Ethnographie -Version Finale

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    OBSERVATIONS DUN ESPACE POPULAIRE LYONNAIS

    LES DOSSIERS DE LA MRIE2013

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    Depuis quelques mois, une nue de mendiants et de vagabonds [] sest abattuesur la ville de Lyon. Ils se trouvent dans toutes les rues, sur toutes les places pu-bliques ; sous prtexte de faire de la musique [], ils mendient et ils volent quand ilsen trouvent loccasion. Il nen est pas qui se livrent au travail, et la plupart exploitentde malheureux enfants quils ont amens avec eux en les obligeant voler et de-mander laumne et en les maltraitant quand ils ne recueillentpas une somme d-termine.

    Lettre du Parquet de la Cour impriale de Lyon au ministre de la justice, 20 avril 1867inBegag A., 2011, Lyon, place du Pont. La place des Hommes Debout ,

    ditions Lyonnaises dArt et dHistoire.

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    SOMMAIRE

    INTRODUCTION p3

    1. LA PLACE : UN LIEU DE SOCIABILITS p4Un carrefour gnrationnel et culturelLes hommes deboutUne zone de consommation dalcool

    2. LE COMMERCE INFORMEL SUR LA PLACE GABRIEL PRI p7

    Un march ordonnLa place : thtre de ngociationsLa police ou le jeu du rat et de la souris

    3. DES ACTIVITS CONOMIQUES DISCRTES p11Le march : un ordre en volution Marlboro, Marlboro : la vente de cigarette Tu veux du shit ? : les conditions de vente du cannabis

    4. LETHNOGRAPHIE FACELA PROSTITUTION DES FEMMES ROMS p15Un phnomne public et mdiatiqueTypologie des relations observesLa rumeur de prostitution rom

    CONCLUSION p21

    BIBLIOGRAPHIE p22

    ANNEXES p23Annexe 1 : Rflexions sur la mthode ethnographiqueAnnexe 2 : Rcapitulatif du travail de terrainAnnexe 3 : Grille dobservation

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    INTRODUCTION

    Le quartier de la Guillotire est situ au cur dela ville de Lyon, laquelle il fut rattach en 1852. Il

    concentre une forte attention des pouvoirs publics depuis le XIXme

    sicle : espace privilgi pour lesnouveaux migrants, il a par ailleurs la rputation dabriter des activits dlinquantes. Ds 1848, parexemple, un rapport sur la prostitution est demand la Prfecture de la Police ; en 1919, le chef dela Sret crit que des Arabes et sujets grecs se [livrent] la vente de tabac de contrebande1surce lieu.

    La place Gabriel Pri, emblmatique de ce quartier est situe cheval sur les 7me et3me arrondissements2. Son occupation et sa rputation continue dinterpeller malgr lesamnagements urbains rcurrents quelle subit. Courant 2012-2013, deux activits attribues auxroms ont de nouveau mis en lumire cet espace : un march illgal et la prostitution de jeunes fillesmineures. Nous avons dcid dinterroger ces lments dans le cadre dune enqute ethnographique.Si le point de dpart tait la question rom , notre travail ne porte pas uniquement sur cette

    population. Cette place concentre une multitude dactivits, conduites par des acteurs doriginesdiverses. Ces pratiques se mlent les unes aux autres et notre tude sattache dcrire lefonctionnement des plus rcurrentes.

    Parmi toutes les populations prsentes, chacune mriterait un travail approfondi. Nous pourrions nousdemander pourquoi des SDF ou des enfants la frquentent assidment (questions de lurgence socialeet de la scolarisation). Cependant, ce qui nous intresse ici est lutilisation faite de la place. Elle peutsenvisager comme un thtre, o se droulent des pices aux scnes bien huiles et runissant desacteurs aux rles bien prcis. Cest cette cohabitation de diffrentes activits qui a focalis notreattention. Lobjet de ltude est de comprendre le fonctionnement de cet espace public, au -del desrumeurs et des ides reues qui lentourent.

    QUESTIONS DE MTHODE : LETHNOGRAPHIE

    D. Cfa donne la dfinition suivante : Par ethnographie, on entendra une dmarche d'enqute, quis'appuie sur une observation prolonge, continue ou fractionne, d'un milieu, de situations oud'activits, adosse des savoir-faire qui comprennent l'accs au(x) terrain(s) (se faire accepter,gagner la confiance, trouver sa place, savoir en sortir...), la prise de note la plus dense et la plusprcise possible et/ou l'enregistrement audio ou vido de squences d'activitsin situ. Le cur de ladmarche s'appuie donc sur l'implication directe, la premire personne, de l'enquteur, qu'il soitsociologue, anthropologue, politiste ou gographe, en tant qu'il observe, en y participant ou non, desactions ou des vnements en cours. Le principal mdium de l'enqute est ainsi l'exprience incarnede l'enquteur3.

    Concrtement, nous avons men sur prs de 40 heures des observations prolonges rpartiessur plus de 30 jours entre mars et juin. Elles se sont gnralement droules entre 9h00 et 18h00,

    ainsi que des passages ponctuels sur des crneaux horaires de nuit. cela sajoute des passagesquotidiens5 jours par semainesur la place, depuis mars, donnant lieu des observations pluscourtes (une dizaine de minutes). Nous avons galement eu recours la photographie pour enrichirnotre comprhension de ce qui se passe sur la place. Par ailleurs, nous avons men une sriedentretiensplus ou moins formels avec des associations, des commerants et des habitants situssur (ou prs) de la place Gabriel Pri.

    1Begag A., 2011, Lyon, place du Pont. La place des Hommes Debout , ditions Lyonnaises dArt et dHistoire,p.612La place est galement un nud de passages: voies de circulation routire qui partent ou passent sur la place

    (Cours Gambetta ; Rue de Marseille ; Grande Rue de la Guillotire ; Rue Paul Bert ; Cours de la Libert) ;prsence de transports en commun (mtro D ; tramway T1 ; grandes lignes de bus C12 et C23).3Cfa D. (sous la direction de), 2010, Lengagement ethnographique, Les ditions de lEHESS, p.7

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    1. LA PLACE : UN LIEU DE SOCIABILITS

    La place Gabriel Pri nest pas un simple lieu de passage ; cest un espace sur lequeldes personnes

    restent, quelles habitent au sens dun usage familier du monde4

    . Elles sont de tout ge, dediffrentes origines5et sy retrouvent pour y passer du temps.

    UN CARREFOUR GNRATIONNEL ET CULTUREL

    Elle correspond une centralit immigre6: elle est au cur dun quart ier regroupant descommerants (principalement des snacks et des magasins dalimentation) dorigines diverses. Selonles rues, lambiancevarie : elle sera asiatique autour de la rue Passet, maghrbine rue Paul Bert et

    plutt africaine Grande Rue de la Guillotire. Cest ce qui explique que le quartier soit souvent dcritcomme un lieu exotique ou pluriethnique . Un homme que nous y croisons rgulirement feraun parallle entre ce cosmopolitisme et les nombreuses addictions dont il souffre :

    Il parat que je suis polytoxicomane [] Polytoxicomane cest comme ici[le quartier de la Guillotire], cestcosmopolite.7

    Homme sans domicile, 41 ans, habitu de la place Gabriel Pri

    La place symbolise certaines des diffrences du quartier : maghrbins, SDF, personnes assimiles augroupe rom ou originaires dAfrique subsaharienne y cohabitent quotidiennement avec despassants de tout horizon. Cette diversit en fait un lieu unique dans Lyon. Cest galement uncarrefour gnrationnel o se rencontrent des personnes de tout ge. Ct 3 mearrondissement, leschibanis8partagent la place avec des hommes maghrbins plus jeunes (une trentaine dannes). Ct

    7me arrondissement, les diffrences dges sont plus grandes du fait de la prsence denfants.Certains sont encore dans des poussettes ou dans les bras de leurs mres. Dautres jouent avec leurs

    jouets (des poupes, des vlos, etc.) et se courent les uns derrire les autres. Ils ne sont pas seuls, ilssont accompagns dadultes qui restent sur les lieux.Mme sils semblaient tre plus nombreux durantles vacances, des enfants taient dj prsents lors des priodes scolaires, en journe.

    4Breviglieri M., Trom D., 2003, Troubles et tensions en milieu urbain. Les preuves citadines et habitantes de la

    ville . In Cfa D., Pasquier D., Les sens du public : publics politiques et mdiatiques, P.U.F., [en ligne], disponiblesur http://unige.ch5Il faut mentionner que lors de ce travail, nous n'avons pas interrog les personnes observes sur leur ge etleur nationalit.6Battegay A., 2003, Les recompositions dune centralit immigre: la Place du Pont Lyon , Revue euro-

    penne des migrations internationales, Vol.19, n2 [en ligne], disponible surhttp://revues.org7Journal de Terrain [JT], 10/07/138Ce terme dsigne des hommes maghrbins gs

    Passages et stationnements place Gabriel Prijuin 2013

    http://revues.org/http://revues.org/
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    LA PLACE : UN TERRAIN DE JEUX POUR LES ENFANTS9

    Une femme grande, mince, une canette de bire la main, sarrte discuter avec un homme sur laplace. Elle a un chien quelle tient en laisse. Il y a sept enfants sur la place qui semblent tous avoirmoins de 10 ans. Parmi eux, un garon et une fille vont voir le chien. La femme se baisse pour lecaresser avec eux. Elle leur montre le mouvement quil faut faire.Un autre garon fait du vlo aumilieu de la place. Deux autres garons le regardent comme sils lattendaient. Quand il passe prsdeux, sur son petit vlo rouge, ils l interpellent. Aprs quelques minutes il sarrtera et prtera le vlo.

