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Étude de la contamination microbienne des myes ( Mya arenaria) de la rive nord de l’estuaire maritime du fleuve Saint-Laurent (Québec, Canada) Benoît Lévesque, Fabien Gagnon, Alexandra Valentin, Jacques-François Cartier, Pierre Chevalier, Pierrette Cardinal, Philippe Cantin et Suzanne Gingras Résumé : Les objectifs de la présente étude étaient d’évaluer la qualité microbienne des myes (Mya arenaria) sur la rive nord de l’estuaire maritime du fleuve Saint-Laurent et de vérifier la validité de divers microorganismes indicateurs de la contamination microbienne des mollusques bivalves. Les myes ont été collectées dans neuf sites dont quatre étaient fermés à la cueillette en vertu du Programme canadien de contrôle de la salubrité des mollusques. Six indicateurs (coliformes fécaux, coliphages somatiques, coliphages F-spécifiques, streptocoques fécaux, Clostridium perfringens et Escherichia coli) et quatre pathogènes (Campylobacter sp., Crytosporidium parvum, Giardia sp. et Salmonella sp.) ont été identifiés dans les myes. La sensibilité, la spécificité, et les valeurs prédictives des indicateurs en fonction de la présence des pathogènes ont été calculées. La fréquence de détection des microorganismes pathogènes dans les myes était importante (92 %). Globalement les pathogènes ont tendance à être moins fréquemment mis en évidence dans les secteurs ouverts à la cueillette (p = 0,086). Même si les indicateurs étudiés sont imparfaits, en associant les coliphages F-spécifiques aux E. coli ou aux coliformes fécaux, on obtient une bonne sensibilité (62 % à 64 %) et une bonne valeur prédictive positive (88 %) en relation avec les pathogènes investigués. Mots clés : mollusques, coliforme, Giardia, Cryptosporidium, Campylobacter . Abstract: The aims of the present study were to assess the microbial quality of Mya arenaria clams from the north shore of the St. Lawrence River estuary and to validate various microbial indicator microorganisms of bivalve mollusks contamination. Clams were collected from nine sites, including four harvesting sites closed by virtue of the Canadian Shellfish Sanitation Program (CSSP). Six contamination indicators (fecal coliforms, somatic coliphages, F-specific coliphages, fecal streptococci, Clostridium perfringens, and Escherichia coli) and four pathogens (Campylobacter sp., Cryptosporidium parvum, Giardia sp., and Salmonella sp.) were identified in the clams. Indicators sensibility, specificity and predictive values with respect to the presence of pathogens were calculated. Pathogenic microorganisms detection frequency in clams was important (92%). Globally, pathogens tend to be less frequently detected in opened harvesting sites (p = 0.086). Although the assessed indicators were not perfect, when F-specific coliphages are associated with E. coli or fecal coliforms, a good sensibility (62%–64%) and good positive predictive value (88%) with respect to the investigated pathogens are obtained. Key words: mollusks, coliforms, Giardia, Cryptosporidium, Campylobacter . [Journal translation] Lévesque et al. 991 984 Can. J. Microbiol. 52: 984–991 (2006) doi:10.1139/W06-061 © 2006 CNRC Canada Reçu le 28 octobre 2005. Révision reçue le 6 juin 2006. Accepté le 13 juin 2006. Publié sur le site Web des Presses scientifiques du CNRC, à http://rcm.cnrc.ca le 25 octobre 2006. B. Lévesque 1 , P. Chevalier et S. Gingras. Institut national de santé publique du Québec, 945, avenue Wolfe, Québec, QC G1V 5B3, Canada; Unité de recherche en santé publique du Centre hospitalier de l’Université Laval – Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUL–CHUQ), 2875, boulevard Laurier, 6 e étage, Québec, QC G1V 2M2, Canada. F. Gagnon 2 . Unité de recherche en santé publique du CHUL–CHUQ, Québec, QC G1V 2M2, Canada; Direction régionale de la santé publique de la Côte-Nord, Baie-Comeau, QC J5C 1B1, Canada. A. Valentin 3 et J.-F. Cartier 4 . Direction régionale de la santé publique de la Côte-Nord, Baie-Comeau, QC J5C 1B1, Canada. P. Cardinal. Direction des laboratoires d’expertises et d’analyses alimentaires, ministère de l’Agriculture des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, Québec, QC G1P 3W8, Canada. P. Cantin. Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec, ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, Québec, QC G1P 3W8, Canada. 1. Auteur correspondant (courriel : [email protected]). 2. Adresse actuelle : Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke, Sherbrooke, QC J1H 5N4, Canada. 3. Adresse actuelle : Institut des sciences de la mer de Rimouski, Rimouski, QC G5L 3A1, Canada. 4. Adresse actuelle : Division des effets de la pollution de l’air sur la santé, Santé Canada, Ottawa, ON K1A 0K9, Canada.

