358
Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne réalisée par le Centre d’Etude sur la Coopération Juridique Internationale CECOJI-CNRS – UMR 6224 (France) Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2 Rapport final – Octobre 2011

Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte

contre le trafic illicite des biens culturels

dans l’Union européenne

réalisée par

le Centre d’Etude sur la Coopération Juridique Internationale

CECOJI-CNRS – UMR 6224 (France)

Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

Rapport final – Octobre 2011

Page 2: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4
Page 3: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

3

Page 4: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4
Page 5: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Ce rapport a été réalisé pour le compte de la Direction générale affaires intérieures de la Commission européenne dans le cadre du contrat HOME/2009/ISEC/PL/019-A2.

Les points de vue exprimés dans ce rapport n’ont pas été adoptés ni approuvés de quelque façon que ce soit par la Commission européenne et ne doivent pas être invoqués en tant qu’expression de l’opinion de la DG Affaires intérieures.

La Commission européenne ne garantit pas l’exactitude des données figurant dans ce rapport et décline toute responsabilité quant à l’usage qui peut en être fait.

Le copyright sur ce rapport appartient à l’Union européenne. Les personnes souhaitant en utiliser le contenu (en tout ou en partie) à d’autres fins que leur usage personnel sont invitées à en faire la demande écrite à l’adresse suivante :

European Commission DG Home Affairs Directorate A Rue du Luxembourg 46 B - 1049 Brussels

Page 6: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4
Page 7: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Ce rapport a été réalisé par :

– Christian ARMBRUESTER, professeur à la Freie Universität, Berlin – Pascal BEAUVAIS, professeur à l’Université Paris-Ouest – Jihane CHEDOUKI, chargée d’étude, CECOJI-CNRS – Marie CORNU, directrice de recherche au CECOJI-CNRS, UMR

6224 – Élisabeth FORTIS, professeur à l’Université Paris-Ouest – Manlio FRIGO, professeur à l’Université d’État de Milan – Jérôme FROMAGEAU, doyen de la Faculté Jean Monnet, Université

Paris-Sud – Antoinette MAGET-DOMINICE, chargée d’étude, CECOJI-CNRS – Vincent NEGRI, chargé de recherche, CECOJI-CNRS – Marc-André RENOLD, professeur à l’Université de Genève – Catherine WALLAERT, ingénieur de recherche, CECOJI-CNRS

sur la base des rapport nationaux (voir infra la liste des contributeurs).

Page 8: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4
Page 9: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

7

Sommaire

Liste des abréviations 7 Introduction 13 1. Notions clés 14 2. Objectifs et méthodologie de l’étude 18

* Études et rapports exploités 19 * Autres gisements de données 19 * Suivi et coordination avec les travaux en cours 20

3. Équipes partenaires 23 I. État des lieux

1. Exposé des instruments des droits international, européen et communautaire 29 1.1. Exposé des différents instruments du droit international 29

1.1.1. La Convention de La Haye de 1954 et ses Protocoles 29 1.1.2. La Convention de l’UNESCO de 1970 30 1.1.3. La Convention d’UNIDROIT de 1995 31 1.1.4. La Convention de l’UNESCO de 2001

sur la protection du patrimoine culturel subaquatique 33 1.1.5. La Convention de Delphes du Conseil de l’Europe 35 1.1.6. La Convention de La Valette du Conseil de l’Europe, Convention

européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée) 36 1.2. Exposé des instruments de droit de l’Union européenne 40

1.2.1. Compétences de l’Union européenne en matière de biens culturels 40 1.2.1.1. Base légale 40 1.2.1.2. Les biens culturels sont-ils des marchandises ? 40 1.2.1.3. L’applicabilité de l’article 36 TFUE à la circulation des biens

culturels 42 1.2.2. Compétence de l’Union européenne pour lutter pénalement

contre le trafic de bien culturels 47 1.2.2.1. Compétence matérielle pour édicter des règles

dans le domaine de lutte contre le trafic de biens culturels 47 1.2.2.2. Capacité de l’Union à édicter des règles pénales

contre le trafic de biens culturels 48 1.2.2.3. Panorama des instruments de coopération pénale de

l’Union européenne applicables en matière de trafic de biens culturels 50 1.2.2.4. Organes de coopération pénale de l’Union 57

2. Comparaison et articulation des différents outils 59

Page 10: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

8

3. Outils techniques du droit international et européen 64 3.1. Les tentatives de standardisation – Le certificat d'exportation

UNESCO-OMD 65 3.2. Norme internationale de description d’objets culturels Object ID 65

3.2.1. Présentation de la norme 66 3.2.2. Réalité de son intégration aux inventaires nationaux 66

3.3. Fiches minimales d’inventaire ou d’indexation développées et diffusées par le Conseil de l’Europe 68

3.4. Les initiatives nationales d’accompagnement à l’inventorisation 69 4. Exposé des questions de droit international privé 70 4.1. Conventions internationales multilatérales 70 4.2. Conventions internationales bilatérales 71 4.3. Mécanismes d’exception en droit international privé 72

4.3.1. Clause d’exception (liens plus étroits) 72 4.3.2. Rattachement spécial des dispositions impératives étrangères 72

4.4. Vers un changement de paradigme : rôle croissant de la lex originis 73 4.4.1. La résolution de l’Institut de droit international (Bâle, 1991) 73 4.4.2. Le code belge de droit international privé (2004) 74

5. Exposé des droits internes 75 5.1. Moyens de prévention 75

5.1.1. Identification des biens et trésors nationaux 75 5.1.1.1. Composer avec une pluralité de notions juridiques 75 5.1.1.2. Mettre en place les notions :

biens culturels les plus importants et autres biens culturels 76 5.1.1.3. Pluralité de critères de caractérisation des biens culturels 82 5.1.1.4. Identification des biens culturels au moyen de listes 86 5.1.1.5 Identification des biens culturels par référence à

la propriété publique 87 5.1.2. Les bases de données relatives à la circulation illicite de biens culturels89

5.1.2.1. Les bases de données de biens culturels volés, spoliés, perdus, disparus. 92

5.1.3. Régime et contrôle des acquisitions 109 5.1.3.1. Registres de police 109 5.1.3.2. Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4. Contrôle des acquisitions publiques 120 5.1.3.5. Contrôle des ventes en ligne 125

5.1.4 Mouvement d’entrée et de sortie du territoire 130

Page 11: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Sommaire

9

5.1.4.1. La circulation à l’intérieur de l’Union européenne 131 5.1.4.2. Le contrôle à l’exportation vers les pays tiers 133 5.1.4.3. Contrôle ou certificat d’importation 135 5.1.4.4. La réglementation des sorties temporaires de biens culturels 137 5.1.4.5. Les sources 137

5.2. Sanctions 138 5.2.1. Les services de police 139

5.2.1.1. Les polices spécialisées 139 5.2.1.2. Conclusions 144

5.2.2. Les infractions pénales 145 5.2.2.1. Les infractions générales de violation des règles

de transfert de propriété 145 5.2.2.2. La violation des règles relatives à la circulation des biens culturels147 5.2.2.3. Mise en œuvre des infractions pénales 152 5.2.2.4. Appréciation sur les infractions pénales 152 5.2.2.5. Appréciation sur la mise en œuvre de la procédure 152

Annexe : Convention de Delphes, 23 juin 1985 : Annexe III : Liste des infractions 153

5.2.3. Le volet douanier 156 5.2.3.1. Les infractions douanières 156 5.2.3.2. Procédure douanière 157

6. Normes déontologiques 157 6.1. Outils internationaux 157

6.1.1. Introduction 157 6.1.2. Les milieux intéressés et les sources de production 158 6.1.3. Contenu des règles de déontologie 159

6.1.3.1. Acquisition et cession des biens et des collections 160 6.1.3.2. Provenance des biens et des collections 161 6.1.3.3. Conduite professionnelle des associés 164 6.1.3.4. Sanctions prévues en cas de violation des règles 167

6.1.4. Le rôle des règles de conduite et la circulation des biens 168 6.2. Pratiques nationales 170

6.2.1. Acteurs et institutions patrimoniaux (conservateurs, musées, etc.) 170 6.2.2. Acteurs du marché 171

7. Relations entre sources internationales et droits internes 173 7.1. État des ratifications de la Convention de 1970 et réserves 173 7.2. Modes d’accession ou d’intégration de la Convention 174

7.2.1. Les États qui ont adopté des lois d’intégration 174

Page 12: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

10

7.2.2. Les États qui ont adopté des dispositions permettant de se conformer à certaines règles de la Convention 176

7.2.3. Les États qui ont ratifié sans modification de leur droit interne 177 7.2.4. Les États qui, sans avoir adopté de loi d’application s’inspirent de la

Convention de 1970, lorsqu’ils sont confrontés à des questions de restitution 177 7.3. Les solutions de transposition ou d’intégration conduisant à

une mise en œuvre en ordre dispersé 177 7.3.1. Points clés en matière de prévention et de lutte contre

le trafic illicite de biens culturels : lignes directrices de l’UNESCO 177 7.3.2. Solutions nationales dans la mise en œuvre de

la Convention de 1970 178 7.3.2.1. Volet opérationnel 178 7.3.2.2. Volet juridique 179

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

1. Typologie des difficultés potentiellement génératrices de trafic illicite 185 2. Réalité des difficultés analysées sur la chaine du trafic illicite 186 2.1. Considérations générales 186 2.2. Provenance/identification des biens culturels 188

2.2.1. Obstacles juridiques 188 2.2.1.1. Disparité de notion et de régime de la bonne foi de l’acquéreur 189 2.2.1.2. Absence de lisibilité des normes en matière de diligences requises191 2.2.1.3. Carence ou insuffisance des obligations à la charge

des acteurs du marché en matière de diligences requises 192 2.2.1.4. Absence de dispositif législatif et réglementaire

en matière de vente en ligne 193 2.2.2 Obstacles techniques 194

2.2.2.1. Difficultés liées aux bases de données 194 2.2.2.2. Difficultés d’identification des biens culturels volés ou

exportés illicitement 200 2.2.3. Obstacles opérationnels 204

2.2.3.1. Respect inégal des bonnes pratiques selon les acteurs du marché de l’art 205

2.2.3.2. Le respect des bonnes pratiques par les acteurs publics 206 2.2.3.3. Les ventes en ligne 207

2.2.4. Obstacles juridiques en matière de règles pénales internes 208 2.2.4.1. Absence de visibilité des règles pénales internes relatives

aux biens culturels 208 2.2.4.2. Inadaptation des règles de prescription des poursuites 209

Page 13: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Sommaire

11

2.2.4.3. Inadaptation de la peine de confiscation 209 2.2.5. Obstacles opérationnels 210

2.2.5.1. Obstacles opérationnels liés à la traçabilité des biens culturels 210 2.2.5.2. Obstacles à la coopération pénale 210

2.3. Déplacement des biens 213 2.3.1. Obstacles juridiques 213 2.3.1.1. Difficulté de mise en place d’un contrôle douanier

dans un espace de libre circulation des marchandises 213 2.3.1.2. Hétérogénéité des documents nationaux : conditions de

circulation des biens culturels différentes selon les États membres 213 2.3.1.3. Des formalités considérées par le marché comme inadaptées à

leurs exigences : lenteur des procédures, dispersion des guichets, seuils 215 2.3.1.4. Absence de base légale d’un contrôle à l’importation 217

2.3.2. Obstacles techniques 219 2.3.2.1. Formalités d’exportation effectuées par des professionnels 219 2.3.2.2. Déficience d’information de la personne responsable de

l’accomplissement des formalités. 220 2.3.3. Obstacles opérationnels 221

2.3.3.1. Insuffisance du contrôle aux frontières 221 2.3.3.2. Manque de moyens opérationnels face à la complexité du trafic 222 2.3.3.3. Déficience de la coopération entre les administrations douanières224

2.4. Préhension du bien en situation illicite (au plan pénal) 224 2.4.1. La saisie du bien culturel de provenance douteuse,

étape préalable à la restitution 224 2.4.1.1. Utilité de la saisie comme étape préalable à la restitution 224 2.4.1.2. Déficience de coopération entre les autorités judiciaires

en matière de saisies pénales internationales 225 2.5. Restitution des biens culturels illicites 225

2.5.1 Obstacles juridiques - Les difficultés d’application des Conventions UNESCO et d’UNIDROIT et de la directive européenne 97/3/CEE du 15 mars 1993 225

2.5.1.1. La Convention UNESCO 226 2.5.1.2. La Convention d’UNIDROIT 228 2.5.1.3. La directive européenne 229

2.5.2. Obstacles techniques 230 2.5.3. Obstacles opérationnels 231

2.5.3.1. Appréhension de la restitution par les acteurs du marché 231 2.5.3.2. Enjeu du respect des bonnes pratiques en matière de restitution 232

2.6. Patrimoine à risques 233 2.6.1. Des catégories de biens culturels exposés au risque de trafic illicite 234

Page 14: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

12

2.6.1.1. Le patrimoine archéologique 234 2.6.1.2. Le patrimoine cultuel et les biens privés 235

2.6.2. Les situations de crises ou de conflits 236 2.6.3. Les particularismes du patrimoine à risques et les difficultés spécifiques238

2.6.3.1. Les objets et les collections archéologiques 238 2.6.3.2. Le patrimoine cultuel et les biens privés 239

III. Propositions, recommandations 1. Exposé synthétique 244 1.1. Dispositions socles 244 1.2. Dispositions par objectifs ciblés 247 2. Exposé détaillé de certains dispositifs clés 265 2.1. Dispositions socles 265

2.1.1. Création d’un service de coordination transversal au niveau européen (Recommandation n° 1) 265

2.1.2. Création d’un portail internet européen (Recommandation n° 2) 269 2.1.3. Adossement aux conventions internationales culturelles

(Recommandation n° 3 ) 278 2.2. Dispositifs par objectifs ciblés 286

2.2.1. Normalisation et codification de l’obligation de diligence (Recommandation n° 4) 286

2.2.1.1. Codification par les États membres de l’obligation de diligence 286 2.2.1.2. Guide d’interprétation de la notion de bonne foi 288 2.2.1.3. Vade-mecum à destination des intervenants du marché de l’art :

vérifications conseillées avant une acquisition 292 2.2.1.4. Fiche provenance à destination des intervenants du marché de l’art294

2.2.2. Soutien à l’action d’INTERPOL dans les bases de données de biens en situation illicite (Recommandation n° 9 ) 296

2.2.3. Obligation de tenue d’un registre de police (Recommandation n° 10)302 2.2.4. Introduction d’une norme communautaire faisant échec à l’extinction

de l’action en revendication à l’encontre du possesseur de mauvaise foi pour les biens culturels (Recommandation n° 16) 305

2.2.5. Adoption de règles minimales relatives à la définition des infractions pénales liées au trafic de biens culturels au niveau européen (Recommandation n° 21) 309

2.2.6. Amélioration des outils de coopération internationale (Recommandation n° 23) 314

2.2.7. Adoption d’un nouvel instrument de coopération internationale (Recommandation n° 25) 317

Page 15: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Sommaire

13

3. Positionnement des organisations internationales expertes dans la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels 318 3.1. UNESCO - UNIDROIT 318 3.2. INTERPOL 333 Rapports et ouvrages cités dans l’étude 343

Page 16: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4
Page 17: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

7

Liste des abréviations AACU...........................Art and Antiques Crime Unit (Pays-Bas) AAM .............................American Association of Museums AAMD..........................Association of Art Museum Directors (États-Unis,

Canada, Mexique) AAU..............................Art and Antique Unit (unité de la Metropolitan police ;

Royaume-Uni) ABGB...........................Allegemeines Bürgerliches Gesetzbuch (Code civil ;

Autriche) ACCG...........................Ancient Coin Collectors Guild AcP................................Archiv für die zivilistische Praxis (Allemagne) aff. .................................affaire All ER...........................All England Law Reports ATF...............................Arrêts du Tribunal fédéral (Suisse) BCN..............................Bureau central national (représentation d’Interpol dans

chaque pays membre) BGB ..............................Bürgerliches Gesetzbuch (Code civil ; Allemagne) BGBl..............................Bundesgesetzblatt (Bulletin législatif fédéral ; Allemagne) BGE..............................Bundesgerichtsentscheidungen (Décisions du Tribunal

fédéral ; Allemagne) BGH .............................Bundesgerichtshof (Allemagne) BGHZ ..........................Entscheidung des Bundesgerichtshofes in Zivilsachen

(Décision du tribunal fédéral en matière civile ; Allemagne)

BKA..............................Bundeskriminalamt (Office fédéral de la police judiciaire ; Allemagne ; Autriche)

BKM .............................Beauftragter für Kultur und Medien ([Unité] Responsable de la culture et des médias ; Allemagne)

BSGS.............................Bayerische Staatsgemäldesammlungen (Allemagne) c. ....................................contre CA .................................Cour d’appel (France) Cass. ..............................Cour de cassation (France) CBCP............................Code des biens culturels et du paysage (Codice dei beni

culturali e del paesaggio ; D.Lg. 22 gennaio 2004, n° 42 ; Italie)

CCTPC .........................Comando Carabinieri Tutela Patrimonio Cultural (Italie)

Page 18: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

8

CEPOL.........................Collège européen de police CINOA ........................Confédération internationale des négociants en œuvres

d’art CJCE.............................Cour de justice des communautés européennes Clunet ............................. Journal de droit international CoPAT .........................Council for the prevention of art theft (Royaume-Uni) Cour de cass.................Cour de cassation (France) CPU...............................Cultural Property Unit (Unité au sein du DCMS ;

Royaume-Uni) CSAC ............................Conférence suisse des archéologues cantonaux DCMS...........................Department for Culture, Media and Sport (Royaume-

Uni) DMSG ..........................Denkmalschutzgesetz (Loi de protection du

patrimoine ; Autriche) EAA..............................Association européenne des archéologues ECCO...........................European Confederation of Conservator-restorers’

Organisations ECR ..............................European Court Reports ELSJ..............................Espace de liberté, de sécurité et de justice Eurojust........................Unité de coopération judiciaire de l’Union européenne Europol ........................Office européen de police EWCA ..........................England and Wales Court of Appeal EWHC..........................High Court of England and Wales Fedpol...........................Office fédéral de la police (Suisse) FFCR ............................Fédération française des conservateurs-restaurateurs GRULAC.....................Groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes ICA................................International Council on Archives ICEFAT .......................International Convention of Exhibition and Fine Art

transporters ICOM ...........................The International Council of Museums ILA................................International League of Antiquarian Booksellers Interpol.........................Organisation internationale de police criminelle –

International Police IPOL.............................Department of International Police Information (Pays-

Bas) IPRax ............................Praxis des Internationalen Privat- und Verfahrenrecht

(Allemagne)

Page 19: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Liste des abréviations

9

JAI ................................. Justice et affaires intérieures JdT................................. Journal des Tribunaux (Suisse) JO C............................... Journal officiel de l’Union européenne, Communication et

informations JO L............................... Journal officiel de l’Union européenne, Législation JORF ............................. Journal officiel de la République française JOUE ............................ Journal officiel de l’Union européenne Jpdce ............................. Jurisprudence JZ................................... Juristenzeitung (Allemagne) KultgSchG ......................Gesetz zum Schutz deutschen Kulturgutes gegen

Abwanderung (Loi de protection du patrimoine allemand contre leur sortie du territoire)

KultGüRückG ...............Gesetz zur Ausführung des UNESCO-Übereinkommens vom 14. November 1970 über Maßnahmen zum Verbot und zur Verhütung der rechtswidrigen Einfuhr, Ausfuhr und Übereignung von Kulturgut und zur Umsetzung der Richtlinie 93/7/EWG des Rates vom 15.März 1993 über die Rückgabe von unrechtmäßig aus dem Hoheitsgebiet eines Mitgliedstaats verbrachten Kulturgütern (Loi relative à l’exécution de la Convention de l’Unesco du 14 novembre 1070 et à la transposition de la Directive 93/7/CE du Conseil du 15 mars 1993 ; Allemagne)

LDIP.............................Loi fédérale sur le droit international privé (RS 291 ; Suisse)

LKA ..............................Landeskriminalamt (Office fédéral de la police judiciaire du Land ; Allemagne ; Autriche)

LPHE............................Loi sur le patrimoine historique espagnol LTBC ............................Loi sur le transfert des biens culturels (RS 444.1 ;

Suisse) MLA..............................Museums, Libraries and Archives Council (Royaume-

Uni) MNR.............................Musées Nationaux Récupération (France) MOC [groupe].............Groupe de travail d’experts sur la mobilité des

collections (Union européenne) NID...............................Narodowy Instytut Dziedzictwa (Conseil du patrimoine

national ; Pologne)

Page 20: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

10

NIMOZ........................Narodowy Instytut Muzealnictwa i Ochrony Zbiorów (Institut national de muséologie et de protection des collections ; Pologne)

NJW ..............................Neue Juristische Wochenschrift (Allemagne) NMAR..........................Muzeul Naţional de Artă al României (Musée national

roumain des arts) OCBC...........................Office central de lutte contre le trafic de biens culturels

(France) OFC ..............................Office fédéral de la culture (Suisse) OMD ............................Organisation mondiale des douanes PAS ...............................Portable Antiquities Scheme (Royaume-Uni) QB.................................Queen’s Bench QE.................................Question écrite (Genève ; Suisse) Rec. CJCE .....................Recueil des arrêts de la Cour de justice des

communautés européennes Rev. crit. dr. int. privé .....Revue critique de droit international privé RGZM..........................Römisch-Germanisches Zentralmuseum (Allemagne) RJE................................Réseau judiciaire européen RS ..................................Recueil systématique du droit fédéral (Suisse) SAEI .............................Service des affaires européennes et internationales

(Ministère de la Justice ; France) SFAA ............................Society of Fine Art Auctioneers SJ....................................Semaine judiciaire (Suisse) SPK ...............................Stiftung Preussischer Kulturbesitz (Allemagne) STE ...............................Série des traités européens SVV...............................Société de vente volontaire (France) TFUE............................Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne TPIY .............................Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie Traité CE......................Traité instituant la Communauté économique

européenne (Rome, 25 mars 1957) TREIMA......................Thésaurus de recherche électronique et d’imagerie en

matière artistique (France) TUE ..............................Traité sur l’Union européenne TVA ..............................Taxe sur la valeur ajoutée UEHHA.......................European Historic Houses Associations (Association

des demeures historiques européennes)

Page 21: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Liste des abréviations

11

VHOK..........................Vereeniging Handelaren in Oude Kunst (association des marchands d’art ; Pays-Bas)

ZRP...............................Zeitschrift für Rechtspolitik (Allemagne)

* * * L’ensemble des sites internet cités a été consulté en dernier lieu en

septembre 2011.

Page 22: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4
Page 23: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

13

Introduction _______________________________________

Le trafic illicite des biens culturels est un des trafics les plus importants, que certains placent à la troisième ou quatrième place, même si les instruments de mesure et les chiffres sur les mouvements de circulation illicites ne sont guère disponibles, comme le rappelle INTERPOL. Le dossier d’information de l’UNESCO réalisé pour le 40ème anniversaire de la Convention de 1970 fait état de ce que le marché noir d’antiquités et de la culture constitue avec les trafics de drogue et d’armes un des commerces illicites les plus ancrés de la planète 1. Malgré la difficulté d’obtenir des statistiques en la matière 2, l’importance de ce phénomène appelle des efforts concentrés et convergents de la part des États, et aux niveaux européen et international. Il en va de la protection du patrimoine des États 3.

L’Union européenne peut s’engager aujourd’hui sur un mode plus volontariste dans la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels. Comme le rappelle le Conseil de l’Union européenne 4, la protection du « patrimoine culturel européen, public et privé, en luttant contre les trafics illicites » compte parmi les objectifs de l’Union, soulignant encore que « le territoire de l’Union, de par les échanges économiques et commerciaux qui le caractérisent et le patrimoine artistique et culturel qu’il abrite, est une cible privilégiée des organisations criminelles ». D’où la nécessité d’engager une réflexion spécifique sur le développement de moyens plus efficaces dans l’enceinte européenne, en étroite relation avec les outils développés au plan international. C’est sous cette perspective particulière qu’est engagée la réflexion dans le cadre de l’étude confiée par la Commission au CECOJI (Centre d’Etudes sur la Coopération Juridique Internationale).

1 Dossier d’information « La lutte contre le trafic illicite des biens culturels, la Convention de 1970 : Bilan et perspectives », 15 et 16 mars 2011, Paris, CLT/2011/CONF.207/6/Rev. 2 INTERPOL indique sur son site que « le Secrétariat général d’INTERPOL demande à tous les pays membres de lui fournir les statistiques sur les vols d’œuvres d’art commis, de fournir des indications sur les lieux des vols et la nature des objets volés » avec un succès très moyen. Sur 188 pays, 60, en moyenne, répondent souvent de façon incomplète, parfois indiquant « que de telles statistiques n’existent pas ». 3 V. France Desmarais, « Un crime ordinaire ? Comment le trafic illicite est une menace pour le patrimoine culturel mondial », Les Nouvelles de l’ICOM, n° 1, 2011, p. 14-15. 4 Conclusions du Conseil de l’Union européenne relatives à la prévention et à la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, Bruxelles, le 3 novembre 2008, Conseil de l’Union européenne, 14224/2/08, REV2 CRIMORG 166, ENFOPOL 191.

Page 24: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

14

1. NOTIONS CLES Dans l’appréhension des moyens de prévention et de lutte contre le trafic

illicite des biens culturels, un certain nombre de notions doivent être clarifiées, qui touchent aux modalités de la situation combattue : le trafic illicite, aux biens culturels qui en sont l’objet ainsi qu’à la nature des moyens mobilisés.

La notion de trafic illicite Si le trafic illicite des biens culturels a fait son entrée dans les textes

européens, aux côtés d’autres formes de trafic (stupéfiants, armes, etc.), il n’existe pas de définition juridique précise des actes qui sont sanctionnés à ce titre. On peut considérer que le trafic illicite peut être défini, au sens large, comme tout « déplacement, transport, importation, exportation, détention, commerce de biens culturels effectués en violation des règles relatives à la propriété, à la circulation de ces biens ainsi qu’à leur statut » 5. C’est essentiellement sous la perspective de la circulation et des différentes hypothèses de déplacement et de transferts illicites du bien concerné que sera entreprise cette étude.

Les notions de bien culturel La notion de bien culturel retenue dans le cadre de l’étude est de périmètre

variable et recouvre en réalité plusieurs catégories de biens 6, sachant que ces notions prospèrent dans le droit international, dans le droit de l’Union européenne et encore dans les droits internes. Si, d’une façon générale, on peut y inclure les œuvres d’art, objets d’art, éléments du patrimoine culturel, tout objet qui recèle un intérêt historique, artistique, archéologique, etc., on observe que coexistent plusieurs cercles de biens dont l’intérêt culturel est plus ou moins élevé 7 et qui, partant, ne sont pas soumis aux mêmes règles.

Dans une première acception très sélective, les biens culturels sont compris comme les biens que les États identifient comme relevant de leur patrimoine culturel, dont les critères et l’importance peuvent varier. Leur protection revêt un intérêt public et motive par exemple des règles très protectrices (servitudes

5 Définition inspirée du Dictionnaire de droit comparé du patrimoine culturel et du droit de l’art, CNRS Editions, à paraître, 2012. 6 Pour une analyse plus développée des différentes perceptions de ces notions dans les États membres, v. infra. 7 Sur cette représentation de la notion en différents cercles du plus restreint au plus large, v. contrat n° 30-CE-0102617/00-49, Analyse des structures et mécanismes de diffusion des données nécessaires aux autorités afin de garantir l’application de la directive relative aux biens culturels, Extension aux 12 nouveaux États membres depuis 2004, Rapport final, M. Cattelain, J.-C. Deheneffe, 31 oct. 2007, p. 20 (cité dans la suite de ce rapport « Rapport 2007 »). L’étude fait état de trois cercles, les trésors nationaux qualifiés de biens hors commerce, les biens soumis à contrôle de circulation, les biens de libre circulation. Nous intercalons entre ces deux dernières catégories un cercle supplémentaire qui vise des biens culturels dans les ressorts du droit de la consommation, parfois du droit pénal.

Page 25: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Introduction

15

de protection, régime d’indisponibilité, interdiction de sortie du territoire, dispositions pénales spéciales, etc.). Cette enveloppe voisine la notion de trésor national au sens de l’article 36 TFUE. Parmi ces catégories, certains biens culturels sont traités distinctement à raison de leurs spécificités et des risques particuliers auxquels ils sont exposés. Ce sont par exemple les biens archéologiques ou les biens du patrimoine cultuel. Nous accorderons une attention particulière à ces catégories que nous avons désignées comme patrimoine à risque. Une partie leur est consacrée, spécifiquement.

Dans les dispositifs de contrôle de la circulation, le cercle des biens culturels qui y sont soumis s’élargit. C’est ce qui ressort du Règlement (CE) n° 116/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 concernant l’exportation de biens culturels 8. Les biens culturels visés sont soumis à contrôle et ce contrôle, le cas échéant, permet d’identifier des éléments importants. On comprend que ce deuxième cercle soit conçu dans un sens plus large. La Convention de 1970 et encore la Convention d’UNIDROIT tout en évoquant l’importance de ces biens en retiennent également une vision accueillante de l’avis de la plupart des experts 9. Un certain nombre d’États rejoignent cette même perception.

Plus largement encore, les biens culturels englobent les objets et œuvres d’art y compris lorsqu’ils ne sont pas reconnus comme faisant partie du patrimoine culturel des Etats. Cette notion peut se révéler utile dans la détermination des responsabilités (vigilance, diligence, devoir d’information) et obligations (tenues de registres) à la charge des différents acteurs en matière de transaction d’œuvres d’art 10 ainsi que dans certains dispositifs pénaux (mandat d’arrêt européen). C’est sans doute sur cette acception que l’on travaillera dans la mise en œuvre d’un dispositif concernant la vente d’œuvres ou d’objets d’art en ligne.

Cette gradation de l’intérêt culturel trouve une explication dans l’approche et le traitement juridique de cette catégorie de biens. En effet, la méthode de définition, le plus souvent obéit à une logique fonctionnelle. Selon l’objectif poursuivi, la notion de bien culturel pourra être plus ou moins sélective, ici

8 C’est notamment ce que suggère l’article 2.2 qui dispose : « L’autorisation d’exportation peut être refusée, aux fins du présent Règlement, lorsque les biens culturels en question sont couverts par une législation protégeant des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique dans l’État membre concerné. » ou encore l’article 2.4 qui indique que « les exportations directes en provenance du territoire douanier de la Communauté de trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique, qui ne sont pas des biens culturels au sens du présent Règlement sont régies par la législation nationale de l’État membre d’exportation » (JO L 39 du 10.2.2009, p. 1-7). 9 V. infra. 10 La question des spoliations sera laissée de côté dans la mesure où, si le marché peut être alimenté par des biens spoliés et confronté à des revendications, elle s’inscrit dans la problématique générale de prévention et de lutte contre le trafic illicite.

