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Étude rétrospective de 55 transpositions antérieures sous-cutanées pour syndrome canalaire du nerf ulnaire à 3ans de recul minimum

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Article original

Étude rétrospective de 55 transpositions antérieures sous-cutanées poursyndrome canalaire du nerf ulnaire à 3 ans de recul minimum

Cubital tunnel syndrome: A retrospective review of 55 subcutaneous transpositionswith minimum 3-year follow-up

V. Guinet a,*, C. Cordier-Fuzeau b, I. Auquit-Auckbur c

a Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, CHU de Rouen, 1, rue de Germont, 76000 Rouen, Franceb Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, centre hospitalier de Dieppe, avenue Pasteur, 76202 Dieppe, France

c Service de chirurgie plastique, reconstructrice et de la main, CHU de Rouen, 1, rue de Germont, 76000 Rouen, France

Reçu le 19 juin 2013 ; reçu sous la forme révisée le 22 juillet 2013 ; accepté le 2 août 2013Disponible sur Internet le 27 aout 2013

Résumé

Le traitement chirurgical du syndrome canalaire du nerf ulnaire au coude reste un sujet de controverse. Les options thérapeutiques sont nombreuses,et aucune n’a encore démontré sa supériorité. Cette étude rétrospective rapporte les résultats cliniques d’une série continue de 73 transpositionsantérieures sous-cutanées du nerf ulnaire, de janvier 2000 à janvier 2010, avec un recul minimum de 36 mois. Cinquante-cinq patients ont été revusavec un recul moyen de 65,7 mois. Ils étaient classés avant l’opération et au dernier recul selon la classification de McGowan modifiée Goldberg pourl’analyse des résultats cliniques. Le retentissement fonctionnel était mesuré par le score DASH. La durée moyenne d’évolution préopératoire dessymptômes était de 16,7 mois et le délai de « consolidation » moyen de 4,7 mois. Le stade de McGowan modifié Goldberg était significativementamélioré au dernier recul ( p = 0,0002). Seuls cinq patients conservaient des paresthésies. Le score DASH moyen était de 7,27/100. Les patients,satisfaits à 96 %, avaient tous repris leur activité professionnelle antérieure sauf un. L’intervention ne s’était jamais compliquée d’infection ou desyndrome douloureux régional complexe. La transposition antérieure sous-cutanée donne de très bons résultats cliniques, pour une satisfaction et unscore fonctionnel excellents. C’est une intervention efficace, sans complication dans notre série, qui apporte l’assurance de résultats pérennes.# 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Syndrome du tunnel cubital ; Syndrome de compression du nerf ulnaire ; Transposition antérieure sous-cutanée

Abstract

The surgical management of the cubital tunnel syndrome has no strict rules to follow. Surgical treatments are various, but none of them has beenshown to be superior to the others. This retrospective study presents the clinical results in 73 patients who underwent an anterior subcutaneoustransposition of the ulnar nerve, between January 2000 and January 2010, with a minimum 3-year follow-up. Fifty-five patients were assessed withan average follow-up of 65.7 months. McGowan grading system as modified by Goldberg was used to analyse clinical results, preoperatively and atfollow-up. The DASH score was used to assess physical function. The average preoperative evolution of symptoms was 16.7 months, and meanperiod to resolution was 4.7 months. The grade in McGowan grading system as modified by Goldberg significatively improved at follow-up(P = 0.0002). Only five patients kept paresthesia. The mean postoperative DASH score was 7.27/100. The satisfaction rate was 96%, and all thepatients except one returned back to their occupation. There was neither infection nor complex regional pain syndrome. The anterior subcutaneoustransposition leads to very good clinical results, satisfaction and physical function. It is an effective surgical method, without complication in ourstudy, which gives long-term results.# 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Cubital tunnel syndrome; Ulnar nerve compression syndrome; Anterior subcutaneous transposition

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Chirurgie de la main 32 (2013) 292–298

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (V. Guinet).

