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Science & Sports (2012) 27, 365—368 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com NOTE BRÈVE Étude de la capacité à répéter des sprints chez des joueurs de rugby préadolescents Repeated sprints ability in preadolescent rugby players L. Louit c,d , A. Louit c,d , L. Bosquet c , T. Guiraud a,,b a Clinique de rééducation cardiovasculaire et pulmonaire de Saint-Orens, 12, avenue de Revel, 31650 Saint-Orens de Gameville, France b Inserm U1048, équipe 8, bâtiment I2MC, 1, avenue Jean-Poulhès, 31059 Toulouse cedex 9, France c Faculté des sciences du sport, 8, allée Jean-Monnet, 86000 Poitiers, France d Football Club Auch Gers, 32000 Auch, France Rec ¸u le 9 septembre 2011 ; accepté le 3 novembre 2011 Disponible sur Internet le 31 mai 2012 MOTS CLÉS Capacité à répéter des sprints ; Rugby ; Enfants préadolescents Résumé Introduction. Comparer la capacité à répéter des sprints (CRS) entre des joueurs de rugby adultes et des enfants préadolescents. Synthèse des faits. Une baisse de la performance moins importante est observée chez les enfants par rapport aux adultes (p < 0,01). Il existe une corrélation élevée entre la vitesse maximale aérobie (VMA) et la somme de l’ensemble des temps (secondes) réalisés au cours des douze sprints ainsi qu’entre ce dernier paramètre et la performance sur 30 s (c’est-à-dire parcourir la plus grande distance possible durant un intervalle de 30 s) chez les adultes et les enfants. Conclusion. Un test de sprint de 30 s permet de détecter la qualité à répéter des sprints chez des enfants préadolescents joueurs de rugby. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Repeated sprint ability; Rugby; Children Summary Introduction. To compare the repeated sprints ability in rugby players from adults and prea- dolescent children. Synthesis. We observed a smaller decrease in performance in children compared to adults (P < 0.01). A high correlation was found between maximal aerobic velocity and the sum of all sprints (seconds) performed during the twelve sprints and between the latter parameter and the performance of 30 s (i.e., run the longest distance as possible during an interval of 30 s) in adults and children. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (T. Guiraud). 0765-1597/$ see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.scispo.2011.11.003

Étude de la capacité à répéter des sprints chez des joueurs de rugby préadolescents

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Science & Sports (2012) 27, 365—368

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

NOTE BRÈVE

Étude de la capacité à répéter des sprints chez desjoueurs de rugby préadolescentsRepeated sprints ability in preadolescent rugby players

L. Louit c,d, A. Louit c,d, L. Bosquetc, T. Guirauda,∗,b

a Clinique de rééducation cardiovasculaire et pulmonaire de Saint-Orens, 12, avenue de Revel, 31650 Saint-Orens de Gameville,Franceb Inserm U1048, équipe 8, bâtiment I2MC, 1, avenue Jean-Poulhès, 31059 Toulouse cedex 9, Francec Faculté des sciences du sport, 8, allée Jean-Monnet, 86000 Poitiers, Franced Football Club Auch Gers, 32000 Auch, France

Recu le 9 septembre 2011 ; accepté le 3 novembre 2011Disponible sur Internet le 31 mai 2012

MOTS CLÉSCapacité à répéterdes sprints ;Rugby ;Enfantspréadolescents

RésuméIntroduction. — Comparer la capacité à répéter des sprints (CRS) entre des joueurs de rugbyadultes et des enfants préadolescents.Synthèse des faits. — Une baisse de la performance moins importante est observée chez lesenfants par rapport aux adultes (p < 0,01). Il existe une corrélation élevée entre la vitessemaximale aérobie (VMA) et la somme de l’ensemble des temps (secondes) réalisés au coursdes douze sprints ainsi qu’entre ce dernier paramètre et la performance sur 30 s (c’est-à-direparcourir la plus grande distance possible durant un intervalle de 30 s) chez les adultes et lesenfants.Conclusion. — Un test de sprint de 30 s permet de détecter la qualité à répéter des sprints chezdes enfants préadolescents joueurs de rugby.© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSSummaryIntroduction. — To compare the repeated sprints ability in rugby players from adults and prea-

Repeated sprintability;Rugby;Children

dolescent children.Synthesis. — We observed a smaller decrease in performance in children compared to adults(P < 0.01). A high correlation was found between maximal aerobic velocity and the sum of allsprints (seconds) performed during the twelve sprints and between the latter parameter andthe performance of 30 s (i.e., run the longest distance as possible during an interval of 30 s) inadults and children.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (T. Guiraud).

0765-1597/$ – see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.scispo.2011.11.003

366 L. Louit et al.

Conclusion. — A 30 s running speed allows detecting the repeated sprints ability in childrenpreadolescent rugby players.

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Léàéirpdlnentes (PAL30s et VMA). Pour comparer les paramètres telsque CRStot, CRSie, les distances mesurées au cours des testsde PAL30s et les valeurs de VMA entre les deux groupes, nousavons utilisé une analyse de variance Anova à mesures répé-tées. Un risque alpha de 5 % a été retenu pour toutes lesanalyses (Tableau 1).