Page 26: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

16

concerner les trésors nationaux qu’il s’agit de préserver et de transmettre aux générations futures, là viser toute œuvre d’art, etc, lorsque par exemple sont en cause les intérêts de l’acheteur, donc du consommateur.

Dans le cadre de cette étude, selon le dispositif étudié, l’une ou l’autre de ces acceptions pourront être mobilisées.

Les moyens de prévention et de lutte contre le trafic illicite des biens culturels

C’est sur le double volet de la prévention 11 et de la lutte que doit être abordée la question du traitement du trafic illicite.

Les moyens de prévention concernent notamment, sur un plan technique, l’accès à une information sûre et rapide sur les risques de trafic illicite, sur la provenance des biens culturels. La question de la traçabilité des biens culturels est par conséquent centrale, entendue comme la possibilité de disposer d’une information fiable sur la provenance du bien, condition d’un marché sécurisé. La prévention consiste aussi à sensibiliser les acteurs du marché, à développer leur diligence en matière de recherche de provenance. Un marché de l’art transparent dépend sans aucun doute des comportements des acheteurs, vendeurs et intermédiaires.

Sur le terrain des moyens de lutte, la dimension pénale, la considération des infractions telles que le vol, le recel, l’exportation ou l’importation illicite, les moyens d’une plus étroite coopération ainsi que les aspects procéduraux sont évidemment de première importance de ce point de vue. Le volet douanier et les modalités des contrôles de circulation (importation/exportation) exercés en la matière sont également fondamentaux.

Quant à la nature de ces moyens de prévention et de lutte, ils peuvent être de plusieurs sortes. Il faut revenir aux facteurs de déclenchement et d’aggravation du trafic illicite de biens culturels pour déterminer quels types de moyens mettre en place.

Un certain nombre d’éléments favorisant la naissance du trafic illicite des biens culturels ainsi que la présence de facteurs aggravants ont été mis en lumière. Ces facteurs sont de sources diverses. • Facteurs juridiques Un des facteurs très prégnants concerne tout à la fois la distorsion des

règles juridiques (en particulier civiles et pénales) entre les différents États, et,

11 Sur l’importance du volet prévention, S. Théfo, Table ronde « Sécurité des biens culturels » du 20 décembre 2007 organisée par les ministères de la Culture et de la Justice français.

Page 27: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Introduction

17

en corrélation, l’inégalité de traitement de la question de la protection du patrimoine culturel 12. • Facteurs opérationnels et techniques Un certain nombre de points de blocage prennent leur source dans les

difficultés d’application pratique des différents outils et dans l’absence de bonne coordination opérationnelle. Les difficultés d’accès à l’information s’agissant de la situation matérielle et juridique des biens et des règles pertinentes sont également susceptibles de renforcer le trafic illicite. Et comme le rappelle le Conseil de l’Europe « il existe de grandes différences entre la réglementation juridique des différents pays qui entraînent notamment d’importantes distorsions du fonctionnement du marché des œuvres d’art » 13, analyse partagée par l’Union européenne qui observe les « différences entre les États membres dans la définition juridique du bien culturel, l’établissement de la mauvaise foi d’un marchand, d’un courtier ou de tout autre détenteur d’un bien culturel et la qualification pénale du comportement consistant à détenir, transmettre un bien tout en sachant qu’il a été obtenu par le biais d’une infraction pénale » 14. • Facteurs politiques Les situations de guerre ou de crise fragilisent évidemment la protection du

patrimoine, d’où la nécessité d’une protection spécifique. Cette perspective particulière a justifié le choix d’étudier la situation de l’Irak et plus généralement de prévoir un développement spécial consacré au patrimoine à risque. • Facteurs de fait Certains types de patrimoine sont plus exposés aux risques du trafic à

raison de leur nature ou des conditions de leur protection (patrimoines à risque, en particulier le patrimoine archéologique et le patrimoine religieux).

Face à cette pluralité des facteurs de développement du trafic illicite des biens culturels, plusieurs registres doivent être mobilisés. Les besoins sont autant du côté des moyens juridiques, que des moyens opérationnels ou encore des moyens techniques ou financiers. Ce sont l’ensemble de ces ressorts qui seront considérés dans le cadre de cette étude.

12 Comme le soulignent plusieurs rapports : rapport MOC sur la mobilité des collections, rapport final, juin 2010 ; « Protection de la propriété culturelle et circulation des biens culturels », rapport réalisé pour le compte de la mission Droit, Recherche et Justice, 2008 ; « Cultural Heritage crime. The nordic dimension », Swedish National Council for crime prevention, information and publication, 2006. 13 Recommandation 1072 (1988) relative à la protection des biens culturels et à la circulation des œuvres d’art, Assemblée parlementaire, Conseil de l’Europe. 14 Conclusions du Conseil de l’Union européenne relatives à la prévention et à la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, Bruxelles, le 3 novembre 2008.

Page 28: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

18

La question du trafic illicite a conduit un grand nombre d’États à se doter de législations plus ou moins performantes, mouvement très largement encouragé par l’UNESCO, avec notamment l’adoption de la Convention de 1970 et dans son prolongement, la Convention portée par UNIDROIT signée en 1995, qui a généré une deuxième vague de ratification de la Convention de 1970. Le traitement du trafic nécessite de développer, au plan interne, des règles internes au niveau pénal, douanier, civil ainsi que sur le plan du droit spécial des biens culturels. Le trafic illicite ne saurait cependant être combattu efficacement sans une nécessaire réflexion sur les moyens de prévention et de lutte du trafic illicite à promouvoir dans l’Union européenne et dans l’enceinte internationale. Ce contexte de pluralités des sources (internes, internationales, européennes) donne une orientation particulière dans la conduite de cette étude. La recherche d’une amélioration de ces moyens de prévention et de lutte doit en effet être pensée, impérativement, dans une logique d’articulation et de complémentarité, pour éviter les chevauchements de règles, la concurrence des actions, la dispersion des moyens, autant de dysfonctionnements potentiellement générateurs de trafic illicite. L’Union dispose de moyens pour renforcer le niveau de préservation de la circulation licite des biens, rôle qui doit être relié à l’action déjà engagée depuis de nombreuses années par les institutions reconnues comme experts dans ce domaine (UNESCO, UNIDROIT, ICOM, INTERPOL, OMD).

2. OBJECTIFS ET METHODOLOGIE DE L’ETUDE Trois objectifs dans la conduite de l’étude proposée ont été rappelés dans le

cahier des charges : dresser un état des lieux, analyser les obstacles et difficultés et proposer des solutions de nature à surmonter ces difficultés.

Sous cette perspective, nous avons recensé et exploité les gisements de données disponibles, matériau riche en analyses et propositions.

Une attention particulière a par ailleurs été portée à l’appréhension qu’ont les différents acteurs dans ce projet de prévention et de lutte contre le trafic illicite, perspective qui a largement influencé la méthodologie adoptée au cours de ces trois temps de l’étude. Nous avons déterminé un certain nombre de groupes cibles auprès desquels a été collectée l’information et qui, pour certains ont été étroitement associés.

Identification et exploitation des données disponibles Le travail entrepris dans le cadre de cet appel d’offres a pris appui sur les

données existantes, ainsi que sur les résultats et recommandations déjà dégagés sur ces différents points, se situant dans le prolongement de ces études, en complémentarité.

Page 29: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Introduction

19

* Études et rapports exploités – « Études sur la traçabilité des biens culturels (2004, 2007) », la

Commission- DG Entreprise. – « Évaluation des actions de l’UNESCO en matière de lutte contre le

trafic illicite de biens culturels », Evalua, rapport à l’UNESCO, Frédéric Lefebvre-Naré, Marie Cornu, Delphine Rivière, 14 octobre 2005 (disponible sur le site http://unesdoc.unesco.org/).

– « Cultural Heritage crime – the nordic dimension », Swedish National Council for Crime prevention, information and publication, 2006.

– « Protection de la propriété culturelle et circulation des biens culturels » financée dans le cadre de la Mission Droit, Recherche et Justice à laquelle ont participé plusieurs des membres du GDRI (2008).

– « Cultural heritage cooperation in the Baltic Sea States », Monitoring Group on Cultural heritage in the Baltic States, sous la dir. Helena Edgren 2008 (notamment Heritage crime).

– Étude de droit comparé sur le trafic illicite de biens culturels conduite par Ministère de la Justice français, SAEI-Bureau de droit comparé, 2008 (enquête sur l’ensemble des États de l’Union et la Suisse sur la question de la bonne foi, la règle d’indemnisation du possesseur de bonne foi, la tenue d’un registre des commerçants, l’existence d’un registre de biens volés, la définition légale de biens culturels, la définition des infractions de vol, de recel, les peines, la question de la prescription).

– Rapport « Prévention et lutte contre le trafic illicite de biens culturels » Ridha Fraoua, Atelier Régional de Beyrouth, rapport de synthèse réalisé dans le cadre du programme EUROMED (novembre 2009).

– Dictionnaire de droit comparé du droit du patrimoine culturel (travail sur 6 pays européens en phase de finalisation pour 2011) sous la responsabilité du CECOJI avec le soutien du GDRI.

– Travaux de l’Académie internationale de droit comparé, publication à la suite du congrès de Mexico, publiés en juin 2010 (enquête sur une dizaine de pays sous la dir. T. Kono).

* Autres gisements de données – Base de données de l’UNESCO sur les législations nationales du

patrimoine culturel. – Ressources documentaires d’UNIDROIT.

Page 30: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

20

– Base de données Herein. – IFAR.org. – Ressources documentaires Institut suisse de droit comparé

(Lausanne). – Ressources documentaires et bibliographies UNESCO. – Ressources documentaires et bibliographies Icom.

* Suivi et coordination avec les travaux en cours Dans le cadre de la MOC (Méthode ouverte de coordination), la France a

coordonné le sous-groupe sur la question du trafic illicite de biens culturels et a d’ores et déjà réuni un certain nombre de données au moyen de questionnaires adressés à l’ensemble des États membres. Ces données devront être recoupées et complétées par les contacts et entretiens des différents groupes cibles identifiés.

Dans le cadre du sous-groupe de travail sur l’évolution de la directive restitution du Comité pour l’exportation et la restitution des biens culturels (Direction générale Fiscalité et Union douanière de la Commission européenne), des échanges d’information ont eu lieu notamment avec C. Chastanier, désignée comme expert national, et M. Mercier-Baudrier qui en font partie.

Les travaux dans le cadre d’Euromed sur la question du trafic illicite ont été suivis par plusieurs des partenaires.

Les travaux dans le cadre du Comité Cultural Heritage de l’ILA (International Law Association) auquel sont associés plusieurs des membres du GDRI et qui travaille sur la question de la circulation des collections ont été également exploités.

Association des groupes cibles Cinq groupes cibles ont été identifiés : 1) les administrations et institutions en charge de la protection du

patrimoine culturel (ministères de la culture par exemple, administrations nationales, régionales mais également organismes internationaux) ;

2) les services de police et de douane ; 3) les institutions muséales et patrimoniales (musées notamment) ; 4) le marché (les acheteurs, vendeurs, intermédiaires, transporteurs) ; 5) Les propriétaires privés (et en particulier les groupements qui les

représentent tels que l’UEHHA). Ces groupes cibles ont été associés tout au long de l’étude, à chaque étape.

La dimension pratique et opérationnelle est en effet fondamentale dans la

Page 31: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Introduction

21

recherche d’amélioration des moyens de prévention et de lutte contre le trafic illicite des biens culturels.

Réalisation des enquêtes par pays Cette étape de l’étude a consisté à recueillir auprès des États membres des

informations sur le traitement du trafic illicite. Plusieurs outils ont permis cette collecte en particulier l’élaboration de questionnaires ciblés suivant une grille d’analyse définie selon la thématique et le destinataire permettant :

- de pointer les difficultés techniques, pratiques, juridiques, opérationnelles ; - de recueillir les bonnes pratiques ; - de recueillir les suggestions d’amélioration du système.

Les questionnaires Soumis aux différents groupes cibles, ils ont notamment permis la

recension et l’analyse des points de blocage 15. Sur la base des réponses recueillies auprès des différents acteurs privés ou

publics en entretien direct, les informations ont été rassemblées et recoupées pour faire émerger de l’examen des pratiques et des différentes perceptions du trafic illicite, les difficultés dans les deux champs de la prévention et de la sanction.

Mise à l’épreuve des solutions : les ateliers test La pertinence des solutions a été éprouvée à la fois sur le fond et quant aux

outils adéquats dans la prise de décision (nature de la norme, niveau de la norme : international, européen, national) lors de séances d’ateliers test en présence des groupe cibles. Une attention particulière a été portée aux attentes et à la réception de telles règles auprès des différents acteurs.

Quatre ateliers tests ont été organisés avec l’aide active de l’UNESCO et du ministère français de la Culture (service des musées de France).

Trois ateliers se sont tenus à l’UNESCO, dont deux ont été accueillis les 29 et 30 juin 2011 à l’occasion de la dix-septième session du Comité intergouvernemental de l’UNESCO pour la promotion du retour de biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale (atelier à destination des services de police et de douane, atelier destiné aux experts sur les aspects liés à la propriété culturelle, atelier ouvert aux acteurs du marché y compris les propriétaires privés). L’atelier sur les musées et institutions patrimoniales a été accueilli au ministère de la Culture français. Ces ateliers ont été animés en étroite collaboration avec le cabinet Borghese et l’UEHHA.

15 Sur les outils méthodologiques, v. Annexes.

Page 32: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

22

Rédaction du rapport final • État des lieux des instruments juridiques et opérationnels Sur la base des informations recueillies lors des enquêtes et des ateliers test,

le rapport final s’organise en trois parties. Il s’agit d’un état des lieux d’une part des législations civiles et pénales au

plan international, européen, national et, d’autre part, des moyens opérationnels pour prévenir et lutter contre ce trafic (ex : police spécialisée ou non ; méthodes de traçabilité et d’identification des biens culturels), aux différents niveaux. • Identification des obstacles juridiques et opérationnels Un certain nombre de constats ont déjà été identifiés dans le

développement du trafic illicite : • Distorsion négative issue de la diversité des instruments civils et pénaux

qui permet aux acteurs de choisir les places de marché à moindre risque au gré des facilités de circulation.

• Problème de fiabilité des bases nationales des biens volés et interopérabilité entre les différentes bases.

• Difficultés dans l’articulation de la coopération entre les différents services concernés.

• Perspectives d’évolution Ce volet du projet est central puisqu’il a pour finalité de dégager et proposer

des solutions concrètes de lutte contre le trafic illicite, solutions s’appuyant sur l’analyse des contextes et des difficultés, envisageant les moyens que peut développer l’Union européenne dans le concert des actions entreprises tant sur le plan international que dans les droits internes.

Ce travail a été réalisé par le CECOJI, l’ensemble des membres du Groupement de Recherche International coordonnant les sous-groupes, le Centre de droit pénal de l’Université de Nanterre et le cabinet d’avocats Borghese.

Ont été identifiées les avancées et améliorations à apporter au système de prévention et de lutte contre le trafic illicite, au niveau des règles de fond, de procédure, de coopération et sur le plan des instruments techniques. On notamment été envisagés les points suivants :

– Examen des possibilités de rapprochement et d’harmonisation des différents instruments juridiques et déontologiques.

– Ratification éventuelle des instruments internationaux. – Renforcement des méthodes d’identification et de traçabilité des

biens culturels pour sécuriser les transactions. Développement des échanges entre les bases de données.

Page 33: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Introduction

23

– Amélioration des conditions d’une meilleure coopération des différents acteurs impliqués dans la lutte contre le trafic illicite sur le double plan institutionnel et du point de vue de la société civile. Étude des bonnes pratiques.

3. ÉQUIPES PARTENAIRES Le réseau mobilisé

• Les centres de recherche associés Les centres de recherches associés à l’étude constituent le réseau de

chercheurs travaillant en lien avec le CECOJI dans la conduite de nombreux projets de recherche.

– GDRI, Réseau international d’experts en droit des biens culturels. – Le Centre de droit pénal et de criminologie, Réseau international

d’experts en droit pénal. – Le Centre du droit de l’art de l’Université de Genève. – La Société italienne pour l’organisation internationale (SIOI), Milan.

• Les partenaires institutionnels et professionnels Un certain nombre de partenaires institutionnels et d’organisations

internationales ont été étroitement associés à cette étude : – UNESCO ; – INTERPOL ; – UEHHA (Union of European Historic Houses Association) ; – UNIDROIT ; – le ministère français de la Culture ; – le cabinet Borghese.

La répartition des tâches

CECOJI * Coordination de l’étude : Marie Cornu * Contributions scientifiques : Jihane Chedouki, Jérôme Fromageau,

Antoinette Maget-Dominicé, Vincent Négri, Catherine Wallaert * Collecte des sources et des données disponibles : J. Chedouki, A. Maget-

Dominicé * Études par pays : J. Chedouki, A. Maget-Dominicé, Anita Vaivade * Patrimoines à risque : V. Négri

Page 34: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

24

Centre du droit de l’art de Genève sous la responsabilité de Marc-André Renold * Suivi scientifique de l’étude en tant que membre du comité de suivi,

participation aux différentes phases (état des lieux, identification des obstacles, recherche de solutions)

- Analyse en droit international, relations droit interne/ droit international au niveau de la protection des biens culturels : inventaire des textes et méthodes de mise en œuvre (accords bilatéraux …) ; droit comparé ; prise en compte du droit public étranger. * Études par pays : Raphael Contel, Sotiria Kechagia * Contributeur au rapport final.

Université de Milan et Société italienne pour l’organisation internationale (SIOI), Lombardie : sous la responsabilité de Manlio Frigo * Suivi scientifique de l’étude en tant que membre du comité de suivi,

participation aux différentes phases (état des lieux, identification des obstacles, recherche de solutions)

* Études par pays : Lorena Diaz-Perdomo, Vittorio Mainetti, Sabrina Urbinati

* Études thématiques : - Analyse en droit communautaire et droit comparé - Études de cas en lien avec le cabinet Borghese

* Contributeur au rapport final.

Centre de droit pénal : sous la responsabilité d’Élisabeth Fortis * Suivi scientifique de l’étude en tant que membre du comité de suivi,

participation aux différentes phases (état des lieux, identification des obstacles, recherche de solutions)

* Études par pays : Aurélie Binet-Grosclaude, Valérie Debien, Vissarion Giannoulis avec le concours de Daphné Voudouri

* Études thématiques : - Droit pénal au niveau communautaire en lien avec l’université de Milan,

droit pénal au niveau national et international - Coopération judiciaire et policière

* Contributeur au rapport final.

Université de Berlin : sous la responsabilité de Christian Armbrüster * Étude par pays : Sophie Engelhardt, Katarina Lorenz * Étude thématique : droit international privé en lien avec le Centre du droit

de l’art de Genève et l’Université de Milan * Contributeur au rapport final.

Page 35: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Introduction

25

Cabinet Borghese : Anne Sophie Nardon, Corinne Hershkovitch assistées de Mathilde Roellinger * Mise en place d’un questionnaire et circularisation auprès des acteurs du

marché de l’art en France et à travers les réseaux du cabinet Borghese, de M.A. Renold à Genève et de M. Frigo à Milan (comprenant les États-Unis).

* Rédaction d’un document de 40 p. constituant un état des lieux des problèmes rencontrés dans la pratique, intégrant les retours de questionnaires.

* Participation aux ateliers tests. * Contributeur au rapport final.

UEHHA : Rodolphe de Looz-Corswaren (président de l’UEHHA), Delphine Dupeux, Pauline Ringoot * Mise en place d’un questionnaire et circularisation auprès des adhérents. * Synthèse des réponses au questionnaire. * Recommandations. * Participation aux ateliers tests.

Ministère français de la Culture, coordonnateur du groupe MOC en 2010 sur le trafic illicite : Claire Chastanier, Jean-Paul Mercier Beaudrier * Travail à partir des questionnaires du groupe MOC sur la traçabilité, les

ventes en ligne, la due diligence. * Élaboration de la recommandation sur le portail internet européen

(recommandation n° 2). * Organisation et participation à l’atelier test Musées/Institutions

culturelles.

UNESCO : Edouard Planche * Accueil des ateliers test Police/Douanes/Propriétés culturelles et marché

de l’art. * Traduction du rapport en anglais.

Page 36: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4
Page 37: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

27

I. État des lieux

Page 38: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4
Page 39: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

29

I. État des lieux _______________________________________

1. EXPOSE DES INSTRUMENTS DES DROITS INTERNATIONAL, EUROPEEN ET COMMUNAUTAIRE

1.1. Exposé des différents instruments du droit international Le phénomène du trafic illicite des biens culturels concerne l’importation,

l’exportation et le transfert de biens considérés comme illicites, prioritairement sous l’angle du droit national d’un État donné. Il s’agit donc d’un phénomène dont la dimension économique est aujourd’hui considérable, qui touche en premier lieu à l’intérêt de l’État et à la violation de ses lois. Au-delà de ce qui relève de l’intérêt national, il existe un ensemble de règles internationales multilatérales contraignantes visant à prévenir et à lutter contre le trafic illicite des biens culturels. Il faut se demander comment concevoir et déterminer l’existence d’un véritable intérêt international qui serait protégé par lesdites règles.

1.1.1. La Convention de La Haye de 1954 et ses Protocoles Le premier instrument de droit international dédié exclusivement à la

protection des biens culturels est la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé 16. C’est dans ce texte, ainsi que dans ses deux Protocoles (de 1954 et 1999), que l’expression de « bien culturel » trouve sa consécration en tant que catégorie juridique en droit international, pour être reprise par la suite par les législations nationales d’application de cette Convention. La Convention prévoit un double régime de protection « générale » et « spéciale » (aujourd’hui enrichie de la protection « renforcée » prévue par le deuxième Protocole) à travers la mise en place de mesures de respect et de sauvegarde des biens culturels. Le premier Protocole contient également d’intéressantes règles qui visent à « empêcher l’exportation de biens culturels d’un territoire occupé » lors d’un conflit armé et interdisant la rétention de ces biens au titre de dommages de guerre.

16 La Convention, signée à La Haye le 14 mai 1954, est en vigueur depuis le 7 août 1956 avec 123 États parties ; le Protocole du 14 mai 1954 est en vigueur depuis le 7 août 1956 avec 100 États parties ; le deuxième Protocole du 26 mars 1999 est en vigueur depuis le 9 mars 2004 avec 60 États partie (septembre 2011).

Page 40: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

30

1.1.2. La Convention de l’UNESCO de 1970 Au niveau de la coopération internationale multilatérale une mention

particulière doit être accordée à la Convention de l’UNESCO de 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels 17. Avec l’adoption de cette Convention les États parties s’engagent notamment :

a) à prendre toutes les mesures nécessaires, conformes à la législation nationale, pour empêcher l’acquisition par les musées et autres institutions similaires situés sur leur territoire, de biens culturels exportés illicitement d’un autre État contractant après l’entrée en vigueur de la Convention (article 7.a) ;

b) à interdire l’importation des biens culturels volés dans un musée ou un monument public civil ou religieux après l’entrée en vigueur de la Convention (article 7 b.i) ;

c) à prendre des mesures appropriées pour saisir et restituer à la requête de l’État d’origine partie à la Convention tout bien culturel ainsi volé et importé (article 7.b.ii) et à admettre une action en revendication de biens culturels perdus ou volés exercée par le propriétaire légitime ou en son nom (article 13.c).

Il faut remarquer que la Convention de l’UNESCO n’a pas réussi à résoudre à la racine certains des problèmes les plus graves posés par la circulation internationale des biens culturels, notamment en ce qui concerne la restitution des biens volés ou illicitement exportés de l’État d’origine ainsi que des biens culturels en provenance des fouilles archéologiques illicites. Selon le point de vue retenu, les solutions diffèrent. La circulation considérée comme illicite dans l’État d’origine peut, au contraire, être jugée parfaitement licite par d’autres États dans lesquels le bien est importé, sauf si certaines dispositions de leur droit interne ont été violées.

Bien que la Convention puisse être considérée à juste titre comme une étape fondamentale de la coopération internationale dans la lutte contre le trafic illicite, il faut observer que ses mécanismes – notamment ceux prévus par les articles 7.b.ii et 13.c – sont limités en ce qui concerne leur domaine d’application et surtout n’arrivent pas à garantir le succès d’une demande de restitution lorsque le droit matériel applicable offre une protection significative à l’acquéreur de bonne foi. C’est le cas notamment du droit français qui prévoit une présomption de bonne foi en faveur de l’acquéreur, ou du droit italien sous des modalités variables.

En ce qui concerne la question de la restitution des biens culturels, la Convention de l’UNESCO prévoit des moyens peu appropriés pour

17 La Convention, signée à Paris le 14 novembre 1970, est en vigueur depuis le 27 avril 1972 avec 120 États parties (septembre 2011).

Page 41: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

31

surmonter lesdites difficultés posées par l’application des règles ordinaires de droit civil et de droit international privé ; il s’agit en effet d’un instrument international essentiellement conçu pour opérer sur le plan de la coopération diplomatique 18.

1.1.3. La Convention d’UNIDROIT de 1995 Afin de répondre aux difficultés mentionnées ci-dessus, vers la fin des

années 80, l’UNESCO, plutôt que de procéder à la révision de la Convention de 1970, a confié à l’UNIDROIT – institut international pour l’unification du droit privé – la tâche de préparer un instrument international nouveau et autonome visant à établir « un corps minimum de règles juridiques communes aux fins de restitution et de retour des biens culturels entre les États contractants, dans le but de favoriser la préservation et la protection du patrimoine culturel dans l’intérêt de tous » 19. La Convention d’UNIDROIT sur les biens culturels volés ou illicitement exportés établit donc des règles de droit uniforme en cas de « restitution », ainsi que dans l’hypothèse plus complexe du « retour » de biens culturels, qui emportent des dérogations significatives aux règles du droit commun (notamment en ce qui concerne la possession de bonne foi pour le propriétaire contraint de restituer). Elle prévoit également la création d’un chef de compétence juridictionnel spécifique.

La distinction entre les deux hypothèses de « restitution » (article 1. a) et de « retour » (article 1.b) n’est pas inconnue, même si la Convention d’UNIDROIT en adopte des contenus sensiblement différents des notions généralement retenues en doctrine ou dans la pratique des organisations internationales. D’après une opinion largement répandue la « restitution » concernerait en effet le cas du transfert de biens culturels en violation des lois de l’État d’origine et/ou des règles dictées par le droit international ; en revanche, le « retour » aurait plutôt trait aux hypothèses de transferts effectués à une époque antérieure à l’adoption de normes de protection des biens culturels concernés dans l’État d’origine. Il s’agit ainsi plutôt d’une hypothèse qui se vérifierait en cas de requête visant un bien faisant partie du patrimoine national d’un État qui en aurait été privé principalement mais non exclusivement, à l’occasion des dominations coloniales ou d’occupations étrangères.

Dans la Convention d’UNIDROIT les deux notions ont en revanche un contenu plus étroit ; d’après l’article 1.a la restitution concerne les biens volés,

18 Voir les considérations de C. Armbrüster, La revendication de biens culturels du point de vue du droit international privé, in Revue critique, 2004, p. 723 ss, et M. Frigo, La circolazione internazionale dei beni culturali, 2 ed. Milano, 2007, p. 12 ss. 19 Voir le préambule de la Convention d’UNIDROIT, signée à Rome le 24 juin 1995. La Convention est en vigueur depuis le 1er juillet 1998 avec 32 États parties, septembre 2011.

Page 42: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

32

tandis que le retour de l’article 1.b vise les biens illicitement exportés ou, plus spécifiquement, les biens transférés « du territoire d’un État contractant » en violation de ses normes concernant l’exportation des biens culturels visant à la protection du patrimoine culturel.

En ce qui concerne son champ d’application, sur le plan matériel, la Convention d’UNIDROIT reprend la définition de l’article 1 de la Convention de l’UNESCO de 1970, dont la liste est intégralement reprise à l’annexe de la Convention d’UNIDROIT. Il s’agit d’un modèle très proche de celui qu’a retenu la directive 93/7/CEE concernant la restitution des biens culturels sortis illicitement du territoire d’un État membre, qui présente d’ailleurs beaucoup d’éléments communs avec la Convention d’UNIDROIT. À ce propos l’on peut observer que, contrairement à ce qui est prévu par la directive européenne, ni l’article 2 de la Convention, ni son annexe ne font référence à des seuils de valeur économique en tant que critères permettant d’inclure les biens parmi ceux qui seraient susceptibles d’être restitués ou retournés. Il faut encore ajouter que la Convention d’UNIDROIT n’attribue pas aux États une véritable compétence quant à la détermination des biens qui sont l’objet de la protection conventionnelle. En effet, l’article 2 de la Convention prévoit que son application est assujettie à la double condition que le bien rentre dans la définition générale prévue par la norme, ainsi que dans l’une des catégories énumérées dans l’annexe.

L’obligation de restitution des biens volés telle qu’elle est prévue par les articles 3 et 4 représente l’un des aspects les plus caractéristiques de la Convention pour ce qui concerne l’affirmation du principe, ainsi que les solutions en matière de déchéance et de prescription. Il est impossible d’analyser ici en détail le régime prévu par la Convention ; toutefois il faut souligner que la règle qui impose au possesseur d’un bien volé de le restituer indépendamment de sa bonne foi constitue, en soi, une exception considérable au principe de l’acquisition de bonne foi qui caractérise plusieurs ordres juridique d’Europe continentale.

Par rapport à ceux-ci la Convention prévoit l’inversion du fardeau de la preuve de la bonne foi qui n’est plus présumée, mais doit être démontrée par le possesseur. La preuve de la bonne foi donne droit au paiement d’une « indemnité équitable », à condition que le possesseur « n’ait pas su ou dû raisonnablement savoir que le bien était volé et qu’il puisse prouver avoir agi avec la diligence requise lors de l’acquisition » (article 4.1). Il est encore utile de remarquer qu’afin d’éviter que des transferts de propriété successifs ne viennent neutraliser l’obligation de restitution, la Convention prévoit – à son article 4.5 – que le possesseur ne peut bénéficier « d’un statut plus favorable que celui de la personne dont il a acquis le bien culturel par héritage ou autrement à titre gratuit ».

Page 43: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

33

La question du retour des biens culturels illicitement exportés est naturellement plus complexe, s’agissant de prévoir des règles de droit positif visant à reconnaître les limites posées par des normes de droit public étrangères relatives à la circulation et au commerce de certaines catégories de biens. D’après l’article 5.5 la demande de retour doit être introduite – par analogie avec les règles concernant la restitution des biens volés – dans un délai de trois ans à compter du moment où l’État requérant a eu connaissance du lieu de situation du bien culturel et de l’identité du possesseur et, dans tous les cas, dans un délai de cinquante ans à compter de la date de l’exportation ou de la date à laquelle le bien aurait dû être retourné. La demande sera accueillie si l’autorité compétente admet l’existence des conditions prévues par l’article 5.3 et 5.4, en particulier l’« importance culturelle significative » que le bien revêt pour l’État requérant.