1297-3203/$ – see front matter # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.main.2013.08.001

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1. Introduction

La compression du nerf ulnaire au coude est un motiffréquent de consultation. C’est la deuxième cause de syndromecanalaire au membre supérieur après celui du nerf médian aupoignet. Si sa physiopathologie est mieux connue, elle restecontroversée, car multifactorielle. Le terrain, l’origine, lasévérité et l’ancienneté de l’atteinte nerveuse sont autant defacteurs qui expliquent la variabilité des résultats.

Cela explique également que les techniques chirurgicalessoient nombreuses : neurolyse simple, transposition antérieuresous-cutanée, sous-musculaire, intramusculaire, épicondylec-tomie médiale, et qu’aucune d’entre elles n’ait clairementdémontré sa supériorité [1,2].

Henry Earl [3] fit le premier la description du traitementchirurgical d’une paralysie ulnaire progressive au coude ; puis en1898, Benjamin Farquhar Curtis décrivit ce que l’on considèrede nos jours comme la transposition antérieure sous-cutanée [4],l’une des techniques les plus fréquemment utilisées. Elle al’avantage de réduire non seulement les forces de compressionmais aussi d’étirement qui s’appliquent aunerfulnaire au momentde la flexion du coude, lors de son déplacement vers l’avant [5,6].

Nous rapportons dans ce travail rétrospectif les résultatscliniques de 55 syndromes canalaires du nerf ulnaire au coude,traités chirurgicalement par transposition antérieure sous-cutanée, avec un recul de 36 mois minimum, avec pour butprincipal d’en évaluer l’efficacité.

2. Patients et méthodes

2.1. Patients

Notre étude portait sur tous les patients ayant bénéficié dejanvier 2000 à janvier 2010 d’une transposition antérieure sous-cutanée (TASC) pour syndrome canalaire du nerf ulnaire aucoude, réalisée par trois chirurgiens seniors de notre service dechirurgie de la main (IAA, PYM, RB).

Les critères d’exclusion étaient un âge inférieur à 18 ans,une atteinte médicale non idiopathique du nerf ulnaire (telle lalèpre ou les neurofibromatoses), une atteinte des fonctionssupérieures et une pathologie grave intercurrente.

Les patients étaient revus de façon systématique par leuropérateur à dix jours, trois mois et six mois postopératoires.

L’évaluation était réalisée par un observateur indépendant,au cours d’un examen systématisé. Les données analyséesétaient celles recueillies au cours de la consultation préo-pératoire et au dernier recul de trois ans minimum.

2.2. Évaluation électromyographique préopératoire

Un électromyogramme avait été pratiqué de façon systé-matique chez tous les patients présentant un tableau clinique decompression du nerf ulnaire au coude, afin d’en étayer lediagnostic. Nous avons classé les résultats en quatre stades, enfonction de la sévérité de l’atteinte neurologique : atteintesensitive pure modérée ou sévère et sensitivomotrice modéréeou sévère.

2.3. Imagerie médicale préopératoire

Nous n’avions pratiqué de bilan d’imagerie complémentaire(radiographies du coude, du rachis cervical, voire IRM durachis cervical) qu’en cas de point d’appel clinique à cesniveaux ou d’antécédent nécessitant d’être exploré.

2.4. Évaluation clinique

L’évaluation clinique a porté sur des critères objectifs etsubjectifs. Les critères objectifs étaient les suivants :

� test de Weber dans le territoire sensitif ulnaire, considérécomme anormal si supérieur à 6 ;� recherche d’une amyotrophie des interosseux, du premier

interosseux dorsal en particulier, et des hypothénariens ;� motricité cotée de M0 à M5 selon la cotation internationale,

du fléchisseur ulnaire du carpe et du fléchisseur profond duquatrième et du cinquième doigts (dysfonction motricesévère si inférieure ou égale à M3) ;� recherche d’un signe de Froment et d’un signe de

Wartenberg ;� recherche d’un syndrome irritatif et d’une instabilité du nerf

ulnaire.

Les critères subjectifs étaient les suivants :

� douleur selon l’échelle visuelle analogique (EVA) sur le trajetdu nerf ulnaire ;� paresthésies ou hypoesthésie dans le territoire sensitif

ulnaire ;� réveils nocturnes ;� perte de force ou maladresse.

