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Etude de cas : Le Sahara, ressources et conflits Document à utiliser : carte de l’espace saharien (F. Paris, CNED, 2013). Document : Carte de l’espace saharien : Source : F. Paris, CNED, 2013 Exercice amorce : 1. Identifiez dans l’actualité les événements récents qui ont marqué l’espace saharien depuis 2011. Les événements les plus récents qui ont touché le Sahara (en 2011-2012, avec en premier lieu la crise libyenne et ses conséquences dans la déstabilisation des États au sud du Sahel, comme le Mali) interrogent, à plusieurs échelles, sur la structure et le futur du Sahara. 2. Montrez, qu’à l’échelle du continent africain, le Sahara représente une charnière. À l’échelle continentale, il est à la charnière entre : o un monde méditerranéen, marqué par l’Islam, engagé dans un processus de développement, sous l’impulsion d’une jeunesse éduquée, o et un monde africain subsaharien encore touché par les guerres ethniques, des régimes dictatoriaux ou de semblants autoritaires ne donnant que l’apparence de la démocratie. 3. En vous servant de l’actualité récente, montrez que quoi le Sahara peut être un enjeu à l’échelle des pays qui le composent mais aussi dans certaines régions de ces pays. - À l’échelle nationale, de nombreuses questions se posent lors de ces dernières années : qui sont les possesseurs des ressources : les Etats ou les FTN comme la crise libyenne l’a mis en lumière - À l’échelle locale, la sécession militaire du Nord du Mali montre que des groupes armés ont les moyens de s’approprier par la force ces ressources.

Etude de cas, Sahara - ac-lyon.fr · En utilisant le document ci-dessus et le croquis p. 252 de votre livre, montrez que le ... n° 36, 2012). Document 1 : Trafic ou commerce ? Des

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Etude de cas : Le Sahara, ressources et conflits Document à utiliser : carte de l’espace saharien (F. Paris, CNED, 2013). Document : Carte de l’espace saharien :

Source : F. Paris, CNED, 2013

Exercice amorce : 1. Identifiez dans l’actualité les événements récents qui ont marqué l’espace saharien depuis

2011. Les événements les plus récents qui ont touché le Sahara (en 2011-2012, avec en premier lieu la crise libyenne et ses conséquences dans la déstabilisation des États au sud du Sahel, comme le Mali) interrogent, à plusieurs échelles, sur la structure et le futur du Sahara. 2. Montrez, qu’à l’échelle du continent africain, le Sahara représente une charnière. À l’échelle continentale, il est à la charnière entre :

o un monde méditerranéen, marqué par l’Islam, engagé dans un processus de développement, sous l’impulsion d’une jeunesse éduquée,

o et un monde africain subsaharien encore touché par les guerres ethniques, des régimes dictatoriaux ou de semblants autoritaires ne donnant que l’apparence de la démocratie.

3. En vous servant de l’actualité récente, montrez que quoi le Sahara peut être un enjeu à l’échelle des pays qui le composent mais aussi dans certaines régions de ces pays. - À l’échelle nationale, de nombreuses questions se posent lors de ces dernières

années : qui sont les possesseurs des ressources : les Etats ou les FTN comme la crise libyenne l’a mis en lumière

- À l’échelle locale, la sécession militaire du Nord du Mali montre que des groupes armés ont les moyens de s’approprier par la force ces ressources.

4. En utilisant le document ci-dessus et le croquis p. 252 de votre livre, montrez que le Sahara est un enjeu majeur sur le continent africain.

Le Sahara est aujourd’hui bien plus qu’un simple support de flux de marchandises. Renfermant des ressources minières et des hydrocarbures hautement stratégiques dans le monde actuel, devenu lieu de tourisme qui s’accordent aux désirs des sociétés occidentales de se ressourcer dans la « vraie nature », le Sahara montre combien ses nouvelles activités peuvent induire un développement. Problématique : Quels sont les enjeux économiques et géopolitiques de l’ensemble saharien ? I. Un désert parcouru par les flux malgré les contraintes.

