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N0 02 ISAL 0029 Année 2002
THESE
Etude pharmacologique de la voie de signalisation impliquée dans l’apoptose
des péricytes rétiniens induite par les produits avancés de glycation (albumine
bovine modifiée par le méthylglyoxal)
Présentée devant
L’institut National des Sciences Appliquées de Lyon
Pour obtenir
Le grade de docteur en Biochimie
par
Ulriche DENIS
DEA de Biochimie (Université LyonI)
Soutenue publiquement le 27 Juin 2002 devant la commission d’Examen
JURY:
Pr José CUNHA-VAZ (rapporteur)
Pr Michel LAGARDE
Dr Marc LECOMTE
Pr Thierry LEVADE (rapporteur)
Dr Nicolas WIERNSPERGER
Cette thèse a été préparée au sein de l’Unité de Recherche de Microangiopathie Diabétique (UTMD) LIPHA/INSERM U-352, à l’INSA de Lyon
17
AVANT-PROPOS
Les travaux menés au cours des deux premières années de thèse ont fait l’objet d’un
brevet, déposé en Octobre 2000. Au terme de la confidentialité, les données scientifiques ont
été présentées par des publications (publiée et soumise) ou des communications (orale et
écrites). En voici les références.
BREVET
Marc Lecomte, Ulriche Denis, Clarisse Paget, Nicolas Wiernsperger, Michel Lagarde.
Utilisation d’inhibiteurs de l’apoptose des péricytes pour le traitement et /ou la prévention de
la rétinopathie diabétique. Brevet FR2815541, enregistré le 24 Octobre 2000, publié le 26
avril 2002. WO02/34201, publié le 2 mai 2002.
PUBLICATION
Ulriche Denis, Marc Lecomte, Clarisse Paget, Daniel Ruggiero, Nicolas Wiernsperger
and Michel Lagarde. Advanced Glycation End-Products (AGE) induce apoptosis of bovine
retinal pericytes in culture: involvement of DAG/ceramide production and oxidative stress
induction. Free Radic. Biol. Med., sous presse
Ulriche Denis, Marc Lecomte, Daniel Ruggiero, Nicolas Wiernsperger and Michel
Lagarde. Caspase-10 is involved in Advanced Glycation End-Products (AGE)-induced
apoptosis in cultured bovine retinal pericytes. En préparation
COMMUNICATION ORALE
Ulriche Denis, Marc Lecomte, Daniel Ruggiero, Nicolas Wiernsperger and Michel
Lagarde. Advanced Glycation End-Products (AGE) induce apoptosis of cultured bovine
retinal pericytes: implication of caspases and DAG/ceramide production. 11th meeting of the
European Association for the study of Diabetic Eye Complications (EASDEC), Paris,
France, 14-18 mai 2001, Diabetes and Metabolism, 2001, 27, suppl. 2, O23.
18
POSTERS
Ulriche Denis, Marc Lecomte, Daniel Ruggiero, Nicolas Wiernsperger and Michel
Lagarde. Caspase-10 is involved in Advanced Glycation End-Products (age)-induced
apoptosis in cultured bovine retinal pericytes. 62nd Annual Meeting and Scientific Sessions
of the American Diabetes Association, San Francisco, USA, 14-18 June 2002, Diabetes,
2002, suppl., N° 815.
Ulriche Denis, Marc Lecomte, Daniel Ruggiero, Nicolas Wiernsperger and Michel
Lagarde. Advanced Glycation End-Products (AGE) induce apoptosis of cultured bovine
retinal pericytes: implication of caspases and DAG/ceramide production. Charleston
Ceramide Conference, Charleston, USA, 11-14 November 2001.
Ulriche Denis, Marc Lecomte, Daniel Ruggiero, Nicolas Wiernsperger and Michel
Lagarde. Advanced Glycation End-Products (AGE) induce apoptosis of cultured bovine
retinal pericytes: implication of caspases and DAG/ceramide production. 61th Annual
Meeting and Scientific Sessions of the American Diabetes Association. Philadelphia,
USA, 22-26 June 2001, Diabetes, 2001, suppl. 2, p A192, N° 781-P.
Ulriche Denis, Marc Lecomte, Daniel Ruggiero, Nicolas Wiernsperger and Michel
Lagarde. Advanced Glycation End-Products (AGE) induce apoptosis of cultured bovine
retinal pericytes: implication of caspases and DAG/ceramide production. 2ème journée
scientifique annuelle de l’Institut Multidisciplinaire de Biochimie et des Lipides (IMBL).
Villeurbanne, France, 14 juin 2001.
19
19
ABREVIATIONS
ABTS 2,2'-azyno-di (3-éthylbenzathiazoline-sulfonate)
ADN acide désoxyribonucléique
z-AEVD-fmk z-alanine-glutamate-valine-aspartate-fmk
AGE advanced glycation end-product (produits avancés de glycation)
AGPI acide gras polyinsaturé
AR aldose réductase
ARNm acide ribonucléique messager
A-SMase acidic sphingomyelinase (sphingomyélinase acide)
ATP adénosine triphosphate
BSA bovine serum albumin (albumine sérique de bœuf)
CCM chromatographie sur couche mince
CML carboxyméthyllysine
DAG diacylglycérol
DETAPAC diethylenetriamine pentaacetic acid (acide diéthylènetriamine
pentaacétique)
z-DEVD-fmk z-aspartate-glutamate-valine-aspartate-fmk
DHA docosahexaenoic acid (acide docosahexaénoïque)
DID diabète insulino-dépendant
DMEM Dulbecco’s modified Eagle’s medium (milieu de Eagle modifié par
Dulbecco)
DMSO diméthyl sulfoxyde
DNID diabète non insulino-dépendant
DPBS Dulbecco’s phosphate buffered saline (tampon phosphate salin de
Dulbecco)
DTT dithiotréitol
ECL enhanced chemiluminescence (chimioluminescence amplifiée)
EDTA ethylenediamine tetraacetic acid (acide éthylènediamine tétraacétique)
EGTA ethylene glycol tetraacetic acid (acide éthylène glycol tétraacétique)
ELISA enzyme-linked immunosorbent assay
fmk fluorométhyl cétone
GAPDHase glycéraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase
20
GPx glutathion peroxydase
GSH glutathion réduit
HBSS Hanks’ balanced salt solution (solution tamponnée saline de Hanks)
HEPES acide (hydroxy-2-ethyl)-4-pipérazinyl-1-2-éthanesulfonique
z-IETD-fmk z-isoleucine-glutamate-thréonine-aspartate-fmk
z-LEHD-fmk z-leucine-glutamate-histydine-aspartate-fmk
MGX méthylglyoxal
NAC N-acétyl-L-cystéine
N-SMase neutral sphingomyelinase (sphingomyélinase neutre)
PBS phosphate-buffered saline (tampon phosphate salin)
PC phosphatidylcholine
PKC protéine kinase C
PLA2 phospholipase A2
PLC phospholipase C
PS phosphatidylsérine
ROS reactive oxygen species (dérivés actifs de l’oxygène)
SDS dodécylsulfate de sodium
SOD superoxyde dismutase
SVF sérum de veau fœtal
TBS Tris buffer saline (tampon Tris salin)
TCA trichloroacetic acid (acide trichloroacétique)
TEMED N,N,N’,N’-tétraméthyléthylènediamine
TLC thin layer chromatography (chromatographie sur couche mince)
TLCK tosyle de lysinechlorométhylcétone
Tris Tris (hydroxyméthyl)-amino méthane
TTBS tween Tris buffer saline (tampon Tris salin contenant du tween)
z-VAD-fmk z-valine-alanine-aspartate-fmk
z-VDVAD-fmk z-valine-aspartate-valine-alanine-aspartate-fmk
z- benzyloxycarbonyl
21
RESUME Une des premières altérations morphologiques des microvaisseaux rétiniens, observée
dans la phase préclinique de la rétinopathie diabétique, est la disparition sélective des péricytes par apoptose. L’objectif de ce travail de thèse a été de tester l’hypothèse que les produits avancés de glycation (AGE) peuvent induire l’apoptose des péricytes rétiniens en culture et dans l’affirmative d’explorer la voie de signalisation intracellulaire mise en jeu au cours de ce processus apoptotique.
Les AGE (3 µM) induisent l’apoptose des péricytes, associée à la formation intracellulaire de diacylglycérols (DAG) et de céramides, produits par l’activation séquentielle de phosphatidylcholine-phospholipase C couplée à la sphingomyélinase acide. Une forte concentration en glucose (25 mM) n’a pas eu d’effet sur l’apoptose des péricytes et la production endogène des deux lipides. L’inhibition de la formation des DAG et des céramides n’abolit que partiellement l’apoptose, suggérant que les AGE activent une autre voie de signalisation menant à l’apoptose, indépendante des deux lipides. L’apoptose des péricytes induite par les AGE est également gouvernée par l’activation de différentes caspases. Alors que la caspase-8 initiatrice ne semble pas être présente dans les péricytes rétiniens de bœuf, la caspase-10 initiatrice (et peut-être la caspase-2) participe à la transduction du message apoptotique en générant les DAG et les céramides. Les deux voies de signalisation activées par les AGE semblent induire une altération de la perméabilité de la membrane mitochondriale, caractérisée par l'activation de la caspase-9. Cette dernière activerait alors les caspases effectrices, comme la caspase-3, impliquées dans la phase d'exécution de l'apoptose. Nous avons également montré l’induction d’un stress oxydant dans la voie de signalisation menant à l’apoptose des péricytes. Les AGE induisent une production d’espèces radicalaires de l’oxygène (ROS) et/ou modifient le statut redox intracellulaire, ce qui contrôlerait la génération de DAG et de céramides et qui altérerait ensuite la fonction mitochondriale.
En conclusion, ces travaux montrent que les AGE, qui s’accumulent dans la membrane basale des microvaisseaux rétiniens au cours du diabète, sont capables d’induire la perte des péricytes par apoptose in vitro. De plus, cette étude permet de proposer une voie de signalisation activée par les AGE menant à l’apoptose des péricytes rétiniens. La perte précoce des péricytes rétiniens est considérée comme le point de départ dans l'évolution de la rétinopathie diabétique. Le ralentissement, ou la prévention, de la disparition des péricytes par une approche pharmacologique contre une des nouvelles cibles enzymatiques identifiées dans ce travail constitue donc une nouvelle perspective de traitement de la rétinopathie diabétique.
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ABSTRACT
One of the earliest morphological changes in retinal microvessels observed during the subclinic phase of diabetic retinopathy is the selective loss of intramural pericytes by apoptosis. The aim of this study was to test the hypothesis that Advanced Glycation End-Products (AGE) could promote pericyte apoptosis in vitro and further investigate the signaling cascade leading to cell death.
AGE (3 µM) induce pericyte apoptosis associated to an intracellular formation of diacylglycerol (DAG) and ceramide, produced after activation of phosphatidylcholine-phospholipase C coupled with acidic sphingomyelinase. High concentration of glucose (25 mM) neither affects apoptosis nor endogenous levels of both lipids. Dual inhibition of DAG and ceramide production only partially protects pericytes against apoptosis, suggesting a lipid-independent apoptotic pathway induced by AGE. Pericyte apoptosis induced by AGE also involves caspase activation. Initiator caspase-8 seems to be absent from bovine retinal pericytes. On the contrary, initiator caspase-10 (and perhaps caspase-2) is involved in the apoptotic pathway and generates DAG and ceramides. The two apoptotic signaling pathways induced by AGE seem to converge to mitochondrial permeability alteration, characterized by caspase-9 activation. This caspase most likely further activates effector caspases, such as caspase-3, involved in the execution stage of apoptosis. Oxidative stress induction in AGE-induced apoptosis has also been shown. AGE induce radical oxygen species (ROS) production and/or redox status alteration, which acts upstream of DAG/ceramide formation and sequentially to mitochondrial damage.
In conclusion, our study shows that AGE, accumulated in the basement membrane of retinal microvasculature during the long course of diabetes, can induce pericyte loss by apoptosis in vitro. Furthermore, based on the results presented we are able to propose a signaling pathway induced by AGE leading to pericyte apoptosis. Early loss of pericytes in retinal microvessels is considered to be the start point of retinopathy pathogenesis. Retardation or prevention of pericyte dropout by pharmacological intervention against one of the new targets described in this work provides new therapeutic perspective for diabetic retinopathy.
23
3
A mes parents
4
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REMERCIEMENTS
Les travaux présentés dans ce mémoire ont été réalisés au sein de l’unité de
Microangiopathie Diabétique, LIPHA-INSERM U352, co-dirigés par le professeur Michel
LAGARDE et le Docteur Nicolas WIERNSPERGER. Je leur suis tout particulièrement
reconnaissante de la confiance qu’ils ont su me témoigner en m’intégrant dans leur unité de
recherche et de l’opportunité qu’ils m’ont offerte de me former à la recherche.
Je souhaite exprimer toute ma reconnaissance et mon estime aux membres du jury:
Monsieur le Professeur Docteur José Cunha-Vaz,
Qui me fait l’honneur de juger ce travail et me fait bénéficier de sa longue expérience dans le
domaine de la rétinopathie diabétique. Qu’il me soit permis ici de lui exprimer toute ma
gratitude et ma respectueuse considération.
Monsieur le Professeur Michel LAGARDE,
Pour l’intérêt constant qu’il a porté à mes travaux, sa disponibilité et la libre discussion qu’il a
su instaurer. Je souhaite, à cette occasion, lui exprimer ma sincère reconnaissance.
Monsieur le Docteur Marc LECOMTE,
Qui a dirigé avec beaucoup d’intérêt et de sérieux ce travail de thèse. Je souhaite tout
particulièrement lui exprimer toute ma reconnaissance pour m’avoir fait bénéficier de son
expérience, de ses nombreux conseils avisés et de sa grande disponibilité, m’aidant ainsi à
faire les premiers pas dans le monde de la recherche.
Monsieur le Docteur Nicolas WIERSNPERGER,
Que je remercie chaleureusement pour sa bienveillance à mon égard et son soutient au cours
de ces quatre années. Malgré une forte attirance pour la physiologie, je lui suis reconnaissante
de l’intérêt qu’il a porté à mes travaux de biochimie (et à mes performances sportives !).
8
Monsieur le Professeur Docteur Thierry LEVADE
Je lui adresse mes profonds remerciements pour avoir accepté d’évaluer ce travail de thèse. Je
suis honorée de sa présence, ses compétences reconnues dans les domaines des lipides et de
l’apoptose exposés dans ce mémoire en font un juge pertinent. Qu’il soit assuré de ma sincère
gratitude.
Ce travail a pu être mené grâce au soutien financier de la société LIPHA. Je souhaite
remercier Mr Yves BONHOMME, Directeur du secteur Recherche et Développement du
groupe LIPHA, pour l’intérêt qu’il a porté à mes travaux et la confiance qu’il m’a accordé.
Je souhaite également exprimer tous mes sincères remerciements à tous les autres membres
de l’équipe LIPHA:
Anne-marie, pour sa fraîcheur et son empathie quotidienne.
Audrey, pour son soutient et sa bonne humeur, solides à toute épreuve. Je lui souhaite bonne
chance pour sa carrière professionnelle et pour son rôle de maman (déjà bien engagé…).
Brigitte, pour son assistance logistique, sa disponibilité et sa gentillesse.
Claire, collègue d’un temps, pour ses fou-rires inépuisables et son enseignement des
statistiques.
Corinne, pour sa force de caractère, ses conseils et sa serviabilité.
Daniel et Edouard, pour leur aide amicale et leur sympathie.
Elodie et Karen, les petites dernières, mais qui semblent «grandir» vite, vite, vite. Je leur
souhaite de sépanouir dans la recherche !
Lysiane, pour ses «petits coups de main» spontanés (petits mais utiles !) et pour sa
sympathie.
Patricia et Yann, pour leur participation très active dans la réalisation d’une partie de mes
travaux et pour le soutient et la sympathie qu’ils ont sues me manifester.
Pierre, pour sa compagnie, ses petits conseils et sa gentillesse. Je lui souhaite une belle fin de
thèse.
Samer, pour sa sympathie, l’intérêt qu’il a porté à mes travaux, et toutes ces discussions
riches en conseils et en connaissances scientifiques.
9
Mais je remercie également :
l’ensemble des membres du laboratoire de Biochimie et Pharmacologie de l’INSA, pour
l’attention et la sympathie qu’ils m’ont témoignées au cours de ces quatre années passées
parmi eux.
Je tiens tout particulièrement à remercier,
Chantal, pour son aide technique dans la purification du DHA et pour ses encouragements et
son attention particulière.
Evelyne et Catherine, pour leurs conseils précieux sur les techniques d’immunodétections
notamment, contribuant largement à la réalisation d’une partie de ce travail.
Madeleine et Madeleine, pour leur aide amicale dans l’utilisation du matériel de
radioactivité et leur disponibilité, notamment pour me faire un peu de monnaie…
Mais également:
André, Caroline, Céline, Hélène, Isabelle, Laurence, Laurent, Olivier, Patrique
Vanpedeguen, Véronique et Zuri, pour leur bonne humeur, leur gentillesse permanente et
leur soutient.
Les bouchers de l’abattoir de Corbas,
pour leur accueil matinal tout en fraîcheur, et qui ont récupéré avec précaution et efficacité
tous ces yeux de bœuf.
La société INSAVALOR,
Qui a géré l’aspect financier de ma thèse, et les personnels pour leur assistance logistique.
Richard, ma famille et mes amis,
qui ont su me soutenir et m’encourager et qui, malgré leur «incompétence scientifique» ont
manifesté de l’intérêt pour mes travaux de thèse.
10
11
TABLE DES MATIERES AVANT-PROPOS………………………………………………………………….. 17
ABREVIATIONS………………………………………………………………….. 19
RESUME……………………………………………………………………...……….. 21
ABSTRACT…………………………………………………………………………… 22
INTRODUCTION…………………………………………………………………. 23
ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE………………………………………………. 29
LA RETINOPATHIE DIABETIQUE…………………………………………….. 31 I-LE DIABETE SUCRE ET SES COMPLICATIONS……………………………………… 31
1-Le diabète insulino-dépendant (type I ou DID)…………………………….…. 31 2-Le diabète sucré non insulino-dépendant (type II ou DNID)…………………. 32 3-Les complications chroniques du diabète sucré……………….…………….… 33
II-LA PHYSIOPATHOLOGIE DE LA RETINOPATHIE DIABETIQUE……………….…. 33
1-Structure et fonction des microvaisseaux rétiniens………………………….… 34 2-Altérations de la structure et de la fonction des microvaisseaux rétiniens……36
2-1-Les phases cliniques de la rétinopathie diabétique…………………………. 36 2-2-Les modifications structurales et fonctionnelles au cours de la rétinopathie diabétique………………………………………………………………………... 38
2-2-1-La membrane basale……………………………………………… 38 2-2-2-Les péricytes………………………………………...……………… 38 2-2-3-Les modifications morpho-fonctionnelles de la barière hémato-rétinienne et de l’endothélium rétinien………..…………………….……39
III- LA PATHOGENESE DE LA RETINOPATHIE DIABETIQUE………………….….…. 41
1-L’hypothèse hémodynamique……………………………………………….….. 41 2- Les hypothèses biochimiques……………………………………………….….. 42
2-1-La voie des polyols……………………………………………………… 42 2-2-L’activation de la protéine kinase C (PKC)…………………….…....…. 44
12
2-3-La voie des hexosamines……………………………………..…………. 45 2-4-La glycosylation non enzymatique……………………………………… 47
2-4-1-La formation des produits avancés de glycation……………… 47 2-4-2-Les produits avancés de glycation……………………………. 50 2-4-3-Les conséquences pathologiques de la glycation……………... 51
2-4-3-1-La glycation de la matrice extracellulaire………………. 51 2-4-3-2-La glycation des protéines circulantes et intracellulaires. 52 2-4-3-3-L’interaction des AGE avec leurs récepteurs………..…. 52
2-4-4- AGE et rétinopathie…………………………………………... 56 2-5-Le stress oxydant………………………………………………………. 58
2-5-1-Le stress oxydant dans le diabète: cause ou conséquence?…... 58 2-5-2-La production de radicaux libres…………………………….. 59 2-5-3-La modification des défenses antioxydantes…………...……... 60 2-5-4-Le stress oxydant et la rétinopathie diabétique…..……….…... 61
L’APOPTOSE……………………………………………………..………………….… 63 I-INTRODUCTION………………………………..………………………………………... 63 II-LES CARACTERISTIQUES DE L’APOPTOSE…………………………………………. 64
1-Les stigmates morphologiques………….……………………………………….. 64 2-Les stigmates biochimiques…………….……………………………………….. 65
2-1-L’externalisation de marqueurs membranaires………………….……… 66 2-2-La fragmentation de l’ADN…………………………….……………….. 66 2-3-L’atteinte mitochondriale……………………………….………………. 67
III- LES MECANISMES MOLECULAIRES DE L’APOPTOSE…………………………… 68
1-La phase d’induction: les signaux de mort..……………………………………. 69 2-De C. elegans aux mammifères…………………………………………….….… 69 3-Les caspases………………………………………………………………….…… 70
3-1-La nomenclature et les différentes classifications des caspases……….... 70 3-2-Les descriptions structurales………………………………………….…. 72 3-4-Les mécanismes d’activation des caspases……………………………… 73
3-4-1-L’autoactivation des caspases initiatrices…………………...… 73 3-4-2-La transactivation des caspases………………………………. 75
3-5-Les mécanismes de contrôle de l’activation des caspases…………..…... 76 3-5-1-La régulation par phosphorylation………………………….... 76 3-5-2-La régulation redox des caspases………………………….…. 77 3-5-4-La localisation subcellulaire des caspases………………….... 78 3-5-5-Les inhibiteurs de caspases………………………………….... 78
13
3-6-Les substrats protéolytiques des caspases………………………………. 79 3-7-L’apoptose caspase-indépendante………………………………………. 80
4-La famille de Bcl-2……………………………………………………………..… 81 4-1-Le rôle des protéines de la famille de Bcl-2…………………………….. 81 4-2-La régulation de la fonction des membres de la famille de Bcl-2….…… 83
5-Le stress oxydant……………………………………………………….…….….. 84 5-1-La formation des espèces radicalaires de l’oxygène (ROS) dans l’apoptose……………………………………………………………………. 84 5-2-La modification des défenses antioxydantes dans l’apoptose……….….. 86
6-Les céramides……………………………………………………………...…….. 86 6-1-Le métabolisme des sphingolipides…………………………………..…. 86 6-2-Les voies enzymatiques de formation des céramides dans l’apoptose….. 88 6-3-Les sites subcellulaires de la génération de céramides pro-apoptotiques.. 90 6-4- Les mécanismes de régulation des voies de synthèse des céramides dans l'apoptose : synthèse de novo et sphingomyélinases.….………………….…. 92
6-4-1-La voie de biosynthèse de novo…………………………….…. 92 6-4-2-La voie des sphingomyélinases…………….………………….. 92
6-5-Les cascades de signalisations activées par les céramides et leurs conséquences sur l’apoptose et la prolifération cellulaire……….……………94
6-5-1-Les céramides et la voie des c-jun-terminal kinases (JNK)…... 94 6-5-2-Les céramides et la mitochondrie………………………….….. 95
6-6-La régulation des niveaux endogènes des céramides: l’équilibre survie/mort cellulaire…………………………………………………….….. 96
6-6-1-La voie de la sphingosine-1-phosphate……………………….. 97 6-6-2-La sphingomyéline synthase……………………………….….. 98 6-6-3-La glucosylcéramide synthase…………………………….…... 99
MATERIEL ET METHODES……………………………………..………. 101
MATERIEL……………………………………………………………………….……..….103 I-REACTIFS………………………………………………………….……………………..103 II-APPAREILS………………………………………………………..…………….……… 104 METHODES………………………………………………………………………….……...104 I-PREPARATIONS DES AGE-METHYLGLYOXAL (AGE-MGX)…………….…...……. 104
1-Préparation d'AGE-MGX dépourvus en ions métalliques………..….…..…. 104 2-Dosage de l'acide ascorbique………………………………………..…….…… 105
14
II-CULTURE CELLULAIRE………………………………………………….…..……… 106
1-Mise en culture primaire des péricytes rétiniens de bœuf……..…..………… 106 2-Trypsination des péricytes rétiniens de bœuf………….…………...……….… 107 3-Culture des péricytes rétiniens en présence de glucose et d’AGE-MGX………………………….………………………………………..…….…..… 107 4-Culture des péricytes rétiniens en présence de divers agents pharmacologiques………………………………………………………………… 108
III-DETECTION ET QUANTIFICATION DE L'APOPTOSE DES PERICYTES RETINIENS…………………………………………………………………………………108
1-Marquage à l’annexine V et à l’iodure de propidium……………….…………. 108 2-Dosage ELISA des oligonucléosomes…………………………………………… 109
IV-DOSAGE DES CERAMIDES ET DES DIACYLGLYCEROLS (DAG) DANS LES PERICYTES RETINIENS…………………………………………………………………. 111
1-Extraction des lipides…………………………………………………….……… 111 2-Phosphorylation par la DAG-kinase…………………………………….……… 112
2-1- Réactifs et solutions…………………………………………………... 112 2-2- Réaction de phosphorylation………………………………………….. 113
3-Quantification des produits phosphorylés………………………………….… 113
V-DOSAGE DES PROTEINES PAR COLORATION AU NOIR AMIDE……………....… 114 VI-IMMUNODETECTION DES CASPASES ET DE RAGE SUR MEMBRANE DE NITROCELLULOSE (WESTERN BLOTTING)…………………………………………... 114
1-Préparation des échantillons……………………………………….………….. 114 2-Electrophorèse sur gel de polyacrylamide en présence de SDS (SDS-PAGE) et
coloration au bleu de Coomassie……………………………………………. 115 3-Electrotransfert des protéines sur membrane de nitrocellulose…….………. 116 4-Immunodétection des protéines transférées………………………….………. 116
4-1-Tampons utilisés………………………………………………….………. 116 4-2-Révélation des protéines………………………………………….………. 116 4-3-Spécificité de la reconnaissance antigénique……………………….…….. 117 4-4-Standardisation des signaux par rapport à l'actine………….……….……. 118
VI-TRAITEMENT STATISTIQUE DES RESULTATS…………………………………… 118
15
RESULTATS/DISCUSSION…………………………………………………. 119
CHAPITRE I EFFETS D'AGENTS IMPLIQUES DANS LE DIABETE (AGE ET GLUCOSE) SUR L’APOPTOSE DES PERICYTES RETINIENS……...……. 123 I-EFFETS DES AGE-MGX SUR LES PERICYTES RETINIENS………………………… 123
1-L'apoptose des péricytes……………………………………………………….. 123 2-La production de DAG et de céramides dans les péricytes………………….. 126
II-EFFETS DU GLUCOSE SUR LES PERICYTES RETINIENS…………………………. 126 III-IMMUNODETECTION DU RECEPTEUR AUX AGE, RAGE, SUR LES PERICYTES RETINIENS………………………………………………………………………….……. 128 IV-DISCUSSION………………………………………………………………….……….. 129
CHAPITRE II IDENTIFICATION DES VOIES DE PRODUCTION DE CERAMIDES ET DE DAG INDUITES PAR LES AGE-MGX DANS LES PERICYTES RETINIENS ………………………………………………………………………………………..……. 135 I-VOIES DE PRODUCTION DES CERAMIDES ACTIVEES DANS LES PERICYTES…. 135
1-Implication d'une céramide synthase (ou sphinganine-acyl-transférase) ?… 136 2-Implication d’une sphingomyélinase acide?…………………………………... 137
II-VOIE DE PRODUCTION DES DIACYLGLYCEROLS DANS LES PERICYTES : implication d’une phosphatidylcholine-phospholipase C?………………………………… 140 III-DISCUSSION…………………………………………………………………………... 143 CHAPITRE III IMPLICATION DE CASPASES DANS L'APOPTOSE DES PERICYTES RETINIENS INDUITE PAR LES AGE-MGX…………………………………… 147 I-EFFETS D’INHIBITEURS PEPTIDIQUES DES CASPASES………………………...…. 147
1-Les inhibiteurs peptidiques……………………………………………….……. 148 2-Effet des inhibiteurs peptidiques de caspases sur l'apoptose des péricytes induite par les AGE-MGX…………………………………………………….…. 148
16
3-Effet des inhibiteurs peptidiques de caspases sur la production des DAG et des céramides induite par les AGE-MGX……………………………………….……150
II-IMMUNODETECTIONS DES CASPASES-2, 8 et 10 DANS LES PERICYTES SOUMIS AUX AGE-MGX…………………………………………………………………………… 152
1-Immunodétection de la caspase-8……………………………………………… 153 2-Immunodétection de la caspase-10……………………………………………. 154 3-Immunodétection de la caspase-2……………………………………………… 157
III-DISCUSSION…………………………………………………………………………. 159 CHAPITRE IV INDUCTION D’UN STRESS OXYDANT DANS LES PERICYTES RETINIENS TRAITES PAR LES AGE-MGX…………………………………… 167 I-LES DIFFERENTES CLASSES D’ANTIOXYDANTS TESTES…………………………. 167 II-EFFETS DE LA N-ACETYL-L-CYSTEINE (NAC)………………...……………...…… 168
III-EFFETS DES AUTRES ANTIOXYDANTS SUR L’APOPTOSE DES PERICYTES INDUITE PAR LES AGE-MGX………………………………………….…………………171 IV-TRAITEMENT DES AGE-MGX PAR DES CHELATEURS DE METAUX ET LEUR
EFFET SUR L’APOPTOSE DES PERICYTES RETINIENS……………………………… 172
V-IMMUNODETECTION DE LA CASPASE-10 DANS LES PERICYTES CULTIVES AVEC LES AGE-MGX ET LA NAC (10 µM)………………………………………………..……. 175 VI-DISCUSSION…………………………………………………………………..………. 177
CONCLUSIONS/PERSPECTIVES……………………………………..… 183
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES……………………………….. 193
ANNEXES……………………………………..………………………………………236
17
23
INTRODUCTION
24
25
La rétinopathie diabétique représente une des complications microvasculaires les plus
invalidantes du diabète, pouvant mener à son stade ultime à la cécité. Cette maladie se
caractérise par une atteinte progressive structurale et fonctionnelle des microvaisseaux
rétiniens (artérioles, veinules et capillaires). Ces microvaisseaux sont constitués de cellules
endothéliales, du coté luminal du vaisseau et de péricytes enfouis dans la membrane basale.
La rétine est le tissu dans lequel le rapport péricytes/cellules endothéliales est le plus élevé
(1:1), mais dans la phase précoce de la maladie, ce rapport diminue, principalement à cause
de la disparition sélective des péricytes. La disparition des péricytes s’accompagne d’un
épaississement de la membrane basale, d’un dysfonctionnement de l’endothélium et de
perturbations hémodynamiques et rhéologiques, qui conduisent alors à l’apparition de
territoires rétiniens ischémiés et enfin à une néovascularisation. Il n’existe pas à ce jour de
traitement pharmacologique préventif ou curatif.
Ainsi, une des altérations caractéristiques de la rétinopathie diabétique est la disparition
précoce des péricytes. Plusieurs travaux suggèrent aujourd’hui que les péricytes disparaissent
par apoptose et non par nécrose. Trois équipes ont en effet montré ex vivo, dans des rétines
prélevées post-mortem sur des patients diabétiques de longue durée, la présence de péricytes
apoptotiques (Mizutani et al., 1996, Li W et al., 1997, Podesta et al., 2000). Mais les
mécanismes moléculaires inducteurs ainsi que les voies de signalisation intracellulaire par
lesquels ils disparaissent n’ont pas été décrits à ce jour.
La formation accélérée des produits avancés de glycation (AGE) au cours du diabète
(Baynes et al., 1989) est une des hypothèses biochimiques proposée pour expliquer
l’apparition et le développement des complications microvasculaires rétiniennes. Les AGE
s’accumulent tout au long du diabète, altérant les interactions entre les cellules et la matrice
extracellulaire et diverses fonctions protéiques. L’accumulation de produits d’Amadori
(Schalkwijk et al., 1999) et d'AGE (Stitt et al., 1997) a notamment été mise en évidence au
niveau de la membrane basale des microvaisseaux rétiniens. Les AGE sont également connus
pour interagir avec des récepteurs, comme p60, p90 (Yang et al., 1991) complexés à la
galectine-3 (Vlassara et al., 1995) ou RAGE (Schmidt et al., 1992; Neeper et al., 1992) et
induire des réponses cellulaires variées. La colocalisation des AGEs avec leur récepteur p60
(Stitt et al., 1997) et RAGE (Soulis et al., 1997) a été démontrée au niveau des
microvaisseaux rétiniens. De plus, les péricytes présentent également à leur surface
membranaire des récepteurs aux AGE, comme p60 et p90 (Chibber et al., 1997) et RAGE
(Yamagishi et al., 1995). Par ailleurs, de nombreux travaux ont mis en évidence la toxicité
des AGE sur les péricytes in vitro (Yamagishi et al., 1995; Chibber et al., 1997; Ruggiero-
26
Loppez et al., 1997) et in vivo (Hammes et al., 1991). L’ensemble de ces données suggère
ainsi une participation directe des AGE dans la disparition précoce des péricytes observée au
cours de la rétinopathie diabétique.
Au cours de cette étude, nous nous sommes tout particulièrement intéressés aux effets
des AGE-méthylglyoxal (AGE-MGX) sur les péricytes rétiniens bovins. Le méthylglyoxal est
un dicarbonyle dont la concentration sanguine est fortement augmentée chez le diabétique
(Beisswenger et al., 1999) et dont les niveaux de production sont corrélés à la sévérité des
complications microvasculaires (McLellan et al., 1994). Ce dicarbonyle peut modifier les
résidus arginine pour former de l’argpyrimidine (Shipanova et al., 1997) et des imidazolones
(Lo et al., 1994) ou des résidus lysine pour produire de la carboxyéthyllysine (CEL) (Ahmed
et al., 1997) et le dimère méthylglyoxal-lysine (MOLD) (Nagaraj et al., 1996). Les produits
avancés de glycation dérivant du méthylglyoxal ont d’ailleurs été décrits comme les
modifications chimiques majeures observées au cours du diabète (Degenhardt et al., 1998;
Shamsi et al., 1998).
L’objectif de ce travail de thèse a consisté dans un premier temps à tester l’hypothèse
que les AGE-MGX, préparés à partir d’albumine de sérum de bœuf, pouvaient induire
l’apoptose des péricytes en culture et dans l’affirmative à explorer la voie de signalisation
intracellulaire mise en jeu au cours de ce processus apoptotique, au moyen d’agents
pharmacologiques ou d’anticorps contre certaines caspases, utilisés en immunodétection.
Ce mémoire de thèse comporte trois grandes parties:
- La première partie est une étude bibliographique, qui rappelle d’abord les connaissances
actuelles sur la rétinopathie diabétique et les différents mécanismes pathogéniques proposés
pour expliquer cette complication microvasculaire du diabète. Un second chapitre portant
sur l’apoptose a également été développé, afin d’en décrire les modifications
morphologiques et biochimiques caractéristiques.
- La seconde partie décrit le matériel et les méthodes employés au cours du travail
expérimental.
- La troisième partie expose l’ensemble des résultats obtenus et la discussion. Elle contient
quatre chapitres:
- Les effets d’agents impliqués dans le diabète (AGE et glucose) sur l’apoptose
des péricytes et la formation intracellulaire de DAG et de céramides.
- L’identification des voies de production des DAG et de ceramides activées en
réponse aux AGE- MGX dans les péricytes rétiniens.
27
- L’implication de caspases dans l’apoptose des péricytes induite par les AGE-
MGX.
- L’induction d’un stress oxydant dans les péricytes rétiniens traités par les AGE-
MGX
28
29
ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
30
31
CHAPITRE I
I-LE DIABETE SUCRE ET SES COMPLICATIONS
Connu dès l’Antiquité égyptienne et gréco-romaine, le diabète doit son nom à la perte
urinaire excessive qui le caractérise sur le plan clinique, celle-ci étant accompagnée d’une soif
intense. Le diabète sucré est caractérisé par une élévation permanente de la glycémie et la
présence de sucre dans les urines. La classification internationale du diabète sucré et des
anomalies de la tolérance au glucose se fonde sur des caractéristiques cliniques,
correspondant à deux mécanismes pathogéniques différents. Le diabète sucré est ainsi
subdivisé en diabète insulino-dépendant (dit de type I) ou non insulino-dépendant (dit de type
II), selon la nécessité vitale de recours à l’apport d’insuline, présente dans le premier type,
absente dans le second. L’insuline, hormone hypoglycémiante, est sécrétée par les cellules β
des îlots de Langerhans du pancréas. Elle stimule l’absorption du glucose sanguin par les
tissus dits insulino-dépendants (le foie, le muscle squelettique et le tissu adipeux) et son
stockage sous forme de glycogène (glycogenèse). Dans le foie, l’insuline inhibe également les
voies métaboliques de la production de glucose (la néoglucogénèse et la glycogénolyse).
1-Le diabète insulino-dépendant (type I ou DID)
Atteignant dans la plupart des cas l’enfant et l’adulte jeune, le diabète sucré de type I
(également nommé diabète juvénile) est lié au développement d’une auto-immunité la
(présence d’anticorps plasmatiques dirigés contre les cellules d’îlots) responsable de la
destruction des cellules β insulino-sécrétrices des îlots de Langerhans pancréatiques. Il
entraîne donc une carence absolue et définitive en insuline. Il représente environ 10% des cas
de diabète sucré dans les pays occidentaux.
Le rôle de facteurs environnementaux dans la pathogenèse du diabète de type I a été
suggéré depuis longtemps. Les principaux facteurs incriminés, identifiés à partir
d’observations épidémiologiques, seraient des composants alimentaires, tels que des
composés riches en nitrosamines (Dahlquist, 1998) et une alimentation lactée (lait de vache)
(Knip et Akerblom, 1999) ou des infections virales (virus du groupe des entérovirus, comme
coxsakie B) (Viskari et al., 2000).
LA RETINOPATHIE DIABETIQUE
32
Le traitement thérapeutique du diabète de type I consiste en des injections journalières
d'insuline, associées à un régime alimentaire finement contrôlé en glucose et en amidon.
2-Le diabète sucré non insulino-dépendant (type II ou DNID)
Cette forme clinique du diabète sucré est de loin la plus fréquente dans les pays
développés (plus de 80% des diabétiques) et atteindrait plus de 2 % de la population
mondiale. L’installation du diabète de type II est généralement insidieuse. Le DNID survient
majoritairement après 40 ans chez les sujets obèses et sa prévalence augmente avec l’âge. De
ce fait, il porte également le nom de «diabète gras» ou «diabète mature». Si les processus
physiopathologiques impliqués dans la maladie sont de mieux en mieux connus, ses causes
initiales restent mal définies. Deux grands mécanismes participent à l’hyperglycémie :
1-Une résistance du foie, des tissus musculaires et adipeux à l’action de l’insuline
(l’insulinorésistance) : le défaut de la sensibilité à l’insuline fait intervenir d'une part une
réduction du nombre des récepteurs à l’insuline associée à une altération des mécanismes
cellulaires en aval du récepteur et d'autre part une réduction du nombre des transporteurs
membranaires, dépendants de l’insuline, permettant l’entrée cellulaire du glucose et des corps
gras. Il en résulte une diminution du métabolisme du glucose par le foie, le muscle et le tissu
adipeux et une augmentation des niveaux lipidiques circulants (triglycérides, acides gras
libres). Le diabète sucré de type II est souvent associé à l’excès de poids. La surcharge en
masse grasse de l’organisme majore la résistance à l’action de l’insuline et favorise ainsi
l’éclosion du diabète sucré. Le surpoids apparaît cependant plus comme un facteur précipitant
la révélation du diabète qu’un facteur étiologique direct.
2-Une anomalie de la sécrétion d’insuline (a) en valeur absolue ou (b) relative aux
besoins: les phases précoces du diabète de type II sont en effet caractérisées par une
hyperinsulinémie et une hyperglycémie mais la sécrétion est inadéquate et insuffisante en
regard des besoins accrus en insuline générés par l'insulinorésistance périphérique. Au cours
de l’évolution de la maladie, une baisse progressive de la phase sécrétoire est observée,
résultant d'une baisse de la sensibilité des cellules β au stimulus glucosé associée à une perte
en masse de ces cellules par apoptose, induite par l’hyperglycémie (Kaneto et al., 1996) et
l’hyperlipidémie (Shimabukuro et al., 1998a). On parle ainsi aujourd’hui de glucotoxicité et
lipotoxicité. Le patient atteint de DNID présente alors une hyperglycémie à jeun.
Cette maladie est généralement traitée par une réduction de la charge pondérale (régime
alimentaire et exercice physique), associée ou non à la prise d’anti-diabétiques oraux, comme
les biguanides et des thiazolidinediones qui sensibilisent à l’action de l’insuline, améliorant
33
l'insulinorésistance, et/ou des sulfonylnurées et des glinides qui stimulent la sécrétion
d'insuline.
3- Les complications chroniques du diabète sucré
Si les complications aiguës métaboliques (comme l’hypoglycémie) se raréfient grâce à
la meilleure prise en charge, à l’éducation et à l’auto-surveillance des diabétiques, les
complications chroniques demeurent le lourd tribut du diabète sucré au long cours. La
normalisation insuffisante et inconstante de la glycémie par les traitements médicamenteux en
constitue la cause principale. De plus, le caractère quasi asymptomatique de l’hyperglycémie
modérée au long cours favorise sa négligence et expose largement à la survenue des
complications. Les complications dégénératives du diabète sucré sont classiquement divisées
en deux groupes principaux: la macroangiopathie (maladie des gros vaisseaux), la
microangiopathie (maladie des petits vaisseaux).
La macroangiopathie désigne, d’une manière générale, l’ensemble des lésions
artérielles allant de l’altération discrète de l’intima à l’obstruction complète de certains
vaisseaux, entraînant une ischémie du territoire périphérique correspondant. Chez le sujet
diabétique, elle se traduit principalement par une athérosclérose accélérée.
La microangiopathie consiste en des lésions des petits vaisseaux de l’organisme
(artérioles, veinules et capillaires) de diamètre inférieur à trente microns. Elle se caractérise
par des anomalies structurales, telles qu’un épaississement de la membrane basale des
microvaisseaux, et des anomalies fonctionnelles comme une augmentation de la perméabilité
qui s’accompagne d’une fuite de protéines plasmatiques. Ces lésions microvasculaires sont
retrouvées, à des degrés variables, au niveau de divers tissus et organes mais leur expression
clinique est seulement manifeste au niveau rénal (néphropathie), neuronal (neuropathie) et
rétinien (rétinopathie)
II-LA PHYSIOPATHOLOGIE DE LA RETINOPATHIE DIABETIQUE
La rétinopathie diabétique, localisation oculaire de la microangiopathie diabétique,
constitue la première cause de cécité acquise dans les populations en âge de travailler (20-70
ans), la dégénérescence maculaire étant la première cause chez les personnes âgées (> à 70
ans).
34
1-Structure et fonction des microvaisseaux rétiniens
Localisée à l’intérieur du globe oculaire, postérieure à la cornée, entre l’endothélium
pigmentaire et l'humeur vitrée, la rétine neuronale comporte (Figure 1):
- un étage de réception formé par les cellules photoréceptrices: cônes et bâtonnets
- un étage de transmission représenté par les cellules bipolaires et ganglionnaires
La partie neuronale de la rétine est séparée du lit vasculaire choroïdien par l'épithélium
pigmentaire, et du vitré par une membrane nommée limitante interne. Deux étages de cellules
impliquées dans la transmission des signaux nerveux sont visibles: les cellules de la nucléaire
externe qui transmettent le signal juste après la photoréception, et les cellules bipolaires
situées entre les cellules de la nucléaire externe et les cellules ganglionnaires qui envoient le
signal au niveau du nerf optique.
Figure 1: représentation schématique d’une coupe transverse de la rétine humaine
L'apport de substrats métaboliques et d'oxygène par le sang dans la rétine est assuré
par la présence d'un lit microvasculaire inégalement réparti dans deux régions,
majoritairement à la surface de la rétine mais également enfouis dans la couche de cellules
bipolaires (Figure 1). Les microvaisseaux rétiniens sont constitués de deux types cellulaires,
les cellules endothéliales formant une monocouche sur la membrane basale du coté luminal
du microvaisseau, et les péricytes enfouis dans la membrane basale (Figure 2). La rétine est le
Lit vasculaire choroïdien
Epithélium pigmentaire
Photorécepteurs
Limitante externe
Limitante interne
Cellules ganglionnaires
Plexiforme interne
Nucléaire interne(cellules bipolaires)
Plexiforme externe
Nucléaire externe
Étage de transmission
Étage de réception
Lit microvasculaire rétinien:
veinuleartèriole
capillaires
35
tissu où le rapport entre les cellules endothéliales et les péricytes est le plus élevé (1:1) chez
l’Homme (Speiser et al., 1968).
Figure 2: Coupe transversale d'un capillaire rétinien
Les cellules endothéliales participent à la formation et à la fonction de la barrière
hémato-rétinienne (BHR), également constituée des péricytes et des cellules neuronales
(cellules de Müller). La BHR, rendue étanche par l’existence de jonctions serrées entourant
les cellules de l’endothélium et par le contact avec les cellules de Müller et les péricytes,
contrôle les échanges entre le sang et les espaces extra-vasculaires par voie transcellulaire
sélective active. Les cellules endothéliales participent également à la régulation de
phénomènes physiologiques. Elles jouent en effet un rôle important dans la régulation du
tonus vasculaire en sécrétant des agents vaso-dilatateurs comme la prostaglandine PGI2
(Moncada et al., 1976) et le monoxyde d’azote (NO) (Furchgott, 1966), ainsi que des vaso-
constricteurs tels que les endothélines (endothéline-1, -2,-3) (Yanagisawa et al., 1988) et les
prostaglandines PGH2 et TxA2 (Moncada et Vane, 1978). Les cellules endothéliales
interviennent également dans la régulation de la fibrinolyse en produisant l’activateur du
plasminogène tissulaire (tPA) et l'inhibiteur-1 de l'activateur de plasminogène (PAI-1) (Grant
et Guay, 1991). Enfin, elles constituent le lieu de synthèse de facteurs de croissance (Brooks
et al., 1991) ou de constituants protéiques de la membrane basale, tels que la fibronectine, le
collagène IV ou la laminine (Mandarino et al., 1993).
Les péricytes, nommés également cellules murales, par leur localisation, semblent jouer
un rôle dans l’intégrité et la fonction de la paroi capillaire. Les péricytes pourraient avoir une
activité contractile et moduler le tonus microvasculaire (Kelley et al., 1987), de façon
similaire aux cellules musculaires lisses dont ils dériveraient. Comme les cellules
Cellulesendothéliales
Péricyte Membrane basale
.
36
endothéliales, ils synthétisent des constituants de la membrane basale (Mandarino et al.,
1993), ils participent à la régulation du tonus vasculaire en produisant par exemple des
prostacyclines, vasodilatatrices, (Hudes et al., 1988) et interviennent également dans le
contrôle de l'hémostase en sécrétant la trombospondine, molécule d'adhésion des plaquettes à
l'endothélium, et le PAI-1 (Canfield et al., 1989). Malgré leur localisation à l'intérieur de la
membrane basale, les péricytes émettent des prolongements cytoplasmiques permettant des
contacts directs avec les cellules endothéliales par des jonctions gap, des molécules
d'adhésion ou la sécrétion de facteurs solubles, mais ils interagissent probablement aussi avec
les cellules de la rétine neuronale (Ruggiero et al., 1997). Ils joueraient ainsi un rôle
important dans la régulation du métabolisme des cellules endothéliales. Il a été montré in
vitro que les péricytes réduisent la croissance des cellules endothéliales (Orlidge et D’amore,
1987), stimulent leur synthèse de prostaglandines (PGI2) ou les protègent contre le stress
oxydant (Yamagishi et al., 1993), et contrôleraient également leur prolifération en activant le
TGF-� (Transforming Growth Factor-�) (Antonelli-Orlidge et al., 1989).
2-Altérations de la structure et de la fonction des microvaisseaux
rétiniens
L’atteinte micro-circulatoire survenant au cours de la rétinopathie diabétique est
probablement multifactorielle. Plusieurs mécanismes intriqués, résultant de facteurs généraux
et locaux jouent un rôle dans la genèse et l’évolution de la microangiopathie rétinienne.
2-1-Les phases cliniques de la rétinopathie diabétique
Bien que l’expression clinique de la rétinopathie diabétique varie temporellement d’un
malade à l’autre, trois phases d’atteinte distinctes ont pu être définies (Figure 3):
La phase non-proliférante, préclinique : Les premières modifications structurales des
microvaisseaux rétiniens, observées au cours du diabète, sont un épaississement de la
membrane basale (Ashton, 1974), une disparition sélective (parce que seule visible ?) des
péricytes (Cogan et al., 1961) et une altération des cellules endothéliales, comme leur
prolifération (Engerman et al., 1967). Certains microvaisseaux voient même la disparition des
péricytes et des cellules endothéliales par apoptose entraînant l’apparition de capillaires
acellulaires (Engerman, 1989; Mizutani et al., 1996). Il en résulte une baisse de la résistance
mécanique de la paroi vasculaire favorisant la formation de microanévrismes, qui peuvent
générer des microhémorragies. Ces lésions structurales induisent d’autre part un défaut de la
37
barrière hémato-rétinienne (BHR), qui se caractérise par une hyper-perméabilité. Il en résulte
une transsudation des liquides intravasculaires (oedèmes) et d’exsudats lipidiques.
