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Estelle Revaz, Cellistin MUSIQUE Estelle Revaz, violoncelliste, 23 ans, est invitée par le festival St Prex Classics. La vie à la pointe de l’archet VÉRONIQUE RIBORDY Elle répétait son concert du soir à Prades, Languedoc- Roussillon, 6500 habitants, principal titre de gloire: patrie d’accueil de Pablo Casals pen- dant la guerre d’Espagne. A la fin de la Deuxième Guerre mon- diale, le violoncelliste y a créé un festival de musique de chambre et des master classes avec des musiciens réputés. Estelle Revaz a fait partie cet été des heureux jeunes musiciens admis à y par- ticiper. La Valaisanne taille son che- min à coups d’archet. Elle a en- core les joues charmantes et rondes des très jeunes femmes, mais sa détermination ne laisse planer aucun doute. Estelle Revaz n’est pas du bois dont on fait les flûtes. La jeune femme bâtit sa carrière de musicienne avec sérieux et détermination. Les engagements se multiplient, grâce aussi au soutien de plu- sieurs fondations suisses. Elle revient chez elle cet automne pour un concert à Martigny (Boîte à musique, 9 septembre, 19 heures). Auparavant, elle est attendue le 23 août au festival de Saint-Prex, au bord du Léman. Elle jouera en duo avec Gautier Capuçon, dans un con- cert de parrainage pour jeunes talents. On devine ce que ce rendez-vous avec un des meilleurs violoncellistes du moment peut signifier pour une musicienne de 23 ans. Estelle Revaz nous parle de sa vie et de ses rêves... Comment se passe votre séjour à Prades pour ce festival Pablo Casals? C’est beaucoup de travail, de répétitions, de rencontres avec des grands noms de la musique. Pablo Casals a voulu que ce festi- val soit une occasion de rencon- tres pour les musiciens. Les mas- ter classes sont un peu compara- bles à ce qui se fait à Verbier. Vous aurez peu de temps entre la fin de cette master classe et votre concert à Saint-Prex. Com- ment vous êtes-vous préparée? J’ai rencontré Gautier l’an der- nier, puisque nous étions déjà invités tous les deux à St Prex Classics. On répétait dans la même salle, on partageait les mêmes repas et on parlait musi- que. Tout comme lui, je suis sor- tie du conservatoire supérieur de musique de Paris. Cela a peut-être facilité ce projet de duo avec la Camerata Armin Jordan. J’ai dû me couler dans l’emploi du temps de ce violon- celliste très demandé. Il joue presque chaque soir en concert. Nous nous sommes rencontrés deux fois, à Bonn et à Verbier pendant le festival. Les parti- tions baroques laissent beau- coup de liberté, mais Gautier est extrêmement précis dans les ar- ticulations, les coups d’archet, les tempi. J’ai dû comprendre son point de vue stylistique, puis travailler dans le détail et bien sûr trouver un son qui s’ac- corde au sien. Il a fallu être effi- cace. Le défi pour moi consiste à me hisser à son niveau. Il n’y a pas cinquante violoncellistes comme lui. Est-ce que cette vie de soliste vous fait envie? Oui, et en même temps je me rends compte de la difficulté. Il y a le manque de sommeil, l’obligation d’avaler des pro- grammes à toute allure. Quand j’ai débuté, j’étais très jeune et tout cela ressemblait à un conte de fée. Je me rends compte dé- sormais ce que cette vie a de dif- ficile et d’astreignant. Qu’est-ce qui est le plus difficile? Gérer les atterrissages! Après une tournée épuisante, com- ment se remettre tout de suite à travailler pour honorer le pro- chain engagement? C’est diffi- cile de gérer le vide du retour, les cassures dans le rythme des concerts. Seule chez soi, il faut recommencer à zéro. Quel est l’objet le plus impor- tant qui vous accompagne par- tout, après votre violoncelle bien sûr? C’est ma valise, je la choisis avec soin. C’est ma maison, j’y mets mes habits de concerts, des photos. Quelle œuvre rêvez-vous de jouer? Le concerto de Dvorák avec orchestre, sans hésitation. J’ai grandi avec lui, il a accompagné des moments importants de ma vie, il est chargé d’une émotion intense. Où rêvez-vous d’être invitée? Au festival de Verbier, parce que c’est