A. Le plus grand désert au monde : un ensemble contraignant Documents à utiliser : croquis p. 252, Le Sahara, un espace à forte contrainte (Hérodote n°142, éditorial, Yves Lacoste) Document : Le Sahara, un espace à forte contrainte Le Sahara couvre une superficie de 8,5 millions de km² (plus de 15 fois la France). Des rives de l’Atlantique à celles de la mer Rouge d’ouest en est, il s’étend sur 5000 km. Ses limites nord et sud sont plus complexes à définir et elles font appel à des données climatiques, liées à une moyenne des pluies annuelles, l’isohyète (ligne imaginaire du niveau des précipitations) des 100 mm marquerait la limite au nord contre celui des 150 mm au sud. Le Sahara central est marqué par une aridité importante, nommée aussi hyperaridité, où les précipitations sont presque nulles et la chaleur difficilement supportable :

- Les températures y sont très élevées (entre 40 et 50 °C à l’ombre en été), - Les précipitations sont rares avec des années sans pluies et des vents desséchants

permanents font que la végétation ne peut survivre en dehors des quelques points de résurgence de l’eau.

Le Sahara (le nom provient de la couleur rouge des sols) est hostile à la présence permanente des hommes en dehors des zones d’oasis ou d’accumulation des eaux au pied des montagnes. Aujourd’hui, le Sahara connaît le comble de l’aridité avec les prélèvements d’eau fossile accumulée depuis 15 000 ans dans le sous-sol. Au Nord et au Sud, des sahels (rivages en arabe) servent de liaison avec le monde tropical au sud et méditerranéen au nord. Ces zones de transition sont plus humides et traditionnellement utilisées par les éleveurs (dromadaires, moutons, chèvres au nord et bovins au sud) et par des paysans cultivant des céréales grâce à l’irrigation.

Source : Yves Lacoste, Hérodote n°142, éditorial. Question : Montrez que le Sahara est un espace à forte contrainte. Le Sahara est marqué par de fortes contraintes car il s’agit d’abord d’un désert. Les contraintes apparaissent dans la définition même de ses limites géographiques au nord comme au sud puisque ce sont des limites de faiblesse des précipitations qui permettent de définir les limites : 100 mm au nord et 150 mm au sud. Les températures dépassent les 40°C, voire atteignent les 50°C à l’ombre en été, ombre fort rare. L’eau y est rare, en dehors de quelques lieux où elle affleure en surface, puits dans certains cas, oasis dans d’autres. Dans ces conditions, le développement de l’agriculture et de l’élevage est difficile en dehors des oasis ou de la zone sahélienne limitrophe. Cela implique souvent un élevage nomade. Pour autant, le Sahara n’a jamais été vide d’hommes.

B. Un désert humain et une absence de villes ?

Documents à utiliser : La croissance des villes africaines de 1950 à 2010 (P. Jacquet, Regards sur la Terre, 2010.) Document 1 : La croissance des villes africaines de 1950 à 2010 :

Source : P. Jacquet, Regards sur la Terre, 2010

Document 2 : Vue aérienne de Nouakchott (capitale de la Maurétanie) en 1960.

Source : archives nationales du gouvernement Mauritanien, 2013.

Document 3 : Vue aérienne de Nouakchott (capitale de la Maurétanie) en 2005.

Source : La documentation photographique, Les villes africaines, 2006.

Document 4 : L’augmentation de la population dans les villes sahariennes Cette augmentation de la population est due d’abord à

- un niveau élevé de la fécondité : La Mauritanie montre bien ce phénomène commun à tous les États du Sud : 4,5 enfants par femme en 2010, au lieu des plus de 6 dans les années 1960. Ce chiffre est de 6,2 en 2010 au Tchad.

- une augmentation des populations migrantes qui ont convergé vers ces centres urbains depuis les années 1960. La croissance de Nouakchott s’explique en grande partie par ce phénomène, tout comme celle des villes sahéliennes qui ont vu converger dans les années 1970 des populations touchées par la sécheresse et la famine et qui se sont ensuite sédentarisées.

- la volonté des États sahariens de mieux contrôler leur territoire entraîne la présence croissante de militaires et de fonctionnaires vivant en ville en famille.

- l’exploitation des ressources du sol et du sous-sol saharien en raison de la nécessité de main d’œuvre. La ville algérienne d’Hassi R’Mel, fondée sur l’exploitation du gaz naturel, est passée de 12 000 habitants en 2002 et à 22 000 en 2008.

