pas pour moi une « bizarrerie » mais un détourpour placer autrement l’HOMME au centre du regard et trouver un ton. Un ton qui décrit le mieux ses affres et ses désirs.

C’est en partie pour cette raison qu’un des titres de réserve de ce film pourrait être « Pamphlet à la bière ».

Il ne s’agit d’autre par nullement de donner une pente « humanitaire » à cette enquête ni de se voir remplir un rôle détaché de rapporteur, d’enregistreur du réel, de chantre de la mémoire (concepts fourre-tout, casse-gueules et ambigus, voire casse-pieds) qui va de paire avec le cynisme marchand ambiant que je perçois, soucieux – lui - de l’effet spectacle de ce même réel.

Il s’agira plutôt de donner à voir et sentir un désir d’altérité plutôt que laisser parler le réel de (par) lui-même.

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synopsis (2)

Ce deuxième synopsis (plus étendu) se présente comme un résumé du parcoursà faire. La structuration en chapitres permettra de mieux percevoir les ramifications du récit ainsi que les rencontres à faire. Ces chapitres ne ponctuent pourtant pas d’une manière nette le film mais doivent permettre de mieux comprendre le rayon de son enquête.

1) Où l’on parle du trajet de la bière : description ironique mais détaillée et fiable du trajet que fait un verre de bière avant d’être évacué par les orifices et par les moyens les plus divers. Les rencontres avec un neurologue et d’autres spécialistes permettront de voir comment l’alcool modifie la perception, le toucher (…) et e définir un peu mieux les frontières entre état d’ébriété et état de normalité.

2) Où l’on parle de la certitude que l’homme n’est pas que poussière mais aussi eau et, à fortiori, un peu vapeur. Un homme découvre ainsi que – étant constitué d’une quantité non négligeable d’eau – il n’échappe pas au cycle planétaire de celui-ci. Après mûre réflexion, il se rend compte qu’on peut faire d’étranges rencontres historiques dans un verre de bière.

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3) Où l’on expose comment faire sa propre bière avec l’eau dont on est constitué et comment ne pas réussir sa recette. Ce qui pousse à mieux étudier les levures et à se rendre compte qu’il en existe – des levures - qui se déplacent à l’aire libre mais pas par tous les temps.

4) Où l’on prétend que la bière, c’est l’histoire d’une rencontre et où l’on prétend aussi que toute vraie rencontre transforme. L’eau – y dit-on – transforme l’orge ; l’alcool transforme une cellule ; un projet politique transforme une ville. Une idée transformerait-il un homme ? Longue conversation avec le philosophe français Michel Onfray.

5) Où l’on se questionne sur la distance qui sépare le désir d’altérité du désir d’hilarité et sur les raisons qui font qu’on avale tant de liquide. Soif de quoi ? Question à laquelle il est difficile de répondre sans faire intervenir un poète.

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prémisses à la lecture d’un début de traitement

ce qui suit est, certes, un traitement mais il ne doit pas être considéré comme inébranlable ni comme achevé. L’utilité de ce texte est à rechercher dans la volonté de rendre visible et palpable – à ce stade-ci du travail - l’idée que je me fais des ramifications et des entrelacs. On n’y trouvera pas tous les intervenants.

une voix off sobre et dépourvue d’emphase accompagne les images. Parfois la voix les décrit. Parfois elle joue en contrepoint. Elle s’éclipse si nécessaire, c’est à dire si un silence s’impose, si la musique s’installe ou si les voix d’autres intervenants prennent le relais. Cette voix n’utilise pas un pronom impersonnel mais choisit de mener le récit en se servant du pronom « il ». « Il est sorti de chez lui à quinze heures », « Il a fait sa lessive un dimanche après-midi ».

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Le film mélange images prises sur le vif , mises en scène en décors naturels et en studio, de l’image par image, archives filmées (actualités, archives historiques et scientifiques) ainsi que des archives photographiques.

L’équipe de prises de vue sera composée de 5-6 personnes. Ponctuellement une ou deux personnes en plus permettront de mieux aborder le travail en studio. L’ingénieur du son n’est pas tout le temps sur le plateau. Un montage son de deux semaines est prévu.

La musique sera prise dans un répertoire de morceaux existants : Kagel, Gershwin, Villa Lobos, Prokoffiev,

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traitement

Noir Générique de début

Esprit de bièreNoir

Apparaît à l’écran le texte suivant :

(1)faire de la bière

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Noir

Sortie d’ouvriers d’une usine. (Archives RTBf). Son d’un métronome. Détails de l’usine (Archives RTBf). Détails de cette même usine (mêmes angles de prise de vue, même lumière) trente ans plus tard. Tic … tac. Un ciel nuageux (nuages peints tirés d’un tableau). Puis des vrais nuages. Et un vrai métronome. Tic …… tac. Des intervalles sonores longs. Détails d’une fenêtre à carreaux où on lit à l’envers « café ». Dehors dans la rue, des silhouettes d’hommes qui se dirigent et viennent vers l’intérieur. D’autres silhouettes passent à l’avant-plan. Succession quasi abstraite de tâches de couleurs (manteaux, cheveux, chapeaux). Tout ceci au rythme du métronome. Tic tac. Succession de détails : doigts qui tiennent un verre, portefeuille en cuire usé ouvert et posé sur une table, sous-verre en carton absorbant de l’écume, cartes de jeu amassés… Tic tac. Le rythme du métronome s’accélère (et introduit du coup une musique de Mauricio Kagel).

Tic : un poulet vivant debout sur un appui de fenêtre. Tac : le poulet visiblement mort sur une des tables du bar. Tic : le poulet nettoyé suspendu par le cou.

Dans ce même « café », autour d’une table, trois hommes regardent l’intérieur de la bouche grande ouverte d’une quatrième personne comme si un trésor s’y cachait.

Voix off: Elle est entrée par là … puis elle est

descendue ….

Mouvement allant de la gorge (qui déglutit) au ventre d’un HOMME d’une soixantaine d’années.

Voix off : …elle s’est reposée brièvement là ….

Le ventre de l’homme bouge, gonfle, dégonfle, respire. Brouhaha du café, puis un bref silence ...

… avant de descendre encore plus bas, d’ hésiter, de flotter, de s’infiltrer, de ballonner, de s’agiter, de s’évertuer ( …)

Sur ce texte (à compléter) et ce ventre de l’HOMME, une succession en fondus rapides de planches anatomiques récentes puis, successivement, des planches de plus en plus anciennes. Les dessins montrent clairement le trajet de l’œsophage allant de la bouche à l’intestin. Le même trajet de l’antiquité à nos jours. Derrière ces

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mêmes planches, en transparence, un dispositif « naïf » fait de tuyaux en plastic donne à entrevoir le trajet d’un verre de bière, le trajet de tout liquide dans les intestins.

… et avant de sortir par ici.

Sexe (détail) de la statue en marbre d’un homme.

Un HOMME nettoie ses moustaches couvertes de la mousse d’une Guinness.

Il est donc entré par là …

Un HOMME entre dans un bar. On aperçoit une partie de son épaule et – au-dessus de la porte, accroché au chambranle – une clochette. La clochette bouge (son perçant) … deux verres se touchent (autre son) … un décapsuleur décapsule une bouteille (autre son ) ….