Les données recueillies pour ces différents paramètres ontété comparées aux données préopératoires.

Les données postopératoires suivantes ont été enregistrées :

� sensibilité de la cicatrice au dernier recul ;� retentissement sur les activités quotidiennes et professionnelles

(aucune gêne, gêne légère, modérée, sévère) au dernier recul ;� stabilité des symptômes au dernier recul ;� délai de « consolidation » en mois (défini par l’utilisation du

membre opéré pour les gestes de la vie quotidienne, puis pourles mouvements en force sans gêne) ;� évaluation fonctionnelle par le questionnaire Quick DASH

[7] sur 100 points ;� satisfaction du patient ;� retour à la profession antérieure ;� souhait de refaire l’intervention.

2.5. Classification de McGowan [8] modifiée Goldberg [9]

Au terme de l’évaluation clinique, nous avons évalué l’étatneurologique de chaque patient, avant l’intervention et audernier recul, selon la classification de McGowan [8] modifiéepar Goldberg [9] (Tableau 1).

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Tableau 1Classification de McGowan [8] modifiée Goldberg [9].

Grade I : atteinte mineure Symptomatologie subjective pureGrade II : atteinte

intermédiaireFaiblesse musculaire et/ou signes sensitifsobjectifsIIA : pas d’atrophie des intrinsèquesIIB : atrophie des intrinsèques débutante(M3 - M5)

Grade III : atteintesévère

Troubles sensitifs et moteurs importants avecatrophie marquée des muscles intrinsèques

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2.6. Constatations peropératoires

Nous avons cherché dans les comptes rendus opératoires :

� les sites de compression du nerf identifiés et libérés ;� l’existence de toute autre anomalie potentiellement compres-

sive (hypertrophie musculaire, muscle surnuméraire, inser-tion musculaire anormale, fibrose) ;� une luxation peropératoire du nerf ulnaire lors de la mise en

flexion du coude ;� un retentissement macroscopique de la compression.

2.7. Technique opératoire

L’intervention se déroulait sous anesthésie locorégionale ougénérale, en fonction des indications anesthésiques, sous garrotpneumatique gonflé à 250 mmHg à la racine du membre (Fig. 1).Nous pratiquions une voie d’abord médiale courte en regard dusillon du nerf ulnaire (Fig. 1a). Après discision du tissu cellulairesous-cutané, le sillon était ouvert. Le nerf ulnaire était mis sur

Fig. 1. Technique opératoire. La voie d’abord est médiale, en regard du sillon du nerulnaire est disséqué et mis sur lacs (b). Nous pratiquons ensuite le repérage et la libérnerf. Le nerf est alors suffisamment libéré pour être transposé en avant (c). Aspec

lacs, accompagné de ses vasa nervorum (Fig. 1b). Proximale-ment, le septum intermusculaire médial était ouvert. Ladissection se poursuivait distalement et l’arcade d’Amadio etBeckenbaugh était libérée, puis au niveau du fascia du fléchisseurulnaire du carpe, jusqu’aux branches de division nerveuses pourcelui-ci (Fig. 1c). Le nerf ainsi libéré de ses potentiels sites decompression était alors transposé en avant avec sa vascularisa-tion, en avant de l’épicondyle médial, après avoir dégagé unelogette à ce niveau. Nous vérifions alors l’absence de trajet enchicane proximal ou distal. Ce néotunnel était fermé par un pointen X au Monocryl 3.0 entre la lèvre antérieure de la gouttière et letissu cellulaire sous-cutané, en ayant soin de vérifier que le nerf yétait libre (Fig. 1d). La stabilité du nerf était testée en flexion-extension du coude et la peau était fermée sur drain de Redonaspiratif. Les patients étaient immobilisés par une simple écharpeantalgique les premiers jours postopératoires, suivis d’unemobilisation libre du membre opéré.