Étude de la contamination microbienne des myes ( Mya arenaria ) de la rive nord de l'estuaire maritime du fleuve Saint-Laurent (Québec, Canada)

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Étude de la contamination microbienne des myes(Mya arenaria) de la rive nord de l’estuaire maritimedu fleuve Saint-Laurent (Québec, Canada)

Benoît Lévesque, Fabien Gagnon, Alexandra Valentin, Jacques-François Cartier,Pierre Chevalier, Pierrette Cardinal, Philippe Cantin et Suzanne Gingras

Résumé : Les objectifs de la présente étude étaient d’évaluer la qualité microbienne des myes (Mya arenaria) sur larive nord de l’estuaire maritime du fleuve Saint-Laurent et de vérifier la validité de divers microorganismes indicateursde la contamination microbienne des mollusques bivalves. Les myes ont été collectées dans neuf sites dont quatre étaientfermés à la cueillette en vertu du Programme canadien de contrôle de la salubrité des mollusques. Six indicateurs(coliformes fécaux, coliphages somatiques, coliphages F-spécifiques, streptocoques fécaux, Clostridium perfringens etEscherichia coli) et quatre pathogènes (Campylobacter sp., Crytosporidium parvum, Giardia sp. et Salmonella sp.) ontété identifiés dans les myes. La sensibilité, la spécificité, et les valeurs prédictives des indicateurs en fonction de laprésence des pathogènes ont été calculées. La fréquence de détection des microorganismes pathogènes dans les myesétait importante (92 %). Globalement les pathogènes ont tendance à être moins fréquemment mis en évidence dans lessecteurs ouverts à la cueillette (p = 0,086). Même si les indicateurs étudiés sont imparfaits, en associant les coliphagesF-spécifiques aux E. coli ou aux coliformes fécaux, on obtient une bonne sensibilité (62 % à 64 %) et une bonne valeurprédictive positive (88 %) en relation avec les pathogènes investigués.

Mots clés : mollusques, coliforme, Giardia, Cryptosporidium, Campylobacter.

Abstract: The aims of the present study were to assess the microbial quality of Mya arenaria clams from the northshore of the St. Lawrence River estuary and to validate various microbial indicator microorganisms of bivalve molluskscontamination. Clams were collected from nine sites, including four harvesting sites closed by virtue of the CanadianShellfish Sanitation Program (CSSP). Six contamination indicators (fecal coliforms, somatic coliphages, F-specificcoliphages, fecal streptococci, Clostridium perfringens, and Escherichia coli) and four pathogens (Campylobacter sp.,Cryptosporidium parvum, Giardia sp., and Salmonella sp.) were identified in the clams. Indicators sensibility, specificityand predictive values with respect to the presence of pathogens were calculated. Pathogenic microorganisms detectionfrequency in clams was important (92%). Globally, pathogens tend to be less frequently detected in opened harvestingsites (p = 0.086). Although the assessed indicators were not perfect, when F-specific coliphages are associated withE. coli or fecal coliforms, a good sensibility (62%–64%) and good positive predictive value (88%) with respect to theinvestigated pathogens are obtained.

Key words: mollusks, coliforms, Giardia, Cryptosporidium, Campylobacter.

[Journal translation] Lévesque et al. 991

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Can. J. Microbiol. 52: 984–991 (2006) doi:10.1139/W06-061 © 2006 CNRC Canada

Reçu le 28 octobre 2005. Révision reçue le 6 juin 2006. Accepté le 13 juin 2006. Publié sur le site Web des Presses scientifiquesdu CNRC, à http://rcm.cnrc.ca le 25 octobre 2006.

B. Lévesque1, P. Chevalier et S. Gingras. Institut national de santé publique du Québec, 945, avenue Wolfe, Québec, QC G1V 5B3,Canada; Unité de recherche en santé publique du Centre hospitalier de l’Université Laval – Centre hospitalier universitaire de Québec(CHUL–CHUQ), 2875, boulevard Laurier, 6e étage, Québec, QC G1V 2M2, Canada.F. Gagnon2. Unité de recherche en santé publique du CHUL–CHUQ, Québec, QC G1V 2M2, Canada; Direction régionale de lasanté publique de la Côte-Nord, Baie-Comeau, QC J5C 1B1, Canada.A. Valentin3 et J.-F. Cartier4. Direction régionale de la santé publique de la Côte-Nord, Baie-Comeau, QC J5C 1B1, Canada.P. Cardinal. Direction des laboratoires d’expertises et d’analyses alimentaires, ministère de l’Agriculture des Pêcheries et del'Alimentation du Québec, Québec, QC G1P 3W8, Canada.P. Cantin. Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec, ministère du Développement durable, de l’Environnement etdes Parcs, Québec, QC G1P 3W8, Canada.

1. Auteur correspondant (courriel : [email protected]).2. Adresse actuelle : Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke, Sherbrooke, QC J1H 5N4, Canada.3. Adresse actuelle : Institut des sciences de la mer de Rimouski, Rimouski, QC G5L 3A1, Canada.4. Adresse actuelle : Division des effets de la pollution de l’air sur la santé, Santé Canada, Ottawa, ON K1A 0K9, Canada.

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Introduction

Depuis plusieurs décennies, les mollusques bivalves (moules,myes et huîtres) ont été mis en cause comme vecteurs detransmission de maladies infectieuses (Romalde et al. 2002).On note entre autres des éclosions de gastro-entérites,notamment par des virus (McDonnell et al. 1997), par labactérie Vibrio sp. (DePaola et al. 2000) et plus récemmentpar le protozoaire Cryptosporidium parvum (Gomez-Bautistaet al. 2000).