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Enfants préadolescentsAdultes

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© 2011 Elsevier Masson SAS

. Introduction

e rugby est un sport collectif dont l’activité est de naturentermittente [1]. L’analyse des actions et de leurs exigenceshysiologiques a clairement montré que les joueurs doiventournir des efforts courts (< 6 s) d’intensité maximale ouuasi maximale, entrecoupées de périodes plus longues’intensité faible à modérée. Bien que la durée de récupéra-ion entre les sprints soit généralement suffisamment longueour prévenir toute baisse de performance, elle peut parfoisevenir insuffisante à plusieurs reprises au cours du jeu. Laapacité à reproduire régulièrement des efforts maximauxouvant jouer un rôle important quant à l’issue d’un match,a capacité à répéter des sprints (CRS) est une qualité phy-ique qui est aujourd’hui considérée comme un élément clée la préparation physique associée aux sports d’équipe [1].

Par ailleurs, il a été démontré que la performance lors’une séance de répétitions de sprints est reliée à différentsacteurs, comme la cinétique de la consommation d’oxygèneendant les phases de récupération, la disponibilité de’oxygène pendant les phases de sprints, l’oxygénationusculaire, et la capacité musculaire à tamponner les ions+ [2].

Au cours de cette dernière décennie, Ratel et al. [3]nt montré que les enfants prépubères et pubères béné-cient d’une meilleure régulation acido-basique et d’uneécupération cardio-respiratoire plus efficace que celle desujets adultes, ce qui leur permet de répéter des exercicesntenses soit à une plus haute intensité relative que desujets adultes, soit à une même intensité, mais en utilisantn temps de récupération plus court que ces derniers. Àotre connaissance, les déterminants de la capacité à répé-er des actions intenses n’ont jamais été étudiés chez deeunes joueurs de rugby préadolescents. Le but de cettetude a été :

de comparer la CRS chez des enfants préadolescents etchez des adultes ;de vérifier s’il existe des relations entre la CRS, la vitessemaximale aérobie (VMA) et la puissance anaérobie lac-tique.

. Méthode

ix-huit joueurs de rugby masculins préadolescents et5 joueurs de rugby masculins adultes évoluant en fédé-ale 2 nationale ont été testés à une semaine d’intervallen condition standardisée au moyen :

d’un test de Léger-Boucher pour déterminer la VMA(l’incrémentation utilisée au cours de ce test était de1 km h−1 pour des paliers de 2 min avec une vitesse ini-tiale de 6 km h−1 pour les enfants et de 8 km h−1 pour lesadultes) ;

rights reserved.

d’un test de puissance anaérobie lactique (PAL30 s),consistant à parcourir la plus grande distance possibledurant un intervalle de 30 s. ;d’un test de CRS consistant à réaliser 12 répétitions de30 m de course à vitesse maximale avec 25 s de récupéra-tion active entre les sprints.

Pour chaque sprint, la performance de chacun des sujets été déterminée comme le temps nécessaire pour par-ourir la distance de 30 m exprimé en pourcentage deelui mesuré lors du sprint initial (Fig. 1). Le tempsotal (CRStot, somme de l’ensemble des temps (expri-és en secondes) réalisés au cours des douze sprints) et

’indice d’endurance (CRSie = 100 — [le meilleur temps enecondes*12*100]/CRStot) ont également été calculés. Desellules photoélectriques ont été utilisées pour les deuxests (Microgate, Bolzano, Italie).

.1. Statistiques

es valeurs sont présentées sous forme de moyennes etcarts types. Une analyse de variance à mesures répétées

double entrée (âge * performance à chaque sprint) até réalisée afin de tester l’hypothèse nulle selon laquellel n’y a pas d’interaction entre les groupes. Les compa-aisons multiples ont été réalisées au moyen d’un testost-hoc de Bonferroni. Le coefficient de corrélation du pro-uit des moments de Pearson a été calculé pour vérifiere niveau d’association entre la CRS et les variables perti-

12108642086

Spr ints

Figure 1 Évolution de la vitesse des sprints.

Capacité à répéter des sprints et préadolescents 367

Tableau 1 Caractéristiques des sujets.