… un peu comme ces sons rentrent par cet orifice…

Très gros plan de l’oreille droite de l’HOMME. Derrière l’oreille, dans la profondeur du décor blanc, un gros fil noir vibre et dessine une ligne floue mais aux courbes harmonieuses. On dirait la visualisation d’une onde sonore.

… ou comme ceci ….

Un plat avec une cuisse de poulet rôti est glissé sur une table. Bouche d’un HOMME qui mord la cuisse de poulet.

… s’obstine à entrer par là.

L’HOMME mâche. Un temps. Il déglutit. Il mord à nouveau. Brouhaha du bar. Puis un long silence. L’image « positive » devient soudainement « négative ». (Positif / Négatif au sens photographique du terme). Les ossements de la mâchoire de l’homme deviennent visibles ainsi que le morceau de viande et là bière qui descendent dans l’estomac (Leur trajet est clairement perceptible car la prise de vue est faite à l’aide d’un dispositif

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« endoscopique », dispositif permettant de visualiser – en milieu hospitalier – tout mouvement d’éléments absorbés par un patient. Visuellement, c’est comme une radiographie animée).

La bière continue de couler dans l’œsophage puis (redevenant « positive ») elle tombe … dans l’estomac.

Elle a donc fait un trajet convenu …

L’estomac est visualisé par une tâche lumineuse ovale sur une table en marbre blanc. A l’intérieur de cette tâche on aperçoit des fragments d’aliments divers : des bouts de pommes, des feuilles de salade, bouts de saucisses, le bout d’une cuisse de poulet …. et le jet de bière.

… et s’y trouve tout à fait à l’aise.

L’homme termine de boire sa bière. (Image redevenue « positive »).Il pose le verre sur la table.

Un temps.

Dans ce même bar, sur un appui fixé au mur, une télé avec des interventions de futurs candidats aux élections du 13 juin 1999. On entend clairement leurs propos. (Enregistrements personnels & archives RTBf).

Du verre à la télé, la voix off dit son texte en accélérant son rythme. On sent de plus en plus une sorte de désolation et de « confusion / mélange » entre les propos de la voix off, les voix des gens dans le bar et celle qui provient de la télévision. Désolation aussi due aux images qui - par leur incongruité – traduisent une ébriété certaine des personnes qu’on voit:

…. Il a donc bu et rebu sans trop savoir quoi ni comment. Sommairement – dit-il – on pourrait définir ça une pils, une bière - certes – mais il ne pourrait pas en dire plus. Et d’ailleurs, pourquoi en dire plus. Il avale ça comme tout autre chose, ou n’importe quelle chose …parfois,

Succession rapide de détails de la bouche du candidat aux élections politiques (sur l’écran de la télé), détails des bouches des hommes dans le bar, d’hommes accoudés à leur table …et encore de la bière qui coule … dans les poches de divers vestons, dans diverses chaussures … sur une paire de mains conjointes comme si l’homme qui les tend vers l’avant s’apprêtait à se laver le visage avec le liquide qui s’y déverse.

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(parfois) ça lui sort de partout, et ça rentre, ou ça ressort. Par ici, ou là. Sans aucun sens (…)

La main de l’HOMME est appuyée sur le rebord de la table. Elle disparaît (cut) et à sa place apparaît une tache d’eau.

… et ne se souvient pas … et ne se souvient plus combien il en a avalées …

L’HOMME accompagné de quelques autres personnes sort du bar et s’arrête sur le trottoir. Un de ses « accompagnateurs » tient en main une grande éprouvette en verre. L’HOMME ouvre sa braguette. (Scène sans sons directs / Musiques envisagées : Kagel - Solowerke für accordeon und klavier / Buddy De Franco & Oscar Peterson jouent Gershwin – Ed. Verve)

L’HOMME à quitté le bar et marche en tenant en main une éprouvette remplie de pipi.

…. et ignore si cela, bien qu’ évacué, laisse l’une ou l’autre trace, fait bouger l’une ou l’autre chose, si quelque chose malgré tout s’incruste …

L’HOMME marche longuement. Apparaissent « sur sa route » (cela pourrait avoir l’aire d’un rêve) une « visualisation » de la substance que l’HOMME a avalé. Car, à ce stade-ci, il s’agit toujours de savoir ce qu’est vraiment la substance ingurgitée.

Les matières montrées et les sources choisies (archives & mise en scène) veilleront à faire de cette boisson à la fois un composé chimique et une substance quasi magique. Ainsi, « sur la route » que l’homme parcourt, on perçoit la structure moléculaire d’une levure (modélisations diverses en 2 ou 3 D – Archives RTBf), puis la surface bouillonnante d’une cuve où s’agite de la bière en pleine fermentation, un champ d’orge où les hautes tiges des céréales se plient au gré du vent (…), une file de bouteilles de bière en train de se remplire (…). Le processus – quasi musical dans son développement – s’interrompt sur le texte (off) et les images suivantes.

Une paire de chaussures d’homme adulte. Puis des chaussures d’un adolescent et , enfin, à côté de celle-ci, une paire de chaussures d’enfant. Le tout sur le carrelage d’une cuisine modeste.

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Il ne se souvient plus quand il a bu sa première bière. Ni si on la lui a offert ou s’il fut invité par sa mère et son père …

Des chaussures d’enfant on revient aux chaussures de l’adolescent.

… à la première gorgée officielle.

L’adolescent sort de sa maison accompagné de ses parents. On est dans un quartier ouvrier aux maisons basses et aux rues étroites. Les trois personnes, seules au milieu du chemin, marchent de leur habitation au café.. Dans le café, une bière est offerte au jeune homme. L’adulte (le père) est à ses cotés. Il le regarde d’un œil attentif et a posé sa main sur son épaule droite. La femme (la mère) serre la main gauche de son fils et le regarde tout aussi attentivement que son mari. L’adolescent, lui, vide le verre cérémonieusement et d'un coup.

Le père pose ensuite des pièces de monnaie sur le comptoir : c’est l’équivalent du prix d’une bière. Puis les trois personnes sortent du bar et rentrent chez eux. Le retour (du bar à l'habitation) est tout aussi solennel que l'allée. Arrivés, les trois rentrent dans la maison et claquent la porte. (Musique : Villa Lobos )

A travers la fenêtre de la cuisine on voit l’adolescent allongé sur un divan. La mère vient de lui poser un essuie blanc sur le front. L’HOMME (le père) tient son poux en regardant sa montre : il prend la température du jeune homme.

Que contenait donc cette première bière, ce premier verre ?

La scène de cette première sortie en famille est suivie d'un retour sur les détails.

Des détails tels les pièces de 5, 20, 50 francs ou tel le verre de bière plein (encore dans les mains de l'adolescent). Certes, on à vu ce que l'adolescent a bu (c'était un mélange breveté et cristallin d'orge et de houblon) mais c'était aussi une entité économique.

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Retour au café. La main d’une serveuse ramasse l’argent en faisant glisser les pièces de 0.5, 1, 5 et 20 fb. sur le plan de la table. Puis elle met la monnaie dans son tablier et prend le verre vide.