Afin de prévenir l’apparition de maladies infectieuses, laplupart des pays ont instauré des mesures de contrôle sanitairebasées sur la présence de coliformes fécaux ou d’Esche-richia coli dans les eaux de cueillette ou dans les mollusqueseux-mêmes. Ainsi, les recommandations de la directive91/492/EEC du Conseil de la Communauté Européenne (1991)stipulent que les mollusques bivalves vivants destinés à laconsommation humaine doivent contenir moins de 230E. coli par 100 g de chair et que les salmonelles doivent êtreabsentes dans un échantillon de 25 g de chair.

Au Canada, le Programme canadien de contrôle sanitaire desmollusques (PCCSM) a comme objectif principal d’empêcherque le public ne consomme des mollusques contaminés ensurveillant la récolte d’agrément et la récolte commercialede tous les mollusques. Le second objectif est de respecterl’entente bilatérale conclue en 1948 entre les gouvernementscanadien et américain établissant un code de procédures dansle but d’améliorer les pratiques sanitaires dans les industriesdu mollusque des deux pays (Environnement Canada 2004).Cette entente prévoit entre autres l’évaluation de la qualitéde l’eau et la classification des zones de croissance desmollusques. Ces tâches, sous l’égide de Environnement Canada,visent à identifier les zones de croissance qui représententpeu de danger pour la contamination des mollusques. Chaquezone de récolte doit être soumise à une étude exhaustive dessources de pollution. La moyenne géométrique ou la médianedes coliformes fécaux dans l’eau ne doit pas dépasser 14NPP (nombre le plus probable) par 100 mL, et il ne doit pasy avoir plus de 10 % des échantillons qui dépassent un NPPde 43/100 mL (Canadian Food Inspection Agency 1993).

Plusieurs études ont remis en cause l’utilisation des indi-cateurs traditionnels de salubrité des eaux coquillières(coliformes fécaux et E. coli) (McDonnell et al. 1997; Doréet al. 2000; Romalde et al. 2002), que l’on échantillonnedans l’eau ou les mollusques, en particulier au regard de lacontamination par des protozoaires ou des virus pathogènes.C’est dans ce contexte que les autorités européennes ontdécidé de rechercher de nouveaux indicateurs de la contami-nation des mollusques (Conseil de la Communauté européenne1999). Ainsi, certains indicateurs potentiels, notamment desbactériophages, tels les coliphages F-spécifiques (Doré et al.2000), pourraient avoir une meilleure valeur à titre d’indicateurde la présence de certains microorganismes pathogènes.

Le premier objectif de la présente étude était d’évaluer laqualité microbienne des myes sur la rive nord de l’estuairemaritime du fleuve Saint-Laurent (Québec, Canada) en fonctiondes zones de cueillette du PCCSM. Le second objectif étaitde vérifier la validité de divers microorganismes indicateurs(coliformes fécaux, streptocoques fécaux, E. coli, Clostridiumperfringens, virus coliphages somatiques et virus coliphages

F-spécifiques) de la contamination microbienne des mollusquesbivalves.

Matériels et méthodes

ÉchantillonnageNeuf stations ont été sélectionnées pour l’échantillonnage

des myes communes (Mya arenaria) sur la rive nord del’estuaire maritime du fleuve Saint-Laurent (Québec, Canada).La zone de l’étude s’étendait de Tadoussac à Baie-Trinité etcouvrait 365 km de côte (Gagnon et al. 2004). À cet endroit,la mye commune est de loin l’espèce la plus cueillie et laplus consommée par les cueilleurs locaux qui consommentannuellement une moyenne de 15 repas de 410 g de chair demollusques chacun (Gagnon et al. 2004). Les stationsd’échantillonnage ont été sélectionnées sur la base : (i) del’abondance relative des myes, (ii) des données historiquesde contamination fécale et (iii) des sources potentielles decontamination microbienne des eaux coquillières et desmollusques. Dans ce dernier cas, celles-ci étaient principale-ment des eaux usées municipales traitées (une station) ounon traitées (quatre stations), des systèmes septiques résidentiels(six stations), des colonies d’oiseaux (trois stations) et de lapollution agricole (une station). Des neuf stations, quatreétaient ouvertes à la cueillette des myes, en vertu du PCCSM,alors que cinq autres étaient fermées. La largeur des bancscoquilliers pouvait varier de 1 km à plus de 10 km.

L’échantillonnage des myes s’est déroulé sur une périoded’un peu plus de 3 mois, de la fin de juin à la fin deseptembre 1999. Huit rondes d’échantillonnage ont étéréalisées à chacun des neuf lieux à une fréquence variablepouvant aller d’environ 1 à 4 semaines en fonction de lapériode d’accessibilité des bancs coquilliers, soit aux périodesde marée basse n’excédant pas 1,0 m au port de référence dePointe-au-Père. Les myes ont été cueillies à intervalle régulier,en partant d’un point de départ aléatoirement choisi à l’intérieurdes limites d’un lieu d’échantillonnage. Ces zones étaientd’environ 1 km de large. Lors de chacune des rondes, unnombre minimal de 55 spécimens a été prélevé afin depermettre la préparation d’un échantillon composé d’au moins450 g (chair et eau contenues dans la coquille). Au total, 72échantillons ont été récoltés. Tous les échantillons ont ététemporairement entreposés dans des glacières, expédiés aulaboratoire et soumis à l’analyse microbienne dans un délaimaximal de 36 h.

DénombrementsLes analyses des myes comprenaient le dénombrement de

microorganismes indicateurs (coliphages somatiques, coliphagesF-spécifiques, coliformes fécaux, E. coli, streptocoques fécauxet Clostridium perfringens) et la détection de microorganismespathogènes (Cryptosporidium parvum, Giardia sp., Campylo-bacter sp. et Salmonella sp.).