    LES HOMMES DEBOUT

    Ce lieu peut parfois tre dsign par laplace des hommes debout10. Cette expression qualifie leschibanis qui se retrouvent principalement ct 3me arrondissement, prs de la sortie du mtro. Ilsdisposent de peu dendroits o sasseoirsi bien que la majorit dentre eux reste debout discuter.Les autres vont se mettre la terrasse du Caf dAlgrie, situ en bas du Clip, le grand btiment enverre ; ou sassoient en bout de place, sur le rebord qui marque la limite avec la route.

    Ils sont en moyenne plusieurs dizaines par jour formant des petits groupes allant de deux cinq ousix personnes. Il ny a que des hommes, pas de femme. Ces regroupements reprennent uneancienne tradition datant de plus dun quart de sicle, dun ensemble de pratiques articules etdifficilement dissociables, de rencontres, de sociabilit et dinformations lchelle de la ville. Plusieursde nos interlocuteurs nous ont ainsi racont que cest l quils avaient russi, lors de lboulementdune partie dAlger en novembre 2001, avoir des nouvelles de leurs familles alors que toutes leslignes tlphoniques taient coupes, grce des rencontres11.

    9JT, 27/05/201310Begag A., op. cit., p.711Battegay A., op. cit.

    Une conversation place Gabriel Prijuin 2013

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    UNE ZONE DE CONSOMMATION DALCOOL

    Parmi les personnes occupant la placeuniquement le 7mearrondissement, certaines consomment

    de lalcool. La prsence du supermarch Casino permet dailleurs un ravitaillement presque instantan.Ce sont gnralement des sans domicile mme si cette consommation se retrouve chez des personnesassimiles au groupe rom . Cest principalement de la bire qui est bue, parfois du vin, plusrarement des spiritueux.

    JVAIS ME CHERCHER UNE BIRE12

    En face du supermarch Casino, je retrouve cinq hommes sans domicile que je connais. Nouscommenons discuter alors que tous les cinq sont en train de boire. Il y en a deux qui se partagentune bouteille de ros-framboise. Les trois autres sont en train de boire des bires en canette de 50centilitres.Nous allons nous mettre derrire le quai du tramway, prs des plantes. Un des hommes sen va: Je

    vais faire un tour Perrache. Au mme moment, un des hommes buvant de la bire va ausupermarch ; il vient de finir sa canette quil a jete dans la poubelle prs de larbre. Il revientquelques minutes plus tard avec deux canettes de bire (les mmes que celle quil buvait). Il en rangeune dans son sac dos et en ouvre une autre. Il sassoit par terre. ses cots, un des hommes, ivre,semble sendormir.Je continue de discuter avec deux hommes. On est debout, autour de la borne incendie. Lorsquils ontfini leur bouteille de ros-framboise, lun deux demande lautre de largent pour aller en reprendreune autre. Il lui donne des pices. Il est pas mauvais celui-l[en regardant ltiquette]. a te va si

    je le reprends ?. Il va au Casino et reviendra avec la mme.

    Lors de notre ethnographie, livresse sur la place na jamais produit de dbordement physique.Cependant, certains comportements peuvent engendrer une violence symbolique, interpeller, choquerle passant : un homme, une canette de bire la main, titubant, qui va uriner contre un arbre ; unhomme qui dort, au milieu de la place, une bouteille de vin rouge en plastique en guise doreiller. Parfois, les personnes qui boivent peuvent tre exubrantes : elles dansent, crient, etc.

    ALCOOL ET CONVIVIALITS13

    Contre la faade du McDonalds un homme joue de laccordon, accompagn de trois personnes. Ilsforment un petit groupe. Lun deux crie parfois: il narrte pas de lancer une pice en lair, lorsquelaccordonistejoue. Au sol, deux flasques de whisky ; lune vide, lautre moiti.Un des hommes une flasque la main, il est en train de boire. Deux filles (6-7 ans environ), un mtre du musicien,dansent en le regardant et en se tenant la main.Contre les plantesderrire le quai du tramway un groupe dune dizaine de personnesest en train

    de discuter et de boire des bires en canette de 50 centilitres. Ils parlent fort ; certains se prennentdans les bras et rigolent. Latmosphre est conviviale. Je sens lodeur delalcool et devinelivresse decertaines personnes travers des gestes maladroits.

    12JT 16/04/201313JT 04/04/2013

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    2. LE COMMERCE INFORMEL SUR LA PLACE GABRIEL PRI

    Pendant notre tude, une activit fut particulirement visible : un march sauvage pour

    reprendre une expression apparue dans les mdias14

    , tait install sur la place Gabriel Pri. Il acess au cours du mois de mars 2013. Une prsence policire accrue et des travaux damnagementsur la place semblent tre les principales raisons de cette disparition.

    UN MARCH ORDONN

    Le march se droule exclusivement sur la partie du 7mearrondissement de la place, entre larrt detramway et le supermarch Casino, sur un espace rduit, dune dizaine de mtres carrs. Parfois ladensit de stands rend la circulation impossible aux pitons qui nyparticipent pas. Les vendeurs et lespotentiels acheteurs sapproprient une partie de la zone dont semblent sauto-exclure les passants.Ces derniers utilisent plutt les quais du tramway comme voie de passage.

    Le march commence en matine, partir de 9h30-10h00, en moyenne, et se termine en fin daprs-midi. Il y a de tout : des denres alimentaires, en particulier le matin, des vtements, des chaussureset de llectronique (cbles, radios, etc.). Ces biens semblent de pitre qualit, ils sont uss etabms :

    Ctait un march de la misre [] Quand tu vois ce qu'ils vendaient :c'taient des vieilles chaussures dj portes... c'tait pourri[] Parfois, il yavait des tlphones portables, de llectronique mais vieillot. 15

    Pierre16, 34 ans, habitant de la place Gabriel Pri

    Chaque jour, une dizaine de stands, en moyenne, sinstallent dos au quai du tramway sur une dizainede mtres de long. Quelques fois certains sont situs contre un mur, prs de lentre du supermarch.Ce sont des espaces de vente, dlimits par les biens vendus poss au sol gnralement sur une

    couverture ou un drap. Une fois que des biens sont exposs , lespace est appropri par le vendeur.Les personnes choisissent leurs emplacements en fonction de leur ordre darrive : les premierssinstallent, en gnral, face au Casino ; les derniers, dans la partie la plus resserre, entre larrt detramway et le bureau de tabac. Le processus se reproduit quotidiennement ; les places tant dfiniesuniquement pour la journe. Elles sont respectes : tant quun vendeur ne part pas, personne ne vientse mettre sa place. Par contre, en cas de dpart, il perd sa place et ne peut la rclamer plus tarddans la journe.Un groupe dindividus, gnralement installes proximit du McDonalds, prs du passage piton dela Grande Rue de la Guillotire, font office de guetteurs. Elles prviennent les vendeurs de larrive dela police. De sorte que le march se compose en deux zones distinctes : la zone de vente et la zonede guet.

    LE TRAVAIL DE GUET17

    Deux lectriciens, avec un camion, viennent pour rparer une camra de vidosurveillance, fixe sur lemur du McDonalds. Ils attendentsans intervenir car ils ne sont pas en mesure de se garer sur la placeavec leur vhicule. Le march est l et mme les pitons peinent se frayer un passage. Quelquesminutes plus tard, deux policiers municipaux arrivent en voiture sur le Cours Gambetta, et sarrtentcontre la place (au niveau de lascenseur du mtro). Les guetteurs alertent instantanment lesvendeurs en criant. Ils semblent plus jeunes que ceux qui grent les stands ; il y a sept femmes etdeux hommes. Ils courent pour venir aider remballer les affaires : ils ont quelques secondes. Lespoliciers, quant eux, ne se prcipitent pas. Ils sortent de la voiture et marchent sans forcer le pas.Quand ils arrivent hauteur de la sortie du mtro, lun des deux policiers fait des grands gestes etdit : Allez, cest fini ! On sen va! .

    14Lyon Capital, 13/04/2011, Guillotire : un mange pour dloger les indsirables 15JT 24/06/201316Tous les prnoms mentionns dans ce document ont t modifis17JT 05/03/2013

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    Si des passages rapides sur la place peuvent donner limpression dun dsordre, lobservation poussepermet de dceler des codes de biensance qui font de ce lieu un bazar ordonn. Les vendeursrespectent des rgles informelles de bonnes conduites : ils ne s'installent pas n'importe o etnempitentpas sur les stands des autres. Cette organisation se retrouve lors des ventes. Si certainesd'entre elles peuvent se drouler dans un climat tendu, nous navons jamais assist desheurts. Surla place, la violence est principalement verbale. Pour reprendre les mots dun commerant, ici, on nese met pas sur la courge!18.

    LA PLACE : THTRE DE NGOCIATIONS

    Lors d'une vente, lobjet est au centre de linteraction. Dun ct ily a les vendeurs, de lautre lespotentiels acheteurs. Sil y a plusieurs personnes, seulement deux sont actrices ; les autres sontspectatrices mme si les rles sont susceptibles dvoluer. Cest lune des spcificits de la place : lesventes se droulent au milieu de nombreuses personnes qui sont susceptibles de simmiscer dans lesngociations.