Du contenu de ce premier verre, un 1/25ème (soit 2,5 francs) …

La main de la serveuse glisse sur la table 2 pièces de 1 franc et une pièce de 0.5 centimes.

vont au producteur de houblon.

Une faucille glisse sur le sol et coupe un bouquet de tiges de houblon.Puis la main de la serveuse glisse quelques pièces de plus sur la table.

1/50ème (soit 1,3 francs) vont au producteur d’orge. Images d’un silos d’orge.

1/60ème vont à la Communale des eaux qui à son tour la redistribue à ses plombiers

« L’anatomie » de ce verre de bière fait apparaître une constellation d’intervenants dans le processus du brassage ainsi qu’une ramification économique étendue liée à cette boisson (à développer davantage)

(…) 2/25èmes (soit 5 francs) vont au brasseur qui à son tour en donne 1/100 (soit O,O5 francs) à ses chimistes et un autre centième au fabricant de capsules étanches... 4/25èmes (soit 10 francs fb) du prix de la bière que l'adolescent tient en main iront à l'Etat. De ces 10 francs 1/50ème sert à lutter contre l'alcoolisme et un autre cinquantième sert à (…) soit l’équivalent de …

La femme (la mère de l’adolescent) marche sur le trottoir en portant un kilo de pommes de terre en vrac tassés dans ses bras croisés sur le ventre.

Car, oui, le verre de bière avalé en écartant cette mandibule…

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Une main indique le menton de l’adolescent dans le bar (comme si cela avait été filmé avant la scène de la première gorgée)

et en dilatant ce conduit invisible à l’œil nu.

La même main se déplace le long du thorax du jeune homme (le long de son oeusophage) et finit par s’arrêter sur la main (et le verre de bière) du jeune homme.

Et bien ce même verre contient en moyenne 450 calories à savoir l’équivalent des calories présente dans 300 grammes de pommes de terre,

Dans la cuisine du couple avec l’adolescent, la main de la femme jette une pomme de terre pelée dans une casserole avec de l’eau bouillante. A côté de la casserole, il y a une deuxième casserole dans laquelle se trouvent deux cuisses de lapin (…)

ou dans deux cuisses de lapin (de 300 gr), (…) le tout équivaut aux calories présentes dans 6 œufs, soit 7 tranches de pain de 20 grammes chacune …

Soir. Dans la cuisine, le repas des trois personnes s’achève. Ils sont assis à leur table. Dans le même quartier, dans d’autres cuisines, on voit d’autres familles consommer un repas. La voix off continue ses comparaisons entre aliments et les calories contenues dans un verre de bière et résonne dans les rues vides du quartier. Des gens rentrent. D’autres éteignent des lumières. (…)

Grandes baies vitrées de bars éclairés au néon: rue Haute, Boulevard du Midi, Chaussée de Gand (…) un bar dans un village du Limbourg, à Bree.

Longues et tardives déambulations dans les bars où à 6 heures du matin les garçons servent leur première pils. Approcher l'oeil (la caméra) des lèvres et du verre qui s'y pose, la rapprocher très fort de la peau d'un buveur. Peau étalée telle une carte géographique.

Puis filmer le vide, l’espace qui entoure les clients. Dans un de ces bars, à l’extrémité d’un robinet, une goutte de bière se détache. La goutte tombe sur la main ouverte d’un homme (le garçon de café). Mais les lumières ont changées. On a quasi l’impression de ne plus être dans le même lieu, ni d’être éclairés par la même lumière blafarde. La main du garçon – tâche lumineuse sur fond pourpre – tient sa

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paume bien plate. Sur celle-ci, on perçoit la grosse goutte d’eau jaunâtre qui par sa consistance ressemble bizarrement à une boule de mercure. La main tourne et laisse tomber le liquide. Et le voilà tomber – magiquement ! - au centre de la corolle d’une fleur. Celle-ci referme – rapidement et tout aussi magiquement ! - ses pétales vertes et grasses emprisonnant ainsi l’eau. La lumière s’éteint .

Pleine nuit. L’HOMME, sa femme et l’adolescent marchent sur un trottoir.

Les aiguilles d’une imprimante pour électrocardiogrammes dessinent silencieusement des lignes sinueuses sur un rouleau de papier blanc. Dans ce même cabinet où se produit – en temps réel – l’expérimentation, l’adolescent est assis sur un fauteuil. Sur son crâne et sur le reste de son corps ont été appliqués des capteurs, des électrodes. Il tient en main un verre de bière. A côté de lui, il y a ses parents. Un temps.

La voix du neurologue (Dr. M. Romagnoli) explique comment se comportent les synapses, le cervelet, le cerveau, le cœur, le système circulatoire en général quand on n’a pas encore avalé de bière.

Les mêmes aiguilles de l’imprimante dessinent des lignes autrement sinueuses que plus haut. Les explications du neurologue portent sur l’état d’ébriété. Qu’est-ce au juste ? A l’aide de schémas, de « scanners » d’un cerveau (avant et après), d’archives filmés RTBf, le portrait « chimique » de l’homme en état d’ébriété croissante prend une consistance particulière. Le neurologue continue d’exposer ses considérations. Certes, jusque là, ça parle « sérieusement » d’une vérité microscopique. Néanmoins l’ au revoir qui est réservé au Docteur n’est pas dépourvu d’ironie. Un accompagnement musical permet ainsi de quitter le spécialiste (sur le pas de la porte du cabinet) ainsi que l’entretien et de ne pas dramatiser à outrance l’exposé entendu.

Pleine nuit. L’HOMME, sa femme et l’adolescent sont immobiles sur le trottoir et regardent la feuille imprimée avec les résultats de l’électrocardiogramme.

L’HOMME, sa femme et l’adolescent marchent sur un trottoir et rentrent chez eux.

Ouverture d’une porte : l’HOMME est au milieu du couloir d’entrée de sa maison. Il ôte sa chemise.

Voix Trois quarts d’eau, se dit-il. Pas chaire, non, un peu eau.

Un temps

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Voix Trois quarts d’eau. Il s’est donc amusé à faire un bref calcul. Pesant, là, bon an, mal an, 75 kilos …

L’HOMME tâte son corps, son thorax puis il éteint la lumière du couloir. Noir.

Voix Non.

L’HOMME a allumé à nouveau la lumière. Il est là, debout, enveloppé dans un drap blanc, dans le décor dépouillé du couloir.

Voix Il pèse 66 kilos. Soixante six kilos de chaire c’est précisément quarante neuf litres virgule cinq d’eau,

L’HOMME, debout, regarde son corps, car c’est bien lui, ces 49,5 litres d’eau dont la voix off vient de parler.

Voix Avec ces quarante neuf virgule cinq litres d’eau…tout bon brasseur …

L’HOMME est assis à une table. De sa main tremblante il dessine des pictogrammes sur une feuille et écrit des chiffres illustrant les propos de la voix off.

66 kg = 49,5 X 1 L de H2 0 = 8 X 1L Pils

Voix … pourrait brasser environ sept virgule neuf litres debière à basse fermentation.