Suite à une homogénéisation au Stomacher d’un échantillonde 450 g de chair de mollusque (chair et liquide intra-coquillière), un aliquote de 1 mL du liquide a été transférédans 9 mL d’eau peptonée (0,1 % plus NaCl 0,85 %) à pH 7.Des dilutions décimales subséquentes ont été préparées. Lesdénombrements des E. coli (Organisation Internationale deNormalisation 2001), des coliformes fécaux (Santé Canada

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© 2006 CNRC Canada

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1997a), des streptocoques fécaux (American Public HealthAssociation 1992) et des Clostridium perfringens (Santé Canada1997b) ont été réalisés par la technique d’incorporation dansdes milieux gélosés spécifiques avec des volumes de 1 mLde la dilution 10–1 de l’homogénat de myes. Les limites dedétection étaient de 103/100 g pour les coliformes fécaux,les E. coli et les streptocoques fécaux et de 104/100 g pourles Clostridium perfringens.

Les Campylobacter sp. ont été identifiés avec des homogénatsde 25 g (chair et eau coquilière). Une amplification (amplifi-cation en chaîne par la polymérase, PCR) a d’abord étéeffectuée avec des amorces spécifiques aux Campylobacterthermotolérants (Giesendorf et al. 1992; Ministère del’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec1997), et les résultats ont été confirmés par la suite enculture (Santé Canada 1998a). La limite de détection était de1 bactérie/25 g (Santé Canada 1998a). Salmonella sp. a égale-ment été analysée, et l’identification a été confirmée par unesérologie selon un protocole de Santé Canada (1998b). Lalimite de détection était de 1 bactérie/25 g.

Les coliphages somatiques ont été identifiés avec des échan-tillons de 100 g (chair et eau coquilière) selon un protocoledécrit par l’American Public Health Association (1995). Lalimite de détection était de 1 microorganisme/100 g. Ledénombrement des coliphages F-spécifiques a été égalementréalisé sur 100 g (chair et eau coquilière) avec la mêmelimite de détection à l’aide de la technique de Havelaar etHogeboom (1984).

Giardia sp. et Cryptosporidium parvum ont été recherchésau moyen d’une technique adaptée de celle mise au pointpour l’eau par l’Agence Américaine de Protection del’Environnement (US Environmental Protection Agency(USEPA) 1995) dans 100 g de chair et d’eau coquillière quiont été séparés par filtration. La chair a été disséquée pouren extraire le pied, les muscles, les gonades et le manteau.Ces organes ont été rincés avec du tampon d’élution et n’ontplus été utilisés. Le reste de la chair a été déchiqueté puisremis en suspension dans du tampon d’élution. Duformaldéhyde (concentration finale de 2 %) a été ajouté àl’eau coquillière, à la solution de rinçage des organes retiréset à la suspension de chair déchiquetée. Ces suspensions ontété centrifugées (20 min à 3800g), et le culot a été remis ensuspension dans du Tween 80 0,1 % (10 mL pour 0,5 mL deculot) puis traité aux ultrasons.

Les parasites de chacune des suspensions ont été purifiéspar centrifugation sur un double gradient de sucrose (15 mLde sucrose 66 % (v/v), 15 mL de sucrose 50 % (v/v) et15 mL de culot). Le gradient de sucrose a été centrifugé à770g pendant 20 min. Le surnageant du gradient de sucrosea été filtré sur une épaisseur simple de coton fromage pourenlever les débris de myes, et le filtrat a été récupéré etcombiné avec le gradient de sucrose en entier. Les kystes etles oocystes contenus dans le gradient ont été lavés à troisreprises. Ils ont d’abord été centrifugés à 6900g pendant20 min puis repris dans du Tween 80 0,1 % (environ 50 mL),puis centrifugés de nouveau à deux reprises à 6900g pendant20 min. Au terme du dernier lavage, le volume de culotobtenu a été repris avec deux volumes de Tween 80 0,1 %.

Les kystes de Giardia sp. et les oocystes de Crypto-sporidium parvum ont été détectés par immunofluorescence

indirecte (Hydrofluor-Combo, Strategic Diagnostics Inc.,Newark, Del., USA). Les échantillons ont été considéréspositifs lorsque des objets vert pomme fluorescent ayant laforme et la taille typiques des kystes de Giardia sp. (ovale, 8à 12 µm de longueur) et des oocystes de Cryptosporidiumparvum (circulaire à légèrement ovale, 3,5 à 6,5 µm dediamètre) ont été observés. Autant pour les oocystes quepour les kystes, la limite théorique de détection était de1/100 g, mais la récupération de la méthode n’a pas étédéterminée. Pour des raisons de logistique hors de notrecontrôle, les analyses des parasites n’ont été effectuées qu’avec41 échantillons.