Peut-on pour autant limiter la population saharienne à une seule population d’urbains ? Les taux d’urbanisation des États partiellement sahariens sont faibles (40 % en Mauritanie, 20 % au Niger, 33 % au Mali…). Il reste encore une importante population rurale.

Source : F. Paris, Le Sahara, CNED, 2013. Questions : 1. Montrez que les villes de l’aire saharienne ont subi une importante croissace. La population saharienne a connu une forte croissance en l’espace d’un demi-siècle. Elle comptait près de 2 millions de personnes au milieu des années 1950, pour plus de 6 millions aujourd’hui.

Les villes sahariennes témoignent aussi de cette augmentation de la population, notamment au Sahel : Nouakchott, capitale de la Mauritanie, certes située au bord de l’océan mais sur des terres sahariennes, a été fondée en 1956. Elle est passée de 135 000 habitants en 1977 à plus de 850 000 en 2010. 2. En utilisant l’exemple de Nouakchott, montrez que les villes saharienne sont des villes

champignons et expliquez pourquoi. Véritables villes-champignons, les villes sahariennes doivent leur exceptionnelle vitalité à la croissance de la population, l’augmentation de l’espérance de vie et la réduction de la mortalité infantile, dans un contexte de maintien de la fécondité à des niveaux élevés. Cette croissance urbaine influe sur la hausse de la population totale des États sahariens. 3. Expliquez les raisons de cette croissance urbaine. Cette augmentation de la population est due d’abord à

- un niveau élevé de la fécondité - une augmentation des populations migrantes qui ont convergé vers ces centres urbains

depuis les années 1960 - la volonté des États sahariens de mieux contrôler leur territoire entraîne la présence

croissante de militaires et de fonctionnaires vivant en ville en famille - l’exploitation des ressources du sol et du sous-sol saharien en raison de la nécessité de

main d’œuvre 4. Nuancez cependant l’importance des villes de l’espace saharien. Les taux d’urbanisation des États partiellement sahariens sont faibles (40 % en Mauritanie, 20 % au Niger, 33 % au Mali…). Il reste encore une importante population rurale.

C. Un monde de flux (humains et commerciaux) en recomposition Documents à utiliser : carte de l’introduction, croquis 1 p. 252, Trafic ou commerce, des échanges économiques au Sahara contemporain (article de Judith Scheel, Science Po, juillet 2013), Sylvie Bredeloup et Olivier Pliez, Migrations entre les deux rives du Sahara(Institut de recherche sur le développement, revue, n° 36, 2012). Document 1 : Trafic ou commerce ? Des échanges économiques au Sahara contemporain […]Le Sahara a de tout temps été une terre d’échanges : une région où, dans la durée, la survie des populations locales dépendait des stratégies de négoce avec leurs voisins plus ou moins proches. Le commerce y est au cœur des économies locales, essentiel pour leur subsistance, et il constitue dans bien des endroits la motivation majeure de l’établissement des lieux de sédentarisation. La vaste majorité de ces échanges se déroulait à une échelle plutôt modeste. […]Avec les changements politiques, économiques et techniques survenus lors de la colonisation, les guerres mondiales, puis les indépendances nationales, ces échanges se sont modifiés. […]Malgré sa longévité et son enracinement social, ce commerce a toujours été très adaptable à la conjoncture régionale, voire mondiale. Depuis les indépendances, le bétail venant des pays du Sahel n’est donc plus (ou peu) échangé contre des dattes, mais plutôt contre de la semoule, des biscuits, des pâtes alimentaires et du lait en poudre subventionnés au Maghreb et interdits à l’exportation. Du point de vue des pouvoirs publics, ces échanges sont illégaux, mais localement ils sont considérés comme légitimes car indispensables au ravitaillement de la région. […]Depuis une trentaine d’années, d’autres activités commerciales, transsahariennes voire transcontinentales, se sont greffées sur ces infrastructures transfrontalières : des cigarettes d’abord, puis des armes et des stupéfiants. Ce commerce, en s’appuyant sur une main-d’œuvre locale, a entraîné la restructuration d’une partie des réseaux commerciaux régionaux

et remis en cause d’anciennes hiérarchies sociales locales et régionales. La drogue vient de l’Amérique du Sud, et repart, pour la plus grande partie, loin du Sahara. […]