L’augmentation du flux sanguin et de la pression vasculaire, associés aux défauts
structuraux de la paroi, contribuent largement à la formation des microanévrismes et à
l’apparition de petites hémorragies et accentuent également l'hyper-perméabilité au niveau de
la BHR. La viscosité des constituants sanguins (hyperagrégabilité des plaquettes, baisse de la
fibrinolyse) se trouve également augmentée favorisant la formation de microthrombi,
probablement au niveau des capillaires acellulaires. Ces phénomènes contribuent ainsi à
l'occlusion des capillaires et la non-perfusion de territoires rétiniens (Lorenzi et Gerhardinger,
2001).
Figure 3: Les phases cliniques du développement de la rétinopathie diabétique
Épaississement de la membrane basale
Disparition des péricytes
Altération des cellules endothéliales
Atteintes de l’hémodynamique rétinienne:
- flux sanguin
- pression vasculaire
ANOMALIES STRUCTURALES ANOMALIES FONCTIONNELLES
Hyperglycémie
- viscosité-agrégation plaquettaire
Hypoxie
Libération de facteurs de croissanceNéovascularisation
Cécité
Capillaires acellulaires
Défauts de la barrière hémato-rétinienne
Formation de microanévrismes
Hémorragies en pointExsudats lipidiques
OedèmeOcclusion des capillaires
Phase non-proliférante
Phase préproliférante
Phase proliférante
Atteintes de l’hémostase:
Microvaisseaux rétiniens
38
La phase pré-proliférante: Les altérations structurales et fonctionnelles conduisent à
l’occlusion des capillaires rétiniens et/ou la formation d’exsudats menant à l’œdème rétinien.
L’ensemble de ces modifications coopèrent pour induire une non-perfusion des capillaires
avec une ischémie.
La phase proliférante: L’ischémie résultante stimule l’extravasation et la prolifération
des cellules endothéliales par la production locale de facteurs de croissance dans les régions
ischémiées, en particulier le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) (Aiello et al.,
1994), aboutissant à la formation de néovaisseaux intrarétiniens. Le développement d’une
néovascularisation proliférante avec des néovaisseaux fragiles entraîne les conséquences les
plus graves pour la vision par des décollements de la rétine, des hémorragies dans le vitré, qui
peuvent mener à la cécité (Frank et al., 1995).
2-2-Les modifications structurales et fonctionnelles au cours de la
rétinopathie diabétique.
La composition cellulaire, la structure et la fonction des microvaisseaux rétiniens sont
fortement altérés au cours de la rétinopathie diabétique.
2-2-1-La membrane basale
La première manifestation histologique visible de la rétinopathie consiste en un
épaississement de la membrane basale (Ashton et al., 1974), résultant de l’augmentation de la
synthèse de ses composants protéiques. En effet, en comparaison avec des sujets sains, des
diabétiques montrent une augmentation des niveaux des transcrits du collagène IV (Roy et al.,
1994), composant structural essentiel de la membrane basale, et de la fibronectine (Roy et al.,
1996), composé protéique localisé tout particulièrement au niveau des zones de contacts entre
les deux types cellulaires. L’augmentation de l’expression de ces protéines pourrait être
induite par l’hyperglycémie (Cagliero et al., 1991b). Mais l’épaississement de la membrane
basale résulterait également de la formation et de l’accumulation d’AGE, qui lui confèrent
une résistance aux protéases (Mott et al., 1997) et limitent ainsi la protéolyse.
2-2-2-Les péricytes
Une des altérations caractéristiques de la rétinopathie, concomitante à l’épaississement
de la membrane basale, est la disparition précoce des péricytes, abaissant le rapport
39
numérique péricytes/cellules endothéliales de 1 à 0,3 et même à 0,1 pour les stades ultimes de
la maladie chez l’Homme (Cogan et al., 1961). Des travaux récents réalisés à partir de rétines
humaines prélevées post-mortem chez des patients diabétiques de longue durée ont permis de
proposer que les péricytes mourraient par apoptose, également nommée mort cellulaire
programmée. La détection des péricytes apoptotiques a été effectuée in situ sur les rétines
entières par la méthode TUNEL (terminal UDP nick end labelling), qui consiste à marquer les
fragments d’ADN résultant d’un clivage internucléosomal (Mizutani et al., 1996). Une autre
équipe, après purification des péricytes de rétines de patients diabétiques, a montré par la
technique de la RT-PCR une augmentation de l’expression du gène d’une protéase impliquée
dans l’apoptose, la caspase-3 ou CCP32 (Cystéine Proteases Protein 32 kDa) (Li W et al.,
1999). Venant à l’appui de ces données, une étude récente sur des péricytes rétiniens de
diabétiques décrit la surproduction de la protéine Bax, une protéine pro-apoptotique
appartenant à la famille des Bcl-2 (Podesta et al., 2000).
2-2-3-Les modifications morpho-fonctionnelles de la barrière hémato-
rétinienne et de l’endothélium rétinien
Au cours du diabète, les propriétés de la barrière hémato-rétinienne, constituée des trois
types cellulaires (cellules endothéliales, péricytes et cellules de Müller), est affectée. Le
passage trans-cellulaire de solutés et de protéines plasmatiques serait en effet augmenté par
un accroissement de l’endocytose des cellules endothéliales (Gardiner et al., 1995) et de la
transcytose de constituants plasmatiques (Stitt et al., 2000a et b). L’augmentation du transport
trans-endothélial semble impliquer les cavéoles, microdomaines membranaires capables de
s’invaginer et de former des vacuoles intracellulaires (Stitt et al., 2000a). Ce processus
d’internalisation a été décrit comme stimulé par le facteur de perméabilité VPF (vascular
permeability factor)/VEGF (Feng et al., 1999), augmenté dans la rétine de patients
diabétiques au cours de la phase précoce de la maladie (Mathews et al., 1997). D’autre part,
le passage para-cellulaire de solutés serait également modifié, du fait d’une altération de la
morphologie et de la perméabilité des jonctions serrées. Parmi les différents composants
protéiques, l’occludine et ZO-1 et ZO-2 représentent des protéines essentielles dans la
fonction de la BHR L’occludine est une protéine transmembranaire reliée aux plaques
protéiques cytosoliques de ZO-1 et ZO-2 (Zonula Occluden), elles-mêmes connectées aux
filaments d’actine (Fanning et al., 1999). Le rôle des cellules neuronales dans la perméabilité
de la BHR a été montré. Elles participent notamment à la synthèse des protéines des jonctions
serrées, telles que la ZO-1 (Gardner et al., 1997). La diminution de l’expression de
40
l’occludine, observée dans la rétine des rats diabétiques (Antonetti et al., 1998), pourrait être
liée à la disparition par apoptose des cellules neuronales (Barber et al., 1998).
L’endothélium microvasculaire rétinien présente également des dysfonctions au cours
du diabète, favorisant l’occlusion des microvaisseaux et l’hypoxie des tissus. La production et
la sécrétion de différents facteurs sont en effet modifiés, favorisant alors des troubles de
l’hémostase. Par exemple, une diminution de l’activité fibrinolytique est observée dans les
microvaisseaux rétiniens de diabétiques de type II (Walmsley et al., 1991), liée à une baisse
de l’expression de tPA (Lutty et al., 1991) et d’une hausse de celle de PAI-1 (Cagliero et al.,
1991a et 1991b), et résulte en l’accumulation de fibrine. D’autre part, une augmentation de
l’agrégation plaquettaire est également observée dans les capillaires de rétines de rats
diabétiques (Ishibashi et al., 1981). La modification de la charge électrostatique de surface
des cellules endothéliales, consistant en une baisse de la charge nette négative (Raz et al.,
1988), favoriserait l’adhésion des cellules circulantes et l’occlusion des microvaisseaux.
Enfin, l’expression de ligands pour les molécules d’adhésion est augmentée. Il a été ainsi
montré que des molécules d’adhésion des cellules endothéliales (ICAM-1, molécule-1
d’adhésion intercellulaire des leucocytes et P-sélectine) (McLeod et al., 1995) et des
neutrophiles (intégrines) (Barouch et al., 2000) sont surexprimées dans la rétine de patients
diabétiques.
L’ensemble de ces phénomènes coopère pour la formation de microthrombi (fibrine-
plaquettes, entourées de leucocytes et d’érythrocytes), dont la prévalence augmente avec la
durée du diabète (Boeri et al., 2001). Ces auteurs ont également montré la colocalisation des
microthrombi et de cellules endothéliales apoptotiques. Ils suggèrent une coopération
mutuelle entre les phénomènes de thrombose et d’apoptose. Alors que l’agrégation
plaquettaire peut induire des dommages à l’endothélium par des phénomènes
d’ischémie/reperfusion, les cellules endothéliales apoptotiques peuvent devenir pro-
coagulantes (Bombeli et al, 1997), hyper-adhésives (Hébert et al, 1998) et contribuer ainsi à
la formation des microthrombi. L’administration d’aspirine, anti-agrégant et anti-
inflammatoire, à des chiens diabétiques a permis de réduire les microhémorragies et la
formation des capillaires acellulaires, suggérant une relation causale de la formation de
microthrombi pour les dysfonctionnements vasculaires (Kern et Engerman, 2001).
41
III- LA PATHOGENESE DE LA RETINOPATHIE DIABETIQUE
Il est aujourd’hui admis que l’hyperglycémie est le facteur initial essentiel menant aux
complications microvasculaires liées au diabète. Le rôle du contrôle de l’hyperglycémie dans
l’apparition et le développement des complications microvasculaires du diabète, notamment
au niveau rétinien, a en effet été clairement établi par des études épidémiologiques menées
aux USA (DCCT, 1993) et en Europe (UKPDS, 1998).
Les mécanismes de la toxicité du glucose au niveau des tissus cibles des complications
du diabète sont multiples. Différents mécanismes pathogéniques ont pu être proposés pour
expliquer les altérations de la fonction et de la structure des microvaisseaux rétiniens au cours
du diabète. Un des mécanismes, appelé hypothèse hémodynamique, est lié à la physiologie de
la microcirculation et au flux sanguin. Cinq hypothèses biochimiques distinctes ont également
été proposées pour expliquer les effets toxiques du glucose sur la paroi vasculaire. Trois
concernent des modifications aiguës et répétées de flux métaboliques (l’activation de la voie
des polyols, de la protéine kinase C et des hexosamines) alors que les deux autres concernent
des changements cumulatifs et chroniques (augmentation de la glycosylation non
enzymatique et l’apparition d'un stress oxydant).
1-L’hypothèse hémodynamique
Plusieurs auteurs suggèrent que les modifications structurales microvasculaires
observées très tôt au cours du diabète ont pour origine des perturbations hémodynamiques.
L’hyperglycémie induirait en effet une perte de l’autorégulation rétinienne du flux sanguin
associée à une hyper-perméabilité de la paroi microvasculaire (Porta, 1996).
Au cours du développement de la rétinopathie diabétique, la perte de la régulation du
tonus vasculaire a été mise en évidence, se caractérisant par l’augmentation de la pression et
du flux sanguin et la vasodilatation chronique des microvaisseaux. Ce stress hémodynamique
engendrerait une réponse adaptative de la paroi vasculaire et progressivement un
épaississement de la membrane basale. L’hyperperfusion des microvaisseaux provoque en
effet une augmentation de la pression hydrostatique au niveau de l’endothélium avec pour
conséquence une surproduction des protéines de la matrice. Riser (Riser et al., 1992) a pu
montrer, in vitro, l’induction de l’expression des ARNm des protéines de la matrice
extracellulaire lors d’une distension des capillaires.
L’épaississement de la membrane basale, associé à l’hypertension, induirait l’altération
de la BHR associée à une hyperperméabilité des microvaisseaux (Dosso et al., 1999). Celle-ci
42
se caractérise par un passage à travers l’endothélium de macromolécules circulantes,
induisant l’apparition d‘exudats, un des principaux signes cliniques de la rétinopathie
diabétique (Porta, 1996).
2- Les hypothèses biochimiques
2-1-La voie des polyols
Dans les tissus non insulino-indépendants, tels que le cerveau ou la rétine, l’absorption
du glucose est directement proportionnelle à la concentration sanguine en glucose et est donc
plus élevée au cours du diabète. Les voies de métabolisme du glucose (la glycolyse et la voie
des pentoses phosphates) ne suffisent pas à réduire la concentration intracellulaire accrue en
glucose. Le métabolisme du glucose excédentaire est alors pris en charge par la voie des
polyols, qui fait intervenir séquentiellement l’aldose réductase et la sorbitol déshydrogénase.
L’aldose réductase, activée uniquement en présence de fortes concentrations de glucose (Km:
70 mM), réduit le glucose en sorbitol, le donneur d’hydrogène étant le NADPH. La sorbitol
déshydrogénase oxyde par la suite une partie du sorbitol formé en fructose en utilisant le
NAD+ comme cofacteur (Figure 4).
Figure 4: la voie des polyols
Les conséquences biochimiques de l’activation de cette voie de métabolisme sont une
accumulation de sorbitol et de fructose ainsi qu’une modification des rapports
NADPH/NADP+ et NAD+/NADH.
1)- Le sorbitol ne diffuse pas à travers la membrane. Son accumulation induit ainsi un
stress osmotique. L’hyperosmolarité provoque la baisse de l’entrée dans les cellules
d'osmolytes physiologiques dont le myo-inositol. Le défaut en myo-inositol entrave le
métabolisme des phosphoinositides, la production de diacylglycérol (DAG), formé à partir de
ces phosphoinositides, et d’inositol triphosphate (Li et al., 1990). La baisse des DAG induit
alors un défaut d’activation de la PKC et de la Na-K ATPase (Greene et al., 1987).
Glucose Sorbitol Fructose Aldose réductase Sorbitol déshydrogénase
NADPH NADP+ NAD+ NADH
43
2)- L’augmentation de la production de fructose pourrait pour sa part, avoir une
conséquence néfaste sur la glycation non-enzymatique de protéines intracellulaires. Le
fructose présente en effet un pouvoir glyquant supérieur au glucose, du fait d’une proportion
de la forme linéaire ouverte plus grande (Suarez et al., 1988).
3)- L’activation de la voie des polyols induit également une altération du potentiel
redox des cellules. La formation de sorbitol s’accompagne d’une baisse des ressources en
NADPH au détriment d’autres réactions qui nécessitent également ce cofacteur. Par exemple,
la glutathion réductase requiert des niveaux élevés de NADPH pour réduire le glutathion
oxydé (GSSG) et restaurer ainsi les niveaux endogènes de glutathion réduit (GSH). La
diminution en NADPH entrave le cycle redox de régénération de GSH et aboutit ainsi à la
génération d’un stress oxydant (Bravi et al., 1997). D’autre part, la baisse en NADPH peut
également limiter d’autres réactions enzymatiques, comme la formation de NO par la NO
synthase (Cameron and Cotter, 1992), conduisant ainsi à une déficience de la production de
NO, observée chez le patient diabétique (Calver et al., 1992).
4)- L’épuisement en NAD+, résultant de l’oxydation du sorbitol en fructose, peut d’autre
part réduire l'activité d'enzymes dépendants de NAD+. Par exemple, l'altération de la
glycéraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase (GAPDHase) induirait une accumulation du
glycéraldéhyde-3-phosphate et une orientation de son métabolisme vers la synthèse de novo
des diacylglycérols (Figure 5) (Wolf et al., 1991). L’activation de la voie des polyols en
réponse à une hyperglycémie pourrait en fait induire deux effets opposés sur l’activation de la
PKC. La diminution en myo-inositol entraîne en effet une baisse en phosphoinositides et par
conséquent une baisse des DAG, alors que la biosynthèse de novo des DAG peut être
stimulée en conséquence de l’altération du rapport NADH/NAD+.
La présence de l’aldose réductase a été mise en évidence dans de nombreux tissus, tels
que les nerfs, le cristallin, le glomérule rénal et la rétine. Au niveau rétinien, cet enzyme est
présente aussi bien dans les péricytes que les cellules endothéliales, bien que son expression
semble mineure dans les cellules endothéliales (Kennedy et al., 1983). Dans le contexte du
diabète, une augmentation de la production des polyols au niveau rétinien a été montré aussi
bien chez des patients diabétiques (Bravi et al., 1997) que chez des rats diabétiques
(Tomlinson, 1993). Les inhibiteurs de l’aldose réductase (comme le sorbinil, le tolrestat,
l’épalrestat ou le polnarestat) ont été développés dans l’hypothèse que le métabolisme du
glucose par cette voie induirait une baisse des complications vasculaires. Toutefois, alors que
les traitements d’animaux diabétiques avec ces inhibiteurs préviennent certaines
complications microvasculaires (Suarez et al., 1988), les rares études cliniques menées chez
44
l’Homme ont présenté des résultats controversés (Hotta et al., 1990; Sorbinil Retinopathy
Trial Research Group, 1990).
2-2-L’activation de protéines kinases C (PKC)
Un second mécanisme pathogénique proposé dans le développement des complications
microvasculaires du diabète est l’activation de protéines kinases C (PKC), résultant de la
modification des taux de diacylglycérol (DAG) (Idris et al., 2001). Parmi les douze isoformes
décrites de PKC, seules trois semblent être activées par les DAG dans la rétine, les PKC-α, ε
et βII (Koya et King, 1998), cette dernière serait plus particulièrement impliquée lors du
diabète (Inoguchi et al., 1992). L’augmentation des DAG, observée dans divers tissus,
notamment la rétine (Inoguchi et al., 1992; Shiba et al., 1993) résulte majoritairement de la
stimulation de la voie de biosynthèse de novo à partir des trioses phosphates. L’accumulation
de ces intermédiaires provient en effet de l’activation de la voie de la glycolyse, pouvant être
associée à une diminution de leur métabolisme vers le pyruvate du fait d’une altération de
l’activité GAPDHase, dépendante du cofacteur NAD+ (Figure 5).
Figure 5: L’activation des PKC
Les conséquences de cette activation dans les complications microvasculaires
rétiniennes sont multiples. La phospholipase A2 (PLA2) est activée et libère de l’acide
arachidonique (AA) et de la prostaglandine E2 (PGE2), ayant pour conséquence l’inhibition de
la pompe Na/K ATPase (Kowluru et al., 1998). L’AA libéré pourrait également agir en
synergie avec les DAG pour l’activation de PKC (Lu et al., 2000). La phosphorylation de
protéines de structure, comme l’actine et la vinculine (Schliwa et al., 1984), et de protéines
DAG PKC
Biosynthèsede novo
PA
DAG: diacylglycérolDHAP: dihydroxyacétone phosphateGAP: glycéraldéhyde-3-phosphateGADPHase: GAP déshydrogénaseG3P:glycérol-3-phosphatePA: phosphatidate
triose-phosphate
Glycolyse
Glucose
NADH/NAD+
Pyruvate
(GAP)G3PDHAP
(+) Transduction d’un signal
GADPHase
45
des jonctions serrées, comme l’occludine et ZO-1 (Antonetti et al., 1999), causerait une
réorganisation du cytosquelette, associée à un désassemblage des jonctions intercellulaires
aboutissant à une hyper-perméabilité vasculaire des microvaisseaux rétiniens. La voie de la
PKC participerait également aux dysfonctionnements de l’endothélium rétinien. Une
augmentation de l’expression de l’endothéline-1, vasoconstrictrice, (Park et al., 2000) ainsi
qu’une inhibition constitutive de la NO synthase (Chakravarthy et al., 1998) ont en effet été
associées à l’activation de PKC.
L’implication de la voie de l’activation de la PKC dans le développement des
complications diabétiques, notamment la rétinopathie, est suggérée par les travaux de l’équipe
de King où l’administration à des rats diabétiques d’un inhibiteur spécifique de la PKC-βII
(LY 3333531) normalise les dysfonctionnements vasculaires rétiniens (Ishii et al., 1996).
D’autre part, l’utilisation de vitamine E, prévenant l’accumulation de DAG par l’activation de
la DAG-kinase (Lee et al., 1999), améliore également le flux sanguin microvasculaire rétinien
et la perfusion rétinienne (Bursell et al., 1999).
2-3-La voie des hexosamines
Une nouvelle hypothèse biochimique est formulée pour rendre compte de la
glucotoxicité vasculaire dans le développement des complications liées au diabète.
L’hyperglycémie génèrerait une augmentation du flux du glucose dans la voie des
hexosamines, qui consiste en la conversion du glucose en UDP-N-acétylglucosamine.
L’augmentation de la concentration intracellulaire en glucose induit la formation accrue de
fructose-6P qui est alors métabolisé en glucosamine-6P en présence de glutamine, par
l’enzyme glucosamine:fructose amidotransférase (GFAT) puis transformé finalement en
UDP-N-acétylglucosamine (UDP-GlcNac) (Figure 6) (pour revue: Schleicher et Weigert,
2000). L’accumulation de l’intermédiaire métabolique, le fructose-6P, résulterait d’une
altération de l’activité GAPDHase, par une production mitochondriale de ROS (Du X.L. et
al., 2000) et/ou d’une baisse du rapport NAD+/NADH par la voie des polyols (Chapitre III-2-
1-). La GFAT, enzyme dont l’activité est limitante dans la voie des hexosamines, est présente
dans une variété de types cellulaires, tels que les cellules endothéliales microvasculaires (Wu
et al., 2001), les adipocytes, les cellules musculaires squelettiques, les cellules mésangiales et
glomérulaires (Nerlich et al., 1998).
46
Figure 6: La voie des hexosamines et conséquences
L’activation de la voie des hexosamines a été impliquée dans diverses altérations
biochimiques. La formation de UDP-GlcNac aurait comme conséquence l’activation du
facteur de transcription Sp-1 (Du X.L. et al., 2000), en augmentant sa O-glycosylation et
réduisant sa phosphorylation (Kadonaga et al., 1988; Haltiwanger et al., 1998). Dans des
cellules endothéliales d’aorte de bœuf, il a été décrit que l’activation de Sp-1 induit
l’expression des cytokines TGF-β1 et PAI-1 (Du X.L. et al., 2000). Une étude menée dans
des cellules mésangiales indiquent que la surproduction de TGF- β1 et de composants de la
matrice résulterait de l’activation de la voie des hexosamines. Les effets de fortes
concentrations de glucose sont en effet mimés avec la D-glucosamine et bloqués lorsque la
GFAT est inhibée (Kolm-Litty et al., 1998).
Mais la voie des hexosamines serait également responsables des dysfonctionnements
cellulaires qui mènent à l’insulino-résistance. L’augmentation du flux de glucose dans cette
voie métabolique altérerait en effet l’activité et la translocation du transporteur du glucose
Glut-4 à la membrane, dans des cellules musculaires (Cooksey et al., 1999) ou des adipocytes
(Chen et al., 1997), probablement par l’activation de PKC (Filipis et al., 1997).
Glucose
Glucose-6P
Fructose-6P Glucosamine-6P N-acétyl-glucosamine-6P
N-acétyl-glucosamine-1P
UDP- N-acétyl-glucosamine(UDP-GlcNac)
GFAT
Glutamine Glutamate
GFAT: Glucosamine-fructose-amidotransférase
Signalisationintracellulaire
O-glycosylation de facteur de transcription (Sp1)
Expression de gènes(TGF-β, PAI-1)
Translocation de protéines(PKC, Glut-4)
47
Les cibles potentielles intracellulaires de l’UDP-GlcNac sont nombreuses. Diverses
protéines cytoplasmiques et nucléaires peuvent effectivement être O-glycosylées. L’activation
de la voie des hexosamines pourrait ainsi induire diverses modifications biochimiques,
comme l’expression de gènes et la fonctions de protéines, impliquées dans la pathogenèse des
complications diabétiques.
2-4-La glycosylation non enzymatique
Un des mécanismes pathogéniques proposé pour expliquer la toxicité vasculaire du
glucose, est la formation accrue de produits avancés de glycation, également nommés AGE
(Advanced Glycation End-Products) formés par la glycosylation non-enzymatique de
protéines (Baynes et al., 1989), d’ADN (Lee et Cerami, 1990) et de lipides (Bucala et al.,
1993). La formation et l’accumulation des AGE sont en effet accélérées au cours du diabète
(Guthrow et al., 1979; Hammes et al., 1999) et reliées sur le plan clinique aux complications
vasculaires (Brownlee, 1995). Par exemple, la sévérité des complications microvasculaires
observée chez les patients diabétiques atteints de rétinopathie a été corrélée avec les quantités
d’AGE contenues dans le collagène de la peau (Beisswenger et al., 1995) et dans le sérum
(Ono et al., 1998).
2-4-1-La formation des produits avancés de glycation
La glycosylation non-enzymatique a été découverte in vitro par Louis-Camille Maillard
en 1912, en observant l’apparition d’une couleur jaune-brun lors du chauffage de sucres
réducteurs (glucose) avec des acides aminés (glycine). Il montra que cette réaction peut se
produire à 37 °C, température corporelle, caractéristique primordiale pour la physiopathologie
humaine. Cette réaction a été redécouverte 50 ans plus tard lors des processus
d’industrialisation de la nourriture où elle intervient dans l’altération et la cuisson des
aliments.
Nommée aujourd’hui réaction de Maillard, la glycosylation non-enzymatique est la
réaction par laquelle les sucres réducteurs (ou des dicarbonyles) se lient de façon covalente
aux groupes amines libres de protéines, d’ADN et de lipides pour former des intermédiaires
métaboliques instables, pouvant se réarranger de façon diverse au cours d’un processus long
et complexe et donner naissance à de multiples produits avancés de glycation (Figure 7).
48
Figure 7: La réaction de Maillard
Un sucre réducteur, sous sa forme linéaire, réagit par son groupe aldéhyde libre avec le
groupe amine libre d’acides aminés basiques contenus dans certaines protéines (lysine,
hydroxylysine, arginine, histidine), de phospholipides (phosphatidyléthanolamine) ou d’ADN
(guanine) pour former une glycosylamine (ou base de Schiff). La base de Schiff générée peut
se réarranger de façon plus stable sous la forme d’une céto-amine, appelée produit
d’Amadori ou produit de glycation précoce. Ces phases précoces de la réaction de Maillard
sont rapides et réversibles et la formation de ces intermédiaires instables dépendant de la
concentration en substrats (protéines et sucre réducteur) et de leur temps d’exposition l’un à
l’autre. Un produit d’Amadori bien connu est l’hémoglobine glyquée (HbA1c), découverte
par S. Rahbar (1968), utilisé chez le diabétique comme indice du contrôle métabolique du
glucose sur 100 jours (durée de vie du globule rouge) (Koenig et al., 1976).
Les produits d’Amadori subissent une série de réarrangements intramoléculaires. Ils
peuvent subir une fragmentation oxydative, consistant en une oxydation en présence
d’oxygène et d’ions métalliques pour libérer l’anion superoxyde (O2-.) et des produits de
glycoxydation comme la carboxyméthyllysine (CML) ou la pentosidine. Une fragmentation
non-oxydative (transferts d'hydrogène par exemple) peut également avoir lieu et conduire à
la formation d’αααα-dicarbonyles (ou α-oxoaldéhydes) comme le 1-, 3- et 4-désoxyglucosone,
CH2OH
RNCH
(CHOH)n
CH2OH(CHOH)n-1
RNHCH2
C O
H2O
+CHO
(CHOH)n
CH2OH
RNH2
Sucre réducteur Base de Schiff(glycosamine)
Produit d'Amadori(céto-amine)
RNHCH2
COOH
Carboxyméthyllysine
HC OCCH2
(CHOH)2
CH2OH
O
3-désoxyglucosone
HC OCCH3
O
Méthylglyoxal
AGE
RNH2
Mn+
O2 O2-.
H2O
Protéine
- R-NH 2
αααα-dicarbonyles
49
et probablement le méthylglyoxal ou le glyoxal, à partir de fructosamine, comme cela a été
décrit récemment in vitro (Thornalley et al., 1999). Ces dicarbonyles, extrêmement réactifs
vis à vis des groupes amines, vont à leur tour réagir avec des protéines, pour donner
naissance aux AGE (ou produits de Maillard), composés chimiquement stables. Les
dicarbonyles propagent ainsi la réaction de Maillard en formant des ponts intra et
intermoléculaires dans certaines protéines. Mais les AGE peuvent également se former à
partir de la réaction d’un dicarbonyle avec un produit d’Amadori (Cerami et al., 1988). Ces
phases intermédiaires ou finales de la réaction de Maillard sont lentes et irréversibles. Ainsi
les produits finaux de glycation, dont le facteur limitant principal de formation est la vitesse
de renouvellement des protéines, caractérise surtout des protéines structurales de durée de vie
prolongée, comme le collagène ou les composants de la membrane basale.
La voie de Maillard décrit ainsi les modifications des amines par des sucres réducteurs
mais également, dans un sens plus large, par des dicarbonyles, pouvant être issus de diverses
voies métaboliques et conduire à la formation d’AGE. Par exemple, le méthylglyoxal (MGX)
peut se former à partir de la fragmentation des trioses phosphates (Phillips et Thornalley,
1993) et lors de l’oxydation de l’acétone au cours du métabolisme des corps cétoniques dans
le foie (Koop et Casazza, 1985). Lors de l’hyperglycémie, la vitesse de formation du MGX
chez les diabétiques dépasse les capacités de détoxification de ce produit dans les cellules, par
les systèmes enzymatiques de glyoxalase, qui convertit le MGX en un intermédiaire, le
lactoylglutathion (par la glyoxalase I), lui-même converti en D-lactate (par la glyoxalase II)
(Thornalley, 1993). La dégradation de MGX en D-lactate dépendrait surtout de la glyoxalase-
I (Shinohara et al., 1998). La concentration sanguine de MGX est fortement augmentée chez
le diabétique (Beisswenger et al., 1995) et cette augmentation est corrélée avec la sévérité des
complications vasculaires (McLellan et al., 1994). De plus, les AGE de protéines formés
après réaction avec ce dicarbonyle (la carboxylethyllysine (CEL) et les sels d’imidazolium
comme MOLD (methylglyoxal-lysine dimer) sont décrits comme des produits majeurs
observés lors du diabète (Degenhardt et al., 1998).
Les sucres réducteurs peuvent également induire des modifications de protéines par un
mécanisme indépendant de la voie de Maillard. L’auto-oxydation des sucres réducteurs
(Figure 8), catalysée par les ions métalliques, produit en effet des dicarbonyles et des AGE
(Wolff et Dean, 1987). Le glucose dans sa forme ouverte subit une énolisation et réduit les
ions métalliques. Le radical ènediol généré peut être oxydé en dicarbonyle de type
désoxyglucosone. La réaction du dicarbonyle avec les protéines mène à la formation d’AGE.
50
Ces réactions génèrent des anions superoxydes et du peroxyde d’hydrogène (réaction de
Fenton) à partir duquel peuvent se former des radicaux hydroxyles (réaction d’Haber-Weiss).
Toutefois, cette voie a été décrite in vitro et les conditions de réactions (fortes concentrations
en métaux) ne sont pas représentatives de celles observées in vivo, où les concentrations de
métaux libres sont finement régulées.
Figure 8: L'autooxydation des sucres réducteurs
2-4-2-Les produits avancés de glycation
La réaction des protéines avec des dicarbonyles, issus du métabolisme des cellules lors
du diabète, est un processus multiple et complexe, qui aboutit à la formation d’une grande
diversité de structures chimiques d’AGE, tant par la variété des dicarbonyles générés que les
acides aminés avec lesquels ils réagissent. Ainsi, le terme AGE regroupe un ensemble
hétérogène de molécules. Les modifications structurales induites au cours de la glycation sont
diverses. Les protéines peuvent subir des pontages intra ou intermoléculaires et/ou présenter
une fluorescence du fait de la formation de cycles intramoléculaires.
Bien que différentes techniques d’identification des AGE soient exploitées, (mesures de
fluorescence, dosages immunologiques, analyses par chromatographie haute pression ou en
phase gazeuse…), elles présentent certains biais et ne permettent pas de rendre compte de
l’hétérogénéité des AGE in vivo. Par exemple, alors que la pentosidine présente une
fluorescence caractéristique (325-390 nm) (Mac Cance et al., 1993), la majorité des autres
AGE fluorescents absorbent à 370 nm et émettent à une longueur d’onde de 440 nm. De plus,
cette méthode de détection exclue les AGE non fluorescents, comme la CML ou la pyrraline,
qui semblent être majoritaires (Makita et al., 1992). D’autre part, les dosages
immunologiques, employés dans la détection ou la quantification des AGE, sont réalisés à
partir d’anticorps polyclonaux dirigés contre des AGE de structures diverses et parfois mal
Sucre réducteur
Ènediol
Radical ènediolM(n-1)+
Mn+
O2
Carbonyle AGER-NH2
OH .
H2O2
O 2-.O 2-.
Attaques radicalaires
51
définies, obtenus par des modifications in vitro d’albumine (généralement) par un sucre
(Makita et al., 1992). Il semblerait que l’antigène majoritairement reconnu par ces anticorps
soit la CML (Reddy et al., 1995), qui est non fluorescent.
Des structures isolées in vitro ont toutefois pu être identifiées dans les tissus de
diabétiques, comme la pyrraline résultant de la réaction de résidus lysine avec la 3-
désoxyglucosone et suivie de réactions intramoléculaires (déshydratation et cyclisation)
(Hayase et al., 1989), la pentosidine formée par la réaction entre un pentose et des résidus
arginine et lysine (Sell et Monnier, 1989), des imidazolones produits de la réaction entre la 3-
désoxyglucosone et un résidu arginine (Niwa et al., 1997), la CML formée par la réaction
d’un résidu lysine avec le glyoxal ou l’ascorbate (Dunn et al., 1990) ou encore par la
dégradation oxydative d’un produit d’Amadori (fructosamine) (Fu et al., 1996). La CEL, le
GOLD (glyoxal-lysine dimer) et le MOLD seraient directement issus de la réaction du
méthylglyoxal (CEL et MOLD) et du glyoxal (GOLD) avec les lysines des protéines (Wells-
Knecht et al., 1996). GOLD et MOLD appartiennent à une famille d’AGE, les «crosslines»,
qui établissent des ponts intermoléculaires.
2-4-3-Les conséquences pathologiques de la glycation
La formation des AGE est accélérée au cours du diabète et leur accumulation a été
corrélée positivement au développement des complications microvasculaires (Brownlee,
1995). Trois grands mécanismes généraux sont proposés pour expliquer les changements
pathologiques causés par les AGE.
2-4-3-1-La glycation de la matrice extracellulaire
Les protéines de la matrice extracellulaire comme le collagène ou la laminine sont des
cibles privilégiées de la glycation de part leur faible taux de renouvellement. La glycation des
composants de la matrice modifie leur structure et donc leurs propriétés physico-chimiques,
comme une baisse de leur solubilité et de leur flexibilité (Schnider et Kohn, 1982) et une
résistance aux protéases (Mott et al., 1997) qui conduit à une accumulation progressive au
cours du diabète. Les AGE de la matrice pourraient contribuer à l’augmentation de la
perméabilité vasculaire en altérant l’adhérence des cellules endothéliales et compromettant
leur réplication normale (Podesta et al., 1997), affectant ainsi les propriétés de la barrière
hémato-rétinienne.
52
2-4-3-2- La glycation des protéines circulantes et intracellulaires
La glycation des protéines circulantes, directement en contact avec le glucose sanguin,
est également observée. Par exemple, la glycation de l’hémoglobine, formant le produit
d’Amadori HbA1c (hémoglobine glyquée), induit une augmentation de sa viscosité à
l’intérieur des globules rouges (Brownlee et al., 1984). La glycation des immunoglobulines,
décrite au niveau des fragments Fc et Fab, affecte les propriétés d’agglutination du
complément (Hammer et al., 1990) et les activités des IgG et des IgM (Cheta et al., 1991). De
par leur faible taux de modification par la glycation, ces protéines sont considérées comme
des marqueurs de glycation, au même titre que l’HbA1c.
La formation d’AGE sur des protéines intracellulaires a également été décrite. En effet,
l’hyperglycémie peut induire, dans des tissus non insulino-dépendants, une augmentation
intracellulaire de sucres comme le glucose-6-phosphate, le fructose et les trioses phosphates
ou de dicarbonyles comme le méthylglyoxal. Ces composés, plus réactifs que le glucose,
induisent une formation des AGE à partir de protéines cytosoliques, altérant ainsi leur
fonction. Par exemple, la glycation du bFGF (basic Fibroblast Growth Factor) dans les
cellules endothéliales affecte son activité mitogénique (Giardino et al., 1994).
2-4-3-3-L’interaction des AGE avec leurs récepteurs
En plus de leur formation à partir de protéines fonctionnelles, les AGE extracellulaires
participent au développement des anomalies de la (macro et de la) microangiopathie
diabétique par l’intermédiaire de récepteurs membranaires spécifiques, capables d’internaliser
les AGE par endocytose et de les dégrader dans les lysosomes et/ou d’induire la transduction
d’un signal intracellulaire. Ces différents récepteurs ont été identifiés sur une variété de types
cellulaires comme les macrophages, les monocytes, les cellules endothéliales, les cellules
musculaires lisses, les fibroblastes, les cellules mésangiales ou les neurones (moteurs et
périphériques) (Brett et al., 1993; Li YM et al., 1996).
MSR-I et –II : Parmi les différents types de récepteurs isolés, les premiers identifiés ont
été les récepteurs scavengers de la classe A (MSR-A ou Macrophage Scavenger Receptor) de
type I (220 kDa) et II (170 kDa) des macrophages (Radoff et al., 1988). Cette famille de
récepteurs constitue le système majeur de dégradation des AGE. Les macrophages captent et
internalisent les AGE de protéines et de LDL par endocytose puis les dégradent dans les
lysosomes (Araki et al., 1995). Ces récepteurs semblent impliqués dans la macroangiopathie
53
diabétique en internalisant les LDL-modifiés et en formant les cellules spumeuses dans les
plaques athéromateuses (Sakata et al., 2001).
AGE-R : Par la suite, un complexe trimérique récepteur des AGE (AGE-R) a été
identifié. Il est constitué d’une protéine nommée p60 de 48 kDa (ou AGE-R1), d’une seconde
nommée p90 de 80 kDa (ou AGE-R2) (Yang et al., 1991) et d’une lectine liant le galactose,
la galectine-3 de 32 kDa (ou AGE-R3) (Vlassara et al., 1995). La détermination des
séquences N-terminales des protéines p60 et p90, purifiées à partir de foie de rat, a permis de
déterminer que p60 et p90 présentent une homologie de séquence élevée avec les séquences
N-terminales respectivement de l’oligosaccharyltransferase humaine de 48 kDa (OST-48,
95% d’homologie) et de la phosphoprotéine de 80K-H humaine (73% d’homologie) (Li Y.M.
et al., 1996). Par ailleurs, la séquence N-terminale de la protéine p90 d’origine humaine est
identique à celle de la 80K-H humaine (Goh et al., 1996). Les protéines p60 et p90 seraient
en fait les protéines préalablement identifiées OST-48 et 80K-H (Li Y.M. et al., 1996; Stitt et
al., 1999). Initialement localisée dans le réticulum endoplamique rugueux, OST-48 est une
protéine transmembranaire également exprimée à la surface de la membrane plasmique (Li
Y.M. et al., 1996). Elle présente un fragment N-terminal extracellulaire long, un seul passage
transmembranaire et un fragment C-terminal cytosolique court (9 résidus aminés) (Silberstein
et al., 1992; Li Y.M. et al., 1996). Alors que la protéine p60/OST-48 présente une activité de
liaison des AGE (Li Y.M. et al., 1996), p90/80K-H est une protéine soluble sous-
membranaire et ne lie pas les AGE (Li Y.M. et al., 1996). Décrite initialement comme un
substrat de PKC (Hirai et Shimizu, 1990), p90/80K-H a également été identifiée comme une
protéine phosphorylée sur la tyrosine lors de l’activation du récepteur au FGF dans des
fibroblastes, alors capable de fixer la protéine adaptatrice GRB-2 (Goh et al., 1996). De façon
intéressante, la phosphorylation de p90/80K-H est également stimulée lors de la liaison
d’AGE au complexe AGE-R mais semble être PKC-dépendante (Stitt et al., 1999).
Le troisième composant du complexe AGE-R est la galectine-3. Malgré l’absence de
signal d’adressage à la membrane plasmique et de domaine transmembranaire, la galectine-3
est transloquée du cytoplasme à la surface externe de la membrane en réponse au stimulus
AGE (Vlassara et al., 1995). Son niveau d’expression est également stimulé en présence
d’AGE (Stitt et al., 1999) ou au cours du diabète (Pugliese et al., 2000). La galectine-3 est
capable de lier les AGE. Le domaine de liaison aux AGE est contenu dans le peptide C-
terminal de 18 kDa mais diffère de celui de liaison aux carbohydrates. La fixation des AGE à
la galectine-3 induit la formation d’un complexe protéique de haut poids moléculaire où les
deux constituants sont liés par covalence (Vlassara et al., 1995). Le rôle exact de la galectine-
54
3 joué dans la structure et la fonction du complexe AGE-R reste indéterminé. Il a été proposé
qu’elle intervienne dans la formation et dans la stabilisation de la structure du complexe, ainsi
que dans la fixation d’un large spectre d’AGE malgré une affinité de liaison modérée du fait
de liaisons covalentes avec les AGE.
Récemment, il a été montré in vitro dans des cellules endothéliales microvasculaires
rétiniennes, que le complexe AGE-R, constitué de p60, p90 et galectine-3, est localisé dans
les domaines membranaires riches en cavéoline (cavéoles). Les AGE, se liant à p60 et la
galectine-3, sont internalisés et orientés vers les endosomes et les lysosomes (Stitt et al.,
2000b). Cette étude montre que AGE-R est impliqué dans la capture, l’internalisation et la
dégradation des AGE. Les cavéoles sont des microdomaines enrichis en glycosphingolipides,
de cholestérol, de cavéoline et d’autres structures impliquées dans la transduction de signaux
comme les sphingomyélines, ou des protéines de signalisation telles que la famille des src-
tyrosine kinases (Brown et London, 2000). L’enrichissement de ces structures en AGE-R
suggère l’implication de ce récepteur dans la transduction de signaux intracellulaires. Le
complexe AGE-R a en effet été impliqué dans des réponses cellulaires variées comme la
prolifération (Chibber et al., 1997) ou l’expression de gènes comme les facteurs de croissance
PDGF (platelet-derived growth factor) (Doi et al., 1992) ou IGF-I (insulin-like growth factor-
I) (Pugliese et al., 1997). Une première ébauche de la voie de signalisation sous-jacente à la
liaison des AGE à ce complexe se présente aujourd’hui. La phosphorylation de la protéine
p90 en réponse aux AGE (Stitt et al., 1999) suggère son implication dans l’initiation d’une
cascade de signalisation. Des travaux préliminaires plus récents menés sur les mêmes cellules
(cellules endothéliales) suggèrent la phosphorylation de p90 lors de la liaison des AGE avec
le complexe AGE-R, induisant l’activation des MAP kinases Erk1/Erk2 (Cai et al., 2001).
RAGE : Le récepteur aux AGE le mieux caractérisé à l’heure actuelle est RAGE
(Receptor for AGE) (Schmidt et al., 1992; Neeper et al., 1992). RAGE apparaît de plus en
plus être un récepteur impliqué dans l’induction d’un signal intracellulaire plutôt que dans la
capture et l’élimination des AGE.
Il s’agit d’une glycoprotéine de 35 kDa (Neeper et al., 1992; Srikrishna et al., 2002)
complexée à une protéine extracellulaire analogue de la lactoferrine (LF-L pour lactoferrin-
like) (Schmidt et al., 1992), également pourvue d’une activité de liaison des AGE, mais dont
la fonction reste à ce jour indéterminée. Le récepteur RAGE est relié structurellement à la
famille des immunoglobulines, possédant une séquence N-terminale extracellulaire
comprenant un domaine de type V et deux de type C (Neeper et al., 1992), un domaine
transmembranaire et un fragment peptidique C-terminal court (43 résidus aminés) du coté
55
cytosolique, riche en résidus glutamates et présentant une similarité de séquence avec le
fragment cytosolique de l’antigène de surface CD20 (Neeper et al., 1992). Le domaine
cytoplasmique est décrit comme nécessaire dans la signalisation intracellulaire (Huttunen et
al., 1999). En comparaison au complexe AGE-R, la cascade des événements intracellulaires
couplés au récepteur RAGE a été plus largement étudiée (Figure 9). Dans les cellules
endothéliales de veine de cordon ombilical humain, l’interaction des AGE avec RAGE induit
un stress oxydant intracellulaire (Yan et al., 1994; Bierhaus et al., 1997) qui entraîne
l’activation de signaux faisant intervenir une cascade de kinases, p21ras, dont l’activation est
redox dépendante (Lander et al., 1995), la phosphatidylinositol-3-kinase, la protéine kinase
Akt, une MAP kinase et finalement l’activation d’un facteur de transcription NF-κB (Yan et
al., 1994; Lander et al., 1997; Deora et al., 1998). L’activation de NF-κB dans ces cellules
peut être inhibée par divers antioxydants comme l’acide lipoïque (Bierhaus et al., 1997) ou
les enzymes antioxydantes (Yan et al., 1994), suggérant qu’au cours de la voie de
transduction, certains dérivés actifs de l’oxygène sont produits. Un dérivé de l’oxygène,
produit lors de la liaison d’AGE au récepteur RAGE, vient d’être identifié. Il s’agit de l’anion
superoxyde, produit par une NADPH oxydase (Wautier et al., 2001). Cependant, le
mécanisme de couplage de RAGE à l’induction d’un stress oxydant reste à ce jour
indéterminé. L’activation de NF-κB pourrait modifier l’expression de différents gènes, selon
le type cellulaire (Figure 9).
RAGE est un récepteur qui présente des affinités de liaison avec des ligands très divers.
Parmi les différents AGE connus, au moins deux structures ont été décrites comme des
ligands de RAGE : la carboxyméthyllysine et les imidazolones (Kislinger et al., 1999). Le
récepteur RAGE semble être impliqué dans la maladie d’Alzheimer ou dans les maladies avec
atteintes de neurones ou de cellules gliales, dans lesquelles un dépôt amyloïde est observé.
RAGE lie le peptide β amyloïde et sa liaison induit la surexpression de RAGE (Yan et al.,
1996). Dans un contexte non pathologique, RAGE lie également l’amphotérine, une protéine
abondante dans le système nerveux central en développement, participant à la croissance et la
différentiation des cellules nerveuses (Brett et al., 1993). Il est intéressant de noter que
RAGE, par liaison à l’amphotérine, peut initier dans des cellules neuronales deux voies de
signalisation intracellulaire indépendantes, l’une concernant la voie décrite précédemment, la
seconde impliquant l’activation de la protéine rac (Huttunen et al., 1999). Les interactions
RAGE-amphotérine pourraient jouer aussi un rôle pathologique dans le pouvoir invasif
(formation de métastases) des cellules cancéreuses d’une tumeur (Tagushi et al., 2000).
56
Figure 9: Liaison des AGE à RAGE et conséquences selon le type cellulaire
2-4-4- AGE et rétinopathie
Diverses études suggèrent l'implication des AGE dans le développement de la
rétinopathie diabétique. La présence et l’accumulation progressive de produits d’Amadori
(Schalkwijk et al., 1999) et d’AGE (Stitt et al., 1997) a été mise en évidence sur les protéines
de la membrane basale des microvaisseaux rétiniens. Différents récepteurs aux AGE ont été
localisés dans le lit capillaire rétinien: les composants p60 et p90 du complexe AGE-R ont été
identifiés sur les deux types cellulaires rétiniens (Stitt et al., 1997; Chibber et al., 1997),
RAGE est également présent dans les cellules microvasculaires rétiniennes, les cellules
endothéliales (Yan et al., 1994) et les péricytes (Yamagishi et al., 1995). Dans les
microvaisseaux rétiniens, la colocalisation des AGE avec leurs récepteurs (p60, p90 et
RAGE) (Stitt et al., 1997; Soulis et al., 1997), suggère que les AGE puissent être impliqués
Vasoconstricteurs: endothéline-1 (Bierhaus et al., 1998)Pro-coagulants: thrombomoduline (Bierhaus et al., 1998) PAI-1 (Yamagishi et al., 1998)Facteurs de croissances: VEGF (Yamagishi et al., 1997)
RAGEAGE
Stress oxydant
P21ras/MAP kinase
NF-κB
Expression de gènes
Cytokines pro-inflamatoires: TNF-α, IL-1 (Vlassara et al., 1988)
MACROPHAGES :(macroangiopathie)
CELLULES ENDOTHELIALES :(microangiopathie dont la rétinopathie)
CELLULES MESANGIALES :(néphropathie)
Facteurs de croissances: VEGF (Yamagishi et al., 2002b)
X ?
57
dans le dysfonctionnement vasculaire rétinien. Deux travaux récents, menés chez des
animaux, soutiennent l’hypothèse d’un rôle direct des AGE dans le développement des
complications microvasculaires rétiniennes. Lors de la perfusion de rats normo-glycémiques
avec de l’albumine glyquée (AGE), ce produit s’accumule dans les microvaisseaux rétiniens
et dans les péricytes, colocalise avec les récepteurs aux AGE et induit l’épaississement de la
membrane basale (Stitt et al., 1997) ainsi que l’altération de la perméabilité de la BHR,
associée à la surexpression dans la rétine du facteur de perméabilité VEGF (Stitt et al.,
2000a). Par ailleurs, une aggravation de la néphropathie (Yamamoto et al., 2001) et de la
rétinopathie (communication personnelle) a été montrée dans des souris diabétiques de type I
et transgéniques pour le récepteur RAGE.
Différentes études in vitro montrent que les AGE altèrent la prolifération des deux types
cellulaires. Ils inhibent en effet la croissance des péricytes rétiniens (Yamagishi et al., 1995;
Chibber et al., 1997; Ruggiero-Loppez et al., 1997) alors qu’ils favorisent la multiplication
des cellules endothéliales (Chibber et al., 1997; Ruggiero-Loppez et al., 1997). Les AGE sont
également capables d’induire l’apoptose des péricytes rétiniens et de stimuler leur sécrétion
de VEGF (Yamagishi et al., 2002a). Ces différents effets semblent résulter de la liaison des
AGE avec leurs récepteurs RAGE (Yamagishi et al., 1995 et 2000) ou avec le complexe
AGE-R (Chibber et al., 1997).