    ASSISTER UNE VENTE : LES PRMISSES DE LA PARTICIPATION19

    Une femme essaye une veste en cuir quun homme vend, elle ne semble pas vouloir la rendre. Elle luidonne 10, il en veut 40. Il essaye de lui faire enlever la veste, en tirant une des manches. La femmese dfend en secouant son bras et en essayant de sloigner de lhomme. Il y a plusieurs dizaine s depersonnes autour deux, trs rapproches les unes des autres. Un petit cercle sest form. Le vendeurrpte : Cest 40, cest 40. Un des hommes du cercle interpelle le vendeur, lui demandant delcher la femme ; il lui rtorque : Elle ma donn 10 . Cest 40. Lhomme le tire vers lui ce quiforce ce dernier lcher la femme. Lhomme dit: Cest bon!. Le vendeur ne dit rien de plus et lafemme sen va. Lhomme reste sur la place. Il ne semble pas y avoir de lien entre eux.

    Durant la vente, nous pouvons dceler certaines complicits entre des personnes. Elles peuvent setraduire, par exemple, par le chuchotement ou par lutilisation de langues diffrentes.Les participantsau march nont pas tous la mme langue maternelle. Ainsi, plusieurs reprises, nous entendons desvendeurs parler entre eux dans une langue, de potentiels acheteurs discuter entre eux dans une autreet, parfois, en utiliser une troisime pour la ngociation. De fait, les changes entre acheteur etvendeur se font dans un langage hybride, alliant gestualit et verbalit. Malgr la confusion quisemble rgner, les intonations et les techniques du corps permettent une comprhension mutuelle quiaboutit la vente.

    LA LANGUE COMME MISE DISTANCE20

    Un homme, une soixantaine dannes, propose des chaussures. Une personne, maghrbine, quisemble tre de son ge, se penche pour les regarder. Le vendeur montre deux doigts pour lui donnerle prix de la paire : 2. Le potentiel acheteur lui fait signe de la tte que non. Il se relve mais resteau mme endroit. Ils se font face, un petit cercle sest form. Le potentiel acheteur demande deux

    autres hommes leur avis (lun est sa droite et lautre sa gauche ; il touche physiquement les deux).Il les fait ainsi rentrer dans la ngociation. Ils parlent voix basse, en arabe, en regardant les chaus-sures. La langue utilise permet ici la confidentialit des propos. Il se rebaisse sans rien dire et metles chaussures dans deux sacs de course. Le vendeur essaie de lui parler, met sa main sur son brasdroit, comme pour lui signifier darrter. ce moment l, le potentiel acheteur se met hausser leton : Cest bon!. Une fois les deux sacs remplis (il semble quil y ait une dizaine de paires parsac), il tend un billet de 10 au vendeur. Celui-ci hsite quelques secondes, puis accepte. Les troishommes sourient avec fiert, comme pour montrer quils ont russi leur coup. Le vendeur se tournevers un homme dune trentaine dannes, sa gauche. Il fait un signe de la tte comme pour direquil nest pas content de ce qui vient de se passer. Il ne lui reste plus que quelques paires de chau s-sures. La ngociation a dur 5 minutes.

    18JT 03/06/201319JT 08/03/201320JT 05/03/2013

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    Nous observons deux modalits fluctuantes et connexes de ngociation : lententeet laffrontement21.Laffrontementse traduit par des changes verbaux virulentsqui se distinguent par le ton de la voix,beaucoup plus fort, voire des insultes. Cependant, nous navons assist aucune bagarre. De lautrect, il peut y avoir des ngociations dentente, o les deux protagonistes sont pleinement satisfaits.

    UNE NGOCIATION DENTENTE22

    Il est 10h, une femme arrive par le mtro. Les emplacements sont dj occups, elle se place prs dela sortie du mtro, au niveau des plantes. Dun cabas roulette, elle sort deux packs de lait dehuit briques, plusieurs botes de crme Mont-Blanc (vanille et chocolat) et une bote dassortiment denourriture asiatique. Un maghrbin dune soixantaine dannes, qui tait dj sur la place quand jesuis arriv, achte lensemble. Il montre, par un geste, quil veut tout acheter et tend de largent lafemme. Elle prend largent maisne dit rien. Aprs avoir compt, elle fait un signe de la tte (de hauten bas) pour montrer quelle accepte. Lhomme remplit son cabas roulette et sen va prendre lemtro. Moins de 5 minutes se sont coules entre le moment o la femme a pos les produits et lemoment o lhomme est reparti. Ici, chacun sestime gagnant, obtenant ce quil souhaitait.

    LA POLICE OU LE JEU DU RAT ET DE LA SOURIS

    Le march comprend un troisime type dacteurs importants: les policiers municipaux ou nationaux.Leur prsence rgulire sur la priode dobservation, au minimum une fois par semaine et aumaximum, deux fois par jouront un impact important sur les changes.Nous nous sommes entretenus avec un homme dune trentaine dannes ce sujet. Il passebeaucoup de temps sur la place et ses environs ( Cest mon quartier icinous dira-t-il) et compareles relations vendeurs/policiers un jeu :

    Y a personne aujourdhui. Peut-tre parce quil fait pas beau. Peut treque les flics sont venus aussi, ils viennent souvent pour les roms. Mais ils lesarrtent pas ! Ils prennent juste ce quils vendent, les autres partent encourant. Tu vois, les flics et les roms cest comme le rat et la souris!23

    Fouad, 33 ans, visiteur quotidien de la place Gabriel Pri

    Parmi toutes les activits de la place, le march concentre toute lattention policire: leursinterventions ciblent uniquement les vendeurs et les acheteurs ; les vendeurs de cigarettes ou lesconsommateurs dalcool sur la voie publique ne sont jamais inquits. La prsence est seulementdissuasive : lobjectif est de mettre fin au march.

    PRENDRE SES DISTANCES AVEC LES POLICIERS24

    Un matin, deux policiers municipaux arrivent sur la place. Les guetteurs , installs prs du McDonalds,viennent aider les vendeurs ranger leurs objets exposs sur les stands. Tout le monde, sauf unefemme, a le temps demballer ses affaires. Les policiers lui font comprendre d'arrter avant quelle aitpu finir. Elle ninsiste pas etsen va rejoindre un petit groupe qui sest assis au bout de la place, prsde la voiture de police, avec leurs sacs. Les vendeurs observent le policier qui fait un tas avec lesaffaires de cette femme : il ne les touchera pas avec les mains. Ce sera toujours du bout de sesbottes, dun air dgout.Certains vendeurs se sont poss larrt de tramway. Si une partie reste proximit de la zone dumarch, dautres se dispersent ici et l. Les policiers surveillent les affaires saisies. deux reprises despersonnes sarrteront pour les regarder. Les policiers, avec le sourire, leur diront que ce nest pas vendre. Autour deux, se cre une zone de vide. Une vingtaine de minutes aprs cette intervention,des agents de nettoyage du Grand Lyon viendront mettre les affaires dans deux sacs poubelles. Ilsportent des gants. Les policiers repartiront en mme temps queux. Quelques minutes aprs leurdpart, les personnes se rinstallent et le march reprend son cours.

    21Bellenger L., 2009, La ngociation , P.U.F., p.3922JT 05/03/201323JT 19/03/201324JT 05/03/2013

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    Dans toutes relations sociales, les interactions se droulent en fonction de normes corporelles qui sontrgies par la proxmie25. Ainsi, les personnes se doivent de respecter une certaine distance physiquedpendante du type de relation quelles entretiennent. Ici, lintervention policire, le statut etluniforme, crent une sphre large dont le rayon[] marque, en quelque sorte, la distance ultime ne pas franchir26 comme nous le montre la photo ci-dessus. Les vendeurs se tiennent loin, lcart. Traverser cette frontire symbolique pourrait tre peru comme une provocation, un manquede respect. La prsence policire a pour consquence directe larrt du march. Un jour, un policier

    dira son collgue : Regarde, a serait pas mal dtre plus souvent sur la place, ce serait pluscalme. Je dis pas quil faut un mec tout le temps l, mais voil ya que a quifonctionne ici.27

    Policier lors dune intervention place Gabriel Pri

    Il semble que seule la prsence physique policire permette larrt du march et le retour au calme sur la place. Les interventions de police se droulent sans heurts particuliers. Chacun sait cequil a faire, connait son rle. Nous navons jamais assist ou entendu parler darrestations sur cemarch le temps de notre ethnographie. Ici la prsence policire a pour but de dissuader linstallationdes stands. Les vendeurs savent quil leur faut ranger leurs affaires et se faire discrets ; de mme, lespoliciers savent que leur prsence met fin provisoirement du moins au march. Une sorte deguerre dusure pour lappropriation de la place.

    partir de la mi-mars, une prsence policire renforce28semble avoir contribu larrt du march.Cependant, cela ne signifie pas la fin de toute activit marchande. La place continue malgr toutdtre un lieu de transactions o se rencontrent vendeurs et acheteurs.