D’une manière analogue à l’hypothèse de restitution régie par l’article 4, le retour donne droit au paiement d’une indemnité équitable au possesseur – dans ce cas à la charge de l’État requérant – à la condition que les critères de la diligence exigée par les articles 6.1. et 6.2 aient été respectés. Afin de vérifier que le possesseur savait ou aurait dû raisonnablement savoir que le bien avait été illicitement exporté, la Convention prévoit qu’ « il sera tenu compte des circonstances de l’acquisition, notamment du défaut du certificat d’exportation requis en vertu de l’État requérant » (article 6.2).

Enfin, une alternative à l’obligation de paiement d’une indemnité équitable est prévue par l’article 6.3 selon lequel le possesseur, en accord avec l’État requérant, peut rester propriétaire du bien ou en transférer la propriété à titre onéreux ou gratuit à une personne de son choix, résident dans l’État requérant, pourvu que ladite personne présente les garanties nécessaires. À ce propos il est vraisemblable que les « garanties nécessaires » devraient être aptes à empêcher que le bien puisse à nouveau être exporté.

1.1.4. La Convention de l’UNESCO de 2001 sur la protection du patrimoine culturel subaquatique

Plusieurs règles prévues par les conventions internationales consacrées à la protection du patrimoine culturel, bien que conçues pour des biens «terrestres », trouvent application y compris lorsqu’il s’agit de biens sous-marins et, plus particulièrement, lorsque lesdits biens se trouvent dans les eaux qui entrent dans la souveraineté territoriale de l’État côtier (i.e. juridiction nationale).

Par ailleurs, une double série de normes relèvent plus spécifiquement du domaine de la protection internationale du patrimoine subaquatique : les règles du droit de la mer (notamment les articles 303 et 149 de la Convention des

Page 44: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

34

Nations unies de 1982 sur le droit de la mer) 20, qui n’ont trait que très marginalement au patrimoine culturel et ne concernent pas les objets trouvés sur le plateau continental (c’est-à-dire dans l’espace qui se trouve entre les 12 milles marins et la zone contiguë archéologique), et les règles prévues par la Convention de l’UNESCO de 2001 sur la protection du patrimoine culturel subaquatique qui, à l’inverse, constituent un domaine conventionnel spécifique du droit du patrimoine culturel 21. Bien que son article 3 exprime clairement le caractère flexible de la Convention vis-à-vis de toute autre règle de « droit international, y compris la Convention des Nations unies sur le droit de la mer », elle manifeste le souci d’éviter la déprédation du patrimoine culturel sous-marin. C’est sur le plan de la définition du patrimoine protégé que la Convention apporte une première contribution importante. En vertu de son article 1, elle concerne « …toutes les traces d’existence humaine présentant un caractère culturel, historique ou archéologique qui sont immergées, partiellement ou totalement, périodiquement ou en permanence, depuis 100 ans au moins et notamment …» (suit une liste non exhaustive de biens culturels), ce qui représente un progrès indéniable par rapport à l’expression « objets archéologiques et historiques » utilisée par la Convention sur le droit de la mer.

La Convention prévoit un régime de protection du patrimoine pour toutes les zones maritimes. Le domaine d’application de la Convention concerne aussi bien la mer territoriale que la zone contiguë, la zone économique exclusive, le plateau continental ou encore la zone des fonds marins internationaux. À ce propos, il faut constater que la Convention de 2001, contrairement à la Convention sur le droit de la mer, prévoit des règles de protection des biens culturels et applique à toutes les zones maritimes le principe de la protection du patrimoine culturel subaquatique dans l’intérêt de l’humanité toute entière, en évitant certaines des conséquences négatives pour la protection des biens résultant de l’application de la « law of salvage » (ou droit de récupérer les épaves) et en excluant l’application du critère « premier arrivé, mieux servi » (article 4). La protection du patrimoine culturel subaquatique dans la zone contiguë, la zone économique exclusive, le plateau continental et la zone des fonds marins internationaux fait recours aux régimes d’information (article 9) et de protection (article 10), en s’organisant autour de la figure de « l’État coordonnateur ». Loin d’étendre la juridiction de l’État côtier, la Convention prévoit que l’État coordonnateur – qui ne s’identifie pas

20 Il s’agit, dans le cas de l’article 303, de la réglementation prévue en matière d’objets archéologiques et historiques découverts en mer qui introduit à son alinéa 2 un régime spécial pour les biens se trouvant dans la zone de 24 milles marins et, dans le cas de l’article 149, du régime spécial concernant les objets archéologiques et historiques se trouvant dans la zone des grands fonds marins située au-delà des 200 milles marins correspondant à la limite de la zone économique exclusive. 21 La Convention, signée à Paris le 2 novembre 2001, est en vigueur depuis le 2 janvier 2009 avec 40 États parties (septembre 2011).

Page 45: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

35

nécessairement à l’État côtier – doit agir dans l’intérêt collectif des parties contractantes, en ayant le droit de prendre les mesures urgentes nécessaires pour prévenir le pillage du patrimoine culturel, ainsi que tout autre danger immédiat (article 10).

En ce qui concerne le problème des navires et aéronefs d’État, en l’absence de dispositions générales, le régime est déterminé en fonction de la zone où l’épave se trouve, mais il faut ajouter qu’au lieu de les considérer comme les autres épaves, la Convention privilégie l’immunité souveraine. Enfin, la Convention évoque certaines notions – notamment celles d’« État d’origine culturelle » ou de « droits préférentiels » – qui sont très importantes dans ce domaine, mais ne font l’objet d’aucune définition dans le texte conventionnel.

Ce bref exposé présente le cadre normatif de droit international relatif à la protection des biens culturels au niveau mondial. Il faut bien sûr y ajouter d’importants instruments multilatéraux adoptés sur le plan régional (tels que, en ce qui concerne l’Europe, la Convention de Delphes sur les infractions visant les biens culturels de 1985 et la Convention de La Valette pour la protection du patrimoine archéologique de 1992) qui font l’objet des développements ci-dessous. À ces textes, il conviendrait d’ajouter de nombreux accords bilatéraux (tels l’accord entre l’Italie et la Chine de 2003, l’accord Suisse-Italie de 2006 ou encore l’accord Suisse-Égypte de 2010). La présentation et l’analyse de ces textes dépassent le cadre du présent exposé préliminaire.

1.1.5. La Convention de Delphes du Conseil de l’Europe La Convention européenne sur les infractions visant les biens culturels, dite

Convention de Delphes, n’est jamais entrée en vigueur. Il n’est cependant pas inutile d’en évoquer le contenu. Le texte part du constat que les biens culturels font l’objet de pillages, de vols et de déprédations qu’ils soient situés dans les musées, les églises, les collections privées et sites archéologiques. Ces biens se retrouvent dans le commerce grâce à des circuits clandestins, situation qui menace gravement le patrimoine culturel commun de l’Europe. Cette Convention ne pouvait qu’échouer, à l’époque de son élaboration, les États restant très attachés à préserver leurs prérogatives en matière pénale. Le contexte a aujourd’hui évolué et cet instrument pourrait fournir une base très utile, notamment dans la réflexion autour de la délimitation des infractions clés (vol, recel, etc.).

Pour combattre le trafic illicite, les parties s’engagent à promouvoir dans le public la conscience de la nécessité de protéger les biens culturels, à coopérer à la prévention des infractions correspondantes et dans la recherche et la restitution des biens d’origine frauduleuse, et à appliquer des sanctions en adéquation avec la gravité de ces infractions. La Convention dresse dans une annexe une liste très complète des infractions visées par la Convention qui

Page 46: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

36

comprend toutes sortes d’actes illicites, (vol, recel, autres formes d’appropriation illicite, destruction, dégradation volontaire, détention, aliénation, acquisition en connaissance de l’origine frauduleuse du bien, dissimulation, etc.). Cette Convention ouverte à la signature le 23 juin 1985 n’a été signée que par quatre États membres (dont la plupart sont très exposés en matière de trafic illicite : l’Italie, la Grèce, le Portugal, Chypre). Elle n’a cependant été ratifiée par aucun État et n’est par conséquent jamais entrée en vigueur (trois ratifications sont nécessaires pour son entrée en vigueur). Dans la mesure où d’autres instances se sont saisies de la question du trafic illicite (UNIDROIT, UNESCO), dès lors que ces questions sont aussi abordées dans le cadre de l’Union européenne, le Conseil de l’Europe semble s’être mis en retrait sur ces aspects de protection du patrimoine. Il reste que persistent certaines des difficultés liées aux disparités de législations, au plan pénal ainsi que sur le terrain de la coopération internationale utile pour combattre un trafic de grande ampleur. Comme le signale en effet une recommandation du Conseil de l’Europe du 26 mai 1998 (recommandation 1372, sur la Convention d’UNIDROIT sur les biens culturels volés ou illicitement exportés du 26 mai 1998), la Convention d’UNIDROIT ne résoud pas tous les problèmes posés par le transfert illicite d’objets culturels, en particulier la question des réseaux internationaux du crime en la matière. Ce texte se veut un relais dans l’adoption de la Convention d’UNIDROIT. Il indique en même temps que « de nouvelles initiatives internationales sont nécessaires pour aller au-delà de la Convention ».

1.1.6. La Convention de La Valette du Conseil de l’Europe, Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée)

La Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée) a été adoptée par la Conseil de l’Europe, à La Valette le 16 janvier 1992. Elle est entrée en vigueur le 25 mai 1995.

Cette Convention actualise les dispositions de la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique, adoptée à Londres le 6 mai 1969. Elle se substitue à cette dernière dès lors qu’un État partie à la Convention de 1969 dépose son instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation à la Convention de 1992, ce dépôt ne pouvant intervenir si la Convention de 1969 n’a pas été préalablement dénoncée ou n’est pas dénoncée simultanément (article 14.2 de la Convention de 1992).

Au 30 août 2011, 41 États sont parties à la Convention de 1992, dont le Saint-Siège qui n’est pas membre du Conseil de l’Europe. La Convention de 1969 est encore en vigueur dans 5 États (Autriche, Islande, Italie, Luxembourg et Russie) qui n’ont ni ratifié, ni adhéré à la Convention de 1992.

Page 47: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

37

Alors que la Convention de 1969 développe des principes d’encadrement et de régulation de la recherche, de valorisation de ses résultats et de protection du patrimoine archéologique – conservation des sites par la constitution de réserves foncières et prévention des fouilles clandestines et réglementation de la circulation des vestiges mobiliers – la Convention de 1992, tout en reprenant et confortant ce socle normatif, met en œuvre le principe de conservation intégrée appliqué au patrimoine archéologique.

Par son économie générale, la Convention de 1969 s’inscrivait dans une filiation avec la Recommandation définissant les principes internationaux à appliquer en matière de fouilles archéologiques, adoptée par l’UNESCO à New Dehli, le 5 décembre 1956. Cette Recommandation déploie le référentiel normatif qui fonde encore aujourd’hui la quasi-totalité des législations nationales dans le domaine de l’archéologie. La Convention de 1969 accentue donc, à l’égard des États membres du Conseil de l’Europe, la portée de ce référentiel commun et engage ces États à se doter d’une législation efficiente pour contrôler la recherche archéologique et lutter contre les fouilles clandestines, et ses corollaires, le pillage et le trafic illicite des objets archéologiques.

La Convention de 1969 met l’accent sur le principe de coopération internationale, particulièrement dans le domaine de la circulation internationale des biens archéologiques et des politiques d’acquisition des musées.

La mise en œuvre des mesures nationales est ainsi couverte par un principe de coopération entre les États parties pour l’identification et l’authentification des biens archéologiques d’origine suspecte.

Ces ambitions sont redéployées par la Convention de 1992. Toutefois, la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée) renouvelle les concepts de protection ; elle place l’étude, la conservation et la mise en valeur du patrimoine archéologique parmi les objectifs des politiques d’urbanisme et d’aménagement. Le principe de conservation intégrée, ainsi formulé, induit des modalités de collaboration entre archéologues, urbanistes et aménageurs afin d’assurer la meilleure préservation possible du patrimoine archéologique. Suivant cette stratégie, la Convention de 1992 formule des orientations sur le financement des travaux de fouille, de recherche et de publication des résultats obtenus. Elle traite également de l’accès du public, notamment aux sites archéologiques, et de l’action éducative à entreprendre pour que l’opinion publique prenne conscience de la valeur du patrimoine archéologique. La Convention de 1992 pose également le cadre de référence d’une coopération paneuropéenne dans le domaine de la recherche archéologique, adossée à des échanges d’expériences et d’experts entre les États parties.

Page 48: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

38

L’impact des conventions de 1969 et de 1992 dans la prévention du trafic illicite comprend deux branches : une convergence des législations nationales et une stratégie de coopération.

Une convergence des législations Afin de prévenir la dispersion du patrimoine archéologique, ces normes

internationales engagent les États à adopter une législation instaurant un contrôle public de la recherche archéologique. Ce contrôle de la recherche repose sur l’institution de procédures d’autorisation et de suivi des fouilles et des autres activités archéologiques. Le but de ce dispositif est de prévenir toute fouille ou déplacement illicites d’éléments du patrimoine archéologique et de s’assurer que les fouilles et prospections archéologiques sont entreprises de manière scientifique par des personnes qualifiées et spécialement habilitées. En outre, l’emploi de détecteurs de métaux et d’autres équipements de détection ou procédés pour la recherche archéologique doit être soumis à autorisation préalable spécifique.

L’ensemble de ces mesures répond à l’objectif de préserver le patrimoine archéologique et d’en garantir la signification scientifique (article 3 de la Convention de 1969 ; article 3 de la Convention de 1992).

La mise en œuvre de ce dispositif de contrôle des fouilles par les droits internes des États permet, dès lors que de telle dispositions sont effectives dans chaque État, de distinguer deux catégories d’objets archéologiques : ceux issus de fouilles ou de recherches anciennes (antérieures à l’adoption des législations nationales réglementant la recherche archéologique) et dont la circulation est licite sous réserve des dispositions réglementant l’importation et l’exportation des biens culturels ; ceux extraits récemment du sol ou des espaces fluviaux, lacustres ou maritimes et dont la licéité de la circulation est conditionnée, en premier lieu, par la régularité juridique des recherches archéologiques qui les ont révélés. Dans le cas contraire, les objets archéologiques sont présumés provenir de fouilles clandestines que les conventions européennes pour la protection du patrimoine archéologique invitent les États à interdire et à réprimer (art. 3 de la Convention de 1969) ou à prévenir (article 3 de la Convention de 1992).

Les conventions ciblent également les musées. Dans des formulations proches, chacune de ces Conventions prévoit que les musées et les autres institutions similaires dont la politique d’achat est soumise au contrôle de l’État, ne doivent pas acquérir des éléments du patrimoine archéologique suspectés de provenir de découvertes incontrôlées, de fouilles illicites ou de détournements de fouilles officielles. Pour les musées et autres institutions similaires, dont la politique d’achats n’est pas soumise au contrôle de l’État, les États sont notamment invités à n’épargner aucun effort pour obtenir

Page 49: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

39

l’adhésion desdits musées et institutions à ces principes de prévention des acquisitions suspectes (article 6 de la Convention de 1969 ; article 10 de la Convention de 1992).

À noter que l’Autriche, partie à la Convention de 1969, a formulé une réserve sur ce dispositif. Elle considère que ces dispositions ne trouvent pas application sur son territoire lorsque, par l’acquisition des objets par des musées et institutions soumis au contrôle des collectivités publiques territoriales, ces objets peuvent être sauvés du délabrement ou de la destruction et placés sous la surveillance publique ou la protection de l’État.

Cette déclaration soustrait au principe de non-acquisition des objets de provenance suspecte, des éléments archéologiques en danger, en raison notamment de leur provenance de territoires en conflits ou de zones à risques. Un tel dispositif trouve un écho dans le code de déontologie du Conseil international des musées qui prévoit, dans son article 2.11 qu’un musée peut, en qualité de Dépositaires en dernier recours, servir de dépôt autorisé pour des spécimens ou des objets de provenance inconnue ou illégale collectés sur le territoire dans lequel s’établit sa juridiction. Toutefois, l’ICOM limite l’intervention des musées au seul accueil des objets en dépôt, à l’exclusion de leur acquisition.

Une stratégie de coopération Outre la coopération exprimée sous la forme d’assistance technique et

scientifique mutuelle par la voie des échanges d’expériences et d’experts dans les matières relatives au patrimoine archéologique (article 12 de la Convention de 1992), la coopération est également développée en matière de prévention du trafic illicite des biens archéologiques.

L’article 6 de la Convention de 1969 insiste sur la coopération entre les États parties afin que la circulation internationale des biens archéologiques ne porte atteinte en aucune manière à l’action de protection des éléments culturels et scientifiques liés à ces biens.

Les Conventions européennes pour la protection du patrimoine archéologique prévoient que des échanges d’information sur les fouilles licites et illicites et que soient mises en œuvre toutes mesures afin de porter à la connaissance des instances compétentes de l’État d’origine, partie contractante à la Convention, toute offre suspecte de provenance de fouilles clandestines ou de détournement de fouilles officielles et toutes précisions nécessaires à son sujet (article 5 de la Convention de 1969 ; article 10 de la Convention de 1992).

À noter que la Convention de 1992 énonce le cadre institutionnel à l’intérieur duquel peuvent prendre place ces échanges d’information. L’article 13 confie à un comité d’experts, institué par le Comité des Ministres du

Page 50: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

40

Conseil de l’Europe en vertu de l’article 17 du Statut du Conseil de l’Europe, la mission de suivre l’application de la Convention.

1.2. Exposé des instruments de droit de l’Union européenne

1.2.1. Compétences de l’Union européenne en matière de biens culturels

1.2.1.1. Base légale

Il faut premièrement souligner que l’Union européenne intervient à plusieurs titres vis-à-vis des biens culturels. En premier lieu, elle fixe certains aspects particulièrement importants de la circulation et du commerce de ces biens en se fondant sur une compétence très large relative au marché intérieur. Il en résulte un rapprochement des législations.

En deuxième lieu, elle contribue à financer des activités portant sur des biens culturels, entre autres au titre de sa compétence subsidiaire en matière culturelle qui figure à l’article 167 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Il ne s’agit pas, à ce dernier propos, ni d’une compétence exclusive (article 3 TFUE), ni d’une compétence partagée avec les États membres (article 4), mais seulement d’une compétence supplémentaire par rapport aux compétences des États membres, visant à compléter leur activité (article 6 TFUE).

En effet, c’est exclusivement en se référant à l’ancien article 100 A du Traité CE concernant le rapprochement des législations et à l’ancien l’article 133 du Traité CE 22 concernant la politique commerciale que les dispositions de droit secondaire de l’Union les plus importantes dans notre domaine ont été adoptées ; à savoir le Règlement (CEE) n° 3911/92 du 9 décembre 1992 concernant l’exportation des biens culturels – abrogé et remplacé par le Règlement (CE) n° 116/2009 du 18 décembre 2008 - et la directive 93/7 CEE du Conseil du 15 mars 1993 relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre 23.

1.2.1.2. Les biens culturels sont-ils des marchandises ?

La raison pour laquelle il devient important de répondre à cette question est strictement liée à la discipline générale prévue par le droit de l’Union en matière de circulation des marchandises. Les éléments qui caractérisent

22 L’article 133 du Traité CE corresponde à l’actuel article 207 TFUE. 23 Règlement (CEE) n° 3911/92 du Conseil du 9 décembre 1992 concernant l’exportation des biens culturels, abrogé et remplacé par le Règlement (CE) n° 116/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 (JO L 39 du 10.2.2009) et la directive 93/7 CEE du Conseil du 15 mars 1993 relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre (JO L 74 du 27.3.1993).

Page 51: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

41

l’essence de l’union douanière et du marché unique sont, en fait, représentés dans les actuels articles 26 24, 28 25, et 34-36 26 TFUE.

La liberté de circulation des marchandises est l’une des quatre grandes libertés de circulation proclamées déjà par le Traité CE. Sa réalisation a toujours constitué un objectif primordial de la Communauté européenne et, aujourd’hui, de l’Union. Pour la mettre en œuvre, le Traité CE comportait, à titre principal, trois dispositions ayant pour but d’interdire ou de limiter les obstacles d’origine nationale qui pouvaient, ou parfois qui peuvent encore, l’entraver. Premièrement, le Traité interdisait les droits de douane à l’importation et à l’exportation, y compris les taxes d’effet équivalent et les droits de douane à caractère fiscal, entre les États membres 27. Deuxièmement, le Traité interdisait également les restrictions quantitatives à l’exportation et à l’importation, y compris les mesures équivalentes, entre les États membres 28. Troisièmement, en matière fiscale, le Traité chargeait la Communauté d’harmoniser les impôts indirects des États membres dans la mesure où cette harmonisation est nécessaire pour assurer l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur 29.

Le Traité de Lisbonne n’a pas modifié l’approche esquissée ci-dessus. Le droit de l’Union considère les biens culturels comme des marchandises. Cette assimilation, implicite depuis l’entrée en vigueur du traité, est devenue explicite depuis un célèbre arrêt de la Cour de justice de 1968 dans lequel la Cour a confirmé ladite assimilation 30. Les marchandises sont des objets appréciables en argent. Or, les « biens d’intérêt artistique ou historique », selon l’expression de la Cour, sont des produits appréciables en argent. S’impose donc la double conclusion que les biens culturels « sont des marchandises » et « qu’ils se voient appliquer les règles du marché commun », c’est-à-dire toutes les règles relatives à la libre circulation des marchandises au sein du marché unique. L’effet le plus concret de cette assimilation est que les biens culturels ont été intégrés dans le tarif douanier commun dès que ce dernier a été créé en 1968 (le chapitre 97 leur est spécifiquement consacré). Par la suite, à chaque fois que le droit communautaire est intervenu vis-à-vis de ces biens, il l’a toujours fait

24 L’article 26 TFUE correspond à l’article 14 du Traité CE. 25 L’article 28 TFUE correspond à l’article 23 du Traité CE. 26 Les articles 34-36 TFUE correspondent aux articles 28-30 du Traité CE. 27 Voir articles 23 et 25 du TCE, qui correspondent aux articles 28 et 30 du TFUE. 28 Voir articles 28 et 29 du TCE, qui correspondent aux articles 34 et 35 du TFUE 29 Voir article 93 du TCE, qui corresponde à l’article 113 du TFUE 30 CJCE, 10 décembre 1968, Commission c. Italie, aff. 7-68, Rec., p. 617. Avant cet arrêt, l’assimilation pouvait se déduire de l’inclusion des biens culturels parmi les possibles dérogations nationales à la libre circulation des marchandises. La reconnaissance d’un régime dérogatoire pour cette catégorie de biens supposait que cette dernière soit assimilée aux marchandises de manière principale.

Page 52: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

42

par référence à la nomenclature du tarif douanier commun : qu’il s’agisse de déterminer ceux pouvant faire l’objet d’un contrôle à l’exportation (Règlement (CE) n° 116/2009 du Conseil concernant l’exportation des biens culturels), ceux pouvant l’objet d’une demande de restitution (directive 93/7 CEE du Conseil du 15 mars 1993 relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre) ou encore ceux dont les échanges sont soumis au système commun de TVA (directive 94/5 /CE du Conseil du 14 février 1994 complétant le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée puis directive n° 2006/112 du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée) 31.

1.2.1.3. L’applicabilité de l’article 36 TFUE à la circulation des biens culturels

Il doit être précisé que l’article 36 TFUE 32 est, de manière effective, la seule disposition du Traité traitant expressément de la circulation des œuvres d’art. A cet égard, il faudrait garder à l’esprit que : i) l’article 36 appartient à la partie 3 sur « Les politiques d’union et les actions internes », au titre 2 relatif à la « Libre circulation des biens », au chapitre 3 TFUE traitant de l’« Interdiction des restrictions quantitatives entre les États membres », et que : ii) les articles 34 et 35 déterminent les principes contenus dans l’article 26 sur l’établissement progressif du marché interne et de l’article 28 relatif à l’union douanière englobant tout le commerce des marchandises, en déclarant deux règles générales selon lesquelles les restrictions quantitatives, aussi bien en matière d’importations et d’exportations ainsi que toutes les mesures ayant des effets équivalents seront interdites.

Il apparaît que, dans un tel contexte, l’article 36 représente une clause dérogatoire vis-à-vis desdits principes généraux et dispositions, en affirmant que « Les dispositions des articles 34 et 35 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d’importation, d’exportation ou de transit justifiées par des raisons de moralité publique, d’ordre public ou de sécurité publique… la protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique… ».

À cet égard, un premier problème d’interprétation peut se poser. Celui-ci est lié au sens même de l’article 36 TFUE dans les différents textes authentiques concernant les dérogations aux restrictions quantitatives relatives à l’exportation, l’importation et le transit des marchandises, ainsi que les différentes conséquences sur les pouvoirs accordés aux États membres. Aussi, tandis que selon le texte italien (espagnol, portugais) de l’article 36 TFUE, les

31 Voir F. Lafarge, Droit communautaire, in Dictionnaire du droit comparé du patrimoine culturel, à paraître. 32 Voir l’ancien article 30 du Traité CE.

Page 53: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

43

dispositions des articles 34 et 35 n’excluent pas les interdictions, les restrictions ou les transits de marchandises sur les bases entre autres de la protection du « patrimonio artistico, storico o archeologico nazionale », (« patrimonio artistico, historico o arqueologico nacional », « patrimonio nacional de valor artistisco, historico ou arqueologico »), d’autres textes authentiques (visiblement les textes anglais et français) font référence à la protection des « national treasures of artistic, historic or archéological value » et aux « trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique » 33.

Autrement dit, il apparaît clairement que le « patrimoine national » et les « trésors nationaux » font référence à deux concepts différents. Par conséquent, les textes italien, espagnol, portugais semblent donner de prime abord un pouvoir discrétionnaire plus large aux autorités nationales en représentant les catégories de marchandises incluses dans les législations nationales de protection avec un respect précis des limitations quant à leur circulation qui semble, dans d’autres versions linguistiques authentiques, beaucoup plus restrictive dans leur portée.

Le fait qu’un Traité international authentifié en deux ou plusieurs langages puisse même révéler de notables différences au sein des divers textes authentiques n’est certes pas étonnant, puisqu’il peut être confirmé par l’existence d’une règle ad hoc d’interprétation du droit coutumier international telle que codifiée selon la Convention de Vienne sur la Loi des Traités en 1969. À cet égard, il est bien connu que, conformément à l’article 33, au paragraphe 4 de la Convention de Vienne, sauf dans le cas où un texte d’espèce prévaut en cas de divergence par disposition explicite du traité, quand une comparaison des textes authentiques révèle une différence de signification que l’application des autres normes importantes de la Convention (c’est-à-dire des articles 31 et 32) ne résout pas, « le sens qui concilie au mieux les textes, respectant l’objet et le but du traité, doit être adopté 34 ».

Si nous interprétons l’article 36 TFUE à la lumière de ladite règle interprétative de la Convention de Vienne, il y a peu de doute que nous devrions arriver à la conclusion qu’à la différence des textes anglais et français, les textes italiens, espagnols et portugais n’observent pas strictement les exigences de l’article 33 de la Convention. En fait, l’article 36 TFUE contient un nombre limité de dérogations aux règles générales mises de côté par l’article 34 relatif à l’élimination des restrictions quantitatives sur les importations et de toutes les mesures ayant des effets équivalents, ainsi que par l’article 35 concernant l’élimination des restrictions quantitatives sur les exportations et

33 Le texte allemand de l’article est légèrement différent, puisqu’il se réfère aux “Kulturguts von künstlerischem, geschichtlichem oder archäologischem Wert”. 34 Insistance ajoutée.

Page 54: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

44

toutes les mesures ayant des effets équivalents. En d’autres termes, l’article 36 est une règle de droit qui, en considération de sa nature dérogatoire quant aux normes ordinaires applicables, ne peut être interprétée de façon extensive sans enfreindre à la fois le régime normatif du TFUE et l’équilibre entre les obligations résultant du TFUE et les prérogatives réservées aux États membres.

Il est possible d’objecter que même en présumant que les règles d’interprétation mentionnées ci-dessus s’appliquent, il est considéré que, selon le même Traité, il n’y a qu’une seule institution qui puisse légitimement interpréter ses dispositions, soit la Cour européenne de Justice. Ainsi, selon une jurisprudence établie, la Cour a, de façon substantielle, adopté et appliqué la même position que celle de la Convention de Vienne affirmant que i) cette unique version de langue d’un texte multilingue de droit communautaire ne peut, seule, prédominer sur toutes les autres versions puisque l’application uniforme des règles communautaires exige qu’elles soient interprétées conformément à l’intention réelle de la personne qui les a rédigées et à l’objectif poursuivi par cette personne, en particulier à la lumière des versions formulées dans toutes les langues 35 et ii) que les diverses versions de langue d’une disposition de droit communautaire doivent être uniformément interprétées, et ainsi, dans le cas d’une divergence entre ces versions, la disposition en question doit être interprétée en référence au but et au régime général des règles dont elle fait partie 36.

À la lumière du principe général présenté à l’article 28 TFUE concernant la libre circulation des marchandises et l’Union douanière sur laquelle la communauté européenne est basée et des articles TFUE mentionnés ci-dessus esquissant expressément l’objectif d’éliminer les obstacles à la libre circulation des marchandises (c’est-à-dire les articles 34 et 35), les dérogations telles que celles prévues par l’article 30 du Traité justifient seulement les restrictions sur les importations, les exportations et le transit de marchandises selon les termes plus restrictifs des textes anglais et français. En conséquence, une extension des restrictions et des interdictions nationales aux catégories d’objets tombant dans la définition de « patrimoine national » mais non dans celle plus restrictive de la notion de « trésors nationaux » ne serait définitivement pas suffisamment justifiée à la lumière de l’objet et de l’objectif du Traité.

35 Voir, Jpdce inter alia, 29/69 Stauder (1969) ECR 419, p. 3 ; Jpdce C-219/95 Ferriere Nord c. Commission (1997), ECR I-4411, p. 15 ; Jpdce C-268/99 Aldona Malgorzata Jany et autres c. Staatssecretaris van Justitie (2001), ECR, p. 47. 36 Voir, Jpdce inter alia, C-449/93 Rockfon (1995), ECR I-4291, p. 28, Jpdce C-236/97 Skatteministeriet c. Codan (1998), ECR I-8679, p. 28, Jpdce C-257/00 Nani Givane c. Ministère de l’Intérieur (2003), ECR, p. 37.

Page 55: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

45

On pourrait finalement soutenir que les objets d’art et les objets culturels ne peuvent être considérés comme des marchandises selon les termes prévus par le Traité CE. De nouveau, l’on constate que la Cour de Justice eut l’opportunité de déclarer que les objets culturels sont considérés comme des marchandises tels que prévus par les articles 34, 35, et 36 TFUE tant qu’ils peuvent être évalués d’un point de vue économique et peuvent être commercialisés ; selon la Cour, ils doivent être donc soumis aux règles gouvernant le marché commun avec seulement les exceptions et les dérogations prévues par le TFUE 37.