Par ailleurs, dans ces cellules microvasculaires rétiniennes, les AGE peuvent aussi
induire des altérations de la glycosylation enzymatique affectant le métabolisme des
glycoconjugués. Par exemple, des altérations spécifiques des sucres des glycoprotéines
induites par les AGE ont été mises en évidences dans les cellules endothéliales des
microvaisseaux rétiniens (Rellier et al., 1997). Celles-ci semblent résulter d’une augmentation
de différentes activités glycosidases (enzymes du catabolisme) associée à une diminution des
activités glycosyltransférases (enzymes de synthèse) (Rellier et al., 1999). Les AGE affectent
également le métabolisme des glycosphingolipides des cellules microvasculaires rétiniennes.
Alors qu’ils augmentent la quantité de toutes les espèces moléculaires dans les deux types
cellulaires, ils diminuent spécifiquement un ganglioside particulier, le GD3, dans les péricytes
rétiniens (Natalizio et al., 2001); cette diminution serait la conséquence d’une baisse de
l’activité de la GD3-synthase (Natalizio, 2002). Les glycoconjugués, formant le glycocalix,
sont impliqués dans les processus d’interactions cellule-cellule et cellule-matrice permettant
la reconnaissance, la communication et l’adhésion cellulaire. Une altération de leur
composition, notamment dans les cellules microvasculaires rétiniennes, pourrait avoir des
conséquences diverses dans le développement de la rétinopathie diabétique, comme par
58
exemple une adhésion accrue des cellules circulantes à l’endothélium (Chibber et al., 2000),
pouvant ainsi participer à l’occlusion des capillaires dans la rétine.
Le rôle critique des AGE dans le développement des complications microvasculaires de
la rétine a été établi par l’utilisation d’inhibiteurs de la glycation, comme l’aminoguanidine.
L’aminoguanidine, administrée à des rats diabétiques, dès le début de la maladie (Hammes et
al., 1991 et 1994) ou seulement après 6 mois de diabète (Hammes et al., 1995), ralentit en
effet le développement de la rétinopathie en prévenant la disparition des péricytes, la
formation de microanévrismes et la néovascularisation (Hammes et al., 1991), en limitant la
formation de capillaires acellulaires et en abolissant la formation de microthrombi (Hammes
et al., 1994), phénomènes associés à une diminution de la formation d’AGE fluorescents au
niveau de la rétine (Hammes et al., 1995). Mais les effets protecteurs de l’aminoguanidine
uniquement par son action anti-glycante sont aujourd’hui controversés. Le traitement de rats
(Kern et al., 2000) et de chiens diabétiques (Kern et Engerman, 2001) avec l’aminoguanidine
n’a pas diminué les taux d’AGE circulants (hémoglobine-AGE) et d’AGE de collagène de la
queue (pentosidine), bien que certaines lésions rétiniennes aient été abolies (microanévrismes,
capillaires acellulaires, disparition des péricytes). L’aminoguanidine pourrait également
protéger de certaines complications microvasculaires en agissant comme un antioxydant
(Giardino et al., 1998; Kowluru et al., 2000) ou en réduisant la formation de NO par la NO
synthase inductible (iNOS) (Corbett et al., 1992; Kowluru et al., 2000; Carmo et al., 2000b),
enzyme dont l’activité est augmentée dans la rétine de rats diabétiques (Carmo et al., 2000b)
et dont l’activation pourrait être corrélée à une augmentation de la perméabilité de la barrière
hémato-rétinienne (Carmo et al., 2000a).
2-5-Le stress oxydant
Le stress oxydant résulte d'un déséquilibre entre la production de radicaux libres dérivés
de l’oxygéne (ROS) et leur destruction par des systèmes de défenses antioxydantes. Lorsqu'ils
ne sont pas détoxifiés, les radicaux libres non détoxifiés peuvent engendrer des dommages de
la structure et du métabolisme cellulaire en attaquant de nombreuses cibles, comme les
protéines, l'ADN et les lipides.
2-5-1-Le stress oxydant dans le diabète: cause ou conséquence?
Bien que le stress oxydant soit un phénomène non-spécifique d’altérations cellulaires, il
est évoqué dans le cadre des complications vasculaires du diabète. En effet, diverses études
59
cliniques ont mis en évidence une augmentation du stress oxydant en mesurant notamment
des marqueurs de la peroxydation lipidique. Par exemple, les niveaux plasmatiques de
TBARS (Thiobarbituric acid reactive substances) (Altomare et al., 1992) ou d’isoprostanes
(8-épi-PGF2α) (Gopaul et al., 1995), sont significativement augmentés chez les diabétiques
de type II, dont la glycémie est mal contrôlée par rapport à des patients bien suivis ou des
sujets contrôles. Nourooz-Zadeh et al., (1997) ont par ailleurs montré une baisse de vitamine
E (standardisée par rapport au taux de cholestérol) et une augmentation d’isoprostanes dans le
plasma. La plupart de ces études ont ainsi permis d’établir une corrélation directe entre le
contrôle glycémique et l’apparition du stress oxydant. Il a notamment été montré que le taux
urinaire sécrété de la 8-épi-PGF2α est réduit lors d’une amélioration du contrôle métabolique
(Davi et al., 1999).
Le rôle du stress oxydant dans le développement des complications vasculaires liées au
diabète, reste toutefois un sujet de controverse. Certains auteurs décrivent le stress oxydant
comme la conséquence des dysfonctionnements vasculaires résultant de l’hyperglycémie. Le
stress oxydant, caractérisé par exemple par l’augmentation des produits de peroxydation
lipidique (Jennings et al., 1987), est en effet plus élevé chez les patients diabétiques
présentant des complications microvasculaires. De plus, l’équipe de J. Baynes a montré que
l’oxydation des acides aminés des protéines de la matrice extracellulaire n’est pas modifiée
chez le diabétique (Wells-Knecht et al., 1997), suggérant qu’il n’y ait pas d’augmentation
généralisée du stress oxydant par le diabète. Le Pr J. Baynes propose plutôt l’hypothèse d’un
stress carbonyle, qui consiste en une augmentation de substrats (glucose et lipides), induisant
une formation accrue de produits de glycoxydation (Baynes et Thorpe, 1999).
2-5-2-La production de radicaux libres
L’hyperglycémie peut induire une production accrue de radicaux libres selon différents
mécanismes, déjà évoqués précédemment: la fragmentation oxydative des produits
d’Amadori (chapitre 2-3-1-1), l’auto-oxydation du glucose (chapitre 2-3-1-2), la liaison des
AGE à leur récepteurs (2-3-3-3), et l’altération du potentiel redox, par la voie des polyols.
Récemment, l’équipe de Brownlee (Nishikawa et al., 2000; Du X.L. et al., 2000) vient
de formuler une hypothèse biochimique reliant directement les ROS produits par la
mitochondrie, plus particulièrement l’anion superoxyde, à la voie des polyols, à l’activation
de la PKC, la formation d’AGE dérivés du méthylglyoxal, la voie des hexosamines et
l’activation de NF-κB (Figure 10). Les auteurs démontrent en effet, dans des cellules
60
endothéliales aortiques bovines, que la normalisation de la production de l’anion superoxyde
mitochondrial (au moyen d’agents bloquant la chaîne respiratoire mitochondriale, de
mimétiques de la SOD ou en surexprimant la SOD mitochondriale) abolit les différentes voies
métaboliques induites par l’hyperglycémie, suggérant que celles-ci soient sous le contrôle de
l’anion superoxyde généré en excès. Ce radical oxygène serait produit par une augmentation
du gradient de proton généré par la chaîne respiratoire mitochondriale, suite à une production
accrue du cofacteur NADH, résultant de l’oxydation de pyruvate issu de la glycolyse.
2-5-3-La modification des défenses antioxydantes
Différentes études ont rapporté une altération de ces systèmes antioxydants au cours du
diabète. Ainsi, une diminution de la capacité anti-oxydante plasmatique totale (intégrant les
antioxydants enzymatiques et non-enzymatiques) a été mise en évidence chez les patients
DNID (Ceriello, 1997). De même, une étude, menée sur de nombreux diabétiques (de type II)
Figure 10: La mitochondrie: le lien unificateur entre les différents mécanismes pathogéniques proposés dans les complications microvasculaires.
TCA
NADH
e-
Mitochondrie
O2-.
GA3PDHase
AGEMéthylglyoxal
Fructose Sorbitol AR
Pyruvate
Pyruvate
GA3P
Glucose
1,3-BPG
G3P: glycérol-3-phosphateGA3P: glycéraldéhyde-3-phosphate1,3-BPG: 1,3 bisphosphate glycéraldéhydeTCA: cycle des acides tricarboxyliques
PKC+G3P DAG
Fructose-6PGFAT
Glucosamine-6P UDP-GlcNac
61
(467), a montré une baisse significative des défenses antioxydantes dans les érythrocytes
(vitamine E, C, A, GSH, SOD, catalase) associée à une augmentation de la peroxydation
lipidique (TBARS) (Sundaram et al., 1996).
La diminution des activités des enzymes antioxydantes pourrait s’expliquer par la
glycation de leur site actif, comme cela a été décrit pour la SOD érythrocytaire (Arai et al.,
1987). Des expériences de glycation in vitro ont également montré une altération des activités
enzymatiques de la catalase (Yan et Harding, 1997) de la GSH réductase (Blakytny et
Harding, 1992) ou de la GPx (Baldwin et al., 1995), suggérant une modification de ces
enzymes au cours du diabète.
Certaines études ont rapporté non pas une diminution mais une augmentation des
défenses antioxydantes enzymatiques, suggérant un mécanisme compensatoire à une
production de ROS. Par exemple, une augmentation des activités GPx et catalase
érythrocytaires a été montrée chez des patients DNID (Rema et al., 1995) et une
augmentation des niveaux d’ARNm de la SOD et de la catalase dans le rein de rats
diabétiques a également été mise en évidence (Sechi et al., 1997).
2-5-4-Le stress oxydant et la rétinopathie diabétique
Certaines études ont montré une corrélation entre la présence d’un stress oxydant dans
l’organisme et la rétinopathie diabétique. Par exemple, l’altération du GSH et de la GPx
érythrocytaires de patients DNID, associée à une augmentation de la peroxydation lipidique,
est d’autant plus manifeste lorsque les malades présentent une rétinopathie (Uzel et al., 1987).
Des patients DNID, ayant développé une rétinopathie, montrent également une altération des
activités des enzymes antioxydantes érythrocytaires (Rema et al., 1995).
Mais l’apparition d’un stress oxydant localisé dans la rétine même a également été
démontrée lors d’un diabète clinique et expérimental, et in vitro dans des cellules rétiniennes.
La rétine de rats diabétiques présente en effet une diminution des défenses enzymatiques
antioxydantes (Crouch et al., 1978; Kowluru et al., 1997) ainsi qu’une diminution de
glutathion (Kowluru et al., 1994; Agardh et al., 1998) et une augmentation de TBARS
(Kowluru et al., 1996). L’implication spécifique d’un stress oxydant dans la dégénération des
péricytes, phénomène précoce dans la rétinopathie diabétique, a été proposée par divers
travaux. Une étude récente menée sur des rétines de patients diabétiques, prélevées post-
mortem, montrent en effet une baisse de l’expression de la GSH réductase et de la SOD et une
augmentation du transcrit du gène de la GPx dans les péricytes rétiniens pré-apoptotiques (Li
62
W et al., 1999). Ces auteurs suggèrent un rôle du stress oxydant dans la mort des péricytes.
Cette hypothèse est soutenue par différents travaux montrant que le traitement de rats
diabétiques avec un antioxydant, le trolox (Ansari et al., 1998) ou la nicanartine (Hammes et
al., 1997), ou encore avec un mélange d’antioxydants (Kowluru et al., 2001) prévient la
disparition des péricytes rétiniens. Des expériences in vitro montrent également une altération
des défenses antioxydantes des péricytes rétiniens, cultivés dans un environnement
diabétique. Les péricytes, soumis à des fortes variations en concentration de glucose,
présentent une baisse de GSH intracellulaire, associée à une augmentation de la synthèse de
GPx (Li W. et al., 1998). En revanche, lorsque les péricytes sont cultivés de façon chronique
avec des AGE une augmentation des activités catalase et SOD a pu être mesurée (Paget et al.,
1998).
63
CHAPITRE II
I- INTRODUCTION
Le concept d’apoptose (provenant d’une locution grecque signifiant «chute des
feuilles») a été introduit en 1972 par Kerr et Wyllie pour désigner une forme de mort
cellulaire totalement différente de la nécrose, seule forme de mort connue et individualisée à
cette époque, aussi bien sous l’angle morphologique que biochimique. Alors que la nécrose
est subie passivement par la cellule suite à une agression extérieure, l’apoptose ou mort
cellulaire génétiquement programmée est un processus actif organisé temporellement au
cours duquel la cellule exprime un ensemble de gènes entraînant des modifications
morphologiques, biochimiques et structurales aboutissant à sa destruction «sans trace» et
complète.
La mort cellulaire programmée fait partie intégrante de la physiologie normale d’un
organisme: ce phénomène de mort cellulaire intervient dans l’élimination des cellules âgées
ou endommagées, dans la dégénérescence des cellules surnuméraires, en particulier lors du
développement embryonnaire ou le fonctionnement et l’homéostasie du système immunitaire.
Il est cependant crucial à la survie de l’organisme que cette mort cellulaire soit étroitement
régulée: une mort inappropriée va être aussi délétère pour l’organisme qu’une prolifération
excessive. Un dérèglement de l’apoptose ou de son contrôle est en effet impliqué dans de
nombreuses pathologies humaines. D’une part, l’inhibition de l’apoptose, aboutissant à la
prolifération incontrôlée d’une population cellulaire, joue un rôle fondamental à différentes
étapes de la carcinogenèse ou dans certains désordres auto-immuns. D’autre part, une
stimulation anormale de l’apoptose, conduisant à une perte cellulaire, est observée dans
certaines maladies neurodégénératives caractérisées par une mort neuronale massive
(Alzheimer, Parkinson), dans des maladies cardiovasculaires (infarctus), ou dans le SIDA
caractérisé par la disparition des lymphocytes T4. Plusieurs études suggèrent que l’apoptose
puisse également être impliquée dans les complications vasculaires du diabète, comme la
rétinopathie. Une apoptose excessive a en effet été montrée notamment dans les cellules
neuronales (Barber et al., 1998) et dans les péricytes rétiniens (Mizutani et al., 1996; Li W. et
al., 1997; Podesta et al., 2000).
L'étude des mécanismes moléculaires de l'apoptose a été fortement investie dans
l'optique de développer des outils pharmacologiques visant à corriger une apoptose exacerbée
ou d'induire l'apoptose dans des cas de cancer, par exemple. Mais cette approche ne semble
L’APOPTOSE
64
pas aussi aisée puisqu’il semble exister un continuum entre la mort cellulaire par apoptose et
celle par nécrose. En effet, quelques études rapportent que des cellules, bien que protégées
contre l’apoptose, notamment par une surexpression de protéines mitochondriales de la
famille des Bcl-2 (Meilhac et al., 1999) ou une déficience en caspases, protéases de
l’apoptose (Kolenko et al., 1999), peuvent mourir par nécrose.
II-LES CARACTERISTIQUES DE L’APOPTOSE
Les premières descriptions de l’apoptose ont attribué beaucoup d’importance aux
aspects morphologiques des modifications que subissent les cellules pendant ce phénomène.
Pendant longtemps, la seule façon d’identifier l’apoptose fut d’observer les bourgeonnements
de la membrane cellulaire, la condensation de la chromatine dans le noyau et l’apparition des
corps apoptotiques (Kerr et al., 1972, Duvall et Wyllie, 1986). Puis vinrent la description
moléculaire spécifique de l’apoptose, telle que la fragmentation internucléosomale de la
chromatine, des changements de la composition membranaire ou l’atteinte mitochondriale.
1- Les stigmates morphologiques
Lorsqu’une cellule entre en apoptose, les premiers événements d’atteintes structurales
observables (1) sont la ségrégation de la chromatine à la périphérie de l’enveloppe nucléaire,
la condensation du cytoplasme malgré une intégrité apparente de la membrane plasmique, et
la formation d’invaginations des membranes plasmiques et nucléaires, donnant un aspect de
bourgeon à la surface membranaire périphérique. L’apparition de ces modifications
morphologiques s’accompagne d’un isolement de la cellule apoptotique des cellules voisines.
L’évolution des invaginations membranaires aboutit (2) à la fragmentation de la cellule en
petits éléments, appelés corps apoptotiques, composés de membrane plasmique qui englobe
du cytoplasme, des organites et parfois des fragments nucléaires. Ce n’est que dans cette
deuxième étape du processus apoptotique qu’une altération morphologique d’organites
cytoplasmiques peut être observée, telle que la dilatation du réticulum endoplasmique ou la
désagrégation des polysomes (Kerr et al., 1972). In vivo, (3) les corps apoptotiques sont
rapidement phagocytés par les macrophages ou les cellules voisines avant l’altération des
membranes, dégradés par les lysosomes et réduits en résidus «non-reconnaissables», évitant
ainsi toute réaction inflammatoire (Figure 11). In vitro, (absence de macrophages), ils peuvent
néanmoins être dégradés suivant un processus de nécrose dite secondaire, caractérisée par une
rupture de la membrane plasmique et une désintégration des organites.
65
Figure 11: Les modifications morphologiques
d’une cellule en apoptose et en nécrose
Contrairement à l’apoptose, la nécrose, considérée comme une mort cellulaire non
coordonnée, est caractérisée par une modification de la perméabilité membranaire entraînant
une dilatation du cytoplasme et des organites tels que le réticulum endoplasmique et les
mitochondries: la cellule se gorge d’eau (4). La chromatine nucléaire flocule et la synthèse
protéique diminue. La rupture des membranes (5) conduit au relargage dans le milieu
environnant du contenu cytoplasmique, déclenchant une réaction inflammatoire (Allen et al.,
1997).
2- Les stigmates biochimiques
De nombreux changements biochimiques sont observés dans les cellules apoptotiques.
Il s’agit par exemple d’une modification des flux calciques responsables de l’activation de
nombreuses enzymes, dont des nucléases qui induisent la fragmentation de l’ADN (Ucker et
al., 1992; Wu et al., 2000), de l’activation de transglutaminases impliquées dans la
réorganisation des éléments du cytosquelette menant aux invaginations membranaires et à la
formation des corps apoptotiques (Gentile et al., 1992), de l’activation de protéases à
cystéines (les caspases), de la production accrue de céramides ou encore de la génération de
radicaux libres…
(1)
(3)
(2)(4)
(5)
nécrose apoptose
66
2-1- L’externalisation de marqueurs membranaires
Si l’intégrité de la membrane plasmique des cellules apoptotiques est préservée, la
membrane est néanmoins modifiée. Elle perd en effet son asymétrie et expose un
phospholipide particulier, la phosphatidylsérine (PS), sur le feuillet externe de la membrane.
Les mécanismes d’une telle translocation sont encore mal définis, mais pourraient être liés à
l'inhibition d'une translocase (qui transporte les PS et les PE sur le feuillet interne) et à la
stimulation Ca2+-dépendante d’une "scramblase" responsable du phénomène flip-flop des
phospholipides (Bratton et al., 1997). Ce phénomène apparaît tôt dans l’apoptose et semble
indépendant du type cellulaire. Un changement de l’expression de sucres est également
observé à la surface des cellules apoptotiques ou de ces fragments (Duvall et al., 1985). Ces
sucres sont reconnus par les récepteurs de la vitronectine et de la fibronectine des
macrophages (Savill et al., 1990; Fadok et al., 1992).
In vivo, l’expression précoce de ces différents marqueurs membranaires à la surface des
cellules entrant en apoptose permet la reconnaissance des cellules apoptotiques et donc une
élimination précoce afin d’éviter toute réaction inflammatoire.
2-2- La fragmentation de l’ADN
La mort par apoptose est caractérisée par un clivage de la chromatine nucléaire en
fragments double-brins. L’activation de la première endonucléase décrite, une endonucléase
calcium-dépendante, provoque la fragmentation de l’ADN au niveau des régions charnières
entre les oligonucléosomes, sur lesquels s’enroule l’ADN, libérant ainsi des éléments
nucléaires dont la taille est un multiple entier de 180-200 paires de bases et donnant ainsi un
aspect d’échelle sur gel d’agarose (Wyllie, 1980). Cette «échelle d’ADN» a longtemps été
considérée comme une caractéristique de l’apoptose. Cependant, des résultats plus récents ont
montré que l’apoptose pouvait s’accompagner de fragmentation de l’ADN en éléments de
grandes tailles (50-300 kb), visibles uniquement en électrophorèse en champ pulsé (Cohen et
al., 1992). Le clivage de l’ADN semble ainsi procéder par étapes successives: la première
correspond à la fragmentation en éléments de grandes tailles due à l’activation
d’endonucléases calcium-dépendantes, telles que l’ADNaseII (Wu et al., 2000) et une
nucléase de 40kDa (DNAseI-like endonucléase) (Ucker et al., 1992). La seconde étape fait
intervenir des endonucléases magnésium et/ou calcium dépendantes, telles que l’ADNaseI
(Oliveri et al., 2001) ou CAD (caspase activated DNAse) (Enari et al., 1998) aboutissant à la
formation de fragments de petites tailles.
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Toutefois, bien que le clivage internucléosomal soit décrit dans de nombreux types
cellulaires, ce processus ne semble pas être une condition sine qua non de l’apoptose. Une
absence de fragmentation de l’ADN a en effet été mise en évidence dans des cellules
apoptotiques (Cohen et al., 1992, Collins et al., 1992). En revanche, des fragments de 100-
300 kpb ont également été observés dans des cellules en nécrose (Bicknell et Cohen, 1995).
La fragmentation d’ADN ne peut donc être considérée comme caractéristique de l’apoptose
que lorsqu’elle est associée à une morphologie typique de l’apoptose.
2-3- L’atteinte mitochondriale
Depuis la découverte de Bcl-2, protéine inhibant l’apoptose et située dans la
membrane des mitochondries (Sentman et al., 1991), de nombreux auteurs ont mis en
évidence l’implication des mitochondries au cours du processus apoptotique. Leur
participation dans l’apoptose est associée à une transition de la perméabilité membranaire
(MTP) et un effondrement du potentiel transmembranaire mitochondrial (∆Ψm), résultant de
l’ouverture de mégapores mitochondriaux. Du fait de sa haute concentration en solutés, un
gonflement osmotique progressif de la matrice est parfois observé, dont l’aboutissement
ultime est la rupture physique de la membrane externe. L’ouverture de ces pores est décrite
comme l’étape d’intégration du signal apoptotique et de non-retour de la cellule vers
l’apoptose. La MPT peut en effet être induite directement par de nombreux facteurs
apoptotiques tels que : - le calcium, - les espèces réactives de l’oxygène, - un changement de
pH (Crompton, 1999) et - Bax, protéine pro-apoptotique de la famille des Bcl-2 (Marzo et al.,
1998b), mais également de façon indirecte par : - des caspases, - des céramides, - la protéine
p53 (suppresseur de tumeur), capables de moduler l’activité de protéines de la famille des
Bcl-2 (cf chapitre La famille des Bcl-2).
Les conséquences de l’ouverture des mégapores sont multiples: rupture du
métabolisme énergétique, formation de radicaux libres lors du découplage de la chaîne
respiratoire, libération de facteurs apoptotiques séquestrés dans la matrice, comme le
cytochrome c, des caspases, AIF (Apoptosis Inducing Factor), augmentation de la
concentration de Ca2+ intracellulaire…(Petit et al., 1997; Gross et al., 1999). Cette altération
des mitochondries se produit avant les changements biochimiques de la membrane plasmique
et la fragmentation de l’ADN.
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III- LES MECANISMES MOLECULAIRES DE L’APOPTOSE
L'apoptose peut être divisée en trois phases séquentielles dans le temps, (1) la phase
d'initiation, (2) la phase d'exécution, toutes deux réversibles et modulables par des facteurs
anti-apoptotiques, et (3) la phase de dégradation protéolytique et nucléaire qui est irréversible
et se traduit par des modifications morphologiques et biochimiques (Figure 12).
Figure 12: Modélisation du processus apoptotique
(1) la phase d’induction: de nombreux signaux très différents, physiologiques comme
pathologiques, intra comme extracellulaires ont été identifiés comme pouvant déclencher
l’apoptose. Ainsi l’apoptose peut être induite par la carence en facteurs de croissance (NGF,
Il-2), par certains récepteurs membranaires (Fas, ΤΝF-R) lorsqu’ils sont stimulés et liés à
leurs ligands, par des dommages intracellulaires causés par radiations ionisantes, des agents
cytotoxiques, chocs osmotiques…
(2) la phase d’exécution: les différents signaux de mort sont alors intégrés par la cellule qui,
en fonction de son phénotype et de son état physiologique, va orienter sa réponse vers la mort
ou la prolifération. Cette intégration fait appel à un certain nombre de médiateurs
intracellulaires anti- ou pro-apoptotiques tels que les caspases, le stress oxydant, les protéines
de la famille de Bcl-2, les céramides...
(3) la phase de dégradation: en dépit de la diversité de ces signaux de mort, toutes les
cellules engagées dans le processus apoptotique montrent des modifications morphologiques
et biochimiques similaires suggérant l’existence d’une phase effectrice commune à tous les
types cellulaires.
Signal Médiateurs intracellulaires
Intégrationdes signaux Effecteurs
Mort cellulaire
(1) phase d’initiation
(2) phased’exécution
(3) phase dedégradation
Phases réversibles et modulables:
* Mitochondrie ?* ...
Phase irréversible:
* dommagescellulaires
* récepteursde mort
* carences enfacteurs decroissance
* radiations* drogues* ...
* caspases initiatrices* famille des Bcl-2* céramides* ROS* p53* kinases/phosphatases* facteurs de transcription* IAP* ...
* caspases effectrices* nucléases
* protéolyse* dégradation de l’ADN
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1- La phase d’induction: les signaux de mort
La phase d’induction de l’apoptose peut être déclenchée par des stimuli aussi variés que
des radiations ionisantes (Farrell et al., 1998), une carence en facteurs de croissance
(Martinou et al., 1999; Tammariello et al., 2000), des drogues cytotoxiques (Bose et al.,
1995; Boland et al., 1997), du glucose (Kaneto et al., 1996), des acides gras (Paumen et al.,
1997; Shimabukuro et al., 1998a et b) ou des cytokines, notamment celles de la famille des
TNF (TNF-α, Fas-L…) par l'intermédiaire de leurs récepteurs, appelés également «récepteur
de mort». Les membres de la famille du TNF-R possèdent un domaine de mort cytoplasmique
(DD ou Death Domain), essentiel pour l’exécution du programme apoptotique (Itoh et
Nagata, 1993). Parmi les membres de la famille impliqués dans la mort cellulaire, il convient
de citer les récepteurs Fas ou CD95 (Itoh et al., 1991), TNF-R1 ou p55 (Loetscher et al.,
1990), TRAIL-R1 et TRAIL-R2 (TNF-Related Apoptosis-Inducing Ligand) (Chaudhary et
al., 1997). Expérimentalement, l'apoptose peut également être induite par des céramides
exogènes (Obeid et al., 1993) ou des ROS (Goldkorn et al., 1998).
2- De C. elegans aux mammifères
La majeure partie de nos connaissances actuelles sur les mécanismes moléculaires de
la régulation de l’apoptose provient de travaux menés sur le nématode Cænorhabditis elegans
(Hengartner et al., 1994). Ainsi, la sélection par mutagenèse chimique de larves au cours du
développement a permis l’identification de 11 gènes impliqués dans la régulation de la mort
cellulaire programmée chez C. elegans. Parmi ceux-ci trois furent identifiés comme des
régulateurs clés de l’apoptose dans toutes les cellules somatiques. Il s’agit de CED-3, CED-4
et CED-9 (CED pour le gène Cænorhabditis elegans death). CED-3 et CED-4 sont tous deux
requis pour l’apoptose, alors que CED-9 régule négativement ce phénomène.
Le clonage de ces différents gènes a révélé que (Figure 13)
- CED-3 code pour une protéase à cystéine homologue à l’enzyme de conversion de
l’IL-1β: ICE (Interleukin Converting Enzyme) maintenant désignée comme caspase-1 (Yuan
et al., 1993).
- CED-4 code pour une protéine ayant des homologies avec la protéine humaine
APAF-1 (Zou et al., 1997).
- CED-9 code pour une protéine homologue à la protéine anti-apoptotique Bcl-2,
préalablement identifiée chez l’Homme (Hengartner et al., 1994).
70
Figure 13: Conservation des différentes grandes familles de protéines impliquées
dans l’apoptose du nématode aux vertébrés.
3- Les caspases
Certaines protéases ne sont pas simplement des enzymes de dégradation mais des
molécules de signalisation hautement régulées contrôlant des processus biologiques critiques
pour la cellule par le biais de protéolyses limitées et spécifiques. Une famille de protéases, les
caspases, illustre parfaitement ce concept. En effet, de nombreuses études, menées plus
particulièrement au cours de la dernière décennie, ont mis en évidence que ces protéases
jouaient un rôle clef dans la signalisation de l’apoptose. Les caspases, présentes sous la forme
de zymogènes inactifs et activées en réponse à des signaux apoptotiques induisent le
démantèlement et la déstructuration de la cellule en clivant de façon spécifique des protéines
cellulaires clefs.
3-1- La nomenclature et les différentes classifications des caspases
Les caspases ont été impliquées dans l’apoptose avec la découverte du gène ced-3 et
l’identification d’un analogue de son produit (CED-3) chez les mammifères, la protéase à
cystéine ICE (Yuan et al., 1993). Ces travaux précurseurs ont conduit à l’identification d’un
nombre croissant de protéases à cystéine, présentant des homologies de séquences avec CED-
3. Ces protéases présentent une spécificité stricte de clivage de leur substrat après un résidu
acide aspartique. Une nouvelle nomenclature proposée par Alnemri et al. (1996) les regroupe
désormais sous le nom de caspases (cysteine aspartate-specific proteases). L’ICE, qui fut
chronologiquement la première identifiée, a donc été tout naturellement rebaptisée caspase-1.
A ce jour, 14 caspases ont été identifiées.
C. elegans Vertébrés
CED-9
CED-4
CED-3
Bcl-2
APAF-1
Caspases
EGL-1 Bik/BakInhibiteurs des régulateurs
Protéases
AdaptateursRégulateurs
71
Différentes classifications de ces protéases ont été proposées en fonction du critère de
comparaison (Figure 14):
(1) L’analyse phylogénétique des caspases a permis de définir trois sous familles: les
famille de la caspase-1 (les caspases-1, 4, 5, 11), la famille de la caspase-2 (les caspases-2, 9)
et la famille de la caspases-3 (les caspases-3, 6, 7, 8, 10) (Alnemri et al., 1996).
(2) En revanche, sur la base de leur spécificité de substrat, les caspases ont pu être
classées différemment en trois sous groupes: le groupe I dont le substrat préférentiel est
[W/L]EHD, le groupe II et le groupe III (Figure 14). Alors que les protéases du groupe II
exigent un résidu aspartate à la fois en position -1 et en -4 du site de clivage protéolytique
(DXXD), les protéases du groupe III sont plus tolérantes vis à vis du résidu aminoacide en
position –4 (XE[I/T/H/V]D) (Thornberry et al., 1997).
(3) La troisième classification proposée tient compte de la fonction des différentes
caspases. Deux grands groupes ont été ainsi définis: les caspases impliquées dans
l’inflammation, responsables de l’activation de cytokines et les caspases apoptogènes
activées au cours de la transduction d’un signal de mort. Se distinguant par leur temps
d'implication dans la voie de signalisation de l'apoptose, ces dernières ont été classées en
deux sous-groupes: les caspases initiatrices, activées au cours la phase d'initiation de
l'apoptose (caspases-2, 8, 9, 10) et les caspases effectrices, activées en cascade par des
caspases initiatrices et impliquées dans la phase de dégradation de l'apoptose (caspases-3, 6,
7) (Alnemri, 1999).
Figure 14: Les différentes classifications des caspases
45
111
3768
10
92
Caspase Groupe
IIII
IIIIIIIIIIIII
IIIII
Substrat préférentiel
(W/L)EHD-X/YVAD-X(W/L)EHD-X
? WEHD-X
DEVD-XDEVD-X
VEHD-X/VEID-NLETD-X
IEXD-X/LEXD-X
LEHD-XVDVAD-X/DEHD-X
Activation de cytokines
Caspasesinitiatrices
Caspaseseffectrices
Famille de la caspase-1
Famille de la caspase-3
Famille de la caspase-2
72
3-2-Les descriptions structurales
Toutes les caspases sont synthétisées sous forme de pro-enzymes inactives. Elles
présentent une séquence peptidique conservée, comprenant un prodomaine N-terminal de
longueur variable, un domaine qui deviendra après clivage la grande sous-unité (de 17 à 21
kDa), nommée p20, et un domaine C-terminal qui constituera la petite sous-unité (de 10 à 14
kDa), nommée p10 (Figure 15).
Les prodomaines sont variables à la fois dans leur taille et dans leur séquence. Ainsi les
caspases-3, 6, 7 ont un prodomaine court (contenant moins de 29 résidus acides aminés) alors
que les caspases-1, 2, 4, 5, 8, 9, 10, 11 ont un prodomaine long (contenant au moins 103
résidus acides aminés, et jusqu’à 200 résidus pour les caspases-8, 10). Les segments N-
terminaux des caspases-8 et 10 contiennent des domaines effecteurs de mort (DED, death
effector domain), alors que les caspases-1, 2 4 et 9 possèdent un domaine de recrutement des
caspases (ou caspase recruitment domain: CARD). Ces différents domaines (DED et CARD)
sont impliquées dans le processus d’activation des caspases par des interactions protéines-
protéines (Chapitre III-3-3-).
Epissage alternatif des caspases-10 et 2
Pour résumer, le masse moléculaire de chacun des précurseurs dépend essentiellement
de la longueur du prodomaine. Toutefois, plusieurs isoformes de tailles distinctes des
caspases-2 et 10 ont été mises en évidence. Ces isoformes résultent d’un épissage alternatif de
l’ARNm. Ainsi, 4 isoformes ont pu être isolées pour la caspase-10 (nommées 10-a, 10-b, 10-c
et 10-d) (Fernandes-Alnemri et al., 1996; Vincenz et Dixit, 1997; Ng et al., 1999). Les
premières isoformes découvertes, 10-a (53 kDa) et 10-b (59 kDa), diffèrent d’un fragment
peptidique (6 kDa) contenu dans la grande sous-unité et de la composition de leur sous-unité
p10. La caspase-10-c (30 kDa) est une protéine tronquée, constituée essentiellement du
prodomaine. Bien qu’elle ne présente pas d’activité protéolytique in vitro, elle est toutefois
capable d’induire l’apoptose in vivo. Enfin la caspase-10-d (59 kDa) est un hybride des
caspases-10-a et 10-b puisqu’elle comporte la sous-unité p10 de la forme 10-a et la sous-unité
p20 de la forme 10-b. Alors que les 4 isoformes de la caspase-10 sont apoptogènes, la
caspase-2, présente sous deux isoformes 2L (48 kDa) et 2S (34 kDa), est capable de réguler
positivement (2L) et négativement (2S) l’apoptose (Wang L. et al., 1994).
Etant donné l’hétérogénéité et les fonctions variables des caspases, j’ai choisi, pour des
raisons de clarté et d’adéquation à mon travail de recherche, de ne traiter par la suite que les
caspases apoptogènes, les caspases initiatrices et effectrices.
73
3-3-Les mécanismes d’activation des caspases
La conversion de la caspase de l’état de zymogène en un enzyme mature nécessite au
moins deux clivages protéolytiques limités au niveau des résidus acides aspartiques, flanquant
chacun la grande sous-unité. Les éléments protéiques de l’enzyme ainsi libérés vont pouvoir
s’assembler de sorte à former un hétérodimère actif de structure générale (p10/p20)2, dont le
domaine catalytique contient la séquence consensus QACXG (Gln-Ala-Cys-X-Gly) (Walker
et al., 1994) (Figure 15).
Figure 15: Mécanisme général d’activation des caspases par protéolyse
Les caspases, protéolysées sur le versant COOH d’un résidu aspartate, ont la
caractéristique de cliver leur substrat également après un aspartate. Ceci leur confère ainsi la
capacité de s’autoactiver et/ou d’être activée par d’autres caspases. Il peut donc y avoir une
cascade d’activation entre les différentes caspases. Une fois les caspases initiatrices activées
(mécanisme d’autoactivation), elles vont pouvoir cliver d’autres caspases encore à l’état de
zymogène, notamment les caspases effectrices (mécanisme d’hétéroactivation).
3-3-1-L’autoactivation des caspases initiatrices
L'autoactivation des caspases initiatrices implique l’oligomérisation des zymogènes,
sous le contrôle de protéines adaptatrices. Ces molécules adaptatrices couplent les
procaspases aux senseurs apoptotiques, tels que les récepteurs de mort ou la mitochondrie. Il
en résulte une concentration locale élevée en proenzymes permettant la protéolyse inter- et
intra-moléculaire.
Prodomaine p20 p10 Procaspase
Caspase matureet active
domaine catalytique
Clivages protéolytiques
QACXG
QACXG
QACXG
74
L’activation des procaspases-2, 8, 10
L’activation des caspases 2, 8 et 10 résulte de la stimulation de récepteurs
membranaires de mort. En réponse à un ligand, le récepteur se trimérise et recrute des
protéines adaptatrices par son domaine de mort DD (figure 16).
La procaspase-8 (Kischkel et al., 1995) ou la procaspase-10 (Kischkel et al., 2001)
oligomérisent par l'intervention de la protéine adaptatrice FADD (Fas protein with DD) au
niveau de leur domaine DED. FADD, par son domaine DD, peut être directement couplé au
récepteur Fas (Chinnaiyan et al., 1995) ou indirectement au TNF-R1 par l’intermédiaire de
TRADD (TNF-R Associated protein with DD) (Hsu et al., 1995) (Figure 16). Le complexe,
ainsi constitué du récepteur, de FADD et de la procaspase, est nommé DISC (death-inducing
signaling domains DED complex).
Le recrutement de la caspase-2 au récepteur se fait par l’interaction séquentielle de
TRADD, sur le domaine CARD de la caspase (Hsu et al., 1995) avec d’autres protéines, sur
les domaines DD, la sérine/thréonine kinase RIP (Receptor Interacting Protein) (Stanger et
al., 1995) et la protéine RAIDD (RIP-Associated ICH-1/CED-3-homologous protein with
DD) (Duan et dixit, 1997) (Figure 16).
Figure 16: L’autoactivation des caspases initiatrices 2, 8 et 10
DD: domaine de mort DED: domaine effecteur de mortCARD: domaine de recrutement des caspasesDISC: complexe de mort (récepteur, FADD, procaspase-8 ou 10)
procaspase-8 ou -10
Fas
FADD
TNF-R1
TRADDFADD
TNF-R1
DISC
procaspase-2
RAIDD
RIPTRADD
75
L’activation de la procaspase-9
Le mécanisme de maturation de la caspase-9 est comparable à celui des caspases
initiatrices 2, 8 et 10. Son activation dépend de la formation d’un complexe multiprotéique,
nommé apoptosome (Li P. et al., 1997), constitué du cytochrome c libéré de la mitochondrie,
de l’homologue humain de CED-4 (Zou et al., 1997): APAF-1 (Apoptotic Protease-
Activating Factor-1), d’ATP et de la procaspase-9 (Zou et al., 1999) (Figure 17).
Dans ce complexe, APAF-1 joue le rôle de protéine adaptatrice. Il possède en effet une
région de liaison CARD, impliquée directement dans le recrutement de la procaspase-9 (Li P.
et al., 1997). Lorsque les cellules sont quiescentes, APAF-1, est séquestré à la surface de la
mitochondrie (Zou et al., 1997) dans une conformation tridimensionnelle inactive. Dans un
contexte apoptotique, le cytochrome c et l’ATP lient APAF-1, induisant un changement
conformationnel permettent de démasquer alors la région CARD: la procaspase-9 est ainsi
recrutée.
Figure 17: La formation de l’apoptosome et l’activation de la caspase-9
3-3-2-La transactivation des caspases effectrices
Les caspases-3, 6 et 7, regroupées sous le nom de caspases effectrices, ne peuvent être
activées par un mécanisme d’autoactivation. En effet, ces protéases disposent d’un
ATP Remaniement conformationnel
Cytochrome cAPAF-1
Mitochondrie
CARD
CARD
CARDATP
ATP
ATP CARD
ATPCARD
CARDCARDCARD
Procaspase-9
Oligomérisation
76
prodomaine court incapable d’initier leur oligomérisation et leur activation. Ainsi leur clivage
protéolytique est pris en charge par d’autres caspases, généralement des caspases initiatrices.
Des études, menées sur des extraits cellulaires (Srinivasula et al., 1996; Muzio et al., 1997)
ou sur des cellules de levures transfectées (Kang et al., 1999), ont en effet démontré que les
caspases initiatrices sont capables d’activer efficacement les caspases effectrices. Dans ces
systèmes, l’activation protéolytiques des procaspases 3 et 7 par l’action directe des caspases-8
et 10 a été mise en évidence (Nagata, 1997; Stennicke et al., 1998; Kang et al., 1999). De
même, la caspase-9 est capable d’induire l’activation des procaspases-3 et 7 (Li P. et al.,
1997; Srinivasula et al., 1998). Alors que le clivage des procaspases-3 et 7 peut résulter de
l’action directe des caspases-8, 9 et 10, des expériences in vitro montrent que la procaspase-6
est clivée uniquement par les caspases-3 et 7 (Srinivasula et al., 1998; Slee et al., 1999).
Ainsi, les caspases-8, 9, 10 sont décrites comme les protéases gouvernant l’activation
séquentielle des caspases effectrices dans l’apoptose médiée par les récepteurs ou par la
mitochondrie. Ce type d’activation en cascade permettrait la régulation et l’amplification du
signal apoptotique.
Toutefois, des études in vitro démontrent que les caspases effectrices peuvent également
cliver des caspases initiatrices. Par exemple, la caspase-3 est douée d’une activité
protéolytique vis-à-vis de la procaspase-8 (Stennicke et al., 1998) et des procaspases-2 et 9
(Slee et al., 1999). La caspase-6 active est également capable de protéolyser les caspases
initiatrices-8 et 10 (Slee et al l, 1999). Ces différents travaux suggèrent l’existence d’une
boucle de rétrocontrôle in vivo.
3-4-Les mécanismes de contrôle de l’activation des caspases
Etant donné les effets dévastateurs que pourrait avoir une activation inopportune des
caspases, il n’est pas surprenant que ces acteurs moléculaires de l’apoptose soient étroitement
modulés. En effet, leur activation protéolytique et leur activité enzymatique sont finement
régulées. Leur localisation dans certains compartiments subcellulaires représenterait
également un mode de régulation de ces protéases.
3-4-1- La régulation par phosphorylation
De nombreuses études ont rapporté que l’apoptose pouvait être régulée par des protéines
kinases et des protéines phosphatases (Anderson, 1997). Des études in vitro suggèrent que les
caspases sont des phosphoprotéines. Par exemple, un marquage métabolique de cellules au
77
32P, suivi d’un stimulus apoptotique, a révélé que plusieurs caspases étaient radiomarquées et
que leur phosphorylation inhibait leur activité enzymatique (Martins et al., 1998).
Une autre étude indique que la protéine kinase Akt, activée par des facteurs de
croissance, peut phosphoryler spécifiquement la caspase-9, inhibant ainsi son clivage
protéolytique dépendant du cytochrome c et son activité enzymatique (Cardone et al., 1998).
3-4-2-La régulation redox des caspases
La génération de ROS est susceptible d’affecter directement l’activité enzymatique des
caspases, protéases contenant une cystéine dans leur site actif. Ces dernières requièrent en
effet la présence du groupement thiol réduit pour leur fonction protéolytique (Nobel et al.,
1997; Hampton et al., 1998). La régulation négative des caspases par les ROS a été suggérée.
Par exemple, l’activité enzymatique des caspases, mesurée dans les lysats de cellules Jurkat T
traitées avec Fas-L, est inhibée par l’addition directe de peroxyde d’hydrogène (Hampton et
Orrenius, 1997). Par la suite, cette équipe a également montré, dans les neutrophiles activés
par un ester de phorbol, que l’activité enzymatique de caspases n’est détectée que lors d’une
inhibition de la NADPH-oxydase: la baisse de la production de ROS potentialise ainsi
l’activité protéolytique des caspases (Fadeel et al., 1998). Mais les ROS sont décrits comme
des inducteurs de l’apoptose. Des études de cinétiques d’induction de l’apoptose par le
peroxyde d’hydrogène ont montré en réalité que l’activation de caspases est observable
quelques heures après la génération de ROS (Hampton et Orrenius, 1997). Alors que les
espèces radicalaires inhibent directement l’activité des caspases, elles induisent des
altérations de la mitochondrie, dont l’ouverture des pores de transition de perméabilité. Il en
résulte une libération du cytochrome c, l’activation de la caspase-9 et des caspases effectrices
(Kluck et al., 1997; Stridh et al., 1998).
L'activité des caspases semble également être régulée par une S-nitrosylation
réversible du groupement thiol du site actif. Il a été en effet montré in vitro que la fixation du
monoxyde d’azote (NO) abolit aussi bien l’activation protéolytique (Li J. et al., 1999) que
l’activité enzymatique des caspases (Li J. et al., 1997). Ainsi, NO, présentant également un
rôle pro-apoptotique (Kolb, 2001), peut réguler l’apoptose de certains types cellulaires, tels
que les lymphocytes, les neutrophiles ou les hépatocytes, en inhibant directement les
caspases.
78
3-4-3-La localisation subcellulaire des caspases
Longtemps, les procaspases ont été décrites comme des protéines uniquement
cytosoliques. Des études récentes ont montré que certaines caspases sont également présentes
dans la mitochondrie. En effet, les zymogènes des caspases-2 et 9 (Susin et al., 1999a), de la
caspase-3 (Mancini et al., 1998) et de la caspase-8 (Qin et al., 2001) ont pu être localisés dans
l’espace intermembranaire mitochondrial. Ce n’est qu’en présence d’un signal apoptotique
qu’ils sont libérés dans le cytoplasme où ils sont alors clivés en caspases actives. D’autre part,
les caspases semblent également pouvoir migrer du cytoplasme vers le noyau. En effet, la
présence de la caspase-9 active dans le noyau de neurones et de cardiomyocytes (Susin et al.,
1999) a été démontrée. La localisation nucléaire transitoire de la caspase-3 a également été
mise en évidence (Krajewska et al., 1997). Enfin, la découverte d’un signal de localisation
nucléaire dans le prodomaine de la caspase-2 (Colussi et al., 1998) est un autre argument pour
proposer un rôle fonctionnel des caspases au niveau du noyau.
Ainsi, la séquestration des procaspases dans des compartiments cellulaires (la
mitochondrie ou le cytoplasme) semble constituer un mode de régulation de ces protéases, en
limitant leur activation et en les maintenant à distance de leurs substrats dans les cellules en
vie.
3-4-4-Les inhibiteurs de caspases
L’étape de recrutement des caspases initiatrices aux récepteurs de mort peut être régulée
par une protéine nommée FLIP (FLICE (caspase-8) Inhibitory Protein), identifiée initialement
chez le virus de l’herpès et le virus molluscipox. FLIP contient deux domaines effecteurs de
mort (DED) qui lui permet de lier la protéine adaptatrice FADD et/ou les caspases 8 et 10
(Thome et al., 1997), les rendant ainsi inaccessibles lors de la mise en place du complexe
moléculaire apoptotique sous-membranaire (DISC) (Droin et al., 2001).
La grande famille des protéines homologues à Bcl-2 joue un rôle majeur dans la
régulation de l’apoptose en contrôlant la libération du cytochrome c de la mitochondrie et
l’activation séquentielle de la caspase-9 et des caspases effectrices (chapitre III-4). La
libération du cytochrome c n’apparaît pas comme suffisante pour induire l’activation de la
caspase-9 et des caspases effectrices. En effet, des protéines appartenant à la famille des IAPs
(Inhibitor of Apoptosis Proteins) maintiennent la caspase-9 et les caspases effectrices (3, 7)
inactives, selon un mécanisme d’inhibition compétitive (Deveraux et Reed, 1999). Cette
inhibition est levée par une protéine mitochondriale smac, alors libérée dans le cytosol au
cours du processus apoptotique (Du C. et al., 2000).
79
Les caspases peuvent également être inhibées, de façon plus ou moins spécifique, par
des inhibiteurs peptidiques synthétiques (Garcia-Calvo et al., 1998), développés dans
l’optique d’élucider leur rôle au cours du processus apoptotique. Ces peptides, constitués
généralement de 4 résidus d’acides aminés dont l’aspartate en position P1, miment le site de
clivage des substrats naturels des caspases (Figure 14). Ils sont rendus perméables aux
cellules par des groupements chimiques bloquant les fonctions NH2 et COOH terminales,
comme par exemple les groupements benzyloxycarbonyl (z) ou acétyl (Ac) pour la fonction
NH2 et les groupements aldéhyde (CHO) ou fluorométhylcétone (fmk) pour la fonction
COOH. La structure générale des ces inhibiteurs peptidiques peut être ainsi décrite: z/Ac-
XXXD-CHO/fmk (X définissant un résidu d’acide aminé). Les dérivés aldéhydiques sont des
inhibiteurs réversibles (XXXD-CHO), tandis que les composés méthylcétones (XXXD-fmk),
qui réagissent avec la cystéine du site actif des caspases, sont des inhibiteurs irréversibles.