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L’HOMME regarde ses calculs et semble étonné de correspondre à une telle quantité de bière. Silence.

Voix Le contenu de ceci, par exemple,

A centre du cadre, le bras de l’HOMME se découpe comme une silhouette sur un fond noir.

Voix … pourrait être versé dans cela …

Une mini cannette en laiton est posée sur la table.

Voix Et ce pied, par contre …

Le pied nu de l’HOMME posé sur le carrelage.

Voix … pourrait se résumer à ceci.

Le fond d’un verre de bière avec deux doigts de liquide éventé. Un temps. Puis la voix s’emballe, s’accélère.

Voix Une chaire heureuse finalement produirait autant de bière qu’une chaire meurtrie …

Images de gens en maillots de bain sur une plage jouant à la balle (Archives années 30 RTBf) suivi d’images d’une manifestation où les gens qui défilent tiennent en main des pancartes à la forme de … mains géantes (Archives années 30 RTBf).

Voix … une chaire meurtrie en produirait autant qu’une chaire blessée. Une chaire blessée en produirait (…)

Images d’autres manifestations que la Belgique à connue dans son histoire (La question Royale, grèves des mineurs au début des années 60 ; grève dans l’industrie sidérurgique (…) Images de la grève des ouvriers de Renault .

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Après un modeste calcul, il s’est dit qu’on pourrait écrire à nouveau l’histoire d’un cynisme marchand de fin de siècle en litres et hectolitres. Même en bulles féroces et écumes acides. Trois mille ouvriers licenciés de but en blanc ça fait combien de bouteilles de 33 cl ?

Une sculpture géante érigée à Vilvoorde suite au licenciement des ouvriers occupe tout l’écran.

Voix et pour un poing – imagine-t-il - en chaire dont le volume égalerait l’indignation, combien faudrait-il de cannettes ?

L’HOMME assis dans sa cuisine se mouche le nez. Il regarde ce qu’il y a dans le mouchoir et ça le fait sourire.

Je suis, eau, certes, parfois bière – dit-il - pas poussière … eau …

L’HOMME regarde à sa gauche. Un autre visage regarde l’HOMME à son tour. C’est un visage peint et éclaté à cause des fissures dans le mur sur lequel Mantegna a couché cette fresque : « La camera degli sposi ». Une grosse larme coule sur la joue du personnage peint.

et dans cette eau que j’ai croisé et à laquelle j’ai donné forme, (…)

L’HOMME tâte son thorax.

(…) il a donc pensé avec effroi à cette étrange cycleoù tout s’agite …

Une très grosse goutte d’eau apparaît au centre de l’écran : une goutte en parfaite « gravitation ». Matière soumise à une pression variable, la goutte d’eau prend les formes les plus inattendues sans jamais casser son « enveloppe », sans jamais se « dissiper », s’évaporer. (Archives NASA. Réf. 120199 – RTBf)

sans égard pour cette joyeuse machine,

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ce vaste chantier.

L’HOMME debout dans sa cuisine tâte toujours son thorax.

Plein jour. Bordure d’un champ. L’HOMME avance avec un récipient en bois posé sur son épaule. En marchant, l’eau que le récipient contient déborde et tombe par terre.

Voix (plus emballée, moins emphatique que plus haut) :

Parfois il se surprend à penser qu’un jour, décomposé et liquéfié, le dixième d’une goutte des quarante neuf virgule cinq litres d’eau qui le composent pourrait côtoyer les résidus aqueux de personnages plus illustres …

L’HOMME s’arrête au milieu d’un champ.

Là, par exemple, ce joli poing …

L’HOMME qui tient toujours le récipient rempli d’eau sur son épaule lève son poing fermé au milieu du champ désert et à la végétation basse. Craignant être un peu ridicule, il se retourne pour s’assurer que personne ne le voie. Une foule menaçante de manifestants brandit les poings fermés en signe de protestation (comme l’HOMME fait) et avance lentement (Archives RTBf). L’HOMME baisse son bras. Un court silence puis la voix reprend :

… non, disons, ce joli pied. Oui, ce joli pied qui chausse du 43 et qui lui appartient tout à fait, par ailleurs fabuleuse sculpture d’acides aminés et de protéines (…) splendide exemple de la solidarité entre molécules de potasse, ( …) d’hydrogène et d’oxygène …

L’HOMME regarde son pied nu posé par terre.

et bien ce pied, voué à s’évaporer après – mettons - un inopiné et même serein arrêt cardiaque de son propriétaire, s’infiltrera ici-bas…

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A l’extrémité inférieure du pied devenu quasi bleu, une goutte d’eau apparaît. La goutte tombe sur le sol.

Sous la terre, la goutte d’eau s’épaissit. L’eau glisse ainsi entre une motte d’argile et une autre motte. Un peu plus loin, toujours sous terre, on aperçoit les racines nues d’un arbuste et à coté de celles-ci, d’autres filaments. (Prises de vues en décor naturel & en studio)

… il (le pied liquéfié) rencontrera d’obscurs ancêtres humides qu’il ignorait avoir …

Les multiples ramifications souterraines des racines dessinent un entrelacs de lignes blanches, un monde quasi abstrait. La « déambulation » sur ces filaments aboutit à …une vision microscopique d’une cellule végétale où on perçoit une intense activité faite essentiellement d’un flux effréné de substances liquides (Prises de vue faites au microscope électronique d’une cellule végétale).

… puis (le pied liquéfié) poursuivra la descente quasi par inertie si pas par attraction ou curiosité innée …

Sous les multiples filaments de la racine dont on vient de voir une cellule en activité, il y a d’autres couches de terre, d’autres « nappes » d’une épaisseur variable. Et encore plus bas, sous celle-ci, des flux d’eau, qui … remontent en surface puis s’évaporent. (Mélange d’archives, de prises de vues en décors naturels et en studio)

… ensuite, qu’il le veuille ou pas, il remontera en surface …

Une source naturelle d’eau sort du sol. Autour de ce « jet » très discret d’eau douce il y a de la vapeur. La même qu’on perçoit au bout du tronc frêle d’un tournesol, sur une feuille large et d’une couleur vert intense parsemée de gouttes d’eau argentées.

… là, s’abandonnant tout à fait, le pied - définitivement méconnaissable et inutilisable - montera …

Un ciel nuageux et menaçant. (Fondu). Une image de la planète terre enveloppée de nuages et de flux vaporeux, de courants divers.

… et croisera les résidus vaporeux de maîtres à penser liquéfiés à leur tour … car, bien sûr, si pas ce personnage-ci …

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Image de Mao en train de nager (Archives filmés ou photographiques - RTBf)

… ou un coude de celui-là …

Lenin parle aux foules et agite son bras droit (Archives).

…. voire la mâchoire de celui que certains regrettent et d’autres craignent …

Photo d’une immense pancarte avec l’effigie de Karl Marx au milieu d’une foule de manifestants (Archives personnels).

… il y croisera les carcasses de molécules antérieurement incarnées, flottant dans un cimetière gazeux au milieu d’un panthéon aquatique… bref …

L’homme regarde le ciel, les nuages vraiment menaçantes. On entend, au loin, la déflagration d’un tonnerre qui s’approche.