chez moi. « Plus jeune, la vie de soliste me semblait être un conte de fée. ESTELLE REVAZ VIOLONCELLISTE Après une invitation l’an dernier dans les Jeunes Talents de St Prex Classics, Estelle Revaz jouera jeudi dans la cour des grands en duo avec Gautier Capuçon. CHARLY RAPPO Du 23 août au 2 septembre, le St Prex Classics propose de la danse, des voix, de la musique. Au programme, Roby Lakatos, Yuja Wang, Gautier Capuçon, Murray Perahia, Vlad Maistorivici, Nigel Kennedy et une soirée Michel Legrand et Nathalie Dessay. Ainsi qu’un concert de découverte des jeunes talents de l’année dans l’église romane de Saint- Prex. Le 23 août, au Vieux Bourg, 20 h 45, Estelle Revaz jouera un concerto de Vi- valdi pour deux violoncelles avec Gau- tier Capuçon lors de l’ouverture de la 7e édition du St Prex Classics. Lors de cette soirée de parrainage, Gautier Ca- puçon et la Camerata Armin Jordan, di- rigée par Benoît Willmann, encadrent les jeunes talents 2011 qui se sont pro- duits à l’église romane l’année passée. Les 27 et 28 août, soirée spéciale danse et musique en hommage au chorégraphe Roland Petit, avec la pia- niste Yuja Wang, Gautier Capuçon et deux danseurs de l’Opéra de Paris, Hervé Moreau, danseur étoile, et Eléo- nora Abbagnato, première danseuse. Billets entre 33 et 132 CHF selon les concerts et les catégories, sur www.stprexclassics.com et ticketcor- ner. MUSIQUE FESTIVE ET DANSE SUR LES POINTES BIOGRAPHIE Redécouvrir Yersin Patrick Deville redonne vie au scientifique franco-suisse, Alexandre Yersin, découvreur du bacille de la peste. PAGE 18 MARDI 21 AOÛT 2012 LE NOUVELLISTE LE MAG DR 17 THÉÂTRE L’Antiquité comme si vous y étiez avec le nouveau spectacle de plein air de l’été sédunois. A la table de Socrate, on y danse, on y danse «Sans le latin, la messe nous emm...» Oui, mais sans le grec, que faudrait-il dire du théâtre? Le théâtre, sans le grec et le latin, nous... ferait moins rigoler. C’est ce que nous rappelle, sous ses al- lures paillardes et savamment sa- vantes ce «Banquet sous les étoi- les» présenté jusqu’au 9 septem- bre dans la cour de l’Ancien Pénitencier à Sion. Ce collage de textes antiques re- constitue le banquet idéal, celui où l’on boit, on mange, mais sur- tout celui où l’on rit, souvent gras- sement, où l’on peut se montrer ouvertement grivois, pétomane, raciste et xénophobe, tout aussi bien que poète et philosophe. Un banquet où acrobates et jongleurs nous font grimper aux étoiles, en musique, et jamais bien loin du regard des dieux. Dans cette Antiquité «comme si vous y étiez», le spectateur d’au- jourd’hui habitué au «politique- ment correct» en perd parfois son latin. On y découvre ou redécou- vre, et ce n’est pas son moindre in- térêt, une Antiquité joyeuse et déshinibée. La scénographie d’Adrien Moretti est sobre et efficace, tout se joue sur les lumières, un porti- que, une immense table-scène, le cœur de ce banquet. Pas de dé- cors somptueux. Ici, l’essentiel est dans la langue. Les traductions ac- cumulent les trouvailles succu- lentes, telles les chansons du Petit Pet ou du Porcelet à la jardinière, qui devraient repeupler les salles de classes gréco-latines. Deux compagnies sont à l’ori- gine de ce spectacle, les Neuchâtelois de Projet STOA, Scène et Traduction pour les Œuvres anciennes, et Spectacl- expo, la compagnie du metteur en scène Guy Delafontaine et de la comédienne valaisanne Catherine Grand, rejoints par des jeunes comédiens de la Haute Ecole de théâtre. Le soir de la pre- mière, tous les comédiens n’étaient pas de la même force, le spectacle peinait un peu à démar- rer, mais l’intelligence du propos nous a fait bientôt tout oublier. On s’est laissée embarquer pour cette remontée dans le temps, quand Socrate et Platon étaient les précurseurs rigolards de Gainsbourg et d’Astérix le Gaulois.VR «Le Banquet sous les étoiles», rue des Châteaux 24, Sion, jusqu’au 9 septembre, tous les jours sauf lundi et mardi, wwww.theatrepointdanse.ch ou 079 648 66 91 «Ce fut le combat et la mêlée», ou quand le banquet tourne au pugilat! MAXIME WOEFFRAY, dc - bm