Source : Judith Scheele1, Science Po, Juillet 2013. Document 2 : Sylvie Bredeloup et Olivier Pliez, Migrations entre les deux rives du Sahara Depuis le début des années 1990, les flux migratoires au départ de l'Afrique subsaharienne et en direction de l'Afrique du nord prennent une ampleur inédite. […]Les Etats maghrébins sont aujourd’hui soumis à de fortes pressions pour lutter contre les migrations irrégulières et ont été conduits notamment à réviser les conditions d’entrées, de séjour et d’emploi des étrangers dans leurs pays. L’Europe entend bien impliquer de plus en plus largement " les pays de transit " dans le règlement politique de ces mouvements, leur attribuant la fonction de " zone tampon " et leur demandant un double contrôle des frontières avec l’Europe et l’Afrique. […] A l’évidence, en moins d’une décennie, les relations entre les deux rives du Sahara se sont à la fois accrues et diversifiées. C'est ainsi que la question des flux migratoires depuis l'Afrique subsaharienne vers l'Europe occupe régulièrement le débat politique euro-méditerranéen et africain, et bien évidemment l'actualité, au rythme des noyades dans le détroit de Gibraltar, au large de Lampedusa ou du passage meurtrier des barrières à Melilla et Ceuta. […] Si les relations entre les deux rives du Sahara transcendent les limites entre aires culturelles considérées souvent comme fermées l’une à l’autre par l’obstacle physique du désert, on ne peut pour autant en conclure que les camions, chargés de migrants et de marchandises aujourd’hui, ont succédé aux caravanes et aux esclaves d’hier. Renouvelons également cette vision désuète du Sahara, terre de passage, en considérant attentivement les recompositions sociales et spatiales qui s’y dessinent. Le Sahara n’est pas seulement un espace traversé ; il est aussi un espace " travaillé " par la cohabitation de populations hétérogènes, migrantes ou non dont l'installation plus ou moins durable dans les villes sahariennes et d'Afrique du nord - ces nouvelles " portes migratoires " vers l'Europe - est perçue tantôt comme une source de problèmes accrus dans la gestion d'espaces urbains, tantôt comme une manne pour le développement local.

Source : Institut de recherche sur le développement, revue, n° 36, 2012. Questions : 1. Montrez que le Sahara est équipé d’infrastructures permettant les flux à travers le désert. L’exportation des produits miniers et des hydrocarbures nécessite des infrastructures nouvelles :

- Le chemin de fer est rare au Sahara : il n’existe que pour mettre en relation un gisement et le port d’exportation lié, à la manière des mines de fer de Zouerate au nord de la Mauritanie, directement reliées au port de Nouadhibou par un train minier.

- Les oléoducs et gazoducs font aussi partie de ces équipements de transport, qu’il s’agisse de l’Algérie, ou du Soudan avec le conduit de quelque 1200 km entre les gisements pétroliers au sud du pays et Port-Soudan sur la Mer Rouge.

- Les routes ont acquis un rôle majeur pour le contrôle des territoires dont l’importance revêt un caractère symbolique, à la manière de la Route de l’Espoir en Mauritanie, créée et asphaltée durant les années 1980 pour nourrir les populations de l’est du pays touchées par la sécheresse.

2. Montrez quels types d’échanges traversent le Sahara aujourd’hui.

1 Judith Scheele, chercheur à All Souls College, université d’Oxford, auteur de Smugglers and Saints of the Sahara : regional connectivity in the twentieth century (Cambridge, University Press, 2012) et Saharan Frontiers : Space and Mobility in Northwest Africa, (dir. avec J. McDougall), Bloomington & Indianapolis, IN, Indiana University Press, 2012.

Hommes et marchandises transitent à travers le Sahara. La période actuelle voit renaître le commerce nord-sud saharien. Une part importante réside dans la contrebande, à travers ces espaces mal contrôlés. Ce type de commerce concerne des produits de première nécessité, alimentaires, dont les prix varient et sont très divers en fonction des subventions étatiques. Les types de produits échanges sont par exemple :

- le lait en poudre algérien, les boîtes de concentré de tomates tunisiennes. - Les cigarettes sont aussi une marchandise échangée selon un flux sud-nord, qualifié de

« Marlboroconnexion » ! - La drogue trouve dans le Sahara et le Sahel de vastes espaces de transit non gardés : le

haschich marocain est pour partie dirigé dans un premier temps vers le Mali et le Niger, pour remonter vers la Libye et l’Egypte et ainsi gagner l’Europe.