    25Hall E., 1971, La dimension cache , Le Seuil.26Simmel G. in Goffman E., 1974, Les rites dinteraction, ditions de Minuit, p.56.27JT 05/03/201328Par exemple, il est arriv plusieurs fois quun camion de police soit gar sur la placeavec jusqu sixpoliciers lintrieur (JT 06/05/2013) pour dissuader toutes activits marchandes.

    Une intervention policire place Gabriel Primars 2013

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    3. DES ACTIVITS CONOMIQUES DISCRTES

    En parallle au march, un certain nombre dactivits conomiques se droulent sur la place Gabriel

    Pri. Alors que celui-ci tait visible, que sa prsence gnait la circulation des badauds sur certaineszones, dautres activits insouponnables sans un minimum de prsence, sy droulent toujours. Lemarch en lui-mme nexiste plus: il recouvre une nouvelle forme, plus discrte mais qui propose unegamme similaire de produits. En parallle cela, dautres activitspar essence plus secrtes nont past impactes par le travail policier : il sagit de la vente de cigarette et de cannabis.

    LE MARCH : UN ORDRE EN VOLUTION

    Avec la fin du march, les techniques de ventes de vtements et de denres alimentaires ont doncvolu. Les produits, au lieu dtre exposs sur le sol, restent dornavant dans des sacs ou dans les

    mains des vendeurs. La mise en scne se situe entre visibilit et invisibilit : il faut tre la fois vu,identifi par des acheteurs et, en parallle, ne pas tre vu par la police. Ces nouvelles pratiques devente ont lieux l o les stands taient installs, du ct du 7mearrondissement.

    SE RENDRE VISIBLE ET INVISIBLE29

    Au pied de larbre, face au McDonalds, il y a une femme. Elle porte une robe longue, fonce, avec desmotifs floraux blancs et dors et une veste en laine violette. Elle est assise, les jambes replies. sespieds un sac de course rougeIntermarchavec une fleur blanche dessus. Il est rempli de produitsalimentaires.Un homme (une quarantaine dannes, lunettes, bien ras, pantalon beige, veste noire), vient la voir,regarde son sac et achte un paquet de caf et une bote de thon ( il mest impossible de voir combienil lui en offre). Elle vend 3 botes de sardines un deuxime homme (30-35 ans, lunettes de soleil,

    jeans, sweat rouge, veste en jeans noire) pour 2. chaque fois quelle vend, une jeune fille dune dizaine dannes met les produits dans un sacplastique. En attendant, elle reste debout, appuye contre larbre avec son paule droite.

    un moment, il y aura quatre personnes (trois hommes et une femme) en mme temps autour de lavendeuse. Cette dernire sortira des produits pour les montrer. Un des hommes achtera trois botesde riz Uncle Bens. Les deux autres hommes nachteront rien ; la femme achtera deux pots decrme Mont-Blanc et une bote de thon.Puis la police vient sur la place. Des personnes qui taient prs de la vendeuse, regarder ce quecontenait son sac sloignent. La vendeuse reste assise. Un des policiers passera derrire larbre;lautre devant la vendeuse. Aucun des deux ne lui prtera attention. Alors quilssont au milieu de laplace, la vendeuse se lve et va sasseoir auprs dungroupe de personnes installes prs delle. Ellegardera son sac ses pieds ; elle tiendra les bords par le haut pour le refermer afin de ne pas laisser

    apparatre ce quil contient.

    Certains acheteurs connaissent dj des vendeurs. Ainsi, une personne peut tre identifie commetelle alors mme quelle nest pas en train de vendre. Une relation antrieure permet lidentification :si un individu a endoss ce rle il peut potentiellement encore le faire. Dans ce cas, les acheteurssadressent lui pour savoir ce quilpropose.

    29JT 23/05/2013

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    LA NOUVELLE PLACE FORTE DU COMMERCE LOCAL : LE SAC DOS30

    Deux hommes (un barbu, avec une queue de cheval, plutt costaud ; un autre, les cheveux courts,plus petit) arrivent par le Cours Gambetta (provenance Saxe), passent devant le McDonalds et vontdirectement voir un homme qui est prs de la poubelle. Il est face la sortie du mtro, au dbut duquai du tram. Lhomme est de taille moyenne et dassez forte corpulence. Il est chauve et porte un

    jeans bleu clair, assez large, des chaussures pointues noires, une veste de survtement jaune avecdes bandes noires. Il a une sacoche en cuir autour du cou et un sac dos Lollipops. Le plus petit des deux hommes lui sert la main et lui demande : Quest-ce que tas?. Sa manirede demander est assez directe, je suppose quils se connaissent. Lhomme retire son sac dos quilpose sur le rebord de la poubelle. Il louvre. Je vois lacheteur en retirer diffrents objets (un potarrondi de gel au couvercle violet ; un pot de crme Nivea). Seul cet homme regarde ce quil y a lintrieur du sac, en prenant les objets en main ; lhomme avec la barbe ne touche rien, restelgrement ct, regarde parfois autour. Je nentends pas clairement ce qui se dit. Il me sembleentendre lacheteurdire : ce prix l ?. Je crois dceler une surprise comme si ctait trop cher.Les deux hommes discutent quelques secondes entre eux. Lacheteurparle au vendeur, qui semble

    accepteril fait un signe de la tte de haut en baset donne le pot de crme Nivea. Linteraction adur un peu plus de 5 minutes.

    Dans dautres situations, cest le hasard qui permet la vente. Une personne tmoin dune transactionou interpelle par un vendeur peut tre intresse pour un achat. Cette technique permet au vendeurde choisir ses clients. Il va voir ceux qui lui inspirent confiance, qui ne lui poseront pas de problme etavec qui il estime avoir des chances de vendre.

    QUAND LE VENDEUR CHOISIT SES CLIENTS31

    Un homme arrive sur la place. Dun sac de course, il sort deux jeansun beige, uni ; un autre noir,lgrement dlav encore tiquets. Il les pose sur son avant-bras gauche, lun sur lautre mais

    lgrement dcals afin quils soient bien visibleset sinstalle la sortie du mtro. Il reste l, commesi de rien ntait, silencieux. Parfois, il interpelle des hommes (toujours des maghrbins), va vers eux,pour leur montrer les jeans. Il parle en arabe et en franais. Il me semble comprendre quil dit 8 un homme. Il vise les personnes quil va voir et nattend pas dtre sollicit par des clients. Aprsune dizaine de minutes il se dplace et va au milieu de la place, en marchant lentement. Prs delarbre, face au McDonalds il interpelle un homme maghrbin g. Ce dernier prend les jeans dans sesmains, les regarde attentivement puis fait signe de la tte comme s'il approuvait leur qualit et qu'ilvoulait les acheter. Il rglera avec un billet de 20.

    30JT 21/05/201331JT 23/05/2013

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    MARLBORO, MARLBORO : LA VENTE DE CIGARETTES

    Un rapport de lObservatoire Franais des Drogues et des Toxicomanies affirme que la ville de Lyon ne

    possde pas d'espace o se fait une vente de tabac la sauvette32

    . Ce travail nous incite penserlinverse.Sur la place, en passant, il est possibledentendre des Marlboro, Marlboro, Legend, Legend, American Legendou Shima, Shima cigarettes. Cesmarques de cigarettes, prononcesmais pas cries, permettent didentifierdes vendeurs. En clamant les marques,ils ne sadressent personne enparticulier. Ils cherchent attirerlattention dhypothtiques fumeursintresss. Nous apercevions enmoyenne entre un et cinq vendeurs partemps dobservation. La vente se faitpar paquet, que le vendeur porte surlui.

    UNE VENTE RAPIDE EN FACE FACE33

    Un homme dune trentaine dannesrpte, comme sil parlait quelquun ct de lui: Marlboro,Marlboro. Marlboro, Marlboro.... En faisant cela, il effectue des petits pas, regardant les gens quipassent. Un homme, maghrbin, g, lui prend un paquet. Ils ne se disent rien, ne ngocient pas.Preuve qu'il connat les tarifs lhomme tend un billet de10. Le vendeur lui donne un paquet quilretire dune de ses poches et lui rend la monnaie. Lacheteur repart. Lhomme recommence annoncer : Marlboro, Marlboro.

    Je le fixe du regard, il se rapproche. Je lui demande :- Cest combien?- 4 - Ok- Ten veux deux?- Non, un (en lui donnant les 4).- Voil.Il me donne un paquet de Marlboro qui vient dAlgrie sur lequel il est crit Vente en Algrie(D.G.I) . Un ct du paquet est en arabe, lautre en franais.Lhomme reprendra instantanment sa litanie Marlboro, Marlboro,.

    Les ventes sont rapides. Certains demandent le prix, dautres sont des habitus et connaissent les

    tarifscomme nous l'avons vu dans l'extrait ci-dessus et il ny a pas de ngociation possible. Unjour, une femme proposera 3pour un paquet dAmericanLegend. Le vendeur lui signifiera le prixfixe : 434. La femme partira et ne cherchera pas ngocier. Lors dune transaction, le client peutdemander un ou plusieurs paquets. Dans la majorit des cas, un vendeur suffit. Cependant, il arriveque son stock soit insuffisant et quil soit oblig den solliciter un deuxime. Une des caractristiquesde ce commerce est que les vendeurs travaillent ensemble. Ils peuvent donc se dpanner si

    jamais ils nont plus de paquet.