Il doit être ajouté que l’Union européenne avait confirmé cette approche également dans les règles ultérieures adoptées afin de renforcer la protection des biens culturels au niveau européen. À cet égard, aussi bien le Règlement (CE) n° 116/2009 38 sur l’exportation des biens culturels que la directive 93/7/CEE sur le retour des objets culturels exportés illicitement du territoire d’un État membre, invoquent en grande partie leur applicabilité à une annexe concernant les catégories de objets culturels tombant dans le champ d’application approprié.

Le Règlement introduit des contrôles uniformes pour la prévention des exportations de biens culturels aux frontières extérieures de la Communauté européenne qui permettent aux autorités compétentes (Culture et Douanes) de l’État membre dont les biens culturels sont sur le point d’être exportés vers un État tiers, de prendre en compte les intérêts de l’autre État membre.

Ainsi, la Commission énonce que « …à défaut de ce contrôle, la suppression des contrôles aux frontières physiques intérieures aurait eu pour conséquence de permettre à un trésor national, sorti illicitement d’un État membre, d’être présenté au bureau de douanes d’un autre État membre pour être exporté facilement vers un pays tiers » 39. La directive complète ledit instrument préventif en énonçant des mécanismes et une procédure pour le retour des trésors nationaux illicitement exportés du territoire d’un État membre. Il est important de souligner que tandis que l’objet du Règlement est d’éviter que les trésors nationaux sortent du territoire de l’Union européenne sans contrôles, la directive traite des ententes pour restituer de tels trésors à l’État membre d’origine lorsqu’ils ont été illicitement exportés de ce dernier 40.

37 Voir Jpdce 7/68, Commission v. Italie (1968), ECR 562. 38 Règlement (CE) n° 116/2009 du Conseil (JO L 39 du 10.2.2009). 39 Voir le rapport de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social en application du Règlement (CEE) n° 3911/92 du Conseil concernant l’exportation de biens culturels et de la directive 93/7/CEE du Conseil relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre, Bruxelles, 25.05.2000, COM (2000) 325 final, p. 3 (maintenant cité « Rapport 2000 »). 40 Voir rapport, ibidem.

Page 56: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

46

Considérant le champ d’application, il doit être spécifié que le Règlement n° 3911/92 s’applique aux biens culturels énoncés dans son annexe ; les biens sont divisés en 15 catégories, incluant les objets archéologiques, les peintures, les gravures, les livres, les photographies, etc. Les critères pour un objet se modifiant en « objet culturel » qui varie selon la catégorie, sont l’âge (plus de 100, 75 ou 50 ans en fonction du cas) et une valeur financière minimale des biens (de 0 euro pour certains biens culturels jusqu’à 150 000 euros pour les peintures41). Dans la mesure où la directive est concernée, elle couvre les biens culturels qui – comme ils appartiennent aux catégories référées dans son annexe (c’est-à-dire à celles listées dans l’annexe du Règlement) – sont classés comme trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique conformément à la législation et aux procédures administratives des États membres. À l’exception des collections publiques et des inventaires des institutions ecclésiastiques, les trésors nationaux qui ne sont pas des « biens culturels » dans le sens de l’annexe sont exclus de la directive et ainsi, sont régis par la législation nationale des États membres conformément aux règles du Traité 42.

Il est reconnu en particulier, que le choix de faire référence à ladite valeur financière minimale a été critiqué pour un certain nombre de raisons que vraisemblablement nous partagerons.

Aussi les rapports périodiques soumis, depuis l’année 2000, par la Commission au Conseil, le Parlement européen et le Comité européen économique et social montrent la critique des États membres quant à un certain nombre de problèmes importants résultant de la mise en œuvre de la directive. En particulier, la complexité de la coopération administrative et les coûts de sa mise en œuvre sont pointés comme les raisons majeures du défaut d’utilisation de la directive. En outre, dans le dernier rapport de 2009, un certain nombre d’États a relevé la difficulté inhérente aux procédures de retour en raison des différentes interprétations des concepts de « vigilance » et de « juste compensation » par les juridictions nationales impliquées dans ces procédures 43. La même critique concerne, dans tous les rapports, le petit nombre d’actions en justice instituées pour le retour de biens culturels ; en particulier, le troisième rapport semble confirmer que les raisons doivent être trouvées dans la portée de la directive (la date du 1er janvier 1993 et les catégories des objets concernés tel qu’indiqués dans l’annexe) et le délai d’un

41 L’annexe de la directive 93/7 précise que « La valeur financière est celui de l’objet dans l’État membre demandé ». 42 Voir « Rapport 2000 », p. 4. 43 Voir Rapport de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social – Troisième Rapport sur l’application de la directive 93/7/CEE du Conseil relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre, Bruxelles 30.7.2009, COM (2009) 408 final (maintenant cité « Rapport 2009 »).

Page 57: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

47

an à partir du moment où l’État membre demandeur découvre le lieu de situation de l’objet prévu à l’article 7 44. Ce qui est intéressant dans notre perspective est aussi l’indication selon laquelle plusieurs États membres préfèrent utiliser d’autres instruments légaux, à savoir la Convention de l’UNESCO de 1970 pour recouvrer les biens culturels 45.

D’un autre côté, il ne faudrait pas oublier de considérer que même en cas d’applicabilité de ces deux textes fondamentaux, le TFUE dispose que l’article 36 du Traité ne peut être exclu 46. L’article 1 du Règlement n° 3911/92 est assez clair sur ce point lorsqu’il énonce que le terme de biens culturels devra se référer, pour les objectifs du Règlement, aux objets listés dans l’annexe « sans préjudice des pouvoirs des États membres au titre de l’article 36 du Traité ».

À cet égard la question du champ d’application de l’article 36 semble restée incertaine.

1.2.2. Compétence de l’Union européenne pour lutter pénalement contre le trafic de bien culturels

L’Union n’ayant pas une compétence générale, mais des compétences attribuées, il s’agit d’examiner dans les traités TUE et TFUE, issus du Traité de Lisbonne, s’il existe une base juridique pour adopter de nouvelles règles pénales en matière de trafic de biens culturels. La compétence de l’Union s’apprécie au plan substantiel - quel est son champ matériel ? - (1) et au plan fonctionnel - quels pouvoirs ? (2).

1.2.2.1. Compétence matérielle pour édicter des règles dans le domaine de lutte contre le trafic de biens culturels

Les trafics de biens culturels constituent des formes particulièrement graves de criminalité contre les biens, puisqu’ils portent non seulement atteinte à la propriété, mais également au patrimoine culturel des États membres. Ils sont une menace pour la sauvegarde des trésors nationaux d’une valeur inestimable. Ils sont souvent commis dans le cadre de la criminalité organisée, avec parfois des complicités chez les professionnels, ce qui emporte une désorganisation grave des politiques culturelles et des marchés de l’art. En conséquence, la lutte contre le trafic de biens culturels implique une réponse de nature répressive.

D’un point de vue matériel, la lutte contre le trafic de biens culturels n’est pas une compétence explicite de l’Union européenne, c’est-à-dire énoncée, en

44 Voir « Rapport 2009 », p. 4.2.2. Il doit être souligné que conformément à l’article 13, la directive s’applique seulement aux biens culturels illicitement exportés, après la date du 1er janvier 1993. 45 Ibidem. 46 Voir l’article 1 du Règlement (CE) n° 116/2009 et de l’article 1 de la directive 93/7/CEE.

Page 58: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

48

tant que telle, dans les traités. D’un point de vue matériel, elle pourrait se rattacher à plusieurs champs de compétences :

– Marché intérieur : Troisième partie, Titre 1 du TFUE – Espace de Liberté de Sécurité de Justice (ELSJ) : Troisième partie,

Titre 5 du TFUE – Culture : Troisième partie, Titre 13 du TFUE

S’agissant du Marché intérieur, la question du trafic de biens culturels se rattache à la compétence de l’Union en matière de liberté de circulation des marchandises, en particulier de ses limites (Trésors nationaux).

Sur le fondement de l’ELSJ, l’Union pourrait légiférer au titre de ses compétences pour assurer un niveau élevé de sécurité et pour lutter contre la criminalité transnationale ou organisée - cette dernière devant être analysée à la lumière de la Convention de Palerme contre la criminalité organisée.

S’agissant de la politique culturelle, l’article 167 TFUE prévoit que « l’Union encourage la coopération entre États membres pour la conservation et la sauvegarde du patrimoine culturel d’importance européenne ». En outre, elle favorise « la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes dans le domaine de la culture, et en particulier avec le Conseil de l’Europe ». Toutefois, l’article 167§5 TFUE se contente d’énoncer que l’Union peut « adopter des actions d’encouragement, à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres ».

1.2.2.2. Capacité de l’Union à édicter des règles pénales contre le trafic de biens culturels

Après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, les pouvoirs normatifs en matière pénale de l’Union prévus aux chapitres 4 et 5 du Titre 5, relatif à l’ELSJ ont été significativement élargis. En vertu de l’article 67 TFUE, l’objectif politique général de l’Union est d’assurer un niveau élevé de sécurité par des mesures de prévention et de lutte contre la criminalité, y compris la criminalité organisée.

Sur ces fondements, des normes d’harmonisation du droit pénal de fond et de procédure et des normes de coopération peuvent être considérées.

a) En matière d’harmonisation du droit pénal de fond

Le nouvel article 83.1 TFUE prévoit l’adoption de normes d’harmonisation des infractions et des peines dans les domaines de la criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontière (résultant du caractère ou des incidences de ces infractions ou d’un besoin particulier de les combattre sur des bases communes), tels que la criminalité organisée. Dans la

Page 59: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

49

mesure où il relèverait de groupes délinquants structurés, le trafic de biens culturels pourrait donc entrer dans ce champ de compétence législative de l’Union. En outre, le Conseil peut désormais adopter à l’unanimité, après approbation du Parlement européen, une décision élargissant les domaines de criminalité déjà énumérés, ce qui pourrait concerner le trafic de biens culturels dans sa dimension non organisée.

L’article 83.2 TFUE pourrait également servir de base juridique pour un rapprochement en matière pénale. En effet, selon cette nouvelle disposition du traité, des directives peuvent établir des règles minimales relatives à la définition des infractions et des sanctions dans les secteurs où le rapprochement des législations en matière pénale s’avère indispensable pour assurer la mise en oeuvre efficace d’une politique de l’Union ayant fait l’objet de mesures d’harmonisation.

Sur ce fondement, l’harmonisation est donc possible si l’on considère que les biens culturels relèvent d’une politique de l’Union ayant fait l’objet de mesures d’harmonisation. De ce point de vue, la politique culturelle est un support, à lui seul, insuffisant car l’article 167.5 TFUE énonce que l’Union peut « adopter des actions d’encouragement, à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres ».

Enfin, dans la mesure où cela est nécessaire pour faciliter la reconnaissance mutuelle des jugements et décisions judiciaires, ainsi que la coopération policière et judiciaire dans les matières pénales ayant une dimension transfrontière, l’article 82.2 TFUE prévoit le rapprochement de certaines règles procédurales nationales (admissibilité des preuves, droits des personnes dans la procédure pénale, droits des victimes de la criminalité).

b) En matière de coopération pénale

En vertu de l’article 82.2, l’Union a la compétence pour édicter des normes relatives à la coopération judiciaire pénale notamment :

– pour assurer la reconnaissance, dans l’ensemble de l’Union, de toutes les formes de jugements et de décisions judiciaires en matière pénale

– pour faciliter la coopération entre les autorités judiciaires ou équivalentes des États membres dans le cadre des poursuites pénales et de l’exécution des décisions.

Notamment en matière de criminalité grave affectant deux ou plusieurs États membres ou exigeant notamment une poursuite sur des bases communes, les nouveaux articles 85 TFUE, relatif à l’unité de coopération judiciaire de l’Union européenne (Eurojust), et 88 TFUE, relatif à l’office européen de police (Europol), offrent une base juridique au législateur

Page 60: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

50

européen pour renforcer les missions et les pouvoirs de coordination de ces organes sur les enquêtes et les poursuites.

Enfin, en vertu de l’article 87, paragraphe 2, TFUE, relatif à la coopération policière, le Parlement européen et le Conseil, peuvent établir des mesures portant sur: « a) la collecte, le stockage, le traitement, l’analyse et l’échange d’informations pertinentes ».

c) Respect du principe de subsidiarité

L’adoption de règles de nature pénale apparaît conforme au principe de subsidiarité. Il ressort des rapports nationaux et du chapitre II du présent rapport que les législations pénales nationales sur le trafic des biens culturels, notamment en raison de leur hétérogénéité, sont aujourd’hui insuffisantes pour apporter une réponse énergique à la hauteur de l’ampleur du phénomène. En effet, le caractère transnational du trafic complique et rend plus difficile les poursuites, les enquêtes et le jugement de ces infractions. La lutte contre le trafic de biens culturels exige donc une coordination et une coopération entre les États membres qui se heurte actuellement aux différences entre les législations.

La lutte contre le trafic de biens culturels sera plus efficace si l’Union opère un rapprochement des droits pénaux matériels et les règles de procédure des États membres. Premièrement, ce rapprochement permet d’exprimer une volonté et une politique commune de lutte contre ce fléau. Deuxièmement, il permet d’éviter que les auteurs d’infractions aient le choix de commettre les infractions dans les États membres disposant de règles moins sévères. Troisièmement, l’utilisation de définitions communes permet d’accroître la connaissance et la confiance mutuelle entre les systèmes et donc de favoriser la coopération internationale.

1.2.2.3. Panorama des instruments de coopération pénale de l’Union européenne applicables en matière de trafic de biens culturels

a) Convention de Palerme

En dehors des instruments de coopération pénale du droit de l’Union européenne, il existe des instruments conventionnels internationaux, bilatéraux et multilatéraux, sur lesquels les acteurs de la lutte contre le trafic de biens culturels peuvent, en théorie, s’appuyer, notamment la Convention de Palerme de 2000 contre la criminalité transnationale organisée 47, compte tenu du caractère international du trafic de biens culturels, et de l’implication

47 La Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, Résolution 55/25 de l’Assemblée générale des Nations unies du 15 novembre 2000.

Page 61: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

51

fréquente du crime organisé. Parmi les dispositions de cette Convention qui intéressent la lutte contre le trafic de biens culturels, on peut citer :

– l’obligation des États parties de prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre l’identification, la localisation, le gel ou la saisie de bien « produit » ou « instrument » du crime organisé en vue d’une éventuelle confiscation, et cela également dans le cadre d’une demande de coopération par un État partie requérant ;

– l’obligation des États parties de prendre tout les mesures nécessaires pour permettre la confiscation des biens « produit » ou « instrument » du crime organisé, et cela également dans le cadre d’une demande de coopération par un État partie requérant ;

– l’obligation des États parties d’habiliter les tribunaux ou autres autorités compétentes à ordonner la production ou la saisie de documents bancaires, financiers ou commerciaux ;

– lorsque les États parties agissent à la demande d’un autre État Partie, ils doivent, dans la mesure où leur droit interne le leur permet et si la demande leur en est faite, envisager à titre prioritaire de restituer le produit du crime ou les biens confisqués à l’État Partie requérant, afin que ce dernier puisse indemniser les victimes de l’infraction ou restituer ce produit du crime ou ces biens à leurs propriétaires légitimes ;

– les États Parties doivent s’accorder mutuellement l’entraide judiciaire la plus large possible lors des enquêtes, poursuites et procédures judiciaires concernant la criminalité organisée transnationale notamment pour : – Effectuer des perquisitions et des saisies, ainsi que des gels ; – Examiner des objets et visiter des lieux ; – Fournir des informations, des pièces à conviction et des estimations d’experts; – Identifier ou localiser des produits du crime, des biens, des instruments ou d’autres choses afin de recueillir des éléments de preuve ; – Les États Parties peuvent conclure des accords ou arrangements bilatéraux ou multilatéraux en vertu desquels ils établissent des instances d’enquêtes conjointes.

Page 62: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

52

b) Instrument général d’entraide judiciaire 48

Dans l’Union européenne, l’entraide judiciaire en matière de trafic de biens culturels repose d’abord sur la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 (Conseil de l’Europe) 49, amendée par les protocoles du 13 mars 1978 et du 8 novembre 2001 et complétée par les article 48 à 53 de la Convention d’application de l’accord de Schengen de 1990 50. La Convention de 1959 est souple et largement utilisée par les praticiens. Son objet vise l’exécution de commissions rogatoires, lesquelles peuvent concerner toutes les mesures, sans liste préétablie, qui peuvent être utiles dans le cadre d’une procédure pénale.

La Convention de l’Union européenne du 29 mai 2000 51, et son Protocole de 2001, vise à compléter, et parfois se substituer à la Convention du Conseil de l’Europe de 1959. Plusieurs dispositions de cette Convention, qui améliorent l’efficacité de l’entraide, pourraient présenter un intérêt dans les procédures portant sur le trafic de biens culturels :

– d’une part, les demandes d’entraide s’exécutent conformément au droit de l’État requis, ce qui facilite l’utilisation ultérieure des éléments de preuve obtenus dans la procédure judiciaire de l’État requérant ;

– d’autre part, les demandes s’effectuent directement entre autorités judiciaires, et cela dans le délai le plus rapide possible.

Surtout, l’article 8.1 de la Convention prévoit la possibilité de « mettre des objets obtenus par des moyens illicites à la disposition de l’État requérant en vue de leur restitution à leur propriétaire légitime ». Si cette mise à disposition, qui est potentiellement utile pour la victime d’un trafic de biens culturels, est facultative (elle est initiée par l’État requérant mais repose sur l’accord de l’État requis), elle offre néanmoins un cadre juridique, rattaché à une procédure pénale, à la restitution au propriétaire d’un bien volé.

48 Sur ce sujet, voir les actes du colloque L’entraide judiciaire internationale dans le domaine des biens culturels, Centre du droit de l’art, Université de Genève, M.-A. Renold (éd.), Schulthess 2011. 49 Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, STE 030.- Premier Protocole additionnel à Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 13 mars 1978, STE 099. Deuxième Protocole additionnel à Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 8 novembre 2001, STE 182. 50 Convention d’application de l’accord de Schengen, signée à Schengen le 19 juin 1990, JO L 239 du 22.09.2000. 51 Acte du Conseil du 29 mai 2000 établissant, conformément à l’article 34 du traité sur l’Union européenne, la Convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale, signée à Bruxelles, le 29 mai 2000 entre les États membres de l’Union européenne, JO C 197 du 12.07.2000.

Page 63: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

53

c) Instruments de coopération fondés sur le principe de reconnaissance mutuelle

Les instruments de coopération mis en place dans le cadre de l’espace de liberté, de sécurité et de justice sont susceptibles de servir dans la lutte contre le trafic de biens culturels. Ces instruments sont, en principe, dotés d’une certaine efficacité car ils sont fondés sur le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en matière pénale, qui vise à assurer la « libre circulation » de celles-ci dans l’Union. Selon ce principe, une décision judiciaire rendue dans un État membre, conformément à son droit national, doit être considérée, dans tout autre État membre, comme équivalente à une décision interne et être exécutée sans contrôle juridictionnel substantiel. Autrement dit, ces instruments ont l’avantage d’être dotés d’une certaine automaticité dans la mesure où ils font l’objet d’un contrôle minimum par les autorités judiciaires. Ils prévoient en effet une judiciarisation complète de la procédure et une limitation des motifs de refus d’exécuter les demandes d’entraide. En particulier, tous ces instruments ont pour caractéristique essentielle de ne plus prévoir l’exigence classique de double incrimination comme condition de la coopération pour une liste de catégories d’infractions, dont le trafic de biens culturels fait expressément partie. Autrement dit, la lutte contre le trafic de biens culturels bénéficie d’ores et déjà, en principe, des régimes juridiques de coopération pénale les plus intégrés de l’Union européenne. • La remise d’une personne Les procédures nationales sur des trafics de biens culturels à dimension

transnationale peuvent avoir recours au mandat d’arrêt européen. En vertu de la décision-cadre de juin 2002 52, le mandat d’arrêt européen remplace intégralement, dans les relations entre États membres de l’Union européenne, la procédure classique d’extradition. Le mandat d’arrêt européen permet l’arrestation et la remise d’une personne recherchée qui se trouve sur le territoire d’un autre État membre. Le mandat d’arrêt européen couvre le champ des infractions liées au trafic de biens culturels, dans toute l’Union, puisqu’il peut être émis aux fins de poursuite pour tous les faits punis par la loi de l’État membre d’émission d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’au moins douze mois. Lorsqu’il est émis aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté, ce ne peut être que pour des condamnations prononcées d’au moins quatre mois. Du point de vue de l’efficacité de la coopération, le mandat d’arrêt européen présente de nombreuses avancées : la procédure est entièrement judiciaire, enserrée dans des délais et les motifs de refus sont limités. En particulier, il ne prévoit plus l’exigence classique de double incrimination comme condition de la remise pour une liste de

52 Décision-cadre du Conseil 2002/584/JAI du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, JO L 190, 18.7.2002.

Page 64: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

54

catégories d’infractions, dont le trafic de biens culturels, y compris antiquités et œuvres d’art, fait expressément partie. • Actes d’investigation Dans les procédures nationales, de nature pénale, sur des trafics de biens

culturels à dimension transnationale, les autorités compétentes disposent de deux instruments de coopération de l’Union européenne fondés sur le principe de reconnaissance mutuelle, qui devraient permettre, en principe, d’agir rapidement pour obtenir et saisir des éléments de preuves ou des avoirs situés sur le territoire d’un autre État membre : • Décision-cadre du 22 juillet 2003 relative à l’exécution dans l’Union

européenne des décisions de gel de biens ou d’éléments de preuve La décision-cadre du 22 juillet 2003 relative à l’exécution dans l’Union européenne des décisions de gel de biens ou d’éléments de preuve a pour objet de permettre la reconnaissance et l’exécution par une autorité judiciaire d’un État membre des décisions de gel émises par une autorité judiciaire d’un autre État membre dans le cadre d’une procédure pénale 53. A priori, cet instrument de coopération est applicable aux investigations sur le trafic de biens culturels car les décisions de gel sont définies comme « toute mesure prise par une autorité judiciaire compétente de l’État d’émission afin d’empêcher provisoirement toute opération de destruction, de transformation, de déplacement, de transfert ou d’aliénation relative à un bien susceptible de faire l’objet d’une confiscation ou à un élément de preuve » (article 2, c de la décision-cadre). Cet instrument n’organise pas une procédure complète car il ne vise qu’un gel provisoire dans l’État d’exécution. Comme pour le mandat d’arrêt européen, la procédure de gel est entièrement judiciaire et les motifs de refus sont limités. Et elle ne prévoit pas l’exigence classique de double incrimination comme condition de la remise pour le trafic de biens culturels, expressément mentionné. En revanche, à la différence du mandat d’arrêt européen, la prescription de l’action publique dans l’État membre d’exécution n’est pas une cause de refus. Il convient d’ajouter la décision-cadre du Conseil du 26 juin 2001 concernant le blanchiment d’argent, l’identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des instruments et des produits du crime oblige les États 54, qui prévoit notamment l’obligation, à la charge des États, de

53 Décision-cadre du Conseil 2003/577/JAI du 22 juillet 2003 relative à l’exécution dans l’Union européenne des décisions de gel de biens ou d’éléments de preuve, JO L 196 du 2.8.2003. 54 Décision-cadre du Conseil 2001/500/JAI du 26 juin 2001 concernant le blanchiment d’argent, l’identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des instruments et des produits du crime, JO L 182 du 5.7.2011.

Page 65: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

55

prendre les mesures nécessaires afin que toutes les demandes présentées par les autres États membres en ce qui concerne l’identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des avoirs soient traitées avec le même degré de priorité que celui accordé à de telles mesures dans les procédures internes (article 4).

• Décision-cadre du 18 décembre 2008 relative au mandat d’obtention de preuves

Le mandat d’obtention de preuves, prévu par la décision-cadre du 18 décembre 2008 est défini comme « une décision judiciaire émise par une autorité compétente d’un État membre afin d’obtenir des objets, des documents et des données d’un autre État membre en vue de leur utilisation dans le cadre des procédures pénales » 55. L’autorité compétente de l’État d’exécution a l’obligation d’y répondre en vertu du principe de reconnaissance mutuelle. Le mandat d’obtention de preuve est un outil de coopération pouvant être utilisé dans le cadre d’une procédure répressive nationale relative à un trafic de biens culturels à dimension transnationale. Il est toutefois limité aux objets, documents et données qui sont des éléments de preuve existants et non pas à découvrir. Comme en matière de gel des avoirs, et à la différence du mandat d’arrêt européen, le mandat d’obtention de preuve ne remplace pas les mécanismes d’entraide judiciaire comme les commissions rogatoires. Comme, pour le mandat d’arrêt européen et pour le gel des avoirs, la procédure d’obtention de preuve est entièrement judiciaire et les motifs de refus sont limités. Et elle ne prévoit pas l’exigence classique de double incrimination, comme condition de la remise, pour le trafic de biens culturels, expressément mentionné. En revanche, à la différence du mandat d’arrêt européen, et à l’image du gel des avoirs et des preuves, la prescription de l’action publique dans l’État membre d’exécution n’est pas une cause de refus de la coopération.

• Confiscation (sanctions) Parmi les sanctions pénales, la confiscation, qui consiste en la privation

permanente d’un bien, est particulièrement intéressante dans le domaine du trafic de biens culturels. L’Union européenne d’une part, pose des obligations à la charge des États pour faciliter les mesures de confiscation, d’autre part, édicte des mesures pour assurer la reconnaissance et l’exécution de mesure de confiscation dans toute l’Union. En premier lieu, la décision-cadre du Conseil du 26 juin 2001 concernant le blanchiment d’argent, l’identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des instruments et des produits

55 Décision-cadre du Conseil 2008/978/JAI du 18 décembre 2008 relative au mandat européen d’obtention de preuves visant à recueillir des objets, des documents et des données en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures pénales, JO L 350/72 du 30.12.2008.

Page 66: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

56

du crime (qui constitue le prolongement pénal, des directives communautaires sur le blanchiment et de la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, de 1990) 56 oblige les États à ce que leur législation et procédure relatives à la confiscation des produits du crime permettent aussi, au moins dans le cas où ces produits ne peuvent être appréhendés, la confiscation des biens d’une valeur correspondant à celle des produits, dans le cadre tant de procédures internes que de procédures engagées à la demande d’un autre État membre (article 3). Comme il a été dit, les États membres doivent également prendre les mesures nécessaires afin que toutes les demandes présentées par les autres États membres en ce qui concerne l’identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des avoirs soient traitées avec le même degré de priorité que celui accordé à de telles mesures dans les procédures internes (article 4). La décision-cadre 2005/212/JAI du Conseil du 24 février 2005 relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime 57 prévoit, quant à elle, une obligation générale à la charge des États de permettre la confiscation de tout ou partie des instruments et des produits provenant d’infractions pénales passibles d’une peine privative de liberté d’une durée supérieure à un an, ou de biens dont la valeur correspond à ces produits. Enfin, la décision-cadre du 6 octobre 2006 prévoit la reconnaissance et l’exécution des décisions de confiscation rendues dans un tribunal compétent en matière pénale dans un autre État membre 58. Il doit s’agir d’une décision sur une infraction pénale qui a un caractère définitif. Le bien confisqué doit être soit le « produit » soit « l’instrument » de l’infraction. Si la confiscation porte sur un bien déterminé, la décision sera transmise à l’État dans lequel l’autorité compétente de l’État d’émission « est fondée à croire que se trouvent les biens couverts par la décision de confiscation ». À défaut d’indication, la transmission peut se faire à l’État dans lequel la personne à l’encontre de laquelle la décision a été rendue a sa résidence habituelle ou son siège statutaire. La procédure n’est expressément pas soumise à l’exigence de double incrimination pour le trafic de biens culturels dès lors que les faits sont punis dans l’État d’émission d’une peine privative de liberté d’une durée maximale d’au moins 3 ans.

56 Décision-cadre du Conseil 2001/500/JAI du 26 juin 2001 concernant le blanchiment d’argent, l’identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des instruments et des produits du crime, JO L 182 du 5.7.2001. 57 Décision-cadre du Conseil 2005/212/JAI du 24 février 2005 relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime, JO L 068 du 15.03.2005. 58 Décision-cadre 2006/783/JAI du Conseil du 6 octobre 2006 relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions de confiscation, JO L 328 du 24.11.2006.

Page 67: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

57

1.2.2.4. Organes de coopération pénale de l’Union

En premier lieu, dans le cadre d’une procédure pénale concernant un trafic transnational de biens culturels, les magistrats de liaison détachés d’un État membre dans un autre peuvent faciliter les contacts et la connaissance réciproque des systèmes juridiques. Le Réseau Judiciaire Européen (RJE) 59, qui regroupe les autorités nationales ayant des responsabilités spécifiques en matière de coopération pénale internationale, peut également jouer ce rôle de « conseil » : les membres du RJE doivent en effet fournir les informations juridiques et pratiques nécessaires pour établir de façon efficace une demande de coopération judiciaire ou pour améliorer la coopération judiciaire en général. En matière de coopération policière, ce sont les officiers de liaison, détachés dans un autre État membre, qui ont pour fonction de faciliter la coopération entre polices nationales 60 en développant des contacts directs avec leurs collègues étrangers, susceptibles d’améliorer la compréhension réciproque des systèmes policiers nationaux.

a) Eurojust Eurojust joue un rôle similaire d’intermédiation entre les autorités

judiciaires 61. Le trafic de biens culturels est expressément cité parmi les compétences matérielles d’Eurojust. Dans ce type d’affaire, un magistrat d’un État peut donc parfaitement s’adresser au membre national d’Eurojust pour obtenir un appui technique dans l’émission ou l’exécution d’actes de coopération judiciaire. Loin de travailler de manière strictement réactive, au gré des affaires qui lui sont soumises, elle dispose d’un véritable pouvoir d’initiative. Qu’elle intervienne en tant que collège ou par le biais d’un membre national, Eurojust peut adresser des demandes motivées aux autorités compétentes des États membres afin qu’ils entreprennent une enquête ou des poursuites sur des faits précis ; qu’ils désignent l’autorité la mieux placée pour le faire ; qu’ils assurent la coordination entre les autorités compétentes ; qu’ils mettent en place une équipe commune d’enquête. Par le truchement de ses membres nationaux, Eurojust peut également demander aux autorités compétentes des États membres de prendre des mesures d’enquêtes spéciales et toute autre mesure justifiée par une enquête ou des poursuites. Elle a la faculté de se prononcer en cas de signalement de conflits de compétence, de difficultés ou de refus récurrents concernant l’exécution d’actes de coopération judiciaire. L’article 85 TFUE relatif à Eurojust habilite le législateur à élargir

59 Décision du Conseil n° 2008/976/JAI du 16 décembre 2008 concernant le réseau judiciaire européen, JO L 348 du 24.12.2008. 60 Décision du Conseil n° 2003/170/JAI du 27 février 2003, JO L 67 du 12.03.2003. 61 Décision du Conseil n° 2002/187/JAI du 28 février 2002, modifiée par la décision du Conseil n° 2009/426/JAI 16 décembre 2008 sur le renforcement d’Eurojust, JO L 138 du 4.06. 2009.