Analyses statistiquesLa présence des différents indicateurs microbiens et des

pathogènes a été comparée individuellement et collectivementen fonction du statut (ouvert et fermé, selon la classificationdu PCCSM) de la plage à l’aide de tests exacts de Fisher surles 72 ou 41 échantillons, selon que les analyses incluaientou non les données de Giardia sp. ou de Cryptosporidiumparvum. Les données des 41 échantillons ont été traitées demanière à évaluer la sensibilité, la spécificité et les valeursprédictives (tableau 1) de chacun des indicateurs (Bernard etLapointe 1987) en tenant compte du fait qu’un échantillonétait considéré contaminé lorsqu’au moins un des micro-organismes pathogènes était détecté en fonction des limitesde détection des méthodes utilisées. Dans le cas présent, lasensibilité permet d’estimer la probabilité qu’un indicateursoit présent lorsqu’il y a présence d’un pathogène, et laspécificité permet d’estimer la probabilité que l’indicateursoit absent lorsqu’il y a absence de pathogène. La valeurprédictive positive quant à elle est la probabilité qu’unpathogène soit présent lorsque l’indicateur est présent, alorsque la valeur prédictive négative est la probabilité de l’absencede pathogène lorsque l’indicateur est absent.

Une analyse des correspondances a été effectuée surl’ensemble des 72 échantillons (41 lorsque l’analyse étaitfaite en fonction de la présence des parasites) afin de comparerles patrons présence ou absence des indicateurs et des micro-organismes pathogènes. Il y a correspondance statistiquelorsque la probabilité conditionnelle d’une observation estplus grande que le laisserait supposer une distribution indé-pendante des deux descripteurs (indicateur et microorganismepathogène) (Legendre et Legendre 1983).

986 Can. J. Microbiol. Vol. 52, 2006

© 2006 CNRC Canada

Pathogènes

Indicateur Présents Absents

Présent A BAbsent C D

Nota : Sensibilité = A/(A+C); specificité =D/(B+D); valeur prédictive positive = A/(A+B);valeur prédictive négative = D/(C+D).

Tableau 1. Matrice d’analyse pour les calculsde sensibilité, de spécificité et des valeursprédictives des indicateurs microbiens.

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Résultats

Qualité microbienne des myesLa fréquence de détection des microorganismes patho-

gènes dans les myes communes en fonction de l’ouverture etde la fermeture des secteurs d’échantillonnage est présentéeau tableau 2. Dans l’ensemble, la contamination s’est avéréeimportante, puisque 90 % des échantillons étaient contaminéspar au moins un des quatre microorganismes pathogènesrecherchés. Les proportions d’échantillons contaminés parles protozoaires étaient particulièrement élevées. Cependant,la prévalence de Giardia sp. était significativement moinsgrande chez les spécimens cueillis sur les plages ouvertescomparativement aux plages fermées (p = 0,038), alors quepour les trois autres microorganismes recherchés il n’y avaitpas de différence significative. Néanmoins, des proportionsde contamination de 96 % et 77 % pour au moins un desquatre microorganismes provenaient d’échantillons respective-ment prélevés sur des plages fermées et ouvertes à la cueillettemontrant une tendance pour les myes des plages ouvertes àêtre moins contaminées (p = 0,086). Un seul échantilloncontaminé par Salmonella sp. provenant d’une plage ferméea été identifié.

Les coliphages somatiques et F-spécifiques ont été respective-ment identifiés dans 85 % et 56 % des échantillons. Lesfréquences de détection des coliformes fécaux, des E. coli,des coliphages somatiques et des coliphages F-spécifiquesétaient significativement plus élevées (p < 0,05) sur les plagesfermées que sur les plages ouvertes (tableau 3). Clostridium

perfringens a été identifié seulement dans deux échantillonsprélevés sur des plages fermées.

Évaluation des indicateursEn fonction de la présence des différents pathogènes, les

coliphages somatiques affichent une grande sensibilité (92 %),alors que les autres microorganismes indicateurs ont unesensibilité beaucoup plus faible (3 % à 60 %) (tableau 4). Laspécificité est plus faible chez les organismes indicateursayant la plus grande sensibilité. Les valeurs prédictivespositives sont élevées pour l’ensemble des indicateurs (87 %à 100 %), situation qui est cependant contrebalancée par desvaleurs prédictives négatives très faibles (6 % à 40 %)(tableau 4). Même en combinant tous les microorganismes,à l’exception des coliphages somatiques dont la fréquence dedétection très élevée (tableau 3) limite considérablement lepotentiel de discrimination à titre d’indicateur de salubrité,la valeur prédictive positive est toujours très élevée (88 % à90 %) mais la valeur prédictive négative demeure faible(7 % à 13 %). Les combinaisons impliquant les coliphagesmâles F-spécifiques permettent d’atteindre des sensibilitésde 62 % à 64 % avec des spécificités de 25 % (tableau 4).

L’examen des probabilités conditionnelles montre qu’aucundes indicateurs potentiels ne possède une correspondanceavec tous les microorganismes pathogènes considérés danscette étude (tableau 5). En excluant Clostridium perfringensqui ne fut détecté que dans deux échantillons, certains sonttoutefois associés plus étroitement aux microorganismespathogènes les plus souvent détectés (Campylobacter sp.,

Lévesque et al. 987

© 2006 CNRC Canada

Plage ouverte (n=32) Plage fermée (n=40) Total (n=72)

Microorganismes pathogènes Nba Rapport % Rapport % Rapport %Valeurpc

Cryptosporidium parvum 41b 10/13 76,9 19/28 67,9 29/41 70,7 0,719Giardia sp. 41b 5/13 38,5 21/28 75,0 26/41 63,4 0,038Campylobacter sp. 72 15/32 46,9 19/40 47,5 34/72 47,2 1,000Salmonella sp. 72 0 0,0 1/40 2,5 1/72 1,4 1,000

Au moins 1 des 4 microorganismes 41b 10/13 76,9 27/28 96,4 37/41 90,2 0,086aNombre d’échantillons réalisés pour chacun des microorganismes pathogènes.bPour les parasites, 13 échantillons pour des plages ouvertes et 28 échantillons pour des plages fermées.cObtenu par le test exact de Fisher.