    32 La vente dans la rue est donc interdite []Ce phnomne est cependant circonscrit quelques quartiers enFrance, essentiellement [] Paris, [] Marseille ou [] Toulouse. Gnralement, cette vente au dtailseffectue en petites quantits, souvent au paquet de cigarettes. Les autres grandes villes ne possdent pas detels points de cession, mme si Lyon et Grenoble, certains tudiants (souvent issus de la communaut asia-tique), socialement intgrs et sans profil dlinquant, se livrent ce trafic petite chelle pour leurs compa-

    triotes (OFDT, 2012, Lobservation du march illicite de tabac en France, p.16)33JT 13/05/201334Un paquet de Marlboro cote 6.80 chez un buraliste.

    Un paquet de cigarette place Gabriel Pri

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    UNE VENTE TROIS35

    Un homme dit : Marlboro, Marlboro. Deux personnes viennent le voir en mme temps. Il vend sesdeux derniers paquets au premier. Le deuxime client lui en demande un et le paye. Le vendeur, sans

    rien dire, part. Lacheteur semble surpris. Il esquisse un geste du bras comme sil voulait linterpelleravant de sarrter. Le vendeur va voir un autre homme, 4-5 mtres, et il comprend que cest pourrcuprer son paquet de cigarette. Il revient, le paquet de Marlboro dans la main droite, quil luitransmet dans une poigne de main. Ils miment une salutation pour s e lchanger. Le paquet une foisdans la main, le client sen va et quitte la place. Le vendeur recommence rpter Marlboro,Marlboro,.

    TU VEUX DU SHIT ? : LES CONDITIONS DE VENTE DU CANNABIS

    Lune des activits les plus difficilement saisissable, sur la place, est la vente de cannabis.Contrairement la vente de tabac, celle-ci est moins ancre dans une zone : elle semble plus

    mouvante. Le vendeur nannonce pas shit comme dautrespeuvent annoncer Marlboro. Il nya pas un endroit prcis ni de vendeurs clairement identifiables : la vente surgit sur la place. Nousavons identifi deux faons de vendre du cannabis. Dans la premire le vendeur interpelle unepersonne, sans parler trop fort. Il murmure plus quil ne parle, pour lui proposer du shit36ou pour luidemander sil fume sous entendu du cannabis.

    INTERPELLER PAR UN DEALER37

    Je sors du Casino. En sortant, je marche tout doucement en lisant mon ticket de caisse, en directionde la bouche de mtro. Un homme dune trentaine dannes, dorigine maghrbine, environ unmtre de moi, murmure : Tu veux du shit. Jentends surtout le mot shit. Je me retourne et luirpond :- Tu vends, l ?

    - Ouais, cest du bon. Y en a pas de si bon sur Lyon.-Ah ouais ?- Sens(il me tend sa main gauche, la rapprochant de mon nez). Tu vois que je dconne pas. Je fumece que je vends. Cest de la gomme, il vient de Lille celui-l. Ca tintresse?- Peut-tre ouais. Mais pas maintenant. Tes toujours dans le coin?- Ouais. Tu vois, l-bas, (il mindique une zone prcise).Tu vas l-bas et tu mattends. Le temps que

    jaille chercher la marchandise.- Ok cest not.

    Il sen va. Se met en haut des escaliers du mtro, les descend et quelques secondes plus tard lesremonte et revient vers moi :- Tu veux mon numro ? Ca sera plus facile, tattendras pas.- Ouais je vais le prendre.

    -Alors 06.xx.xx.xx.xx, moi cest Christopherle dealer (il sourit). Tu mappelles et le rendez-vous cestl-bas (il mindique la mme zone).- Ok, a marche. Je ferai a quand jai besoin.- Tu veux un chantillon gratuit, pour voir que cest du bon? (il me tend un petit bout de shit)- Non, merci. Je te fais confiance.- Comme tu veux. Regarde(il sort des barrettes de shit qui taient lintrieur de sa veste). Elles sontcomme a les barrettes que je vends, de cette taille. Tu vois les paquets de Marlboro. Et ben cettetaille.- On se reverra si tes l.- Ouais, toujours. Il peut pleuvoir, ce que tu veux, je suis l.

    35JT 29/05/201336Le shit est un nom donn la rsine de cannabis (ou haschich) vendu gnralement sous forme de barrettes et

    qui se fume sous forme de "joint" (avec du tabac, sous la forme d'une cigarette roule) (OFDT, 2007, Can-nabis : donnes essentielles )37JT 02/04/2013

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    Les sollicitations de vente se font parfois au dtour dune conversation. Il ne semble pas que le dealsoit lactivit principale du revendeur, ce sont plutt les circonstances de lchange qui peuventpotentiellement sy prter. Sur la place, les discussions entre divers acteurs qui ne se connaissent pasforcment sont frquentes et autorisent ces transactions opportunistes.

    LORSQUE LOPPORTUNIT FAIT LE DEALER38

    Nous sommes deux lors de cette observation, au niveau de la sortie de mtro, ct 7 mearrondissement. Un homme sans domicile qui frquente rgulirement la place nous interpelle. Nouscommenons discuter ensemble. Aprs stre demand si nous tions des policiers, il nous envisageensuite comme des tudiants et nous conseille quant notre orientation. Nous lui faisons remarquerquil devrait en faire son mtier : Mais je le fais dj. Ils me donnent leurs papiers les roumains et jeleur dis o aller et quoi faire.

    ses pieds une petite coupelle est pose. Il y a des dollars, des livres sterling, un ticket restaurant, duSubutex39et galement un morceau de shit. Nous lavions remarqu au dbut de linteraction et luiavions fait la rflexion quil ne semblait pas inquit dtre publiquement en possession de cannabis.

    Dans un premier temps, il ne prtera pas attention notre remarque, puis nous fera ensuite cetteproposition :- Je vends des 2, 5, 10 .- 2 ?- Ouais un joint : tu goutes et tu reviens ! Jpeux te trouver de lherbe aussi, faut attendre mais jpeuxtout trouver.

    4. LETHNOGRAPHIE FACE LA PROSTITUTION DES FEMMESROMS PLACE GABRIEL PRI

    UN PHNOMNE PUBLIC ET MDIATIQUE

    Les discours mdiatiques et publics avancent que les prostitues seraient des jeunes femmes mi-neures roms . Elles frquenteraient la place Gabriel Pri et plus particulirement une zone prs duMcDonalds. Leurs clients seraient des chibanis.

    QUAND UN SDF VOIT LA PROSTITUTION40

    Maurlio est assis sur le muret o il y a les plantes. Il regarde en face une femme brune qui est contrele mur du McDonalds. La femme est de petite taille, brune, elle porte un jeans slim, un haut blanc etdes sandalettes. Elle est immobile.Maurlio : Elle fait le tapin. Elle a quel ge daprs toi?

    Enquteur : Je sais pas mais elle na pas lair vieille.

    - Elle a 15-16 ans. 16 ans je pense.- Et tes sr quelle fait le tapin?- Ouais, a craint. Le pire, cest quils les forcent faire le tapin.- Tu vois des types ?- (en mettant son index droit prs de son il gauche) Je les vois passer.(avec une attitude sre delui)- Et qui va les voir ?

    38JT 10/07/201339Traitement de substitution aux opiacs.40JT 16/04/2013

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    - Les vieux l (faisant un signe de la tte vers des chibanis installs pas trs loin). Mais pas moi entout cas. Si elle avait la trentaine je dis pas mais l a craint. Cest dommage elle est mignonne quand

    mme !

    TYPOLOGIE DES RELATIONS OBSERVES

    Nous avons dcid de nous saisir de cette question de la prostitution pour comprendre, sur le tempslong de lethnographie, les modalits de rencontre sur la place entre ces femmes et les chibanis. Nousavons pu dgager trois types dinteraction entre les femmes roms et les chibanis : la non-rponse,la complicit et le dpart ensemble.

    Dans une interaction de type non-rponse, une femme rom ou un chibani va vers lautre, ditquelque chose ou fait un geste. Il y a change de salutations mais la relation se termine ds quellessont accomplies. Cette clture se fait principalement par une ignorance visuelle : ne pas regarderlautre a pour consquence de lexclure de linteraction.

    LA NON-RPONSE

    Une femme est prs de la sortie du mtro, ct 7 mearrondissement. Elle reste immobile, un paquetde gteau la main, dans lequel elle pioche, de temps en temps. Elle regarde la place, comme si ellecherchait quelque chose ou quelquun. Un chibani vient la voir. Il lui demande : Comment a va ?.Elle rpond a va, tout en faisant un signe de la tte (lger balancement de gauche droite).Lhomme reste l, face la femme, lgrement sur sa gauche. Elle continue de regarder la place,comme si elle ne le voyait pas. Environ 45 secondes aprs avoir demand si elle allait bien, lhommesen va, sans rien dire.41

    Une femme, avec des baskets roses, un jeans slimet une veste en cuir noire, arrive, depuis la ruePaul Bert. Face au tabac situ ct 3mearrondissement, deux chibanis discutent. Elle va vers eux, lessalue dun signe de la tte (je vois le mouvement de tte vers le haut puis vers le bas). Ils la saluent,en souriant, avec un mouvement de tte similaire. Les trois restent immobiles. Cependant, en se re-

    gardant de nouveau lun lautre, les deux hommes excluent la femme de linteraction. Celle -ci se d-cale un peu, en faisant un pas de ct, tout en regardant ailleurs. Aprs une vingtaine de secondes, lafemme sen va, sans les saluer.42

    Dans une interaction de familiarit une femme rom ou un chibani va vers lautre et ditquelque chose ou fait un geste. Il y a un change de salutations qui dbouche sur une relation entreles personnes. De la complicit se dgage de ces rencontres. Elles sont souvent agrmentes de sou-rires, de rires, de contacts physiques : il y a interconnaissance. Ces interactions peuvent durer unedizaine de minutes avant que les participants ne se sparent. Ce sont celles que nous avons le plusfrquemment observes.