- La cocaïne américaine provenant des ports du Golfe de Guinée transite maintenant vers la Méditerranée via le Sahara.

3. Montrez que le Sahara est parcouru par d’importants flux humains et expliquez-en les raisons.

Les frontières du sud des États du Maghreb sont poreuses et aisées à franchir pour nombre de migrants sahéliens. Le Maroc, a été le principal pays de transit vers l’Europe par le détroit de Gibraltar ou par les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, mais le renforcement des contrôles par les autorités marocaines a fortement limité ce transit de clandestins. La Tunisie puis la Libye sont des zones de départ vers les îles italiennes. L’Égypte est une terre de passage vers le Proche-Orient. Ces désirs de terre promise européenne, d’eldorado, entretiennent une économie locale clandestine, faite de passeurs de frontières dans des régions mal surveillées. C’est maintenant sur la côte méditerranéenne que s’arrête le plus souvent l’aventure de ces migrants, dans le cadre d’accords avec l’Union européenne. Et cette nouvelle main-d’œuvre est alors exploitée dans des conditions de quasi esclavage. II. Des ressources diverses, stratégiques et exploitées Documents à utiliser : carte de la répartition des ressources dans le Sahara (F. Paris, CNED, 2013), l’exemple de l’enjeu pétrolier, la révolution en Libye (F. Paris, CNED, 2013), croquis p. 252, carte 1 p. 248 et document 3 p. 249. Document 1 : La répartition des ressources dans le Sahara :

Source : F. Paris, CNED, 2013

Document 2 : L’exemple de l’enjeu pétrolier : la révolution en Libye : Privés comme publics, tous sont soutenus par des acteurs soucieux d’obtenir et de protéger cette ressource hautement stratégique pour le fonctionnement de l’économie. Les grandes puissances sont en conflit pour les contrats d’exploration, la mise en route de l’exploitation et l’acheminement des hydrocarbures. La vente du pétrole rapporte des sommes très importantes qui peuvent être versées à l’étranger. Ces ressources permettent de soutenir des partis politiques au pouvoir, des clans, des groupes armés. L’argent du pétrole devient l’un des enjeux du pouvoir au Sahara et au Sahel. La guerre civile en Libye en 2011 est née du fait que le pétrole provient de la Cyrénaïque dont la capitale est Benghazi, ville qui, la première, s’est révoltée. Benghazi ne voyait pas les retombées économiques du pétrole, alors que les raffineries, les emplois et les revenus étaient gérés par Tripoli, la capitale politique du pays. Le développement désigne la capacité à améliorer les conditions de vie des populations et le niveau de l’économie d’un territoire.

Source : F. Paris, CNED, 2013.

A. Le pétrole subsaharien, une ressource convoitée Questions : 1. Localisez les ressources en pétrole au Sahara. Le pétrole saharien résulte d’une exploitation majoritairement onshore (différente de l’exploitation offshore exploité au fond des océans par des plates-formes pétrolières). Ces gisements de pétrole saharien peuvent se situer soit au cœur du Sahara soit sur ses marges, comme au Sahel au sud. L’exploitation ne s’en trouve pas nécessairement facilitée et les forages restent une entreprise difficile et coûteuse. Les champs pétrolifères se situent dans la région nord et de manière plus réduite au sud. 2. Montrez que l’activité de raffinage se fait loin du Sahara.

L’activité de raffinage, pour transformer le pétrole en carburant par exemple, se fait généralement loin des lieux d’extratcion. Les sites d’extraction sont reliés aux unités de raffinage par des oléoducs. L’activité de raffinage est localisée sur les côtes, loin du Sahara comme Arzew et Skikda en Algérie, deux grands ports. D’autres raffineries sont situées dans des centres urbains (Alger, N’Djamena). Ajout du professeur : Récemment une activité pétrolière offshore s’est développée avec des plates-formes en mer, en Mauritanie sur l’Océan Atlantique et en Méditerranée en Tunisie, Libye. L’Egypte exploite du gaz et du pétrole en Méditerranée, dans le golfe de Suez et en Mer Rouge. Le devenir de ces pays gaziers passe par la délivrance de nouveaux permis d’exploitation offshore. 3. Identifiez les acteurs à l’origine de l’exploitation pétrolière. Plusieurs types d’acteurs sont à l’origine de l’exploitation de la ressource pétrolière :

- Les entreprises publiques : o celles appartenant aux États sahariens o celles, comme la CNPC, d’États totalement extérieurs à la région. La Chine

fait, par ses compagnies d’État, une entrée fulgurante dans la région, s’accommodant ainsi du régime dictatorial soudanais en fermant les yeux sur les atrocités dénoncées par l’Occident, au Darfour.