Estelle Revaz, Cellistin LE MAG Nouvelliste DE 28...Gainsbourg et d’Astérix le Gaulois.!VR «LeBanquetsouslesétoiles»,ruedes Châteaux24,Sion,jusqu’au9septembre, touslesjourssauflundietmardi,

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Page 1: Estelle Revaz, Cellistin LE MAG Nouvelliste DE 28...Gainsbourg et d’Astérix le Gaulois.!VR «LeBanquetsouslesétoiles»,ruedes Châteaux24,Sion,jusqu’au9septembre, touslesjourssauflundietmardi,

Estelle Revaz, Cellistin

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MUSIQUE Estelle Revaz, violoncelliste, 23 ans, est invitée par le festival St Prex Classics.

La vie à la pointe de l’archetVÉRONIQUERIBORDY

Elle répétait son concert dusoir à Prades, Languedoc-Roussillon, 6500 habitants,principal titre de gloire: patried’accueil de Pablo Casals pen-dantlaguerred’Espagne.Alafinde la Deuxième Guerre mon-diale, levioloncellisteyacrééunfestival demusique de chambreet des master classes avec desmusiciensréputés.EstelleRevaza fait partie cet été des heureuxjeunesmusiciens admis à y par-ticiper.La Valaisanne taille son che-

min à coups d’archet. Elle a en-core les joues charmantes etrondes des très jeunes femmes,mais sa détermination ne laisseplaner aucun doute. EstelleRevaz n’est pas du bois dont onfait les flûtes. La jeune femmebâtit sa carrière de musicienneavec sérieux et détermination.Lesengagementssemultiplient,grâce aussi au soutien de plu-sieurs fondations suisses. Ellerevient chez elle cet automnepour un concert à Martigny(Boîte àmusique, 9 septembre,19heures).Auparavant, elle estattendue le 23 août au festivalde Saint-Prex, au bord duLéman. Elle jouera en duo avecGautierCapuçon, dans un con-cert de parrainage pour jeunestalents. On devine ce que cerendez-vous avec un desmeilleurs violoncellistes dumoment peut signifier pourune musicienne de 23 ans.Estelle Revaz nous parle de savie et de ses rêves...

Comment se passe votre séjourà Prades pour ce festival PabloCasals?C’est beaucoup de travail, de

répétitions, de rencontres avecdes grands noms de la musique.PabloCasals a vouluquece festi-val soit une occasion de rencon-trespour lesmusiciens.Lesmas-ter classes sontunpeucompara-bles à ce qui se fait à Verbier.

Vous aurez peu de temps entrela fin de cette master classe etvotre concert à Saint-Prex. Com-ment vous êtes-vous préparée?J’ai rencontré Gautier l’an der-

nier, puisque nous étions déjàinvités tous les deux à St PrexClassics. On répétait dans lamême salle, on partageait lesmêmes repas et on parlait musi-que. Tout comme lui, je suis sor-tie du conservatoire supérieur

de musique de Paris. Cela apeut-être facilité ce projet deduo avec la Camerata ArminJordan. J’ai dû me couler dansl’emploi du temps de ce violon-celliste très demandé. Il jouepresque chaque soir en concert.Nous nous sommes rencontrésdeux fois, à Bonn et à Verbierpendant le festival. Les parti-tions baroques laissent beau-coupde liberté,maisGautier est

extrêmement précis dans les ar-ticulations, les coups d’archet,les tempi. J’ai dû comprendreson point de vue stylistique,puis travailler dans le détail etbien sûr trouver un son qui s’ac-corde au sien. Il a fallu être effi-cace.Ledéfi pourmoi consiste àme hisser à son niveau. Il n’y apas cinquante violoncellistescomme lui.

Est-ce que cette vie de solistevous fait envie?Oui, et en même temps je me

rends compte de la difficulté. Ily a le manque de sommeil,l’obligation d’avaler des pro-grammes à toute allure. Quandj’ai débuté, j’étais très jeune ettout cela ressemblait à un contede fée. Je me rends compte dé-sormais ce que cette vie a de dif-ficile et d’astreignant.

Qu’est-cequi est leplusdifficile?Gérer les atterrissages! Après

une tournée épuisante, com-ment se remettre tout de suite àtravailler pour honorer le pro-chain engagement? C’est diffi-cile de gérer le vide du retour,les cassures dans le rythme desconcerts. Seule chez soi, il fautrecommencer à zéro.

Quel est l’objet le plus impor-tant qui vous accompagne par-tout, après votre violoncellebien sûr?C’est ma valise, je la choisis

avec soin. C’est ma maison, j’ymets mes habits de concerts,des photos.

Quelle œuvre rêvez-vous dejouer?Le concerto de Dvorák avec

orchestre, sans hésitation. J’aigrandi avec lui, il a accompagnédesmoments importants demavie, il est chargé d’une émotionintense.

Où rêvez-vous d’être invitée?Au festival de Verbier, parce

que c’est chezmoi.!