2.8. Méthodologie statistique

Les tests utilisés pour l’analyse statistique étaient fonction del’effectif considéré, de l’égalité des variances (test de Levene) etde la normalité de distribution (test d’Agostino). Pour analyser larelation entre les différents paramètres, les statistiques réaliséesétaient descriptives avec calculs de moyenne et indication desvaleurs minimales et maximales, et comparatives :

� sur les médianes : test de Mann et Whitney ;� sur les moyennes : test de Student (si les variances étaient

égales) et test de Aspin-Welch (si les variances étaientinégales) ;

f ulnaire, légèrement décalée vers l’avant (a). Après ouverture de celle-ci, le nerfation des différents sites de compression, en préservant l’ambiance vasculaire dut après fermeture du néotunnel sous-cutané (d).

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� lorsque la distribution étudiée n’était pas continue, le testemployé était le test exact de Fisher.

Nous considérions les différences significatives pour leseffectifs étudiés si p < 0,05.

3. Résultats

3.1. Données générales

Du premier janvier 2000 au premier janvier 2010, soixante-treize patients ont été opérés d’une transposition antérieuresous-cutanée du nerf ulnaire. Nous avons revu 55 d’entre eux(75 %) au recul minimum de trois ans. Quatorze patients étaientperdus de vue, deux étaient décédés et deux n’étaient pasexaminables au moment de l’étude, hospitalisés pour patho-logie grave. Le recul moyen à la révision clinique était de65,7 mois (40–108). Il s’agissait de 20 femmes et 35 hommes,d’âge moyen 59,9 ans (34–89). Vingt-deux patients étaientinactifs ou à la retraite, dix travailleurs « intellectuels » et23 travailleurs « manuels ». Dans un cas, le syndrome decompression du nerf ulnaire au coude avait été reconnu commemaladie professionnelle. Le côté dominant était atteint dans41,8 % des cas, et la pathologie bilatérale dans 16,3 % des cas.

Un patient consommait régulièrement de l’alcool et dixétaient diabétiques. Vingt patients souffraient d’un syndromedu canal carpien associé. On trouvait dans les antécédents ducoude opéré :

� 5 cas de tendinopathie ;� 11 cas de traumatismes anciens graves, soit 20 % (cinq

fractures de l’olécrâne, trois de l’épicondyle médial, une de latête radiale, une sus-et-intercondylienne et une de Monteg-gia).

Quatre patients présentaient une déformation du coude dansle plan frontal : deux cubitus varus et deux cubitus valgus,constitutionnels ou acquis sur fracture. Aucun des patientsinclus ne présentait de syndrome du défilé thoraco-cervico-brachial.

Avant l’intervention, 69 % des patients avait reçu untraitement antalgique (palier 1 ou 2), deux portaient une orthèsed’extension nocturne à 308 de flexion, et un avait bénéficiéd’une infiltration de corticoïdes. Le délai moyen d’évolutiondes symptômes était de 16,7 mois (2–240).

La durée moyenne d’intervention consacrée à la libération età la transposition du nerf ulnaire était de 32,6 minutes (19–81).Dans cinq cas, il avait été pratiqué une libération du nerfmédian au canal carpien dans le même temps opératoire. Nousn’avons déploré aucune reprise chirurgicale.

3.2. État électromyographique préopératoire

Nous avons trouvé sur les électromyogrammespréopératoires 14 atteintes sensitives modérées, 11 atteintessensitives sévères, 11 atteintes sensitivomotrices modérées et19 atteintes sensitivomotrices sévères.

3.3. Résultats cliniques

Au dernier recul, quatre-vingt-treize pour cent des patientsprésentaient une amélioration (32 patients) ou une absenced’aggravation (19 patients) de leur test de Weber (Fig. 2a).Soixante-seize pour cent des syndromes irritatifs au coude ettoutes les instabilités cliniques avaient disparu (trois cas avantl’opération). Nous avions trouvé avant l’intervention 15 amyo-trophies du premier interosseux dorsal, contre 11 au dernierrecul (une était apparue). Soixante-dix-sept pour cent des autresatteintes motrices (amyotrophie des autres interosseux et deshypothénariens) avaient disparu, sans qu’aucune n’apparaisse(Fig. 2b). Nous n’avons pas noté d’atteinte motrice sévère dufléchisseur ulnaire du carpe, ni des fléchisseurs profonds duquatrième et du cinquième doigts. Nous avions trouvé avantl’intervention 16 signes de Froment et 16 signes de Wartenberg(associés dans 14 cas). À la révision, 63 % des signes deFroment et 56 % des signes de Wartenberg avaient disparu.Dans un cas, un signe de Froment était apparu (Fig. 2c). Laprésence de ces signes objectifs moteurs avant l’interventionétait liée de façon significative au résultat fonctionnel audernier recul ( p = 0,001).