… après ce grand cycle, il existe bel et bien la probabilité que tant d’eau à la mémoire séculaire et haut en contrastes se retrouve dans la cuve d’un brasseur si pas dans une bouteille d’une couleur brun foncé et que là…

L’HOMME au milieu du champ boit une bière. Sur l’étiquette de la bouteille qu’il tient en main et au long goulot posé sur ses lèvres, on lit clairement le mot «Malheur» (c’est une bière belge qui existe).

… plus qu’un breuvage magique, il pensera boire une bibliothèque entière de biographies inachevées …

A côté de l’HOMME (qui boit toujours), il y a une jeune maman qui boit à son tour un verre de bière brune. Le nouveau-né qu'elle tient dans ses bras boit au sein.

…. et une partie de soi soigneusement dissimulée, voire … les traces d’un jeune voisin …

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Devant la femme, un enfant de six / sept ans aux culottes courtes avale lui aussi un verre de bière très légère. Tout en buvant l’enfant fait pipi. Le jet d'urine qui tombe sur la végétation basse s'infiltre dans le sol.

Voix (disant le texte à grande vitesse)

… voisin qui côtoiera sans s’en rendre compte …

L’urine qui s’infiltre dans le sol descend vers les nappes d’eau souterraine (Décor naturel & studio).

… un milliardième de Charles Quint, Pie IX (…)et d’autres vastes champs de sueurs d’orge soigneusement rangées dans un seul récipient et recelant un concentré de son histoire …

Le parcours sous terre permet à nouveau de suivre le déplacement de l’eau. Cette exposition sera pourtant faite de manière plus succincte et elliptique que précédemment. Donc (sur la voix off qui débite rapidement) les images suivantes: racines, nappes souterraines, jet d’eau en surface (un jet plus violent que le précédent) et nuages très menaçants. Puis, la pluie.

… raison supplémentaire pour la prendre sérieusement en main.

L’HOMME - debout sous la pluie - regarde le ciel. L’eau qui lui tombe dessus résume – en quelque sorte – plusieurs millénaires de personnages et d’histoires auxquels tôt ou tard lui aussi, liquéfié, se mélangera.

Il pleut toujours. On est dans un quartier ouvrier avec des petites maisons.

Une des fenêtres est ouverte et l’HOMME se tient debout près de l’appui en fumant une cigarette. Avec l’autre main il tient une bouteille sur laquelle est posée un entonnoir métallique. La bouteille se remplit d’eau de pluie, de ce cycle ininterrompu où l’eau a été – autre fois – chaire, légume … bière.

A l’intérieur, le nouveau-né vu précédemment dans le champ, dort dans un landau. A côté du lit, il y a une minuscule paire de chaussures et … une autre matière dormante dans un grand sac en toile de jute : de l’orge.

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L’HOMME s’apprête à faire de la bière.

Sur le tas d’orge est posé un hygromètre (outil de mesure pour calculer l’humidité). L’aiguille indique 20%. La main de l’HOMME vient prendre une grosse poignée d’orge et jette ces grains dans une casserole contenant de l’eau froide.

Voix L’Histoire, ça mérite donc une humidité de 20%, un minimum de concentration et une quantité suffisante d’eau (…)

La voix off poursuit mais les propos sont progressivement cachés par un brouhaha croissant et par des voix qui disent clairement comment il faut s’y prendre pour faire de la bière chez soi. Un accompagnement musicale va faire de cette « leçon de bière » à la fois une véritable cours et un intermède ludique.

La cuisine est remplie de gens, d’amis. Il y en a un qui tient un ouvrage en main : « Etudes sur la bière et autres conseils aux brasseurs » de Louis Pasteur.

A l’extérieur, sur le trottoir, un groupe de 3 personnes suit les opérations en regardant à travers la fenêtre ouverte. C’est que le « quartier », la « communauté » a pris « les choses en main » et s’en occupe.

L’un dit « faudrait pousser l’humidité des grains de 20 à 45% » l’autre ajoute « …puis on va faire une couche de 15-20 cm … on va les mettre là, étalés sur la table …. et on va chauffer la pièce à une vingtaine de degrés … ».

Une des personnes ferme la fenêtre.

Les gens, dehors, partent et rentrent chez eux.

Très très gros plan d’un grain d’orge qui s’ouvre et, en pleine germination, laisse sortir une pousse (prise de vue image par image).

La fenêtre de la maison s’ouvre à nouveau. C’est le matin. A l’extérieur, les gens arrivent pour suivre la suite des opérations. Deux hommes prennent le malt germé et le posent sur un plateau en fer au diamètre imposant (une grosse casserole plate comme celle qu’on utilise pour faire la paiella). On allume les becs à gaz de la cuisinière et on y pose la grosse casserole avec l’orge germé.

Une des femmes ajoute « …là on va tourailler à une centaine de degrés pendant un bon moment …». L’horloge indique 9 heures du matin. Les gens, à l’intérieur et à

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l’extérieur, attendent. Un homme passe en vélo. Il est désormais 11 heures du matin. Une main prend de l’orge torréfié à l’aide d’une grosse louche en bois. Deux doigts prennent un grain et le posent devant une grosse lentille d’agrandissement : la radicelle a brûlé.

Quatre personnes assises autour de la table enlèvent les radicelles brûlées lors du « touraillage ». Ainsi, les grains débarrassés et nettoyés sont plongés – à nouveau - dans de l’eau et on y ajoute du moût additionné de levures. C’est ce que l’un des participants spécifie. La fenêtre de la maison se ferme à nouveau.

Le soir, des gens regardent les seaux remplis d’un liquide qui bouillonne.

Une main plonge un thermomètre dans la mixture : « Huit degrés. C’est bon ».

Sur le mur de cette même cuisine, un calendrier indique le 1 mars 1999. Une main vient détacher la feuille. Puis d’autres feuilles se détachent (en technique d’animation) : 2, 3, 4 ….10 mars.

Une main verse le liquide dans un entonnoir couvert d’un tissus blanc, la meilleure manière de remplacer un filtre. Le liquide coule dans le grand récipient en verre. A la base de celui-ci, il y a un petit robinet ouvert. La « bière nouvelle » coule dans un verre.

Dans la cuisine et à l’extérieur, sur le trottoir, tous ceux qui ont participé à la fabrication de la bière, en boivent. Le goût est fade. On dirait imbuvable. Enfin, on verra lors du tournage.

Sur la table de la cuisine il y a une dizaine de bouteilles vides (munies d’entonnoirs en alu) dans lesquelles les brasseurs improvisés étaient sensé verser la bière faite à domicile. Sur ces mêmes bouteilles on a même collé des étiquettes (étiquettes faites pour le besoin du film) : « Allé » « Carpe diem » « Lève toi et marche ». Les effigies de Marx – barbu - et de Louis Pasteur – tout aussi barbu que son contemporain - surplombent les noms des bières. En dessous on lit : Haute fermentation)Une paire de mains déplacent les bouteilles de telle sorte que sur la table, là, il ne reste que des seaux avec la bière qui n’en est pas une et … un microscope.