Initialement synthétisés pour des études in vitro, de rares études rapportent l’utilisation
des ces dérivés peptidiques chez l’animal. Par exemple, l’injection intraveineuse de
l’aspartate modifié z-D-fmk (dérivé néanmoins non spécifique d’une caspase) prévient
l’apoptose dans le foie de rats induite par une ischémie/reperfusion (Cursio et al., 1999). Le
challenge actuel est de développer des inhibiteurs non-peptidiques hautement spécifiques
d’une caspase ciblée, en vue d’une possible utilisation à visée thérapeutique. L’identification
récente de dérivés de la nitroisatine, inhibiteurs sélectifs des caspases-3 et-7 (Lee et al.,
2000), ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques.
3-5- Les substrats protéolysés par les caspases
Le rôle fondamental des caspases est d’éteindre les systèmes de protection cellulaire
en inactivant des protéines impliquées dans le maintien de l’intégrité cellulaire ou la
résistance à l’apoptose, et d’activer des protéines qui participent à la destruction cellulaire.
L’action des caspases sur leurs différents substrats induit l’isolement des cellules
apoptotiques des cellules environnantes, des perturbations du cytosquelette, des altérations de
la réplication et de la réparation de l’ADN, la fragmentation nucléaire et enfin la
désintégration générale de la cellule. C’est en ce sens que les caspases, notamment les
caspases effectrices, sont considérées comme les acteurs moléculaires principaux de la phase
de dégradation au cours du processus apoptotique.
Un grand nombre de protéines substrats de protéolyse par des caspases, autres que les
procaspases, ont été identifiées. Les protéines cibles, clivées après un résidu Asp, regroupent
des protéines impliquées dans la dégradation et la réparation de l’ADN ou dans certaines
80
cascades de signalisation, des protéines cytoplasmiques, nucléaires, ou encore des protéines
des membres de la familles du protooncogène Bcl-2. A titre d’exemple, le clivage de la
protéine ICAD, Inhibiteur de CAD (Caspase-Activated Desoxyribonuclease) induit une perte
d’inhibition de la nucléase CAD menant à la fragmentation de l’ADN nucléaire (Enari et al.,
1998). La dégradation de l'ADN est un phénomène associé à une baisse de la réparation de
l'ADN. Par exemple, le clivage de la protéine PARP (poly(ADP-ribose) polymerase) conduit
à une perte de l’activité de cet enzyme à réparer l’ADN (Lazebnik et al., 1994). Les caspases
clivent également les protéines de la lamina nucléaire, telles que la lamine A (Takahashi et
al., 1996), contribuant à la condensation chromatidienne observée lors du phénomène
apoptotique. Des protéines du cytosquelette, telles que l’actine (Mashima et al., 1997) ou des
protéines impliquées dans le remodelage du cytosquelette, comme Gas-2 (Brancolini et al.,
1995), sont également clivées, menant à la déstructuration et au réarrangement du
cytosquelette et au bourgeonnement de la membrane plasmique. Certaines protéines kinases
sont également clivées par les caspases (PKCδ: Emoto et al., 1995; MEKK-1: Cardone et al.,
1997), produisant des formes tronquées constitutivement actives. Il semblerait que ces kinases
activent en cascade la voie SAPK/JNK (Cardone et al., 1997; Lee et al., 1997), menant à la
phosphorylation de facteurs de transcription, comme c-jun, et régulant la transcription de
gènes. Des protéines anti-apoptotiques de la famille des Bcl-2 sont également clivées. Cette
protéolyse permet d’abolir leurs propriétés protectrices et de produire également des
fragments capables d’induire l’apoptose (Bcl-2: Cheng et al., 1997) alors que le clivage de
certains membres pro-apoptotiques potentialise leurs effets (Bid: Li H. et al., 1998)
Il faut noter aussi que certains substrats ne sont pas clivés dans tous les types
cellulaires. L’actine, par exemple, clivée dans les neurones ou les thymocytes (Villa et al.,
1998) ou la lignée cellulaire U937 (Mashima et al., 1997), n’est pas dégradée dans d’autres
types cellulaires, telles que les péricytes (Shojaee et al., 1999), ou de nombreuses lignées
cellulaires tumorales (Rice et al., 1998). Cette hétérogénéité pourrait refléter des variations
dans l’accessibilité du substrat par les caspases.
3-6-L’apoptose caspase-indépendante
L’implication des caspases dans le processus apoptotique est bien établie. Certaines
études, menées notamment au sein du groupe de G. Kroemer, ont montré cependant que
l’apoptose peut être induite sans la participation de caspases. Ce type d’apoptose semble être
contrôlé par un facteur protéique libéré de la mitochondrie: AIF (Apoptosis Inducing Factor)
81
(Susin et al., 1996; Susin et al., 1999b; Daugas et al., 2000). AIF est une protéine homologue
à la ferredoxine bactérienne ou aux NADH-oxydoréductases, mais qui présente également
une activité protéasique (Susin et al., 1996). Au cours du processus apoptotique, AIF, localisé
dans l’espace intermembranaire de la mitochondrie, est relargué dans le cytoplasme puis
transloqué dans le noyau, où il est capable d’induire à lui seul la condensation de la
chromatine nucléaire et générer des fragments d’ADN (Susin et al., 1999b; Daugas et al.,
2000).
4- La famille de Bcl-2
Les protéines de la famille de Bcl-2 sont les principales actrices de la régulation du
processus apoptotique. Bcl-2 a été la première protéine homologue de CED-9 décrite chez les
mammifères (Vaux et al., 1988). La translocation t(14, 18) retrouvée dans les lymphomes
folliculaires de type B a conduit à l’identification du proto-oncogène Bcl-2 (B cell
lymphoma) chez l’Homme (Tsujimoto et al 1984). Depuis sa mise en évidence, Bcl-2 s’est
révélée faire partie d’une famille sans cesse croissante de protéines régulatrices de l’apoptose.
Si on se réfère à leur fonction biologique, les protéines de la famille de Bcl-2 peuvent être
classées en deux sous-familles: des protéines anti-apoptotiques, telles que Bcl-2 (Hockenbery
et al., 1990), Bcl-XL (Boise et al., 1993), Bcl-W (Gibson et al., 1996) et des protéines pro-
apoptotiques, telles que Bax (Oltvai et al., 1993), Bcl-XS (Boise et al., 1993), Bad (Yang et
al., 1995), Bid (Wang et al., 1996).
Tous les membres de la famille de Bcl-2, à l’exception de Bad et Bid, sont des
protéines membranaires, présentes principalement dans la membrane externe mitochondriale
mais également dans le réticulum endoplasmique ou la membrane nucléaire externe (Nguyen
et al., 1993; Akao et al., 1994). A l’inverse, Bad et Bid sont des protéines cytosoliques dont la
translocation vers la mitochondrie et l’insertion dans la membrane mitochondriale s’effectue
au cours du processus apoptotique (Del Peso et al., 1997; Li H. et al., 1998; Wang et al.,
1999).
4-1-Le rôle des protéines de la famille de Bcl-2
Le mécanisme prédominant par lequel les membres de la famille Bcl-2 régulent
l’apoptose semble être le contrôle de la formation de l’apoptosome (cytochrome c/APAF-
1/caspase-9), en modulant la fuite mitochondriale du cytochrome c. En effet, alors que Bcl-2
(Kluck et al., 1997) ou Bcl-XL (Vander Heiden et al., 1997) inhibent l’apoptose en bloquant
82
directement la sortie du cytochrome c, la surexpression ou l’activation de Bax dans des
cellules (Pastorino et al., 1998) conduit à la libération du cytochrome c.
Deux mécanismes de régulation de la libération du cytochrome c par les protéines de
la famille de Bcl-2 ont été proposés. Ces protéines contrôleraient l’ouverture des mégapores
mitochondriaux en se liant avec une protéine constitutive de ce complexe: l’ANT (Adenosine
Nucleotide Translocator) (Marzo et al., 1998a), induisant ainsi la transition de la perméabilité
mitochondriale, l’effondrement de ∆Ψm et menant à la rupture de la membrane externe
mitochondriale (Figure 18). Mais la formation de grands canaux à cytochrome c est
également proposée. L’équipe de Martinou a démontré récemment la capacité de Bax à
polymériser (Antonsson et al., 2000) et à s’insérer dans la membrane mitochondriale pour
former des grands canaux permettant le passage de cytochrome c (Antonsson et al., 2001),
sans gonflement osmotique ni rupture physique de la membrane (Martinou et al., 1999)
(Figure18).
Divers travaux démontrent par ailleurs que les protéines anti-apoptotiques Bcl-2 sont
également impliquées dans le maintien de l’intégrité mitochondriale. En effet Bcl-2, ou ses
Bax (ou bax-like protéine)
ANT (Adenosine Nucleotide Translocator)
VDAC (voltage-dependant anion channel)
cytochrome C
Matrice
Membrane interne
Membraneexterne
Eau/solutésBcl-2/Bcl-XL
A ) Rupture de la membraneexterne mitochondriale
B ) Formation d’un grand canal
Molécules < 1.5 kDa
∆Ψm
Mégapore
Figure 18 : La sortie du cytochrome c mitochondrial: deux mécanismes proposés
Crêtes
83
homologues, est capable de bloquer la génération de ROS (Kane et al.,1993), de stabiliser le
potentiel transmembranaire en régulant le flux de protons (Vander Heiden et al., 1999), ou
encore de moduler l’homéostasie du calcium mitochondrial (Zhu et al., 1999). Le blocage de
la sortie du cytochrome c par les protéines anti-apoptotiques peut être décrit comme la
conséquence indirecte de leurs effets protecteurs sur l’homéostasie mitochondriale. En effet,
Bcl-2 préviendrait la fuite du cytochrome c en compensant le déséquilibre ionique,
probablement à l’origine de la baisse de ∆Ψm, de l’ouverture des mégapores et de la rupture
de la membrane externe mitochondriale. Il semble en fait que les protéines anti-apoptotiques
régulent plus la physiologie mitochondriale que la simple redistribution du cytochrome c.
4-2-La régulation de la fonction des protéines de la famille de Bcl-2
Une des caractéristiques importantes des protéines de la famille de Bcl-2 est de
pouvoir former des homo- ou des hétérodimères. Il semble en fait que l’équilibre entre la vie
ou la mort soit influencé par le type et la proportion de dimères anti ou pro-apoptotiques
(Oltvai et al., 1993). Ainsi, la formation majoritaire de dimères anti-apoptotiques préserve la
vie cellulaire, alors que la présence accrue de dimères pro-apoptotiques conduit vers la mort
cellulaire. La proportion de chaque type de dimères dépend de l'expression de ces protéines,
de leur niveau de phosphorylation ou encore de clivages protéolytiques.
Le niveau d'expression de ces protéines est modulable. Dans certains modèles
cellulaires, les membres pro-apoptotiques, dont la transcription reste silencieuse dans les
cellules saines, sont transcrits en réponse à un signal de mort. Par exemple, la stimulation de
la transcription du gène Bax est sous le contrôle de la protéine p53 (Miyashita et Reed, 1995),
une protéine qui régule le cycle cellulaire lorsque l’ADN est endommagé.
L’exemple le plus caractéristique de la régulation par phosphorylation est celui de la
protéine Bad. Sa localisation subcellulaire et sa translocation du cytosol vers la mitochondrie
sont sous le contrôle d’enzymes de phosphorylation activées en présence de facteurs de
survie, comme les protéines kinases Akt (Del Peso et al., 1997) ou Raf-1 (Wang H.G. et al.,
1994) et d’une phosphatase, la calcineurine (Wang et al., 1999), activée au cours du
processus apoptotique. A l’état phosphorylé, Bad est séquestré dans le cytosol en se liant avec
une protéine soluble nommée 14-3-3, alors que la déphosphorylation de Bad permet sa
translocation vers la mitochondrie et la formation de dimères pro-apoptotiques. Bcl-2 est
également une phosphoprotéine. La phosphorylation de Bcl-2 potentialise sa fonction anti-
apoptotique sans affecter sa localisation subcellulaire (la mitochondrie). Bcl-2 peut être
84
phosphorylée par différents acteurs enzymatiques, comme la PKCα (Ruvolo et al., 1998). Le
taux de phosphorylation de cette protéine est cependant modulé par la protéine phosphatase
2A (PP2A) (Ruvolo et al., 1999), enzyme activée par les céramides, orientant ainsi la cellule
vers la mort.
Alors que l’adressage mitochondrial de Bad est sous le contrôle de l’état de
phosphorylation, la translocation de Bid du cytosol vers la mitochondrie résulte d’un clivage
protéolytique par la caspase-8 (Li H. et al., 1998). Les membres anti-apoptotiques de la
famille de Bcl-2 peuvent également subir des clivages protéolytiques par des caspases, qui
aboutissent à la génération de fragments C-terminaux pro-apoptotiques (Bcl-2: Cheng et al.,
1997).
5- Le stress oxydant Le stress oxydant, résultant d’un déséquilibre entre la production de radicaux libres
dérivés de l’oxygène (ROS) et leur destruction par les défenses antioxydantes, est décrit
aujourd’hui comme un mécanisme impliqué dans la réponse apoptotique (revues voir:
Chandra et al., 2000; Andrieu-Abadie et al., 2001).
Une faible concentration de H2O2 exogène, une espèce oxydante dérivée des ROS
(Hampton et Orrenius, 1997; Goldkorn et al., 1998) ou des peroxydes lipidiques (Sandstrom
et al., 1994) sont en effet capables de provoquer l’apoptose de cellules en culture. Par ailleurs,
de nombreux inducteurs de l’apoptose, comme le TNF-α (Liu et al., 1998), peuvent altérer les
défenses antioxydantes, par exemple le GSH. D’autres inducteurs, tels que les céramides
exogènes (Quillet-Mary et al., 1997), des drogues cytotoxiques comme la daunorubicine
(Mansat-de Mas et al., 1999) ou encore le glucose (Kaneto et al., 1996) peuvent entraîner la
formation de radicaux libres. De plus, de nombreux antioxydants cellulaires, comme la N-
acétyl-L-cystéine (Liu et al., 1998), et des enzymes antioxydantes, comme la glutathion
peroxydase (Nomura et al., 1999), la catalase (Sandstrom et Buttke, 1993) ou la superoxyde
dismutase (Patel, 1998) sont capables de prévenir l’apoptose.
5-1-La formation des espèces radicalaires de l’oxygène (ROS) dans
l’apoptose
Les ROS peuvent être produits dans la cellule par différentes voies, la principale source
étant la réduction d’une molécule d’O2 en radical anion superoxyde (O2-.). L’O2
-. peut être
formé dans certains organites cellulaires, comme les mitochondries lors d’un
dysfonctionnement de la chaîne respiratoire (Kane et al., 1993). La rupture de la chaîne
85
respiratoire mitochondriale induit la fuite d’électrons au niveau de deux sites principaux, le
complexe I et le complexe III (Fernandez-Checa et al., 1998). Les électrons libérés sont alors
capables de réduire l’oxygène pour générer l’O2-.. Divers travaux ont montré une production
de ROS au niveau mitochondrial dans les cellules apoptotiques. Par exemple, le traitement de
cellules avec le TNF-α augmente la production de ROS par la mitochondrie (Schulze-Osthoff
et al., 1992), alors que la surexpression de la superoxyde dismutase à manganèse, enzyme
antioxydante mitochondriale, inhibe l’effet toxique du TNF-α (Wong et Goeddel, 1988). Bien
que les mécanismes moléculaires exacts mis en jeu dans le dysfonctionnement du transfert
d’électrons restent mal définis, la formation de ROS pourrait notamment résulter de la
libération du cytochrome c (Ghafourifar et al., 1999), constituant essentiel du complexe III de
la chaîne respiratoire. La perte du cytochrome c du complexe III bloque en effet le transfert
d’électrons, ceux-ci s’échappent et réduisent l’oxygène. La libération mitochondriale de
cytochrome c, observée dans de nombreux modèles apoptotiques en réponse à différents
agents de mort, s’accompagnerait donc d’une production parallèle de ROS. D’ailleurs, la
protéine Bcl-2, protéine capable de bloquer la fuite du cytochrome c, inhibe également la
génération de ROS (Kane et al., 1993; Cai et Jones, 1998).
Bien que la mitochondrie soit considérée comme le producteur essentiel de ROS, la
génération du radical anion superoxyde l’O2-. peut également dépendre de certaines activités
enzymatiques. La réduction de l’oxygène en O2-. semble surtout catalysée par des NAD(P)H
oxydases membranaires, présentes dans certains types cellulaires, dont l’endothélium
microvasculaire rétinien (Ellis et al., 1998). Une fois formé, le radical O2-. peut se dismuter
spontanément ou par l’action de superoxyde dismutase, aboutissant à la formation de
peroxyde d’oxygène (H2O2). La génération de O2-. par des NAD(P)H oxydases, a été
rapportée au cours de l’apoptose. La déprivation en facteurs de croissance (Tammariello et
al., 2000), le ligand de Fas (Khwaja et Tatton, 1999), ou encore diverses drogues
anticancéreuses (Sizimu et al., 1998) induisent en effet une formation accrue de ROS en
activant des NAD(P)H oxydases. Celles-ci semblent être sous le contrôle de caspases (Simizu
et al., 1998; Khwaja et Tatton, 1999). L’inhibition de ces NAD(P)H oxydases prévient la
libération de cytochrome c et l’activation des caspases effectrices, suggérant un effet des ROS
générés sur l’intégrité mitochondriale. Il a d’ailleurs été montré que le peroxyde d’hydrogène
(exogène) est capable d’induire l’activation de la caspase-9 (via le cytochrome c) et des
caspases effectrices (Yamakawa et al., 2000). Mais d’autres enzymes, comme
l’hypoxanthine:xanthine oxydase (Frank et al., 1998), les NO synthases (Binder et al., 1999;
86
Ghafourifar et al., 1999) ou les lipoxygénases (O'Donnell et al., 1995), peuvent également
être responsables de la formation de ROS au cours du processus apoptotique.
5-2-La modification des défenses antioxydantes dans l’apoptose
En plus d’une production de radicaux libres excédant les capacités de défenses
antioxydantes, l’induction d’un stress oxydant peut également résulter d’une baisse des
antioxydants cellulaires. Des études font état, par exemple, d’une diminution de glutathion
(GSH) dans différents modèles apoptotiques soumis à Fas (Van den Dobbelsteen et al.,
1996), au ΤΝF-α (Liu et al., 1998), à des drogues comme la puromycine (Ghibelli et al.,
1998) ou du glucose (Li W. et al., 1998). L’altération des défenses antioxydantes
enzymatiques a également été rapportée au cours de l’apoptose. Par exemple, dans les
cellules-β de pancréas en apoptose après traitement au TGF-β, la formation accrue de ROS
résulte d’une baisse de l’expression et de l’activité des enzymes GPX et SOD (Islam et al.,
1997).
Par contre, quelques études décrivent une augmentation des antioxydants cellulaires en
réponse à des stimuli de mort, suggérant que ces cellules sont capables de s’adapter et de se
défendre. Par exemple, la résistance à l’apoptose de cellules cancéreuses MCF-7 soumises au
TNF-α (Briehl et al., 1997) a été associée à une augmentation de l’expression de la SOD.
6- Les céramides Les céramides, lipides appartenant au groupe des sphingolipides, sont impliqués dans la
régulation de diverses réponses cellulaires, comme la prolifération, la différenciation et
l’apoptose (Perry et Hannun, 1998). Le mode d’action et la régulation de la production des
céramides ont été particulièrement investis au cours des dix dernières années, du fait d’un rôle
émergent des céramides comme effecteur moléculaire de l’apoptose. Plusieurs études ont
montré en effet une production de céramides intracellulaires dans les cellules apoptotiques,
précédant l’apparition des atteintes biochimiques et morphologiques de l’apoptose, suggérant
que les céramides puissent être impliqués dans la transduction du signal menant à la mort
cellulaire (Kolesnick et Krönke, 1998; Mathias et al., 1998).
6-1-Le métabolisme des sphingolipides
Les céramides occupent un rôle central dans le métabolisme des sphingolipides. Le
métabolisme des céramides débute par la biosynthèse de novo (Figure 19) initiée par une
87
réaction de condensation de la sérine avec du palmitoyl-CoA, pour former la 3-
cétosphinganine, alors réduite en dihydrosphingosine. La céramide synthase
(dihydrocéramide synthase ou sphinganine N-acyl-transférase) catalyse l’acylation de la
dihydrosphingosine en dihydrocéramide. Les céramides, formés sous l’action d'une
désaturase (dihydrocéramide réductase), s'accumulent sur la face cytosolique du RE (Merrill
et Wang, 1992; Michel et Van Echten-Deckert, 1997) et servent de précurseur pour la
synthèse de sphingolipides complexes, comme les sphingomyélines et divers
glycosphingolipides (Figure 19), alors orientés dans différents compartiments subcellulaires.
De façon réciproque, le catabolisme de ces différents sphingolipides complexes s’opère
en étapes successives sous l’action de divers enzymes et peut mener à la formation de
céramides. Par exemple, les sphingomyélines peuvent être catabolisées par des
sphingomyélinases (SMases), des phospholipases C spécifiques des sphingomyélines, qui
hydrolysent la liaison phosphodiester pour libérer des céramides et de la phosphorylcholine
(Figure 19). Différentes isoformes de SMases ont été identifiées et se distinguent
essentiellement par leur pH optimum d’activité. Deux formes de sphingomyélinases acides
(A-SMase) (pH optimum est de 4.5-5.5) ont été identifiées: une forme sécrétée Zn2+-
dépendante (Spence et al., 1989; Schissel, et al., 1996) et une forme cellulaire Zn2+-
indépendante (Barnholz et al., 1966; Levade et al., 1986), localisée dans les compartiments
cellulaires acides, tels que les lysosomes ou les endosomes (Kanfer et al., 1966), mais
également dans les cavéoles de la membrane plasmique (microdomaines riches en SM) de
différents types cellulaires, comme les fibroblastes (Liu et Anderson, 1995; Zundel et al.,
2000). Quatre formes de la sphingomyélinase neutre (N-SMase) (pH optimum d’activité
7.4) ont été identifiées: le premier enzyme décrit est Mg2+-dépendant (Rao et Spence, 1976)
et est associé à la membrane plasmique (Spence et al., 1982), le second est Mg2+-
indépendant et cytosolique (Okazaki et al., 1994), le troisième est Mg2+et DTT-dépendant et
nucléaire (Tamiya-Koizumi et al., 1989) et le quatrième est présent dans la chromatine et
l’enveloppe des noyaux (Alessenko et Chatterjee, 1995). Enfin, la forme alcaline de la
sphingomyélinase (pH optimum de 9) est un enzyme Mg2+ et Zn2+-indépendant, présent
dans la muqueuse intestinale et la bile (Nyberg et al., 1996).
Le catabolisme des céramides implique l’action de céramidases, produisant des acides
gras et de la sphingosine. Trois isoformes pH-dépendantes de céramidases ont été identifiées:
une céramidase acide, localisée dans les lysosomes (Sugita et al., 1972), une céramidase
neutre membranaire (Slife et al., 1989) localisée dans les cavéoles (Romiti et al., 2001) et
une forme neutre-alcaline (El Bawab et al., 1999) localisée dans la mitochondrie (El Bawab
et al., 2000). Dans la plupart des cas, la sphingosine est métabolisée en sphingosine 1-
88
phosphate par une sphingosine kinase (Spiegel et al., 1996) (voie de la sphingosine 1-
phosphate, Figure 19). Les céramidases exercent une fonction importante dans la régulation
des niveaux endogènes de sphingosine et de sphingosine 1-phosphate. En effet, la voie
majoritaire de formation de sphingosine 1-P semble être la dégradation du céramide plutôt
que sa synthèse de novo (Michel et al., 1997).
Figure 19: Métabolisme des sphingolipides et formation des céramides dans l’apoptose.
(d’après Hannun et Luberto, 2000, Cell. Biology)
6-2- Les voies enzymatiques de formation des céramides dans l’apoptose
La formation des céramides au cours du processus apoptotique peut résulter de
l'activation de la biosynthèse de novo ou de l’hydrolyse de sphingomyélines (SM) par
diverses sphingomyélinases. L'activation de ces voies enzymatiques peut être modulée par
des stimuli physiologiques ou environnementaux (Figure 19).
Sérine + Palmitoyl-CoASérine palmitoyl
transferase3-Cétosphinganine
Sphinganine(dihydrosphingosine)
Acide gras-CoA
Dihydrocéramide
Désaturase
Céramide synthase
Céramide
Sphingomyéline
DAG
Sphingosine
Sphingosine 1-phosphate
Glucosylcéramide
GlycolipidesGangliosides (GD3)
Sphingosine 1-Pphosphatase
Sphingosine kinase
PtdCho
SM synthase
Choline-P
SMases
Céramidases
Céramide synthaseGlucosylcéramide synthaseCérébrosidases
biosynthèse de novo
cycle de la sphingomyéline voie des glycosphingolipides
NH
OH
CH2OH
O
CH3 (CH2)n
Stimuli de stress (drogues, radiations…)Acides gras libres
Stimuli physiologiques (TNFα, IL-1β, Fas-L...) +
+
voie de la sphingosine-1-phosphate
Lactosylcéramide
89
L’induction de la synthèse de novo au cours du processus apoptotique a été observée
en réponse à des stimuli de stress, comme des drogues cytotoxiques, la daunorubicine, dans
des lymphocytes (Bose et al., 1995; Boland et al., 1997) ou les radiations ionisantes dans des
cellules de la peau (Farrell et al., 1998). Les acides gras libres, comme le palmitate,
précurseurs métaboliques, sont également capables d'induire l'apoptose de cellules
hématopoïétiques (Paumen et al., 1997) ou des cellules β du pancréas (Shimabukuro et al.,
1998a et b). Normalement dirigés dans la mitochondrie pour entrer dans le cycle de la β-
oxydation, les acides gras libres en excès sont en effet orientés vers la voie de biosynthèse de
novo des céramides, processus impliqué notamment dans la lipotoxicité de la cellule β
observée au cours du diabète (Unger et Orci, 2001).
Diverses études ont montré la participation de la voie des SMases (A-SMase
membranaire et N-SMases membranaires et nucléaires) dans la formation des céramides au
cours du processus apoptotique. L’implication de l'A-SMase dans la transduction du message
apoptotique semble dépendre du type cellulaire. Son rôle a été démontré dans des cellules
dépourvues en cet enzyme, comme des hépatocytes issus de souris dont les deux allèles du
gène sont inactivés (A-SMase-/-) (Lin et al., 2000; Paris et al., 2001; Kirschnek et al., 2000)
ou des lymphocytes de patients atteints de la maladie de Niemann-Pick (Santana et al., 1996;
Kirschnek et al., 2000), alors que la A-SMase n’interviendrait pas dans les thymocytes ou
des cellules B et T activées (Santana et al., 1996; Lin et al., 2000). L’activation de l’A-
SMase semble également dépendre de la nature du stimulus (Lozano et al., 2001). Des
études ont montré son activation en réponse à Fas-ligand (Brenner et al., 1998; Kirschnek et
al., 2000; Lin et al., 2000) ou à des radiations ionisantes (Santana et al., 1996; Lozano et al.,
2001), mais resterait inactive en réponse à des drogues (Lozano et al., 2001). Toutefois,
certains travaux menés sur des lymphocytes A-SMase-/- avec les mêmes stimuli (anticorps
anti-Fas ou radiations ionisantes) remettent en question le rôle réel de l’A-SMase (Bezombes
et al., 2001).
L’implication de la N-SMase (forme membranaire notamment) dans l’apoptose semble
plus généralement reconnue. Elle a été décrite dans l’apoptose de divers modèles cellulaires,
en réponse à des stimuli aussi variés que des cytokines comme le TNF-α, Fas, l’interleukine-
1, une déprivation en facteurs de croissance (Mathias et al., 1998) ou encore des drogues
cytotoxiques (Bezombes et al., 2001).
90
6-3-Les sites subcellulaires de la production de céramides pro-apoptotiques
Alors que les céramides synthétisés de novo s’accumulent sur la face cytosolique du
réticulum endoplasmique (Michel et Van Echenten-Deckert, 1997), la voie des
sphingomyélinases peut mener à la formation de céramides dans différents compartiments
subcellulaires.
La membrane plasmique
La membrane plasmique contient des microdomaines membranaires, associés à la
cavéoline (les cavéoles) ou non (les radeaux lipidiques). Ces microdomaines sont enrichis en
sphingolipides comme les sphingomyélines et les gangliosides, en cholestérol et en différents
constituants protéiques comme des récepteurs membranaires, tel que TNF-R, des protéines
particulières, comme les protéines à pied d’ancrage glycosyl-phosphatidylinositol (GPI) et
des protéines de signalisation, telle que la famille des src-tyrosine kinases (Brown et London,
2000). Des travaux récents suggèrent que ces structures sont impliquées dans la transduction
du message apoptotique (Ko et al., 1999; Zundel et al., 2000). Des activités
sphingomyélinases acide (Liu et Anderson, 1995; Zundel et al., 2000) et neutre (Veldman et
al., 2001) ont été décrites au niveau de ces microdomaines et sont associées à une production
cavéolaire de céramides.
La formation des céramides sur le feuillet interne ou externe de la membrane semble
dépendre de la SMase impliquée. Dans ces microdomaines, la N-SMase, active à pH neutre,
fonctionnelle au niveau de la membrane plasmique (Hofmeister et al., 1997) et orientée du
coté cytosolique (Veldman et al., 2001) induit l'accumulation de céramides sur le feuillet
interne. Bien que la localisation membranaire de l'A-SMase et son activation (à pH acide)
restent mal définies à l'heure actuelle, son activation pourrait mener à l'accumulation de
céramides sur le feuillet externe de la membrane plasmique. Au niveau de ces
microdomaines, cet enzyme, actif à pH acide, pourrait être naturellement orienté vers la
lumière des cavéoles (espace extracellulaire) ou transloqué de la face interne vers la face
externe (Grassmé 2001) lors d'un stimulus apoptotique. L'acidification nécessaire, possible
par l'activation d'une ATPase (Mineo et Anderson, 1996), nécessiterait l'isolement transitoire
de la lumière de la cavéole du milieu extracellulaire par un phénomène d'internalisation.
Cette hypothèse est soutenue par des travaux qui montrent que, dans des thymocytes traités
avec le TNF-α ou l’IL-1, seule l’activation de la l’A-SMase requiert l’internalisation du
complexe récepteur-ligand (Hofmeister et al., 1997). Les céramides formés sous l'action
d'une A-SMase extracellulaire peuvent également s'accumuler et se compartimenter sur la
91
surface externe de la membrane formant ainsi des radeaux lipidiques, permettant l'agrégation
de récepteurs membranaires et leur activation (Grassmé et al., 2001).
Les lysosomes
Depuis la découverte d’une activité A-SMase dans les lysosomes (Kanfer et al., 1966),
ces organites ont longtemps été considérés comme le seul site d’activation de l’A-SMase.
Bien que les céramides produits sous l’action de l’A-SMase semblent bien participer à la
transduction du message apoptotique, au moins dans certains types cellulaires comme les
lymphocytes (Santana et al., 1996) ou les hépathocytes (Lin et al., 2000; Paris et al., 2001),
leur synthèse dans les lysosomes reste discutée. En effet, l’enrichissement des lysosomes en
céramides, qui résulte de l’endocytose de LDL hydrolysées par une SMase, n’affecte pas le
taux d’apoptose des lymphocytes (Ségui et al., 2000), montrant l’incapacité de ces céramides
à transmettre un message apoptotique. D’ailleurs, les céramides naturels à longue chaîne
formés dans les lysosomes de fibroblastes de patients atteints de la maladie de Farber
(déficience en céramidase acide) restent séquestrés dans ces compartiments acides (Chatelut
et al., 1998). Dans ces modèles montrant la participation de l’A-SMase, il serait alors
intéressant d'étudier la localisation subcellulaire de cet enzyme.
Le noyau
Le noyau, riche en sphingomyélines (Spangler et al., 1975) et pourvu d'une activité N-
SMase (Tamiya-Koizumi et al., 1989; Alessenko et Chatterjee, 1995), semble constituer un
nouveau site de formation de céramides dans des cellules apoptotiques. Par exemple,
l'hypoxie dans des hépatocytes de rat induit l'activation de cet enzyme, la production de
céramides nucléaires et l'apoptose (Tsugane et al., 1999). Mais les mécanismes d'action de
ces céramides nucléaires ne sont pas élucidés à ce jour.
La mitochondrie
Des travaux récents menés au sein du groupe de Hannun (Birbes et al., 2001) montrent
que la mitochondrie pourrait être un nouveau site d'accumulation de céramides pro-
apoptotiques. Ces observations ont été confortées par des données montrant que la
mitochondrie contient bien de la sphingomyéline et des enzymes du métabolisme des
sphingolipides, tels que des activités SMase et sphingomyéline synthase (données non
publiées du groupe Hannun) ainsi qu'une céramidase (El Bawab et al., 2000). Ces différents
travaux ouvrent de nouvelles perspectives quant aux mécanismes d'induction et de régulation
de la formation des céramides mitochondriaux.
92
6-4- Les mécanismes de régulation des voies de synthèse des céramides dans l'apoptose : synthèse de novo et sphingomyélinases
6-4-1-La voie de biosynthèse de novo
La formation des céramides, issus de la voie de biosynthèse de novo est associée à
une augmentation soit de l'activité de la sérine-palmitoyl transférase (SPT) (catalysant la
première étape de synthèse) (Paumen et al., 1997; Farrell et al., 1998; Shimabukuro et al.,
1998a), soit celle de la céramide synthase (ou sphinganine acyl transférase) (catalysant
l’avant dernière étape) (Bose et al., 1995; Boland et al., 1997) (Figure 19). La mise en
évidence de l’activation de la céramide synthase dans le contexte apoptotique a été largement
facilitée par la découverte d’une toxine fongique qui inhibe spécifiquement cet enzyme: la
fumonisine B1 (Wang et al., 1991; Merrill et al., 1996). Le mécanisme d'activation de ces
deux enzymes est encore mal défini à l’heure actuelle. L'augmentation de l'activité
enzymatique résulte généralement d'une augmentation de la transcription et de la synthèse
protéique de ces enzymes, suggérant l'implication de facteurs de transcriptions comme p53
(Dbaibo et al., 1998).
6-4-2- La voie des sphingomyélinases
La régulation de l’activation des N-SMase et A-SMase, majoritairement observée
lors de la stimulation d’un récepteur de mort par son ligand, est sous le contrôle de facteurs
variés, qui semblent être spécifiques de la forme enzymatique impliquée.
La régulation par des protéines adaptatrices
Un modèle du récepteur au ΤΝF-α, développé par l’équipe de Krönke, a permis de
définir l’existence de deux domaines localisés dans la partie cytoplasmique du récepteur,
impliqués spécifiquement dans l’activation des SMases (Wiegmann et al., 1994).
L’activation de la A-SMase dépend d’une région C-terminale, nommée DD (death domain)
(Wiegmann et al., 1999). L’activation de la A-SMase dépend de la formation d’un complexe
protéique constitué des protéines adaptatrices FADD et TRADD (Wiegmann et al., 1999),
recrutées au niveau du domaine DD, et de caspase(s) initiatrice(s) (Brenner et al., 1998;
Schwandner et al., 1998), bien que l’implication des caspases initiatrices 8 et 10/b soit
controversée (Schwandner et al., 1998). L'activation de la N-SMase dépend d'une région
peptidique nommée NSD (Neutral Sphingomyelinase activation Domain). Au niveau de ce
domaine NSD est recrutée spécifiquement une protéine adaptatrice, nommée FAN (Factor
93
Associated with N-sphingomyelinase), capable d’activer directement la N-SMase (Adam-
Klages et al., 1996).
La régulation par des lipides
Le diacylglycérol (DAG) a été le premier lipide décrit dans la régulation de la
production de céramides induite par des récepteurs de mort. Ce médiateur lipidique, résultant
de l’hydrolyse de phosphatidylcholines (PC) par une phospholipase C spécifique de PC (PC-
PLC) est en effet capable d’activer l’A-SMase (Kolesnick, 1987; Schütze et al., 1991;
Wiegmann et al., 1994; Liu et Anderson, 1995). L’exploration de la voie d’activation en
cascade de la PC-PLC et de la A-SMase a été facilitée par la découverte d’un dérivé de
xanthate, le D609, décrit comme un inhibiteur de la PC-PLC (Müller-Decker, 1989). Cette
activation séquentielle a été mise en évidence dans des cellules stimulées par Fas-L (Cifone
et al., 1995; Genestier et al., 1998), TNF-α (Schütze et al., 1992) ou l’interleukine-I (Liu et
Anderson, 1995) et semble prendre lieu dans les cavéoles (Liu et Anderson, 1995). Bien que
certains auteurs aient montré que la production de DAG dépend de l’activation de caspases
initiatrices (Genestier et al., 1998), le mécanisme exact de couplage du récepteur à la PC-
PLC n’est pas élucidé.
L’acide arachidonique (AA), libéeé sous l'action de la phospholipase A2 cytosolique
(cPLA2), est également un régulateur de l’hydrolyse des sphingomyélines en activant la N-
SMase (Jayadev et al., 1997). La production d’AA est clairement liée à l’activation des
récepteurs transmembranaires. Toutefois le mécanisme de couplage de la cPLA2 à la N-
SMase reste à élucider.
La régulation par le glutathion
Des études récentes ont mis en évidence l’importance du statut redox de la cellule
dans la régulation de la production de céramides au cours de l’apoptose. La N-SMase semble
être l’enzyme de formation des céramides régulé par le stress oxydant. Des travaux menés au
sein du groupe de Hannun ont montré, in vitro (Liu et Hannun, 1997) et dans un système
cellulaire (Liu et al., 1998), la régulation négative de la N-SMase par le glutathion réduit. La
baisse de glutathion réduit intracellulaire, observée notamment en réponse au TNF-α (Liu et
al., 1998) ou Fas (Van den Dobbelsteen et al., 1996), induit ainsi la formation de céramides
sous l'action de la N-SMase. Cet effet du glutathion est spécifique de la N-SMase et n'est pas
observé pour l'A-SMase (Liu et Hannun, 1997). Cet enzyme semble, de façon plus générale,
sensible à un environnement oxydant. En effet, l’activation de la N-SMase est également
observée lors de l’addition directe de H2O2 (Goldkorn et al., 1998; Singh et al., 1998) ou d'un
94
traitement des cellules avec des agents prooxydants, tels que la daunorubicine (Mansat-de
Mas et al., 1999) ou l’aminotriazole (Singh et al., 1998). De ces différents travaux menés
dans des cellules, il est toutefois difficile de conclure si les ROS activent directement la N-
SMase ou s’ils agissent indirectement en diminuant la réserve de glutathion réduit.
La régulation par les protéines kinase C
Dans certains modèles cellulaires, les PKC semblent réguler négativement la N-
SMase (Chmura et al., 1996 et 1997; Mansat et al., 1997), modulant ainsi la réponse
apoptotique. Le rôle des PKC a été montré par l’utilisation d’esters de phorbol et de
phosphatidylsérine, suggérant plutôt l’implication de PKC classiques (α, β, γ) et/ou
nouvelles (δ, ε, η, θ, µ) que de PKC atypiques (ζ, λ, ι) (Mansat et al., 1997), ces dernières
étant dépourvues en site de liaison pour les DAG ou les esters de phorbol.
6-5-Les cascades de signalisation activées par les céramides et leurs
conséquences sur l’apoptose
D'une manière générale, les céramides peuvent induire l’apoptose selon deux grands
mécanismes indépendants. Ils peuvent propager un signal de mort en régulant la transcription
de produits de gènes, via la cascade des kinases du facteur de transcription c-jun, ou par un
mécanisme qui met en jeu la mitochondrie (Figure 20). Ces voies de signalisations peuvent
être gouvernées par l'activation de cibles enzymatiques directes des céramides, comme la
CAPK (Ceramide Activated Protein Kinase) (Mathias et al., 1991) ou les CAPP (Ceramide
Activated Protein Phosphatase), dont la PP2A (Protein Phosphatase 2A) (Dobrowsky et al.,
1993). Mais les céramides semblent également pouvoir induire l’apoptose en étant
métabolisés en sphingosine (SP) par une céramidase (Figure 19). Ce sphingolipide est en
effet capable d’orienter la cellule vers l’apoptose en activant, par exemple, la voie des JNKs
(c-JUN-Terminal Kinases) nommée aussi SAPKs (Stress-Activated Protein Kinases) ou en
inhibant la voie mitogénique des MAPK (Mitogen Activated-Protein Kinase) (Pyne, 2001).
6-5-1-Les céramides et la voie des c-JUN-terminal kinases (JNKs)
Des travaux ont montré que l’apoptose céramide-dépendante peut être médiée par la
voie des kinases JNKs (Verheij et al., 1996; Xia et al., 1995) (Figure 20). Bien que la
cascade de signalisation apoptotique intégrant la voie SAPKs/JNKs reste à ce jour mal
définie, son implication conduit à l’activation de certains facteurs de transcription, tels que c-
jun (Sawai et al., 1995). C-jun semble également pouvoir être activé par phosphorylation
95
sous l’action directe d’une CAPP, activée par les céramides (Reyes et al, 1996) (Figure 20).
Dans le contexte apoptotique, les cibles de c-jun semblent être diverses, bien qu’encore mal
définies à l’heure actuelle. Par exemple, dans les cellules T, c-jun, activé en réponse à la
génération intracellulaire de céramides, induit la réponse apoptotique par une régulation
transcriptionnelle de l’ARN messager, tels que ceux pour le ligand de Fas ou le TNF-α (Herr
et al., 1997), qui sont alors adressés à la membrane plasmique, interagissent avec leur
récepteur et amplifient la réponse apoptotique.
6-5-2-Les céramides et la mitochondrie
Au cours du processus apoptotique, l'accumulation intracellulaire de céramides est
souvent associée à une altération mitochondriale, caractérisée par une transition de
perméabilité membranaire (MPT), la génération de ROS et la diffusion libre de facteurs
apoptotiques (caspases, cytochrome c, Apoptosis Initiating Factor ou AIF…). En effet,
divers travaux rapportent que Bcl-2, acteur anti-apoptotique mitochondrial, est un inhibiteur
efficace de l’apoptose induite par les céramides, en prévenant la MPT, la libération du
cytochrome c et l'activation de caspases effectrices (Zhang et al., 1996; Dbaibo et al., 1997).
Les céramides accumulés dans un compartiment subcellulaire distinct de la
mitochondrie semblent induire l’apoptose en activant des facteurs intermédiaires
cytoplasmiques. En effet, l’induction de la MPT par le TNF-α dans des cellules entières est
reproduite dans des mitochondries isolées, incubées avec la fraction cytoplasmique de
cellules traitées par les céramides (Castedo et al., 1996). Un des intermédiaires identifié est
la protéine pro-apoptotique Bad. Des travaux ont montré que les céramides, formés dans les
cavéoles, peuvent activer indirectement la protéine Bad, en inactivant la kinase Akt (Zundel
et Giaccia, 1998; Zundel et al., 2000) sous l’action de la phosphatase CAPP (Salinas et al.,
2000) (Figure 20). La protéine Bad déphosphorylée migre vers la mitochondrie.
Des travaux suggèrent que les céramides peuvent également avoir une action directe
sur les mitochondries (Figure 20). En effet, une accumulation de céramides mitochondriaux a
été observée dans des hépatocytes traités avec le TNF-α (Garcia-Ruiz et al., 1997). Par
ailleurs, les céramides, issus de sphingomyélines de la membrane mitochondriale, peuvent
induire le relargage du cytochrome c (Birbes et al., 2001). Les céramides mitochondriaux
pourraient initier le signal de mort en régulant l'activité des protéines de la famille des Bcl-2.
En effet, les céramides inhibent l’effet anti-apoptotique de Bcl-2 en activant une phosphatase
mitochondriale (PP2A) (Ruvolo et al., 1999), et en inhibant parallèlement la phosphorylation
de Bcl-2 par la PKCα (Lee et al., 1996; Ruvolo et al., 1998). Mais l'accumulation de
96
céramides dans la mitochondrie pourrait également induire un découplage de la chaîne
respiratoire menant à la formation de ROS (Garcia-Ruiz et al., 1997). En effet, les céramides
sont capables d'interagir directement avec des mitochondries isolées et de générer des ROS
(Garcia-Ruiz et al., 1997). Ils semblent agir au niveau du complexe III (Quillet-Mary et al.,
1997) et/ou du complexe I de la chaîne respiratoire mitochondriale (Di Paola et al., 2000).
Figure 20: Conséquences de la production des céramides sur l’apoptose
Indépendamment d'un effet direct sur les mitochondries, les céramides, précurseurs de
la synthèse de glycosphingolipides (Figure 19), peuvent également mener à l'accumulation
rapide d’un ganglioside, le GD3 (De Maria et al., 1997), dont le rôle pro-apoptotique a été
défini récemment (De Maria et al., 1997; Garcia-Ruiz et al., 2000; Rippo et al., 2000). Des
études conduites sur des mitochondries isolées ou des cellules entières ont montré en effet
que le GD3, capable de s'accumuler dans la mitochondrie (Rippo et al., 2000), induit, comme
les céramides, la surproduction de ROS par le complexe III de la chaîne respiratoire, la MPT,
le relargage du cytochrome c et l'activation de caspases effectrices (Garcia-Ruiz et al., 2000)
(Figure 20).
6-6- La régulation des niveaux endogènes de céramides: l’équilibre
survie/mort cellulaire
Les niveaux intracellulaires de céramides résultent d’un équilibre dynamique entre leur
formation et leur métabolisme par divers enzymes: les céramidases couplées à la sphingosine
kinase, la glucosylcéramide synthase et la SM synthase. La régulation de ces enzymes a pour
conséquence directe de moduler les niveaux intracellulaires de céramides, mais également de
générer des lipides mitogéniques (Figure 21).
Apoptose
Mitochondrie Caspases effectrices
Cytochrome C
Céramidesmembranes:-plasmiques-mitochondriales- ...
GD3Céramides
Gangliosides (GD3)
ROS
Synthèse des glycosphingolipides
e-
e- Chaîne respiratoire mitochondriale
Famille de Bcl-2
CA
PP /
CA
PK
C-junJNKs
CAPP
97
6-6-1-La voie de la sphingosine-1-phosphate
Les céramides peuvent être catabolisés en sphingosine (par une céramidase) puis en
sphingosine-1-phosphate (par une sphingosine kinase) (Figure 21). L’équilibre entre les taux
intracellulaires de céramides et de sphingosine-1-phosphate joue un rôle de rhéostat dans la
détermination du devenir cellulaire. En effet, la voie de la sphingosine-1-phosphate
représente un modulateur puissant des effets délétères des céramides, en convertissant les
céramides (médiateur apoptotique) en sphingosine-1-phosphate (médiateur mitogénique)
(Coroneos et al., 1995; Xia et al., 1999; Augé et al., 1999). La sphingosine-1-phosphate
exerce un effet mitogénique en agissant soit par l’intermédiaire de récepteurs membranaires,
nommés GPCR (G protein coupled receptor) selon un mode autocrine (Pynes, 2001), soit au
niveau intracellulaire en activant notamment la voie de signalisation des MAPK (Coroneos et
al., 1995; Cuvillier et al., 1996; Augé et al., 1998). Mais la sphingosine-1-phosphate contre
également l’effet apoptogène des céramides en inhibant la libération mitochondriale de
cytochrome c et de smac (Cuvillier et Levade, 2001) et l’activation consécutive des caspases
effectrices (Cuvillier et al., 1998).
L’activation de cette voie métabolique a été observée en réponse à des facteurs de
croissance, comme le PDGF (Coreneos, et al., 1995), aux LDL oxydées (Augé et al., 1998 et
1999) ou encore à des cytokines, telles que IL-1 (Franzen et al., 2001) ou le TNF-α (Xia et
Sphingosine Sphingosine-1-phosphateCéramidase SK
Céramide
Sphingomyéline
Glucosylcéramide GCS Lactosylcéramide LCS
DAG: diacylglycérolGCS: glucosylcéramide synthaseLCS: lactosylcéramide synthaseSK: sphingosine kinaseSMases: sphingomyélinases
Sphingomyélinesynthase DAG
Sphingomyéline
Palmitoyl CoA+ sérine
SMases
Synthèsede novo
Prolifération
Apoptose
Figure 21: Modulation des niveaux endogènes des céramides: la balance survie/mort cellulaire
98
al., 1999). L’activation séquentielle de céramidase et de sphingosine kinase est généralement
associée à celle de SMases (Coroneos et al., 1995; Xia et al., 1999; Augé et al., 1999;
Franzen et al., 2001) afin de fournir le substrat céramides. Le couplage de ces différentes
activités enzymatiques suggère par ailleurs la colocalisation des enzymes dans un même
compartiment subcellulaire. D’ailleurs, une activité céramidase neutre a été mise en évidence
dans les cavéoles (Romiti et al., 2001), compartiments également pourvus en N-SMase
(Veldman et al., 2001) et la mitochondrie possède une céramidase neutre-alcaline
mitochondriale (El Bawab et al., 2000) et une activité SMase (données non publiées du
groupe Hannun).
La régulation de ces enzymes semble consister essentiellement en des modifications
post-traductionnelles, bien qu’une activation de la synthèse protéique de la céramidase neutre
ait été montrée en réponse à l’IL-1 (Franzen et al., 2001). Les deux enzymes de la voie de la
sphingosine-1-phosphate peuvent être régulées par phosphorylation/déphosphorylation sous
le contrôle d’une PKC (Cuvillier et al., 1996). La sphingosine kinase peut également être
régulée par une interaction directe avec TRAF-2 (TNF receptor-associated factor-2) (Xia et
al., 2002). Une variation de pH intracellulaire, pourrait constituer un mode de régulation des
activités céramidases. Par exemple, la céramidase neutre-alcaline mitochondriale pourrait
être activée en réponse à des facteurs de croissance (induisant une alcalinisation du
cytoplasme). Inversement, il a été montré récemment que cette céramidase possède une
activité céramidase réverse, capable de générer du céramide à partir de la sphingosine (El
Bawab et al., 2001). Cette activité, détectée in vitro à pH acide, pourrait potentiellement être
stimulée au cours de l’apoptose, phénomène au cours duquel une acidification du cytoplasme
est observée, et mener ainsi à l’accumulation de céramides mitochondriaux.