Quatre-vingt-sept pour cent des patients ne se plaignaientplus d’aucune douleur (56 % en présentaient avant l’opération).À la révision, celles-ci n’étaient jamais permanentes etsurvenaient occasionnellement, sans facteur déclenchant, avecune EVA moyenne à 2,1/10 (5,9/10 avant l’opération). On netrouvait au dernier recul que cinq patients chez qui persistaientles paresthésies, contre 45 avant l’opération. La sensation deperte de force ou de maladresse avait disparu dans la moitié descas, et seul un patient se plaignait toujours de réveils nocturnes,présents chez 61 % d’entre eux avant l’opération.

D’un point de vue subjectif, le délai de « consolidation »moyen était de 4,7 mois (1–12), sans lien significatif avec laprésence de signes objectifs sensitifs ou moteurs ( p = 0,08). Unpatient ne s’estimait pas « consolidé » au moment de larévision. Pour tous les patients, les symptômes étaient stablesdans le temps.

Quarante-trois patients (78 %) n’avaient aucun retentisse-ment sur leurs activités quotidiennes, de même que 93 % de lapopulation active sur ses activités professionnelles. Tous lespatients actifs avaient repris leur emploi, excepté un qui avaitété reconverti. Le score DASH moyen était de 7,27/100.Quatre-vingt-seize pour cent des patients étaient satisfaits del’intervention et souhaiteraient la réitérer. La satisfaction étaitliée au stade McGowan postopératoire ( p = 0,001). Enfin, on nedéplorait aucun cas de syndrome douloureux régionalcomplexe, ni d’infection, et aucune reprise chirurgicale n’avaitété nécessaire.

3.4. Résultats selon la classification de McGowan [8]modifiée Goldberg [9]

Le détail de l’amélioration en fonction de la classificationMcGowan modifiée Goldberg est donné dans le Tableau 2. Audernier recul nous trouvions 46 % de patients asymptomati-ques. Trente-deux patients s’étaient améliorés (soit 58 %) de

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Fig. 2. a : répartition préopératoire et au dernier recul de l’atteinte sensitiveobjective. Atteinte sensitive absente : test de Weber inférieur à 6. Atteintesensitive modérée : test de Weber supérieur à 6 et inférieur à 10. Atteintesensitive sévère : test de Weber supérieur à 10 ; b : répartition préopératoire et audernier recul de l’atteinte motrice objective. Atteinte motrice absente : forcecotée M5 et absence d’atrophie. Atteinte motrice modérée : force cotée M4 ouatrophie débutante. Atteinte motrice sévère : force cotée M3 ou moins ouatrophie marquée ; c : répartition préopératoire et au dernier recul des signes deFroment et de Wartenberg.

Tableau 2Répartition des stades préopératoires et au dernier recul selon la classificationde McGowan [8] modifiée Goldberg [9].

Stades nPréopératoire (%)

nDernier recul (%)

0 0 25 (46)I 16 (29) 1 (2)IIA 22 (40) 19 (34)IIB 12 (22) 8 (14)III 5 (9) 2 (4)

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façon significative ( p = 0,0002) et vingt-deux étaient restésstables (soit 40 %). Nous avons déploré une aggravation(passage d’un stade I à IIB). Nous avons trouvé une relationstatistiquement significative entre le stade McGowan post-opératoire et la durée d’évolution préopératoire ( p = 0,001) :plus les symptômes étaient anciens, plus le résultat fonctionnelfinal était péjoratif.