Les acteurs (qui n’en sont pas vraiment) sont autour de la table et regardent les seaux. Il y en a un qui feuillette un livre.

Voix off :Il s’est assis et il a feuilleté le traité pour lire, à rebours, les raisons de son échec. Il l’a feuilleté comme d’autres auraient feuilleté des modes d’emploi pour machines à laver

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D’autres mains feuillètent (en d’autres lieux et sous d’autres éclairages) les livres plus divers : une bible, un traité d’anatomie (v. encyclopédie de Diderot & D’Alembert), le Capital de Karl Marx, la constitution belge..

Voix Du coup il a regretté ne pas être un peu égyptologue pour soustraire aux hiéroglyphes une recette concluante ou lire le juste dosage dans un texte mésopotamien.

Deux hommes ont posé leurs front respectifs sur leurs paumes et regardent pensifs ma table.

Voix Il aurait aimé invoquer Saint Arnould mais tout ce qui lui est apparu c’est la silhouette de Louis Pasteur.

A quel moment aurait-il du ajouter de la levure et en quelle quantité ? Ou d’autres froments, et en quelles proportions ? A quel moment aurait-il du ajouter du houblon, ou encore, de la cannelle, du romarin, du coriandre ?

Par quel courrant d’aire, quelle fissure, une levure naturelle se serait déposé sur ce brassin ?

Les acteurs de la bière (une dizaine d’hommes et de femmes) avancent au milieu de la rue étroite du quartier. Cela rappelle un tableau de Pellizza da Volpedo : « Il quarto potere ». Les gens ne portent pas de drapeaux, ni de calicots. Il y a juste une femme au centre du groupe qui tient dans ses mains un très gros objet : un microscope.

Voix La bière, après tout, c’est l’histoire d’une rencontre et d’une transformation profonde des éléments qui la composent (…) au bout du compte, aucun ingrédient n’est reconnaissable et pourtant tout y est …

Dans la cuisine où a été mené l’expérimentation autour de la bière, sur la même table, une main verse de la « Desperados » dans un verre.

Là, aucune feuille de houblon de Bohème, de Moldavie ou de Poperinghe n’est visible, aucune graine de coriandre, aucune écorce de cannelle, (…)

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Une main sur la même table glisse en avant un paquet d’orge.

De même ici, la rencontre entre cette précise quantité d’orge et cette levure ….

Quelques grammes d’une levure de brasseur posés à l’extrémité de l’index d’un des hommes présents dans cette cuisine.

dans des conditions précises …ont enclenché cette fermentation et pas une autre.

Des daguerréotypes montrent les premières images prises par Louis Pasteur lors de ses études sur les levures. On y perçoit clairement les filaments d’éléments unicellulaires dont est composée la levure.

Fermentation (…) due à la rencontre entre Louis Pasteur et les brasseurs de son époque, rencontre entre Pasteur et ces ingrédients (…), rencontres qui transformeront radicalement le processus de brassage, stabiliseront le goût de la bière (…) De la même manière que la rencontre entre cette cellule et cette substance alcoolisée a modifié profondément sa structure (…)

La voix off poursuit ses comparaisons, puis elle s’atténue, son volume diminue au fur et à mesure qu’on s’éloigne de la fenêtre ouverte de la cuisine et qu’on (la caméra) se déplace dans les rue vides du quartier.

L’HOMME marche au milieu de la rue. Il a une bouteille dans sa poche.

Voix – quasi dubitative

Toute rencontre transforme profondément.

L’homme marche.

Une ville (la nuit) perçue du haut d’un très grand immeuble. Silence.

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Apparaît à l’écran le texte suivant :

(2)

Ici, la voix off n’utilise plus le pronom personnel de la troisième personne (le « il ») mais passe à une première personne (le « je »). Le chapitre entend vérifier, nuancer, illustrer de manière autrement plus réfléchie et directe (essentiellement par un long « entretien » et par une voix moins distante et plus introspective) tout ce que le chapitre (1) a questionné de manière plus matérielle, chimique, biologique (…). C’est donc ici que – si on veut – on revient plus explicitement sur les différentes métaphores et qu’on re-écrit les premiers 35 minutes du film dans une clé plus philosophique. On revient ici, en effet, à la notion de « avaler sans nécessairement vouloir savoir ce qu’on avale », « l’homme-eau » « ivresse, désir d’altérité », « soif de quoi ?». Ces thèmes sont abordés avec l’intention de les inscrire dans un temps présent, avec l’intention de faire « parler » ce temps présent « en bière » .Mais avant cela – et c’est donc le lien entre le chapitre (1) et le chapitre (2) - la transition du « il » au « je » se fait par l’idée que toute vraie rencontre transforme profondément. C’est l‘ idée qui clôt le chapitre (1).

Images de foules qui marchent (Archives) (Grèves, chinois brandissant le livret rouge, soldats marchant, ….)

J’aurais volontiers reçu en héritage une pensée – une seule - dont l’effet eut été celui d’un talisman : qu’elle me porte chance immédiatement et à jamais. Au contraire, ce qui s’est produit et se produit toujours est de l’ordre de l’incertain et de l’aléatoire : tel une goutte de rosée la pensée pourrait s’accrocher à moi le temps d’un hiver rude et frigorifiant (…)Je reviens sans cesse à ce constat à savoir que tout changement ne se produit que parce qu’il y a rencontre. Constat que je porte gravé sur mon corps comme une stigmate. Tout ce que je désire est dès lors mettre ce corps là où il serait arraché à la torpeur des pensées reçues. Car, oui, je veux et rêve d’une et cent et mille rencontres par lesquelles je pourrais inventer – et pas que hériter – une pensée. Et là – même en parfait équilibriste - en rencontrant ce lieu, j’oserais une pensée qui aurait l’aspect d’un jardin (…)

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(Morton Felman ; Instruments, 1974, 24’15 ‘’)

Nuit. Terrain vague balayé par un faisseau de lumière. On perçoit des débris d’immeubles (…)

Voix (le ton de la voix change et devient plus sèche)

Là, …

Une main soulève un pavé à peine éclairé par un faisseau lumineux.

… j’oserais un cri. Et en rencontrant cela…

On ne voit pas bien quoi car le faisseau sur la pierre s’est éteint. Dans l’obscurité totale on perçoit - ici – et là un visage d’homme quasi surpris par la lumière.

… j’oserais un projet.

A nouveau du noir. Ouverture sur le visage du philosophe Michel Onfray . La caméra le précède. L’homme marche. Il parle en nous regardant de temps en temps. Il ne s’agit à vrai dire pas d’un entretien mais d’une réflexion de ce penseur à partir des thèmes « avaler sans nécessairement vouloir savoir ce qu’on avale », « l’homme-eau » « ivresse, désir d’altérité », « soif de quoi ?». Thèmes qui rejoignent indirectement un de ses ouvrages intitulé « Politique du rebelle ».

L’homme parlera pendant 7-8 minutes. De manière ininterrompue. (Plan séquence)

Apparaît à l’écran le texte suivant :

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Une voix (utilisant le « je ») tente de répondre (parfois en synchronie avec les images, parfois en opposition à elles) à la question « soif de quoi ? ». Une longue « liste » d’objets, détails, archives, situations font de ce chapitre non pas une

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réponse certaine et définitive, mais une évocation – par l’absurde – de l’inépuisable que la question contient.