Page 68: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

58

ces compétences, en particulier en lui confiant l’ouverture d’enquêtes pénales, la proposition de déclenchement des poursuites – ce qui vise, semble-t-il, la décision de renvoi devant la juridiction de jugement - ; la coordination des enquêtes et des poursuites ; enfin la résolution de conflits de compétences.

b) Europol

La lutte contre le trafic de biens fait expressément partie du champ de compétence de l’office européen de police, Europol. Celui-ci joue d’abord rôle d’intermédiation entre les polices nationales 62. Concrètement, les relations entre les polices nationales et Europol passent par les unités nationales Europol, que chaque État est tenu de mettre en place au sein de ses services de police. L’office assure principalement des tâches d’appui aux enquêtes nationales, ce qui inclut l’aide à la coopération pénale par l’échange d’informations et par l’incitation à la coordination des procédures. Depuis la décision du Conseil du 6 avril 2009, Europol peut demander aux autorités compétentes des États membres concernés d’ouvrir, de mener ou de coordonner des enquêtes sur la base d’informations dont elles pourraient disposer concernant l’existence d’infractions graves ou de liens entre différentes enquêtes nationales menées parallèlement. Si celles-ci décident de ne pas donner suite à la demande faite par Europol, elles doivent motiver leur décision. Dans certaines affaires, Europol peut également leur demander de constituer des équipes communes d’enquête. S’agissant de l’avenir d’Europol, l’article 88 TFUE énonce que le Parlement européen et le Conseil pourront élargir les fonctions qui lui sont assignées, en particulier en lui confiant la coordination, l’organisation et la réalisation d’enquêtes et d’actions opérationnelles menées conjointement avec les autorités compétentes des États membres ou dans le cadre d’équipes conjointes d’enquête. Son action opérationnelle pourra être plus directe encore, puisque Europol aura la possibilité d’organiser, voire de réaliser, les enquêtes lui-même.

c) Équipes communes d’enquête

Les équipes communes d’enquêtes 63 sont créées pour un temps et une affaire déterminée et ne sont donc pas des structures permanentes. Les équipes communes d’enquête sont réservées aux investigations complexes

62 Europol a été créé par l’acte du Conseil n° 95/C 316/01 du 26 juillet 1995 portant établissement de la Convention sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne portant création d’un Office européen de police, JO C 316 du 27.11.1995. Il est une agence de l’Union européenne depuis la décision du Conseil n° 2009/371/JAI du 6 avril 2009 portant création de l’Office européen de police (Europol), JO L 121 du 15.05.2009. 63 Convention précitée relative à l’entraide judiciaire en matière pénale, signée à Bruxelles, le 29 mai 2000 entre les États membres de l’Union européenne, puis la décision-cadre du Conseil n° 2002/465/JAI du 13 juin 2002 relative aux équipes communes d’enquête, JO L 162 du 20.06.2002.

Page 69: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

59

nécessitant une action concertée et un partage des moyens. En principe elles pourraient être créées dans le cadre d’une procédure concernant un trafic de biens culturels. Elles ont vocation à se déployer sur le territoire des deux États ayant constitué l’équipe. Les membres de l’équipe non originaires du pays dans lequel l’équipe intervient sont désignés comme membres « détachés ». Dans la décision-cadre, ces derniers sont habilités à être présents lorsque des mesures d’enquête sont prises dans l’État membre d’exécution. Ils peuvent également se voir confier « la tâche de prendre certaines mesures d’enquête », sous réserve que le droit de l’État membre d’exécution le prévoit mais, a priori, ils ne peuvent se voir octroyer des pouvoirs qu’ils ne pourraient exercer sur leur propre territoire.

* * *

2. COMPARAISON ET ARTICULATION DES DIFFERENTS OUTILS Une analyse comparative des différents instruments internationaux et de

l’Union européenne nous permet de vérifier l’existence de possibles problèmes de coordination. Premièrement il faut souligner que la Convention UNESCO de 1970 ne pose pas de problèmes spécifiques, s’agissant d’une Convention de droit public qui impose des obligations aux États membres, mais qui n’est pas considérée immédiatement applicable dans les ordres juridiques internes ; par conséquent, le risque de conflit avec d’autres règles de droit national, de l’Union européenne ou d’origine internationale mais ayant des effets sur les relations des particuliers est très improbable 64.

Il est, en revanche, plus intéressant de vérifier les relations entre la Convention d’UNIDROIT de 1995, les autres conventions et les règles de droit de l’Union européenne, en considération de la partielle coïncidence des États parties et des États membres de l’Union qui se trouvent donc à être les destinataires en même temps soit des règles découlant des conventions internationales, soit des règles européennes. D’où l’exigence de vérifier si la coexistence desdites règles et des relatives obligations pour les États peut faire surgir des problèmes de compatibilité.

La coexistence avec les conventions du Conseil de l’Europe pose en effet de moindres problèmes de compatibilité. Non seulement chaque Convention prévoit une clause visant à assurer la compatibilité avec d’autres conventions

64 Voir Cour de cassation italienne, 24 novembre 1995, n : 12166, Foro italiano, 1996, I, p. 907 ; Cour d’appel Paris 5 avril 2004 ; Cour de cass., 20 septembre 2006, République féd. du Nigéria c. de Montbrison.

Page 70: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

60

en vigueur entre les mêmes États 65, mais aussi, dans l’hypothèse d’un conflit, lesdites conventions se préoccupent d’éviter tout problème par les biais de dispositions expresses. C’est le cas, notamment, de la Convention européenne sur la protection du patrimoine archéologique de 1969 qui, à son article 8, dispose que les mesures prévues par la Convention ne peuvent pas produire d’effets restrictifs sur le commerce licite ou sur la propriété des biens archéologiques, ni toucher aux normes juridiques concernant le transfert desdits biens.

Pour ce qui concerne la Convention d’UNIDROIT, il faut remarquer que, afin de permettre une accession la plus répandue possible, elle prévoit à son article 16.4) que ses dispositions ne dérogent pas aux dispositions des accords bilatéraux et multilatéraux d’entraide judiciaire dans les matières civiles et commerciales « qui pourraient exister entre des États contractants ». À ce propos il n’est pas clair si ladite règle devrait être interprétée d’une façon extensive – en faisant entrer dans son domaine d’application les futurs accords signés par les États – ou d’une façon restrictive, en limitant donc ses effets aux traités déjà en vigueur. Si on considère la lettre de ladite disposition – comme il est d’ailleurs prévu par l’article 31 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités – c’est cette deuxième solution qui l’emporte. Il faut ajouter que le problème n’est probablement pas très important sur le plan concret, étant donné que la Convention, à son article 18, prévoit l’inadmissibilité des réserves et que son article 13.2) permet aux États contractants de conclure pour le futur avec d’autres États contractants des accords visant à faciliter l’application de la Convention.

La compatibilité et, plus généralement, les rapports avec les autres conventions sont traités à l’article 13 de la Convention qui, outre ce que l’on vient de signaler, traite d’autres aspects du problème.

Premièrement, l’article 13.1) concerne ledit problème de façon générale en reproduisant en grande partie le texte de l’article 57, premier alinéa de la Convention de Bruxelles de 1968 concernant la compétence juridictionnelle et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale et de l’article 21 de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. Il faut observer par ailleurs que l’article 13 prévoit seulement que la Convention ne déroge pas aux instruments internationaux par lesquels un État contractant « est juridiquement lié et qui contiennent des dispositions sur les matières réglées par la présente Convention, à moins qu’une déclaration contraire ne soit faite par les États liés par de tels instruments » ; il s’agit donc

65 Voir article 8 de la Convention culturelle européenne de 1954, article 8 de la Convention européenne sur la protection du patrimoine archéologique de 1969, article 34 de la Convention européenne sur les infractions concernant les biens culturels, article 11 de la Convention européenne sur le patrimoine archéologique révisée en 1992.

Page 71: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

61

des seules conventions déjà existantes et non de toutes les conventions comme dans les deux exemples mentionnés.

En deuxième lieu, l’article 13.3) concernant la sauvegarde des règles édictées par des organisations régionales ou d’intégration économique dont sont membres les États contractants, représente une nouvelle édiction en forme atténuée de l’article 57, deuxième alinéa de la Convention de Bruxelles de 1968 et de l’article 20 de la Convention de Rome de 1980. En fait, avec une référence implicite au problème de l’application des règles communautaires dans le domaine de la circulation et de la restitution des biens culturels, ladite norme permet aux États membres d’organisations régionales l’application dans leurs rapports réciproques des normes internes desdites organisations, en excluant les normes correspondantes de la Convention, chaque fois que le domaine d’application respectif coïncide 66.

À ce propos on peut se poser la question de la capacité de la Convention d’UNIDROIT d’interférer sur le fonctionnement de la directive 93/7/CEE, naturellement en ce qui concerne exclusivement les États membres de l’Union européenne qui sont en même temps États contractants de la Convention.

Sur le plan formel on ne saurait trouver des problèmes de compatibilité car la Convention, comme on vient de le voir, prévoit à son article 13 une disposition réglant de façon explicite les rapports avec les règles internes des organisations régionales ; la directive, d’après son article 15, permet aux États membres et/ou aux propriétaires de poursuivre le but d’obtenir la restitution de biens culturels par toute action judiciaire civile ou pénale admissibles d’après leur loi nationale ou les conventions internationales dont les États soient parties.

Sur le plan matériel, en revanche, bien que les domaines d’application de la directive et de la Convention ne coïncident pas totalement, il ne faut pas exclure la possibilité de devoir faire le choix entre le recours à l’un ou à l’autre des deux instruments indiqués. Il est utile de souligner que, en théorie, les possibilités d’obtenir le retour des biens paraissent plus faciles par le biais de la Convention et que la directive représente un instrument plus limité pour les raisons suivantes. • La requête de restitution d’après son article 1.3) peut être proposée vis-

à-vis du possesseur ou du détenteur par une procédure devant le juge de l’État membre requis, mais le titulaire de l’action judiciaire n’est que l’État dont le bien culturel a quitté illicitement le territoire,

66 D’après l’article 13.3) « Dans leurs relations mutuelles, les États contractants membres d’organisations d’intégration économique ou d’entités régionales peuvent déclarer qu’ils appliquent les règles internes de ces organisations ou entités et n’appliquent donc pas dans ces relations les dispositions de la présente Convention dont le champ d’application coïncide avec celui de ces règles ».

Page 72: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

62

indépendamment du fait qu’il s’agit d’un bien de propriété publique ou privée.

• Le régime de la directive ne touche pas aux aspects concernant plus directement la constitution de droits réels sur l’objet dont on demande la restitution, en respectant l’(actuel) article 345 TFUE, l’article 1.5) de la directive prévoit en pleine cohérence avec cette règle, que dans le cas de succès de l’action judiciaire proposée par l’État, la restitution entraîne « le retour matériel du bien culturel sur le territoire de l’État membre requérant », ce qui fait surgir, par contre, des problèmes de nature différente concernant la loi régissant la propriété une fois l’objet restitué. À ce propos la directive prévoit, à son article 12, une disposition qui a été critiquée en raison de son ambiguïté ; en fait, la norme prévoit que la propriété du bien culturel après la restitution soit régie par la législation de l’État membre requérant, ce qui pose le problème de déterminer l’ampleur du renvoi à la loi, notamment en ce qui concerne l’alternative entre un renvoi qui se borne à faire référence au seul droit matériel, ou, par contre, un renvoi concernant aussi les règles de conflit de l’ordre juridique en question 67 .

• Outre la brièveté des délais de prescription et de déchéance prévue par l’article 7 de la directive par rapport aux articles 3.3) et 5.5) de la Convention 68, les biens dont on peut demander la restitution représentent une catégorie considérablement plus restreinte par rapport aux dispositions de la Convention. En fait, il s’agit de biens classés, avant ou après avoir quitté illicitement le territoire d’un État membre, comme « trésor national de valeur artistique, historique ou archéologique », conformément à la législation ou aux procédures administratives nationales au sens de l’article 36 du traité et appartenant à l’une des catégories visées à l’annexe ou n’appartenant pas à l’une de ces catégories, mais faisant partie intégrante des collections publiques figurant sur les inventaires des musées, des archives et des fonds de

67 Voir E. Jayme, « Aknüpfungsmaximen für Kulturgüterschutz im Internationalen Privatrecht », in C. Dominicé, R. Paty, C. Raymand (dir), Etude de droit international en l’honneur de Pierre Lalive, Bâle/Francfort-sur-le Main, Helbing & Lichtenhalim, 1993, p. 724 ss., p. 729 ; E. Jayme, C. Kohler, « L’interaction de règles de conflit contenues dans le droit dérivé de la Communauté européenne et des conventions de Bruxelles et de Rome », in Rev. crit. dr. int. privé, 1995, p. 35. Le problème a été pris assez récemment en considération par la jurisprudence britannique dans le celèbre affaire The Islamic Republic of Iran c. Berend, [2007] EWHC, 132 (QB), qui, afin de déterminer le contenu de la lex situs applicable à l’achat de bonne foi d’un bien culturel se pose la question de l’application d’un droit national (le droit français dans l’espèce) en tant que droit comprenant les règles de droit international privé. 68 Il s’agit respectivement de 1 an et 30 ans, par rapport à 3 ans et 75 ans.

Page 73: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

63

conservation des bibliothèques, ou des inventaires des institutions ecclésiastiques 69.

Il faut ajouter que dans l’annexe figurent certaines catégories de biens qui sont différentes de celles de la Convention et surtout que l’annexe à la directive s’inspire d’une conception au fond différente, notamment en ce qui concerne la qualification de certains biens comme « restituables » à la condition qu’ils dépassent un certain seuil de valeur économique.

Sur la base de ces considérations il parait que le recours aux mécanismes prévus par la Convention d’UNIDROIT – même sous réserve de la considération de la nature juridique différente des deux textes – soit apte à garantir la restitution des biens même dans des hypothèses non envisagées par la directive et puisse, par conséquent, être considérée comme préférable.

Cette conclusion n’est pas appuyée sur une pratique judiciaire significative, elle n’est en effet pas encore vérifiable. Il faut ajouter aussi que tantôt le Parlement européen, tantôt le Conseil déjà respectivement en 2001 et en 2002, avaient souligné que le mécanisme de la directive était insuffisant notamment en ce qui concerne le délai de prescription annuel, en sollicitant les États membres et les institutions à promouvoir l’alignement avec le délai triennal prévu par l’article 5.5) de la Convention d’UNIDROIT 70.

Par ailleurs, dans les trois rapports sur l’application de la directive publiés jusqu’ici par la Commission et qui évaluent l’application par les pays de l’UE de la directive jusqu’à l’année 2007 on souligne ses effets positifs, elle est perçue notamment comme un outil utile pour la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un pays de l’UE et pour la protection du patrimoine. D’après l’analyse de la Commission, les pays de l’UE paraissent lui reconnaitre un effet préventif qui découragerait la sortie illicite des biens culturels. En revanche, la directive ne suffit pas à lutter contre le commerce illicite de biens culturels. Au cours de la période de référence, la directive n’a été appliquée que rarement dans le cadre d’une coopération administrative ou d’une action en restitution, « principalement en raison de la complexité administrative et du coût d’application de la directive, des limites de sa portée et du court délai octroyé pour intenter une action en restitution, ainsi que de l’interprétation des concepts associés » 71.

69 Cfr. article 1 de la directive. 70 Cfr. Résolution A5-0122/2001 du Parlement sur le rapport de la Commission au Conseil, au Parlement et au Comité économique et social sur l’application du Règlement n. 3911/92 et Résolution du Conseil du 21 janvier 2002, 2002/C32/03 concernant le rapport de la Commission sur l’application du Règlement 3911/92. 71 Voir « Rapport 2000 », Rapport de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social du 21 décembre 2005 – Deuxième rapport sur l’application de la directive 93/7/CEE du Conseil relative à la restitution de biens culturels ayant quitté

Page 74: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

64

3. OUTILS TECHNIQUES DU DROIT INTERNATIONAL ET EUROPEEN L’identification et la traçabilité des biens culturels se réalisent grâce à la mise

en place d’outils techniques. Parmi ces outils, on peut évoquer plusieurs initiatives élaborées ou encouragées par les organisations internationales investies dans la prévention et la lutte contre le trafic illicite de biens culturels telles que l’UNESCO, ICOM, INTERPOL, l’OMD. Il s’agit notamment d’outils tels que les bases de données de biens volés (INTERPOL 72), les bases de données recensant les législations nationales (UNESCO, base Herein, Conseil de l’Europe73). Toujours dans un souci d’information et de sensibilisation au risque de trafic illicite, l’ICOM a élaboré des listes rouges qui constituent des listes représentatives des catégories ou types d’objets protégés par la loi (ex. liste rouge des objets archéologiques africains en péril, liste rouge des biens culturels d’Amérique latine en danger, liste rouge d’urgence des antiquités iraquiennes en péril, etc.). Ces listes alertent les institutions et le marché sur les catégories d’objets susceptibles d’être en situation illicite et peuvent également constituer un outil intéressant au service des contrôles douaniers. Les outils techniques peuvent aussi prendre la forme de recommandations à destination du marché, comme par exemple le Code international de déontologie pour les négociants en biens culturels 74, ou encore, plus spécialement à propos du commerce en ligne, les « mesures élémentaires concernant les objets culturels mis en vente sur internet » 75. Enfin, parmi les outils techniques, ont été conçus des documents standardisés tels que le modèle de certificats d’exportation de biens culturels (UNESCO/OMD) et encore la norme Object-ID, norme internationale minimale de description des biens culturels.

illicitement le territoire d’un État membre, Bruxelles, 21.12.2005 [COM(2005) 675 final – Non publié au Journal officiel (maintenant cité « Rapport 2005 »), « Rapport 2009 ». 72 V. sur les bases de données, infra. 73 V. sur les bases de données, infra. 74 Ce code a été adopté par la Conférence générale de l’UNESCO le 16 novembre 1999 à sa 29ème session, officiellement lancé à l’occasion du 30ème anniversaire de la Convention à l’UNESCO le 15 novembre 2000. 75 Liste élaborée dans le cadre d’une recommandation du Groupe d’experts d’INTERPOL sur les biens culturels volés, lors de la troisième réunion annuelle des 7 et 8 mars 2006, durant laquelle les participants se sont penchés sur les problèmes de surveillance des ventes sur internet. V. sur les ventes en ligne, infra.

Page 75: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

65

3.1. Les tentatives de standardisation – Le certificat d’exportation UNESCO-OMD

Considérant le rôle essentiel du certificat d’exportation dans la lutte contre le trafic illicite de biens culturels, l’UNESCO et l’OMD ont développé un modèle type de certificat d’exportation en 2005 76. La Convention UNESCO de 1970 et la Convention d’UNIDROIT évoquent toutes deux la nécessité d’instituer un certificat d’exportation. Ce modèle de certificat était destiné aux pays n’ayant pas de certificat « approprié » (art. 6 de la Convention UNESCO de 1970) pour les objets culturels. L’idée était aussi de promouvoir une norme internationale de nature à faciliter la tâche des services et de douane 77.

L’un des atouts de disposer d’un tel modèle est en effet de garantir à un douanier, quelle que soit sa langue maternelle, de toujours repérer au même emplacement le même type d’informations. La mise en œuvre de ce modèle de certificat combinée avec les outils lexicographiques et linguistiques développés dans d’autres champs (thésaurus de termes spécifiques, comme par exemple celui développé par le Conseil de l’Europe dans le cadre du programme Herein 78), cela permet de meilleurs contrôles et amoindrit le risque de faux certificats et autorisations.

Lors de son élaboration, l’association et la participation de professionnels était un avantage de poids, en revanche aucune demande n’avait été formulée par les États, compromettant ainsi son adoption et partant sa généralisation.

Son utilisation n’est aujourd’hui pas démontrée dans les pays de l’Union, ceux-ci disposant pour la plupart, avant la publication de ce document modèle, de documents opératoires. Aucun des interlocuteurs contactés dans le cadre de cette étude n’a fait mention de l’utilisation du certificat d’exportation UNESCO - OMD.

L’intérêt d’une standardisation des documents dans l’espace européen est cependant aujourd’hui très largement partagé (v. préconisations).

3.2. Norme internationale de description d’objets culturels Object ID La norme Object ID, norme internationale de description des objets

culturels intégrant une photographie, a été créée sur l’initiative du J. Paul Getty Trust en 1993 et a été lancée en 1997 79. Son utilisation est encouragée par de

76 Le modèle de certificat et les notices explicatives sont disponibles à l’adresse suivante : http://www.unesco.org/culture/laws/illicit. 77 Mesures juridiques et pratiques contre le trafic illicite des biens culturels, Manuel de l’UNESCO, Section des normes internationales, Division du patrimoine culturel, 2006. 78 V. http://www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/heritage/Herein/thesaurus_fr.asp. 79 Le document http://archives.icom.museum/object-id/final/index.html présente le développement et la création de la norme.

Page 76: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

66

nombreux organismes supranationaux et nationaux. Sa gestion, initialement assurée par le Getty, a été ensuite été confiée au Council for the Prevention of Art Theft (CoPAT). En octobre 2004, le Conseil international des musées (ICOM) a signé un accord avec le J. Paul Getty Trust pour promouvoir, partout dans le monde et de façon non exclusive, la norme Object ID du Getty.

3.2.1. Présentation de la norme Object ID est une norme descriptive. Elle met en avant la nécessité d’initier

toute description de biens culturels par sa documentation avec une photographie de bonne qualité, puis d’informer le plus précisément possible les catégories suivantes :

- Type d’objet ; - Matières et techniques ; - Mesures ; - Inscriptions et marques ; - Signes particuliers ; - Titre ; - Sujet ; - Date ou époque ; - Fabricant. La norme recommande de rédiger enfin une courte description de l’objet

puis de conserver ces données en un lieu sûr. Il s’agit donc d’un accompagnement à la documentation d’un bien culturel,

à destination de tous. Son utilisation n’est en effet aucunement limitée à un seul groupe cible et elle peut être facilement adoptée par un particulier collectionneur ou propriétaire d’une demeure historique meublée d’époque, par un musée ou par une organisation cultuelle.

3.2.2. Réalité de son intégration aux inventaires nationaux Parmi les multiples interlocuteurs rencontrés et interrogés durant la période

de l’étude, peu d’entre eux ont déclaré avoir recouru à la norme Object ID pour l’établissement d’un standard d’inventaires. Un certain nombre d’États ou d’institutions se sont cependant inspirés de cette norme et l’ont adaptée. C’est le cas pour les musées (notamment en Bulgarie, en Pologne et en Finlande pour la majorité des collections), certains États les utilisent à destination des particuliers (Pologne).

En République tchèque, les paramètres d’Object ID figurent en tant que paramètres minimaux, dans tous les logiciels de bases de données servant à la tenue de registres. L’attribution de subventions financières par le ministère de la Culture est conditionnée par l’adoption des règles de base de la

Page 77: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

67

numérisation, parmi lesquelles figure le degré d’exigence minimale de description des objets (base minimum est le RLG Reach element set). En Roumanie, la norme Object ID a été prise en considération dans la mise en place de la plate-forme PHARE SMI BC. Au Royaume-Uni, elle est utilisée largement, notamment par la Metropolitan Police Arts and Antiques Unit. En Belgique, le formulaire national a été établi sur la base de la norme Object ID. À Chypre, toutes les catégories de la norme Object ID sont inclues dans les inventaires du Département des antiquités. La norme est promue dans le cadre des programmes de numérisation des inventaires de musées. Depuis 2009 cette norme est également promue dans les musées privés. En Grèce, la norme est utilisée par le ministère de la Culture et du Tourisme dans les cas d’exportation illicite ou de vol, comme moyen rapide de transmission de l’information. Aux Pays-Bas, la norme constitue la base de la plupart des schémas d’inventorisation et est mise en œuvre dans le programme « Delta plan for Cultural Heritage Preservation (1990-2000) », l’Estonie a également adopté cette norme. En Norvège, la norme Object ID a été traduite en norvégien. Le système utilisé par les musées (programme Primus) correspond aux exigences minimales d’Object ID. La seule défaillance est l’absence de mention de « marques » sur les inventaires norvégiens. Les employés des églises et les associations concernées ont aussi adopté le standard Object ID.

En revanche, certains pays n’utilisent pas cette norme. C’est le cas de la Suède qui l’estime peu adaptée aux besoins. Bien que l’Italie ait contribué à la réflexion entourant la création du standard Object ID, le pays utilise un document standard propre. Il est disponible en téléchargement sur le site des Carabinieri. La description des biens volés qui figurent dans la base de données des Carabinieri est compatible avec le standard Object ID et donc la base de données INTERPOL.

Sans pour autant s’être calés sur la norme Object ID, un grand nombre d’États disposent de normes d’inventaire, dans les collections publiques ou dans les inventaires de « trésors nationaux », qui recoupent celle développée par le Getty Information Institute (en Allemagne, en France).

Au niveau des organisations internationales, INTERPOL a intégré la norme Object ID à sa base de données des biens culturels volés.

L’ICOM, en charge de la gestion de la norme, ne fait plus figurer les informations relatives à la norme Object ID directement sur son nouveau site internet 80, mais fait renvoi aux anciennes pages de son site 81. Toutefois, l’ICOM poursuit sa mission de promotion de la norme, en organisant en

80 V. http://icom.museum/que-faisons-nous/programmes/lutte-contre-le-trafic-illicite/object-id/L/2.html. 81 V. http://archives.icom.museum/object-id/index_fr.html.

Page 78: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

68

collaboration avec l’UNESCO et INTERPOL, des ateliers de renforcement des capacités afin de former les délégués gouvernementaux et les agents de police et des douanes à l’utilisation de la norme Object ID.

Enfin, dans le cadre de la refonte de la base de données Herein et la préparation de la base Herein 3, de nouvelles données particulièrement précises sur les réalités des inventaires dans les États pourront être connues 82.

3.3. Fiches minimales d’inventaire ou d’indexation développées et diffusées par le Conseil de l’Europe

Le Conseil de l’Europe a adopté le 11 janvier 1995 la recommandation n° R (95) 3 relative à la coordination des méthodes et des systèmes de documentation en matière de monuments historiques et d’édifices du patrimoine architectural 83. La recommandation « reconnaît la nécessité de prendre des mesures propres à assurer la coordination des méthode et des systèmes de documentation susceptibles de favoriser la communication et l’échange d’informations entre les pays européens ». Par cette démarche, le Conseil de l’Europe soutient et encourage une démarche de standardisation des fiches d’identification des biens culturels immeubles.

C’est donc davantage sous l’angle de la volonté de renforcement et de facilitation de la coopération que ces normes doivent être abordées. En cela, elles se rapprochent effectivement de la démarche lancée par le Getty.

Les fiches minimales exigent la documentation de quatre rubriques : nom de l’édifice et référence, localisation, fonction et catégorie architecturale, datation. Cinq rubriques sont facultatives : personnes et organismes associés à l’histoire de l’édifice, matériaux et techniques de construction, état de conservation, protection/statut juridique, notes.

Les exigences mentionnées à la recommandation R (95) 3 pour les quatre premières rubriques permettent de disposer d’une information complète et structurée des sites architecturaux. Bien que concernant des biens immeubles, ces fiches pourraient renforcer l’identification de biens devenus meubles à la suite de déprédations d’un immeuble par soustraction d’éléments architecturaux ou de décors, par exemple.

82 V. http://www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/heritage/Herein/Herein3DatabaseQuestions2011_fr.pdf. 83 V. https://wcd.coe.int/wcd/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetImage=535483&SecMode=1&DocId=517840&Usage=2.

Page 79: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

69

3.4. Les initiatives nationales d’accompagnement à l’inventorisation Outre les initiatives internationales et européennes d’encouragement à

l’harmonisation des standards et de développement de standards d’inventorisation, quelques États ont mis en place des outils à destination des détenteurs de biens culturels.

Plusieurs exemples peuvent être cités. La Pologne a ainsi mis en ligne un site sur lequel figurent d’une part des fichiers librement téléchargeables servant de fiche modèle à l’inventorisation d’objets de collection et, d’autre part des documents informatifs qui accompagnent le collectionneur dans le remplissage des fiches 84. Bien qu’initialement destiné au particulier, le projet « Bezpieczne zbiory – bezpieczne kolekcje » peut accompagner la pratique de musées privés. Le stockage des données saisies appartient au propriétaire de l’objet, ce qui résout toute difficulté liée à la protection des données personnelles. Des recommandations sur la conservation optimale de ces fichiers sont également disponibles sur le site.

Une démarche similaire a été développée par la Lettonie. Le projet « Kultùras objektu apraksta veidošana » 85 propose un site trilingue, en letton, anglais et russe. Des documents au contenu exhaustif fournissent des informations pertinentes sur la manière de décrire les différents types d’objets, la meilleure manière de les photographier… Dans ce cas également, l’enregistrement des données à partir des fiches modèles mises à disposition sur le site est effectué par le particulier lui-même.

La France a également développé une initiative semblable. Sur le site « Circulation des biens culturels » 86, prennent place des informations pertinentes en matière de circulation des biens culturels mais aussi des recommandations sur la prise de photographies d’objets de valeur 87. Le site donne par ailleurs accès au Guide d’information à l’usage des propriétaires publics et privés – Sécurité des biens culturels, de la prévention du vol à la restitution de l’objet volé 88. Le recours à l’inventorisation fait partie des mesures recommandées pour prévenir le vol (p. 16 du guide).

84 Accessible sur http://www.bezpiecznezbiory.pl/. 85 Accessible sur http://ic.iem.gov.lv/ko/index.php. 86 Accessible sur http://www.circulation-biens.culture.gouv.fr/. 87 Accessible sur http://www.circulation-biens.culture.gouv.fr/pdf2/Photographier.pdf . 88 Accessible sur http://www.culture.gouv.fr/culture/securite-biensculturels/appli.htm.

Page 80: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

70

* * *

4. EXPOSE DES QUESTIONS DE DROIT INTERNATIONAL PRIVE Vers une nouvelle règle de droit international privé en matière de restitution

ou retour de biens culturels ? La territorialité, autrement dit l’application du principe aujourd’hui très

répandu en droit international privé comparé de la lex rei sitae, a souvent pour effet de rendre inefficaces les règles d’un État protégeant ses biens culturels, notamment celles qui les déclarent inaliénables, car en cas d’acquisition par un acquéreur de bonne foi selon le droit du nouveau lieu de situation, celle-ci sera reconnue. L’on trouve des exemples allant dans ce sens en jurisprudence, par exemple française 89, anglaise 90 et suisse 91.