3.5. Résultats des constatations peropératoires

Nous avons trouvé en cours d’intervention une compressionau niveau du septum intermusculaire médial, deux au niveau de

l’arcade de Struthers, 27 au niveau de l’arcade d’Osborne, etquatre à la confluence des deux chefs du fléchisseur ulnaire ducarpe. Nous avons observé dans un cas une hypertrophie du chefmédial du triceps brachial, et dans un autre cas l’existence d’unmuscle épitrochléo-anconéen, à l’origine de la souffrance du nerfulnaire. Dans deux cas, la compression était due à une fibrosepost-traumatique. Dans quatre cas, le nerf se luxait vers l’avant,contre l’épicondyle médial, dans les mouvements de flexion-extension. Enfin, dans 14 cas, l’étiologie de la compressionn’était pas précisée dans le compte rendu opératoire.

La compression dans le sillon du nerf ulnaire était dans dixcas responsable d’une déformation en sablier. Macroscopique-ment, le nerf ulnaire montrait de signes de retentissement chezcinq autres patients : dans quatre cas il était laminé, dans un casaplati. Enfin, dans 40 cas, le nerf ulnaire était trouvémacroscopiquement normal.

4. Discussion

Dans notre série, la transposition antérieure sous-cutanée dunerf ulnaire donne de très bons résultats, comparables à ceuxd’autres séries ayant évalué cette technique [10]. Au dernierrecul, 87 % des patients ne ressentaient plus aucune douleur, niau repos, ni dans les mouvements de flexion-extension. Tousles cas d’instabilité clinique s’étaient résolus et les paresthésiesne persistaient que chez cinq patients, sans relation trouvéeavec l’âge ( p > 1). Nous avons noté une amélioration, ycompris dans les atteintes sensitives objectives les plussévères (Weber � 10).

De la même façon, on remarquait une nette amélioration dessignes moteurs objectifs : 33 % des amyotrophies du premierinterosseux dorsal avaient disparu, de même que 63 % des signesde Froment et 56 % de signes de Wartenberg. Le stade selon laclassification McGowan [8] modifiée Goldberg [9] s’étaitsignificativement amélioré ( p = 0,0002), avec 58 % de patientsayant rétrogradé d’un grade ou plus. Ainsi, l’existence de signemoteurs objectifs avant l’intervention avait une influencepéjorative sur le résultat fonctionnel final ( p = 0,001). Avecun recul minimum de trois ans et un recul moyen de 65,7 mois,nous notons une pérennité des résultats, avec 100 % de stabilitésubjective de la pathologie. Le résultat de notre étude subjectiveest enfin parmi les meilleurs de la littérature, avec une satisfactionde 96 % et une reprise des activités professionnelles antérieurespour tous les patients excepté un, en reclassement.

Les patients opérés d’un canal carpien associé doivent êtreconsidérés à part sur le plan de la douleur et du score DASH

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moyen. La libération du nerf médian a en effet une influenceprobable sur l’amélioration de ces items. Nous trouvions ainsiune EVA moyenne postopératoire de 0/10 (contre 5,8/10 avantl’opération) et un score DASH moyen de 5,9/100.