Soif de quoi ?

Une main sur un sexe / un beau fauteuil / l’aisselle d’une femme d’où sortent des poils / coup de fouet sur le dos / une chaussure liée – par une ficelle – aux pattes de deux colombes empaillées / nœud de cravate / un cerveau / (….)

Soif de quoi ? D’un poème de Eugenio Montale.

Un homme (visiblement d’origine chinoise) lit – en chinois – le poème de Eugenio Montale : « Il girasole »

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brève histoire de la bière

1) Des textes babyloniens remontant à la période pré-chrétienne parlent déjà avec une étonnante précision du type d'orge qu'on se doit d'utiliser pour une boisson appelée encore "vin d'orge"(3). D'autres documents (tels des reliefs découverts sur les parois de diverses tombes égyptiennes) révèlent par quels procédés on perfectionna au fur et à mesure l'art du brassage (4).

En Mésopotamie ancienne, la richesse du langage révèle sans conteste le degré de raffinement de cette boisson ainsi que ses techniques de production et de commercialisation. Une quarantaine de termes ont été répertoriés (5) désignant ainsi différents types de bières. De la bière très douce, aigre, coupée à 50%, coupée à 33%, coupée à 25%, blanche, rouge, noire, bière enrichie -probablement- de miel ou d'aromates. Autant de termes qui déclinent un amour pour une boisson apparemment déjà très apprivoisée.

Des bords du Nil cette boisson se répandit d'abord en Grèce, ensuite en Gaule et en Germanie, pour devenir ensuite le breuvage favori des peuples du Nord.

La KALEVALA, épopée nationale finlandaise, emploit 200 vers pour décrire la création du monde mais plus de 400 pour expliquer les origines et la fabrication de la bière.

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La cervoise que Jules César définissait "noble et puissante", n'avait certainement rien à voir avec la bière qu'on connaît actuellement. Elle était d'un degré alcoolique très élevé et douceâtre. Ce n'est qu'au XIIIème siècle (du moins en France) que l'emploi du houblon se généralisa et que la bière acquit un goût plus amer. C'est à cette même époque que le Roi Venceslas fit instaurer la peine de mort pour quiconque exportait les boutures du précieux houblon de Bohème. Peu satisfait, ce même roi parvint également à obtenir du Pape la révocation d'un décret interdisant la fabrication de sa boisson préféré. Quelques siècles plus tard Guillaume IV de Bavière émit son Rheinheitsgebot (1516), la loi de pureté pour les brasseurs, loi en vigueur encore aujourd'hui en Allemagne et qui représente un code de déontologie pour le fabricant-modèle. En Allemagne, la bière se doit d'être une boisson obtenue par fermentation, sans distillation et dans la fabrication de laquelle on se sert exclusivement d'orge germée, de houblon, de levure et d'eau. (6)

Sur les traces d'historiens, de folkloristes, de mythographes et d'anthropologues, la bière - pièce archéologique - dévoile à chaque approche, à chaque analyse, son aptitude à signifier (8).

Selon des folkloristes de la deuxième moitié du XIX siècle, en Prusse orientale, il était d'usage de déposer une cruche de bière sur la tombe d'un défunt; d'autres (en Saxe) jetaient de la bière sur les pieds, la poitrine ou la tête du décédé. Déposer des pots de bière sur le pas de la porte, c'était une manière d'abreuver les fantômes et les mauvais esprits qui parcourent la ville (Norvège). Surtout la nuit, dit-on. Cette coutume répond certainement aussi à la crainte de voir ces mêmes mauvais esprits rentrer dans la maison.

Boire sur la tombe d'un défunt, c'était aussi une manière d'assurer le salut de son âme (Haut Palatinat). Un tel rituel rappelle également les images d'un documentaire de G. Preszow, "La sainteté Stéphane", 1993, où 4 zaïroises dans un cimetière belge, pils en main, portent un toast, boivent et vident leurs bouteilles sur la tombe du peintre Stéphane Mandelbaum.

La coutume a en grand partie disparue, mais de nombreux brasseurs en Europe du Nord fabriquaient spécialement des bières pour la Toussaint (Iles Hébrides), ainsi que des bières de consolation ou pour l'inhumation des morts: la Trostelbier et la Leichenbier (littéralement: "bière du cadavre"). La "Mort Subite", marque de bières belges encore actuellement en commerce, s'inscrit (bien que d'une manière plus ironique et grotesque) dans ce même chapitre où la bière côtoyer la mort.

L'ethnologue Bertrand Hell rappelle que les matériaux rassemblés autour de la bière par des folkloristes permettent de dégager trois thèmes connexes: la bière comme

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boisson pour les morts (et lié aux rites funéraires), la bière comme offrande de fertilité et la bière comme breuvage de vie. (9)

Une bouteille de bière versée sur une hache qui vient d'abattre "l'arbre de mai" (Allemagne), une autre liée à la première gerbe récoltée (Suède): autant d'éléments qui soulignent un voeu de fertilité. Cette fertilité côtoyer une longévité souhaitée (la bière à la Noël et à Carnaval rajeunit (son buveur), Thuringhe; la bière renouvelle le sang, Allemagne du Nord; la bière donne du sang, Alsace) et induit un vœu de fécondité. C'est ainsi qu'on pourrait interpréter cette coutume en Saxe, où un marié et son père vident ensemble une cruche de bière. La mariée doit ensuite verser le restant sur sa tête.

Bières spéciales pour nourrices, bières fortifiantes, bières intervenant dans d'anciennes préparations médicinales (celle à base de romarin fortifierait la moelle; la bière d'absinthe combattrait les obstructions du foie; mélangée à du beurre, elle résorberait les abcès 10). Etalée sur un corps nu, elle accélérerait le bronzage des vacanciers.

La bière s'inscrit donc dans le cycle de la vie de l'homme par une étroite connexion symbolique entre ce cycle-ci et celui de l'orge qui s'enclenche dans un processus de fermentation.

Pour mieux comprendre ce processus, revenons plus en détail sur la matière, sur son processus chimique. Cela permettra de mieux saisir les analogies exposées ultérieurement.

L'orge, substance dormante, est réveillée par le maltage. Des signes de vies deviennent visibles par un processus germinatif: des minuscules radicelles apparaissent sur chaque grain. Un coup de feu (appelé touraillage soit: un réchauffement plus ou moins rapide de l'orge) arrête ce processus . Mais, malgré sa (seconde) mort apparente (par torréfaction), au centre du grain la vie continue au ralenti (disent les brasseurs). Par le brassage, l'eau et le feu réveillent d'autres substances indispensables à toute fermentation alcoolique: le maltose et la dextrine. La véritable fermentation commence par l'ajout de levure. Celle-ci respire en absorbant l'oxygène des sucres. Le moût transforme ainsi la matière, assume une autre consistance, crée une nouvelle vie. Un autre équilibre moléculaire est atteint. On dit - là - que la bière crache, qu'elle bouillonne. Que c'est une renaissance. D'abord violente, la bière finit par s'assagir.