    LA FAMILIARIT43

    Entre le passage piton du Cours Gambetta et celui de la Grande Rue de la Guillotire, une femme, en

    traversant, sarrte et sert la main un chibani. Il a des cheveux blancs, coups courts, porte deslunettes, une veste marron et un pantalon gris. Il est plus grand quelle dune tte. Celle-ci porte untee-shirt blanc, un jeans et des baskets. Ils se saluent, semblent se parler. Quelques secondes plustard, la femme, slevant lgrement sur la pointe des pieds, pose sa main droite sur la tte delhomme et fait un lger mouvement de va-et-vient comme si elle le recoiffait. Il rigole. Cela dure 5-6secondes, 2 minutes plus tard, il sen va sur le Cours Gambetta, la femme allant sinstaller sur la place,ct 7mearrondissement.

    En face du tabac, ct 3mearrondissement, une femme sarrte pour saluer trois chibanis, qui fo r-ment un petit groupe. Dans un premier temps, elle semble discuter avec deux hommes : un lui faitface, un deuxime est sa droite ; le troisime est un peu derrire avec un tlphone portable loreille. Elle vient poser ses deux mains sur les paules de celui qui lui fait face dans un mouvement

    41JT 24/06/201342JT 28/05/201343JT 04/06/2013

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    ample des bras et en rigolant. Elle retire rapidement ses mains. Le contact dure 2-3 secondes.Quelques secondes aprs, elle vient poser une main sur lpaule de lhomme qui est sa droite. Lemouvement est moins ample mais il y a le mme sourire.

    Enfin, nous avons observ un dernier type dinteraction pendant laquelle les protagonistes partentensemble. Une femme rom ou un chibani va vers lautre, dit quelque chose ou fait un geste au-quel il y a une rponse (verbale ou gestuelle) qui ne dbouche pas forcment sur un change. En-suite, les deux personnes quittent la place ensemble, en marchant plus ou moins prs lune de lautre,sans contact physique. Nous lavons observ seulement deux fois sur tout le temps de ltude. Notonsque les personnes peuvent partir ensemble sans pour autant stre engages dans une relation defamiliarit juste avant.

    LE DPART ENSEMBLE44

    Un chibani avec un bonnet bleu fonc pos sur le haut du crne et une moustache blanche passedevant une femme qui est prs de moi ( moins dun mtre). Il marche trs doucement. La femme lui

    dit : Bonjour. a va ?. Il ne rpond pas. Sarrte de marcher, se tourne vers elle et lui fait un signelindex de sa main droite indique lendroit do il arrive ; dun mouvement de tte il montre la mmedirection ; sa main est la hauteur de ses cuisses. Il repart dans la mme direction do il est arriv ;la femme le suit de trs prs. Ils partent Cours Gambetta, direction le Rhne. En sortant de la place lafemme se met ct de lui. Je ne les vois plus. Deux possibilits : soit ils sont entrs dans le mtro,soit ils sont rentrs dans un des immeubles. 20 minutes plus tard elle reviendra en provenance duRhne par le Cours Gambetta.

    Les interactions observes traduisent des relations amicales. Cependant, rien ne nous permet d'encomprendre les origines : se sont-elles dveloppes sur la place, force de temps pass ? Se sont-elles forges dans un autre lieu ? Et si oui dans quelles circonstances ? Le fait que des personnes par-tent ensemble interroge indirectement lexistence dautres lieux et circonstances de rencontre : o

    vont ces hommes et ces femmes ? Pour quoi faire ? Lobservation de ces interactions soulve desquestions sans pour autant permettre daffirmer ou dinfirmer lexistence de la prostitution sur la placeGabriel Pri.

    S'il tait ncessaire de se focaliser sur ces rencontres l'attention publique les ayant mises en lu-mireil ne faudrait pas rduire les chibanis et les roms ce type d'interactions. Il faut prciserque les femmes roms passent principalement leur temps sur la place entre elles et les chibanisentre eux. Cependant, ils entrent galement en interaction avec dautres personnes prsentes sur laplace.

    QUAND LES CHIBANIS OU LES ROMS DISCUTENT AVEC LES SDF

    Des sans domicile sont installs contre la balustrade, face la sortie du mtro ct 7 mearrondisse-

    ment. Ils ont deux bouteilles de vin presque vides leurs pieds. Une femme et homme roms quitaient installs prs du McDonalds sapprochent deux. En posant un sac au sol, lhomme fait unsigne de la tte aux deux SDF pour les saluer. La femme va vers eux et leur sert la main. Elle leurdemande : Comment a va aujourdhui?. Lun deux fait une grimace pour dire qu il ne va pas trsbien. Elle reste quelques secondes prs deux. Elle donne limpression de vouloir leur parler maissemble bloque par la langue. Elle les laisse et retourne prs de lhomme.45

    Je suis avec un groupe de cinq personnes sans domicile, prs de lentre du Casino. Il y a quatrehommes et une femme. Un chibani qui marche tout doucement avec une canne, habill dun pantalonnoir et dune veste marron vient nous voir. Il sert dabord la main un homme et la femme (qui sontplacs au centre du groupe). ct de moi, un SDF linterpelle. Il se tourne vers nous et nous salue.Ils ont lair de bien se connatre et commencent discuter. Le chibani se rend dans un accueil de jourpour personnes prcaires. Il sy est pass quelque chose puisque le SDF qui frquente galement

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    ltablissement lui demande pourquoi il ny va plus. Ils changeront environ 15 minutes, en criantparfois et le chibani quittera le groupe pour sinstaller un peu plus loin, avec ses pairs. 46

    LA RUMEUR DE PROSTITUTION ROM

    Le dcalage entre les rsultats de notre enqute ethnographique et la publicisation de la prostitutionplace Gabriel Pri doit tre source dinterrogations. Plus quun fait qui serait prouv, il nous semblequaujourdhui cette activit relve avant tout de la rumeur, une forme de dfinition de la situationqui se substitue une vision des choses et du monde localement non disponible47.

    Ce phnomne suppos nest pas visible. La situation nest pas comparable aux sites de Gerland(7mearrondissement) et de Perrache (2mearrondissement), quotidiennement utiliss par les travail-leurs du sexe. Il ny a pas de camionnettes gares proximit des lieux o se drouleraient despasses ; il ny a pas de femmes en tenue de travail48, identifiables comme tant des prostitues.

    La place publique est porteuse de discours49 et la rumeur peut tre envisage comme une cons-quence dutilisations diffrentes des lieux. Les passants voient des femmes sur la place, certaines ren-trant en interaction avec des hommes, mais nont pas forcment la possibilit de rattacher ces obse r-vations des lments objectifs. La situation est indfinissable do lmergence dune rumeur. Lesrumeurs apparaissent dans des situations ambigus, menaantes ou potentiellement menaantes, desituations o les personnes concernes ressentent le besoin de comprendre ou de se rassurer. Uncontexte ambigu quand la signification ou les consquences dune situation ne sont pas claires50. Larumeur, devenue objet de conversation (et non objet de controverse) devient un filtre de lecture dessituations. Elle donne sens linsaisissable, dfinit lindfinissable. Ainsi, travers les lunettes de la prostitution place Gabriel Pri , il est possible dinterprter certaines scnes comme la preuve delexistence de cette activit. Le phnomne peut natre de certaines de ces msinterprtations. Cegenre de scnes relates dans la presse ou dans les conversations rendent palpables ou dposent latrace ( scripta manent)dun savoir partag et, ce faisant, lofficialisent51: les faits supposs de-viennent des faits avrs et construisent une ralit justifiable parce que censment factuelle.

    Ainsi l impression que des femmes ont l'air de se prostituer sur la place devient la conviction que des femmes se prostituent sur la place . Leur prsence et leurs interactions viennent prouverlexistence de cette activit: lindice fait alors office de preuve. Il faut noter que certaines femmesfrquentant les lieux se prostituent dans le secteur de Perrache52. Cependant, elles ne semblentpas exercer sur la place Gabriel Pri. Il ny a par exemple pas de camion qui vient dposer les filles 9h et les reprendre 18h53, comme a pu nous laffirmer un commerant. Les filles arrivent et repar-tent sparment en transports en commun ou pieds.