6-6-2-La sphingomyéline synthase
Les céramides peuvent également être reconvertis en sphingomyélines sous l’action
d’une sphingomyéline synthase (Ullman et Radin, 1974). Cette réaction s’accompagne de la
formation de DAG, un puissant agent mitogénique. La sphingomyéline synthase possède la
caractéristique unique de réguler directement les niveaux intracellulaires de deux messagers
lipidiques, les céramides et les DAG, dont les effets sont antagonistes sur le devenir de la
cellule (Luberto et Hannun, 1998). Cet enzyme est vraisemblablement impliqué dans la
régénération de la sphingomyéline après l’activation du cycle sphingomyéline/céramide au
cours du processus apoptotique (Obeid et al., 1993). Cependant, quelques travaux suggèrent
une régulation de l’activité de la sphingomyéline synthase dans la modulation directe des
99
niveaux endogènes des céramides pro-apoptotiques et de leur fonction biologique. Par
exemple, dans une lignée cellulaire cancéreuse Kim-1 traitée avec le TNF-α, l’accumulation
des céramides intracellulaires résulte de l’activation de la N-SMase associée à l’inhibition de
la sphingomyéline synthase (Bourteele et al., 1998). Inversement, l’effet mitogénique du
bFGF (basic fibroblast growth factor) dans des astrocytes a été associé à l’activation de la
sphingomyéline synthase, métabolisant les céramides synthétisés par la voie de novo en
sphingomyélines et en DAG (Riboni et al., 2001). Les mécanismes de régulation de la
sphingomyéline synthase restent à ce jour indéfinis, bien qu’il semble s’agir d’une régulation
post-traductionnelle plutôt que transcriptionnelle (Riboni et al., 2001).
6-6-3-La glucosylcéramide synthase
Les céramides peuvent être glycosylés dans l’appareil de Golgi pour former
séquentiellement les glucosylcéramides (GlcCer) sous l’action de la glucosylcéramide
synthase puis les lactosylcéramides (LacCer) sous l’action de la lactosylcéramide synthase.
Des études récentes ont montré que la voie de conversion des céramides en GlcCer peut être
impliquée dans le contrôle de la réponse cellulaire. En effet, la régulation de la
glucosylcéramide synthase joue un rôle déterminant dans la modulation des niveaux
endogènes de céramides et l’orientation de la cellule vers l’apoptose ou la prolifération. Par
exemple, au cours du processus apoptotique, certaines études ont montré que l’accumulation
des céramides est potentialisée par une baisse parallèle de l’activité de la glucosylcéramide
synthase (Bourteele et al., 1998; Tepper et al., 2000), freinant ainsi sa conversion en GlcCer.
Inversement, l’activation de la glucosylcéramide synthase a été impliquée dans certains
mécanismes de protection contre l’apoptose, notamment dans la résistance aux drogues
cytotoxiques par la réponse MDR (multidrug resistance). En effet, la réponse MDR observée
dans certaines cellules cancéreuses a été associée à une augmentation de l’activité de la
glucosylcéramide synthase (Lucci et al., 1999) induisant la fuite du céramide pro-
apoptotique en GlcCer (Lavie et al., 1996; Lucci et al., 1998). L’implication de cette voie
dans la MDR a été confirmée par des expériences de transfection de l’ARN antisens de la
glucosylcéramide synthase. En effet, l’inhibition de l’expression de la glucosylcéramide
synthase restaure la sensibilité de cellules MCF-7 à l’adriamycine (Liu et al., 2000). Les
mécanismes de régulation de l’activité de la glucosylcéramide synthase dans la MDR, bien
que encore mal définis à l’heure actuelle, pourraient mettre en jeu une régulation
transcriptionnelle de la glucosylcéramide synthase par le céramide lui-même (Komori et al.,
2000).
100
Outre la régulation directe du niveau endogène des céramides, cette voie métabolique
mène à la formation des GlcCer, lipide mitogénique. Initialement identifié dans la maladie de
Gaucher, caractérisée par une altération de l’activité glucosylcéramide glucosidase menant à
l’accumulation du GlcCer (Maret et al., 1985), le rôle mitogénique des GlcCer a été montré
depuis par diverses études. L’utilisation d’activateurs pharmacologiques de la
glucosylcéramide synthase, menant à une accumulation du GlcCer, a permit de suggérer que
ce glycolipide induit l’activation conséquente de PKC membranaire(s) et cytosolique(s)
(Shayman et al., 1991). Il a été montré par ailleurs, que le GlcCer, synthétisé en réponse à
des facteurs de croissance, comme IGF-1 (insulin-like growth factor-1), induit la
prolifération en activant des kinases dépendantes de cyclines du cycle cellulaire (Rani et al.,
1995). Le GlcCer pourrait également induire la prolifération cellulaire en servant de
précurseur pour la synthèse de LacCer, glycolipide capable d’activer une cascade de kinases
intégrant les enzymes Ras, Raf, p44MAPK et menant à l’expression de c-fos (Bhunia et al.,
1996).
Cependant, des études ont montré que certains glycosphingolipides, comme le GD3,
peuvent être impliqués dans le processus apoptotique (De Maria et al., 1997), montrant toute
la complexité de la régulation de la réponse apoptotique par la voie des glycosphingolipides
101
101
MATERIEL ET METHODES
102
103
MATERIEL I- REACTIFS
Les produits pour la culture cellulaire provenaient de Sigma (France) exceptés le SVF
(Gibco, France) et la collagénase/dispase (Roche, France). La BSA (fraction V, délipidée de
tout acide gras), le méthylglyoxal, le DTPA, la résine chelex-100, la N-acétyl-L-cysteine, la
désipramine, l�acide lipoïque, l�ebselen, le PMSF, l�EDTA, la pepstatine A et la leupeptine
(L-2023) ont été fournis par Sigma (France). La zéaxanthine provenait d�Extrasynthèse
(France). Calbiochem (France) a fourni les inhibiteurs peptidiques de caspases, z-VAD-fmk,
z-DEVD-fmk, z-AEVD-fmk, z-IETD-fmk, z-LEHD-fmk. La fumonisine B1, le D609, la
DAG kinase d�Escherichia coli, les céramides et les DAG proviennent de Biomol (France).
Le [γ32P]adénosine-5�trisphosphate (6Ci/µmol) était de Dupont-NEN (France). Les solvants
utilisés pour l�extraction des lipides étaient de «qualité pur pour analyse» et provenaient de
Merck (Allemagne). Les plaques de CCM (silicagel 60 sans marqueur de fluorescence),
utilisées pour les dosages de lipides, étaient de Merck (France). Les kits de marquage à
l�annexine V et de dosage ELISA des oligonucléosomes ont été fournis par Roche (France).
Les colonnes de filtration PC-10 ont été achetées chez Pharmacia (Suède). Les gels
d�électrophorèse (ready gel Tris-HCl 12%), les membranes de nitrocellulose (porosité de 0,45
µm) pour les immunoempreintes et les marqueurs de masses moléculaires (protein precision
standards, broad range) étaient de Bio-Rad (France). Les différents anticorps primaires (0,2
mg/ml) dirigés contre les caspases-10 (sc-7955), -8 (sc-6134), -2 (sc-625) et RAGE (sc-
8230), leur peptide bloquant respectif, les caspases recombinantes humaines utilisées comme
contrôle positif et les anticorps secondaires anti-lapin (sc-2313) et anti-chèvre (sc-2020) ont
été fournis par Biomol (France). La BSA (Fraction V, 96% minimum) employée pour la
saturation des sites de liaisons non spécifiques de la membrane, l�anticorps primaire
monoclonal anti-α actine (A-7811) et l�anticorps secondaire anti-souris (A-0168) provenaient
de Sigma (France). Le lait écrémé en poudre à dissolution instantanée (Régilait), également
employé pour la saturation des sites de liaisons non spécifiques de la membrane, a été acheté
en grande surface. Les films pour autoradiographie (Hyperfilm) et les réactifs de révélation
ECL (Enhanced Chemiluminescence) étaient de Amersham (France). Les dosages de
protéines ont été réalisés à l�aide de membranes de nitrocellulose (porosité de 45µm)
provenant de Polylabo (France).
104
II- APPAREILS
Les dosages spectrophotométriques (dosages de protéines et quantification de
l�apoptose par ELISA) sont réalisés au moyen d�un lecteur de plaques 96 puits iEMS MF
(Labsystems, Finlande). Les cellules marquées à l�annexine V sont observées à l�aide d�un
microscope à fluorescence Axioplan de Carl Zeiss avec un filtre Zeiss IV, n°9 (450 nm <
��excitation < 500 nm and 515 nm < � detection < 565 nm). Pour l�électrophorèse et
l�électrotransfert des protéines, les systèmes Mini-Protean II et Mini-Trans Blot de Bio-Rad
ont été utilisés.
METHODES I- PREPARATIONS DES AGE-METHYLGLYOXAL (AGE-MGX)
Les AGE-MGX sont obtenus en incubant, dans des conditions stériles pendant 50
heures à 37°C, 7,2 mg/ml de BSA et 100 mM de méthylglyoxal (Westwood et al., 1994)
préparés dans un tampon phosphate 100 mM pH 7,4. La BSA-contrôle est obtenue en
incubant de l�albumine dans les mêmes conditions mais sans méthylglyoxal. Les différentes
préparations sont ensuite dessalées sur des colonnes PD-10 (2,5 ml de préparation sont filtrés
et élués par 3,5 ml de DMEM), afin d�éliminer les sels et les carbonyles libres. Les solutions
dessalées sont alors stérilisées (Acrodisc, 0,2 µm), aliquotées et conservées à �20°C.
1-Préparation d'AGE-MGX dépourvus en ions métalliques
Les tampons phosphates contiennent à l�état de traces des ions métalliques (Fe3+,
Cu2+�), capables de lier les protéines natives (Hui et al., 2001; Qian et al., 1998) et les AGE
formant des "glycochélates" (Qian et al., 1998).
Afin d'éliminer les ions métalliques liés aux AGE-MGX préparés dans le tampon
phosphate, les AGE-MGX sont traités avec des chélateurs de métaux. Les AGE-MGX (ou la
BSA-contrôle) n'ont été traités avec des chélateurs qu'après leur préparation. En effet, la
formation de certains produits de glycation est catalysée par des ions métalliques (Sajithlal et
al., 1998). Le traitement avec des chélateurs durant la préparation des AGE-MGX pouvait
ainsi modifier le nombre et la nature des structures AGE formées sur la BSA.
105
Les AGE-MGX (et la BSA-contrôle) sont préparés selon le protocole mentionné ci-
dessus puis incubés dans des conditions stériles pendant 24 heures à 4°C avec a) 0,5 mM de
DTPA (Ka pour Fe3+: 1028 et pour Cu 2+: 1021.4) pour chélater les ions et les inactiver et b)
avec de la résine chelex-100 qui chélate les ions métalliques (4 mg/ml sous agitation
magnétique douce) (préalablement lavée dans de l'eau distillée ) afin d'éliminer les ions
métalliques des solutions protéiques par une simple décantation de la résine. Le DTPA
complexé ou non aux ions métalliques est éliminé en éluant les AGE-MGX (ou la BSA-
contrôle) sur colonne PD-10 avec du DMEM dépourvu en ions métalliques (DMEM incubé
au préalable avec 2 g/l de résine chelex-100 pendant 24 heures à 25 °C sous agitation
magnétique douce). Les préparations d'AGE-MGX (ou de BSA-contrôle) traités avec la
résine chelex-100 sont simplement décantées. Les différentes préparations d'AGE sont
conservées dans des tubes de plastique préalablement lavés dans de l'eau distillée contenant
0,02 N de HCl. Ce procédé permet d'éviter une nouvelle contamination des solutions
protéiques par les ions métalliques adsorbés à la surface des plastiques (Buettner, 1988).
2-Dosage de l'acide ascorbique
Les ions métalliques adsorbés ou chélatés par les protéines conservent une activité
oxydante. Cette propriété est mise à profit pour mettre en évidence la présence d'ions sur les
différentes préparations d'AGE-MGX (ou de BSA-contrôle). L'élimination des ions
métalliques est estimée par une mesure de l'oxydation de l'acide ascorbique par les complexes
protéine:ion (Qian et al., 1998).
Les différentes solutions employées sont traitées au préalable avec de la résine chelex-
100 (2 g/l, 25 °C, 24 heures) et les consommables de plastiques sont lavés avec 0,02 N de
HCl préparé dans de l'eau distillée. Les préparations d'AGE-MGX (ou de BSA-contrôle)
traités ou non avec les chélateurs sont déposées sur un disque de membrane de PVDF (300
µg/cm2). Les membranes sont lavées trois fois dans 150 mM de NaCl puis incubées dans 1 ml
de 20 mM de tampon phosphate (pH 7,4) contenant 200 µM d'acide ascorbique. Au temps
désiré (15 ou 30 min), 0,4 ml de milieu réactionnel est prélevé et dilué dans 0,4 ml d'EDTA 2
mM. L'acide ascorbique non-oxydé résiduel est dosé par spectrophotométrie (266 nm). Une
solution contrôle d'acide ascorbique est réalisée en parallèle en incubant dans les mêmes
conditions une membrane de PVDF seule. L'absorbance de cette solution contrôle au temps
zéro permet de définir le coefficient d'absorption molaire (16.000 M-1cm-1) de l'acide
ascorbique non oxydé en solution et d'estimer la stabilité de celui-ci durant la période de
l'essai (0,6% d'acide ascorbique oxydé en 30 min).
106
II- CULTURE CELLULAIRE
1 Mise en culture primaire des péricytes rétiniens de bœuf
Les yeux de b�uf, fraîchement énucléés, sont transportés de l'abattoir (Corbas, Rhône)
sur un lit de glace, immédiatement nettoyés des tissus extraglobulaires puis rincés dans du
tampon PBS (4°C). Les manipulations ultérieures sont effectuées sous un poste
microbiologique de type II (hotte à flux laminaire vertical) en employant des solutions et du
matériel stériles. Le matériel biologique est maintenu à 4°C sauf indication contraire dans le
protocole.
Les yeux sont aseptisés dans de l'éthanol 70% puis rincés dans du HBSS (sans
Ca2+/Mg2+) avant d'être disséqués à 5 mm postérieur de la cornée. La cornée et le cristallin,
ainsi que l'humeur vitrée, sont retirés laissant apparaître la rétine neuronale. Elle est
délicatement décollée du globe oculaire et de l�épithélium pigmentaire, sectionnée au niveau
du nerf optique puis placée dans une boite de Petri (10 cm) contenant 10 ml de tampon HBSS
pH 7,4. Ce tampon préparé à partir de HBSS sans Ca2+/Mg2+ contient 10 mM de tampon
HEPES (pH 7,4), 100 U/ml de pénicilline et 100 µg/ml de streptomycine. Après 10 min
d'oxygénation par un mélange O2/CO2 (95/5, v/v), de la BSA à 22% est ajoutée jusqu'à une
concentration finale de 0,5% et le pH est ajusté à 7,4 avec quelques gouttes de NaOH 1 N (en
suivant le virage de l'indicateur rouge phénol). La rétine est débarrassée des cellules
pigmentaires noires contaminantes.
Les rétines propres sont transférées par lot de deux dans 10 ml de tampon HBSS puis
découpées à l'aide de ciseaux en petits morceaux (de 2 mm environ), avant d'être
homogénéisées (Dounce 15 ml, piston A, grand espace cylindre-piston) afin de dissocier le
tissu neuronal des microvaisseaux. L'homogénat est centrifugé 5 min à 300 g et le culot est
repris dans 5 ml d'une solution enzymatique de collagénase/dispase (solution de
collagénase/dispase à 1 mg/ml dans du tampon HBSS contenant de l�HEPES et les
antibiotiques (cf. ci-dessus). Cette solution est oxygénée et son pH ajusté à 7,4 avant
l'addition de TLCK (147 ng/ml) et de DNase (200 U/ml). La digestion s�effectue à 37 °C
pendant 30 min et le culot tissulaire est resuspendu par retournement du tube toutes les 10
min, afin de disperser les agrégats.
La suspension est passée sur un filtre nylon de porosité de 70 µm. Les microvaisseaux
retenus sont récupérés dans du tampon HBSS, centrifugés (5 min, 300 g), puis resuspendus
dans 3 ml de milieu de culture (DMEM contenant 10% de SVF, 2 mM de glutamine, 100
107
µg/ml de streptomycine, 100 U/ml de pénicilline). Les fragments de microvaisseaux sont
ensemencés dans une boite de Petri de 6 cm de diamètre enduite avec de la fibronectine (4
µg/cm2). L'attachement des microvaisseaux rétiniens s'effectue dans un incubateur à 37°C
sous une atmosphère d'air humidifiée contenant 5% de CO2. Après 4 heures, les fragments
tissulaires n'ayant pas adhérés sont éliminés. Le milieu de culture est renouvelé toutes les 48
heures jusqu'à ce que les péricytes forment un tapis cellulaire confluent.
2- Trypsination des péricytes rétiniens de bœuf
Lorsqu'une culture de péricytes est confluente, elle est rincée 3 fois avec 3 ml de PBS
(sans Ca2+/Mg2+) à 37 °C, puis incubée avec 1 ml d'une solution de trypsine à 0,5% et
d'EDTA à 0,2%, pendant 2 min à 37°C. Le détachement des cellules est ensuite suivi au
microscope à contraste de phase puis la trypsine est inactivée par addition de 4 ml de milieu
de culture contenant 10% de sérum. Les péricytes sont récupérés, centrifugés 5 min à 180 g et
repris dans 3 ml de milieu de culture frais. Les cellules, sous-cultivées dans un rapport 1:3,
sont alors réensemencées dans des boites enduites de fibronectine (4 µg/cm2). Après les avoir
laissés s'attacher pendant 4 heures à 37°C, le milieu et les débris cellulaires, qui n�ont pas
adhéré à la matrice, sont aspirés et 3 ml de milieu de culture (DMEM contenant 10% de SVF,
la glutamine et les antibiotiques) est ajouté.
3- Culture des péricytes rétiniens en présence de glucose et d’AGE-
méthylglyoxal (AGE-MGX)
Les effets du glucose et des AGE-méthylglyoxal sont testés sur une même sous-culture
de péricytes (cellules issues de la même culture primaire). Au terme du passage P0, les
péricytes, cultivés dans du milieu standard (DMEM-SVF 10%), sont trypsinés puis
réensemencés (1:3, P1) dans le même milieu, enrichi en DHA non-estérifié (10 µM). Cette
supplémentation permet de restaurer la proportion en DHA des cellules à celle observée dans
les microvaisseaux natifs (Lecomte et al., 1996). Les effets d�une forte concentration de
glucose sont testés sur des péricytes incubés avec trois milieux de culture: un milieu
contenant 5 mM de glucose (milieu témoin), un milieu contenant 25 mM de glucose total et
un milieu contenant 20 mM de mannitol + 5 mM de glucose (contrôle osmotique). Afin de
tester les effets d�AGE, une solution d�AGE-MGX (ou son contrôle) est ajoutée au milieu
jusqu�à une concentration finale de 20 µM. Les cellules sont cultivées de façon chronique
avec les différents agents pendant deux passages, soit 15 jours environ.
108
4- Culture des péricytes rétiniens en présence de divers agents
pharmacologiques
Les péricytes sont cultivés dans les mêmes conditions expérimentales que celles citées
ci-dessus, en présence d�AGE-méthylglyoxal (ou de BSA-contrôle) et de divers agents
pharmacologiques (des antioxydants et des inhibiteurs d�enzymes).
Préparation des solutions mères d’agents pharmacologiques:
Les solutions sont stérilisées au moyen d�un filtre Acrodisc stérile (0,2 µm). Les
solutions mères de 5 mM de N-acétyl-L-cystéine (dans le DMEM), de 100 mM de
désipramine (dans l�eau distillée), de 9,4 mM de D609 (dans l�eau distillée), de 2 M d�acide
lipoïque (dans l�éthanol), de 10 mM d�ebselen (dans l�éthanol), de 1,2 mM de zéaxanthine
(dans le DMSO) et de 1,2 mM de c�lentéramine (dans l�éthanol) sont préparées
extemporanément et filtrées avant leur utilisation.
La solution stock de 1 mM de fumonisine B1 (dans l�eau distillée) est filtrée, aliquotée
et conservée à �20°C alors que les solutions stocks de 30 mM de chaque inhibiteur peptidique
de caspases ne sont pas filtrées du fait de l�utilisation d'inhibiteurs et de DMSO stériles. Les
solutions sont aliquotées et congelées à �20°C.
III- DETECTION ET QUANTIFICATION DE L'APOPTOSE DES
PERICYTES RETINIENS
L�apoptose des péricytes est détectée et quantifiée par deux techniques: l�une est basée
sur une détection immunocytochimique par l�annexine V d�un marqueur membranaire
d'apoptose, la phosphatidylsérine, et la seconde permet, par un dosage ELISA, une
quantification de l�ADN nucléosomal libéré dans le cytoplasme de la cellule apoptotique.
1- Marquage à l’annexine V et à l’iodure de propidium
L�annexine V (marquée à la fluorescéine) est une protéine présentant une très forte
affinité pour la phosphatidylsérine, exposée sur le feuillet externe de la membrane des
cellules apoptotiques et nécrotiques. Les cellules mortes fluorescent en vert. L�iodure de
propidium est employé afin de différencier les cellules apoptotiques des cellules nécrotiques.
Cet agent est perméant aux noyaux des cellules nécrotiques uniquement et s�intercale dans
l�ADN, colorant ainsi leur noyau en rouge.
109
Les péricytes (cultivés dans une boite de 3,5 cm de diamètre) sont rincés délicatement
par 1 ml de PBS (37°C) puis incubés (10 min, 37°C) dans l�obscurité avec 500 µl de tampon
HEPES (37°C) contenant 10 µl d�annexine V marquée à la fluorescéine et 10 µl d�iodure de
propidium. Après incubation, la solution de marquage est remplacée par 1 ml de tampon
HEPES (37°C) et les cellules sont observées sous un microscope à fluorescence. Le
pourcentage de cellules nécrotiques et apoptotiques est déterminé sur 10 champs différents,
soit de 300 à 800 cellules au total.
2- Dosage ELISA des oligonucléosomes
Au cours du stade final de l'apoptose, l'ADN génomique subit un clivage
internucléosomal libérant des oligonucléosomes. Les oligonucléosomes libérés dans le
cytoplasme des péricytes apoptotiques sont quantifiés par un dosage immunologique de type
sandwich couplé à une détection enzymatique (Roche). Pour chaque échantillon, le dosage est
réalisé dans un puit enduit à la streptavidine. Cette protéine présente une forte affinité pour la
biotine fixée sur l'anticorps anti-histone qui reconnaît la partie protéique de
l'oligonucléosome. La partie ADN de l'oligonucléosome est reconnue par l'anticorps anti-
ADN couplé à la peroxydase. Après avoir éliminé les anticorps libres, le substrat de la
peroxydase (ABTS: 2,2'-azyno-di[3-éthylbenzthiazoline-sulfonate]) est ajouté ce qui permet
de déterminer la quantité d'oligonucléosomes présents dans l'échantillon (Figure 22).
Les péricytes (106 cellules), récupérés par trypsination puis rincés par du PBS (37°C),
sont comptés puis incubés avec un tampon de lyse (200 µl, 30 min, 25°C). Le lysat cellulaire
est centrifugé (10 min, 200 g), la fraction cytosolique, contenant les oligonucléosomes (20 µl
du surnageant par puit), est déposée dans la plaque de 96 puits puis les 2 anticorps marqués
sont ajoutés avec le milieu réactionnel (80 µl). Les réactions de reconnaissances spécifiques
s'effectuent durant une incubation de 2 heures sous une agitation douce (300 rpm, 25°C). Le
milieu réactionnel est retiré puis une étape de lavages est réalisée avant d'ajouter la solution
de substrat contenant l'ABTS (Table 1). L�expérience est validée au moyen d'une solution
contrôle d'oligonucléosomes, fournie dans le kit, dont l'absorbance corrigée doit être
supérieure à 3.
110
Figure 22: Représentation schématique du dosage des oligonucléosomes
Table 1: protocole du dosage des oligonucléosomes
Un facteur d'enrichissement spécifique en oligonucléosomes est calculé selon:
ABTS
1- puits enduits 2- réaction
3- lavages 4- révélation
streptavidine
anticorps anti-histone biotinylé
anticorps anti-ADN-peroxydase
oligonucléosomes
échantillons blanc contrôle positif
fraction cytosolique 20 µl
tampon d�incubation 20 µl
solution d�oligonucléosomes 20 µl
IMMUNOMIX 80 µl 80 µl 80 µl
- 1/20 anti-histone
- 1/20 anti-ADN
- 18/20 tampon d �incubation
Incubation 2 heures à 25°C (300 rpm)
3 lavages avec 300 µl de tampon d�incubation
Substrat ABTS 100 µl 100 µl 100 µl
Incubation pendant 10 à 20 min
Lecture de l�absorbance à 405 nm (contre le blanc à 495 nm)
∆DO de l'échantillon incubé avec l'agent apoptotique (AGE)
∆DO de l'échantillon incubé avec son contrôle (BSA-contrôle)R =
111
IV-DOSAGE DES CERAMIDES ET DES DIACYLGLYCEROLS (DAG)
DANS LES PERICYTES RETINIENS
Les céramides et les DAG dans les péricytes sont mesurés selon la méthode de Preiss et
al. (1986). Cette méthode est basée sur la phosphorylation des céramides et des DAG par la
DAG kinase, purifiée à partir d'Escherichia coli, en présence d'[γ32P]-ATP (Figure 23).
Figure 23: Marquage au phosphate radioactif des céramides et des DAG
Les péricytes (2 ou 3 boites de 6 cm de diamètre) sont rincés délicatement 3 fois sur
glace par 3 ml de PBS (4°C), puis récupérés par grattage au rubber policeman dans 0,5 ml
d'eau (4°C) et la boite est rincée par 0,5 ml d'eau (obtention de 1 ml de suspension cellulaire
par condition de culture).
1- Extraction des lipides
Les lipides totaux sont ensuite extraits par la méthode de Bligh et Dyer (1959). A cette
suspension cellulaire (1 ml d'eau) sont rajoutés 10 µl de [9,10-3H]-triacylglycérol à 0,5
µCi/ml (standard interne), 3,75 ml d'un mélange chloroforme:méthanol (2:1 v/v), 80 µl de
CH CH (CH2)12 CH3
NH CO R
CH2OH
CH
OH
CH2 O CO R1
CH O CO R2
CH2OH
céramides
diacylglycérols
CH CH (CH2)12 CH3
NH CO R
CH2O
CH
OH
P*
CH2 O CO R1
CH O CO R2
CH2O P*
phosphatidates
céramides-1-phosphateDAG kinase
[γ32P] ATP ADP
P*
R : groupements acyl
phosphate radioactif
112
BHT (5 mM préparé dans l'éthanol). Les solutions sont «vortexées» et maintenues au repos
30 min minimum (ou conservées à 4°C). La séparation des phases aqueuses et organiques est
induite par l'addition de 1,25 ml de NaCl 0.9% et 1,25 ml de chloroforme. Les solutions sont
de nouveau «vortexées» 30 sec puis centrifugées (700 g, 5 min). La phase organique
inférieure est prélevée et l'extraction de la phase aqueuse par 1,5 ml de chloroforme est
répétée 2 fois. Les extraits lipidiques ont été rassemblés, les solvants sont évaporés sous
atmosphère inerte (N2), les lipides sont repris dans un faible volume (1 ml) de mélange éther :
méthanol (9:1 v/v), transférés dans un tube Eppendorf, puis séchés sous azote.
La phase aqueuse, contenant les protéines précipitées, est de nouveau centrifugée.
L'excès de phase aqueuse est retiré et les protéines sont séchées en présence d'acétone sous un
flux d'azote, solubilisées dans du SDS 10%, puis dosées par la technique de coloration au noir
amide.
2- Phosphorylation par la DAG-kinase
2-1- Réactifs et solutions
Solution de détergents: n-octylglucopyranoside 7,5%
Cardiolipine 5 mM
DETAPAC 1 mM
Tampon de réaction: Imidazole 100mM
(pH 6,6) NaCl 100 mM
MgCl2 25 mM
EGTA 2 mM
Solution de DAG kinase: DAG kinase 4,86 mU
DTT 10 mM
Solution d'[γ32P]ATP: [γ32P]ATP 0,5 mCi/ml
(pH 6,6) ATP froid 10 mM
Imidazole 100 mM
DETAPAC 1 mM
113
Solution de glucose: HEPES 10 mM
(pH 7,4) NaCl 135 mM
CaCl2 1,5 mM
MgCl2 0,5 mM
Glucose 5,6 mM
2-2- Réaction de phosphorylation
Une gamme étalon de céramides (25 ng à 2500 ng) et de DAG (25 ng à 2500 ng )
contenant la même quantité de [3H]triacylglycérol est réalisée en parallèle au dosage des
échantillons. L'extrait lipidique sec est solubilisé dans 20 µl de la solution de détergents par 1
min de sonication douce (bain de sonication, 50% de la puissance maximale) suivie d'une
incubation de 15 min à 25°C. La réaction est démarrée par l'ajout de 50 µl de tampon de
réaction, 20 µl de la solution de DAG kinase et 10 µl de la solution d'[γ32P]ATP. La réaction
de phosphorylation est poursuivie pendant 1 heure à température ambiante puis arrêtée par
l'addition de 1 ml du mélange chloroforme:méthanol:HCl 1 N (100:100:1 v/v/v), 170 µl de la
solution de glucose et 30 µl d'EDTA 100 mM. Le mélange est «vortexé» 30 sec puis
centrifugé (10 000 g, 10 min) à température ambiante.
3-Quantification des produits phosphorylés
La phase organique acide (inférieure), contenant les lipides phosphorylés, est prélevée
et évaporée sous un courant d'azote. Les lipides sont repris dans 150 µl d'un mélange éther :
méthanol (9:1 v/v) puis les céramides-1-phosphate sont séparés des phosphatidates et du
triacylglycérol par CCM, développée par le mélange chloroforme:méthanol:acide acétique
(65:15:5 v/v/v).
L�exposition de la plaque de silice à un film autoradiographique (30 min, -80°C) permet
de visualiser les différents lipides phosphorylés. Les taches correspondant aux céramides-1-
phosphate et aux phosphatidates ainsi que les 3 derniers cm avant le front de migration
(contenant le triacylglycérol tritié) sont grattés puis la silice est récupérée dans des pots de
comptage, humidifiée avec 200 µl d�eau et 200 µl de méthanol. La radioactivité émise par le 32P et le 3H est mesurée en présence de 10 ml de liquide de scintillation (picofluor) dans un
compteur à scintillation. La radioactivité émise par le [9,10-3H]-triacylglycérol permet de
calculer le rendement du dosage pour chaque échantillon. Les quantités de céramides et de
114
DAG, présents dans les échantillons, sont alors déterminées après extrapolation à partir des
gammes étalons et rapportées à la quantité de protéines totales.
V- DOSAGE DES PROTEINES PAR COLORATION AU NOIR AMIDE
La technique utilisée a été développée par Schaffner et Weissmann (1973). Ce dosage
est fiable pour une gamme de protéines de 2 µg à 27 µg. Les protéines en solution sont
précipitées par de l'acide trichloroacétique (TCA) puis déposées sur une membrane de
nitrocellulose. Les protéines sont colorées par une solution de noir amide. Le colorant,
proportionnel à la quantité de protéines, est élué puis quantifié par spectrophotométrie.
Les échantillons sont complétés à 270 µl avec de l'eau distillée avant de recevoir 30 µl
de tampon Tris-HCl 1M pH 7,5, contenant 1% de SDS puis 60 µl de TCA 60%. Une gamme
étalon est réalisée en parallèle avec 2, 5, 10, 20 et 27 µg de BSA. Après 2 min d'incubation,
les solutions sont filtrées sur une membrane de nitrocellulose, préalablement mouillée par du
TCA 6%. Le filtre est immergé 2 à 3 min dans une solution de noir amide à 1% (w/v dans
méthanol : acide acétique : eau 45:10:45 v/v/v) puis la coloration non-spécifique de la
membrane sans protéines est éliminée dans des bains successifs d'eau et un bain de solution
de décoloration (méthanol : acide acétique : eau 45:10:45 v/v/v). Le filtre est séché, les taches
bleues sont découpées et éluées dans 1 ml de solution d'élution (NaOH 25 mM et EDTA 50
µM dans éthanol : eau 50:50 v/v). 300 µl de chaque éluat est déposé sur plaque de 96 puits.
L'absorbance est mesurée à 620 nm et la quantification est réalisée à l'aide du logiciel Biolise.
VI-IMMUNODETECTION DES CASPASES ET DE RAGE SUR
MEMBRANE DE NITROCELLULOSE (WESTERN BLOTTING)
1- Préparation des échantillons
Les péricytes (2 à 3 boites de 6 cm), cultivés pendant 15 jours en présence de 3 µM
d'AGE-méthyglyoxal (ou BSA-contrôle), sont déposés sur un lit de glace, lavés 3 fois par du
PBS (4°C) puis grattés à l'aide d'un rubber policeman dans 500 µl de tampon de récupération
(4°C) (Tris-HCl 0,1 M pH 8 contenant 4,4 µM de pepstatine A, 6 µM de leupeptine, 0,6 mM
de PMSF et 10 mM d'EDTA). Afin de limiter la perte de matériel cytoplasmique, la
suspension cellulaire est solubilisée directement dans la boite de Petri par addition de 100 µl
de tampon de lyse concentré 5x (Tris-HCl 0,15 M pH 6,8 contenant 5% de SDS, 12,5 % de
115
glycérol, 12,5% de β-mercaptoéthanol et 1% de bleu de bromophénol). Les pelotes d'ADN,
rendant la solution visqueuse, sont cassées mécaniquement à l'aide de va-et-vients énergiques
dans une seringue équipée d'une aiguille 30G½. Les échantillons protéiques sont alors
chauffés au bain-marie 3 min à 100°C avant d'être déposés sur le gel de polyacrylamide.
2- Electrophorèse sur gel de polyacrylamide en présence de SDS (SDS-
PAGE) et coloration au bleu de Coomassie
L�électrophorèse est réalisée dans des conditions réductrices (β-mercaptoéthanol) et
dénaturantes (SDS) selon la technique de Laemmli (Laemmli U.K, 1970), à tampon
discontinu pour le gel de concentration et de séparation.
Des aliquotes de protéines totales de péricytes (20 µg) sont déposées sur un gel de
polyacrylamide (ready gel Tris-HCl de Bio-Rad), constitué d�un gel de concentration de 4%
d�acrylamide et d�un gel de séparation de 12% d�acrylamide. L�électrophorèse des protéines
est effectuée à 200 V (gel de concentration) puis 100 V (gel de séparation) dans le tampon de
migration (Tris 25 mM, glycine 0,192 M, pH 8,3, SDS 0,1%), jusqu�à ce que le bleu de
bromophénol (repérant le front de migration) atteigne le bas du gel. Des standards protéiques
de masse moléculaire connue (MM) (250, 150, 100, 75, 50, 37, 25, 15, 10 kDa) sont
également déposés (1 µl) afin d�étalonner la migration des protéines et d�estimer leur masse
moléculaire selon la formule:
Le gel est alors utilisé pour un électrotransfert des protéines puis coloré au bleu de
Coomassie, afin de contrôler la qualité de l�électrotransfert. Cette coloration permet une
sensibilité de 0,5 µg de protéines/mm2. Le gel est incubé pendant 15 min avec une solution de
bleu de Coomassie à 0,1 % (w/v dans du méthanol: eau 40:60 v/v) puis la coloration non
(cm)
log (MM)
x
y
log (MM) = mobilité relative (cm)
116
spécifique est éliminée par des lavages successifs dans un mélange méthanol : acide acétique:
eau (40:10:50 v/v/v) jusqu�à laisser apparaître les protéines colorées en bleu. Le gel est séché
sous vide à 80°C.
3- Electrotransfert des protéines sur membrane de nitrocellulose
En fin d'électrophorèse, la membrane, les feuilles de papier Whatman et les éponges de
mousse sont équilibrés pendant 10 min dans le tampon de transfert à 4°C (Tris 25 mM,
glycine192 mM, pH 8,3, méthanol 20% (v/v)). Le sandwich est réalisé en semi-immersion: la
membrane et le gel sont superposés et encadrés de part et d'autre d'un papier et d'une éponge.
L'ensemble, disposé dans une cassette et placé dans la cuve, est immergé dans le tampon de
transfert et les protéines sont transférées du gel (cathode) vers la membrane de nitrocellulose
(anode) électrophorétiquement à 100 V pendant 45 min, à 4°C et sous agitation magnétique.
4- Immunodétection des protéines transférées
Le matériel antigénique utilisé dans notre étude est de source bovine. Ne disposant pas
d�anticorps primaires dirigés contre du matériel bovin, notre choix s�est porté sur des
anticorps polyclonaux présentant une immunoréactivité croisée avec différentes espèces
(Homme, souris et rat).
4-1- Tampons utilisés
Tampon TBS (Tris Buffer Saline): Tris-HCl 10 mM pH 8, NaCl 150 mM
Tampon TTBS (Tween TBS): 0.105% de Tween 20 dans du TBS
Tampon de dilution des anticorps: BSA 1% dans du TTBS
Tampon de saturation des membranes : sa composition est adaptée selon l'anticorps
secondaire employé lors de la révélation.
- pour les anticorps secondaires anti-lapin et anti-souris : lait 10% dans du
TTBS
- pour l'anticorps secondaire anti-chèvre : lait 5% / BSA 5% dans du TTBS
4-2- Révélation des protéines
Après séparation électrophorétique des protéines et électrotransfert, la membrane de
nitrocellulose est colorée au rouge ponceau (3 min dans une solution à 0,2% (w/v dans de
117
l'acide acétique 0,3% (v/v) pour repérer les pistes de migration des protéines) puis décolorée
(bains prolongés dans de l'eau distillée). Les sites de liaisons non spécifiques de la membrane
sont saturés par une incubation dans le tampon de saturation adéquat (cf. chapire 4-1-)
pendant 60 min à température ambiante sous agitation douce (ou alternativement à 4°C
pendant la nuit). La membrane est lavée trois fois (15 min puis 2x5 min) dans du tampon
TTBS avant d�être incubée pendant 120 min avec l�anticorps primaire (Table 2) dilué dans le
tampon de dilution. Une seconde série de lavages dans du TTBS (comme ci-dessus) précède
la deuxième incubation (90 min) avec l�anticorps secondaire couplé à la peroxydase de raifort
(Table 2). La membrane est de nouveau lavée dans du TTBS puis rincée 5 min dans du TBS
avant d�être révélée à l�ECL.
La membrane est séchée rapidement sur du papier absorbant, incubée avec la solution
de détection pour chimioluminescence du kit ECL pendant 1 min puis enveloppée dans du
papier film transparent. Elle est alors exposée à un film autoradiographique "pré-flashé"
pendant une durée allant de 15 sec à 8 min (Table 2) et les films sont développés.
Table 2: paramètres expérimentaux des immunodétections
Les films photographiques ainsi obtenus sont numérisés par un scanner de type GS-700
Imaging Densitometer (Bio-Rad). L�intensité du signal du film pour chaque bande,
correspondant à l'intensité du signal de luminescence émise, est quantifiée par densitométrie
grâce au logiciel Molecular Analyst de Bio-Rad.
4-3- Spécificité de la reconnaissance antigénique
Des peptides bloquants sont commercialisés pour les anticorps primaires anti-caspase-2
et anti-caspase-8. Une pré-absorption de l'anticorps primaire avec son peptide neutralise la
caspase-10 1/2000 1/6000 8 min
caspase-8 1/1000 1/4000 2 min
caspase-2 1/1000 1/3000 1 min
RAGE 1/2000 1/6000 1 min
α-actine 1/10 000 1/16000 15 sec
Ac 1aire Ac 2aire
anti-lapinAc 2aire
anti-sourisAc 2aire
anti-chèvreAntigène Temps
d�exposition
118
reconnaissance de l'antigène par l'anticorps primaire. Cette approche permet ainsi de mettre
en évidence la spécificité de l'immunodétection.
Les anticorps primaires anti-caspase-2 et anti-caspase-8 sont pré-incubés en présence
d'un excès de peptide bloquant (5 fois plus que l'anticorps w/w) dans un faible volume de
PBS (≈ 50 µl), pendant 2 heures à température ambiante (ou la nuit à 4°C). Les membranes
sont révélées selon le protocole décrit ci-dessus en utilisant le complexe peptide-anticorps
primaire au lieu de l'anticorps primaire seul.
4-4- Standardisation des signaux par rapport à l'actine
Afin de standardiser les signaux ECL par rapport aux quantités de protéines déposées
sur les gels, les protéines sont dénudées des complexes anticorps primaires et secondaires
puis révélées avec l�anticorps anti-α-actine. Les membranes sont incubées pendant 30 min à
50°C dans une solution de lavage (0,7% de β-mercaptoéthanol, 10 % de SDS, 62,5mM Tris-
HCl pH 6,8), afin d�éliminer les complexes d�anticorps primaire/secondaire. Au terme de
l�incubation, les membranes sont rincées trois fois dans du tampon TTBS. Puis un nouveau
cycle de révélation avec l'anticorps anti-α-actine est réalisé après saturation de la membrane.
VI- TRAITEMENT STATISTIQUE DES RESULTATS
Les valeurs présentées dans les figures correspondent aux moyennes ± SD de n
expériences indépendantes.
Les effets des AGE-méthylglyoxal sur l'apoptose des péricytes et sur le taux
intracellulaire des céramides et des DAG sont définis comme significatifs par le test des rangs
signés de Wilcoxon. Ce même test a été utilisé pour comparer les différences entre les
moyennes des pourcentages d'inhibition calculées pour chaque agent pharmacologique testé
comparées aux moyennes des groupes contrôle sans agents (0% d'inhibition). Les résultats ont
été jugés statistiquement significatifs si p<0,05
119
119
RESULTATS
120
121
122
L�objectif de ce travail de thèse a consisté dans un premier temps à tester l�hypothèse
que les produits avancés de glycation (AGE) peuvent induire l�apoptose des péricytes
rétiniens en culture et dans l�affirmative à explorer la voie de signalisation intracellulaire mise
en jeu au cours de ce processus apoptotique.
Nous avons ainsi utilisé des cultures primaires de péricytes rétiniens purifiés à partir de
microvaisseaux de b�uf. Nous avons utilisés des cultures primaires et non des lignées
cellulaires afin de conserver la morphologie et la fonction des cellules natives. Pour les
mêmes raisons, les péricytes ont été utilisés jusqu�au deuxième passage seulement. En effet, à
partir du troisième passage, des changements morphologiques (cellules géantes) et un
ralentissement de la prolifération ont été observés.
Nous avons analysé les effets cellulaires d�AGE préparés à partir d�albumine de sérum
de b�uf modifiée par le méthylglyoxal. La concentration de méthylglyoxal utilisée pour la
réaction de glycation de l�albumine a été choisie de sorte à induire des modifications sur les
(des) résidus arginine et lysine, menant à la formation de divers adduits d�AGE, comme
argpyrimidine, des imidazolones, la CEL et MOLD (Westwood et al., 1994; Shiponava et al.,
1997). Ces différents AGE dérivant du méthylglyoxal ont été décrits comme les modifications
chimiques majeures observées dans les protéines tissulaires chez le diabétique (Degenhardt et
al., 1998; Shamsi et al., 1998). Au cours de ce travail, nous avons donc utilisé des AGE-
MGX représentatifs d�AGE qui s�accumulent in vivo au cours du diabète.
Les effets des AGE-MGX ont été testés sur des cellules en prolifération pendant deux
passages, soit environ 15 jours. Une limitation de notre modèle de culture est que le
renouvellement des péricytes dans les microvaisseaux rétiniens est très faible (Engerman et
al., 1967). Néanmoins ce modèle, déjà utilisé par nous-même (Paget et al., 1998) et d�autres
(Porta et al., 1994), été choisi afin de reproduire une certaine chronicité de l�environnement
diabétique des péricytes rétiniens.
123
CHAPITRE I
EFFETS D'AGENTS IMPLIQUES DANS LE
DIABETE (AGE ET GLUCOSE) SUR L’APOPTOSE
DES PERICYTES RETINIENS
L�une des premières altérations structurales observées au cours de la rétinopathie
diabétique est la disparition sélective des péricytes. Les travaux réalisés à partir de rétines
humaines prélevées post-mortem chez des diabétiques ont permis de montrer que les péricytes
mourraient par apoptose (Mizutani et al., 1996, Li W. et al., 1997, Podesta et al., 2000), mais
les agents inducteurs d�un tel mécanisme n�ont pas été clairement identifiés in vivo. De
nombreux travaux ont mis en évidence la toxicité des AGE sur les péricytes in vitro
(Yamagishi et al., 1995; Chibber et al., 1997; Ruggiero-Lopez et al., 1997) et in vivo
(Hammes et al., 1991). L�objectif de l�étude a été de tester dans un premier temps si les AGE-
MGX induisent l�apoptose des péricytes en culture et si ce phénomène est associé à une
production accrue de diacylglycérols (DAG) et de céramides.
I- EFFETS DES AGE-MGX SUR LES PERICYTES RETINIENS
1- L'apoptose des péricytes
Les péricytes rétiniens ont été cultivés de façon chronique durant deux passages
(environ 15 jours) en présence de 3µM d�AGE-MGX et de son contrôle. L�apoptose des
péricytes a été détectée et quantifiée selon deux méthodes.
Dans un premier temps, nous avons observé et quantifié les cellules apoptotiques par un
marquage à l�annexine V et à l�iodure de propidium. Cette technique met en évidence la
translocation de la phosphatidylsérine du feuillet interne vers le feuillet externe de la
membrane plasmique, phénomène biochimique observé au cours de la nécrose et de
l�apoptose. L�annexine V, marquée à la fluorescéine, colore ainsi en vert les membranes
plasmiques des cellules nécrotiques et apoptotiques, mais seules les cellules nécrotiques, dont
la membrane plasmique a perdu son intégrité, sont perméables à l�iodure de propidium
colorant ainsi leur noyau en rouge (Figure 24-A). La proportion des cellules apoptotiques
124
représente 8,9 ± 1,1% (n = 10) du total des péricytes cultivés avec 3 µM d�AGE-MGX contre
2,9 ± 0,34% des cellules cultivées avec la BSA-contrôle (Figure 24-B). Ainsi, les AGE-MGX
induisent une augmentation d�un facteur 3 du taux d�apoptose dans les péricytes. Aucune
cellule nécrotique n�a été observée (<0,1%).
Figure 24: Effet des AGE-MGX (3 µM) sur l�apoptose des péricytes, détectée par un marquage à l�annexine V. Les cellules ont été cultivées pendant deux passages avec 3 µM d�AGE-MGX, ajoutés directement dans le milieu de culture. L�apoptose des péricytes a été détectée A) et quantifiée B) par un marquage à l�annexine V, comme décrit dans la section Matériel et Méthodes. Les résultats sont exprimés en % de cellules apoptotiques et sont la moyenne ± SD de 10 expériences indépendantes. * p<0,05.
L�apoptose des péricytes induite par les AGE-MGX a également été évaluée
qualitativement par un dosage ELISA des oligonucléosomes cytoplasmiques. Au cours de la
phase finale du processus apoptotique, l�ADN génomique subit un clivage internucléosomal,
générant des complexes ADN-histones de taille variable, nommés oligonucléosomes, qui
migrent du noyau vers le cytoplasme. La quantité de complexes ADN-histones, libérés dans
le cytoplasme des péricytes cultivés pendant deux passages avec 3 µM d�AGE-MGX, est
supérieure à celle détectée dans les cellules contrôles. Dans ces conditions, l�enrichissement
spécifique en oligonucléosomes cytoplasmiques (R) est de 2,53 ± 0,59 (n = 4) (Figure 25).
L�effet dose-dépendant des AGE-MGX sur l�apoptose des péricytes a également été
examiné. Les péricytes ont été ainsi cultivés pendant deux passages avec les AGE-MGX (ou
son contrôle) aux concentrations de 1, 3, 10 et 20 µM. L�apoptose des péricytes a été détectée
et quantifiée par une coloration à l�annexine V. Les résultats montrent une réponse
apoptotique dose-dépendante des péricytes aux AGE-MGX (n = 3) (Figure 26). Le facteur 3
0
2
4
6
8
10
12
BSA-contrôle AGE-MGX % d
e ce
llule
s ap
opto
tique
s
*
B)A)
10 µM
125
d�augmentation de l�apoptose dans les péricytes cultivés avec 3µM d�AGE-MGX est
reproduit au cours de cette expérience, bien que les taux d�apoptose soient plus faibles (BSA-
contrôle: 2,5 ± 0,2% et AGE-MGX: 7,4 ± 0,3%) que ceux observés dans la figure 24. Pour
chacune des concentrations testées, aucune cellule nécrotique n�a été observée (<0,1%).
Figure 25: Effet des AGE-MGX (3 µM) sur l�apoptose des péricytes, évaluée par un dosage des oligonucléosomes cytoplasmiques. Les cellules ont été cultivées pendant deux passages avec 3 µM d�AGE-MGX, ajoutés directement dans le milieu. L�apoptose a été évaluée par un dosage ELISA des oligonucléosomes (voir Matériel et Méthodes). Les résultats, exprimés en % du contrôle, sont la moyenne ± SD de 4 expériences indépendantes.