Tableau 2. Fréquence de détection des microorganismes pathogènes dans la chair des myes en fonction de l’ouverture des plages à lacueillette.

Plage ouverte (n=32) Plage fermée (n=40) Total (n=72)

Microorganismes indicateursÉtendue, nombred’unités/100 g Rapport % Rapport % Valeur pa Rapport %

Coliphages somatiques 1 à 2,1×102 23/32 71,9 38/40 95,0 0,009 61/72 84,7Coliphages mâles F-spécifiques 2 à 2,2×102 12/32 37,5 28/40 70,0 0,009 40/72 55,6Streptocoques fécaux 1×103 à 1,8×105 10/32 31,3 18/40 45,0 0,331 28/72 38,9Coliformes fécaux 1×103 à 5×104 3/32 9,4 12/40 30,0 0,042 15/72 20,8Escherichia coli 1×103 à 8,9×103 1/32 3,1 9/40 22,5 0,035 10/72 13,9Clostridium perfringens 1×104 0 0,0 2/40 5,0 0,499 2/72 2,8

aObtenu par le test exact de Fisher.

Tableau 3. Fréquence de détection des microorganismes indicateurs dans la chair des myes en fonction de l’ouverture des plages à lacueillette.

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Cryptosporidium parvum et Giardia sp.). Pour Giardia sp.,il s’agit des coliphages somatiques et de E. coli. PourCryptosporidium parvum, ce sont les coliphages somatiques,les coliphages F-spécifiques et les streptocoques fécaux.Enfin, trois indicateurs peuvent indiquer la présence deCampylobacter sp., soit les coliphages F-spécifiques, E. coliet les coliformes fécaux. Les coliphages F-spécifiques et lesE. coli sont respectivement associés à trois pathogènes, àsavoir Salmonella sp., Cryptosporidium parvum et Campylo-bacter sp., et Salmonella sp., Giardia sp., et Campylobactersp. (tableau 5).

Discussion

La forte proportion d’échantillons contaminés (90 %) parl’un ou l’autre des quatre microorganismes pathogènesrecherchés peut s’expliquer en partie par le fait que 56 %des échantillons ont été volontairement prélevés dans dessecteurs fermés à la cueillette des mollusques dans le cadre

du PCCSM. À cet effet, la démonstration d’une tendancepour les myes cueillies dans les secteurs ouverts à êtremoins contaminées vient appuyer la mise en place deprogrammes comme le PCCSM pour déterminer des sites decueillette moins à risque pour les consommateurs.Néanmoins, 77 % des échantillons prélevés sur des plagesouvertes à la cueillette étaient tout de même contaminés parau moins un des quatre microorganismes pathogènesrecherchés.

Il est notable que les parasites Cryptosporidium parvum etGiardia sp. aient été détectés avec des fréquences totalesrespectives de 71 % et 63 %. Ces protozoaires sont largementdistribués dans l’environnement aquatique (US EnvironmentalProtection Agency (USEPA) 1998, 2001) et peuvent persisterlongtemps en eau salée (Brown et al. 1999). En raison deleur caractère d’organismes filtrant et de la possibilité qu’ils ontde concentrer les particules, les mollusques bivalvespeuvent être utilisés comme bioindicateurs de pollution del’eau (Graczyk et al. 2001), en particulier en relation avec la

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Valeur prédictive (%)

Microorganismes indicateurs Sensibilité (%) Spécificité (%) Positive Négative

Coliphages somatiques 91,9 50,0 94,4 40,0Coliphages mâles F-spécifiques 59,5 25,0 88,0 6,3Streptocoques fécaux 35,1 50,0 86,7 7,7Coliformes fécaux 24,3 100,0 100,0 12,5Escherichia coli 16,2 100,0 100,0 11,4Clostridium perfringens 2,7 100,0 100,0 10,0Coliformes fécaux ou E. coli 29,7 100,0 100,0 13,3Streptocoques fécaux ou coliformes fécaux ou E. coli 48,7 50,0 90,0 9,5Coliformes fécaux ou coliphages mâles F-spécifiques 64,9 25,0 88,9 7,1Escherichia coli ou coliphages mâles F-spécifiques 62,2 25,0 88,5 6,7Streptocoques fécaux ou coliformes fécaux ou E. coli ou coliphages mâles

F-spécifiques64,9 25,0 88,9 7,1

Streptocoques fécaux ou coliformes fécaux ou E. coli ou Clostridiumperfringens

48,7 50,0 90,0 9,5

Streptocoques ou coliformes fécaux ou E. coli ou Clostridium perfringensou coliphages mâles F-spécifiques

64,9 25,0 88,9 7,1

Nota : Cette analyse a été faite sur les 41 échantillons pour lesquels on a vérifié la présence de l’ensemble des pathogènes.

Tableau 4. Sensibilité, spécificité et valeurs prédictives des indicateurs potentiels, en lien avec la présence de microorganismespathogènes.