Il existe cependant aujourd’hui un certain nombre de cas dans lesquels la territorialité des lois n’empêchera pas la protection d’un bien culturel et son inaliénabilité 92. L’exemple topique est celui de la Convention d’UNIDROIT de 1995 sur les biens culturels volés ou illicitement exportés (4.1), mais des accords bilatéraux permettent aussi de donner effet à l’inaliénabilité d’un bien culturel fondée sur le droit de l’État d’origine du bien (4.2). D’ailleurs des mécanismes d’exception, tirés des règles générales du droit international privé, peuvent également être appelés à jouer un rôle (4.3). Nous verrons enfin qu’à notre avis, nous sommes arrivés à un moment où le paradigme doit probablement être changé et que la lex originis, loi du lieu d’origine du bien culturel, doit être appelée à jouer un rôle plus important (4.4).

4.1. Conventions internationales multilatérales La Convention de l’UNESCO de 1970 encourage certes les États à « faciliter

la récupération par l’État intéressé de tels biens [inaliénables] au cas où ils auraient été exportés » (art. 13 d in fine). Cette disposition n’a guère eu d’impact à ce jour et est rarement invoquée.

La Convention d’UNIDROIT de 1995 sur les biens culturels volés ou illicitement exportés 93 a, quant à elle, eu un double impact sur le plan de

89 Voir l’exemple déjà ancien de l’affaire Duc de Frias c. Baron Pichon, Tribunal civil de la Seine, 17 avril 1885, J. Clunet, 1886, p. 593. 90 Winkworth v. Christie’s, Chancery Division, [1979] 1 All ER 1121. 91 Voir l’affaire dite des Pièces d’or anciennes, Arrêt du Tribunal fédéral du 8 avril 2005, ATF 131 III 418, JdT 2006 I 63. 92 Voir la très importante décision anglaise Government of the Islamic Republic of Iran v. The Barakat Galleries Ltd, Court of Appeal, [2007] EWCA Civ 1374. 93 http://www.unidroit.org/french/conventions/1995culturalproperty/main.htm.

Page 81: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

71

l’inaliénabilité des trésors nationaux, notamment archéologiques, pour les États qui l’ont ratifiée.

Tout d’abord la Convention assimile en principe le produit de fouilles clandestines à un objet volé, « si cela est compatible avec le droit de l’État où lesdites fouilles ont eu lieu » (art. 3 al. 2 de la Convention d’UNIDROIT). Le résultat en est donc que, pour les 32 États ayant ratifié la Convention à ce jour, le produit d’une fouille illicite est assimilé à un objet volé et ne peut donc être acquis, même de bonne foi. Cela résulte de l’application des autres règles de la Convention, en particulier de son article 3 al. 1er selon lequel « le possesseur d’un bien culturel volé doit le restituer », qu’il soit de bonne foi ou non.

À supposer que l’État ne considère pas être propriétaire du produit de fouilles, possibilité précisément réservée par l’art. 3 al. 2 in fine de la Convention, il pourra toujours, en cas d’exportation illicite, demander le retour fondé sur les dispositions spécifiques de la Convention en matière de biens culturels illicitement exportés (art. 5 à 7 de la Convention). Dans un tel cas, le retour ne sera pas automatique et l’État d’origine du bien devra prouver que la conservation matérielle du bien, son contexte ou encore l’information relative à ce bien risquent de subir une atteinte significative. Il pourra également établir que le bien a pour lui une importance significative particulière (art. 5 de la Convention d’UNIDROIT). Le tribunal saisi, s’il admet la requête, pourra prendre en considération le droit public de l’État d’origine du bien archéologique et, le cas échéant, appliquer la règle d’inaliénabilité et d’interdiction d’exportation.

4.2. Conventions internationales bilatérales Ce ne sont pas uniquement les conventions multilatérales, telle celle

d’UNIDROIT, qui permettent l’application ou la prise en considération des règles de l’État d’origine du bien archéologique. Les accords bilatéraux le permettent également dans un certain nombre de cas.

Ainsi l’accord bilatéral conclu entre la Suisse et l’Italie le 20 octobre 2006, entré en vigueur le 27 avril 2008 94, soumet-il à un contrôle à l’importation de très nombreuses catégories de biens culturels, essentiellement des antiquités. En cas d’importation illicite dans l’un des deux États, l’autre pourra en demander le retour et obtenir ainsi l’application de ses règles sur l’inaliénabilité et l’interdiction de l’exportation de biens provenant de son sous-sol.

Pour pouvoir faire l’objet d’une action en retour, l’État cocontractant doit être en mesure de démontrer que le bien en question fait partie de l’annexe et qu’il est protégé par une législation nationale sur la protection du patrimoine

94 RS 0.444.145.21.

Page 82: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

72

(art. 7 LTBC 95). Grâce aux accords bilatéraux, la législation nationale réglementant l’exportation de biens culturels est prise en considération et appliquée par l’État cocontractant. Aussi, les accords bilatéraux pallient-ils le problème de la non-reconnaissance du droit public étranger.

4.3. Mécanismes d’exception en droit international privé Il existe encore d’autres moyens de permettre la prise en considération des

règles sur l’inaliénabilité et l’interdiction d’exportation du produit de fouilles, cette fois issues du droit international privé codifié. L’on en citera deux ici, basées sur des règles de la Loi suisse de droit international privé (LDIP), mais l’on trouve des mécanismes similaires dans d’autres textes.

4.3.1. Clause d’exception (liens plus étroits) À teneur de l’article 15 de la LDIP, intitulé « clause d’exception », on peut

appliquer un droit autre que le droit normalement applicable si « au regard de l’ensemble des circonstances, il est manifeste que la cause n’a qu’un lien très lâche avec ce droit et qu’elle se trouve dans une relation beaucoup plus étroite avec un autre droit » 96.

Le juge de l’arrêt anglais Winkworth s’est posé la question de l’application à titre exceptionnel de la loi anglaise du lieu du vol en lieu et place de la loi italienne du lieu de situation des biens au moment de leur acquisition, mais il a en fin de compte répondu par la négative : la loi italienne avait vraiment plus vocation à s’appliquer que la loi anglaise.

4.3.2. Rattachement spécial des dispositions impératives étrangères Les juges ont développée des mécanismes permettant de tenir compte du

droit impératif étranger dans des circonstances particulières. Ainsi le Tribunal fédéral allemand a-t-il jugé qu’un contrat d’assurance soumis au droit allemand était nul parce qu’il concernait des statuettes nigérianes exportées illicitement du Nigéria 97.

Le droit international privé national voir unifié permet aussi ce genre de mécanisme. En Suisse, la LDIP consacre ce mécanisme à son article 19 al. 1er : « Lorsque des intérêts légitimes et manifestement prépondérants au regard de la conception suisse du droit l’exigent, une disposition impérative d’un droit autre que celui désigné par la présente loi peut être prise en considération, si la situation visée présente un lien étroit avec ce droit 98 ». Cette disposition n’a jamais mené à la prise en considération des

95 Loi fédérale sur le transfert international de biens culturels du 20 juin 2003 (LTBC ; RS 444.1). 96 Loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP,RS 291). 97 BGHZ 59 p. 82 (1972). 98 L’al. 2 de l’art. 19 LDIP soumet encore cette prise en considération à d’autres conditions : « Pour juger si une telle Pour juger si une telle disposition doit être prise en considération, on

Page 83: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

73

règles consacrant l’inaliénabilité de biens culturels étrangers. Au contraire, l’arrêt sur les pièces d’or anciennes a examiné l’applicabilité de la loi indienne sous l’angle de cette disposition, mais il est arrivé à la conclusion que les conditions restrictives de l’exception de l’art. 19 LDIP n’étaient en l’espèce pas réalisées.

En droit conventionnel, la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable en matière d’obligation contractuelle 99 prévoit à son article 7 une exception similaire. Elle n’a cependant à notre connaissance pas fait l’objet de cas d’application en matière de biens culturels.

4.4. Vers un changement de paradigme : rôle croissant de la lex originis

Une analyse attentive de certains textes nationaux et internationaux, ainsi que de la pratique actuelle peut indiquer que l’on en est peut-être arrivé à un changement de paradigme en la matière et que l’on s’achemine vers une application plus régulière de la loi de l’État d’origine en lieu et place ou en coordination avec la loi du lieu de situation actuelle du bien

Plusieurs textes sont intéressants dans ce contexte : une résolution déjà ancienne de l’Institut de droit international dans sa session de Bâle de 1991(4.4.1) et le Code belge de droit international privé de 2004 (4.4.2).

4.4.1. La résolution de l’Institut de droit international (Bâle, 1991) Dans un texte précurseur, l’Institut de droit international s’est penché sur la

loi applicable à la vente internationale d’objets d’art. Ce texte important, datant de 1991, prévoit à son article 2 que «le transfert de la propriété des objets d’art appartenant au patrimoine culturel du pays d’origine du bien est soumis à la loi de ce pays 100».

Ce texte est le résultat d’un intéressant débat qui a eu lieu sous l’égide du prestigieux Institut 101.

L’on peut d’ailleurs le rapprocher dans une certaine mesure de la Convention d’UNIDROIT qui, pour ce qui concerne le retour des biens culturels illicitement exportés, prévoit une prise en considération de la loi de l’État d’origine (voir les articles 1 lit b et 5 de la Convention d’UNIDROIT).

tiendra compte du but qu’elle vise et des conséquences qu’aurait son application pour arriver à une décision adéquate au regard de la conception suisse du droit ». 99 JO L 266 du 9.10.1980 100 Annuaire de l’Institut de droit international, Session de Bâle, 1992, Vol. 64-II p. 402 ss. 101 Annuaire de l’Institut de droit international, Session de Bâle, 1992, Vol. 64-I pp. 278 ss et 64-II pp. 90 ss. (rapporteur : A. Ferrer-Correia).

Page 84: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

74

4.4.2. Le code belge de droit international privé (2004) Plus récemment un législateur national, le législateur belge, s’est intéressé de

près à cette question. En effet, le code belge de droit international privé contient la règle suivante, à son article 90 :

« Lorsqu’un bien qu’un État inclut dans son patrimoine culturel a quitté le territoire de cet État de manière illicite au regard du droit de cet État au moment de son exportation, sa revendication par cet État est régie par le droit dudit État en vigueur à ce moment ou, au choix de celui-ci, par le droit de l’État sur le territoire duquel le bien est situé au moment de sa revendication.

Toutefois, si le droit de l’État qui inclut le bien dans son patrimoine culturel ignore toute protection du possesseur de bonne foi, celui-ci peut invoquer la protection que lui assure le droit de l’État sur le territoire duquel le bien est situé au moment de sa revendication. »

Cette disposition nous semble offrir un compromis très intéressant et original entre la lex originis (applicable à l’étranger si l’État d’origine le souhaite) et la protection de l’acquéreur de bonne foi qui peut invoquer, le cas échéant, la loi du lieu de situation actuelle. Il est toutefois un peu tôt pour évaluer l’impact de cette disposition en pratique.

Nous voyons donc qu’une évolution est en train d’avoir lieu. Si le principe de l’application de la lex rei sitae semble toujours bien ancré, il semble que les hypothèses dans lesquelles l’inaliénabilité des biens culturels prime selon la lex originis sont de plus en plus fréquentes 102. Le temps est peut-être venu où l’injonction contenue à l’art. 13 lit. d de la Convention de l’UNESCO de 1970 (reconnaissance à l’étranger des règles sur l’inaliénabilité de certains biens culturels) n’est plus à considérer comme lettre morte et ce par le biais d’une reconnaissance plus marquée du rôle de la lex originis.

102 En jurisprudence, l’on se référera, outre à l’arrêt allemand cité supra à la note 97, à la célèbre décision anglaise Barakat (note 92).

Page 85: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

75

* * *

5. EXPOSE DES DROITS INTERNES

5.1. Moyens de prévention

5.1.1. Identification des biens et trésors nationaux

5.1.1.1. Composer avec une pluralité de notions juridiques En ce qui concerne l’identification des biens culturels, on observe la plus

grande diversité non seulement dans les dénominations légales mais aussi dans les approches catégorielles et notionnelles, ainsi que dans les méthodes de définition.

Plusieurs États ont adopté une définition légale du bien culturel (c’est le cas de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Croatie, de l’Espagne, de l’Estonie, de la France, de Chypre, de la Grèce, de la Hongrie, de l’Italie, de la Lituanie, de Luxembourg, des Pays-Bas, de la Roumanie, du Royaume-Uni, de la Slovaquie, de la Suède et de la Suisse). Pour d’autres États, la notion pertinente peut être différente. Sans pour autant qu’existe une définition précise ou spécifique du bien culturel (le cas de la Suède, de la Finlande, du Danemark). Ces systèmes soit renvoient à des catégories apparentées dans leurs lois de protection (objets archéologiques, monuments historiques, etc.), soit retiennent des seuils de valeur susceptibles de déclencher la protection (v. infra), soit définissent les biens relativement à l’intérêt culturel qu’ils recèlent (scientifique, artistique, historique, etc.).

Les critères de la définition des biens ne sont pas non plus uniformes. Si le critère d’intérêt d’art et d’histoire semble communément partagé, il se décline différemment ici où là. En complément, d’autres critères plus objectifs sont parfois mobilisés (en particulier par la technique des seuils financiers et de valeur). En réalité, on peut identifier plusieurs classes de biens dont le niveau de protection peut varier en fonction de l’importance que leur accordent les États. Par ailleurs, les États peuvent parfois prévoir des dispositifs spécifiques à certaines catégories de patrimoine, par exemple celles qui seront plus exposées au risque de dispersion (patrimoine subaquatique, objets de fouille archéologique, patrimoine religieux).

Enfin, les méthodes varient selon les traditions culturelles et juridiques. Les États travaillent sur des systèmes d’énumération de catégories d’objets ou de biens culturels (méthode fréquente dans les systèmes de Common law), tandis que d’autres font référence à des notions synthétiques, à contenu variable, par exemple reliées à des notions-cadre comme l’intérêt d’art et d’histoire. Les deux méthodes coexistent parfois dans un même système.

Page 86: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

76

Ces spécificités ne sont guère réductibles, même si on peut constater que le droit international ou le droit communautaire ont favorisé certains rapprochements, par le canal de conventions qui délimitent leur champ matériel en retenant une définition du bien culturel (la Convention UNESCO de 1970 ou encore la Convention d’UNIDROIT notamment).

Par commodité de langage, nous utiliserons ce terme de bien culturel au sens large comme désignant l’ensemble des biens d’intérêt culturel qui font l’objet de réglementations quant à leur régime de circulation juridique et matériel, sachant que, dans cet ensemble, peuvent être identifiés des biens de plus ou moins grande importance.

5.1.1.2. Mettre en place les notions : biens culturels les plus importants et autres biens culturels

L’ensemble des textes qui concourent à la prévention et à la lutte contre le trafic illicite ne retient pas une définition uniforme de la notion de bien culturel, dans la mesure où selon la finalité du texte, la notion sera entendue plus ou moins largement. On peut distinguer trois cercles de biens culturels identifiables dans le déploiement des différents outils.

D’une part, les biens les plus importants considérés comme faisant partie des patrimoines des États et comme tels soumis à des protections et garanties de nature à assurer leur maintien sur le territoire. Ce sont notamment les trésors nationaux et autres biens culturels précieux. Au sein de cette catégorie relevant du patrimoine national, plusieurs notions peuvent coexister, avec dans certains cas, une gradation dans l’intérêt public attaché à la protection de ces biens culturels.

D’autre part, un certain nombre d’outils ont un champ d’application plus large qui ne concerne pas les seuls biens culturels de valeur éminente mais couvre une enveloppe plus large de biens culturels. C’est notamment le cas des règles de contrôle de la circulation des biens culturels. Ces règles profitent aux biens protégés, mais ne peuvent être réduites aux seuls biens culturels déjà consacrés comme faisant partie du patrimoine national.

Par exemple, le contrôle exercé sur la circulation des biens culturels est à visée plus large car il faut éviter que ne sortent de façon définitive des trésors nationaux ou biens culturels importants non encore identifiés comme tels. D’où l’intérêt d’exercer un contrôle sur ce deuxième périmètre de biens. C’est en effet à la faveur des demandes d’exportation que peuvent se révéler des objets de grande importance qui appellent alors une protection.

Enfin, dans le contrôle exercé sur les transactions d’œuvres d’art, l’optique est différente, embrassant plus largement encore toutes sortes de biens culturels. On peut penser que tant les règles qui encadrent les transactions d’œuvres d’art (plus spécialement la vente en ligne, marché générateur de trafic

Page 87: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

77

illicite), ou de biens culturels que le droit pénal doivent sanctionner très largement le trafic illicite des biens culturels, y compris lorsque les biens considérés sont entre des mains privées et qu’ils ne bénéficient pas nécessairement de protections patrimoniales.

Il faut donc mettre en place ces trois perspectives présentes dans un certain nombre de législations européennes pour comprendre l’économie des systèmes de protection.

a) Les biens culturels les plus importants Parmi les biens importants, on peut distinguer deux catégories soumises à

des régimes distincts. Les biens les plus importants sont ceux qui sont identifiés comme faisant partie des patrimoines des États et reçoivent en général des protections qui assurent leur maintien sur le territoire. Ces biens sont le plus souvent soit interdits d’exportation, soit soumis à un contrôle d’autorisation d’exportation très strict.

C’est à cette catégorie de biens que fait référence la directive de 1993 lorsqu’elle organise un droit de retour sur le territoire de l’État d’origine d’un trésor national. Cette notion de trésor national au sens de la directive ne joue cependant que pour son application. La directive laisse en effet intact le droit des États de définir les biens qui relèvent de leur patrimoine national, et, parmi eux les biens les plus précieux.

Dans cet exercice de délimitation, les méthodes sont à nouveau d’une grande variété. Certains États ont pu s’inspirer du droit communautaire et introduire dans leur droit interne la notion de trésor national.

C’est le cas du droit français ou du droit belge. Rapprochée de la définition développée par la directive n° 93/7/CEE relative à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre, on voit cependant que la notion en droit français est plus large dans la mesure où aucun seuil financier ou de datation ne vient en réduire le périmètre (art. L. 111-1 du Code du patrimoine), là où, à l’exclusion des biens culturels figurant sur les inventaires des collections publiques et inventaires ecclésiastiques, la directive restreint les trésors nationaux susceptibles de faire l’objet d’une demande de restitution aux biens qui sont considérés par les États comme trésors nationaux et, condition cumulative, qui figurent en annexe, laquelle affecte les catégories de biens visés de seuils financiers et de datation.

Quant au droit belge, l’article 4 du décret relatif aux biens culturels et au patrimoine immatériel de la communauté française du 11 juillet 2002 prévoit que les trésors nationaux doivent présenter un intérêt remarquable pour la Communauté française en raison de leur valeur historique, archéologique, ethnologique ou scientifique.

Page 88: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

78

En République tchèque, les trésors nationaux sont les monuments culturels et nationaux, les collections des musées, les collections privées, les archives, les objets qui ont une valeur culturelle reconnus par une décision administrative.

La notion de trésor national est également présente dans le droit hongrois et encore en droit lituanien (la Lituanie a un registre de trésors nationaux 103).

Dans la méthode de délimitation des biens les plus importants, il semble cependant que peu d’États se soient inspirés du droit communautaire. On observe une grande réticence des États membres ne serait-ce qu’à intégrer en droit interne la notion ou même le terme de trésor national, phénomène perceptible dans les différentes versions linguistiques du traité. Là où certains États traduisent littéralement le terme (droit anglais notamment), d’autres utilisent leurs propres catégories. Ainsi le trésor national en espagnol est traduit par patrimonio historico, en italien patrimonio historico, en allemand nationales Kulturgut. Cette résistance trouve plusieurs explications. D’une part, la notion de trésor national semble avant tout désigner un cercle restreint des biens jugés les plus précieux et cette vision restrictive n’est pas en accord avec l’approche d’États qui développent des politiques de protection du patrimoine culturel plus exigeantes. D’autre part, la définition des biens culturels relève de la souveraineté des États qui voient avec méfiance l’introduction d’une notion communautaire du patrimoine culturel, compte tenu des compétences des États en la matière.

Partant de ce constat, dans les États qui ne renvoient pas à la notion de trésor national, les dénominations sont diverses concernant les biens qui pourraient être assimilés aux trésors nationaux de ces États : bien culturel ayant le statut de bien national (Bulgarie, art. 54 de la loi du 13 mars 2009), monuments (au sens de la loi grecque n° 3028/2002 comprenant parmi les monuments meubles des monuments automatiquement protégés, au regard de critères de datation et des monuments classés en vertu d’un acte administratif), objets classés (Luxembourg, art. 26 al.2 loi du 18/07/1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux), monuments culturels comme tels soumis à la protection de l’État (Estonie, art. 2, Heritage Conservation Act, 27/02/2002, Lettonie, Law on Protection of cultural Monuments, 1992, Lituanie, Law on Protection of Movable Cultural Property, 23 janvier 1996, les monuments culturels étant considérés comme trésors du patrimoine national), monuments anciens, antiquités au sens de l’article 2§1 de la loi sur les antiquités (chap. 31, 1959) dans le droit chypriote, patrimoine culturel ou propriété culturelle à Malte (art. 2, Cultural Heritage Act, 2002, Chap. 445 of the Laws of Malta). On peut aussi penser que la notion d’Héritage culturel telle que développée par le Parlement slovaque dans la Déclaration 91/201 renvoie du moins pour une bonne part à des trésors

103 http://kvr.kpd.lt/heritage.

Page 89: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

79

nationaux (collections historiques, collections des musées et galeries, œuvres d’art, d’artisanat et folkloriques) 104.

Les biens culturels de grande importance, sans toujours être définis, peuvent également être identifiés en ce qu’ils sont contenus dans des listes ou inventaires (v. ci-dessous les techniques d’inventaires). C’est le cas notamment en Allemagne de la liste des biens culturels ou des archives de valeur nationale (Verzeichnis national wertwolen Kulturgutes, Verzeichnis national wertwolen Archive) ou encore en Hongrie, la liste des biens inscrits sur la liste du National Office of Cultural Heritage. Leur importance peut encore se déduire du fait qu’ils sont intégrés dans les collections publiques (au Portugal, les biens appartenant aux musées au sens de la loi de 2001 sur le patrimoine culturel national sont considérés comme des trésors nationaux ; c’est une solution analogue qu’adopte la Lettonie pour les collections nationales des musées considérées comme trésors nationaux, Law on Museums, 2005), ou plus généralement appartiennent à des personnes publiques (sur la question de la propriété culturelle publique v. infra) ou encore sont identifiés comme très importants par la protection qu’ils reçoivent et qui, par exemple, peut les rendre indisponibles. Le droit italien distingue de ce point de vue trois classes de biens. Pour deux d’entre elles, une procédure de vérification (pour certains biens culturels publics, art. 12 CBCP) ou de déclaration d’intérêt culturel (pour les biens culturels privés, art. 13 CBCP) est nécessaire là où une autre catégorie comprenant des biens de propriété publique est considérée comme ayant un intérêt culturel ex se. Il s’agit des collections de musées, des pinacothèques, des fonds de bibliothèques ou des archives (art. 10, al.2 CBCP).

Pour ce qui concerne la Communauté flamande, sans recourir à la notion de trésor national et ce contrairement aux lois applicables dans la communauté française, les textes renvoient à l’idée d’exceptionnalité du patrimoine culturel pour désigner les biens les plus importants (décret portant protection du patrimoine culturel mobilier présentant un intérêt exceptionnel du 24 janvier 2003), biens que l’on peut sans doute assimiler aux trésors nationaux. Ces biens sont inscrits sur une liste. Cette même idée d’exceptionnalité est présente dans la loi roumaine qui, dans le thésaurus du patrimoine culturel national, composé de biens de valeur exceptionnelle pour l’humanité compte notamment les collections publiques présentes dans les inventaires des musées, archives et bibliothèques, les collections de cultes religieux et institutions ecclésiastiques, les biens appartenant à l’État, aux administrations territoriales ou aux institutions publiques (art. 4.§1, loi 182 du 25 octobre

104 Cité dans « Le trafic de biens culturels dans les États membres de l’Union européenne et en Suisse », questions complémentaires, SAEI-Bureau de droit comparé, Ministère de la Justice (France), 2008.

Page 90: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

80

2000). À côté de ces biens, sont inscrits au fonds du patrimoine les biens de valeur significative pour la Roumanie.

En règle générale, ces trésors nationaux ou éléments du patrimoine culturel sont soumis à des législations de protection qui les rendent en grande partie indisponibles, en prise à des servitudes de protection du patrimoine culturel, pour la plupart, interdits de sortie hors du territoire. La notion peut aussi être utilisée par le droit pénal. Le droit français a prévu que le vol de biens culturels tels qu’objets classés au titre des monuments historiques, objets de collection, archives classées (ce sont des trésors nationaux) constituait une circonstance aggravante. De la même façon, le droit pénal polonais contient une notion de « bien présentant une importance considérable pour la culture » 105. • Les biens importants qui justifient un contrôle de circulation Cette deuxième catégorie de biens culturels est plus largement entendue. À

nouveau les sources d’inspiration diffèrent. Un premier groupe d’États suit la méthode du droit communautaire dans

l’institution du contrôle à l’exportation ou à l’expédition en soumettant à autorisation des catégories de biens culturels contenus dans une liste. Les États adoptent cependant des solutions variables. Certains reprennent les systèmes de seuils de valeur et ou de datation affectant les différentes catégories de biens. C’est le cas de la législation française qui a adopté le système de l’annexe jointe au Règlement européen sur l’exportation des biens culturels de 1992, codifié en 2008 par le Règlement (CE) n° 116/2009 du 16 décembre 2008 et encore du droit anglais. La Finlande a également adopté la même définition des biens culturels que le Règlement communautaire. D’autres, tout en reprenant en partie le principe d’une énumération détaillée, se démarquent du droit communautaire. En droit estonien, la loi sur la circulation intra-communautaire de biens culturels définit l’objet culturel sur le même mode que le Règlement (CE) n° 116/2009 du Conseil en donnant cependant une liste de types d’objets adaptée à l’histoire estonienne et à sa situation actuelle. Par ailleurs, la loi ne renvoie pas à des critères économiques, s’appuyant sur les seuls critères de valeur « historique, archéologique, ethnographique, artistique, scientifique ou autre valeur culturelle » (art. 2, Intra community Transport, Export and Import of cultural objects).

On observe que contrairement à la Convention de 1970, le Règlement ne fait aucune référence particulière au degré d’importance du bien, réservant simplement la faculté pour les États d’interdire la sortie de leurs trésors nationaux.

105 Art. 294§2 et 295 du Code pénal, cité dans « Le trafic de biens culturels dans les États membres de l’Union européenne et en Suisse », questions complémentaires, SAEI-Bureau de droit comparé, Ministère de la Justice (France), 2008.

Page 91: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

81

Un deuxième groupe s’inspire du droit international et notamment de la définition de l’article 1 de la Convention de 1970. Aux fins de la Convention de 1970, « sont considérés comme biens culturels les biens qui, à titre religieux ou profane, sont désignés par chaque État comme étant d’importance pour l’archéologie, la préhistoire, l’histoire, la littérature, l’art ou la science, et qui appartiennent aux catégories ci-après: ». Cette définition synthétique est suivie d’une énumération recensant onze catégories d’objets (ou quatorze si l’on détaille la catégorie des biens d’intérêt artistique) 106.

En dépit de la référence au critère de l’importance dans la définition des biens culturels, un certain nombre d’auteurs estiment qu’il convient de retenir une acception large de la notion, qui en réalité variera en fonction de l’interprétation qu’en retiendront les États 107.

Inscrite dans le sillage de la Convention de 1970, la Convention d’UNIDROIT reprend la même méthode 108, cependant que le critère d’importance s’exprime dans des termes différents. Alors que la Convention de 1970 renvoie à la désignation des biens d’importance par les États, la Convention d’UNIDROIT évoque les biens qui revêtent une importance, dans une approche plus objective.

106 « a. collections et spécimens rares de zoologie, de botanique, de minéralogie et d’anatomie ; objets présentant un intérêt paléontologique ; b. Les biens concernant l’histoire, y compris l’histoire des sciences et des techniques, l’histoire militaire et sociale ainsi que la vie des dirigeants, penseurs, savants et artistes nationaux, et les événements d’importance nationale ; c. Le produit des fouilles archéologiques (régulières et clandestines) et des découvertes archéologiques ; d. Les éléments provenant du démembrement de monuments artistiques ou historiques et des sites archéologiques ; e. Objets d’antiquité ayant plus de cent ans d’âge, tels qu’inscriptions, monnaies et sceaux gravés ; f. Le matériel ethnologique ; g. Les biens d’intérêt artistique tels que (i) Tableaux, peintures et dessins faits entièrement à la main sur tout support et en toutes matières (à l’exclusion des dessins industriels et des articles manufacturés à la main) ; (ii) Productions originales de l’art statuaire et de la sculpture, en toutes matières ; (iii) Gravures, estampes et lithographies originales ; (iv) Assemblages et montages artistiques originaux, en toutes matières ; h. Manuscrits rares et incunables, livres, documents et publications anciens d’intérêt spécial (historique, artistique, scientifique, littéraire, etc.) isolés ou en collections ; Timbres-poste, timbres fiscaux et analogues, isolés ou en collections ; j. Archives, y compris les archives phonographiques, photographiques et cinématographiques ; k. Objets d’ameublement ayant plus de cent ans d’âge et instruments de musique anciens. » 107 En ce sens, L.V. Prott, P. O’Keefe, Law and the Cultural Heritage, vol. 3 « Movement » Butterworths, London, 1989, p. 731. 108 Par biens culturels, au sens de la présente Convention, on entend les biens qui, à titre religieux ou profane, revêtent une importance pour l’archéologie, la préhistoire, l’histoire, la littérature, l’art ou la science et qui appartiennent à l’une des catégories énumérées dans l’annexe à la présente Convention.

Page 92: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

82

Plusieurs États s’inspirant de ces textes adoptent une notion large du critère d’importance du bien culturel. C’est le cas de la Suisse (art. 1. LTBC) 109 et, d’après le rapport, de la Finlande, de la Pologne, du Portugal, de l’Allemagne, de la Belgique.

b) Les autres biens culturels Parmi les moyens de prévention et de lutte, certains textes ont un champ

d’application encore plus large. C’est notamment le cas des règles de contrôle des transactions d’œuvres d’art ou encore du droit pénal.

La loi pénale anglaise de 2003 (Dealing in Cultural Objects (Offences) Act 2003) qui a pour but de sanctionner pénalement le trafic des œuvres illicitement exportées ou fouillées au Royaume-Uni ou à l’étranger, vise, sous une conception très large, tous les objets d’intérêt historique, architectural ou archéologique sans limite d’âge ou de valeur.

On peut de ce point de vue estimer que la notion de bien culturel dans les textes relatifs au mandat d’arrêt européen renvoie également à une notion large du bien culturel.

c) Catégories spécifiques de biens culturels Elles couvrent des catégories plus restreintes qui, en raison de leur situation,

appellent des dispositifs particuliers. C’est notamment le cas de la réglementation des objets de fouille archéologique ou du patrimoine religieux (voir les développements sur le patrimoine à risque).