Figure 26: Effet concentration-dépendant des AGE-MGX sur l�apoptose des péricytes rétiniens. Les péricytes ont été cultivés pendant deux passages avec des AGE-méthylgloxal (1, 3, 10 et 20 µM). L�apoptose a été détectée et mesurée par un marquage à l�annexine V (voir Matériel et Méthodes). Les résultats, exprimés en % de cellules apoptotiques, sont la moyenne ± SD de trois expériences indépendantes.
050
100150200250300350
BSA-contrôle AGE-MGX
% d
e B
SA-c
ontr
ôle
0
3
6
9
12
15
18
21
0 5 10 15 20 25
concentration (µM)
% d
e ce
llule
s ap
opto
tique
s
BSA-contrôleAGE-MGx
126
2- La production de DAG et de céramides dans les péricytes
Afin de déterminer si les DAG et les céramides pouvaient être impliqués dans le signal
de transduction menant à l�apoptose, ces deux composés ont été dosés dans les péricytes
incubés pendant deux passages avec 3 µM d�AGE-MGX ou son contrôle. La technique de
dosage employée est basée sur la phosphorylation des DAG et des céramides par la DAG-
kinase d�Escherichia coli en présence de [γP32]ATP. Nous avons pu mettre en évidence une
stimulation de la production des DAG (+ 94 ± 9%, n = 10) et des céramides (+ 85 ± 12 %, n =
10) dans les péricytes rétiniens en réponse aux AGE-MGX (Figure 27).
Figure 27: Effet des AGE-MGX (3 µM) sur la production des céramides et des DAG dans les péricytes. Les cellules ont été cultivées pendant deux passages avec 3 µM d�AGE-MGX. Les céramides et les DAG ont été mesurés par la méthode enzymatique de la DAG-kinase, comme décrit dans la section Matériel et Méthodes. Les résultats sont exprimés en % du contrôle et sont la moyenne ± SD de 10 expériences indépendantes. La quantité de céramides mesurées dans les cellules contrôles (100 %) est de 704 ± 170 ng de céramides/mg de protéines. La quantité de DAG mesurée dans les cellules contrôles (100 %) est de 618 ± 141 µg de DAG/mg de protéines. * p<0,05.
II- EFFETS DU GLUCOSE SUR LES PERICYTES RETINIENS
Afin de vérifier si de fortes concentrations de glucose induisent également l�apoptose
des péricytes, les cellules ont été cultivées pendant deux passages dans un «milieu contrôle»
(contenant 5 mM de glucose), un milieu contenant 25 mM de glucose total ou 20 mM de
mannitol (control osmotique). L�apoptose a été mesurée par un marquage à l�annexine V.
Cette méthode, fiable et quantitative, fournit une mesure de l�apoptose comparable au dosage
des oligonucléosomes (Figures 24 et 25). Un traitement des péricytes n�a pas altéré le taux
basal d�apoptose observé dans le «milieu contrôle» (Figure 28-A). La proportion de cellules
0
40
80
120
160
200
240
% d
e BS
A-c
ontr
ôle
BSA-contrôleAGE-MGX
céramides
*
DAG
*
127
apoptotiques dans les péricytes incubés avec le glucose (2,7 ± 0,25%, n=3) ou le mannitol
(2,4 ± 0,13%, n=3), est en effet comparable à celle mesurée dans les péricytes cultivés avec le
«milieu contrôle» (2,3 ± 0,1%, n=3). Le dosage des DAG et des céramides a permis de mettre
en évidence que le niveau endogène de ces deux médiateurs lipidiques n�a également pas été
affecté. Les quantités de DAG et de céramides mesurées dans les péricytes cultivés avec le
glucose (108 ± 7,4% et 102 ± 4,7% respectivement) et avec le mannitol (102 ± 1,5% et 98 ±
4,4%) ne sont pas différentes de celles dosées dans les cellules contrôles (Figure 28-B).
Figure 28: Effets d�une forte concentration de glucose sur l�apoptose et la production de céramides et de DAG dans les péricytes. Les péricytes ont été cultivés pendant deux passages (15 jours environ) avec 5 mM de glucose (contrôle 5mM), 25 mM de glucose total (glucose 25 mM) ou 20 mM de mannitol (Mannitol 20 mM). A) L�apoptose a été détectée et mesurée par un marquage à l�annexine V, comme décrit dans la section Matériel et Méthodes. Les résultats, exprimés en % de cellules apoptotiques, sont la moyenne ± SD de trois expériences indépendantes. B) Les céramides et les DAG ont été dosés par la méthode de la DAG-kinase (voir Matériel et Méthodes). Les résultats, exprimés en % de variation du contrôle, sont la moyenne ± SD de trois expériences indépendantes. La quantité de céramides mesurés dans les cellules contrôles (100 %) est de 690 ± 110 ng de céramides/mg de protéines. La quantité de DAG mesurés dans les cellules contrôles (100 %) est de 640 ± 126 µg de DAG/mg de protéines.
0
0,5
1
1,5
2
2,5
3
Glucose25 mM
Mannitol20 mM
% d
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llule
s ap
opto
tique
s
Contrôle5 mM
A)
0
20
40
60
80
100
120
140
Contrôle5 mM
Glucose25 mM
Mannitol20 mM
% D
MEM
-con
trôl
e
CERAMIDES
DAG
B)
128
III- IMMUNODETECTION DU RECEPTEUR AUX AGE, RAGE, SUR
LES PERICYTES RETINIENS
Nous avons examiné par immunodétection si le récepteur aux AGE, RAGE, est bien
présent dans les péricytes rétiniens bovins et si son niveau d�expression est modifié en
présence des AGE-MGX. Des protéines de lysats cellulaires de péricytes traités par les AGE-
MGX (ou son contrôle) ont été séparées par électrophorèse sur gel de polyacrylamide puis
transférées sur membrane de nitrocellulose. Celle-ci a été révélée à l�aide d�un anticorps anti-
RAGE, préincubé ou non avec son peptide bloquant, afin de mettre en évidence une
reconnaissance antigénique spécifique. L�intensité des bandes a été standardisée en
quantifiant l�α-actine contenue dans chaque piste. L�utilisation de cette protéine comme
standard interne est fiable, puisqu�elle n�est pas clivée par des caspases dans les péricytes
apoptotiques (Shojaee et al., 1999), comme c'est le cas dans d'autres types cellulaires
(Mashima et al., 1997).
Les résultats montrent la détection de trois bandes dans les pistes 1 et 2, une bande
migrant comme une protéine de masse apparente de 50 kDa de forte intensité et deux bandes
de plus faible intensité migrant comme des protéines de masses apparentes de 36 et 37 kDa
(Figure 29), reconnues spécifiquement. En effet, la pré-incubation de l�anticorps anti-RAGE
avec son peptide bloquant abolit la reconnaissance antigénique (pistes 4 et 5) de ces trois
protéines. L�intensité des bandes de 36 et 37 kDa (piste 2), ramenée à la quantité protéique
déposée (α-actine) pour chaque échantillon, est augmentée de 30% par rapport à celle des
bandes dans la piste 1. En revanche, le niveau de révélation de la protéine de 50 kDa reste
inchangé lorsque les péricytes sont soumis aux AGE-MGX.
129
Figure 29: Immunodétection de RAGE des péricytes rétiniens
Les péricytes ont été cultivés pendant deux passages avec 3 µM d�AGE-MGX (pistes 3 et 5) ou son contrôle (pistes 2 et 4). Les cellules ont été lysées dans un tampon dénaturant contenant des inhibiteurs de protéases (voir Matériel et Méthodes). Les standards de masse moléculaire (MM) (1 µl) (piste 1), les protéines de lysats cellulaires (20 µg) (pistes 2, 3, 4, 5) ont été séparés par SDS-PAGE sur des gels de polyacrylamide de 12% et transférés sur une membrane de nitrocellulose (voir Matériel et Méthodes). La membrane de nitrocellulose a été révélée à l�aide d�un anticorps primaire polyclonal de chèvre anti-RAGE humain, préincubé ou non avec le peptide bloquant, et un anticorps secondaire anti-chèvre de singe couplé à la peroxydase de raifort et révélée par chimioluminescence (voir Matériel et Méthodes). Puis la membrane a été lavée et de nouveau révélée à l�aide de l�anticorps anti-α-actine de souris et un anticorps anti-souris couplé à la peroxydase de raifort (voir Matériel et Méthodes). Les masses moléculaires des protéines sont estimées à l�aide d'un mélange de protéines de masse moléculaire connue (MM). L�immunodétection présentée ici est représentative de 2 expériences indépendantes.
IV- DISCUSSION
Nous avons analysé les effets des AGE-MGX sur l�apoptose des péricytes au moyen de
deux techniques mettant en évidence des altérations biochimiques induites au cours du
processus apoptotique: l�expression de la phosphatidylsérine (PS) à la surface externe de la
membrane plasmique (Bratton et al., 1997) et la dégradation de l�ADN génomique générant
des fragments d�oligonucléosomes de tailles variables (Wyllie, 1980).
α-actine
Peptide bloquant
13090
43
34
55 p50
RAGE (p37 et p36)
MMBSA-co
ntrôle
AGE-MGX
BSA-contrô
le
AGE-MGX
- - - + +
1 2 3 4 5
kDa
42
130
La présence de PS a été détectée par l'annexine V dans 8,9% de péricytes rétiniens
cultivés de façon chronique avec 3 µM d�AGE-MGX, représentant une augmentation d�un
facteur 3 du taux d�apoptose. Cet effet des AGE-MGX a été confirmé par une seconde
technique, qui a mis en évidence un enrichissement en oligonucléosomes cytoplasmiques
dans les péricytes soumis aux AGE-MGX. Nous avons également examiné les effets de
différentes concentrations d�AGE-MGX sur l�apoptose des péricytes rétiniens. Les résultats
ont montré que l�induction de l�apoptose par les AGE-MGX est dose-dépendante. L�analyse
de l�apoptose par un marquage à l�annexine-V et de l�iodure de propidium (nécrose) a montré
par ailleurs que les AGE-MGX, (de 1µM à 20 µM) n�induisent pas de nécrose dans notre
modèle de culture de péricytes rétiniens. Aux concentrations testées, les AGE-MGX ne
semblent pas induire d�effet cytotoxique dans les péricytes. Une étude récente montre que les
AGE employés à des concentration plus élevées (5 mg/ml ou 70 µM) induisent également
l�apoptose dans les péricytes rétiniens, visualisée par un marquage à l�annexine-V et à
l�acridine orange, associée à une altération mitochondriale, atteinte biochimique
caractéristique de l�apoptose (Kim et al., 2002).
Nos résultats suggèrent ainsi que les AGE-MGX induisent l�apoptose des péricytes en
culture. L�apoptose a été proposée comme le mécanisme responsable de la disparition
sélective des péricytes observée au cours du stade précoce de la rétinopathie diabétique. La
présence de péricytes apoptotiques a en effet été mise en évidence ex vivo dans les rétines
prélevées post-mortem de patients diabétiques, par une méthode de marquage de la
fragmentation de l�ADN (méthode TUNEL) (Mizutani et al. 1996; Li W. et al., 1997).
Venant à l�appui de cette hypothèse, d�autres équipes ont montré par la suite ex vivo dans des
péricytes rétiniens de patients diabétiques, l�induction de la transcription du gène de la
caspase-3, protéase de l�apoptose (Li W. et al., 1999) ou la surexpression de la protéine Bax,
protéine pro-apoptotique de la famille des Bcl-2 (Podesta et al., 2000). Plusieurs études ont
montré que les AGE étaient toxiques pour les péricytes rétiniens ou qu�ils réduisaient leur
croissance (Yamagishi et al., 1995; Chibber et al., 1997; Ruggiero-Loppez et al., 1997). Mais
l�induction de l�apoptose des péricytes par des AGE n�était, à ce jour, pas encore rapportée
(Lecomte et al., 2000, INPI). Nos résultats sont confirmés aujourd�hui par une étude toute
récente, menée in vitro, montrant que d�autres AGE, préparés à partir de glucose, de
glycéraldéhyde ou de glycoaldéhyde, sont également capables d�induire l�apoptose des
péricytes rétiniens, bien que les AGE-glucose soient moins pro-apoptotiques que les autres
AGE testés (Yamagishi et al., 2002a).
Divers travaux suggèrent que les AGE formés in vivo au cours du diabète peuvent jouer
un rôle dans l�apoptose des péricytes de microvaisseaux rétiniens. Dans un modèle de rat
131
diabétique, il a été montré que l�hyperglycémie mène à la formation d�AGE dans l�arbre
vasculaire rétinien, de manière précoce, avant l�apparition de lésions histologiques comme les
capillaires acellulaires et que ces AGE s�accumulent progressivement dans la membrane
basale des microvaisseaux (Stitt et al., 1997). En effet, les protéines de la matrice
extracellulaire sont des cibles privilégiées de la glycation en partie par leur faible taux de
renouvellement. Leur glycation induit par ailleurs une baisse de leur protéolyse (Mott et al.,
1997), phénomène contribuant à l�accumulation accrue d�AGE sur ces protéines. De plus, la
perte de la perméabilité de la barrière hémato-rétinienne est un phénomène très précoce dans
la rétinopathie diabétique. Les AGE circulants peuvent passer l�endothélium par transcytose
et être déposés dans la matrice subendothéliale, au niveau des péricytes rétiniens, qui sont
alors capables d�internaliser les AGE (Stitt et al., 1997 et 2000). Au cours du diabète, les
péricytes rétiniens sont ainsi progressivement exposés à des quantités d�AGE croissantes. Les
travaux publiés de Hammes et al. (1991) avec l�aminoguanidine comme anti-glyquant ou les
travaux préliminaires de Yatoh et al. (2000) suggèrent un rôle direct des AGE formés dans la
disparition des péricytes par apoptose. L�administration à des rats diabétiques Goto-Kakizaki
d�un nouvel inhibiteur de la glycation non enzymatique (OPB-9195) a en effet
considérablement réduit le nombre de péricytes rétiniens apoptotiques (Yatoh et al., 2000).
Dans notre modèle cellulaire, l�apoptose des péricytes est induite par des concentrations
d�AGE-MGX allant de 1 µM à 20 µM (soit une concentration protéique allant de 66 µg/ml à
1,5 mg/ml). Les concentrations protéiques d�AGE circulants dans le plasma ont été estimées
de l�ordre de 50 µg/ml (Takeuchi et Makita, 2001). Bien que la concentration d�AGE dans les
tissus ne soit pas directement mesurable, il est probable que le taux d�AGE tissulaire soit du
même ordre de grandeur, du fait de l�accumulation d�AGE sur les protéines de structure et de
la fuite d�AGE circulants vers la matrice extracellulaire. La concentration d�AGE-MGX
utilisée tout au long de ce travail de thèse est de 3 µM (200 µg/ml) et est supérieure à la
concentration plasmatique circulante.
Nous avons pu montrer que l�apoptose des péricytes est associée à une augmentation
des niveaux intracellulaires de DAG et de céramides. Le dosage de ces deux composés
lipidiques a été réalisé par la méthode de phosphorylation par la DAG-kinase. La fiabilité de
cette technique de dosage a été un sujet de controverse. Certains auteurs ont montré que la
formation de céramides, mesurée par la DAG-kinase, n�est pas observée lors d�un dosage par
une technique de spectrométrie de masse (Watts et al., 1997), alors que d�autres ont mis en
évidence une corrélation directe des quantités de céramides mesurées par les deux méthodes
(Grullich et al., 2000). Ici, l�augmentation des niveaux de céramides dans les péricytes
132
soumis aux AGE-MGX pendant deux passages, a été confirmée par une autre technique
appliquée au laboratoire, consistant en une séparation des céramides sur HPTLC suivie d�un
dosage colorimétrique. Ainsi les mesures des quantités de DAG et de céramides dans les
péricytes, à partir de la technique de la DAG kinase, sont fiables. Nos résultats suggèrent
donc, pour la première fois, que les DAG et les céramides pourraient être des médiateurs
intracellulaires impliqués dans l�apoptose des péricytes, induite par les AGE-MGX.
Nous nous sommes alors posé la question de savoir si des conditions hyperglycémiques
pouvaient également affecter l�apoptose des péricytes ainsi que la formation intracellulaire de
DAG et de céramides. Une incubation chronique des péricytes avec de fortes concentrations
de glucose (25 mM) ou de son contrôle osmotique n�a induit aucun effet sur les deux
paramètres mesurés, suggérant qu'il n�y a pas d'effet direct du glucose ou d'hyperosmolarité
provoquée par celui-ci sur l'apoptose ou la production de DAG dans les péricytes cultivés
pendant deux passages (2 semaines). D�autres auteurs ont montré que des fluctuations
abruptes de glucose pouvaient induire l�apoptose des péricytes (Li W. et al., 1996). Par
ailleurs, il a été montré qu�une forte concentration de glucose (30 mM) peut induire
l�apoptose des péricytes rétiniens in vitro, mais seulement après un temps long d�exposition
de minimum de 3 semaines (Cai et al., 1998; Podesta et al. 2000). Dans nos conditions de
culture, le glucose n�a pas montré d�effet pro-apoptotique après 2 semaines d�incubation, ce
qui est en accord avec les travaux cités précédemment. Ces différents résultats suggèrent que
les péricytes sont plus particulièrement sensibles aux AGE, puisque ceux-ci induisent
l�apoptose plus rapidement que le glucose dans notre modèle. Bien que le glucose puisse
avoir des conséquences directes sur l�apoptose des péricytes in vivo, nos résultats seraient en
accord avec la situation pathologique observée au cours du diabète. Les péricytes sont en effet
enfouis dans la membrane basale des microvaisseaux, constituée de protéines comme le
collagène ou la fibronectine qui forment des AGE (Stitt et al., 1997) et ils ne sont pas en
contact direct avec le glucose sanguin, contrairement aux cellules endothéliales.
Les AGE sont connus pour interagir avec des récepteurs spécifiques, comme AGE-R,
constitué de p60, p90 et la galectine-3 (Stitt et al., 1999) ou RAGE (Neeper et al., 1992). Ces
récepteurs ont été identifiés sur plusieurs types cellulaires, dont les péricytes rétiniens (p60,
p90: Stitt et al., 1997; RAGE: Yamagishi et al., 1995). Afin de vérifier la présence de RAGE
dans nos péricytes rétiniens, nous avons réalisé des immunodétections de ce récepteur sur des
protéines de lysats de péricytes soumis aux AGE-MGX (ou son contrôle). L�utilisation du
133
peptide bloquant de l�anticorps anti-RAGE a permis de mettre en évidence la détection
spécifique de trois protéines d�environ 36, 37 et 50 kDa.
La détermination de la séquence peptidique de RAGE (humain ou bovin), à partir de
l�ADNc, a permis d�identifier deux sites potentiels de N-glycosylation (Neeper et al., 1992).
Ces modifications post-traductionnelles peuvent induire, lors d�une séparation par SDS-
PAGE, une migration d�une protéine sous la forme de doublets (Ramanathan et al., 1989).
Les deux protéines de 36 et 37 kDa, observées dans les péricytes rétiniens, pourraient être la
même protéine RAGE migrant sous la forme de double bande, du fait d�une N-glycosylation.
D�ailleurs, bien que les auteurs (Neeper et al., 1992) n�aient pas soulevé cet aspect au cours
de leur étude, la protéine RAGE humaine, surexprimée dans des cellules 293 transfectées
avec l�ADNc de RAGE, purifiée, séparée par SDS-PAGE, puis visualisée par une coloration
au bleu de Coomassie, semble également apparaître sous forme de doublet. De plus, le
traitement de RAGE avec la N-glycosidase F (NPGase) réduit sa masse moléculaire de 4.5
kDa, renforçant considérablement l�hypothèse que RAGE est une glycoprotéine (Srikrishna et
al., 2002). Les masses moléculaires apparentes des deux protéines RAGE (36 et 37 kDa),
détectées dans les péricytes bovins, sont légèrement supérieures, à celles décrites pour le
RAGE humain (35 kDa). Cela pourrait être simplement dû aux erreurs expérimentales
d�évaluation de la masse moléculaire. Néanmoins, le clonage de RAGE à partir de tissu bovin
a montré la présence de quelques résidus acides aminés supplémentaires par rapport au
RAGE humain (12 aa), pouvant expliquer cette différence (Neeper et al., 1992). Dans les
cellules transfectées avec l�ADNc de RAGE, les auteurs ont également montré la présence
d�une protéine majoritaire de ≈ 50 kDa, spécifiquement reconnue par l�anticorps anti-RAGE.
Ils suggèrent que RAGE (35 kDa) résulte en fait d�un clivage du coté C-terminal de la
protéine de 50 kD au cours d�un processus de maturation post-traductionnelle. Dans les
péricytes rétiniens de b�uf, il semble que cette protéine soit également présente et de façon
majoritaire du fait d�une immunoréactivité supérieure à celles des protéines de masse
moléculaire apparente de 36 et 37 kDa. Les péricytes rétiniens de b�uf, utilisés au cours de
nos travaux, semblent donc exprimer les différentes formes de RAGE.
Le rôle direct de ce récepteur dans les effets inhibiteurs des AGE sur la prolifération des
péricytes a été démontré, en bloquant l�expression de RAGE au moyen d�ARN antisens
(Yamagishi et al., 1995). Westwood et al. (1994) ont par ailleurs montré que les protéines
modifiées avec le méthylglyoxal sont des ligands pour ce récepteur. Ainsi, l�interaction des
AGE-MGX avec RAGE pourrait être responsable de l�induction de l�apoptose dans les
péricytes rétiniens et de la production des DAG et des céramides. L�analyse quantitative des
bandes de 36 et 37 kDa a montré une augmentation de 30 % de ces protéines lorsque les
134
péricytes sont soumis aux AGE-MGX. Ce résultat suggère que l�expression de RAGE
pourrait être stimulée par les AGE. En effet, un tel phénomène a été décrit in vitro dans des
cellules endothéliales microvasculaires humaines pour RAGE (Tanaka et al., 2000) mais
également in vivo dans les glomérules de rats diabétiques pour les protéines p90 et la
galectine-3 du complexe AGE-R (Pugliese et al., 2000), montrant une adaptation de la cellule
à un environnement diabétique. Dans les péricytes, si la régulation de l�expression de RAGE
par les AGE-MGX se vérifiait, cela viendrait étayer l�hypothèse d�une liaison AGE-récepteur.
Au cours de cette étude, nous avons montré pour la première fois que les AGE induisent
des modifications biochimiques typiques de l�apoptose dans les péricytes rétiniens.
L�apoptose des péricytes induite par les AGE a été associée à une élévation des niveaux
endogènes de DAG et de céramides, suggérant que ces deux lipides soient impliqués dans la
transduction intracellulaire du message apoptotique. RAGE, un des récepteurs aux AGE, est
présent dans nos péricytes rétiniens et pourrait être le récepteur transmembranaire par lequel
les AGE induisent la réponse apoptotique.
135
CHAPITRE II
IDENTIFICATION DES VOIES DE PRODUCTION
DE CERAMIDES ET DE DAG INDUITES PAR LES
AGE-MGX DANS LES PERICYTES RETINIENS
Les céramides sont connus depuis longtemps comme des acteurs moléculaires impliqués
dans la régulation de réponses cellulaires variées comme la prolifération ou la différentiation.
Leur participation dans la transduction d�un signal apoptotique, aujourd�hui établie, est
proposée dans différents types cellulaires, en réponse à un grand nombre de stimuli, comme
le TNF-α, le ligand de FAS, des radiations ionisantes ou encore différentes drogues
chimiques (Mathias et al., 1998). Les diacylglycérols (DAG) sont des médiateurs lipidiques
impliqués dans des réponses cellulaires totalement opposées, suivant le type cellulaire et /ou
le stimulus. Largement connus comme lipides mitogéniques, les DAG peuvent orienter la
cellule vers la prolifération par l�activation de la PKC (Kishimoto et al., 1980) mais ils ont
également été décrits dans des processus apoptotiques en activant la sphingomyélinase acide
(Kolesnick, 1987; Schütze et al., 1992; Liu et Anderson, 1995; Genestier et al., 1998).
L�objectif de la deuxième partie des travaux a consisté à définir les voies métaboliques
impliquées dans la formation intracellulaire des céramides et des DAG et de vérifier si ces
deux composés lipidiques sont impliqués dans la transduction du message menant à
l�apoptose des péricytes. Dans ce but, nous avons simultanément analysé les effets de
différents agents pharmacologiques sur l�apoptose et sur les niveaux de production des deux
lipides.
I- VOIES DE PRODUCTION DES CERAMIDES ACTIVEES DANS LES
PERICYTES
Au cours du processus apoptotique, les céramides intracellulaires peuvent être générés
par différentes voies métaboliques. Ils peuvent être issus de la voie de biosynthèse de novo.
La sphinganine, un intermédiaire métabolique, est acylée par une céramide synthase (ou
sphinganine-acyl-transférase) pour former du dihydrocéramide, alors converti en céramide
sous l�action d�une désaturase. Mais les céramides peuvent également être le produit
d'hydrolyse enzymatique: ils peuvent en effet être formés à partir de sphingomyélines sous
l'action de sphingomyélinases (Mathias et al., 1998).
136
1- Implication d'une céramide synthase (ou sphinganine-acyl-
transférase) ?
Afin de vérifier si la voie de biosynthèse de novo des céramides est activée en réponse
aux AGE-MGX, nous avons testé un inhibiteur spécifique de la céramide synthase sur
l'apoptose des péricytes, la fumonisine B1 (Wang et al., 1991). L'apoptose des péricytes,
cultivés avec 3 µM d'AGE-MGX (ou son contrôle) pendant deux passages en présence de
0,01 ou 0,1µM de fumonisine B1, a été analysée par un marquage à l'annexine-V (Figure 30).
L'ajout de 0,01 µM de fumonisine B1 dans le milieu de culture n'a induit qu'une
inhibition partielle et non significative de l'apoptose (�20 %, n = 3). A la concentration de
0.1µM, la fumonisine B1 est pro-apoptotique, puisqu'elle affecte le taux basal de l'apoptose
des péricytes cultivés avec la BSA-contrôle (8,1 ± 1,7 % de cellules apoptotiques contre 4 ±
0,7 % dans les cellules cultivées en présence de BSA-contrôle seule, n = 3).
Figure 30: Effet de la fumonisine B1 sur l�apoptose des péricytes induite par les AGE-MGX. Les cellules ont été cultivées pendant deux passages avec 3 µM d�AGE-MGX (ou de BSA-contrôle) et 0,01 µM de fumonisine B1. L�apoptose a été détectée par un marquage à l�annexine V (voir Matériel et Méthodes). Les résultats, exprimés A- en % de cellules apoptotiques et B- en % d�inhibition par la fumonisine B1 de l�apoptose induite par les AGE-MGX, sont la moyenne ± SD de 3 expériences indépendantes.
BSA-contrôle :
AGE-MGX:
2,23 ± 0,17
6,49 ± 0,96
2,29 ± 0, 11
5,69 ± 1,18
fumonisine B1
- 0,01 µM
A-
-120
-100-80
-60
-40-20
0
inhi
bitio
n d
e l'a
popt
ose
indu
ite p
ar le
s AG
E(%
)
fumonisine B10,01 µM
B-
137
2- Implication d’une sphingomyélinase acide?
Au vu des résultats négatifs obtenus avec la fumonisine B1 sur l'apoptose des péricytes
induite par les AGE-MGX, nous nous sommes intéressés à la voie catabolique de formation
des céramides, qui implique l'action de sphingomyélinases. Il existe différentes isoformes de
sphingomyélinases, qui se distinguent principalement par leur pH optimum d'activité. Il s'agit
des sphingomyélinases acide, neutre et basique.
L'implication d'une sphingomyélinase acide (SMase) a été vérifiée en analysant les
effets d'un inhibiteur de cet enzyme, la désipramine (Hurvitz et al., 1994; Andrieu et al.,
1994; Jaffrezou et al., 1995), sur l'apoptose induite des cellules et sur la production stimulée
des DAG et des céramides dans les péricytes cultivés avec les AGE-MGX. Les péricytes ont
été cultivés de façon chronique avec 3 µM d'AGE-MGX (ou de BSA-contrôle) et de la
désipramine aux concentrations de 0,1, 0,3 ou 1 µM.
Le traitement des péricytes avec 0,1 et 0,3 µM de désipramine a permis d'inhiber, de
façon significative, de plus de 35 % l'apoptose induite par les AGE-MGX (Figure 32-B). A
ces concentrations, le niveau basal de l'apoptose dans les péricytes cultivés avec la BSA-
contrôle n'a pas été affecté (Figure 32-A). Il a été en revanche augmenté avec la désipramine
à 1 µM (8 ± 3,5 % de cellules apoptotiques contre 2,6 ± 1,2 % dans les cellules cultivées avec
la BSA-contrôle seule, n = 6).
A la plus faible concentration (0,1 µM), la désipramine est capable d'inhiber la majorité
des céramides (-80 %, n = 5, p<0,05) produits dans les péricytes mais n'a présenté qu'un effet
inhibiteur mineur et non-significatif sur la production des DAG (-20 %). A la concentration
de 0,3 µM, la désipramine inhibe presque totalement la production des céramides (-97 %, n =
3). La production des DAG n'a été réduite que de 15 % à cette concentration (Figure 33).
138
Figure 32: Effet de la désipramine sur l�apoptose des péricytes induite par les AGE-MGX. Les cellules ont été cultivées pendant deux passages avec 3 µM d�AGE-MGX (ou de BSA-contrôle) et 0,1 µM ou 0,3 µM de désipramine. L�apoptose a été détectée par un marquage à l�annexine V (voir Matériel et Méthodes). Les résultats sont la moyenne ± SD de 7 expériences indépendantes pour la désipramine à 0,1 µM et de 4 expériences indépendantes pour la désipramine à 0,3 µM. A- Les résultats sont exprimés en % de cellules apoptotiques. B- Les résultats représentent les % d�inhibition par la désipramine de l�apoptose induite par les AGE-MGX � p<0,05 (vs. BSA-contrôle); *p< 0,05 (% d'inhibition).
-120
-100
-80
-60
-40
-20
0
Inhi
bitio
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l'ap
opto
se
indu
ite p
ar le
s A
GE(
%)
désipramine0,1 µM
désipramine0,3 µM
* *
B-
BSA-contrôle :
AGE-MGX:
2,90 ± 0,45
9,17 ± 0,62 (�)
-
2,79 ± 0,51
6,70 ± 0,66 (*)
A-désipramine 0,1 µM
3,07 ± 0,39
6,85 ± 0,33 (*)
désipramine 0,3 µM
BSA-contrôle :
AGE-MGX:
2,96 ± 0,31
9,24 ± 0,52 (�)
-
139
Figure 33: Effet de la désipramine sur la production stimulée des DAG et des céramides dans les péricytes traités par les AGE-MGX. Les péricytes ont été cultivés pendant deux passages avec 3 µM d'AGE-MGX (ou BSA-contrôle) et 0,1 µM ou 0,3 µM de désipramine. Les céramides et les DAG ont été dosés par la méthode de la DAG-kinase, comme décrit dans la section Matériel et Méthodes. Les résultats sont la moyenne ± SD de 5 expériences indépendantes pour la désipramine 0,1µM et de 3 expériences indépendantes pour la désipramine 0,3µM. A- Les résultats sont exprimés en % de BSA-contrôle. Les quantités de DAG et de céramides mesurés dans les cellules contrôles (100 %) sont de 720 ± 140 ng de céramides/mg de protéines et de 632± 114 µg de DAG/mg de protéines pour 0,1 µM de désipramine et de 703 ± 125 ng de céramides/mg de protéines et de 621± 111 µg de DAG/mg de protéines pour 0,3 µM de désipramine. B- Les résultats sont exprimés en % d'inhibition par la désipramine de la production stimulée de DAG et de céramides � p<0,05 (vs. BSA-contrôle); *p< 0,05 (% d'inhibition).
-140
-120
-100
-80
-60
-40
-20
0
Inhi
bitio
n de
s ni
veau
xst
imul
és p
ar le
s A
GE
(%)
DAGCéramides
désipramine0,1 µM
désipramine0,3 µM
*
B-
Contrôle-BSA
AGE-MGX
désipramine 0,1µM
102 ± 4
115 ± 9 (*)
CéramidesDAG
104 ± 5
169 ± 17
A-
DAG
102 ± 5
173 ± 9
Céramides
96 ± 10
98 ± 14
désipramine 0,3µM
-
100
182 ± 15 (�)
DAG Céramides
100
171 ± 14 (�)
Contrôle-BSA
AGE-MGX
-
100
185 ± 15 (�)
DAG Céramides
100
167 ± 14 (�)
140
II- VOIE DE PRODUCTION DES DIACYLGLYCEROLS DANS LES
PERICYTES : implication d�une phosphatidylcholine-phospholipase C?
Les voies de production des DAG sont de deux types. Ils peuvent provenir d'une
activation de la voie de biosynthèse de novo ou alors être formés par l'hydrolyse de
phospholipides par des phospholipases C (PLC): les DAG peuvent être libérés à partir de
phosphoinositides ou de phosphatidylcholines par des PLC spécifiques.
Nous avons analysé par la suite les effets du D609, un inhibiteur de la
phosphatidylcholine phospholipase C (PC-PLC) (Müller-Decker, 1989; Wiegmann et al.,
1994) sur l'apoptose et la formation des DAG et des céramides, observées dans les péricytes
en réponse aux AGE-MGX. Le D609 (9,4, 30 et 94 µM) a été ajouté directement dans le
milieu de culture des péricytes, cultivés pendant deux passages avec 3 µM d'AGE-MGX (ou
de BSA-contrôle).
L'apoptose induite par les AGE-MGX a été réduite de façon significative de 40 % (n =
6) et 47 % (n = 5) dans les péricytes traités avec respectivement 9,4 µM et 30 µM de D609
(Figure 34-B). A ces concentrations, le D609 n'a pas présenté d'effet pro-apoptotique (Figure
34-A), alors qu'un traitement des péricytes avec 94 µM de D609 a affecté le niveau basal de
l'apoptose dans les cellules cultivées avec la BSA-contrôle (6 % de cellules apoptotiques
contre 2,3 % dans les cellules cultivées avec la BSA-contrôle seule, n = 2).
Dans les péricytes traités avec 9,4 µM de D609, la formation des DAG et des
céramides a été inhibée de manière presque totale (respectivement de 86 % et 98 % n = 4). A
la concentration de 30 µM, le D609 a permis une inhibition complète de la formation des
céramides et une réduction de 75 % des niveaux de DAG (n = 3) (Figure 35).
Mais nous avons également testé la combinaison 0,1 µM de désipramine/9,4 µM de
D609 dans l'hypothèse d'agir simultanément sur les deux cibles enzymatiques, la SMase et la
PC-PLC. Le traitement des péricytes avec ces deux agents combinés n'a induit qu'un effet
équivalent à ceux observés avec le D609 (30 µM): l'apoptose dans les péricytes a été inhibée
de 53 % (n = 4, p<0,05), les niveaux de DAG ont été réduits de 80 % et la production de
céramides a été totalement bloquée (n = 3) (Figures 34 et 35).
141
Figure 34: Effet du D609, en combinaison ou non avec la désipramine, sur l�apoptose des péricytes induite par les AGE-MGX. Les cellules ont été cultivées pendant deux passages avec 3 µM d�AGE-MGX (ou de BSA-contrôle) et 9,4 µM ou 30 µM de D609 seul ou 9,4 µM de D609 + 0,1 µM de désipramine. L�apoptose a été détectée par un marquage à l�annexine V comme décrit dans la section Matériel et Méthodes. Les résultats sont la moyenne ± SD de 6 expériences indépendantes pour le D609 à 9,4 µM, et de 4 expériences indépendantes pour le D609 à 30 µM et la combinaison D609 9,4 µM + désipramine 0,1 µM. A- Les résultats sont exprimés en % de cellules apoptotiques. B- Les résultats représentent le % d�inhibition par les agents pharmacologiques de l�apoptose induite par les AGE-MGX, � p<0,05 (vs. BSA-contrôle); *p< 0,05 (% d'inhibition).
Inhi
bitio
n de
l'ap
opto
se in
duite
par
les
AG
E (%
)
-120
-100
-80
-60
-40
-20
0
D6099,4 µM
D60930 µM
D609 9,4 µMdésipramine 0,1 µM
B-
* **
BSA-contrôle :
AGE-MGX:
2,30 ± 0,45
6,80 ± 0,49 (�)
2,57 ± 0, 46
5,27 ± 0,43 (*)
D609 9,4 µM-
2,26 ± 0,50
4,60 ± 0,33 (*)
D609 30 µMA-
2,42 ± 0,41
4,51 ± 0,32 (*)
D609 9,4 µM + désipramine 0,1 µM
-
2,29 ± 0,2
6,78 ± 0,35 (�)
2,32 ± 0,31
6,84 ± 0,29 (�)
-
BSA-contrôle :
AGE-MGX:
142
Figure 35: Effet du D609, en combinaison ou non avec la désipramine, sur la production stimulée des DAG et des céramides dans les péricytes soumis aux AGE-MGX. Les péricytes ont été cultivés pendant deux passages avec 3 µM d'AGE-MGX (ou BSA-contrôle) et 9,4 µM ou 30 µM de D609 seul ou 9,4 µM de D609 + 0,1 µM de désipramine. Les DAG et les céramides ont été dosés par la méthode de la DAG-kinase (Matériel et Méthodes). Les résultats sont la moyenne ± SD de 4 expériences indépendantes pour le D609 à 9,4 µM et de 3 expériences indépendantes pour le D609 à 30 µM et la combinaison désipramine 0,1 µM + D609 9,4 µM. A- Les résultats sont exprimés en % de BSA-contrôle. Les quantités de DAG et de céramides mesurés dans les cellules contrôles (100 %) sont de 735± 159 ng de céramides/mg de protéines et de 632± 114 µg de DAG/mg de protéines pour 9,4 µM de D609, de 703 ± 125 ng de céramides/mg de protéines et de 629± 135 µg de DAG/mg de protéines pour 30 µM de D609 et de 721 ± 133 ng de céramides/mg de protéines et de 619± 115 µg de DAG/mg de protéines pour la combinaison D609/désipramine. B- Les résultats sont exprimés en % d'inhibition par les agents pharmacologiques de la production stimulée de DAG et de céramides. � p<0,05 (vs. BSA-contrôle); * p< 0,05 (% d'inhibition).
-140
-120
-100
-80
-60
-40
-20
0
DAG
céramides
D6099,4 µM
D60930 µM
D609 9,4 µMdésipramine 0,1 µM
Inhi
bitio
n de
s ni
veau
xst
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és p
ar le
s A
GE
(%)
**
B-
Contrôle-BSA:
AGE-MGX:
-
100
182 ± 12 (�)
DAG
D609 9,4 µM
111 ± 8
112 ± 15 (*)
CéramidesDAG
108 ± 5
119 ± 8 (*)
A-
Contrôle-BSA:
AGE-MGX :
DAG
103 ± 7
124 ± 6
Céramides
106 ± 4
105 ± 12
D609 30 µM
DAG Céramides
Céramides
100
175 ± 14 (�)
Contrôle-BSA:
AGE-MGX :
DAG Céramides
- D609 9,4 µM + désipramine 0,1µM
DAG
104 ± 5
120 ± 7
Céramides
101 ± 7
102 ± 11
-
100
185 ± 9
100
181 ±11
100
180 ± 19
100
172 ±12
143
III- DISCUSSION
L�induction de l�apoptose dans les péricytes par les AGE-MGX a été associée à une
stimulation de la production de deux messagers lipidiques intracellulaires, les céramides et les
DAG. Les voies de production de ces deux intermédiaires métaboliques ont alors été
explorées selon une approche pharmacologique. Les cellules ont été cultivées en présence de
différents inhibiteurs enzymatiques, dont les effets ont été analysés d'une part sur l'apoptose
induite et d'autre part sur la production stimulée de céramides et de DAG en réponse aux
AGE-méthylglyoxal.
Dans certains modèles cellulaires, les céramides, synthétisés de novo, ont été impliqués
dans la transduction du signal apoptotique (Xu et al., 1998; Kroesen et al., 2001). Nous avons
examiné dans un premier temps si les céramides intracellulaires formés dans les péricytes
cultivés à long terme avec les AGE-MGX résultaient de l�activation de la voie de biosynthèse
de novo. L�apoptose des péricytes, cultivés de façon chronique en présence de 0,01 µM de
fumonisine B1 (concentration non cytotoxique) n�a pas été affectée de façon significative. Ce
résultat suggère que les AGE-MGX n�ont pas induit l�activation de la biosynthèse de novo
des céramides, puisque l'apoptose n'a pas été affectée par la fumonisine B1 qui bloque cette
voie. L�utilisation d�une concentration plus élevée de fumonisine B1 (0,1 µM) s�est avérée
cytotoxique.
Dans d�autres modèles de culture, la fumonisine B1 est testée à des concentrations
supérieures à celles utilisées dans nos expériences (jusqu�à 50 µM) (Kroesen et al., 2001).
L�effet toxique de la fumonisine B1 à 0,1 µM dans les péricytes peut être lié à la durée du
traitement des cellules. Dans notre modèle de culture, les péricytes, cultivés de façon
chronique, sont en effet exposés pendant des temps longs à la fumonisine B1 (15 jours
environ), alors que dans les autres modèles cellulaires, les cellules ne sont incubées que
quelques heures (jusqu�à 24 heures) avec cet agent. Bien que la concentration de fumonisine
B1 testée sur les péricytes (0,01 µM) soit faible en regard de celle utilisée habituellement,
l�équipe de Hsu a montré que 0,01 µM de fumonisine B1 était capable de bloquer
simultanément de 50 % l�apoptose induite par le TNFα combiné au cycloheximide et
d�atténuer les niveaux de céramides intracellulaires produits dans ces conditions (Xu et al.,
1998). Cette concentration a été suffisante pour mettre en évidence l�implication de la
synthèse de novo des céramides dans leur modèle. Dans les péricytes cultivés avec les AGE-
MGX, l�absence d�un effet inhibiteur de la fumonisine B1 (0,01µM) sur l�apoptose suggère
144
donc bien que la formation des céramides ne résulte pas de l�activation de la voie de synthèse
de novo.
Nous avons alors examiné l�implication éventuelle de la sphingomyélinase acide (A-
SMase) dans le processus apoptotique en testant la désipramine, agent décrit comme un
inhibiteur de cet enzyme (Andrieu et al., 1994; Jaffrezou et al., 1995). Le traitement des
péricytes avec la désipramine (notamment à 0,3 µM) inhibe la production des céramides sans
affecter celle des DAG. Ce résultat suggère que
- les AGE-MGX n�activent que l�A-SMase, puisque la désipramine bloque totalement la
production des céramides,
- l�A-SMase est activée séquentiellement par des DAG générés sous l�action d�une PC-PLC
(Kolesnick, 1987; Schütze et al., 1992; Genestier et al., 1998), processus enzymatique non
affecté par la désipramine.
L�inhibition totale des céramides, observée avec la désipramine, confirme par ailleurs
que la voie de biosynthèse de novo des céramides n�est pas activée en réponse aux AGE-
MGX.
Afin de valider ou non l'hypothèse proposée pour le couplage entre la production des
DAG et des céramides par l'activation séquentielle de la PC-PLC et de l'A-SMase, nous avons
analysé les effets d'un inhibiteur de la PC-PLC, le D609 (Müller-Decker, 1989), sur
l'apoptose et sur la production des DAG et des céramides dans les péricytes cultivés avec 3
µM d�AGE-MGX. L�incubation des péricytes traités aux AGE-MGX en présence de D609 a
induit une inhibition parallèle de la production stimulée des DAG et des céramides. Ce
résultat permet raisonnablement de conclure que la formation des DAG est bien liée à
l'activation d'une PC-PLC couplée à une A-SMase: l'hypothèse du couplage entre la
production des DAG et des céramides est validée. Un effet inhibiteur du D609 sur d'autres
enzymes que la PC-PLC, comme la sphingomyéline synthase, a été décrit dans des
fibroblastes humains de poumon transformés par le virus SV40. Mais lorsque ces cellules
sont traitées par le D609, les niveaux endogènes de céramides et de DAG évoluent dans des
sens opposés (Figure 36) (Luberto et Hannun, 1998). Dans notre modèle de péricytes traités
aux AGE-MGX, les résultats obtenus avec le D609 sont clairement différents puisqu�une
inhibition parallèle des DAG et des céramides est observée, semblant ainsi écarter un effet
éventuel du D609 sur la sphingomyéline synthase.
145
Figure 36: Le cycle de la sphingomyéline (SM)
Malgré l�inhibition complète des DAG et des céramides, les cellules ne sont que
partiellement protégées de l'apoptose induite par les AGE-méthylglyoxal. Ce résultat ne remet
pas en question le rôle des céramides dans la médiation de l�apoptose mais suggère plutôt
l'existence d'une seconde voie de signalisation menant à l'apoptose des péricytes,
indépendante de la production de DAG et de céramides. En effet, dans certains modèles
cellulaires, il a été montré que l�apoptose pouvait être induite indépendamment de la
production de céramides (Watts et al., 1997). Par ailleurs, certains travaux ont montré que
l�inhibition des céramides, formés en réponse à des signaux de mort, ne protégeait pas les
cellules contre l�apoptose, mettant en évidence que les céramides produits n�étaient pas
impliqués dans le processus apoptotique (Escargueil-Blanc et al., 1998; Gamen et al., 1998).
En revanche, dans les péricytes rétiniens, l�inhibition de la formation des deux médiateurs
lipidiques par le D609 est associée à une baisse de l�apoptose, suggérant bien la contribution
des céramides (et des DAG) dans la transduction du signal apoptotique.
En conclusion, nous avons pu identifier les acteurs enzymatiques responsables de la
formation des DAG et des céramides dans les péricytes soumis aux AGE-MGX. Mais nous
avons également montré l�existence de deux voies de signalisation menant à l�apoptose des
péricytes, l�une dépendante, la seconde indépendante de la génération des DAG et des
céramides (Figure 37). Nos travaux ont donc consisté par la suite à identifier une cible
enzymatique, située en amont des deux médiateurs lipidiques, et qui pourrait également se
trouver au carrefour des deux voies de signalisation.
Céramides SM
DAGPtdCho
Choline-PSMases
SM synthase
D609
146
Figure 37: Hypothèse de la voie de signalisation menant à l�apoptose des péricytes induite par les AGE-MGX
PC DAG
PC-PLC
SM Céramides
A-SMase
AGE-MGX (/récepteur aux AGE?)
Apoptose
147
CHAPITRE III
IMPLICATION DE CASPASES DANS L'APOPTOSE
DES PERICYTES RETINIENS INDUITE PAR LES
AGE-MGX
Des études récentes ont mis en évidence qu�une série de protéases de la famille des ICE
(Interleukin-1 Converting Enzyme) renommées caspases (Cystein Aspartate-specific
proteases) jouaient un rôle clef dans la transduction des signaux apoptotiques. Différentes
classifications des caspases ont pu être proposées selon le critère de comparaison. Le temps
d�implication et le mode d�activation ont permis de distinguer les caspases initiatrices
(caspase-2, 8, 9 et 10) des caspases effectrices (caspase-3, 6 et 7) (Alnemri et al., 1999). De
l�analyse phylogénétique des caspases, trois groupes ont été définis, dont la famille de la
caspase-3 regroupant les caspase-3, 6, 7, 8 et 10 (Alnemri et al., 1996). Enfin, une
différentiation des caspases a également été établie en fonction de leur spécificité de substrat
(Thornberry et al., 1997). Caspases et céramides sont des médiateurs étroitement associés
dans la transduction du message apoptotique. La génération de céramides sous le contrôle de
caspases initiatrices a en effet été décrite dans divers modèles cellulaires (Brenner et al.,
1998), alors que l�activation de caspases effectrices, conséquente à la génération de
céramides, a également été rapportée (Genestier et al., 1998).
L�objectif de cette étude a été de définir au moyen d�inhibiteurs peptidiques si
l�apoptose des péricytes est sous le contrôle de l�activation de caspases (initiatrices et
effectrices) et d�identifier par immunodétection la caspase initiatrice activée en amont dans la
cascade de signalisation intracellulaire menant à l�apoptose.
I-EFFETS D’INHIBITEURS PEPTIDIQUES DES CASPASES
Les caspases sont inhibées de façon spécifique in vitro et in vivo par des peptides
synthétiques, rendus perméables aux cellules par des groupements chimiques bloquant les
fonctions NH2 et COOH terminales, et mimant le site de clivage de leur substrat respectif.
148
Différents inhibiteurs peptidiques synthétiques ont été testés afin de vérifier si des caspases
initiatrices et/ou effectrices étaient impliquées dans l'apoptose des péricytes induite par les
AGE- MGX. Les cellules ont donc été cultivées pendant deux passages avec 3 µM d�AGE-
MGX (ou de BSA-contrôle) et 50 µM de chacun des inhibiteurs peptidiques, dont les effets
ont été analysés simultanément sur l�apoptose et sur la formation intracellulaire des DAG et
des céramides.
1-Les inhibiteurs peptidiques
Nous avons testé toute une batterie d�inhibiteurs peptidiques, plus ou moins spécifiques
d�une caspase:
-le peptide z-VDVAD-fmk est inhibiteur de la caspase-2, mais également de la caspase-
3 (Talanian et al., 1997).
-le peptide z-IETD-fmk est un inhibiteur puissant de la caspase-8 (Thornberry et al.,
1997; Garcia-Calvo et al., 1998) pouvant secondairement inhiber la caspase-10 (Garcia-Calvo
et al., 1998).
-le peptide z-LEHD-fmk est le substrat privilégié de la caspase-9 pouvant également
être reconnu de façon moins spécifique par les caspases-2, 8 et10 (Thornberry et al., 2000).
-le peptide z-AEVD-fmk est un inhibiteur de la caspase-10 et de façon moins spécifique
des caspases-8, 9 (Calbiochem; Garcia-Calvo et al., 1998).
-le peptide z-VAD-fmk inhibe un large spectre de caspases, incluant ainsi les caspases
initiatrices et les caspases effectrices, présentant toutefois une efficacité d�inhibition faible
pour la caspase-2 (Garcia-Calvo et al., 1998).