Les tentatives déçues de plusieurs pays émergents indiquent l’importance du besoin en pétrole pour leur économie, encore pour partie encadrée par leurs administrations.

- Deux États sahariens seulement sont membres de l’OPEP et peuvent donc peser sur les cours mondiaux du pétrole.

- Les acteurs privés se partagent en deux catégories : o Les plus grandes compagnies pétrolières occidentales voient leurs intérêts

encadrés et soutenus par les États. o La multitude de petites sociétés, à l’existence liée au démarrage de

l’exploitation, relève de pratiques du népotisme (lorsque les dirigeants encouragent leurs proches ou leurs parents à se lancer dans des affaires qu’ils jugent profitables).

Les conflits sont évidents à propos du pétrole subsaharien et relèvent de la concurrence entre acteurs.

Ajout du professeur : Si le pétrole entre dans la logique du développement économique des États sahariens, il n’est pas encore entré dans une logique du développement durable. Le pilier social est déséquilibré, les populations sahariennes sont réduites, au mieux, à des emplois de techniciens. Beaucoup vivent de petits métiers du service et du commerce dans les sites pétroliers. Le pilier économique montre que développer des projets au Sahara n’est pas la priorité des retombées de l’argent du pétrole. Le pilier environnemental est le plus malmené, le Sahara contient une multitude de sites pollués sur les zones d’extraction.

B. Les ressources naturelles : encore une part d’inconnu Questions : 1. Identifiez les autres ressources naturelles exploitables au Sahara. Comme les hydrocarbures (gaz naturel et pétrole,) d’autres ressources minières comme le fer, le phosphate ou l’uranium… sont présents partout au Sahara. Des ressources minières permettent des résultats encore meilleurs, à l’image du phosphate, dont le Maroc est, grâce à ses gisements sahariens, le troisième producteur mondial. Des ressources autres sont mises en valeur. 2. A l’aide de vos expériences personnelles et de recherches préalables, montrez que les

paysages et l’environnement sont à l’origine du développement du tourisme. Nuancez ensuite vos propos.

Les paysages et le cadre environnemental sont aussi des ressources. Le tourisme pratiqué au Sahara se fonde pour partie ou en totalité sur un cadre naturel recherché. Il en va ainsi de la fréquentation de certains massifs, comme le Hoggar en Algérie ou l’Akakus en Libye, pour des activités de trekking, de visite des canyons, des fresques néolithiques. Le tourisme « de masse » développé dans le Sahara tunisien joue lui aussi sur les images du désert, comme dans l’oasis de Tozeur, véritable concentration d’hôtels luxueux. Ce tourisme est une activité en pointillés, en fonction des aléas politiques et militaires. Mais ce tourisme saharien est au point mort en 2012 suite à des enlèvements de touristes et à la multiplication des groupes armés par la guerre civile en Libye.

C. Ces ressources induisent-elles pour autant un véritable développement pour les États concernés ?

Document à utiliser : carte 2 p. 255, ensemble des documents déjà utilisés. Question : Expliquez si les ressources du Sahara permettent un développement important des Etats concernés. Les ressources minières et en hydrocarbures sont une rente, un bénéfice financier dont profitent inégalement les États. Au Maghreb et en Libye, les hydrocarbures ont donné lieu à des activités de raffinage qui traitent cette ressource brute et fournissent des emplois. L’activité pétrolière et gazière représente 30 % du PIB algérien. En revanche, plus au sud, les activités se limitent à la seule extraction : le fer mauritanien – dont le volume extrait met le pays à la 15e place mondiale en 2010 – n’est pas transformé dans le pays et donc exporté brut vers l’Europe et l’Asie. Les retombées de l’activité touristique sont tout aussi diverses et inégales. Les équipements mis en place (aéroports) n’ont pas dynamisé les régions concernées. Le coût environnemental du tourisme pratiqué dans les oasis tunisiennes est depuis longtemps dénoncé et les hôtels appartiennent pour la plupart à des compagnies européennes associées aux familles contrôlant l’économie du pays. Des ressources accaparées voire disputées par de nombreux d’acteurs La concurrence entre acteurs est partout présente dans les États sahéliens, à l’autorité incomplète et aux ressources financières ne permettant pas une mise en valeur publique. Le Tchad doit ainsi faire appel à la fin des années 1990 aux prêts de la Banque mondiale pour