5.1.1.3. Pluralité de critères de caractérisation des biens culturels

a) Critère intrinsèque : un contenu uniformisé autour de l’intérêt d’art et d’histoire

Les valeurs patrimoniales qui fondent cette notion dans les législations nationales sont énoncées suivant des critères larges et ouverts où l’histoire et l’art prédominent, tout en admettant une série d’intérêts culturels complémentaires, dont la formulation et le contenu varient suivant les législations nationales. Un certain nombre de législations se réfèrent à la notion d’intérêt public.

La conception allemande est la plus vaste et la moins spécifiée ; le bien culturel est lié à une valeur culturelle, dont la signification reste plus ou moins indéterminée, inspirée de l’idée que la notion de culture elle-même est indéterminable.

109 Sur la discussion autour de la notion de bien culturel au sens de la loi suisse et l’application du critère d’importance, P. Gabus, M.-A. Renold, Commentaire LTBC, loi fédérale sur le transfert international des biens culturels, Schulthess, 2006, p. 32, n° 11.

Page 93: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

83

Dans les autres États, la notion de bien culturel est ancrée, en premier lieu, sur les caractères artistiques ou historiques. De plus, la définition générale de la plupart des pays considérés porte également sur des objets mobiliers d’intérêt archéologique (notamment Angleterre, Espagne, France, Grèce, Italie), paléontologique (not. Angleterre, Espagne, Malte), scientifique (not. France, Suisse, Espagne, Estonie, Grèce) ou technique (not. France, Suisse, Grèce), sociologique (not. Allemagne), d’importance sociale (Grèce), généalogique ou littéraire (Irlande), industrielle (Grèce). La définition anglaise se réfère aussi à l’intérêt architectural d’un bien ; la définition suisse aux biens d’intérêt religieux ou social et enfin la définition italienne aux objets portant un intérêt ethno-anthropologique, archivistique ou bibliographique. Ces quelques exemples, donnés de façon illustrative, démontrent la perception ouverte que développent la plupart des États dans la compréhension de ce qui relève du patrimoine culturel et appelle une protection particulière.

b) Critères extrinsèques

• Critères subjectifs Un certain nombre de critères concernent le lien entre l’objet considéré et

l’État ou la communauté qui en revendique la possession ou la propriété. Ces critères peuvent prendre plusieurs formes.

La reconnaissance du lien de rattachement au patrimoine comme critère d’identification de biens culturels varie selon les États. Dans un certain nombre d’États, la circonstance que les œuvres soient d’origine étrangère, sans lien particulier avec l’État n’empêche pas de les regarder comme éléments du patrimoine national, le qualificatif national renvoyant alors davantage à la qualité du propriétaire qu’à la « nationalité des biens culturels ». Non que les liens à l’histoire nationale ou régionale soient indifférents dans la mise en œuvre d’une protection, ils sont communément invoqués à l’appui d’une protection et peuvent, dans l’énoncé des critères de protection être mentionnés (par exemple dans un des critères Wawerley dans le système anglais 110, dans le droit allemand 111, ou encore le droit néerlandais qui considère qu’un objet est indispensable lorsqu’il revêt une fonction de symbole de l’histoire néerlandaise, le droit roumain qui identifie des éléments du patrimoine culturel de valeur particulière pour la Roumanie). Mais la reconnaissance d’un lien à l’histoire nationale ou régionale, d’une façon générale, ne constitue pas un critère exclusif et unique dans les choix de protection. L’admission d’éléments exogènes dans le patrimoine culturel, la

110 Les critères dits de Waverley opèrent une identification des biens culturels, hors collections muséales, à partir de trois critères non cumulatifs : l’association du bien à l’histoire ou à la civilisation de la Grande-Bretagne, l’importance artistique exceptionnelle du bien et sa signification majeure pour l’art, le savoir ou l’histoire. 111 Loi relative à la protection du patrimoine culturel (Kultg SdeG, §1 al. 1).

Page 94: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

84

circonstance que l’œuvre soit étrangère n’exclut pas qu’elle soit intégrée au patrimoine national. La Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Beyeler a reconnu la légitimité de l’action d’un État qui accueille de façon licite sur son territoire des œuvres d’art appartenant au patrimoine culturel de toutes les nations et qui vise à privilégier la solution la plus apte à garantir son accessibilité dans l’intérêt de la culture universelle, vision dont on trouve également trace dans les conventions internationales (Convention de 1970, d’UNIDROIT).

D’autres États semblent avoir davantage égard à cette question de la nationalité dans, la délimitation des éléments les plus précieux de leur patrimoine. La loi luxembourgeoise prévoit notamment pour l’exportation des objets présentant un intérêt culturel une autorisation du ministre des Arts et des Sciences 112. Par dérogation, les objets d’intérêt culturel exécutés à l’étranger par des artistes non luxembourgeois et importés depuis moins de cent ans ne requièrent pas d’autorisation et peuvent circuler librement, concession fait au commerce des œuvres d’art. Mais cette limite réserve la possibilité d’un patrimoine d’adoption puisque ne peuvent plus librement sortir les biens qui sont depuis cent ans sur le sol national.

En l’occurrence, on retrouve dans les droits français et anglais des limites au contrôle de circulation tirées de la circonstance que le bien a été importé sur le territoire depuis moins de cinquante ans (exemple d’emprunt du droit français au droit anglais). On retrouve cette même règle dans le système hongrois dans lequel la reconnaissance de la qualité de trésor national concerne tout bien culturel ayant plus de 50 ans d’âge identifié en Hongrie. Le lien est considéré comme insuffisamment consolidé pour justifier une interdiction de sortie.

La condition de nationalité interfère parfois comme élément de distinction entre différentes catégories de biens culturels. C’est le cas du droit suédois qui, dans la loi sur les monuments culturels 950 de 1988, distingue les biens culturels patrimoniaux, biens pouvant avoir été réalisés hors du territoire par des auteurs non suédois, des trésors nationaux définis comme biens d’intérêt historique majeur réalisé en Suède par un artiste suédois 113.

Un autre critère met aussi à l’épreuve ce lien de rattachement qui consiste à apprécier les conséquences sur le patrimoine de la perte ou du départ d’un bien culturel. Dans le cas où la perte de substance est préjudiciable au patrimoine national, l’exportation sera interdite, mécanisme que l’on trouve notamment dans le droit italien ainsi qu’en droit allemand.

112 Loi du 21 mars 1966 sur la protection des fouilles et du patrimoine luxembourgeois. 113 Source : « Le trafic de biens culturels dans les États membres de l’Union européenne et en Suisse, SAEI-Bureau du droit comparé, Ministère de la Justice (France), 2008.

Page 95: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

85

Parmi les critères du droit allemand, on trouve notamment mentionnés au titre du patrimoine : les objets significatifs d’artistes de renommée internationale ou d’importance exceptionnelle pour l’art et l’histoire allemande (l’histoire naturelle comprise) ou pour l’histoire du Land ou pour les histoires des régions historiques. La loi de protection du patrimoine évoque notamment les biens culturels « dont la sortie signifierait une perte essentielle pour le patrimoine allemand ».

La loi néerlandaise définit dans le Cultural Heritage Preservation Act du 1er février 1984 les biens culturels comme : « les biens mobiliers d’une importance culturelle et historique ou intellectuelle spéciale et qui, étant irremplaçables et indispensables, devraient être préservés en tant qu’ils font partie de l’héritage culturel néerlandais ».

Ce lien peut aussi se traduire par une référence à l’histoire du pays, et conduire à ne protéger des biens que s’ils sont produits avant certaines périodes ou encore à mettre en œuvre une protection automatique pour certains biens produits avant une période déterminée. Dans la loi relative à la circulation transfrontalière de biens culturels, l’année 1945 qui marque les débuts de la période soviétique de l’Estonie constitue un point de repère. Certains types de biens ne seront considérés comme biens culturels que s’ils sont produits avant cette date (bijouterie précieuse, objets ethnographiques estoniens, y compris les costumes nationaux, œuvres de l’art visuel, armes ainsi que navires produits en Estonie, art. 2, Intracommunty Transport, Export and Import of Cultural Objects Act de 2007). Au Danemark, les biens culturels protégés sont notamment les biens culturels produits avant 1660, sachant que d’autres critères sont aussi en application (notamment application de seuils financiers). En Grèce, parmi les monuments meubles au sens de l’article 20 de la loi 3028/2002, sont automatiquement protégés les biens culturels datant d’avant 1453, les biens culturels datant d’après 1453 et jusqu’en 1830 (date de fondation de l’État hellénique) constituant des produits de fouille ou autres recherches archéologiques ou qui se sont détachés des monuments immeubles, ainsi que les icônes et autres objets de culte de la même période.

La question du rattachement peut encore être appréciée dans le lien d’un objet à un ensemble constitué, une collection, un site, etc. ; vision notamment présente en droit grec et en droit français avec en particulier la notion d’intérêt ou d’unité des collections. • Critères objectifs Les seuils de valeur et d’ancienneté sont fréquemment mobilisés dans les

textes de contrôle de la circulation des biens culturels et parfois plus généralement dans la définition des biens culturels. De ce point de vue, le droit communautaire a parfois influencé le droit des États membres, qui sont

Page 96: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

86

inspirés des systèmes d’annexe et des seuils de valeur ou de datation dans leur propre législation.

Le droit italien décide par exemple qu’un bien pour être considéré comme culturel doit nécessairement être l’œuvre d’un auteur décédé et avoir plus de 50 ans (art. 10, al. 5 CBCP) On retrouve ici les critères à l’œuvre dans les annexes des textes communautaires.

Le droit français s’est dans un premier temps calé sur le droit communautaire en prévoyant un champ d’application tout à fait identique à celui du Règlement, pour la délivrance du certificat d’exportation. Le droit français a cependant modulé certains seuils financiers qui aujourd’hui se distinguent des textes communautaires. Ces aménagements restent cependant à la marge.

La considération de la valeur économique n’est pas toujours pertinente dans le contrôle de la circulation. Par exemple en Estonie, le contrôle est relié à la seule valeur culturelle, par exemple « historique, archéologique, ethnographique, artistique, scientifique » (Intracommunty Transport, Export and Import of Cultural Objects Act de 2007).

5.1.1.4. Identification des biens culturels au moyen de listes Le rapport sur le système de circulation des biens culturels (2004/2007)

indique que dans un certain nombre d’États, les biens culturels d’intérêt public sont inventoriés et classés dans des listes et cette inscription signale que ces biens ne peuvent être exportés de façon définitive 114. Ce serait le cas de la Bulgarie, Chypre, l’Estonie, la Hongrie, la Lituanie, la Lettonie, la Pologne, la Roumanie, la Slovénie et la Slovaquie. À Malte, la création d’un inventaire, obligation légale, est en cours concernant les biens culturels appartenant à l’État, aux institutions publiques et aux musées, à l’Église catholique, aux autres institutions religieuses et aux propriétaires privés. En Croatie, existe un système de registre des biens culturels d’intérêt national. La Suisse a également prévu dans la LTBC une disposition précisant que la Confédération peut désigner dans un Inventaire fédéral, les biens culturels, propriété de la Confédération revêtant une importance significative pour le patrimoine culturel (art. 3), dans une notion plus restrictive que la notion générique de biens d’importance retenue dans le LTBC pour l’application du texte.

En Allemagne, l’inscription à l’inventaire des biens culturels et archives de valeur nationale (Verzeichnis national wertwolen Kulturgutes, Verzeichnis national wertwolen Archive) a pour effet essentiellement l’obligation d’obtenir une autorisation dans le cas où une sortie du territoire allemand est envisagée. Mais cette inscription n’entraîne pas de règle d’imprescriptibilité ou d’inaliénabilité.

114 « Rapport 2007 », p. 20.

Page 97: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

87

Ces biens, en nombre restreint peuvent être assimilés à des trésors nationaux et, en règle générale, ont vocation à rester sur le territoire.

La loi bulgare prévoit un registre des musées (art. 32, Loi du 13 mars 2009) ainsi qu’un registre des biens culturels identifiés au niveau national par le Ministère de la culture (art. 102, Loi du 13 mars 2009). Les propriétaires de biens répondant à la définition de biens culturels doivent les déclarer à une commission d’identification des biens culturels qui soit les déclare inscrits, soit les reconnaît comme trésors nationaux.

En Grèce, tous les biens culturels classés comme monuments sont enregistrés et documentés dans les Archives nationales des Monuments (art. 4 de la loi n° 3028/2002). Tous les biens qui se trouvent dans les musées figurent dans l’inventaire du musée et sont également répertoriés aux Archives nationales des Monuments.

En Slovaquie, existent plusieurs registres dont les effets varient, un registre central des monuments et éléments du patrimoine, qui confère aux biens inscrits une protection importante et un registre des biens culturels significatifs.

Le registre central, en Croatie, est organisé en trois listes : biens culturels inscrits, biens culturels de signification nationale, biens culturels sous protection préventive.

La Pologne a institué un Registre central des biens et antiquités, sur lequel les biens des musées et des bibliothèques ne figurent pas.

Ces systèmes de liste méritent une analyse plus fine sur la portée de ces outils. Certains de ces inventaires sont constitutifs d’une protection des biens, d’autres sont de simples inventaires informatifs (par exemple pour les biens culturels mobiliers en Autriche). En outre, le terme même de liste ou de registre ou encore de classement peut revêtir des sens différents. Le classement, en France, est à l’origine une liste d’édifices qui devient une protection, servitude d’utilité publique qui contraint la propriété du bien. Ces difficultés de traduction et de terminologie imposent des précautions particulières dans le maniement de ces notions.

5.1.1.5 Identification des biens culturels par référence à la propriété publique

Le régime de domanialité publique du droit commun est dans un certain nombre d’États, d’une grande importance dans la protection du patrimoine, en particulier pour les objets mobiliers. On trouve cette figure dans plusieurs des pays de tradition romaniste étudiés. Un certain nombre de biens culturels sont en effet protégés du fait de leur appartenance à une personne publique, et relèvent du régime de la domanialité publique, régime connu dans un certain

Page 98: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

88

nombre d’États membres, qui en règle générale implique l’indisponibilité des biens qui y sont soumis (inaliénabilité, imprescriptibilité). Certains États instituent une présomption légale de protection pour les biens culturels publics (l’Autriche 115 et l’Italie).

Le mode de délimitation des biens du domaine public obéit cependant à des logiques parfois très diverses. Dans la plupart des systèmes, le domaine public est une figure du droit commun de la propriété dont le critère central est la condition d’affectation du bien à une utilité publique. Dans certains systèmes, les États précisent que certains biens culturels publics font partie du domaine public. Par exemple, dans le droit italien, l’article 822 du Code civil à propos du domaine public dispose : « …Font aussi partie du domaine public, s’ils appartiennent à l’État (…) les immeubles reconnus d’intérêt historique, archéologique et artistique selon les lois en la matière ; les collections des musées, des pinacothèques, des archives, des bibliothèques ; et, enfin, les autres biens qui sont soumis par la loi au régime du domaine public ». Le Code des biens culturels italien fait notamment référence à l’article 822 du Code civil.

Le droit espagnol, dans sa législation sur le patrimoine évoque, à propos d’un certain nombre de biens protégés, leur condition d’appartenance au domaine public. C’est avant tout la valeur de ces biens qui justifie de les classer parmi les biens du domaine public. L’article 44 de la LPHE dispose notamment que « sont appelés biens du domaine public tous les objets et vestiges matériels ayant une valeur telle qu’ils font partie du patrimoine historique espagnol, découverts à la suite de fouilles, de travaux de terrassement ou autres travaux ou par hasard... ». En outre, en vertu de l’article 5 de la Loi 33/2003, les immeubles dont l’administration de l’État est propriétaire, dans lesquels sont installés, par exemple, les musées, les archives et les bibliothèques, sont considérés comme relevant du domaine public. Ce même régime s’applique aux biens meubles faisant partie du patrimoine historique espagnol qui sont conservés dans les musées, les archives et les bibliothèques.

Dans le droit suisse, il faut tenir compte des niveaux de compétence. Les législations cantonales prévoient, pour certaines d’entre elles des régimes de domanialité publique par détermination de la loi, par exemple en matière d’archives publiques.

La France a retenu une solution originale en définissant le domaine public mobilier relativement à l’intérêt historique, artistique, esthétique,

115 Loi relative à la protection du patrimoine, (Denkmalschutzgesetz, vom 2000 ; DMSG), BGB l. I nr 170/1999.

Page 99: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

89

archéologique, scientifique et technique des biens publics 116. Revêtus de cet intérêt, les biens publics mobiliers appartiennent de lege au domaine public sans qu’il soit nécessaire de caractériser l’affectation à une utilité publique.

Il faut noter que le caractère public d’un bien ne renvoie pas nécessairement à la propriété d’une personne publique. Le droit allemand connaît notamment une catégorie de choses affectées à l’usage public qui peut concerner tout autant des biens privés que des biens publics (Öffentliche Sache).

5.1.2. Les bases de données relatives à la circulation illicite de biens culturels

Les bases de données ou databases sont de différentes natures en matière de biens culturels. Si toutes les bases de données de biens culturels sont des outils de prévention du trafic des biens culturels dans la mesure où elles constituent des vecteurs d’information sur les biens qu’elles recensent, certaines d’entre elles sont plus particulièrement dédiées à la lutte contre le trafic des biens culturels.

En effet, il faut tout d’abord mentionner toutes les bases, publiques et privées, qui recensent et inventorient les biens culturels d’un État, d’une communauté, d’une institution muséale etc., et toutes les bases qui inventorient les biens d’une certaine nature. C’est le cas, par exemple de la photothèque de l’Institut royal du Patrimoine artistique à Bruxelles connue en particulier pour son inventaire du patrimoine mobilier des sanctuaires de Belgique 117. Il existe aussi, dans certains États, des bases de données concernant les « Trésors nationaux » ou, plus largement, les biens culturels bénéficiant d’un statut protecteur comme le classement ou constituant un patrimoine à risque 118. Toutes ces bases nous intéressent dans la mesure où elles peuvent répertorier les biens qui sont soumis à des restrictions de

116 Art. 2112-1 du Code général de propriété des personnes publiques. 117 www.kikirpa.be. V. aussi Base des données de l’Église de Chypre : a) pour les biens culturels de la partie libre : base des données numérisée, b) pour les biens culturels de la partie occupée : la base des données est en cours de construction, elle comprendra un moteur de recherche, et des photographies des biens culturels. 118 Royaume-Uni : Le Portable Antiquities Scheme (PAS) établi en 1997 est un programme fondé sur le volontariat visant à enregistrer les biens archéologiques trouvés par des particuliers en Angleterre et au Pays de Galles. Chaque année, des milliers de biens sont découverts, dont beaucoup par des utilisateurs de détecteurs de métaux, mais aussi par des promeneurs. De telles découvertes offrent une source importante de compréhension du passé du Royaume-Uni. Le groupe consultatif du PAS est un consortium d’organismes intéressés présidé par le British Museum and le Museums Libraries and Archives Council. Les données générées par le PAS sont rendues accessibles aux Historic Environments Records, le principal possesseur d’informations sur l’environnement historique, et elles sont publiées sur le site Internet du programme (finds.org.uk).

Page 100: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

90

circulation mais ne seront pas étudiées ici 119. Elles ne sont pas en effet relatives à la circulation illicite des biens culturels mais au seul statut de ceux-ci. Elles constituent des outils de connaissance des biens 120 mais non des outils d’observation de la circulation de ces biens 121.

La situation actuelle démontre une grande hétérogénéité des bases de données relatives aux biens culturels et à leur circulation. Cette situation est bien connue et a commencé d’être appréhendée par les institutions internationales. Ainsi, en 1990, à l’initiative du Canada, l’Assemblée générale des Nations unies avait prié l’ONU et l’UNESCO de promouvoir la coopération internationale pour coordonner les bases de données informatisées sur les objets culturels volés 122. Depuis cette date, de nombreuses réunions ont été tenues sans que le projet aboutisse.

INTERPOL est cependant particulièrement actif dans ce domaine. Outre sa base de données des biens culturels volés, l’organisation internationale organise régulièrement des conférences internationales et des réunions de groupes d’experts sur les biens culturels volés dont les conclusions rappellent systématiquement l’importance d’une documentation fiable en la matière et l’établissement de bases de données de biens volés 123.

Sur le plan européen, il existe un réseau thématique Europeana accessible au public depuis fin 2008. Europeana est une bibliothèque multimédia en ligne financée par l’Union européenne dans le cadre du programme eContentplus, programme de l’initiative i2010, une société de l’information européenne pour la croissance et l’emploi. Europeana.eu est un partenariat entre 100 institutions

119 Elles ont déjà fait l’objet d’une analyse dans le « Rapport 2007 ». 120 V. par exemple en Lettonie, le service public électronique de la description des objets culturels (Electronic Service « Creation of Description of Cultural Objects », http://ic.iem.gov.lv/ko/) est accessible depuis mai 2011 avec pour but principal la description qualitative dans le cas éventuel d’un vol ou d’une disparition d’un bien. Le service public propose une méthodologie descriptive tout en gardant la confidentialité du propriétaire. Toute personne ou institution peut décrire un objet selon cette méthodologie, puis garder le fichier électronique de cette description sur un serveur ou tout autre support électronique. La visibilité de cet instrument est favorisée en tenant compte des tendances du trafic illicite des biens culturels. Ainsi, ce sont notamment les églises qui sont invitées à l’utiliser. Il s’adresse également aux collectionneurs privés, mais la difficulté, soulignée par le ministère des Affaires intérieures, est qu’il n’existe pas d’association des collectionneurs à laquelle on pourrait s’adresser. 121 Même si les inventaires peuvent mentionner le statut « volé » ou « disparu » de l’œuvre, V. infra, Les obstacles. 122 Document d’information sur les bases de données relatives au trafic illicite de biens culturels volés UNESCO 30C/INF.5 du 16 septembre 1999 suite à la Recommandation n° 4 de la dixième session du Comité intergouvernemental pour la promotion du retour de biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale (25-28 janvier 1999). 123 V. Conclusions des réunions du groupe d’experts : Lyon 23-24 février 2010 et 5-6 avril 2011 : http://www.interpol.int/Public/WorkOfArt/Conferences/DefaultFr.asp.

Page 101: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

91

renommées et représentatives du patrimoine européen 124 et des groupes d’experts en technologie de l’information de toute l’Europe travaillant sur les questions techniques et d’accessibilité. Plus de 1 500 organismes culturels ont fourni des documents à Europeana. Quinze millions d’objets sont accessibles mais Europeana n’a pas vocation à constituer une base de données des biens culturels en situation illicite.

Plus spécifiquement, le Conseil de l’Union européenne a rendu des conclusions relatives à la prévention et à la lutte contre le trafic des biens culturels 125 dans lesquelles il souligne que la libre circulation des biens culturels nécessite une meilleure traçabilité de ces derniers pour mieux prévenir le trafic et soutient INTERPOL dans sa démarche visant à améliorer sa base de données et à concevoir un dispositif d’échange automatisé de données. La présente étude s’inscrit donc dans ces conclusions.

Il est donc nécessaire de présenter les principales bases de données qui, à titre exclusif ou non, permettent de suivre la circulation licite et illicite des biens culturels. Conformément à la distinction entre les biens volés et les biens exportés illicitement, on constate qu’il existe des bases de données essentiellement pour les biens culturels volés et non pour les biens illicitement exportés. La raison est simple et tient à la traçabilité du bien. En effet, il est plus aisé de constater un vol qu’une exportation illicite puisque dans la seconde situation, l’exportation est par nature clandestine alors que le vol est normalement déclaré. Ce n’est qu’« en bout de chaîne », lors de l’achat ou de la vente du bien, que la question de l’illicéité de l’exportation apparaîtra. D’autre part, les bases de données ne concernent pas seulement les biens volés. Compte tenu de l’histoire de l’État concerné, de telles bases comprendront d’autres biens culturels tels que les biens spoliés ou disparus 126. Enfin, des institutions telles que l’ICOM alerteront plus particulièrement sur les biens en danger en raison d’une catastrophe naturelle (Haïti) ou d’une guerre (Afghanistan), faisant ici œuvre de prévention.

On dressera donc un panorama des bases de données de biens volés, spoliés, perdus et disparus ainsi que des biens en danger.

124 Parmi lesquelles la British Library à Londres, le Rijksmuseum à Amsterdam, et le Louvre à Paris. Europeana est gérée par la fondation pour la bibliothèque numérique européenne qui regroupe les principales associations européennes de bibliothèques, d’archives, de musées, d’archives audiovisuelles et d’institutions culturelles, et est hébergée par la bibliothèque nationale des Pays-Bas, la Koninklijke Bibliotheek. 125 2908ème session du Conseil Justice et Affaires intérieures, Bruxelles, 27 et 28 novembre 2008. 126 En Europe centrale particulièrement : Allemagne, Pologne pour les biens spoliés pendant la Seconde Guerre mondiale par les nazis.

Page 102: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

92

5.1.2.1. Les bases de données de biens culturels volés, spoliés, perdus, disparus.

On distingue actuellement plusieurs bases de données recensant les biens culturels volés, perdus, spoliés. Elles se sont constituées soit à l’échelle internationale, soit à l’échelle nationale et sont publiques ou privées.

a) Bases internationales institutionnelles

* INTERPOL www.interpol.int : International Police Organization

Le site d’INTERPOL contient plusieurs vecteurs d’informations relatifs aux biens culturels volés :

– une base de données d’environ 35 000 biens culturels volés essentiellement des œuvres d’art

(www.interpol.int/Public/WorkOfArt/dbaccess.asp) ; – des posters montrant les œuvres d’art les plus recherchées dans le

monde ; – des photos des œuvres d’art volées récemment ; – des photos des œuvres d’art récemment retrouvées dont les

propriétaires n’ont pas été identifiés (http://www.interpol.int/Public/WorkOfArt/Search/Owner.asp) ; – un CD-Rom « INTERPOL-Œuvres d’art volées » : il est accessible

par voie d’abonnement ; – une actualité des vols récents de biens culturels.

La base de données elle-même est alimentée par les bureaux nationaux INTERPOL des États membres d’INTERPOL. Elle n’est pas alimentée systématiquement et régulièrement ce qui en fait un outil sous-exploité.

Elle est consultée directement par les États membres et peut être consultée depuis 2009 par toute personne qui en fait la demande.

Les photothèques relatives aux œuvres récemment volées et à celles retrouvées sont en accès public direct.

Les rapports nationaux font état d’une consultation fréquente de cette base de données, qui paraît être la base la plus connue, non seulement des polices, mais également des institutions culturelles.

Exemple de notice relative à une œuvre récemment volée (source site INTERPOL) :

Type: Painting Title (English): Acts and a Cable Car Period: 1987

Page 103: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

93

Artist(s): Nowosielski

Description Material: Canvas/Cotton/Fabric/Linen , Wood Technique: Oil Height (cm): 27 Width (cm): 22

Administrative Information

Case happened in: Poland Folder: 2011/45200-1.3

* ICOM Red list : www.icom.museum/redlist L’ICOM (International Council of Museums) répertorie dans ses Listes

rouges, consultables sur son site web, les catégories d’objets archéologiques particulièrement vulnérables ou d’œuvres d’art en danger, afin d’empêcher leur vente et leur exportation illégale.

Les listes rouges sont élaborées par l’ICOM en coopération avec les experts de la communauté mondiale des musées.

L’accès aux listes rouges est public et gratuit. L’ICOM a déjà publié : – Liste Rouge des objets archéologiques africains (2000). – Liste Rouge des biens culturels latino-américains en péril (2003). – Liste Rouge d’urgence des antiquités irakiennes en péril (2003). – Liste Rouge des antiquités afghanes en péril (2006). – Liste Rouge des antiquités péruviennes en péril (2007).� – Liste Rouge des antiquités cambodgiennes en péril (2009).� – Liste Rouge des biens culturels en péril d’Amérique centrale et du

Mexique (2010). – Liste Rouge des biens culturels haïtiens en péril (2010).

Chaque liste rouge s’accompagne d’une description du contexte dans lequel elle a été élaborée et de la législation en vigueur.

Page 104: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

94

Les Listes rouges sont connues de la police et des professionnels du marché. Elles ont une finalité préventive en avertissant du risque de trafic de tel ou tel bien. Elles participent donc indirectement des due diligence sans jouer le même rôle que la consultation des bases de données des biens volés.

Exemple d’objets mentionnés sur la liste rouge Afghanistan (source : site ICOM) :

Bols en terre d’Afghanistan, ca. XIIIe siècle.

© Crown

Notice : Material Céramique Type Outils et armes Details De ces céramiques, on retiendra en particulier les bols de

‘Bamiyan’ vert et jaune, au décor graffite (incisé). Red List Liste Rouge des antiquités afghanes en péril Countries Afghanistan Period Islamique

b) Bases de données nationales

* États membres de l’Union européenne

• Allemagne Π Base de données des biens volés – Police fédérale. La section SO41-24 du BKA (Bundeskriminalamt : Office fédéral de police)

gère et utilise la base de données centrale pour les biens culturels volés et offerts dans des circonstances douteuses (NNSACH). C’est une base accessible seulement aux services de police. Les fournisseurs d’informations pour cette base de données sont le BKA et les offices de police judiciaire des Länder (les LKA), qui ont accès à cette base et qui peuvent (depuis 2 ans) inscrire et retirer des informations. Le BKA exige le contrôle de la qualité des dates/informations inscrites.

À part la base de données du BKA, quelques LKA disposent de bases de données supplémentaires, comme par exemple la base de données bavaroise

Page 105: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

95

sur les biens culturels volés et/ou proposés dont la provenance est douteuse (LKA bavarois à Munich).

Le BKA et les LKA introduisent les données par le critère principal qu’est l’identification et l’attribution évidente et précise de l’objet. En général il n’y a pas de limite de valeur.

En principe, seuls les services de police (le BKA et les LKA) ont un accès (direct) à la base de données centrale des biens culturels volés et proposés dans des circonstances douteuses (NNSACH). Cependant d’après le LKA de Berlin quelques informations sont accessibles au public. Tous les acteurs du marché de l’art ont un accès indirect aux informations contenues dans la base NNSACH du BKA.

Π Lost Art Database (www.lostart.de) : biens spoliés. La base de données Lost Art contient des données sur les biens culturels

déplacés et relocalisés, stockés ou saisis entre les mains de leurs propriétaires, en particulier juifs, en raison de la persécution nazie ou des conséquences directes de la Seconde Guerre mondiale. Cette base est gérée par la Koordinierungsstelle Magdeburg (Service de coordination Magdebourg), une institution du Bund et des länder pour la documentation de biens culturels et la perte de biens culturels ; Eine Einrichtung des Bundes und der Länder für Kulturgutdokumentation und Kulturgutverluste beim Kultusministerium des Landes Sachsen-Anhalt). Elle agit en tant que service d’information et de coopération et comme interlocuteur compétent pour tous les acteurs de la protection des biens culturels et du marché de l’art.