    Si la rumeur arrive se propager cest quelle prend la ralit dune information objective, qui vien-

    drait de la source la plus autorise54. Les commentaires des habitants et des commerants, dont lapresse se fait lcho, seraient la preuve de lexistence de cette prostitution. Ils apparaissent comme

    46JT 16/04/201347Joseph I., 1998, Erving Goffman et la microsociologie , P.U.F., p.42.48Membre dune association travaillant avec des personnes prostitues, JT 21/02/201349Le double sens despace public, comme espace urbain et comme espace communicationnel, sont indissociable-ment lis.50DiFonzo N., Bordia P., 2006, Rumeurs, ragots et lgendes urbaines. Contextes, fonctions et contenus , Dio-gne, n213, pp.23-4551Bordreuil S., 2002, La construction de lincivilit comme cause publique. Pour une intelligence des interactionsciviles . In Cfa D. et Joseph I., Lhritage du pragmatisme. Conflits durbanit et preuves de civisme, Editionsde lAube, p.30952Association intervenant auprs des personnes prostitues, JT 09/07/201353JT 03/06/201354Morin E., 1969, La rumeur dOrlans, Le Seuil, p.24

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    des sources sres car ils sont les mieux placsgographiquement parlantpour en parler. Pourtant,le caractre gnral et impersonnel de ces catgories ( les habitants, les commerants) laisseplaner le doute sur qui voit quoi.

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    La question des passes est ce titre exemplaire : elles se drouleraient dans des cages descaliersdimmeubles habits, situs proximit de la place. Certaines personnes interroges expliquentquelles auraient lieu directement dans la rue, dissimules par une guetteuse. Ces lments rapportsnont videmment jamais pu tre objectivs. Ces informations sont tenues par des individus qui nesont pas ceux qui ont procds aux observations. Certaines personnes dmentent les rumeurs. Unhabitant qui vit place Gabriel Pri est par exemple extrmement septique quant ce phnomne :

    La prostitution[] cest pas flagrant, moi en tout cas, je nai jamais rienvu. Dans mon hall dimmeuble, ya jamais rien eu, cest nimporte quoi. Yabien deux trois dealers qui se posent parfois, mais cest tout 55.

    Pierre, 34 ans, habitant de la place Gabriel Pri

    Une des caractristiques des prostitues supposes de la place Gabriel Pri est leur ge. Tout unchamp lexical se dploie dans les conversations et dans la presse pour souligner leur aspect juvnile :ce sont des jeunesfilles, des adolescentes, des gamines, des enfants, un commerantnous parlera mme de prostitution infantile56. Pourtant aucune information objective sur lge de

    ces femmes nexiste. Cette croyance repose uniquement sur leur apparence: elles ont lair jeunesse transforme en elles sont mineures. Une mdiatrice culturelle d'une association intervenant au-prs des personnes prostitues affirme :

    Les mineures qui se prostituent place Gabriel Pri : c'est un fantasme,cest assez typique sur ce genre de sujet. Les gens imaginent beaucoup dechoses.57

    Mdiatrice culturelle dune association intervenant auprs des prostitues

    Les ides vhicules sur lge font de cette prostitution une activit intolrable et inacceptable :

    a fait mal au cur de voir ces enfants [] Ils pourraient tre nos

    petits58

    Commerant place Gabriel Pri

    Cette condamnation morale de la prostitution de mineures saccompagne dune interprtationculturaliste de la suppose activit. Le terme rom ne dsigne pas seulement les personnes. Il estutilis de telle faon quil renvoi tout un imaginaire culturel:

    Quand le pre amne la fille et quelle va faire le tapin alors que le pren'est pas en train de mourir, il est pas dnud, il est pas squelettique. Il ades cigarettes, il fume et il boit des bires qu'il va acheter au petit Casino.C'est une autre culture [] Culturellement, a ne drange personne, la fille,la sur, les frres.59

    Grant dun commerce place Gabriel Pri

    55JT 24/06/201356Ibid.57JT 09/07/201358JT 22/05/201359Ibid.

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    La culture rom apparat ainsi comme une non-culture : une culture sans valeur, o mme des prin-cipes comme la famille voleraient en clats. La diffrence nest pas perue comme distance, maiscomme menace60. Cest une exprience inquitante de ltranger, une altrit ngative sur laquelleporte le soupon de communautarisme et qui se dit dans lidiome culturel [] ou civilisation-nel61. La culture rom est ici stigmatise car juge incompatible avec une culture franaise. Il existeun Eux et un Nous spars et inconciliables.

    Nous ne partageons pas les mmes rgles de vie collectives[] lesleurssont diffrentes des ntres. [] Nous ne pouvons donc pas nous com-prendre. []. Et nous sommes confronts l'un en face de l'autre en perma-nence []C'est deux mondes qui se ctoient, qui se frquentent mais qui nepourront pas vivre ensemble. C'est pas possible62

    Grant dun commerce place Gabriel Pri

    Les roms semblent tre les plus stigmatiss sur cet espace. Certaines personnes sans domicilerencontres sur la place nous ont fait part de leur mpris. Lun deux envisage mme dorganiser

    une manif anti-roms63. Des commerants font galement une diffrence entre les populations mi-grantes occupant la place et la prsence des roms qui serait la plus problmatique :

    La communaut noire a toujours t l, la communaut chinoise a tou-jours t l, la communaut arabe a toujours t l. Mais les roms ils se sontinvits [] et ils respectent moins quand mme 64

    Commerant place Gabriel Pri

    Ces reprsentations doivent se comprendre dans un contexte plus large que celui de la place. Il fautse situer au niveau national voire europen. Aujourdhui, les personnes roms sont au cur duneattention mdiatique et politique suspicieuse : Les lgislations applicables[] tendent renforcer lastigmatisation et les discriminations dont souffrent ces personnes[] qui sont souvent perues dans

    limaginaire collectif comme dlinquantes65

    . La rumeur se nourrit de ce contexte, de sorte quelassociation femmes roms /prostitution ne semble pas si improbable ; elle est mme plus queplausible tant ces personnes sont associes diverses formes de dviances. Ainsi la personne rom apparat comme le bouc missaire idal : celui qui est reprsent comme un dviant et dont il estpermis de condamner le comportement. Pourtant rien ne nous permet daffirmer que ces femmes quifrquentent la place sont roms ; cest une catgorie qui na pas dexistence administrative. LesRoms ne constituent donc pas un groupe homogne : ils nont pas lamme nationalit, nont pasle mme profil migratoire, ni le mme statut administratif66. Une personne nest pas rom commeelle est roumaine , bulgare ou franaise .

    Ainsi, la rumeur d'une prostitution rom place Gabriel Pri n'est pas le fruit du hasard. Elle est laconsquence d'une rencontre entre deux mythes : d'un ct, celui d'une place historiquement asso-cie la dviance, dun quartier populaire et dangereux(peru comme cela) ; de l'autre, celui d'ungroupe stigmatis pour sa culture et son comportement jugs comme dviants. C'est leur superposi-tion qui entrane la formation de la rumeur dans une configuration telle que nous l'avons dcrite. Cedouble mouvement densifie et colore la perception faite par les passants des activits quils peroiventet aperoivent sur la place et ses alentours.

    60Wieviorka M., 1992, La France raciste , Le Seuil, p.1161Streiff-Fnart J., 2013, Penser ltranger. Lassimilation dans les reprsentations sociales et les thories socio-logiques de l immigration, Revue europenne des sciences sociales, n51, p.5362JT 03/06/201363JT 16/04/201364JT 22/05/201365Commission Nationale Consultative des Droits de lHomme, 2012, Avis sur le respect des droits des gens du

    voyage et des Roms migrants au regard des rponses rcentes de la France aux instances internationales 66Romeurope, 2013, Ceux quon appelle les Roms. Luttons contre les ides reues [en ligne], disponible surhttp://romeurope.org

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    CONCLUSION partir du temps long de lenqute ethnographique nous avons pu comprendre certaines utilisationsqui pouvaient tre faites de la place Gabriel Pri. Elle nest pas un simple lieu de passage, cest un

    espace public dans lequel se joue une multitude dactivits qui concernent diffrents groupes sociaux.Nous pouvons dgager trois points importants la concernant :

    Elle est un lieu de sociabilits: de nombreuses personnes sy retrouvent pour discuteret passer ensemble des temps conviviaux. Du ct du 3mearrondissement se rencontrentdes chibanis, qui naviguent galement ct 7me, o nous avons observs des groupes depersonnes sans domicile, des maghrbins plus jeunes ainsi que des individus assimils aux roms . Cette sociabilit publique saccompagne parfois de consommations dalcool. Malgr desexcs et livresse de certaines personnes, nous navons jamais assist des dbordements.

    Elle est galement un espace de vente. Le march sauvage nexiste plus sous sa formefige mais des transactions continuent de sy drouler. Elles sont plus discrtes et il est possible

    de se procurer de nombreuses choses : nourritures, matriels lectroniques, vtements,tlphone portable, etc. Lobservation de la qualit des produits et les prix auxquels ils sontngocis nous donnent penser que ces activits semblent plutt tre de lordre de lconomiede survie. En parallle, les ventes de cigarettes et de cannabis dj prsentes lors du marchet qui nont subi aucune modification continuent. Tous ces changes ont lieu quotidiennementet se font entre des personnes de tout ge appartenant des groupes sociaux diffrents. Si despassages rapides sur la place peuvent donner limpression dun dsordre,lobservation pousse permet de dceler des codes de biensance qui font de ce lieuun bazar ordonn.