"«Plus jeune, la vie de solisteme semblait être un conte de fée.ESTELLE REVAZ VIOLONCELLISTE

Après une invitation l’an dernier dans les Jeunes Talents de St Prex Classics, Estelle Revaz jouera jeudi dans la cour des grands en duo avec Gautier Capuçon.CHARLY RAPPO

Du23aoûtau2septembre, le St PrexClassics proposede la danse, des voix,de la musique. Au programme, RobyLakatos, Yuja Wang, Gautier Capuçon,Murray Perahia, VladMaistorivici, NigelKennedy et une soiréeMichel Legrandet Nathalie Dessay. Ainsi qu’un concertde découverte des jeunes talents del’année dans l’église romanede Saint-Prex.Le 23 août, au Vieux Bourg, 20h45,Estelle Revaz jouera un concerto de Vi-valdi pour deux violoncelles avecGau-tier Capuçon lorsde l’ouverturede la7eédition du St Prex Classics. Lors decette soirée de parrainage, Gautier Ca-

puçon et la Camerata Armin Jordan, di-rigée par Benoît Willmann, encadrentles jeunes talents 2011 qui se sont pro-duits à l’église romane l’annéepassée.

Les 27 et 28 août, soirée spécialedanse et musique en hommage auchorégraphe Roland Petit, avec la pia-niste Yuja Wang, Gautier Capuçon etdeux danseurs de l’Opéra de Paris,HervéMoreau, danseur étoile, et Eléo-nora Abbagnato, première danseuse.Billets entre 33 et 132 CHF selon lesconcerts et les catégories, surwww.stprexclassics.com et ticketcor-ner.

MUSIQUE FESTIVE ET DANSE SUR LES POINTES

BIOGRAPHIERedécouvrir YersinPatrick Deville redonne vie auscientifique franco-suisse, AlexandreYersin, découvreur du bacille de lapeste. PAGE 18

MARDI 21 AOÛT 2012 LE NOUVELLISTE

LE MAGDR 17

THÉÂTRE L’Antiquité comme si vous y étiez avec le nouveau spectacle de plein air de l’été sédunois.

A la table de Socrate, on y danse, on y danse«Sans le latin, la messe nous

emm...» Oui, mais sans le grec,que faudrait-il dire du théâtre?Lethéâtre, sans le grec et le latin,nous... ferait moins rigoler. C’estce que nous rappelle, sous ses al-lures paillardes et savamment sa-vantes ce «Banquet sous les étoi-les» présenté jusqu’au 9 septem-bre dans la cour de l’AncienPénitencier à Sion.Cecollagede textes antiques re-

constitue le banquet idéal, celuioù l’on boit, on mange, mais sur-toutceluioù l’onrit, souventgras-sement, où l’on peut se montrerouvertement grivois, pétomane,raciste et xénophobe, tout aussi

bien que poète et philosophe.Unbanquetoùacrobateset jongleursnous font grimper aux étoiles, enmusique, et jamais bien loin duregard des dieux. Dans cetteAntiquité «comme si vous yétiez», le spectateur d’au-jourd’hui habitué au «politique-mentcorrect»enperdparfoissonlatin. On y découvre ou redécou-vre,etcen’estpassonmoindrein-térêt, une Antiquité joyeuse etdéshinibée.La scénographie d’Adrien

Moretti est sobre et efficace, toutse joue sur les lumières, un porti-que, une immense table-scène, lecœur de ce banquet. Pas de dé-

corssomptueux.Ici, l’essentielestdanslalangue.Lestraductionsac-cumulent les trouvailles succu-lentes, telles leschansonsduPetitPet ou duPorcelet à la jardinière,qui devraient repeupler les sallesde classes gréco-latines.Deux compagnies sont à l’ori-

gine de ce spectacle, lesNeuchâtelois de Projet STOA,Scène et Traduction pour lesŒuvres anciennes, et Spectacl-expo, la compagnie du metteuren scène Guy Delafontaineet de la comédienne valaisanneCatherineGrand, rejointspardesjeunes comédiens de la HauteEcolede théâtre.Le soirde lapre-

mière, tous les comédiensn’étaient pas de lamême force, lespectaclepeinaitunpeuàdémar-rer, mais l’intelligence du proposnous a fait bientôt tout oublier.On s’est laissée embarquer pourcette remontée dans le temps,quand Socrate et Platon étaientles précurseurs rigolards deGainsbourg et d’Astérix leGaulois.!VR

«Le Banquet sous les étoiles», rue desChâteaux 24, Sion, jusqu’au 9 septembre,tous les jours sauf lundi et mardi,wwww.theatrepointdanse.chou 079 648 66 91

«Ce fut le combat et la mêlée», ou quand le banquet tourne au pugilat!MAXIME WOEFFRAY,

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