Salmonella sp.(Pi=0,014)

Giardia sp.(Pi=0,282)

Cryptosporidiumparvum (Pi=0,310)

Campylobactersp. (Pi=0,394)

Microorganismes na Pc na Pc na Pc na Pc Total (na)

Coliphages somatiques 1 0,012 25 0,301b 26 0,313b 31 0,373 83Coliphages F-spécifiques 1 0,019b 14 0,264 17 0,321b 21 0,396b 53Streptocoques fécaux 0 0,000 10 0,278 12 0,333b 14 0,389 36Coliformes fécaux 0 0,000 6 0,261 7 0,304 10 0,435b 23Escherichia coli 1 0,053b 6 0,316b 4 0,211 8 0,421b 19

Total 3 61 66 84 214aEffectif des observations croisées entre les indicateurs potentiels et les microorganismes pathogènes.bCorrespondance (lorsque Pc>Pi, avec Pc, Pconditionnelle; Pi, Pinconditionnelle).

Tableau 5. Tableau de contingence des probabilités conditionnelles (Pc) des indicateurs potentiels en lien avec les microorganismespathogènes recherchés.

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présence de Cryptosporidium et Giardia (Miller et al. 2005).Il est connu que Giardia sp. peut contaminer les mollusquesaquatiques (Graczyk et al. 1999). Il en est également ainsipour Cryptosporidium dont les oocystes ont été détectésdans les mollusques, même quand on ne pouvait détecterleur présence dans les eaux environnantes (Miller et al. 2005).Par ailleurs, Fayer et al. (1997) et Freire Santos et al. (2002)ont démontré de façon expérimentale que les oocystes deCryptosporidium parvum peuvent infecter les mollusques etdemeurer infectieux plusieurs jours après contamination. Unecontamination par des oocystes de Cryptosporidium parvumdans des huîtres ou des clams provenant de sites de collectecommerciaux de la Baie de Chesapeake (Fayer et al. 2002)et de la Côte de l’Atlantique (Fayer et al. 2003) a égalementété démontrée, et certains de ces oocystes pouvaient êtreinfectieux pour la souris. Les mêmes constats ont étérapportés par Gomez-Bautista et al. (2000) qui ont montrédes concentrations d’oocystes de plus de 103 par mollusquechez des moules et des coques en Galicie en Espagne. Cesoocystes ont également été démontrés infectieux chez la souris.

Dans l’étude actuelle, les kystes de Giardia sp. étaientsignificativement plus abondants chez les spécimens prélevéssur des plages fermées, plus sujettes dans cette région auxrejets d’eaux usées qu’à la pollution agricole. De façonsurprenante, il n’y avait pas de différence entre la prévalencedes mollusques infectés par Cryptosporidium parvum enfonction de la fermeture du secteur de cueillette, indiquantainsi une contamination généralisée. Il est clair que Crypto-sporidium parvum et également Giardia sp. sont présentsdans les eaux côtières et estuariennes et qu’ils infectentdivers hôtes animaux marins (Fayer et al. 2004). Cependant,les potentiels infectieux et pathogène des kystes et desoocystes n’ont pas été évalués dans l’étude actuelle.

Salmonella sp. a été identifié dans un seul échantillonprovenant d’une plage fermée. Wilson et Moore (1996) ontmontré une prévalence de contamination par Salmonella sp.de 8 % chez 433 mollusques (coques, moules, pétoncles ethuîtres) recueillis en Irlande du Nord. Cependant, dans uneétude réalisée sur 2980 échantillons de mollusques enGalicie (Espagne) sur une période de 3 ans, on a montré uneincidence de 1,8 % de contamination par Salmonella sp.(Martinez-Urtaza et al. 2003), soit un pourcentage relative-ment similaire à celui documenté dans l’étude actuelle(1,4 %). La contamination des moules et des huîtres étaitplus élevée que chez les myes et les coques. Les auteurs ontconclu que l’habitat de croissance pouvait être un facteurdans la contamination. Il est possible que le caractèrefouisseur des myes les protège partiellement d’une contami-nation par Salmonella sp.

Ça ne semble pas être le cas pour Campylobacter sp. qui aété identifié dans près de 50 % des échantillons recueillis,peu importe que le site soit ouvert ou fermé à la cueillette.Cette proportion est du même ordre de grandeur que celle de42 % documentée en Irlande du Nord sur un échantillon de380 mollusques (Wilson et Moore 1996). Dans les Pays Bas,Endtz et al. (1997) ont montré une proportion de contamina-tion de 69 % (n = 59) et 27 % (n = 41) respectivement chezdes moules et des huîtres. La campylobactériose a déjà étéassociée à la consommation de mollusques aux États-Unis(US Food and Drug Administration (USFDA) 1992). Plusieurs

auteurs croient que Campylobacter sp. pourrait être un micro-organisme commensal du tractus digestif des oiseauxsauvages, en particulier des goélands (Hatch 1996), et cemicroorganisme a été identifié en abondance dans les fientesdes goélands à bec cerclé qui fréquentent le fleuve Saint-Laurent (Lévesque et al. 2000).

Concernant les indicateurs microbiens étudiés, les coliphagessomatiques et F-spécifiques ainsi que les coliformes fécauxet les E. coli sont détectés significativement plus fréquemmentchez les mollusques cueillis sur les plages fermées. Cesindicateurs sont reconnus comme de bons indicateurs depollution fécale, tel que démontré en partie par la bonnevaleur prédictive positive documentée dans cette étude(tableau 4). Aussi, malgré ses imperfections, on peut présumerque la classification des plages faite par le PCCSM permetde réduire le risque pour les consommateurs en les orientantvers des lieux de cueillette moins contaminés.