Le nerf ulnaire occupe au niveau du coude une positionanatomique particulière : les structures fasciales, aponévroti-ques et musculaires qui l’entourent, potentiellement compres-sives, peuvent entraîner une limitation de ses capacités decoulissement [11–18]. L’attention se porte sur six sites :l’arcade de Struthers [12], le septum intermusculaire médial dubras, l’insertion du chef médial du triceps, le fascia d’Osborne,l’arcade d’Amadio et Beckenbaugh [19], et la confluence desdeux chefs du fléchisseur ulnaire du carpe [5] (Fig. 3). Cephénomène est amplifié lorsqu’il s’agit de structures surnumé-raires ou présentant une variation anatomique. Si notre série n’enfait pas preuve, l’existence d’un muscle épitrochléo-anconéen estsouvent rapportée comme étiologie à la compression [13–16]. Demême, le chef médial du triceps, par son hypertrophie [15] ou soninsertion très distale [14–17], peut refouler le nerf ulnaire,provoquant parfois son ressaut sur l’épicondyle médial(« snapping medial head of triceps »). Devant l’existenced’autant de structures anatomiques potentiellement compressi-ves, il est nécessaire de s’assurer de la bonne liberté du nerf. Parailleurs, sa situation superficielle sous-cutanée contre le sillon dunerf ulnaire l’expose aux microtraumatismes, en particulier enposition de coude fléchi [20]. Enfin la composante principale dela compression du nerf ulnaire au coude est dynamique. Saproximité avec l’articulation huméro-ulnaire lui voit imposer sesmouvements de flexion-extension, à l’origine de son étirementlors de sa course et de sa subluxation vers l’avant [21,22]. C’estainsi que le syndrome de compression du nerf ulnaire au coudepeut rentrer dans le cadre d’une maladie professionnelle, laflexion prolongée du coude associée à des mouvements répétitifsde flexion-extension étant considérés comme des facteurs derisque [23], ou d’autres pathologies telles que la neuropathiehéréditaire avec hypersensibilité à la pression (neuropathietomaculaire).

Fig. 3. Les six sites potentiels de compression du nerf ulnaire [5]. 1 : arcade deStruthers; 2 : septum intermusculaire médial; 3 : insertion distale du chef médialdu triceps; 4 : fascia d’Osborne; 5 : arcade d’Amadio et Beckenbaugh; 6 :confluence des deux chefs du fléchisseur ulnaire du carpe.

La technique chirurgicale que nous utilisons permet ainsid’identifier et de libérer les sites potentiels de compression dunerf. La création d’un néotunnel sous-cutané permet depositionner le nerf dans un environnement graisseux, lelibérant de ses contraintes contre le tunnel osseux. Même sile nerf reste en position superficielle, la transposition sous-cutanée permet de l’éloigner du sillon du nerf ulnaire, régiond’appui particulièrement sujette aux microtraumatismes. Danscette position antérieure, on peut clairement observer en coursd’intervention que les contraintes en flexion-extensiondisparaissent : la course du nerf est écourtée, diminuant satraction et son étirement.

Les phénomènes de ressaut et de luxation disparaissent defait. Cela ne peut pas être obtenu avec une neurolyse simple, oùla pression appliquée au nerf en flexion n’est pas modifiée [22].De même, l’épicondylectomie médiale, bien que bénéfique surles forces de traction [9–24], laisse le nerf ulnaire en positionvulnérable en supprimant la saillie de l’épicondyle médial, et nesupprime pas la composante de subluxation. Elle n’est parailleurs pas dénuée de complications (détachement de la massedes muscles fléchisseurs et pronateurs, effraction articulaire,neurolyse incomplète, etc.), et l’épicondylectomie frontale a étéproposée pour les éviter [25,26]. Les transpositions sous-musculaire et intramusculaire nécessitent un abord extensif dunerf et des épicondyliens, pouvant créer une nouvelle zone decompression. Dans la transposition antérieure sous-cutanée, latransposition conjointe du lit vasculaire permet de préserver lavascularisation extrinsèque du nerf, même en cas de grandemobilisation, comme l’ont déjà prouvé différents travauxanatomiques [27,28], sans risque d’aggraver l’ischémie déjàinstaurée par la compression.

5. Conclusion

Notre série fait à nouveau la preuve des très bons résultatscliniques de la transposition sous-cutanée. Comme nous l’avonsconstaté, ces résultats dépendent de la sévérité de l’atteintepréopératoire et leur stabilité est pérenne. Au prix d’unedissection soigneuse, cette technique chirurgicale traite tousles facteurs en cause dans la compression nerveuse, y compris lesfacteurs dynamiques, sans risquer de limiter la récupération dunerf en le dévascularisant. Elle élimine ainsi toute dysfonctionnerveuse postopératoire qui serait due à une tension ou unecompression persistante. Nous obtenons ainsi d’excellents scorescliniques, fonctionnels et de satisfaction, faisant de la transposi-tion antérieure sous-cutanée notre intervention de choix.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

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