    Enfin notre travail, travers le cas de la prostitution rom , nous prouve que la questionrom est surtout une question urbaine67. Si notre tude ne nous permet pas daffirmer oudinfirmer lexistence de cette activit, elle relativise ce qui peut se dire son propos. Elle semblerelever de la rumeur publique mergeant de msinterprtations inhrentes aux utilisations de laplace. Les passants aperoivent plus quils ne voient et sont susceptibles dassimilerrapidement une prsence, des interactions et des caractristiques physiques de laprostitution de filles mineures. La publicisation de cette activit paratdisproportionne par rapport la ralit observe sur la place Gabriel Pri . Malgrtout, rien ne nous permet daffirmer quavant notre enqute, il ny ait jamais eu de prostitutionsur la place. Pour autant, cela ne remet pas en cause les doutes qui peuvent exister sur lge oules conditions des passes (les lieux o elles se droulent et quels prix). Ces aspects nont jamaist tablis par des lments objectifs, ils ont seulement t rapports. La rumeur sen est saisieet sest prennise au-del de cette suppose prostitution. In fine, son existence interroge lamarge sa fonction dans la cohsion sociale publique.

    La mthode ethnographique peut permettre de sortir des ides reues en tant au plus prs de lobjettudi. Notre terrain est un lieu frquent, et cest en cela quil questionne les politiques publiques quirgissent lutilisation de lespace et avec elles, lide mme de lien social. Cette interrogation soulveune caractristique propre des espaces publics : ils sont le thtre des coprsences et des confronta-tions lAutre. Des cultures et des mondes se font face dans une exprience qui interpelle. Des co n-ceptions diffrentes de la place et certains comportements sont alors mis en dbat. Lespace publicapparat ainsi comme un lieu privilgi pour interroger les reprsentations et le rapport lAutre. cette altrit se juxtapose le fantasme de lavant, du temps fig donc rassurant, linverse du quo-tidien et de son mouvement incertain. Les volutions sociales produisent en premier lieu des situationsdinconfort qui cristallisent lattachement au pass. La place Gabriel Pri est un lieu de changementsdans la perception de lautre, dunrapport la fois intime et collectif au pass.

    67Vitale T., Legros O., 2011, Les migrants roms dans les villes franaises et italiennes : mobilits, rgulations etmarginalits in Gocarrefour, Roms migrants en ville : pratiques et politiques en Italie et en France [enligne], disponible sur http://cairn.info

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    ANNEXES

    ANNEXE 1 : RFLEXIONS SUR LA MTHODE ETHNOGRAPHIQUE

    Lethnographie est une mthode denqute plurielle : elle est la fois visuelle et discursive ; elledemande autant des capacits dobservation que des capacits dchange et dcoute. Comme lesouligne Schwartz, la notion d' observation directe , que l'on considre souvent comme le traitdistinctif de l'ethnographie, est inadquate et rductrice. Elle a le tort d'occulter une spcificitmajeure de ce type d'enqute, qui est de dclencher toute une dynamique de paroles et de l'coute,et de donner accs au point de vue des acteurs68. Cest ainsi que durant notre enqute, nousavons t amens multiplier les discussions informelles avec des personnes occupant la place.

    Les observations et discussion menes par le chercheur doivent se penser en lien avec sa posture.Lenqute ethnographique ne suit pas un protocole donn davance quil suffirait dappliquer sur un

    terrain. Elle se pense, sorganise en fonction de celui-ci et de la problmatique ; il nexiste pas de bonne formule. Ainsi, pour mener notre ethnographie, nous avons endoss deux rles : celui du pur participant et du pur observateur69. Dans le premier, nous prenons part aux activits demanire totale . La participation laction tantsource dinformation.Cest par exemple le cas lorsde lachat de cigarette: nous nous engageons dans une relation de vente comme le feraient dautresacheteurs. En achetant, nous rcoltons des matriaux sur cette activit : la manire dont elle sedroule, qui y prend part, etc. Dans le second rle, nous restons en retrait, nous ne prenons pas part laction. Cela nous permet davoir une vision de la manire dont la place occupe, des dplacementsdes personnes, des attitudes et des mouvements lors des interactions, etc. Dans les deux cas, nousnavons pas explicit notre dmarche aux enquts

    Enfin, il nous faut revenir sur lcriture ethnographique et lide selon laquelle lethnographie cest dela description dense70. Lethnographie est une interprtation, une fabrication du chercheur. Cest luiqui ordonne, classe, fait des liens entre les diffrentes observations et changes quil a mens. Lcriture dujournal de terrain que nous avons ralis suite chaque observation prolonge estdonc un moment essentiel de lenqute: Linterprtation consiste tenter de sauvegarder le dit dun tel discours[le discours social] des prils quil encourt et de le fixer dans des termes lisibles71.Cest cette criture minutieuse, dtaille, qui permet au lecteur de se rendre compte de ce qui sepasse sur le terrain. Cest pourquoi nous avons recours de nombreux extraits : comprendre lefonctionnement des activits de la place Gabriel Pri ncessite des descriptions dtailles, desappuyer sur des situations contextualises. Cette criture a t mene jusqu la saturation desdonnes : ce moment o la prsence sur le terrain napprend plus rien de nouveau lethnographe.

    68Schwartz O., 1993, Lempirisme irrductible, postface N. Anderson, Le hobo sociologie du sans-abri, Na-than, p.26869Gold R. I., 2003, Jeux de rles sur le terrain. Observation et participation dans lenqute sociologique, in D.Cefa (sous la direction de), Lenqute de terrain, La Dcouverte, pp.340-349.70Geertz C., 1998, La description dense. Vers une thorie interprtative de la culture , Enqute, n6 [enligne], disponible sur http://revues.org71Ibid.

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    ANNEXE 2 : RCAPITULATIF DU TRAVAIL DE TERRAIN

    Ethnographie place Gabriel Pri :Prs de 40 heures dobservation et de participationde dbut mars juin 2013

    Entretiens/rencontres :15 entretiens/rencontres ont t men avec des reprsentants associatifs (6), avec des chargs de mission de laville de Lyon (4), avec des commerants ou reprsentants de commerants (2) et avec 3 habitants.

    Groupe Rom Conseil Lyonnais pour le Respect des Droits :Participation au Groupe Rom CLRD runissant des reprsentants de Mdecins du Monde ; CLASSES ; ForumRfugis ; Ligue des Droits de lHomme; Banpublic.

    Confrences/journes dtudeParticipation cinq confrences/journe dtude:

    Confrence de J-P. Dacheux, Les Roms, de la protection l'insertion pour sortir d'une marginalit danslaquelle ils ne se complaisent pas , CLRD (29/01/2013)

    Confrence de G. Clavel, Roms de Roumanie et dailleurs, cole Sociale Sud Est de Lyon (19/02/2013) Journe dtude Vulnrabilit et marginalit au cur des proccupations institutionnelles et noninstitutionnelles. Perspectives de recherche-action autour de la question des bidonvilles et des Roms Lyon , Universit Lyon 3 (20/02/2013)

    Confrence de M.Derain, Les enfants Roms et le Dfenseur des droits , Universit Catholique Lyon(04/04/2013)

    Journe dtude Citoyen europen dorigine Rom: un statut entirement part ? , Universit Lyon 2(12/04/2013)

    ANNEXE 3 : GRILLE DOBSERVATION

    Interactions entre chibanis et femmes roms O se droulent-elles ?Nombre dinteractions?Combien de personnes prennent part linteraction (nombre dhommes et de femmes)?Combien de temps durent-t-elles ?Description de linteraction (changes verbaux, attitudes). Comment commence linteraction (qui va vers qui) ?Comment se termine linteraction (qui part)? Les diffrentes phases de linteraction?

    Prsence d officiels sur la placeQui ? (Police municipale ou nationale ; agents de nettoyage du Grand Lyon)Combien sont-ils ?Quand ? quelle heure ? Dans quel contexte (habitude ou en raction )?Pendant combien de temps sont-ils sur la place ?O sur la place ? Dplacements ou immobilit?Que font-ils ?Interactions avec des non-officiels ? Si oui combien dinteraction ? Avec qui? Description de linteraction.

    La prsence d officiels vient-elle modifier les activits, les dplacements sur la place ? Si oui, chez qui ?Comment ?

    Place comme un lieu de ventes exposes ou dissimulesQui vend ? Qui achte ?O ?Quest-ce qui est vendu ? quel prix ?Vente expose ou dissimule ?Comment se droule la vente ? Ngociation ?

    Place comme un lieu de sociabilitQui ? O ?Postures (assis, debout, debout/assis contre un mur, appuy, etc.) ?Combien de personne au total ? Combien de personne par groupe de sociabilit ?

    Que font-ils ? Prsences de supports (alcool, instruments de musique, cigarette, etc.) ?Pendant combien de temps ? volution du groupe de sociabilit : combien partent ? Combien arrivent ? Combienreviennent ?

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    diteur : LAMISSION RGIONALE DINFORMATION SUR LEXCLUSIONASSOCIATION LOI 190114RUE PASSET69007LYON

    Directrice de la publication :ANNAGABJEAN

    tude coordonne par :FRANCISVERNDE,charg de mission

    avec GABRIEL URIBELARREA, stagiaire (Master 2 Sociologie Applique au Dveloppe-ment Local Lyon 2)

    CRDITS PHOTOGRAPHIQUES:FRANCISVERNDE &GABRIEL URIBELARREACONCEPTION GRAPHIQUE:NICOLEAYED,MRIE

    DATE DE PARUTION :SEPTEMBRE 2013

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    Ethnographie de la place Gabriel PriLES DOSSIERS DE LA MRIE2013

    14 rue Passet

    69007 LYON

    Tl. 04 37 65 01 93

    Fax 04 37 65 01 94

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    www.mrie.org

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