-le peptide z-DEVD-fmk présente un effet inhibiteur de la famille de la caspase-3,
agissant principalement sur les caspase-3 et 7 effectrices et de façon moins spécifique sur les
caspases-6, 8 et 10 (Garcia-Calvo et al., 1998)
2-Effet des inhibiteurs peptidiques de caspases sur l'apoptose des
péricytes induite par les AGE-MGX
L'ajout de 50 µM de z-VAD-fmk, de z-DEVD-fmk et de z-AEVD-fmk dans le milieu
de culture permet une inhibition totale de l'apoptose des péricytes soumis aux AGE-MGX.
Alors que les peptides z-VDVAD-fmk (-40 %, n = 3) et z-LEHD-fmk (-75 %, n = 5)
protègent partiellement les péricytes de l'apoptose induite par les AGE-MGX, le peptide z-
IETD-fmk n'a pas d'effet sur la mort cellulaire (Figure 38). Des 5 expériences réalisées avec
149
z-LEHD-fmk, seules quatre ont montré une inhibition importante de l�apoptose (-85,3%, -
93%, -88,5% et -95%) et une un effet très modéré (-34,5%). C�est pour cette raison que
l�inhibition de l�apoptose induite par les AGE-MGX, bien que significative, n�est pas totale.
Figure 38: Effet des inhibiteurs peptidiques de caspases (50 µM) sur l�apoptose des péricytes induite par les AGE-MGX. Les cellules ont été cultivées pendant deux passages avec 3 µM d�AGE-MGX (ou de BSA-contrôle) et 50 µM de chacun des inhibiteurs peptidiques. L�apoptose a été détectée par un marquage à l�annexine V (voir Matériel et Méthodes). Les résultats, exprimés en % d�inhibition de l�apoptose induite par les AGE-MGX, sont la moyenne ± SD de 6 expériences indépendantes pour les peptides z-VAD-fmk, z-AEVD-fmk et z-DEVD-fmk, de 5 expériences indépendantes pour le peptide z-LEHD-fmk et de 3 expériences indépendantes pour les peptides z-IETD-fmk et z-VDVAD-fmk A- Les résultats sont exprimés en % de cellules apoptotiques. B- Les résultats représentent les % d�inhibition, par les différents inhibiteurs peptidiques, de l�apoptose induite par les AGE-MGX Les caspases citées entre parenthèse sont celles inhibées préférentiellement par le peptide testé. � p<0,05 (vs. BSA-contrôle); *p< 0,05 (% d'inhibition).
BSA-contrôle :
AGE-MGX:
A-
BSA-contrôle :
AGE-MGX:
2,64 ± 0,60
7,4 ± 0,62 (�)
2,66 ± 0,81
2,65 ± 0,66 (*)
- z-VAD-fmk
2,57 ± 0,39
2,51 ± 0,44 (*)
z-AEVD-fmk-
2,51 ± 0,39
6,65 ± 0,78 (�)
BSA-contrôle :
AGE-MGX:
2,90 ± 0,14
5,41 ± 0,45
z-VDVAD-fmk
3,11 ± 0,22
7,41 ± 0,62 (�)
-
2,38 ± 0,21
7,17 ± 1,01
z-IETD-fmk
2,32 ± 0,21
6,94 ± 0,80(�)
-
2,36 ± 0,31
3,59 ± 1,15 (*)
z-LEHD-fmk
2,31 ± 0,37
7,23 ± 0,92 (�)
-z-DEVD-fmk
2,42 ± 0,31
2,39 ± 0,25 (*)
2,2 ± 0,37
7,21 ± 0,92 (�)
-
B-
-140-120-100
-80-60-40-20
020
Inhi
bitio
n de
l’ap
opto
se
indu
ite p
ar e
ls A
GE
(%)
*
z-VAD-fmk(toutes)
*
z-AEVD-fmk(casp-10)
z-VDVAD-fmk(casp-2)
z-LEHD-fmk(casp-9)
*
z-DEVD-fmk(casp-3 like)
Z-IETD-fmk(casp-8)
*
Caspases cibles:
150
3-Effet des inhibiteurs peptidiques de caspases sur la production des
DAG et des céramides induite par les AGE-MGX Nous avons également dosé les DAG et les céramides dans les péricytes incubés de
façon chronique (deux passages) avec les AGE-MGX et les différents inhibiteurs peptidiques
(Figure 39-A). Les effets des inhibiteurs peptidiques sur la production stimulée des DAG et
les céramides par les AGE-MGX diffèrent: alors que la production des deux intermédiaires
métaboliques n'est pas affectée dans les péricytes traités avec 50 µM de z-LEHD-fmk et z-
DEVD-fmk, la production des DAG et des céramides est inhibée de plus de 90 % par le
peptide z-VAD-fmk (n = 5), de 85 % et 95 % respectivement par le peptide z-AEVD-fmk (n
= 6) et de -70 % et �75 % respectivement par le peptide z-VDVAD-fmk (n = 2) (Figure 39-
B). Comme le peptide inhibiteur de la caspase-8, z-IETD-fmk, n�a pas inhibé l�apoptose des
péricytes (Figure 37-B), nous n�avons pas analysé les effets de ce peptide sur la formation des
DAG et des céramides.
Pour chacun des inhibiteurs peptidiques testés, nous avons contrôlé que le véhicule seul
(DMSO) n�avait pas d�effet. Dans chacune des expériences, le DMSO (< 0.2% v/v) n�a induit
aucune modification de l�apoptose et des niveaux de DAG et de céramides dans les péricytes,
traités aussi bien avec la BSA-contrôle que les AGE-MGX (résultats non montrés).
151
Figure 39: Effet des inhibiteurs peptidiques de caspases (50 µM) sur la production des DAG et des céramides dans les péricytes stimulée par les AGE-MGX. Légende, voir Figure 39-B
Contrôle-BSA:
AGE-MGX:
-
100
135 ± 7
DAG98 ± 5
102 ± 6
CéramidesDAG103 ± 8
104 ± 8
A-Céramides100
145 ± 11
z-VAD-fmk
Contrôle-BSA:
AGE-MGX:
-
100
138 ± 7 (�)
DAG101 ± 8
102 ± 15 (*)
CéramidesDAG99 ± 11
104 ± 4 (*)
Céramides100
145 ± 14 (�)
z-AEVD-fmk
Contrôle-BSA:
AGE-MGX:
-
100
150
DAG94
111
CéramidesDAG99
116
Céramides100
157
z-VDVAD-fmk
Contrôle-BSA:
AGE-MGX:
-
100
137 ± 8
DAG90 ± 13
126 ± 23
CéramidesDAG93 ± 11
125 ± 3
Céramides100
138 ± 12
z-LEHD-fmk
Contrôle-BSA:
AGE-MGX:
-
100
132 ± 12
DAG98 ± 10
140 ± 10
CéramidesDAG101 ± 5
124 ± 25
Céramides100
136 ± 4
z-DEVD-fmk
152
Figure 39: Effet des inhibiteurs peptidiques de caspases sur la production des DAG et des céramides dans les péricytes stimulée par les AGE-MGX.
Les péricytes ont été cultivés pendant deux passages avec 3 µM d'AGE-MGX (ou BSA-contrôle) et 50 µM de chacun des inhibiteurs peptidiques. Les céramides et les DAG ont été dosés par la méthode de la DAG-kinase (voir Matériel et Méhodes). Les résultats, exprimés en % d'inhibition de la production stimulée de céramides et de DAG, sont la moyenne ± SD de 5 et 6 expériences indépendantes pour les peptides z-VAD-fmk et z-AEVD-fmk, respectivement, de 3 expériences indépendantes pour les peptides z-LEHD-fmk et z-DEVD-fmk et de 2 expériences indépendantes pour z-VDVAD-fmk A- Les résultats sont exprimés en % de BSA-contrôle. Les quantités de céramides et de DAG mesurés dans les cellules contrôles (100 %) sont:
z-VAD-fmk: 720 ± 140 ng de céramides/mg de protéines et 632± 114 µg de DAG/mg de protéines. z-AEVD-fmk: 712 ± 132 ng de céramides/mg de protéines et 604± 95 µg de DAG/mg de protéines. z-VDVAD-fmk: 741 ± 149 ng de céramides/mg de protéines et 625± 121 µg de DAG/mg de protéines. z-LEHD-fmk: 689 ± 99 ng de céramides/mg de protéines et 616± 108µg de DAG/mg de protéines. z-DEVD-fmk: 725 ± 114 ng de céramides/mg de protéines et 642± 104 µg de DAG/mg de protéines.
B- Pour chaque inhibiteur peptidique, les résultats sont exprimés en % d'inhibition de la production stimulée de DAG et de céramides par les AGE-MGX. � p<0,05 (vs. BSA-contrôle); *p< 0,05 (% d'inhibition).
II-IMMUNODETECTIONS DES CASPASES-2, 8 et 10 DANS LES
PERICYTES SOUMIS AUX AGE-MGX
Afin de confirmer les résultats obtenus à partir des inhibiteurs peptidiques, nous avons
réalisé des immunodétections des caspases-2, 8, et 10 à l�aide d�anticorps spécifiques. Le
matériel antigénique utilisé dans notre étude est de source bovine. Ne disposant pas
d�anticorps primaires dirigés contre du matériel bovin, notre choix s�est porté sur des
anticorps polyclonaux présentant une immunoréactivité croisée avec différentes espèces
(Homme, souris et rat).
Les anticorps primaires employés sont dirigés contre une séquence peptidique plus ou
moins longue de la grande sous-unité (caspase-8 et 10) ou de la petite sous-unité (caspase-2)
-140
-120
-100
-80
-60
-40
-20
0
20
Inhi
bitio
n de
s ni
veau
x st
imul
és p
ar le
s A
GE
(%)
DAG
Céramides
*
*
z-VAD-fmk(toutes)
z-AEVD-fmk(casp-10)
z-VDVAD-fmk(casp-2)
z-LEHD-fmk(casp-9)
z-DEVD-fmk(casp-3 like)
B-Caspases cibles:
153
de la caspase recherchée. Compte tenu de la séquence antigénique reconnue par les anticorps,
l�immunodétection permet de visualiser la procaspase inactive et non clivée ainsi que la
sous-unité (petite ou grande) libérée après le clivage protéolytique, qui démontre l'activation
des caspases. D�autre part, les peptides bloquants, disponibles uniquement pour les anticorps
anti-caspases-2 et 8, ont été employés afin de vérifier la spécificité de la reconnaissance
antigénique.
Les immunodétections des caspases, contenues dans les lysats cellulaires de péricytes
incubés avec des AGE-MGX, ont donc été réalisées dans le but de vérifier la présence des
caspases-2,-8 et -10 et aussi de mettre en évidence leur activation en sous-unités actives. Les
péricytes, cultivés pendant deux passages avec 3 µM d�AGE-MGX (ou de son contrôle), ont
été lysés et les protéines ont été séparées par SDS-PAGE. Après transfert sur membrane de
nitrocellulose, les caspases ont été révélées au moyen d�anticorps spécifiques.
1-Immunodétection de la caspase-8
Le peptide z-IETD-fmk n�a pas affecté l�apoptose des péricytes induite par les AGE-
MGX, suggérant que la caspase-8 n�est pas impliquée dans ce phénomène. Nous avons donc
vérifié, par immunodétection, si cette caspase est présente dans les péricytes mais pas activée
en réponse aux AGE-MGX ou si elle est simplement absente de ces cellules. Des protéines
de lysats de péricytes, ainsi que la caspase-8 humaine recombinante active (p18 et p12) ont
été révélées avec un anticorps polyclonal anti-caspase-8 humaine. L'anticorps a été
préalablement incubé (pistes 5, 6, 7) ou non (pistes 2, 3, 4) avec le peptide bloquant (Figure
40).
La piste correspondant à l'étalon de caspase-8 humaine, révélée par l�anticorps seul
(piste 4), fait apparaître trois bandes correspondant aux peptides contenant les deux sous-
unités non clivées (p30), la grande sous-unité (entière ou fragmentée) et la petite sous-unité
(p12). La pré-incubation de l�anticorps avec le peptide bloquant (piste 5) abolit le signal pour
les bandes p30 et p12 ou le réduit fortement pour les bandes p18 et le fragment de p18,
démontrant l�efficacité du peptide à bloquer la reconnaissance antigénique de l'anticorps
anti-caspase-8 (Figure 40).
Une bande de masse apparente d'environ 45 kDa est détectée à la fois dans les pistes
BSA et AGE révélées avec l�anticorps seul (pistes 2 et 3) et dans les pistes révélées avec
l�anticorps préincubé avec le peptide bloquant (pistes 6 et 7). Ce résultat suggère que la
protéine reconnue résulte d�une reconnaissance non spécifique (Figure 40).
154
Figure 40: Immunodétection de la caspase-8 bovine dans les péricytes traités ou non par les AGE-MGX. Les péricytes ont été cultivés pendant deux passages avec 3 µM d�AGE-MGX (ou son contrôle). Les cellules ont été lysées dans un tampon dénaturant contenant des inhibiteurs de protéases. Les standards de masse moléculaire (1 µl) (piste 1), les protéines de lysats cellulaires (20 µg) (pistes 2, 3, 6, 7) et la caspase-8 recombinante humaine (1 µg) (pistes 4, 5) ont été séparés par SDS-PAGE sur des gels de polyacrylamide de 12% et transférées sur une membrane de nitrocellulose (voir Matériel et Méthodes). La membrane de nitrocellulose a été révélée à l�aide d�un anticorps primaire polyclonal de chèvre anti-caspase-8 humaine, préincubé ou non avec le peptide bloquant (5 fois plus que l'anticorps w/w), et un anticorps secondaire anti-chèvre de singe couplé à la peroxydase de raifort et révélée par chimioluminescence (voir Matériel et Méthodes). Les masses moléculaires des protéines sont estimées à l�aide du mélange de protéines de masse moléculaire connue (MM). L�immuno-empreinte présentée ici est représentative de 4 expériences indépendantes.
2-Immunodétection de la caspase-10 Le peptide z-AEVD-fmk, employé pour inhiber la caspase-10, inhibe l�apoptose et la
formation des DAG et des céramides, suggérant la présence de la caspase-10 dans les
péricytes et son activation en réponse aux AGE-MGX. Pour la mettre en évidence de
manière directe, nous avons réalisé une immunodétection de la caspase-10, a l�aide d�un
anticorps anticaspase-10 dirigé contre la grande sous-unité.
non spécifique
2 3 4 5 6 7
p30
p18
p12
p18 fragment (?)
37
25
5075
100
1
15
Peptide bloquantBSA-co
ntrôle
AGE-MGX
Casp-8
Casp-8
AGE-MGX
MM
- - - + + +-BSA-co
ntrôle
kDa
155
Les résultats montrent la présence d�une bande migrant comme une protéine de masse
moléculaire apparente de 64 kDa (le précurseur) d�intensité plus faible dans la piste AGE
(piste 3) par rapport à celle de la BSA (piste 2) et une bande de 27 kDa (la grande sous-unité)
d�intensité plus forte dans la piste AGE (piste 3) que celle de la BSA (piste 2) (Figure 41).
La détermination des masses moléculaires apparentes a été effectuée à partir de l�analyse de
7 immunodétections, selon la représentation logarithmique de la masse moléculaire en
fonction de la mobilité relative (cm) sur le gel (voir Matériel et Méthodes-IV-2). Il faut
toutefois considérer que l�utilisation de mini-gels en SDS-PAGE ne permet qu�une
estimation et non une détermination exacte des masses moléculaires apparentes, du fait d�une
résolution modérée notamment pour les protéines de masse moléculaire élevée ayant une
faible migration dans le gel.
La différence d�intensité des bandes p64 et p27 entre les pistes BSA et AGE, retrouvée
lors des autres immunoempreintes réalisées, a été quantifiée. Dans la piste AGE, l�intensité
de la bande p64 est diminuée de 40 ± 13% alors que celle de la bande p27 est augmentée de
54 ± 30% (Figure 42).
Comme contrôle positif, nous avons également déposé la caspase-10/a humaine
recombinante, disponible sous la forme clivée. La grande sous-unité de masse moléculaire
connue de 17 kDa a été détectée (Figure 41). L�estimation de sa masse moléculaire apparente
à partir de la migration des standards de masse moléculaire est de 18 kDa, montrant une
bonne concordance entre la masse moléculaire déterminée expérimentalement et la valeur
théorique dans les petites masses moléculaires.
De plus, dans la piste contenant les protéines de lysats de péricytes cultivés avec la
BSA-contrôle, nous remarquons la présence d�une faible quantité de caspase-10 activée,
comme en témoigne la détection de la grande sous-unité dans ces conditions. Cette
observation peut être expliquée par un faible taux basal d�apoptose dans les péricytes cultivés
avec la BSA-contrôle (2,9 ± 0,34%) (Chapitre I).
156
Figure 41: Immunodétection de la caspase-10 bovine dans les péricytes traités ou non par les AGE-MGX. Les péricytes ont été cultivés pendant deux passages avec 3 µM d�AGE-MGX (piste 3) ou son contrôle (piste 2). Les cellules ont été lysées dans un tampon dénaturant contenant des inhibiteurs de protéases (voir Matériel et Méthodes). Les standards de masse moléculaire (MM) (1 µl) (piste 1), les protéines de lysats cellulaires (20 µg) (piste 2 et 3) et la caspase-10/a humaine recombinante (1 µg) (piste 4) ont été séparés par SDS-PAGE sur des gels de polyacrylamide de 12% et transférées sur une membrane de nitrocellulose (voir Matériel et Méthodes). La caspase-10 bovine a été détectée à l�aide d�un anticorps polyclonal de lapin anti-caspase-10 humaine et un anticorps anti-lapin de singe couplé à la peroxydase de raifort et révélée par chimioluminescence (voir Matériel et Méthodes). Les masses moléculaires des protéines sont estimées à l�aide du mélange de protéines de masse moléculaire connue (MM). L�immuno-empreinte présentée ici est représentative de 7 expériences indépendantes.
Figure 42: Quantification densitométrique après immunodétection de la caspase-10 bovine dans les péricytes rétiniens soumis aux AGE-MGX Les bandes p64 et p27, détectées par immunoempreinte dans les pistes BSA-contrôle et AGE-MGX, ont été quantifiées par une analyse densitométrique (voir Matériel et Méthodes). Les résultats, exprimés en pourcentage de variation de BSA-contrôle, sont la moyenne ± SD de 7 expériences indépendantes, * p<0,05.
0
4 0
8 0
12 0
16 0
20 0
B S A -con trô le A G E -M G X
% d
e BS
A-co
ntôl
e
P ré cu rseu r (p6 4 )*
*
G ra nde sou s-u n ité (p2 7 )
1 2 3 4
MM BSA-contrô
le
AGE-MGX
casp-10
37
25
50
75100
15
p64
p27
p17
kDa
157
3-Immunodétection de la caspase-2
Le peptide z-VDVAD-fmk a altéré l�apoptose et la formation des DAG et des
céramides induites par les AGE-MGX, suggérant l�implication de la caspase-2 dans la voie
de signalisation menant à l�apoptose des péricytes. Nous avons alors examiné par
immunodétection si cette caspase est présente et activée par clivage dans les péricytes soumis
aux AGE-MGX. L�épitope de l�anticorps utilisé est dirigé contre un «segment peptidique du
coté C-terminal», reconnaissant probablement la petite sous-unité. Nous avons déposé la
caspase-2L humaine recombinante comme contrôle, commercialisée sous sa forme active et
donc clivée. D�autre part, nous avons utilisé le peptide bloquant de l�anticorps afin de
vérifier si la reconnaissance de l�anticorps était spécifique (Figure 43).
Le zymogène de la caspase-2L, isoforme longue impliquée dans l�apoptose, est une
protéine de masse 47 kDa. Li H. et al. (1997) ont proposé un mécanisme d�activation de la
caspase-2L. Le clivage protéolytique de cette caspase s�opère en deux étapes successives:
dans un premier temps un fragment court (14 kD) contenant la petite sous-unité et un
fragment long (33 kDa) contenant le prodomaine et la grande sous-unité sont libérés. Un
clivage secondaire libère la grande sous-unité (18 kDa) à partir du grand fragment (33 kDa).
Un autre clivage secondaire se produit aussi sur le petit fragment de 14 kDa pour libérer la
petite sous-unité (12 kDa) (Figure 44-B, discussion).
La révélation de la caspase 2L humaine (piste 4) met en évidence la présence
majoritaire des deux peptides contenant la petite sous-unité (p12 et p14), alors que la grande
sous-unité (p18) n�est pas détectée (Figure 43). L�anticorps anti-caspase-2L employé est bien
dirigé contre la petite sous-unité. Des fragments de tailles intermédiaires (de p25 à p35) sont
également repérés dans la piste 5. Li H. et al. (1997) ont décrit que le fragment de 33 kDa
contient le prodomaine (p15) et la grande sous-unité (p18), mais l�anticorps employé ici ne
reconnaît que la petite sous-unité. Ces fragments intermédiaires contiendraient donc la petite
sous-unité de la caspase-2 et seraient donc différents de ceux décrits par Li H. et al. (1997)
(Figure 44-B, discussion). La reconnaissance de ces différentes protéines par l�anticorps
n�est que partiellement abolie en présence du peptide bloquant (piste 5), notamment pour les
peptides p12 et p14, suggérant une efficacité modérée du peptide à bloquer la reconnaissance
antigénique de cet anticorps.
158
Figure 43: Immunodétection de la caspase-2L bovine dans les péricytes traités ou non par les AGE-MGX. Les péricytes ont été cultivés pendant deux passages avec 3 µM d�AGE-MGX (ou son contrôle). Les cellules ont été lysées dans un tampon dénaturant contenant des inhibiteurs de protéases (voir Matériel et Méthodes). Les standards de masse moléculaire (MM) (1 µl) (piste 1), les protéines de lysats cellulaires (20 µg) (pistes 2, 3, 6, 7) et la caspase-2L recombinante humaine (1 µg) ont été séparés par SDS-PAGE sur des gels de polyacrylamide de 12% et transférés sur une membrane de nitrocellulose (voir Matériel et Méthodes). Les protéines ont été détectées à l�aide d�un anticorps primaire polyclonal de lapin anti-caspase-2L humaine, préincubé ou non avec le peptide bloquant (5 fois plus que l'anticorps w/w), et un anticorps secondaire anti-lapin de singe couplé à la peroxydase de raifort puis révélées par chimioluminescence (voir Matériel et Méthodes). Les masses moléculaires des protéines sont estimées à l�aide du mélange de protéines de masse moléculaire connue (MM). L�immunoempreinte est représentative de 2 expériences indépendantes.
Dans les échantillons protéiques de péricytes (pistes 2 et 3) (Figure 44), une bande de
masse moléculaire apparente inférieure à 50 kDa est détectée, de plus faible intensité dans la
piste AGE (piste 3) en comparaison à la piste BSA (piste 2). Il pourrait s�agir du précurseur
de la caspase-2L (47 kDa), clivé dans les péricytes soumis aux AGE-MGX. Deux bandes, de
plus forte intensité dans la piste AGE (piste 3), sont également visualisées: l�une de masse
moléculaire apparente d�environ 30 kDa (p32 ?), la seconde inférieure à 15 kDa (p14 ?). Le
précurseur subirait donc un clivage entre le prodomaine et la grande sous-unité entraînant la
libération d�un fragment intermédiaire (contenant la grande p18 et la petite sous-unité p14).
Mais il pourrait également subir un clivage entre les deux sous-unités libérant le peptide p14
(contenant la petite sous-unité p12). Cependant, l�utilisation du peptide bloquant pour
p47
p14p12
MM BSA-cont
rôle
BSA-cont
rôle
AGE-MGX
AGE-MGX
Casp-
2Cas
p-2
- - +- +- + Peptide bloquant
fragmentsintermédiaires
5037
25
75100
15
kDa
1 2 3 4 5 6 7
159
l�anticorps anti-caspase-2L n�a pas aboli la détection de ces trois protéines (de 47, 32 et 14
kDa) (pistes 6 et 7), ne permettant pas de mettre en évidence la spécificité de la
reconnaissance antigénique. Les paramètres expérimentaux de l�immunodétection de la
caspase-2L pourraient probablement être améliorés (choix de l�anticorps, signal non
spécifique).
III-DISCUSSION
A partir des travaux précédents décrits dans cette thèse (chapitre II), portant sur
l�identification de la voie de production des DAG et des céramides, nous avons montré que
les AGE-MGX induisent l�apoptose des péricytes par deux voies métaboliques, l�une
dépendante de la formation de DAG et de céramides, la seconde indépendante de la
production de ces deux médiateurs lipidiques. La deuxième partie du travail a consisté à
définir si l�apoptose des péricytes dépend de l�activation de caspases initiatrices et/ou
effectrices, et plus particulièrement à identifier la (ou les) caspase(s) impliquées en amont
des DAG et des céramides. Nous avons d�abord étudié les effets de différents inhibiteurs
peptidiques (50 µM) sur l�apoptose et la production des DAG et des céramides dans les
péricytes. En raison du manque de spécificité ou d�une spécificité parfois discutée de certains
inhibiteurs (comme le peptide z-AEVD-fmk) mais également par le choix de ne tester qu�une
concentration, nous avons tenté de confirmer les résultats par la mise en évidence directe des
caspases initiatrices par immunodétection après électrophorèse sur gel.
L'effet protecteur du peptide z-VAD-fmk (inhibiteur non spécifique de caspases) sur
l'apoptose des péricytes met en évidence l'activation de caspases initiatrices et/ou effectrices
dans la voie de transduction des signaux apoptotiques. L�inhibition complète de la production
de DAG et de céramides dans les péricytes cultivés avec ce peptide suggère l'implication
d'une caspase initiatrice (caspase-2, 8, et/ou 10) située en amont de la génération des DAG et
des céramides.
Nous nous sommes d�abord intéressés à la caspase-8 initiatrice. L�incubation des
péricytes avec son inhibiteur spécifique z-IETD-fmk n�a pas affecté l'apoptose induite par les
AGE-MGX. Ceci suggère que la caspase-8 n�est pas impliquée dans l'apoptose des péricytes.
L�immunoempreinte de la caspase-8 semble soutenir cette conclusion. L�utilisation du
peptide bloquant de l�anticorps anti-caspase-8 a permis de mettre en évidence que la seule
protéine détectée (45 kDa) dans les péricytes soumis ou non aux AGE-MGX n�est pas
160
reconnue de façon spécifique par l�anticorps. Le fait que cette protéine soit la seule détectée et
de façon non spécifique suggère que la caspase-8 est absente des péricytes rétiniens. Il faut
néanmoins considérer que l�anticorps, dirigé contre la caspase-8 humaine (de souris ou de
rat), est utilisé ici pour la recherche d�un antigène d�origine bovine. L�hypothèse existe que
cette caspase soit présente dans les péricytes mais non reconnue. Cependant, les résultats
obtenus avec z-IETD-fmk suggèrent fortement que la caspase-8, si elle était présente, n�est
pas activée.
Nous avons ensuite examiné l�implication d�une autre caspase initiatrice, la caspase-10,
dans l�apoptose des péricytes. L�effet protecteur du peptide z-AEVD-fmk sur l'apoptose,
décrit comme un inhibiteur de la caspase-10, suggère l'activation de la caspase-10 au cours
du processus apoptotique. Cette hypothèse est soutenue par les résultats obtenus avec les
expériences d�immunodétection de cette caspase. Bien que nous ne disposions pas de peptide
bloquant de l�anticorps anti-caspase-10 pour vérifier la spécificité de la reconnaissance
antigénique, les bandes détectées semblent bien correspondre au précurseur (p64) et à la
grande sous-unité (p27) de la caspase-10. Dans les péricytes apoptotiques traités avec les
AGE-MGX, la procaspase-10 est clivée (l�intensité de la bande p64 diminue) libérant la
grande sous-unité (l�intensité de la bande p27 augmente). Le profil observé correspond bien
à ce qui est attendu lors d�un clivage protéolytique d�une caspase dans des cellules
apoptotiques. Les différents résultats, obtenus au cours de ce travail, suggèrent donc bien la
présence de la caspase-10 et son activation dans les péricytes soumis aux AGE-MGX.
L�apoptose des péricytes rétiniens dépendrait ainsi de l�activation de la caspase-10 et non de
la caspase-8, comme cela a été montré dans d�autres types cellulaires, dépourvus en caspase-
8 (Kischkel et al., 2001).
Les masses moléculaires du précurseur (p64) et de la grande sous-unité (p27), définies
ici, sont supérieures à celles décrites pour les isoformes humaines, la caspase-10/a (p53 et
p17) (Fernandes-Alnemry et al., 1996), la caspase-10/b (p59 et p23) (Vincenz et al., 1997) et
la caspase-10/d (p59 et p23) (Ng et al., 1999). Cette différence de masse moléculaire pourrait
être d�ordre expérimental et liée à une erreur d�estimation de la masse moléculaire.
Néanmoins, l�estimation de la masse de la grande sous-unité de la caspase-10/a humaine
recombinante (p17) à partir de la migration des standards de masses moléculaires à donné 18
kDa, une valeur proche de la masse théorique de cette sous-unité. La caspase-10 bovine
pourrait donc être plus longue que les caspases-10 humaines. Elle possèderait un fragment
peptidique supplémentaire localisé dans la grande sous-unité, puisque la différence de masse
est observée à la fois sur le précurseur et la grande sous-unité. L�anticorps polyclonal utilisé
161
ici est dirigé contre une séquence peptidique de 150 résidus aminés, localisée sur les grandes
sous-unités des isoformes longues des caspase10/b et 10/d humaines, suggérant que la
caspase-10 détectée dans nos péricytes rétiniens de b�uf est un variant de quelques kilo-
Daltons.
L�inhibition de l�apoptose des péricytes par z-AEVD-fmk est associée à un blocage
complet de la formation des DAG et des céramides. L�activation de la caspase-10 serait donc
située en amont de la production de ces deux composés lipidiques. D�ailleurs, l�activation de
la PC-PLC couplée à l�A-SMase, dépendante d�une caspase initiatrice, a été décrite dans des
lymphocytes T traités avec FasL (Genestier et al., 1998). L�activation constitutive,
dépendante de caspases, de protéines impliquées dans la transduction du signal apoptotique a
déjà été décrite. Par exemple, le clivage protéolytique de protéines kinases, comme la PKCδ
(Emoto et al., 1995) ou d�une phospholipase, la PLA2 (Wissing et al., 1997) par la caspase-3
produit des formes tronquées constitutivement actives. On pourrait proposer l�hypothèse que,
dans les péricytes soumis aux AGE-MGX, une autre phospholipase comme la PC-PLC soit
activée de façon similaire par la caspase-10.
Les travaux de Garcia-Calvo et al (1998) ont montré que le peptide z-AEVD-fmk peut
également inhiber l�activité enzymatique des caspases-8 et 9. Nous venons de montrer que la
caspase-8 est probablement absente des péricytes rétiniens et n�est pas impliquée dans la
transduction du message menant à l�apoptose. En revanche, nous ne pouvons pas exclure un
effet inhibiteur de z-AEVD-fmk sur la caspase-9 (activée dans les péricytes apoptotiques, cf
ci-dessous). Ainsi, l�inhibition de la formation des DAG et des céramides observée dans les
péricytes incubés avec z-AEVD-fmk suggère que cet effet résulte bien de l�inhibition de la
caspase-10 initiatrice. En revanche, l�inhibition complète de l�apoptose observée avec z-
AEVD-fmk pourrait résulter de l�inhibition simultanée des deux caspases (Figure 45).
Le peptide z-VDVAD-fmk induit une inhibition partielle de l�apoptose induite par les
AGE-MGX, associée à une réduction de la production des DAG et des céramides, suggérant
l�implication de la caspase-2L dans la transduction du signal apoptotique. Nous avons tenté
de confirmer ces données par des expériences d�immunodétection de la caspase-2L. Bien que
le peptide bloquant utilisé n�ait pas éteint le signal observé avec l�étalon de la caspase-2L, les
immunodétections semblent suggérer la présence de la caspase-2L dans les péricytes et son
activation par un clivage protéolytique lorsque les cellules sont traitées avec les AGE-MGX.
Nous avons observé une baisse de la quantité de la protéine de 47 kDa (probablement le
précurseur) au profit de deux intermédiaires, un peptide long (probablement constitué de la
162
grande p18 et de la petite sous-unité p14) et un peptide court (p14 contenant la petite sous-
unité p12). La formation des ces deux fragments résulterait de clivages du précurseur en deux
sites distincts: un clivage entre le prodomaine et la grande sous-unité entraînant la libération
du peptide long p32 (Figure 44-A, étape 1-), un second clivage entre les deux sous-unités
libérant le peptide p14 (Figure 44-A, étape 1-). Ce résultat suggère que, dans les péricytes
rétiniens soumis aux AGE-MGX, la procaspase-2L puisse être activée selon un clivage
séquentiel. Cependant, les peptides détectés par immunodétection correspondent à une forme
inactive de la caspase-2L. Un second clivage des deux peptides intermédiaires visualisés (p32
et p14) serait en effet nécessaire pour libérer la grande et la petite sous-unité (p18 et p12) et
mener à la forme active de la caspase-2L (Figure 45-A, étape 2-). De plus, le mécanisme
d�activation de la caspase-2L proposé dans les péricytes diffère de celui préalablement
identifié (Figure 44-B) (Li H. et al., 1997). De part les effets modérés de z-VDVAD-fmk et
les données non convaincantes obtenues par les expériences d�immunodétection
(reconnaissance spécifique?, caspase active?), il est difficile de conclure si la caspase-2L est
présente et participe dans la voie de signalisation menant à l�apoptose des péricytes.
Figure 44: Clivage séquentiel de la procaspase-2L proposé A- dans les péricytes rétiniens
et B- dans les lymphocytes (Li H. et al., 1997)
La caspase-2L est présentée aujourd�hui comme une caspase aussi bien initiatrice
qu�effectrice. La caspase-2L, dont le clivage protéolytique est associé à l�activation de
récepteurs de mort (Hsu et al., 1995; Duan et Dixit, 1997), peut être impliquée dans la phase
d�induction de l�apoptose. Mais sa participation dans la phase d�exécution de l�apoptose a
également été rapportée. La transactivation de la caspase-2L par des caspases effectrices a en
effet été observée (Li H. et al., 1997), processus intervenant après l�altération mitochondriale
(Haviv et al., 1998). Dans notre modèle apoptotique, si la caspase-2L était présente et activée
dans les péricytes traités aux AGE-MGX, elle interviendrait dans la phase d�induction de
p47p15 p18 p2 et p12
p32
p14+1-
2- p18 et p12
A-p15 p18 p2 et p12
p47
1- p33 et p14
2- p18 et p12
B-
163
l�apoptose des péricytes, puisqu�elle semble contrôler la formation des DAG et des
céramides. La production de ces deux médiateurs lipidiques pourrait donc être régulée par
deux caspases initiatrices. Des travaux tout récents ont montré que la caspase-2L peut
intervenir dans le processus d�activation de la caspase-8 dans des cellules traitées par le
ligand Fas. Elle optimise en effet la formation du complexe sous membranaire apoptotique
DISC (voir Etude bibliographique, chapitre Apoptose, III-3-3), en activant c-FLIP, inhibiteur
endogène de l�assemblage du DISC (Droin et al., 2001). Dans les péricytes cultivés avec les
AGE-MGX, nous pourrions éventuellement imaginer un mécanisme similaire, dans lequel la
caspase-2L contribuerait à l�activation de la caspase-10.
Le clivage des caspases initiatrices nécessite l�activation et l�oligomérisation de
récepteurs membranaires, comme le TNF-R ou Fas, et le couplage de molécules adaptatrices
(TRADD, RAIDD ou FADD) à la partie cytoplasmique des récepteurs (Hsu et al., 1995;
Kischkel et al., 2001). L�activation de la caspase-10 (et de la caspase-2?) dans les péricytes
suggère donc l'implication d'un récepteur transmembranaire dans l'induction du signal de
mort par les AGE-MGX. Les effets des AGE-MGX sur l'apoptose des péricytes rétiniens
pourraient être médiés par un des récepteurs aux AGE. En effet, ces différents récepteurs aux
AGE semblent pouvoir se comporter comme des récepteurs de mort: former un complexe
protéique transmembranaire. Le récepteur RAGE, associé à une protéine homologue de la
lactoferrine (Schmidt et al., 1992), forme un complexe dimérique. De plus, les protéines p60,
p90 et galectine-3, localisés dans les microdomaines membranaires (les cavéoles) s'associent
pour former le complexe trimérique AGE-R lors de la liaison aux AGE (Stitt et al., 2000b).
Le peptide z-LEHD-fmk, qui inhibe spécifiquement la caspase-9 et les caspases
initiatrices (2, 8 et 10) de façon moins spécifique (Thornberry et al., 2000), est capable de
protéger les péricytes de l�apoptose induite par les AGE-MGX mais sans affecter la
production des DAG et des céramides. Ces résultats suggèrent que la protection contre
l�apoptose des péricytes par le peptide z-LEHD-fmk n�est pas lié à l'inhibition d�une caspase
initiatrice puisque les niveaux des deux médiateurs lipidiques ne sont pas affectés par ce
peptide. Ceci suggère que la caspase-9 semble la seule à être inhibée par z-LEHD-fmk et
qu�elle intervient en aval des DAG et des céramides. De plus, l'effet protecteur de z-LEHD-
fmk sur l'apoptose des péricytes suggère que les deux voies de signalisation initiées par les
AGE-MGX convergent vers la caspase-9.
Le peptide z-DEVD-fmk a induit les mêmes effets que z-LEHD-fmk. Les péricytes
sont protégés complètement contre l'apoptose induite par les AGE-MGX, alors que la
164
formation des DAG et des céramides n�est pas affectée. Ceci suggère que la (ou les)
caspase(s) inhibées par z-DEVD-fmk ne sont pas des caspases initiatrices (caspases-2 et 10)
mais certainement des caspases effectrices (caspases-3, 6 et/ou 7?) de la famille de la caspase-
3, qui interviennent aussi en aval des DAG et des céramides. Les résultats obtenus avec les
peptides z-LEHD-fmk et z-DEVD-fmk suggèrent fortement que les deux voies de
signalisation convergent vers la caspase-9 et les caspases effectrices (caspase-3, 6, 7?),
caspases décrites comme étant les acteurs moléculaires de la phase d'exécution de l'apoptose.
Les caspases effectrices sont activées par un mécanisme de transactivation. Elles
peuvent être protéolysées directement par les caspases initiatrices-8, 9 et 10 (Nagata, 1997;
Srinivasula et al., 1998). Dans les péricytes, le clivage protéolytique des caspases effectrices
serait sous le contrôle unique de la caspase-9, puisque son inhibition abolit complètement
l�apoptose induite par les AGE-MGX
Le clivage de la caspase-9 requiert la formation d�un complexe multiprotéique,
l�apoptosome, dépendante de la libération mitochondriale du cytochrome c (Li P. et al.,
1997). L�activation de la caspase-9 dans les péricytes soumis aux AGE-MGX suggère donc
qu�une atteinte mitochondriale puisse se produire au cours de l�apoptose. Les voies de
signalisation activées dans les péricytes soumis aux AGE-MGX conduiraient ainsi à un
dysfonctionnement mitochondrial, associé à la MPT (transition de perméabilité
mitochondriale), entraînant la libération du cytochrome c et l�activation de la caspase-9. Cette
dernière activerait ensuite en cascade la (ou les) caspase(s) effectrice(s) de la famille de la
caspase-3 (Figure 45). Une étude toute récente, menée sur un autre type cellulaire, des
cellules mésangiales, permettrait de proposer un mécanisme par lequel les AGE-MGX
mènent à une altération mitochondriale dans les péricytes rétiniens apoptotiques. Yamagishi
et al. (2002b) ont montré que d�autres AGE (préparés avec du glucose, du glycéraldéhyde ou
du glycoaldéhyde) induisent l�apoptose des cellules mésangiales par la surexpression de Bax,
protéine qui induit la MPT et la libération de cytochrome c (Pastorino et al., 1998), la
surexpression de cette protéine serait sous le contrôle de la protéine p53 (suppresseur de
tumeur). Dans la rétinopathie diabétique, l'altération de la mitochondrie dans les péricytes
apoptotiques a d'ailleurs été suggérée par les travaux de Podesta et al. (2000). Ces auteurs ont
montré la surexpression de Bax dans les péricytes apoptotiques de rétines, prélevées post-
mortem chez des patients diabétiques.
Les céramides ont été décrits comme un des nombreux facteurs capables d�induire la
MPT (Dbaibo et al., 1997). La propagation d�un signal de mort par les céramides met en jeu
des phosphatases et des kinases pouvant permettent de réguler, entres autres, les niveaux de
phosphorylation des protéines de la famille des Bcl-2, qui sont les principaux régulateurs de
165
l�apoptose. Les céramides peuvent ainsi potentialiser la fonction pro-apoptotique de la
protéine Bax (Zundel et al., 1998) et abolir en même temps l�effet anti-apoptotique de Bcl-2
(Ruvolo et al., 1999). Les céramides générés dans les péricytes par les AGE-MGX pourraient
altérer la perméabilité de la membrane mitochondriale par ce mécanisme. Mais les céramides
pourraient être produits directement dans la mitochondrie. Une étude récente montre que les
céramides formés dans la membrane mitochondriale sont capables d�induire directement la
libération de cytochrome c et que ceci mène à l�apoptose (Birbes et al., 2001).
Au cours de cette étude, nous avons montré que l�apoptose des péricytes induite par les
AGE-MGX est gouvernée par l�activation de différentes caspases. Nous avons pu définir les
caspases initiatrices impliquées. Alors que la caspase-8 ne semble pas être présente dans les
péricytes rétiniens de b�uf, la caspase-10 (et la caspase-2?) participe(nt) à la transduction du
message apoptotique en générant les DAG et les céramides. Les deux voies de signalisation
activées par les AGE-MGX semblent induire une altération de la perméabilité de la
membrane mitochondriale, caractérisée par l'activation de la caspase-9. Cette dernière
activerait alors en cascade les caspases effectrices, impliquées dans la phase d'exécution de
l'apoptose (Figure 45).
166
Figure 45: Hypothèse de la voie de signalisation menant à l�apoptose des péricytes induite
par les AGE-MGX
AGE-MGX (/récepteur aux AGE?)
PC DAG
PC-PLC
SM Céramides
A-SMase
Caspase(s) initiatrice(s)caspase-10 (et 2 ?)
Mitochondrie
Caspase-9
Caspases effectrices(caspases-3, 6 et 7?)
Apoptose
?
Z-DEVD-fmk
Z-LEHD-fmk (z-AEVD-fmk ?)
Z-AEVD-fmk / z-VDVAD-fmk
167
CHAPITRE IV
INDUCTION D’UN STRESS OXYDANT DANS LES
PERICYTES RETINIENS TRAITES PAR LES AGE-
MGX
Le stress oxydant, qui est défini comme la situation du déséquilibre entre la
production de radicaux libres dérivés de l�oxygène (ROS) et leur élimination par les défenses
antioxydantes, est aujourd�hui décrit comme un médiateur de l�apoptose (pour revue, Chandra
et al., 2000). Les ROS sont très réactifs et peuvent réagir, s�ils ne sont pas rapidement
détruits, avec différentes cibles, comme les protéines, l�ADN ou les lipides. Par leur forte
teneur en acides gras polyinsaturés (AGPI) (Lecomte et al., 1996), les cellules
microvasculaires rétiniennes pourraient être particulièrement sensibles aux attaques
radicalaires et constitueraient une cible idéale pour la peroxydation lipidique. Afin de vérifier
l'implication éventuelle d'un stress oxydant dans la voie de signalisation menant à l'apoptose
par les AGE-MGX, nous avons analysé les effets de différentes classes d'antioxydants sur
celle-ci et la production des DAG et des céramides dans les péricytes. L�effet d�un
antioxydant, la N-acétyl-L-cystéine, a également été examiné sur le clivage protéolytique de
la caspase-10 initiatrice.
I- LES DIFFERENTES CLASSES D’ANTIOXYDANTS TESTES
Sur la base de leur structure moléculaire et de leur mode d'action, les antioxydants
testés au cours de cette étude peuvent être classés en 3 groupes.
Le premier groupe comprend des composés hydrosolubles possédant une fonction
thiol qui a la capacité de fournir un atome d�hydrogène: il s'agit de la N-acétyl-L-cystéine
(NAC) et de l'acide lipoïque. Ces deux antioxydants maintiennent un état redox du
cytoplasme de la cellule vers la forme réduite. Mais ils peuvent également piéger les radicaux
libres et protéger des attaques radicalaires.
Le deuxième type d'antioxydant testé est l'ebselen, une molécule synthétique
contenant un atome de sélénium. Ce composé présente la particularité de mimer l'activité
168
glutathion-peroxydase sélénium dépendante. Il peut réagir avec les peroxydes organiques et
les détoxifier, protégeant les membranes des atteintes de la peroxydation lipidique.
Le 3ème groupe est constitué de composés liposolubles riches en doubles liaisons
conjuguées qui présentent une haute réactivité vis-à-vis des radicaux libres de l�oxygène. Ces
agents possèdent un effet protecteur ciblé contre la peroxydation lipidique des membranes. Il
s'agit de la zéaxanthine, un caroténoïde, et de la c�lentéramine, un substrat de la luciférase
chez les c�lentérés.
II-EFFETS DE LA N-ACETYL-L-CYSTEINE (NAC)
Les péricytes ont été cultivés pendant deux passages (environ 15 jours) en présence de 3
µM d�AGE-MGX (ou de la BSA-contrôle) et de différentes concentrations de NAC : 10 µM,
50 µM, 500 µM ou 5 mM.
L�incubation des péricytes avec 10 µM ou 50 µM de NAC protégent les cellules de
l�apoptose induite par les AGE-MGX (Figure 46). Cette expérience montre que l�apoptose est
inhibée de 93 % dans les péricytes cultivés en présence de 10 µM de NAC et de 100 % dans
les cellules traitées par 50 µM de NAC.
Nous avons également quantifié les DAG et les céramides dans les péricytes cultivés
avec les AGE-MGX et la NAC. L�addition de 10 µM de NAC dans le milieu de culture a
induit une inhibition complète des DAG et des céramides produits en réponse aux AGE-MGX
(n = 4) (Figure 47). En revanche, un traitement des cellules avec 50 µM de NAC (n= 3) n�a
induit qu�une inhibition partielle des DAG (-78 %) et des céramides (-72 %) (Figure 47). Sur
trois expériences réalisées, seules deux ont montré une inhibition complète de la formation
des DAG (-98 et 99 %) et des céramides (-102 et 97 %), la troisième ayant fourni une
inhibition de 37 % des DAG et de 17 % des céramides. Mais ce dernier résultat est
probablement lié à un problème expérimental survenu au cours du dosage enzymatique par la
DAG-kinase. En effet, alors que le dosage des DAG et des céramides n�a pas permis de
mettre en évidence une inhibition des niveaux intracellulaires de ces deux lipides, l�analyse
de l�apoptose dans la même population de péricytes a montré une protection complète des
cellules contre l�apoptose par 50 µM de NAC.
Des concentrations plus élevées de NAC ont également été testées. L�addition de 500
µM de NAC dans le milieu de culture affecte le taux basal de l�apoptose dans les cellules
169
cultivées en présence de BSA-contrôle (6,1 ± 1,8 % de cellules apoptotiques en présence de
NAC 500 µM contre 3,3 ± 1,1 % dans les cellules cultivées avec la BSA-contrôle seulement,
n = 3). Nous avons aussi traité les péricytes avec 5 mM de NAC mais cette concentration
s�est avérée cytotoxique. A cette concentration, l�observation au microscope à contrast de
phase a montré que la NAC induit la mort des péricytes au bout de 48 heures.
Figure 46: Effets de la N-acétyl-L-cystéine (NAC) sur l�apoptose des péricytes induite par les AGE-MGX Les péricytes ont été incubé en présence de 3 µM d�AGE-MGX (ou BSA-contrôle) et de 10 µM ou 50 µM de NAC. L�apoptose des péricytes a été mesurée par un marquage à l�Annexine V (voir Matériel et Méthodes). Les résultats sont la moyenne ± SD de 5 expériences indépendantes. A- Les résultats sont exprimés en % de cellules apoptotiques B- Les résultats sont exprimés en % d�inhibition par la NAC de l�apoptose induite par les AGE-MGX : � p<0,05 (vs. BSA-contrôle); * p< 0,05 (% d�inhibition).
Contrôle-BSA 2,45 ± 0,34
AGE-MGX 7,21 ± 1,05 (�)
NAC 10µM
2,24 ± 0,41
2,57 ± 0,60 (*)
2,31 ± 0,51
2,29 ± 0,75 (*)
NAC 50 µM-
A-
-120
-100
-80
-60
-40
-20
0
Inhi
bitio
n de
l'ap
opto
se
indu
ite p
ar le
s A
GE
(%)
NAC 10 µM
NAC 50 µM
**
B-
170
Figure 47: Effet de la N-acétyl-L-cystéine (NAC) sur la production des DAG et des céramides induite par les AGE-MGX dans les péricytes. Les péricytes ont été cultivés pendant deux passages avec 3 µM d'AGE-MGX (ou BSA-contrôle) et 10 µM ou 50 µM de NAC. Les céramides et les DAG ont été dosés par la méthode de la DAG-kinase (voir Matériel et Méthodes). Les résultats sont la moyenne ± SD de 4 expériences indépendantes pour la NAC 10 µM et de 3 expériences indépendantes pour la NAC 50 µM. A- Les résultats sont exprimés en % de BSA-contrôle. La quantité de céramides mesurés dans les cellules contrôles (100 %) est de 689 ± 120 ng de céramides/mg de protéines. La quantité de DAG mesurés dans les cellules contrôles (100 %) est de 607± 101 µg de DAG/mg de protéines. B- Les résultats sont exprimés en % d'inhibition de la production stimulée de céramides et de DAG. � p<0,05 (vs. BSA-contrôle); *p< 0,05 (% d�inhibition).