mettre en route l’exploitation des gisements situés au nord du pays, en partenariat avec des compagnies étrangères comme l’américaine Exxon. À la fin des années 2000, le Tchad se tourne vers des investisseurs nouveaux comme la Chine ; le pouvoir politique souhaite ne plus dépendre des conditions de remboursement fixées à l’État par la Banque mondiale dans la répartition à venir des revenus tirés du pétrole, cette dernière exigeant notamment une redistribution en faveur de secteurs comme la santé ou l’éducation. D’une manière plus générale, si les acteurs publics sont des régulateurs de l’activité, nombre d’entre eux doivent s’en remettre à des compagnies étrangères. Parmi ces dernières, les compagnies publiques d’Afrique du Nord ou de géants asiatiques (Chine, Inde…) sont des concurrentes acharnées de compagnies occidentales traditionnellement présentes (Total, Chevron…). Deux raffineries chinoises sont ainsi l’œuvre de la Chine pour le seul Tchad.

D. L’enjeu stratégique de l’eau Document à utiliser : documents 4 et 5 p. 249 Question : Montrez que l’eau devient une ressource stratégique pour l’ensemble des Etats et des populations du Sahara. L’eau est une ressource stratégique au Sahara de par sa rareté et par le poids des décisions politiques sur son usage. La pression sur cette ressource est ancienne dans les oasis, et les moyens de régulation et de partage entre agriculteurs et/ou habitants restent le fait d’approches anciennes et de techniques parfois archaïques. Les motopompes, qui prélèvent directement la ressource souterraine en eau, sont utilisées sans gestion concertée et soumises au seul pouvoir d’achat des agriculteurs. Les motopompes sont un outil de ségrégation sociale excluant les plus pauvres et créant rancœurs et jalousies à un niveau local. Surtout, cette technique individuelle accroît la pression sur l’eau, non renouvelable dans les conditions d’hyperaridité qui sont celles du Sahara. Les réalisations en Libye illustrent la manière dont un pays très riche a géré son alimentation en eau d’irrigation en provenant d’un aquifère saharien fossile et en créant des réseaux de conduites des eaux à l’échelle du pays. III. Le Sahara, vers une explosion des conflits

A. La question du terrorisme islamiste Documents à utiliser : documents 6 et 7 p. 250, document 9 p. 251. Questions : 1. Montrez que le Sahara est devenu un espace marqué par le développement de

mouvements terroristes. Al-Qaïda au Maghreb islamique est une organisation terroriste née en Algérie, qui a pris ce nom en 2007 suite à sa reconnaissance par le groupe de Ben Laden. Sa référence à un islam radical est évidente, sa volonté de combattre les alliés des États-Unis et de l’Occident (comme le Maroc) tout autant. Aqmi étend son activité à l’ensemble du Sahara dans l’immensité incontrôlable devenue une zone de non-droit. Les principaux groupes armés terroristes se sont associés aux revendications traditionnelles des Touaregs maliens et se sont approprié un vaste espace dans le Nord du Mali en le nommant Aazawad. L’entrée d’Aqmi dans ce jeu diplomatique et militaire complexifie encore plus la situation. Cette action est d’abord destinée à déstabiliser l’Algérie. En dépit d’une volonté des États de contrôler au mieux leur territoire, force est de constater que le Sahara reste mal surveillé. L’immensité de ce désert permet à des groupes terroristes de s’y cacher, d’y implanter des camps d’entraînement à une époque où les nouvelles

technologies mettent en relation des petits groupes entre eux. Vide et immensité sont donc bien deux « ressources », naturelles, utilisées à leur profit par les terroristes. Le Sahara, nouveau théâtre de conflits entre groupes armés. 2. Montrez que le Sahara a été le théâtre d’enjeux territoriaux majeurs depuis les années