Groupe enfant Groupe adulte p

Âge (années) 11,6 ± 0,6 25,7 ± 2,5 < 0,001Poids (kg) 39 ± 7,3 82,1 ± 9,3 < 0,001Taille (cm) 148,7 ± 7,7 181,6 ± 6,3 < 0,001VMA (km h−1) 12,4 ± 1,1 15,3 ± 0,6 < 0,001PAL30s (m) 170,7 ± 11,4 219,2 ± 6,1 < 0,001Temps 30 m (s) 5,4 ± 0,4 4,4 ± 0,1 < 0,001CRStot (s) 70,2 ± 6,1 57,2 ± 1,7 < 0,001CRSie (%) 6,5 ± 2,5 6,4 ± 2,1 ns

ns : non significatif ; VMA : vitesse maximale aérobie ; PAL30s : puissance anaérobie lactique ; CRStot : capacité à répéter desce d’

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sprints — temps total ; CRSie : capacité à répéter des sprints — indi

3. Résultats

3.1. Performance de la répétition de sprints

CRStot est plus élevée chez les enfants par rapportaux adultes (respectivement, 70,2 ± 6,1 contre 57,2 ± 1,7 s ;p < 0,001). CRSie est similaire entre les deux groupes (respec-tivement 6,5 ± 2,5 contre 6,4 ± 2,1 % ; ns). Lorsqu’on mesurela performance en l’exprimant en % du premier sprint, onretrouve une baisse de cette dernière (sur l’ensemble dessprints) moins importante chez les enfants que chez lesadultes (p d’interaction = 0,04) (Fig. 1).

3.2. Association entre les différents paramètres

Il existe une corrélation modérée négative entre VMAet CRStot chez les adultes et les enfants (respective-ment r = 0,67 ; p = 0,0058 et r = 0,77 ; p = 0,0002). Nous avonstrouvé une corrélation modérée négative entre PAL30 s etCRStot pour les adultes (r = 0,66 ; p = 0,0079), et une cor-rélation très élevée négative chez les enfants (r = 0,95 ;p ≤ 0,0001). Enfin une corrélation modérée à très élevéepositive a été observée entre la performance du premiersprint et CRStot chez les adultes et les enfants (respective-ment r = 0,73 ; p = 0,0018 et r = 0,95 ; p < 0,0001).

4. Discussion

Le résultat principal de l’étude montre que l’apparitionde la fatigue mesurée par la baisse de performance sur-vient plus tardivement chez les enfants préadolescents parrapport aux adultes joueurs de rugby, suggérant que ces der-niers perdent avec l’âge leur capacité à résister à la fatiguemusculaire. De plus, les qualités anaérobies alactiques (pre-mier sprint) et lactiques (PAL30s) sont fortement reliées àCRS chez notre groupe d’enfants, ce qui avait été démon-tré auparavant chez les adultes. Ainsi, un simple sprint de30 m semble largement efficace pour détecter les qualités

physiques intrinsèques à la CRS chez les enfants. En d’autrestermes, l’enfant qui est performant sur un sprint de 30 m àtoutes les chances de présenter de très bonnes performancelors d’un test de CRS.

D

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endurance.

Nos résultats corroborent l’étude de Bishop et al. quivait bien montré chez l’adulte l’association entre VMAt CRS [4]. Ainsi, même pour des efforts courts et supra-aximaux, on retrouve l’intérêt d’avoir une VMA élevée

fin de resynthétiser plus rapidement les stocks de phos-hocréatine en lien direct avec le type de récupération et’oxygénation musculaire [2]. Il est supposé que l’énergieibérée par le métabolisme aérobie pourrait être due

une adaptation plus rapide du système de transport’oxygène et à une plus grande activité enzymatique duissu musculaire [2]. D’autres éléments de réponses tou-ours discutés peuvent expliquer nos résultats, comme laypologie des fibres musculaires chez l’enfant et la capa-ité du muscle à éliminer les sous-produits métaboliques,els que les ions d’hydrogène, qui sont des facteurs clésesponsables de la fatigue [2]. Enfin, la masse musculaireemble particulièrement jouer sur la CRS. En effet, il estvident que la puissance absolue (reliée à une moins impor-ante quantité de masse maigre) est moins importante chezes enfants par rapport aux adultes. Leur capacité anaé-obie est-elle aussi moins importante et ils utilisent plusa phosphorylation oxydative ce qui induit une meilleureésistance à la fatigue lors d’une séance de répétitions deprints.

. Conclusion

otre étude a permis de démontrer que la CRS des enfantsnscrits dans les écoles de rugby peut être déterminéear la simple mesure d’un test de sprint sur 30 m, ce quiécessite très peu de matériel. Si la CRS diminue avec’âge (il faut toutefois le nuancer), nous pourrions suggérerue le développement des qualités anaérobies, notam-ent la vitesse, soit favorisée et/ou priorisée durant laréadolescence. Enfin, les qualités aérobies doivent conti-uer à être développées au regard du lien entre VMA etRS.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

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éférences

1] Duthie G, Pyne D, Hooper S. Applied physiology and game ana-

lysis of rugby union. Sports Med 2003;33(13):973—91.

2] Girard O, Mendez-Villanueva A, Bishop D. Repeated sprintability - part I: factors contributing to fatigue. Sports Med2011;41(8):673—94.

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L. Louit et al.

3] Ratel S, Williams CA, Oliver J, Armstrong N. Effects of ageand recovery duration on performance during multiple treadmillsprints. Int J Sports Med 2006;27(1):1—8.

4] Bishop D, Spencer M. Determinants of repeated sprintability in well-trained team-sport athletes and endurance-trained athletes. J Sports Med Phys Fitness 2004;44(1):1—7.