-120
-100
-80
-60
-40
-20
0
Inhi
bitio
n de
s ni
veau
x st
imul
és p
ar le
s A
GE
(%)
CéramidesDAG
NAC 10 µM
NAC 50 µM
**
B-
Contrôle-BSA
AGE-MGX
NAC 10µM
105 ± 9
103 ± 8 (*)
CéramidesDAG
104 ± 13
108 ± 10 (*)
NAC 50 µM
DAG
94,4 ± 7
113 ± 42
Céramides
95 ± 4
117 ± 39
A--
100
192 ± 21 (�)
DAG Céramides
100
191 ± 22 (�)
-
100
188 ± 25
DAG Céramides
100
181 ± 24
Contrôle-BSA
AGE-MGX
171
III- EFFETS DES AUTRES ANTIOXYDANTS SUR L’APOPTOSE DES
PERICYTES INDUITE PAR LES AGE-MGX
L�effet protecteur de la N-acétyl-L-cystéine sur la disparition des péricytes en réponse
aux AGE-MGX a été reproduit en testant d�autres antioxydants.
L�ajout dans le milieu de culture d�acide lipoïque aux concentrations de 7 et 14 µM
inhibe l�apoptose des péricytes respectivement de 88 % et 78 % (n = 3). De même,
l�incubation des péricytes avec l�ebselen (5 et 10 µM) a permis de réduire respectivement de
95 et 90 % (n = 3) l�apoptose dans les péricytes cultivés avec les AGE-MGX (Figure 48). Des
concentrations plus élevées d�acide lipoïque (21 µM) et d�ebselen (20 µM) ont également été
testées mais ont montré un effet pro-apoptotique. Dans ces conditions, le taux basal
d�apoptose est en effet de 4,9 ± 1,4% et 5,4 ± 1,5 % respectivement contre 1,9 ± 0,5 % et 2,4
± 0,3 % dans les cellules cultivées avec la BSA-contrôle.
Enfin, l�utilisation d�autres antioxydants liposolubles, la zéaxanthine (2 µM) et la
c�lentéramine (2 µM), a permis d�inhiber l�apoptose des péricytes de 60 % (n = 3) et de 50
% (n = 2) respectivement (Figure 48). L�effet partiel de ces deux antioxydants peut être
expliqué par leur faible solubilité. Nous n�avons pas pu les tester à une concentration plus
élevée, parce que solubilisés à saturation dans la solution stock. En effet, l�utilisation de
volumes plus importants de véhicule (le DMSO) a induit un effet protecteur contre l�apoptose
des péricytes.
172
Figure 48: Effets des antioxydants sur l�apoptose des péricytes induite par les AGE-MGX. Les péricytes ont été incubé en présence de 3 µM d�AGE-MGX (ou BSA-contrôle) et d�acide lipoïque (7 µM ou 14 µM), d�ebselen (5 µM ou 10 µM), de zéaxanthine (2 µM) et de c�lentéramine (2 µM). L�apoptose des péricytes a été mesurée par un marquage à l�Annexine V (voir Matériel et Méthodes). Les résultats sont la moyenne ± SD de trois expériences indépendantes pour l�acide lipoïque, l�ebselen et la zéaxanthine et de deux expériences indépendantes pour la c�lentéramine. A- Les résultats sont exprimés en % de cellules apoptotiques. B- Les résultats représentent le % d�inhibition, par les différents antioxydants, de l�apoptose induite par les AGE-MGX.
IV- TRAITEMENT DES AGE-MGX PAR DES CHELATEURS DE
METAUX ET LEUR EFFET SUR L’APOPTOSE DES PERICYTES
RETINIENS
Les protéines glyquées acquièrent une affinité pour les ions de métaux de transition,
notamment le fer et le cuivre. Ces complexes «ions-protéine glyquée», également nommés
«glycochélates», sont pourvus d�une activité oxydante (Qian et al., 1998). D�autre part, une
étude récente suggère que les ions métalliques, naturellement présents à l�état de trace dans
les tampons phosphate utilisés pour la préparation des AGE, jouent un rôle dans les effets
-120
-100
-80
-60
-40
-20
0
Inhi
bitio
n de
l'ap
opto
se in
duite
par
les
AG
E (%
)
Acide lipoïque7 µM 14 µM
Ebselen5 µM 10 µM
Zéa2 µM 2 µM
CœlB-
Zeaxanthine
- 2 µM
2,25 ± 0,52
9,05 ± 0,98
2,42 ± 0,21
5,08 ± 0,73
BSA-contrôle :
AGE-MGX:
Coelentéramine
- 2 µM
2,2
8,86
2,24
5,43
BSA-contrôle :
AGE-MGX:
Ebselen
2,12 ± 0,50
7,43 ± 0,96
2,11 ± 0,41
2,75 ± 0,88
1,86 ± 0,41
2,98 ± 0,61
Acide lipoïque
- 7 µM 14 µM
2,32 ± 0,30
7,11 ± 0,78
2,32 ± 0,25
2,54 ± 0,49
2,09 ± 0,17
2,53 ± 0,42
- 5 µM 10 µM
A-
173
observés avec les AGEs et ceci indépendamment de la protéine AGE. Les ions métalliques
liés aux AGE sont capables d�induire un stress oxydant intracellulaire dans des systèmes de
culture sans sérum (Hui et al., 2001). Les AGE-MGX utilisés au cours de notre travail ont été
préparés dans un tampon phosphate. Ils étaient donc susceptibles d'être contaminés par des
ions métalliques. L�effet protecteur des différents antioxydants sur l�apoptose des péricytes
induite par les AGE-MGX suggère l�induction d�un stress oxydant au cours du processus
apoptotique. Nous avons alors examiné si ce stress oxydant résultait de la présence d�ions
métalliques liés aux AGE-MGX. Nous avons analysé l�effet d�AGE-MGX (et de BSA-
contrôle), traités au préalable avec des chélateurs d�ions divalents, sur l'apoptose des péricytes
et l�avons comparé à celui observé avec les AGE-MGX non traités par les chélateurs.
Nous avons testé le DTPA, un chélateur puissant des ions métalliques tels que le Fe3+
(Ka de 1028) et le Cu2+ (Ka de 1021.4), et une résine échangeuse d�ions très affine pour les ions
métalliques et utilisée pour purifier des effluents contaminés par les métaux. Ainsi, les
préparations d�AGE-MGX (ou de BSA-contrôle) ont été incubées avec du DTPA (0,5 mM)
ou de la résine chelex-100 (4 mg/ml). La présence d'ions métalliques dans les différentes
préparations a été détectée en évaluant la perte de l�acide ascorbique par oxydation, processus
catalysé par les ions métalliques et donc indicateur de leur présence. Après 30 min d'essai, les
AGE-MGX non-traités avec les chélateurs de métaux induisent une oxydation de 6,2%
d�acide ascorbique contre 3,6 % par la BSA-contrôle. En revanche, après un traitement avec
le DTPA ou la résine chelex-100, les AGE-MGX (et la BSA-contrôle) n�induisent qu�une
oxydation mineure de l�acide ascorbique d�environ 0,5 %, comparable à celle observée dans
la solution d'acide ascorbique incubé pour le même temps (0,6%) (Figure 49).
Nous avons ensuite analysé les effets des différentes préparations d'AGE-MGX sur
l�apoptose des péricytes. Les cellules ont été cultivées pendant 15 jours avec les AGE-MGX
(ou les BSA-contrôle) à la concentration de 3 µM. L�augmentation de l�apoptose d�un facteur
3 dans les péricytes incubés avec les AGE-MGX non-traités est reproduite aussi bien avec les
AGE-MGX traités avec le DTPA que ceux traités avec la résine chelex-100 (Figure 50).
174
Figure 49: Oxydation de l�acide ascorbique par les AGE-MGX traités ou non par les chélateurs de métaux. Les AGE-MGX (et leur contrôle) ont été traités ou non avec du DTPA (0,5 mM) ou de la résine chelex-100 (4 mg/ml) pendant 24 heures à 4°C. Les protéines ont été déposées sur membrane de PVDF (300 µg/cm2) puis incubées dans un tampon phosphate contenant 100 µM d�acide ascorbique et 1 mM d'EDTA (voir Matériel et Méthodes). L'oxydation de l'acide ascorbique est suivie pendant 30 min en dosant l'acide ascorbique résiduel par spectrophotométrie (266 nm).
Figure 50: Effets des AGE-MGX traités ou non avec des chélateurs de métaux sur l�apoptose des péricytes. Les cellules ont été cultivées pendant 15 jours en présence de 3 µM d�AGE-MGX (ou de BSA-contrôle) non-traités avec les chélateurs (non-traités) ou traités soit par le DTPA (0,5 mM) (+DTPA) soit par la résine chelex-100 (4 mg/ml) (+ chelex). L�apoptose a été détectée et mesurée par un marquage à l�annexine V (voir Matériel et Méthodes). Les résultats, exprimés en % de cellules apoptotiques, sont la moyenne ± SD de trois expériences indépendantes.
0
2
4
6
8
10
12
+ DTPA + Chelex-100
cellu
les
apop
totiq
ues
(%) AGE-BSA
BSA-contrôle
non-traités
01234567
Temps (min)
Oxy
datio
n de
l'ac
ide
asco
rbiq
ue (%
)
BSA-contrôle
AGE-MGX
BSA + DTPA 0,5 mMAGE + DTPA 0,5 mMBSA + chelex-100
AGE + chelex-100
0 20 4010 30acide ascorbique
( )
175
V- IMMUNODETECTION DE LA CASPASE-10 DANS LES PERICYTES
CULTIVES AVEC LES AGE-MGX ET LA NAC (10 µM)
Les résultats obtenus avec 10 µM de N-acétyl-L-cystéine (NAC) ont montré une
inhibition complète de la production des DAG et des céramides dans les péricytes soumis aux
AGE-MGX. Ceci suggère qu�un stress oxydant pourrait intervenir en amont de la formation
de ces deux composés lipidiques dans la signalisation induite par les AGE-MGX. Nos
résultats suggèrent que la caspase-10 contrôle la génération des DAG et des céramides (voir
chapitre III-1-3). Afin de définir si le stress oxydant pourrait réguler l�activation de cette
caspase, nous avons analysé les effets de la NAC (10 µM) sur le clivage protéolytique de la
caspase-10, observée dans les péricytes soumis aux AGE-MGX (voir chapitre III-2-2). Les
cellules ont été cultivées pendant deux passages avec 3 µM d�AGE-MGX (ou de BSA-
contrôle) et 10 µM de NAC. Au terme de la culture, les protéines contenues dans les lysats
cellulaires ont été séparées par électrophorèse, transférés sur membrane de nitrocellulose, puis
la caspase-10 a été détectée au moyen de son anticorps spécifique.
La figure 51 montre que le clivage de la caspase-10, observé dans les péricytes incubés
avec les AGE-MGX (piste 3) n�est pas aboli en présence de la NAC (piste 5). Ce résultat a été
reproduit lors de deux expériences supplémentaires. Les intensités des bandes du précurseur
(p64) et de la sous-unité large (p27) dans les pistes BSA et AGE, avec ou sans NAC (10 µM),
ont été déterminées par densitométrie pour chaque condition et exprimées en % relatif de
BSA-contrôle (Figure 52). Les intensités des bandes p27 (161 ± 17%) et p64 (43 ± 18%) dans
les péricytes cultivés avec les AGE-MGX seuls sont retrouvées lorsque la NAC est ajoutée
(p64: 163 ± 7%; p27: 40 ± 18%).
176
Figure 51: Immunodétection de la caspase-10 des péricytes cultivés avec les AGE-MGx et la N-acétyl-L-cystéine (NAC) Les péricytes ont été cultivés pendant deux passages avec 3 µM d�AGE-MGX (ou son contrôle) et 10 µM de NAC. Les cellules ont été lysées dans un tampon dénaturant contenant des inhibiteurs de protéases (voir Matériel et Méthodes). Les standards de masse moléculaire (MM) (1 µl) (piste 1) et les protéines de lysats de péricytes (20 µg) (pistes 2, 3, 4, 5) ont été séparés par SDS-PAGE sur des gels de polyacrylamide de 12% et transférées sur une membrane de nitrocellulose (voir Matériel et Méthodes). La caspase-10 bovine a été détectée à l�aide d�un anticorps polyclonal de lapin anti-caspase-10 humaine et un anticorps anti-lapin de chèvre couplé à la peroxydase de raifort et révélée par chimioluminescence comme décrit dans la section Matériel et Méthodes. Les masses moléculaires des protéines sont estimées à l�aide du mélange de protéines de masse moléculaire connue (MM). L�immuno-empreinte présentée ici est représentative de 3 expériences indépendantes.
Figure 52: Analyse densitométrique de l�effet de la NAC sur le clivage protéolytique de la caspase-10 bovine Les bandes p64 et p27, détectées par immunoempreinte dans les pistes BSA-contrôle et AGE-MGX en présence ou non de NAC à 10 µM, ont été quantifiées par une analyse densitométrique (voir Matériel et Méthodes). Les résultats représentent l�intensité des bandes p64 et p27, exprimée en pourcentage de variation de BSA-contrôle, et sont la moyenne ± SED de 3 expériences indépendantes.
37
25
5075
100250150
15
p64
1 2 3 4
BSA-contrô
le
AGE-MGX
AGE-MGX
MM BSA-contrô
le
NAC 10 µM- - + +
p27kD
a
5
Précurseur p64
Grande sous-unité p27
% d
e B
SA-c
ontr
ôle
0306090
120150180210
BSA-contrôle AGE-MGX BSA-contrôle AGE-MGX
NAC 10 µM
177
VI- DISCUSSION
Un grand nombre de travaux ont permis de mettre en évidence l�implication du stress
oxydant dans le processus apoptotique, généré par différents stimuli. Des travaux antérieurs
au sein de l'équipe ont démontré une atteinte des capacités antioxydantes des péricytes
rétiniens de b�uf en réponse aux AGE-Glucose, comme une augmentation des activités de la
catalase et de la superoxyde dismutase (Paget et al., 1998). Nous avons donc examiné un rôle
éventuel du stress oxydant dans la voie de signalisation induite par les AGE-MGX menant à
l�apoptose des péricytes.
Tous les antioxydants testés ont induit une protection des péricytes contre l�apoptose
induite par les AGE-MGX, suggérant fortement une production intracellulaire de radicaux
libres ou un changement du statut redox au cours du processus apoptotique. Nos résultats sont
soutenus par des travaux récents qui montrent que le traitement de péricytes rétiniens en
culture avec des antioxydants protègent partiellement de l�apoptose induite par l�albumine
glyquée à forte concentration (5 mg/ml) (Kim et al., 2002).
Le rôle critique du stress oxydant dans la disparition par apoptose des péricytes a été
souligné par d�autres travaux in vivo. L�altération de l�expression des enzymes antioxydantes
(la GPX, la catalase et la SOD) a été mise en évidence dans des péricytes rétiniens
apoptotiques, prélevés post-mortem sur des patients diabétiques de longue durée (Li W. et al.,
1999). L�administration d�antioxydants, comme la vitamine E associée à la vitamine C
(Yatoh et al., 2000) à des rats diabétiques a permis par ailleurs de réduire le nombre de
cellules microvasculaires rétiniennes apoptotiques.
Des études récentes ont montré que les ions métalliques sont capables de lier les
protéines glyquées. Ces protéines modifiées acquièrent une affinité de liaison pour les ions
métalliques, comme le Fe3+ ou le Cu2+ (Qian et al., 1998), suite à la formation de certaines
structures avancées de glycation (AGE), comme la (carboxyméthyl)lysine qui présente des
propriétés de chélation (Saxena et al., 1999). Les ions métalliques, chélatés par les AGE,
conservent leur capacité à catalyser des réactions redox (Qian et al., 1998; Saxena et al.,
1999). Une étude récente a révélé que les ions métalliques présents à l'état de trace dans les
tampons phosphates contaminent les AGE-BSA (préparés avec du glucose comme agent
glycant) et sont capables d'induire un stress oxydant intracellulaire dans des cultures
cellulaires sans sérum (Hui et al., 2001).
178
Dans notre étude, des ions métalliques liés aux AGE-MGX pouvaient participer à
l'induction du stress oxydant mis en évidence dans les péricytes apoptotiques. Afin d'exclure
une telle possibilité, nous avons examiné les effets apoptotiques d'AGE-MGX traités avec des
chélateurs de métaux. Les AGE-MGX non-traités avec des chélateurs présentent bien une
activité oxydante supérieure à celle de la BSA-contrôle. Les AGE-MGX, que nous avons
utilisés tout au long de ce travail, semblent comporter des structures capables de chélater les
ions métalliques formant ainsi des "glycochélates" actifs dans les réactions redox. Toutefois,
les AGE-MGX, traités avec les chélateurs et que nous avons montré être dépourvus en
activité oxydante, sont également capables d�induire l�apoptose des péricytes. L�apoptose des
péricytes ainsi que le stress oxydant qui en résulte, ne semblent donc pas liés à la présence
d�ions métalliques liés aux AGE-MGX. Le fait que l'apoptose des péricytes induite par les
AGE-MGX soit identique avec ou sans traitement par des chélateurs pourrait s'expliquer par
l'utilisation de 10% de SVF. L�étude de Hui et al (2001) a montré que les effets délétères des
ions métalliques contaminant les AGE ne sont observés que pour des systèmes cellulaires
dépourvus en sérum. Ce résultat pourrait s�expliquer par le fait que l�apport exogène de
protéines permettrait la chélation des ions métalliques contenus sur les AGE et neutraliserait
leurs effets oxydants. Dans notre étude, les effets apoptotiques des AGE-MGX sont observés
dans les péricytes cultivés avec 10% de sérum de veau f�tal, concentration montrée comme
suffisante pour abolir l�induction d�un stress oxydant intracellulaire par les ions métalliques
liés aux AGE (Hui et al., 2001). Nos résultats suggèrent ainsi un effet spécifique des AGE-
MGX, et pas des ions métalliques chélatés par ceux-ci, dans l�induction du stress oxydant
intracellulaire menant à l�apoptose des péricytes, après liaison à un récepteur par exemple.
En effet, les AGE peuvent interagir avec différents récepteurs aux AGE, comme p60,
p90 (Li Y.M. et al., 1996) ou RAGE (Yan et al., 1994) et induire des réponses cellulaires
variées. Bien que la cascade exacte des événements intracellulaires mis en jeu lors de la
liaison AGE/récepteur reste mal définie, il a été montré que la fixation d�un AGE à RAGE
diminuait les quantités d�antioxydants non enzymatiques (Bierhaus et al., 1997) ou induisait
la production intracellulaire de ROS (Yan et al., 1994), comme probablement l�anion
superoxyde produit par l�activation d�une NAD(P)H oxydase (Wautier et al., 2001). Au cours
de ce travail, nous avons montré la présence de RAGE dans nos péricytes rétiniens bovins en
culture (voir chapitre I-3). Les AGE-MGX, après liaison à RAGE (Westwood et al., 1994),
pourraient ainsi induire la formation de ROS par l�activation d�une NAD(P)H oxydase
intracellulaire produisant l�anion superoxyde, alors dismuté en peroxyde d�hydrogène (H2O2),
menant à l�apoptose des péricytes.
179
La détermination du profil antioxydant des péricytes rétiniens de b�uf a montré une
activité faible en glutathion peroxydase dépendante du sélénium (Se-GPX) (Paget et al.,
1998). Cet enzyme réduit une variété d'hydroperoxydes chimiquement différents allant du
peroxyde d�hydrogène aux peroxydes lipidiques. Les péricytes rétiniens, dépourvus en cet
enzyme, pourraient être plus particulièrement sensibles aux dommages cellulaires causés par
des hydroperoxydes. La réponse apoptotique des péricytes aux AGE-MGX pourrait ainsi
intégrer la formation de peroxydes lipidiques formés dans les membranes (mitochondriales)
et/ou de peroxyde d'hydrogène cytosolique (H2O2). Des travaux menés au sein de l'équipe ont
montré la formation de H2O2 par la méthode de la dichlorofluorescéine dans les péricytes
traités par les AGE-MGX. Ces différentes considérations soutiendraient l'hypothèse formulée
précédemment, postulant l'activation d'une NAD(P)H oxydase conduisant à la formation
d�anion superoxyde puis de H2O2 dans les péricytes apoptotiques.
L�effet protecteur de la NAC (10 µM) est associé à une inhibition complète de
l�accumulation des deux médiateurs lipidiques, suggérant que le stress oxydant intervienne en
amont des enzymes PC-PLC et A-SMase. Au cours de ce travail, nous avons montré que la
génération des DAG et des céramides était sous le contrôle de caspases initiatrices,
notamment la caspase-10. Nous avons examiné si les ROS pouvaient induire l�activation de
cette caspase. Le clivage protéolytique de la caspase-10 n�a pas été affecté dans les péricytes
traités avec la NAC, suggérant que le statut redox ou les ROS n�induisent pas ou ne
potentialisent pas le clivage protéolytique de cette caspase. Les ROS ont d�ailleurs été décrits
comme des inhibiteurs de l�activation protéolytique et de l�activité enzymatique des caspases
(Hampton et Orrenius, 1997; Fadeel et al., 1998). Ces dernières, contenant une cystéine dans
leur site actif, requièrent la présence du groupement thiol sous forme réduite pour être actives
(Nobel et al., 1997). Les ROS produits ou les modifications du statut redox cellulaire induites
dans les péricytes soumis aux AGE-MGX interviendraient ainsi en aval de la caspase
initiatrice.
Le stress oxydant régulerait directement (ou indirectement) l�activation de la PC-PLC,
puisque la NAC bloque la génération des DAG et des céramides. La régulation redox de cet
enzyme n�a pas été rapportée à ce jour. Un effet inhibiteur direct de la NAC sur l�activité
enzymatique de la caspase-10 pourrait être écarté. Effectivement, par son pouvoir réducteur
des fonctions thiols, la NAC potentialiserait plutôt l�activité enzymatique de la caspase-10, en
maintenant la cystéine du site actif sous sa forme réduite. L�inhibition de la formation des
180
DAG et des céramides par la NAC pourrait suggérer l�existence d�un intermédiaire entre la
caspase-10 et la PC-PLC. La PC-PLC, inhibée spécifiquement par le D609, est un enzyme
dont l�activation dépend d�une PKC, stimulée expérimentalement par l�ester de phorbol TPA
(12-O-tétradécanoylphorbol-13-ester), nommé également PMA (phorbol 12-myristate 13-
acétate) (Muir et Murray, 1987; Müller-Decker, 1989). Des travaux plus récents ont montré
que les PKCα et ε peuvent être activées par des espèces radicalaires dérivées des ROS (H2O2)
(Chen et al., 1996). Enfin, Simizu et al (1998) ont mis en évidence la génération de H2O2
dépendante de l�activation de caspases de la famille de la caspase-3, probablement par
l�intermédiaire d�une NAD(P)H oxydase. Dans les péricytes soumis aux AGE-MGX, la
caspase-10 (caspase de la famille de la caspase-3) pourrait ainsi engendrer la formation de
H2O2 par l�intermédiaire d�une NAD(P)H oxydase, dont l�activation a d�ailleurs été montrée
lors de la liaison des AGE à leur récepteur RAGE (Wautier et al., 2001). Les ROS générés
activeraient une PKC puis la PC-PLC (Figure 53). Le traitement des péricytes avec un
antioxydant, comme la NAC, inhiberait cette cascade enzymatique en bloquant l�activation
redox-dépendante d�une PKC, sans affecter le clivage protéolytique de la caspase-10.
La protection totale des péricytes contre l�apoptose par les antioxydants (la NAC,
l�acide lipoïque et l�ebselen notamment) suggère un rôle central du stress oxydant dans la
réponse apoptotique induite par les AGE-MGX. Les dérivés actifs de l�oxygène peuvent être
produits dans la cellule par un dysfonctionnement de la chaîne respiratoire mitochondriale
(Kane et al., 1993; Ghafourifar et al., 1999) ou provenir d'activités enzymatiques comme les
NAD(P)H oxydases membranaires (Suzuki et al., 1998; Wautier et al., 2001) ou les
lipoxygénases (O'Donnell et al., 1995). La mitochondrie apparaît de plus en plus impliquée
dans l�intégration, la régulation et l�amplification de la réponse apoptotique. Le découplage
de la chaîne respiratoire mitochondriale est en effet observé en réponse à divers stimuli,
comme les radicaux libres eux-mêmes (Chen et al., 1998; Yamakawa et al., 2000), les
céramides exogènes (Quillet-Mary et al., 1997) ou le TNFα (Schulze-Osthoff et al., 1992) et
induit une génération accrue de ROS ainsi que la libération de facteurs apoptotiques
mitochondriaux comme le cytochrome c (Ghafourifar et al., 1999), entraînant l�activation des
caspases effectrices. La protection des péricytes rétiniens contre l�apoptose, observée en
présence de différents antioxydants, pourrait résulter d�une inhibition de la formation de ROS
et/ou d�une protection de la mitochondrie contre les radicaux libres cytosoliques et les
céramides. Le rôle central de la mitochondrie dans la transduction du message apoptotique est
181
d�ailleurs souligné par les résultats obtenus avec l�inhibiteur peptidique de la caspase-9,
exposés dans le chapitre précédent (chapitre III).
En conclusion, nous avons montré l�induction d�un stress oxydant dans la voie de
signalisation menant à l�apoptose des péricytes induite par les AGE-MGX. Bien que les
mécanismes moléculaires exacts n�aient pas été définis, les AGE-MGX, en se liant par
exemple au récepteur RAGE, induisent une production de ROS ou modifient le statut redox
intracellulaire, ce qui contrôlerait la génération de DAG et de céramides et qui finalement
altérerait la fonction mitochondriale.
Figure 53: Hypothèse de la voie de signalisation menant à l�apoptose des péricytes induite par les AGE-MGX
AGE-MGX (/récepteur aux AGE?)
Mitochondrie
Caspase-9
Caspases effectrices(caspases-3, 6 et 7?)
Apoptose
ROS
PC DAG
PC-PLC
SM Céramides
A-SMase
PKC
N-acétyl-L-cystéine (Acide lipoïque Ebselen Zéaxanthine Coelentéramine)
statut redox / ROS
?
Caspase(s) initiatrice(s) caspase-10 (et 2 ?)
NAD(P)H oxydase? ?
182
183
CONCLUSIONS / PERSPECTIVES
184
185
Une des altérations caractéristiques de la rétinopathie diabétique est la disparition
précoce des péricytes, massivement présents dans les microvaisseaux rétiniens. Plusieurs
études suggèrent aujourd�hui que les péricytes disparaissent par un phénomène d�apoptose.
Mais les agents inducteurs d�un tel processus ainsi que les voies intracellulaires sous-jacentes
n�ont pas été clairement identifiés in vivo. Ce travail de thèse a permis de montrer d�une part
que les produits avancés de glycation, dérivés du méthylglyoxal, induisent in vitro l�apoptose
des péricytes et d�autre part d�identifier de nouveaux acteurs moléculaires impliqués dans la
transduction du message apoptotique. Nous avons mis en évidence que l�apoptose des
péricytes rétiniens induite par les AGE-MGX, est gouvernée par l�activation de différentes
caspases, la production de diacylglycérols (DAG) et de céramides, et l�induction d�un stress
oxydant. Dans nos conditions de culture, ces modifications biochimiques ne sont induites que
par les AGE dans les péricytes rétiniens puisque de fortes concentrations en glucose n�ont
affecté ni la mort cellulaire, ni les niveaux endogènes des DAG et des céramides. Les
péricytes semblent être plus sensibles aux AGE qu�à une forte concentration en glucose, pour
une même durée de traitement.
L�induction de l�apoptose par les AGE dans les péricytes rétiniens pourrait être reliée à
la situation pathologique observée in vivo. Les péricytes sont enfouis dans la membrane
basale, constituée de protéines de structures comme le collagène IV et la fibronectine,
capables de générer des AGE très tôt au cours du diabète, avant même la formation de
capillaires acellulaires, et qui s�accumulent progressivement pendant la maladie (Stitt et al.,
1997). Les AGE circulants transportés vers l�espace subendothélial à travers l�endothélium
contribuent également à l�accumulation d�AGE dans la membrane basale et dans les péricytes
rétiniens (Sttit et al., 1997 et 2000a). Par ailleurs des agents anti-glyquants comme
l�aminoguanidine ou l�OPB-9195 préviennent la disparition des péricytes (Hammes et al.,
1991; Yatoh et al., 2001) et l�accumulation d�AGE dans la rétine (Hammes et al., 1991) de
rats diabétiques. L�effet des AGE sur les péricytes rétiniens et leur mécanisme d�action
décrits in vitro, pourraient être examinés in vivo en administrant des AGE par voie
intraveineuse à des rats normo-glycémiques, selon le protocole proposé par Stitt et al (2000b),
en purifiant ensuite les microvaisseaux rétiniens (par un choc osmotique, par exemple) et en
observant l�apoptose dans les péricytes rétiniens ex vivo ainsi que l�induction des différents
médiateurs intracellulaires identifiés. L�implication réelle des acteurs moléculaires décrits
dans l�apoptose des péricytes bovins, notamment la caspase-10, pourrait également être
examinée ex vivo dans des péricytes de rétines humaines, prélevées post-mortem sur des
patients diabétiques et à partir desquelles l�arbre vasculaire est purifié. La présence et
l�activation de caspases, comme la caspase-10, pourrait être mise en évidence, par exemple,
186
par des techniques d�immunoempreintes (Western Blot), permettant de visualiser la protéine
clivée, ou d�ELISA de capture au moyen d�anticorps spécifiques, permettant de purifier la
caspase active et de mesurer l�activité enzymatique.
Après avoir mis en évidence que les AGE peuvent induire spécifiquement l'apoptose
dans les péricytes rétiniens, nous avons entrepris d�étudier la voie de signalisation
intracellulaire menant à l�apoptose. Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés aux
voies de formation des DAG et des céramides. L�utilisation d�inhibiteurs enzymatiques nous
a permis d�une part d�exclure l�implication de la voie de biosynthèse de novo des céramides
et d�autre part de montrer que les DAG sont produits par la PC-PLC et sont couplés à
l�activation séquentielle de l�A-SMase pour générer les céramides. Afin de confirmer
l�activation de ces enzymes, nous aurions pu réaliser différents contrôles, comme un dosage
des substrats à partir desquels sont produits les DAG et les céramides (respectivement les
phosphatidylcholines et les sphingomyélines) par des méthodes de marquages métaboliques
et/ou mesurer les activités des enzymes produisant ces médiateurs lipidiques dans les
péricytes soumis aux AGE-MGX. Une autre approche serait de réprimer l�expression des
deux enzymes au moyen d�ARN-antisens et d�évaluer l�apoptose ainsi que la production des
deux médiateurs lipidiques dans les péricytes transfectés soumis aux AGE-MGX. L�inhibition
complète de la production des DAG et des céramides n�a été associée qu�à une protection
partielle des péricytes contre l�apoptose. Ces résultats nous ont amenés à proposer l�existence
d�une seconde voie de signalisation, indépendante de ces deux médiateurs lipidiques.
L�activité sphingomyélinase acide a été décrite initialement dans les lysosomes et les
endosomes (Kanfer et al., 1966), mais également dans les cavéoles de la membrane
plasmique (Liu et Anderson, 1995; Zundel et al., 2000; Grassmé et al., 2001). Le rôle des
céramides dans un processus apoptotique, générés dans les compartiments acides par l�A-
SMase lysosomale, est aujourd�hui controversé (Chatelut et al., 1998; Ségui et al., 2000). Il
apparaît en fait que l�A-SMase, responsable de la production de céramides pro-apoptotiques,
serait localisée au niveau de la membrane plasmique, notamment dans les cavéoles (Zundel et
al., 2000; Grassmé et al., 2001). De façon intéressante, la formation de DAG par la PC-PLC,
couplée à l�activation de l�A-SMase, a également été montrée dans les cavéoles (Liu et
Anderson, 1995). Mais la génération de céramides directement dans la mitochondrie est
également capable d�induire l�apoptose (Birbes et al., 2001). Ainsi, il serait intéressant
d�identifier le compartiment subcellulaire de production des DAG et des céramides dans les
péricytes apoptotiques, d�établir s�il existe des intermédiaires métaboliques entre les
céramides et la mitochondrie (hypothèse d�une production lysosomale ou cavéolaire) ou non
187
(hypothèse d�une production mitochondriale uniquement) et enfin d�identifier les voies de
signalisation activées par les céramides.
Au moyen d�inhibiteurs peptidiques spécifiques de caspases et d�immunoempreintes,
nous avons montré l�activation de différentes caspases (initiatrices et effectrices) dans les
péricytes rétiniens soumis aux AGE-MGX. Nous avons notamment identifié les caspases
initiatrices engagées dans la transduction du message apoptotique. La caspase-8 ne semble
pas être impliquée dans l�apoptose des péricytes. D�après les immunodétections, elle serait
même probablement absente de ce type cellulaire. En revanche, dans les péricytes rétiniens
bovins soumis aux AGE-MGX, la caspase-10 est présente et activée et semble contrôler la
formation des DAG et des céramides. La caspase-10 bovine identifiée présenterait une
séquence peptidique supplémentaire (≈ 4 kDa) par rapport aux isoformes longues des
caspases humaines 10/b (Vincenz et al., 1997) et 10/d (Hg et al., 1999). Cette variation de
quelques kilodaltons pourrait être liée à l�imprécision faite sur la mesure. Une différence de
masse moléculaire entre la forme humaine et bovine est néanmoins plausible et a d�ailleurs
été observée pour une autre protéine, comme le récepteur aux AGE, RAGE (Neeper et al.,
1992). Mais la production des céramides et des DAG pourrait également dépendre de
l�activation de la caspase-2L. En se basant sur le modèle d�activation de la caspase-8 proposé
dans différentes lignées cellulaires de lymphocytes (Droin et al., 2001), nous pourrions
imaginer que la caspase-2L interviendrait dans le processus d�activation de la caspase-10.
Cette hypothèse pourrait être confirmée en examinant par immunoempreinte si le peptide z-
VDVAD-fmk (inhibiteur de la caspase-2) inhibe le clivage protéolytique de la caspase-10.
Une autre approche serait d�observer les effets des AGE sur l�apoptose, le clivage de la
caspase-10 et la production des DAG et des céramides dans les péricytes n�exprimant plus la
caspase-2L par une technique de transfection des cellules avec un ARN anti-sens. Une des
limitations de notre étude est que les immunodétections des ces 3 caspases bovines ont été
réalisées au moyen d'anticorps dirigés contre des antigènes humains. La réalisation
d�expériences supplémentaires, comme des dosages d'activités enzymatiques après ELISA de
capture avec des anticorps spécifiques et/ou des expériences d'amplification de gènes (RT-
PCR), nous permettraient ainsi de confirmer l'expression de ces caspases et leur activation
dans les péricytes soumis aux AGE-MGX. Le clonage de l'ADNc de la caspase-10 bovine, à
partir d'une librairie d'ADNc de tissu bovin, comme cela a été effectué pour le clonage de
RAGE (Neeper et al., 1992), permettrait d'accéder à la séquence peptidique et de confirmer
éventuellement la différence de masse moléculaire suggérée entre la caspase-10 bovine et
humaine.
188
Nous avons également examiné l�implication d�un stress oxydant dans la transduction
du message menant à l�apoptose des péricytes. L�utilisation de différents antioxydants a
montré une protection totale des péricytes contre l�apoptose induite par les AGE associée à
une inhibition complète de la formation des DAG et des céramides, suggérant un rôle critique
du stress oxydant dans l'apoptose des péricytes rétiniens. Ce stress oxydant n�est pas dû à des
réactions de type Fenton liées aux ions métalliques qui sont chélatés par les AGE-MGX,
comme le montrent nos expériences où les AGE-MGX traités par des chélateurs de métaux
(EDTA et résine chelex-100) ont les même effets que les AGE-MGX natifs. Ceci suggère que
les effets des AGE-MGX observés dans cette étude sont dûs à la structure peptidique des
AGE et pas aux ions métalliques éventuellement liés. Ces expériences renforcent aussi la
notion que les AGE-MGX induisent un stress oxydant non pas par un phénomène artéfactuel
mais bien après liaison à un récepteur membranaire.
Nos résultats viennent également conforter d�autres études in vivo montrant le rôle du
stress oxydant dans la disparition des péricytes par apoptose, que ce soit chez l�Homme dans
des péricytes rétiniens apoptotiques prélevés post-mortem sur des patients diabétiques (Li W.
et al., 1999) ou chez le rat lors de l�administration d�antioxydants, comme le trolox (Ansari et
al., 1998) ou un mélange d�antioxydants (Yatoh et al., 2000; Kowluru et al., 2001) à des rats
diabétiques.
La production accrue de ROS, générant un stress oxydant, peut résulter d'un
dysfonctionnement de la chaîne respiratoire mitochondriale (Zamzami et al., 1995) ou
d'activités enzymatiques, telles que des NADPH oxydases (Khwaja et Tatton, 1999), des
lipoxygénases (O'Donnell et al., 1995), des NO synthases (Binder et al., 1999). Par ailleurs, la
liaison des AGE à leur récepteur RAGE induit la formation intracellulaire de ROS (Yan et al.,
1994) et l'activation de NADPH oxydase (Wautier et al., 2001). Ainsi, les sources de
production intracellulaire de ROS dans les péricytes soumis aux AGE-MGX pourraient être
examinées en analysant les effets d'inhibiteurs de certaines de ces voies de formation de ROS
sur l'apoptose des péricytes induite par les AGE-MGX et la production des DAG et des
céramides qui en résulte. Par exemple, l'implication d'une NADPH oxydase (Wautier et al.,
2001) dans les péricytes pourrait être mise en évidence au moyen d'iodure de diphelylène
alors que la production de ROS mitochondriaux pourrait être examinée au moyen
d'inhibiteurs de la chaîne respiratoire, comme la roténone ou la TTFA
(thenoyltrifluoroacétone).
189
La deuxième voie de signalisation apoptotique activée par les AGE-MGX dans les
péricytes, indépendante des deux médiateurs lipidiques, semble converger vers la
mitochondrie et induire, de concert avec les céramides générés, l�activation de la caspase-9 et
des caspases effectrices. Néanmoins, nous n�avons pas pu déterminer si la caspase-10
(initiatrice) est située au carrefour des deux voies de signalisation. Le rôle de la caspase-10
pourrait être examiné en réprimant son expression par un ARN antisens ou en transfectant les
péricytes avec une forme inactive de la caspase-10 et en analysant les effets des AGE sur
l�apoptose des péricytes rétiniens.
Des études ont montré que l�apoptose peut être induite indépendamment de la
génération de céramides et associée à une atteinte mitochondriale. Les caspases initiatrices
semblent contrôler certaines de ces voies de signalisation impliquant les protéines régulatrices
de l�apoptose de la famille des Bcl-2 ou des kinases comme les JNKs (c-JUN-terminal
kinases). C�est ainsi que la caspase-8 peut induire la protéolyse de Bid, membre de la famille
des Bcl-2, générant un fragment pro-apoptotique qui entraîne la libération mitochondriale de
cytochrome c et l�activation séquentielle de caspases effectrices (Li H. et al., 1998). D�autre
part, les caspases initiatrices, notamment les caspase-8 et 10, par leurs domaines DED
(localisés dans le prodomaine), peuvent également induire, indépendamment de leur fonction
catalytique, l�activation de la voie des JNKs (Chaudhary et al., 1999), décrite dans les
processus apoptotiques. Ces mécanismes pourraient jouer un rôle dans la voie de signalisation
de l�apoptose activée par les AGE-MGX dans les péricytes.
D�autre part, l�action des AGE sur leur récepteur, notamment RAGE, celui dont la
cascade de signalisation est la mieux connue, met en jeu l�induction d�un stress oxydant et
l'activation d'une cascade de kinases (p21ras/PI3K/Akt/MAP kinases) qui active finalement le
facteur de transcription NF-κB (Yan et al., 1994; Lander et al., 1997; Deora et al., 1998). Ce
facteur de transcription est impliqué dans diverses réponses cellulaires, dont l'apoptose. Par
exemple, la surexpression de RelA (sous-unité de NF-κB) induit l'arrêt du cycle cellulaire et
l'apoptose dans des cellules B (Sheehy et Schlissel, 1999). NF-κB peut également réguler
l�expresion de protéines pro-apoptotiques, comme p53 (suppresseur de tumeur) (Nakai et al.,
2000), protéine contrôlant elle-même l'expression de Bax (Miyashita et Reed, 1995).
D�ailleurs, une étude toute récente vient de montrer que les AGE peuvent induire l�apoptose
des cellules mésangiales en activant p53 qui induit la surexpression de Bax, et que cette
apoptose est inhibée par un traitement des cellules avec un antioxydant, la N-acétyl-L-
cystéine (Yamagishi et al., 2002b). Ces différents travaux permettraient de proposer
l�hypothèse que les AGE, en se liant à RAGE, peuvent induire un stress oxydant
190
intracellulaire qui active NF-kB, celui-ci contrôlerait l�activation de p53 et la surexpression
de Bax, protéine altérant la fonction mitochondriale. Dans les péricytes rétiniens, la
participation éventuelle de ces différents acteurs moléculaires activés par la liaison des AGE à
leur récepteur, indépendants des céramides, reste à définir.
Les AGE sont décrits pour interagir avec des récepteurs spécifiques et induire des
réponses cellulaires. Nos expériences avec les chélateurs de métaux suggèrent que les effets
observés dans notre étude sont bien dus à la protéine glyquée AGE et non aux ions
métalliques liés dessus. Les effets des AGE-MGX sur l'apoptose des péricytes rétiniens sont
certainement médiés par un de ces récepteurs, capables d�induire un signal intracellulaire:
RAGE, ou AGE-R (p60, p90 et la galectine-3). En effet, le clivage protéolytique et
l�activation de la caspase-10 initiatrice (et de la caspase-2?) dans les péricytes rétiniens
suggère l�activation d�un récepteur transmembranaire, comme un récepteur aux AGE, dans
l'induction du signal de mort par les AGE-MGX. Nous avons montré, dans nos péricytes
rétiniens, la présence d�un récepteur spécifique aux AGE, RAGE, dont l�expression est
stimulée en présence des AGE-MGX (voir résultats, chapitre I). Par ailleurs, RAGE, dont le
domaine cytoplasmique est décrit comme essentiel dans la signalisation intracellulaire
(Huttunen et al., 1999), est capable de lier les AGE-MGX (Westwood et al., 1994) et
d'induire un stress oxydant intracellulaire (Yan et al., 1994; Wautier et al., 2001), ce qui est
conforme aux résultats décrits au cours de ce travail (cf. chapitre 4). Ces différentes données
permettent de proposer RAGE comme un candidat potentiel dans l'activation de la caspase-
10 (et de la caspase-2?) et la transduction du signal apoptotique dans les péricytes soumis
aux AGE-MGX. D�ailleurs, Yamagishi et al. (2002a) ont montré récemment que la
surexpression de RAGE augmente la réponse apoptotique des péricytes rétiniens soumis à
différents AGE.
Les mécanismes moléculaires d'activation des caspases initiatrices impliquent la
formation d'un complexe protéique transmembranaire, qui consiste en l'oligomérisation des
récepteurs de morts. Bien qu'un tel phénomène n'ait pas été décrit pour RAGE, ce récepteur
aux AGE est associé à une protéine homologue de la lactoferrine (Schmidt et al., 1992). En
plus de RAGE qui est un dimère, le récepteur AGE-R formé par p60, p90 et galectine-3,
localisé dans les cavéoles et qui est présent sur les péricytes (Stitt et al., 1997; Chibber et al.,
1997), forme un complexe trimérique lors de la liaison aux AGE (Stitt et al., 2000b). RAGE
et/ou d�autres récepteurs présents sur les péricytes, activés par la liaison d�un AGE,
pourraient ainsi se comporter comme des récepteurs de mort et former un complexe
transmembranaire, activant les caspases initiatrices. Cependant, l�activation des caspases
191
initiatrices nécessite leur recrutement aux récepteurs de mort par des molécules adaptatrices
(TRADD, RAIDD ou FADD) au niveau d�un domaine de mort (DD) de la partie
cytoplasmique des récepteurs (Kischkel et al., 1995 et 2001). Une comparaison de séquence
de ce DD avec le domaine cytosolique de RAGE par le logiciel BLAST
(http://www.ncbi.nlm.nih.gov/BLAST/) indique que ce dernier ne contient pas d�homologie
de séquence avec DD. En revanche, le fragment C terminal cytoplasmique de RAGE est
riche en résidus glutamates chargés négativement qui pourraient être impliqués dans une
reconnaissance protéine-protéine (Neeper et al., 1992). A ce jour, aucune étude n�a été
réalisée en vue d�identifier l�acteur moléculaire directement couplé à la partie cytoplasmique
de RAGE. Quant au complexe AGE-R, la protéine intracellulaire directement activée lors de
la liaison d�AGE à AGE-R apparaît être p90, interagissant avec la partie cytoplasmique de
p60 (Stitt et al., 1999). La signalisation intracellulaire induite semble intégrer une cascade de
phosphorylations par des kinases (Cai et al., 2000). De plus, nous ne pouvons pas exclure
l�hypothèse d�un recrutement d�une autre protéine que p90 au niveau du domaine
cytoplasmique de p60. Ceci a été décrit, par exemple, pour le récepteur du TNFα qui peut
recruter, au niveau de deux domaines distincts, les protéines FAN (Adam-Klages et al.,
1996) et TRADD (Wiegmann et al., 1999) induisant deux voies de signalisations
intracellulaires différentes.
Nous pourrions rechercher in vitro si un récepteur aux AGE est impliqué dans la
réponse apoptotique en surexprimant un récepteur aux AGE, comme RAGE (Yamagishi et
al., 2002a) ou bien en analysant les effets d�inhibiteurs de la liaison AGE/récepteur, comme
l�anticorps anti-RAGE (Yan et al., 1994), l'anticorps anti-p60 (Chibber et al., 1997) ou le
RAGE soluble (Wautier et al., 1996), sur l�apoptose et la formation de DAG et de céramides
et/ou l�activation de caspases dans les péricytes rétiniens. Une approche in vivo de cette
question pourrait également être envisagée par surexpression transgénique de récepteurs aux
AGE, comme cela a été fait pour RAGE. Ainsi, l'apoptose de péricytes rétiniens pourrait être
évaluée dans les souris transgéniques surexprimant RAGE (Yamamoto et al., 2001) en
comparaison aux animaux contrôles. Dans l�éventualité de l�identification d�un récepteur aux
AGE impliqué dans l�induction de l�apoptose des péricytes, le mécanisme de couplage de ce
récepteur à l�activation de la caspase-10 initiatrice mérite d�être investi.
En conclusion, ces travaux proposent un nouveau mécanisme moléculaire responsable
de la disparition par apoptose des péricytes rétiniens en réponse aux AGE accumulés au cours
192
du diabète. La perte par apoptose des péricytes induite par les AGE-MGX a été associée à
l'activation de la caspase-10 initiatrice. Celle-ci contrôlerait la formation des médiateurs
lipidiques impliqués dans l�apoptose: les DAG et les céramides. Les deux voies métaboliques,
dépendantes ou non des céramides, semblent converger vers la mitochondrie et induire
l'activation de la caspase-9 ainsi que des caspases effectrices pour orienter la cellule dans la
phase terminale de l�apoptose.
La disparition des péricytes au cours de la phase précoce de la rétinopathie est
considérée comme une des altérations initiales précédant l�apparition de lésions vasculaires
caractéristiques de la rétinopathie, comme la formation de capillaires acellulaires (Mizutani et
al., 1996). La perte des péricytes rétiniens pourrait ainsi contribuer au développement de la
maladie. Leur disparition, associée à celle des cellules endothéliales par apoptose dans
certains capillaires, semblent mener à la formation de capillaires acellulaires (Engerman et
al., 1989; Mizutani et al., 1996), phénomène pouvant contribuer à l�hyperperméabilité
vasculaire. Avec les cellules de Müller et les cellules endothéliales, les péricytes constituent
la barrière hémato-rétinienne. Leur disparition pourrait conduire à un dysfonctionnement des
cellules voisines, comme les cellules endothéliales. Les péricytes contrôlent en effet leur
prolifération (Orlidge et D�amore, 1987) et leur métabolisme cellulaire (Yamagishi et al.,
1993). Par ailleurs, il a été montré récemment in vitro que l�apoptose des péricytes induite par
des AGE est associée à une production accrue du facteur perméabilisant VEGF (Yamagishi et
al., 2000a). VEGF est en effet augmenté dans la rétine de patients diabétiques au cours de la
phase précoce de la maladie (Mathews et al., 1997). Ce facteur pourrait intervenir dans la
perte de la perméabilité de la barrière hémato-rétinienne, observée dans la phase pré-clinique
de la rétinopathie diabétique, en stimulant les processus de transcytose des constituants
plasmatiques à travers l�endothélium (Feng et al., 1999). La perte précoce des péricytes dans
les microvaisseaux rétiniens pourrait ainsi contribuer au développement de la rétinopathie, en
participant notamment à la déstructuration de la barrière hémato-rétinienne et
l�hyperperméabilité vasculaire. La prévention ou le ralentissement de la disparition des
péricytes par une approche pharmacologique contre une des cibles enzymatiques identifiées
au cours de ce travail, constitue donc une nouvelle perspective de traitement de la rétinopathie
diabétique.
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ANNEXES
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LECOMTE MARC, DENIS ULRICHE, PAGET CLARISSE, WIERNSPERGER NICOLAS et LAGARDE MICHEL. (Inventeurs). Utilisation d'inhibiteurs de l'apoptose des péricytes pour le traitement et/ou la prévention de la rétinopathie diabétique (demande de brevet d'invention du 24/10/2001).