1970. Le Front Polisario est un groupe politique armé, né dans les années 1970 de la lutte contre les occupants espagnols. Suite à la conquête du Sahara occidental par le Maroc, une partie des Sahraouis, soutenus par l’Algérie a combattu les forces armées royales, revendiquant l’indépendance du Sahara occidental face au Maroc. Les camps de réfugiés sahraouis sont situés en Algérie, à la frontière du Maroc où la population vit depuis 1976 dans des conditions de pénurie et de précarité extrêmes. Le Sahara occidental, dans la continuité sud du Maroc, est divisé en deux parties. 80 % du territoire est administré par le Maroc qui en a fait ses provinces méridionales, sous le contrôle de l’armée : c’est le Sahara « utile » avec le littoral atlantique, les villes, les ressources minières. A l’est du mur de défense établi par l’armée marocaine se trouve le territoire de la République arabe sahraoui démocratique (RASD). Un cessez-le-feu a été signé en 1991, sans grand effet sur les négociations entre les deux parties en présence.

B. Les conflits entre populations sahariennes : Document à utiliser : croquis p. 252, carte 2 p. 263, Les conflits au cœur du Sahara (F. Paris, CNED, 2013) Document : Les conflits au cœur du Sahara :

Source : F. Paris, CNED, 2013.

1. Identifiez les différents types de conflit qui sont apparus au Sahara entre les populations. Plusieurs types de conflits :

- Conflits entre sédentaires et nomades depuis les années 1970. - Depuis les années 1980, des guérillas éclatent au Mali et au Niger, les accords de paix

restent sans effet sur le terrain. - Les années 2000 voient un regain de tensions, notamment au Mali et alors que les

réfugiés s’installent dans les pays riverains comme le Burkina-Faso. Certains ont été expulsés d’Algérie. En 2011, les Touaregs de Libye ont combattu contre la révolution qui a chassé la famille Kadhafi et sont obligés à leur tour de trouver refuge dans les pays voisins.

- Des révolutions notamment en Libye - Le renforcement de conflits territoriaux, comme au Mali, par des groupes islamistes.

Conclusion : Trait d’union entre Afrique du Nord et reste du continent africain, le Sahara redevient un enjeu d’intérêts internationaux. L’époque où le désert était un simple espace de transit ponctué par quelques oasis et autres relais caravaniers est bien loin. Le Sahara est maintenant

au cœur des enjeux stratégiques de premier ordre sur la scène mondiale. Il est devenu essentiel d’y contrôler ses ressources et de juguler l’expansion des groupes terroristes qui y trouvent refuge. Éradiquer les zones de non droit est devenu une priorité pour les États sahariens et pour leurs alliés occidentaux, États-Unis en tête. Le Sahara est-il pour autant un résumé d’Afrique ? Derrière les paysages se cachent de fortes disparités liées au niveau de vie de chaque État qui le compose. Les États maghrébins donnent le ton pour le contrôle de l’exploitation de leurs richesses, montrant ainsi une volonté politique de s’approprier les revenus de ces richesses nationales. Cette attitude nationaliste tranche avec le comportement de nombreux États subsahariens plus faibles, où la corruption et le clientélisme laissent encore le champ libre aux intérêts étrangers. Le Sahara manque aussi d’un leadership. Aucune puissance saharienne ne se dégage. L’Égypte la première puissance économique et militaire a les yeux fixés sur l’est du pays (Sinaï, Gaza et Israël) et la résolution de ses problèmes politiques internes. L’Algérie et le Maroc se tiennent mutuellement en respect. La Tunisie et la Libye sont à reconstruire et les États sahéliens luttent pour leur survie. L’Afrique du Sud est vraie la puissance africaine, mais elle est située à l’autre extrémité du continent. Après des siècles d’effacement et de désintérêt, le Sahara est devenu un espace de conflits dans la mondialisation. Doté d’immenses richesses et peu peuplé, le Sahara aurait pu rester une zone de paix. Pourtant, à l’échelle du monde, il représente sans doute l’une des terres d’affrontement du début du XXI° siècle, pour le contrôle de ses immenses ressources stratégiques.