En relation avec les pathogènes étudiés, les résultats obtenusdémontrent qu’aucun des microorganismes indicateursconsidérés dans cette étude ne peut garantir que les mollusquescueillis seront sans risque sanitaire en particulier en ce quiconcerne la valeur prédictive négative. En effet, si l’on exclutles coliphages somatiques, dont la présence généralisée dansl’environnement permet difficilement de les utiliser commeindicateur potentiel, la valeur prédictive négative demeureinférieure à 14 %, que les microorganismes indicateurspotentiels soient analysés individuellement ou en parallèle.Dès lors, il s’avère difficile de prendre pour acquis que lespathogènes sont absents si les indicateurs ne sont pas détectés.Les coliformes fécaux et les E. coli ont une spécificité et unevaleur prédictive positive de 100 %. Leur sensibilité estcependant très faible, indiquant que l’indicateur est rarementprésent lorsque des pathogènes sont présents. Il est toutefoispossible d’améliorer cette sensibilité en couplant l’analysedes coliformes fécaux ou des E. coli avec celle des coli-phages F-spécifiques. Ce gain pour la sensibilité qui permetde diminuer les faux négatifs se fait toutefois aux dépens dela spécificité (augmentation des faux positifs) qui estime laprobabilité que les indicateurs soient absents lorsque lespathogènes sont absents mais affecte peu la valeur prédictivepositive qui estime la probabilité que les pathogènes soientprésents lorsque les indicateurs sont détectés. L’utilisationdes coliphages F-spécifiques en association avec les coli-formes fécaux ou les E. coli pourrait permettre, malgré lesimperfections concernant la valeur prédictive négative, dediminuer le risque d’exposition à des microorganismes patho-gènes de façon substantielle. D’ailleurs, l’analyse des résultatsdes probabilités conditionnelles montre que les E. coli et lescoliphages F-spécifiques sont associés aux quatre patho-gènes étudiés dans l’étude actuelle. Évidemment, aucuneconclusion ne peut être tirée en rapport avec les virus quin’ont pas ici été étudiés.

En Grande Bretagne, Doré et al. (2000) ont montré dansdes huîtres échantillonnées sur une période de 2 ans dansquatre sites commerciaux une bonne relation entre lescoliphages F-spécifiques et les virus apparentés au virus deNorwalk. Ces résultats et la tendance temporelle de contamina-tion des coliphages F-spécifiques qui semblait suivre celledes gastroentérites reliées à la consommation d’huîtres faisaientconclure aux auteurs que les coliphages F-spécifiques

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pourraient être utilisés comme indicateur de contaminationvirale chez les huîtres. En contrepartie, en Suède, Hernrothet al. (2002) ont échantillonné des moules provenant de troissites entre février 2000 et juillet 2001. On vérifiait lacontamination par différents indicateurs incluant les E. coliet les coliphages F-spécifiques mais également par différentsvirus (adénovirus, entérovirus, virus apparentés au virus deNorwalk, virus de l’hépatite A). Les résultats ont montré queE. coli ne semblait pas être un bon indicateur de la contamina-tion virale et que les coliphages F-spécifiques semblaientêtre un indicateur fiable de la présence des entérovirus.Cependant, les auteurs émettaient des doutes sur les qualitésdes coliphages F-spécifiques pour d’autres virus tels que lesadénovirus et avaient des réserves sur les gains en terme desécurité alimentaire apportés par cet indicateur. Ils prônaientplutôt une analyse plus complète des virus eux-mêmes.Quoiqu’il en soit, il semble que les coliphages F-spécifiquessoient une valeur ajoutée à titre d’indicateur de contamina-tion virale.

Pour gérer le risque infectieux en lien avec la consommationdes myes de la Côte Nord de l’estuaire du Saint-Laurent, ilapparaît nécessaire d’ériger plusieurs barrières. D’abord, ilfaut encourager les cueilleurs à ramasser les myes sur lesplages accréditées par le PCCSM. De plus, même si lesindicateurs actuels sont très imparfaits, il serait pertinentd’instaurer un système de contrôle de la chair. En relationavec les pathogènes recherchés dans l’étude actuelle, lescoliphages F-spécifiques en association avec E. coli ou lescoliformes fécaux semblent être le meilleur choix. Finalement,en considérant la littérature ainsi que nos résultats, autant enrelation avec la prévalence documentée des pathogènes quel’évaluation des indicateurs, il doit être conseillé aux con-sommateurs de faire cuire les mollusques. L’American PublicHealth Association (APHA 2000) suggère une cuisson à lavapeur ou par ébullition pendant 10 min ou plus.

Remerciements

Nous tenons à remercier le domaine d’intervention Santéhumaine du Programme Saint-Laurent Vision 2000 pouravoir subventionné cette recherche. Des remerciements sontégalement adressés à Amélie Ouellet pour son aide précieuselors de l’échantillonnage, à Thierry Tremblay pour sa contri-bution majeure dans la rédaction du protocole, à FrédéricAubin pour l’important travail réalisé dans le cadre des analysesde parasites et à Pierre Payment pour son aide appréciéepour les aspects de microbiologie environnementale lors dela réalisation de l’étude.

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