Toute cette terminologie autour de ce cycle vie-mort pourrait être transposée sans trop d'embarras au cycle de l'homme. Du coup, cette analogie symbolique entre le grain d'orge et l'homme incarne l'imperfection de la matière: putrescible, il est lié au devenir cyclique terrestre. (11)

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C'est d'une telle substance, bouillonnante et violente, que les héros mythiques s'abreuvaient pour atteindre l'immortalité. C'est d'une telle conquête (non seulement de la boisson fermentée mais aussi et surtout du chaudron dans laquelle elle est préparée) que le dieu Thor veut s'assurer dans le poème épique scandinave Hymiskvidha. Et c'est par cette même cuve (qui recèle des pouvoirs magiques) que dans la mythologie celte on ramène à la vie des guerriers tombés sur les champs de bataille (12).

Ce même contenu merveilleux se retrouve sous d'autres formes dans de nombreuses légendes (surtout dans l'aire culturelle germanique) où les chaudrons contiennent des trésors auxquels ont accès des Dames Blanches et des lutins. Les mêmes lutins - probablement - que ceux qu'on voit sur des étiquettes de bières qu'on brasse à Achouffe, en Belgique.

2) La bière, le vin, l'eau-de-vie - boissons fermentées - ont un champ symbolique étendu et complexe. Et on n'analysera pas ici ce que déclenchent dans l'imaginaire les deux autres boissons. Il suffit de penser - par exemple - à la valeur du vin pendant une liturgie religieuse. Ou à celle de l'eau (aussi transparente que l'eau-de-vie) pendant un baptême.

Tout autre chose lie ces trois boissons entr’elles: leur capacité à changer l'état de celui (ou celle) qui en avale. Il s'agit à la fois, certes, d'un changement de conscience, d'état, de perception, mais aussi d'un changement social dans la mesure où, par chacune de ces boissons on est invité à faire partie intégrante de (un groupe, un clan, un club, une communauté), on appartient à ...ou on s'exclut de.

On pourrait reprendre, ici, un texte très court sur le vin et le lait que R. Barthes inséra dans ses Mythologies. Au fond, la bière (comme le vin dont parle Barthes) permet de retourner les états et les situations (...): de faire d'un faible - par exemple - un fort; d'un silencieux, un bavard (13). D'un timide, un téméraire et d'un téméraire, un homme effondré.

La bière, permet de créer une nouvelle communauté à l'intérieure de laquelle on fonde une morale collective et où tout peut (pourrait) être racheté. Les crimes sont possibles, mais nullement la lâcheté .... (14). Une communauté qui, à l'écart, définit ses propres règles, dessine sa ville, réinvente un temps. Certes, la bière délie les langues et l'ivresse permet de se soustraire à un fardeau qui semble résider (...) dans la vie elle même, (c'est ce que Kant raconte (15) ou ce qu'un inconditionnel du carnaval de Cologne pourrait dire) mais elle est aussi source de joie et de plaisir, de rencontre et de complicité.

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3) Depuis le Moyen-Age, les traités brassicoles ont subi de nombreuses relectures et re-écritures tant dans les abbayes (il en existe en tout et pour tout huit) que chez les producteurs artisanaux ou chez les producteurs industriels. Fabricants, ingénieurs et économistes perfectionnent l'art de la bière et expérimentent de nouvelles formules pour conquérir des publics cibles. La bière Cool, née en 1996, de la brasserie Alken-Maes vise un public jeune, un public d'étudiants. La publicité pour les salles de cinéma est d'ailleurs tournée en faux-caméscope-domestique et est sensé faire très cool aussi. Du moins, elle évite d'évoquer et de jouer sur des valeurs et des concepts tels authenticité millénaire / terroir / pureté. Equation qui devrait déboucher sur le mot qualité. Parfois ça glisse vers clan et/ou patriotisme.

D'autres brasseurs lancent des nouveaux produits après avoir effectué des études de marché très approfondies et après avoir élaboré un concept de marketing en béton. La bière Dool, vendue exclusivement en canette, se distingue par sa faible teneur en alcool et par la particularité du design. D'après les concepteurs, sa livrée noire est inspirée par l'image masculine de la bière. La dimension féminine est assurée par le lettrage arrondi, ainsi que par différents éléments ludiques et changeants (7). La canette est également décorée par une citation étonnante et irrévérencieuse de Charles Baudelaire.

En 1976, les belges ont bu 9.571.000 hectolitres de bière pils. En 1996 ce volume s'est réduit à 6.887.332. Pour l'instant, c'est les bières trappistes qui ont la cote. Toujours en 1996 chaque belge a bu en moyenne 102 litres de bière contre les 131 d'un consommateur allemand (v. tableau 1). Les 117 brasseries belges exportent vers les quatre coins du globe (v. tableau 2) et différents groupes brassicoles possèdent des filiales dans plusieurs pays: Bulgarie, Canada, France, Hongrie, Ukraine, Pays-Bas, Roumanie, Etats-Unis.

A côté de ça, juges, avocats et conseillers instruisent des dossiers qui pourraient s'appeler "Le moine et son copyright". On pense, bien entendu, aux pères trappistes (belges et hollandais) qui ont décidé récemment de se réunir et poursuivre en justice les faussaires américains (v. article - Le Soir, 21 jan. 1998). Faussaires pour qui le savoir-faire séculaire des pères trappistes pourrait se résumer en une image inspirant confiance et suggèrant la qualité. L'image, c'est celle d'un moine dodu et souriant imprimée sur une étiquette pour bière Trappist Style. Bières retirées du marché car les Pères d'Orval, Scourmont, Rochefort, Westvletterent et Westmalle sont parvenus à faire prévaloir la prière qu'on pratique dans leur ordre monastique sur les intérêts commerciaux de leur concurrents.

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1) Hell, B. La force de la bière in Le ferment divin, AAVV sous la dir de D. Fournier & S. D'Onofrio, Editions de la Maison des sciences de l'Homme, Paris, 1991,2) Jackson, M.: Les bières, guide mondial, Oyez, 1977, p. 8.3) Vène J., Le Corvaisier, H.: La bière et la Brasserie, PUF, 1950.4) Huber, E.: Bier und Bierbereitung bei den

Volkernder Urzeit, 1926.5) Bottero, J.: Reallexicon der Assyriologie, 1966, pp.302-306 cité par Glassner, J.-J. in : Le ferment divin, Ouvrage Collectif, Editions de la Maison des sciences de l'Homme, Paris, 1991, p.130.6) Vène J., Le Corvaisier, H., op. cit., p.7.7) Le Journal du Brasseur, Trimestriel, sept. 1997, p.25.8) Hell, B.: La force de la bière, op. cit. 109-123.9) Hell, B.: L'homme et la bière, Ed. E.C., Strasbourg, 1991,

p. 147.10) Hell, B: La force de la bière, op. cit. p. 113.11) Hell, B: La force de la bière, op. cit. p. 111.12)13) Barthes, R: Mythologies, Seuil, 1957, p. 74.14) Barthes, R, op. cit., p.76.15) Onfray, M: Il ventre dei filosofi, 1989, pp. 61-73.

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