La base est divisée en deux parties : – 1. Demande de recherches

Enregistrement des biens culturels perdus par des institutions publiques ou privées ou encore des particuliers en raison des règles nazies et de la Seconde Guerre mondiale. Les propriétaires de ces biens d’origine incertaine ou incomplète peuvent rechercher dans la base si ces objets ont été ou non recherchés ailleurs.

– 2. Liste d’objets trouvés Enregistrement de biens culturels saisis illégalement ou relocalisés en raison

de la guerre ou de biens à l’origine incertaine ou incomplète mais qui suggère une dépossession illégale.

Search request - details Class of object Museum Artist Renoir, Auguste Title Still life of roses Type of object Painting Generic terms Still-life / Still-life with flowers Measures Height: 35.00 cm Width: 45.00 cm

Page 106: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

96

Material / Technique Oil : Canvas / Provenance Bignou, Paris; Sammlung Max Silberberg, Breslau;

Auktion bei Graupe, Berlin 1935; Privatbesitz, Zürich Circumstances of loss

Berlin (Auktion Graupe) 1935

• Autriche Π Base de données des biens volés, Ministère de l’Intérieur. Le BKA (office fédéral de la police judiciaire) utilise la base de données du

Ministère de l’Intérieur (Bundesinnenministerium). Les fournisseurs d’informations pour cette base de données sont les services de police et INTERPOL Autriche. Cependant les services de police subordonnés (des Länder et locaux) et la justice ont accès également à toutes ces informations. • Belgique Π ARTIST (Art Information System) - Art TeamResearch -Police fédérale. La base de données ARTIST de la police fédérale belge est relative aux

biens culturels volés (objets d’art, antiquités, bijoux). Elle comprend environ 20 000 biens. Toutes les œuvres d’art sont concernées. Il y a peu de bijoux (ceux qui constituent des pièces uniques : environ 1 000 bijoux sur les 20 000 objets de la base recensés). Il y a les objets multiples avec des précisions supplémentaires permettant de les identifier.

L’accès à cette base est direct pour la police et indirect pour le public : toute personne peut faire une demande de vérification sur l’origine d’un objet.

La déclaration d’enregistrement de l’objet volé est faite dans le formulaire ci-après et la photo de l’objet est ensuite intégrée dans la base ARTIST.

Cette base devrait faire l’objet d’améliorations et bénéficier d’investissements financiers.

Page 107: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

97

Page 108: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

98

• Chypre Π Bases de données police et département des Antiquités. 1) Base des données de la police des biens culturels volés. 2) Base des données du département des Antiquités pour les biens culturels

volés et pour les biens culturels perdus qui se trouvaient sur la partie nord de Chypre.

Le « Cyprus Archeological Digitisation Program » vise à la numérisation des monuments meubles et immeubles contenus dans la loi chypriote sur les antiquités et ne comprend pas les monuments de la partie nord. Cette base des données sera accessible même au public par le biais d’un site internet. Le projet « Cyprus Archeological Digitisation Program » est indépendant des bases des données du département des Antiquités sur les biens culturels volés et les biens culturels de la partie nord qui ne sont pas accessibles au public mais réservées au département des Antiquités. • Espagne Π Dulcinea : Base de données des biens volés Dulcinea comprend les photographies des œuvres et toutes les informations

qui caractérisent le bien ainsi que sa situation actuelle. La Brigade du Patrimoine Historique de la police (Guardia civil) et les délégués provinciaux sont les seuls à avoir accès à Dulcinea. • France Π TREIMA 2 (Thésaurus de recherche électronique et d’imagerie en

matière artistique) : Base de données de l’Office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC - France).

Cette base, opérationnelle depuis 1995, constitue la principale photothèque nationale française des biens culturels volés (85 000 objets), dont celles de biens culturels volés à l’étranger signalés par INTERPOL. Elle est alimentée par l’OCBC, la gendarmerie nationale et la brigade de répression du banditisme (Groupe « Antiquaires ») à la Préfecture de police de Paris.

La caractéristique essentielle de cette base est qu’elle est couplée avec un moteur de recherche par similarité d’images : les informations données sur un objet permettent à l’ordinateur de proposer un choix d’images approchant de celle de l’objet vérifié, du plus proche au plus loin. De plus, un des intérêts de cette base est sa mobilité ; elle peut en effet être chargée sur un ordinateur portable afin d’être emportée sur le terrain, par exemple sur le lieu d’une perquisition, y compris à l’étranger.

Cette photothèque n’est pas accessible au public. Elle est accessible aux policiers et aux gendarmes et permet aussi de renseigner la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, certains services du ministère

Page 109: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

99

français de la Culture et le groupement d’assurances ARGOS. Les professionnels du marché de l’art peuvent cependant faire des demandes de recherches dans la photothèque auprès de l’OCBC.

Étapes du processus de recherche sur TREIMA

Étape 1 – Photographie soumise à TREIMA

Étape 2 – Capture de l’image

Page 110: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

100

Étape 3

Étape 4

Page 111: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

101

Étape 5 – Vérification dans la base TREIMA

Π Registre des objets d’art volés du ministère français de l’Intérieur http://www.avisderecherches.interieur.gouv.fr/osvafficher3.asp?N=1 Ce registre comprend une liste d’objets volés et une liste d’objets retrouvés.

Il est accessible au public mais contient peu d’objets et est très peu alimenté par les services de police.

Exemple de notice d’objet volé : Service émetteur : Commissariat de Dax. Brigade de sûreté urbaine. Œuvres d’art recherchées par �la Brigade de Sûreté Urbaine de dax.� Date vol : 29/06/11 Réf : Ciat de Dax�Statue en bronze Hauteur : 80cm

Bronze de Rodin représentant Hermes

Page 112: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

102

Il existe aussi une base des objets volés propre à la gendarmerie nationale et accessible au public.

http://www.gendarmerie.defense.gouv.fr/judiciaire/accueil_objets/ Elle comprend peu d’objets et n’est pas réservée aux biens culturels. • Grèce Bases de données des biens volés, confisqués. Π Bases de données de la Direction pour la Protection et la

Documentation des biens culturels (art. 3§4 loi 3658/2008) : elle contient des informations relatives à :

a) des monuments meubles volés ou détournés avec photos ; b) des fouilles illicites ou des levages avec photos ; c) des monuments meubles confisqués avec photos ; d) des personnes impliquées dans l’acquisition et le trafic illicites des

monuments meubles ; e) des personnes possédant des détecteurs des métaux ou d’autres appareils

de recherche du sous-sol, des fonds de mer, de rivière ou de lac. Π Bases de données du ministère de la Culture a) base des données des biens culturels byzantins et post-byzantins volés ; b) base des données des antiquités préhistoriques et classiques volées ; c) recueil d’images numérisées de tous les biens culturels volés de l’époque

préhistorique à la période post-byzantine. • Hongrie Π Base de données des biens volés du National Office of Cultural Heritage (OCHhttp://kereso.koh.hu/index.php?_url=all.php&_mp=mutargy&_am

p=LM) • Italie Π Base de données « Leonardo » de la police spécialisée - Comando

Carabinieri Tutela Patrimonio Artistico (TPA) http://tpcweb.carabinieri.it/tpc_sito_pub/simplecerca.jsp C’est la base de données européenne la plus importante. Elle contient des

informations sur plus de 3 400 000 objets et plus de 400 000 images 127. Elle est en accès direct pour les services de police et indirect, sur demande, pour les marchands d’art et les maisons de vente. • Lettonie Π Base de données des biens culturels volés - Police

127 Intervention du Lieutenant colonel des carabinieri A. Deregibus, UNESCO 1er juillet 2011.

Page 113: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

103

Cette base contient des données les vols de biens culturels jusqu’à l’acquisition de leur délai de prescription.

Un autre service électronique qui devrait être lancé en 2011 est la base de données spécifiquement dédiée à l’identification des biens culturels volés ou disparus sur le territoire de la Lettonie. Elle est d’abord sensée servir de source aux personnes privées pour vérifier si, par exemple, un objet particulier vendu sur le marché n’a pas été volé ou n’a pas disparu. Deuxièmement, elle contiendra l’information sur les biens recherchés en offrant la possibilité d’annoncer à la police si, par exemple, un objet recherché est en vente en ligne. La base de données est supposée être suffisamment opérationnelle pour pouvoir distribuer instantanément l’information aux services de la police. • Lituanie Π Base de données sur les biens volés (www.policija.lt/lt/kurinai) Police La base de données est gérée et alimentée par les Services de police

criminelle (Lithuanian Criminal Police Office) qui disposent d’un accès direct. La base de données est accessible également aux musées et d’autres institutions. • Pays-Bas Π Base de données des biens volés – Police Cette base est accessible seulement aux services de police. • Pologne Π Base de données des biens volés - Police http://www.policja.pl/portal/pol/300/21941/Dobra_kultury.html Sur le site de la Police, une page (en polonais) sur la question des

crimes/délits contre les biens culturels propose un accès aux textes pertinents. http://www.policja.pl/portal/pol/300/21941/Dobra_kultury.html Π Biens culturels disparus des conséquences de la Seconde Guerre

mondiale http://kolekcje.mkidn.gov.pl (en anglais et polonais). Π Biens volés ou exportés illégalement https://www.skradzionezabytki.pl (en polonais ; existe depuis 1991, elle est

accessible sur Internet depuis 2005). • République Tchèque Π Base de données des biens volés ou disparus : MacArt : ministère de la

Culture et Police. • Roumanie Π Base de données, de la Police, des biens culturels volés / disparus (http://www.igpr.ro/obiecte/obiecte.aspx).

Page 114: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

104

• Royaume-Uni Π London stolen Arts database (LSAD) : tenu par l’Art and antique Unit

(Metroplitan police-Londres). Ce n’est donc pas une base « nationale » à proprement parler mais londonienne.

La base de données comporte environ 54 000 objets de production artistique diverse 128. Elle est divisée en trois catégories de biens :

- les biens les plus recherchés ; - les biens volés récemment ; - les biens récemment retrouvés. La base de données comme la police spécialisée semblent décliner en raison

de contraintes budgétaires fortes. • Slovaquie Π Base de données de biens volés et disparus – Ministère de l’Intérieur (http://www.minv.sk/?odcudzene-a-najdene-umelecke-diela et http://www.policija.si/index.php/ukradene-slike) en slovaque. Les biens sont répartis en cinq catégories et archivés avec une

photographie : titre, auteur, matière, dimension, période, date de l’événement (vol), valeur.

* États non membres de l’Union européenne :

• Croatie Π Base des objets volés et manquants du ministère de l’Intérieur croate. • Suisse Π Bases de données - Police Les cantons suisses ont créé des bases de données policières. La plupart de

ces bases ne sont pas réservées aux biens culturels et comprennent également les biens d’autres natures et les personnes disparues. Elles sont donc très hétérogènes et les critères des bases ne sont pas standardisés.

Exemple : Notice d’une armoire volée (source : base des objets volés du Canton de Vaud) :

Vol par effraction - une armoire et des tableaux ont été volés dans une exposition à Murten (Morat) / Loewenberg, Fribourg, dans la nuit du jeudi 31.10.2002 au vendredi 01.11.2002.

128 Paintings, furniture, books, maps, manuscripts, carpets, rugs, clocks, watches, coins, medals, glass, ivory, jade, musical instruments, postage stamps, pottery, porcelain, silver, gold textiles and toys and games.

Page 115: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

105

• États-Unis Π National Stolen Art File (NSAF) : FBI Art Theft Program :

www.fbi.gov/hq/cid/arttheft/noticerecov.htm Le NSAF est une base de données des biens culturels volés signalés au FBI,

tant par des institutions des États-Unis que du monde. Cette base comprend des images et des descriptions de biens volés et

retrouvés ainsi que des informations sur les enquêtes. Cette base est accessible à la police et au public (version élaguée sans les

informations destinées aux enquêteurs). Pour qu’un objet figure dans la base, il doit remplir les critères suivants : - être bien identifiable et avoir une signification historique ou artistique - une valeur d’au moins 2000 dollars ou moins s’il est associé à un crime

grave. Exemple de notice d’une œuvre volée (source : site NSAF)

Description: Stolen Measurements: 65.50 x 81.00 cm Period: c. 1871 Maker: Edgar Degas Category: Paintings Additional Information: painting Materials: oil on canvas

Page 116: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

106

• Turquie Π Base de données des biens volés : Ministère de l’Intérieur http://www.kultur.gov.tr/EN/ana-sayfa/2-0/20110608.html La liste est accessible en français et en anglais. Malheureusement, la liste des

biens culturels volés est variable selon la langue (par exemple, on trouve plus d’objets volés dans la liste en arabe qu’en français ou en anglais).

Exemple de notice d’un bien volé : Artefacts Stolen From Mılet Museum Inventory n° 4052 Name and type : Ostotek, white marble Place of find : Salihli, Manisa Period : Roman Dimension : Lid length : 41.5 cm, width : 33.5 cm, height: 8 cm Ostotek

height : 21 cm, length : 41.5 cm, width : 34 cm Date of entry to the museum : 15.07.1998 Way of entry to the museum : Bought from ihsan Acar Place in the museum : Hall H Description: Ostotek: It has four legs. It is chest formed. �It is plain and in

the shape of rectangular prism. The casket is hollow. Ostotek lid : It is in the shape of hipped roof. The narrower ends have

triangular pediments and projecting parts on four corners. There is an inscription on one��Surface :

Page 117: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

107

c) Exemples de bases privées de données relatives aux biens volés

Π Art Loss Register : www.artloss.com C’est un organisme de droit privé qui a ses origines dans l’International

foundation for Art Research (IFAR), organisation à but non lucratif située à New York qui créa en 1976 une base de données d’objets volés. Pour faciliter la restitution de ces objets, la base de données informatisée Art Loss Register fut créée à Londres en 1991. Cet organisme est également un intermédiaire dans des procédures de négociation et de restitution des objets identifiés 129.

Selon le site de cet organisme, il permet : – l’enregistrement de la possession légitime d’œuvres d’art et autres

biens de valeur ; – l’enregistrement de la perte d’œuvres d’art et autres biens de valeur ; – l’enregistrement de faux et de contrefaçons d’œuvres d’art et autres

biens de valeur. Il propose : – des services de recherches préalables approfondies ; – des recherches professionnelles sur la provenance d’œuvres d’art et

autres biens de valeur ; – des recherches spécialisées sur la provenance d’objets de la

Deuxième Guerre mondiale ; – des enquêtes et restitutions.

La base de données contient environ 200 000 biens référencés et ne concerne donc pas seulement les biens volés, mais aussi perdus et spoliés.

129 www.artloss.com/content/historique-et-entreprise.

Page 118: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

108

La base est alimentée par des inscriptions de biens par les propriétaires et les recherches effectuées par l’organisme lui-même. L’inscription et l’accès sont payants.

Art Loss Register est une base de données très consultée par les professionnels du marché de l’art et les musées mais souvent contestée par les autorités d’enquêtes et de poursuites. En effet, celles-ci lui reprochent d’encourager les vols dans la mesure où Art Loss Register peut enquêter, retrouver un bien culturel et le voleur ou le recéleur, et négocier la restitution de ce bien sans avertir les autorités de poursuites.

Π ARTSAFE: http://www.artsafe.com Ce site est un service privé d’inventaire de biens en ligne. Il s’agit d’aider les

particuliers à élaborer des descriptifs précis accompagnés de photographies de leurs biens correspondant aux normes internationales.

A côté de cette aide à l’inventaire, Artsafe comprend une rubrique de déclaration des biens volés avec dépôt d’une photographie et une rubrique de recherche des biens volés.

Π FIBAR : Fichier informatique des biens assurés recherchés (www.gieargos.org/PortailARGOS/mobilier_gdpublic.htm) : Mise en place par ARGOS, groupement d’assureurs français, cette base

enregistre les biens volés assurés, notamment les biens culturels. Π STOLEN.BOOK.ORG: Base de données des livres volés : Ligue

internationale de la librairie ancienne (ILAB-LILA). http://www.stolen-book.org/ Elle compte 23 associations nationales membres et représente 1850 libraires

du mon entier. La base de données contient les références précises des livres volés depuis

le 15 juin 2010 et des données plus générales pour les livres volés avant cette date. Elle comporte un lien avec l’ALAI (Associazione Librai Antiquari d’Italia) qui dresse des listes de livres volés en Italie.

L’accès à la base est public et gratuit. Π TRACE : http://www.tracechecker.com/ Cette base se présente comme la plus importante base de biens volés aux

USA. Elle remplit une triple fonction : – inventaire des patrimoines avant tout événement comme un vol ; – base de données des biens volés ; – base de données des biens retrouvés.

Page 119: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

109

5.1.3. Régime et contrôle des acquisitions

5.1.3.1. Registres de police

a) Les registres dits « de police » Les registres de police sont des registres destinés d’abord à recenser les

biens mobiliers achetés et détenus par les professionnels du marché de l’art que sont les marchands d’art et les maisons de ventes volontaires de meubles. Dans les États membres de l’Union européenne, de tels registres sont rares. Dans les États qui connaissent un tel registre, les informations qu’il contient sont très variables.

Π Le principe : l’absence de registre de police La majorité des États membres de l’Union européenne n’exige pas la tenue

d’un registre de police contenant les informations relatives aux transactions professionnelles, à la description des objets et à leur traçabilité. Pour contrôler l’activité professionnelle, certains États (ex : Chypre 130) exigent des autorisations spéciales d’exercer la profession de marchands de biens culturels délivrées par les autorités compétentes en matière de protection du patrimoine. Cette autorisation, si elle peut constituer une garantie de compétences professionnelles et de bonnes pratiques, ne peut nullement équivaloir au recensement des objets détenus par le professionnel et à la détermination de leur provenance.

b) Les exceptions : des registres variés Deux catégories de registres se rapportent aux biens culturels. * Les registres des transactions Ces registres contiennent les transactions (identification de l’objet, prix et

date de la transaction) relatives aux objets mobiliers réalisées au jour le jour par le professionnel du marché de l’art. On peut dire qu’ils se rapprochent davantage des registres comptables et les informations qu’ils contiennent servent au paiement des taxes (Royaume-Uni, Belgique). On peut alors émettre certaines réserves sur la véracité des informations contenues dans ce registre, en particulier quant au prix de l’objet.

130 À rapprocher : En Roumanie, il n’y a pas de registre de police stricto sensu mais l’obligation de tenir certains documents à jour ainsi qu’une autorisation d’exercer ; pour l’Irak : la loi irakienne permet l’établissement d’un commerce des objets patrimoniaux qui ont entre 50 et 200 ans. L’exercice de ce commerce est soumis à une autorisation préalable du ministère de la Culture pour des personnes de nationalité irakienne.

Page 120: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

110

Certains registres sont même ciblés sur certaines transactions comme le registre espagnol relatif aux transactions de biens du patrimoine historique espagnol ou au Royaume-Uni le registre des exportations/importations 131.

* Les registres de traçabilité Ces registres contiennent des informations plus nombreuses que les

registres des transactions. En plus de ces dernières, ils contiennent l’identité de la personne concernée par la vente, le dépôt ou l’échange de l’objet, le prix et le mode de paiement, une description de l’objet, ses caractéristiques (marquage, défauts, numéros, signature etc.) et sa provenance. C’est le cas par exemple de la Grèce, de la France, de l’Italie 132, des Pays-Bas 133 et de l’Espagne 134. L’identité de l’acquéreur n’est pas toujours exigée 135. La traçabilité du bien culturel n’est ainsi pas assurée sur l’intégralité de la chaîne de transfert.

5.1.3.2. Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive

La question de la prescription doit être envisagée sous une double perspective. Nous évoquons ici les règles de la prescription acquisitive et les règles de la prescription extinctive. La prescription acquisitive conduit à la propriété à la condition que l’acquéreur soit de bonne foi tandis que la prescription extinctive signifie l’extinction d’un droit ou d’une action. Les deux mécanismes mettent en jeu des intérêts différents, sécurité du marché dans le premier cas, paix publique dans l’autre. « La prescription libératoire est une

131 La section 75A du Customs and Excise Management Act de 1979 prévoit que « Toute personne (quelle que soit sa fonction) qui est concernée par l’importation ou l’exportation de biens dont l’entrée dans un registre est imposée par la regulation 5 des Customs Controls on Importation of Goods Regulations de 1991 ou dont cette loi impose que soit notée ou spécifiée l’entrée ou la sortie, doit garder les registres demandés par les commissaires. » 132 L’article 63 du Code des biens culturels qui prévoit le registre et l’article 64 du même code qui prévoit la déclaration de provenance. 133 Grèce : article 32 § 4 loi n° 3028/2002 : les marchands d’antiquités et les marchands de monuments modernes ont l’obligation de tenir un registre ("livre") certifié par le ministère de la Culture dans lequel doivent figurer tous les monuments meubles se trouvant dans leur établissement. L’enregistrement comprend a description, la photographie, la provenance du monument, les données du possesseur ou propriétaire antérieur, ainsi que celles de la personne à laquelle le monument est transféré, les données de l’autorisation de détention, le prix et la date du transfert. Toutes ces données sont notifiées sans retard indu au ministère de la Culture. - France : article 321-7 et 321-8 ; R.321-1 à R.321-8 du Code pénal ; article 86b du Code civil des Pays-Bas (renvoi aux due diligences). 134 L’obligation de tenir un tel registre semble peu respectée en Espagne. 135 Suisse : Les commerçants d’art et les personnes pratiquant la vente aux enchères doivent tenir un registre (art. 16 LTBC). Ce registre doit notamment comprendre le nom et l’adresse du fournisseur ou du vendeur (art. 16 LTBC) mais il ne doit pas comprendre, à teneur du texte légal, l’identité de l’acquéreur. On peut s’en étonner. La traçabilité du bien culturel n’est ainsi pas assurée sur l’entier de la chaîne de transfert.

Page 121: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

111

institution destinée à préserver l’intérêt général. La société ne peut en effet accepter que les procès puissent se perpétuer à l’infini » 136.

a) Acquisition légale de la propriété par prescription acquisitive (de bonne foi)

Le mécanisme de la prescription acquisitive conduit à l’acquisition (légale) de la propriété.

On observe des différences substantielles selon les systèmes, sachant que les pays de droit anglo-américain ne connaissent pas ce mode d’acquisition en raison de la règle « nemo dat » 137. Les règles régissant l’acquisition par prescription sont fréquemment régies par le droit commun, sans égard à la spécificité des biens culturels. Cependant, certains États prévoient des règles particulières applicables aux biens culturels.

Le mécanisme de la prescription acquisitive peut entraîner l’acquisition (légale) de la propriété. Nous présentons ci-dessous quelques droits nationaux à titre d’exemple, représentatifs des systèmes de droit en vigueur dans les États membres de l’Union.

En droit allemand il y a prescription acquisitive lorsque le possesseur est en possession d’une chose à titre de propriétaire pendant dix ans et sans interruption. Le droit allemand connaît la règle de jonction des possessions. Le temps de possession en bonne foi d’un tiers (prédécesseur) vaut pour l’ayant droit. La possession ne joue pas seulement en cas d’acquisition dérivée (par contrat de vente, par exemple), elle peut aussi être la conséquence d’une acquisition originaire, par exemple la découverte d’une chose perdue.

La bonne foi concernant le droit de propriété est généralement présumée par la loi (§ 937 al. 2 BGB). Par conséquent, le véritable propriétaire qui revendique son bien doit démontrer la mauvaise foi du possesseur. Cette règle correspond à l’acquisition de bonne foi selon le § 932 al. 1 BGB. La bonne foi doit alors être présente tant au moment de l’entrée en possession, que durant les dix années qui suivent.

À la différence du § 932 al. 1 BGB, le moment décisif pour apprécier la mauvaise foi n’est pas celui où l’aliénateur dispose du bien ou celui auquel l’acquéreur trouve une chose perdue. Il faut que ce dernier croit être le véritable propriétaire pendant un délai ininterrompu de dix ans faisant suite à la prise de possession. Cependant, dans le domaine du patrimoine culturel, la considération de la bonne foi en matière de prescription acquisitive obéit à des

136 C. Eyben, « Quels délais pour la prescription, rapport belge », in P. Jourdain, P. Wéry (dir.), La prescription extinctive, Etudes de droit comparé, Bruylant, 2011, p. 4 137 On ne peut acquérir plus de droits que celui dont on tient son droit. Si le vendeur n’est pas le véritable propriétaire, par conséquent, on ne peut le devenir.

Page 122: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

112

exigences élevées. Dans la mesure où le domaine des biens culturels et des œuvres d’art est un domaine sensible, où l’origine du bien et l’identité du propriétaire sont souvent documentés, il incombe à l’acquéreur d’examiner de manière approfondie la provenance de l’objet en question. Pour établir la preuve de la mauvaise foi, il suffit de prouver que les circonstances donnaient matière à une clarification de la provenance ; en revanche, il incombe à l’acquéreur de prouver qu’il a pris toutes les mesures à sa disposition. De cette manière, le législateur prend en compte les intérêts du propriétaire tout en respectant les §§ 932, 937 BGB qui présument la bonne foi.

En droit suisse, les règles sur la prescription acquisitive sont assez proches de celles du droit allemand. En revanche, le délai prévu à l’art. 728 al. 1 du Code civil est, en général, de cinq ans au lieu de dix ans. Ceci dit, il y a une exception importante pour les biens culturels : pour ceux-ci le délai est de trente ans (art. 728 al. 1bis du Code civil).

En droit italien, la situation légale, à première vue, est similaire aux droits allemand et suisse. L’art. 1161 du Codice civile prévoit une prescription acquisitive après un délai de dix ans à condition que l’acquéreur soit de bonne foi. S’il s’agit d’un objet qui fait partie du domaine public (demanio pubblico), cette possibilité d’acquisition légale d’un titre n’existe pas (voir également l’art. 5 de la loi 88/1998), en raison du caractère imprescriptible de ces biens. Ceci est important à souligner car en Italie un très grand nombre d’objets d’une valeur culturelle sont soumis à cette exception.

Quant au droit français, les art. 2258 ss. du Code civil prévoient une prescription acquisitive (usucapion). En matière d’acquisition de meubles de bonne foi, la prescription acquisitive a un effet immédiat (art. 2276 al. 1 du Code civil), sauf en cas de vol ou de perte auquel cas le délai est de trois ans à compter de la perte ou du vol. Ces règles ne s’appliquent pas à tous objets d’une valeur culturelle car un certain nombre de biens sont déclarés imprescriptibles. C’est le cas des éléments mobiliers qui relèvent du domaine public (a. 2112-1 du Code général de la propriété des personnes publiques) ainsi que de certains biens culturels protégés, y compris lorsqu’ils sont privés (objets mobiliers classés au titre des monuments historiques, collections des musées de France, archives historiques).

Le droit espagnol prévoit une règle de prescription acquisitive à l’art. 1930 di Codigo civil. Cette prescription est considérée, selon l’art. 609 du Codigo civil, comme un des modes d’acquisition de la propriété. En général cette règle s’applique également aux objets d’une valeur culturelle. Certains biens meubles déclarés d’une valeur culturelle échappent cependant à la prescription acquisitive. C’est aussi le cas des objets inventoriés et appartenant aux entités ecclésiastiques ainsi que les biens meubles faisant partie du patrimoine historique et appartenant à l’État. On retrouve une figure similaire à celle des

Page 123: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

113

droits italien, français, belge, suisse, la figure du domaine public à laquelle s’attachent les règles d’imprescriptibilité et d’inaliénabilité. Une exception originale concerne les biens culturels qui ont été exportés sans autorisation préalable. Cette dernière règle est particulièrement intéressante si l’on examine les possibilités de créer un régime de droit civil qui protège les biens culturels plus efficacement contre le trafic illicite.

En Pologne, un projet de loi propose une règle intéressante : un nouveau registre national d’objets culturels perdus serait créé, et tout objet figurant dans ce registre ne pourrait plus être acquis selon les règles de prescription acquisitive. Actuellement, même si un objet a été volé et figure dans un registre d’objets volés le possesseur peut revendiquer sa bonne foi, et après un délai de trois ans il peut acquérir la propriété (art. 174 kodeks cywilny k.c.). La nouvelle règle qui a été proposée vise à empêcher une telle prescription acquisitive.

b) Prescription extinctive

La prescription extinctive est l’expiration d’un certain délai de temps qui autorise l’obligé à refuser de fournir la prestation. L’expiration d’un certain délai entraîne donc soit l’abrogation soit l’extinction de l’action en revendication. • Systèmes qui appliquent la règle de prescription extinctive Dans plusieurs États, la prescription extinctive est possible quelle que soit la

nature de l’objet. C’est le cas en droit allemand. D’après l’art. 197 al. 1 n°1 BGB la revendication (art. 985 BGB) se prescrit après 30 ans. Comme l’énonce l’art. 214 al. 1 BGB, après que la prescription a eu lieu, le débiteur dispose d’un droit irréversible de refuser la fourniture de la prestation. D’après la conception du droit allemand ce n’est donc pas le droit de propriété qui se prescrit mais le droit à revendication qui découle du droit de propriété. Cela signifie que le possesseur d’un objet culturel perdu qui n’a pas acquis la propriété (de bonne foi) ni par ventes aux enchères ni par usucapion peut, après l’expiration de 30 ans, refuser la restitution de l’objet culturel bien que le propriétaire garde son droit de propriété. Il en résulte la possibilité que le droit de propriété et la possession soient durablement séparés l’un de l’autre, solution communément admise dans la jurisprudence et la doctrine. En dépit des critiques sur ce point 138 , lors de la réforme du droit des obligations allemand en 2002, le législateur a codifié expressément par une nouvelle

138 Par exemple G. Kegel, « Von wilden Tieren, zerstreuten Leuten umd versunkenen Schiffen. Zum Verhältn vom Besitnz umd Eigentum beweglicher Sachen », in H. C. Ficker, Festschrift (Mélanges) von Caemmerer, Tubingen, Mohn, 1978, p. 176 ; K. Müller, Sachenrecht Heymanns, 4ème éd. (1997), n°455 ; F. Peters, R. Zimmermann, Gutachten umd Vorschläge zum Uberarbeitug des Schuldrechts, Verlag Bundesanzeiger, 1981.

Page 124: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

114

version de l’art. 197 al. 1 n° 1 BGB la règle selon laquelle la revendication d’après l’art. 985 BGB est soumise à la prescription extinctive. • Systèmes dans les lesquels la prescription extinctive ne joue pas En droit suisse, la revendication ne fait pas l’objet d’une prescription

extinctive dans le cas où l’acquéreur est de mauvaise foi. L’art. 936 du Code Civil prévoit que celui qui est de mauvaise foi peut « en tout temps » faire l’objet d’une action en revendication. Et l’art. 127 du Code des Obligations (principe du délai décanal) ne s’applique pas à la rei vindicatio. Cette règle s’applique à tout objet mobilier et non pas aux seuls objets ayant une valeur culturelle.

La situation en droit italien est similaire. Selon l’art. 948 al. 3 du Codice civile la revendication (l’azione di rivendicazione) n’est pas soumise à la prescription. La solution vaut également pour le Royaume Uni selon une règle du Limitation Act 1980.

5.1.3.3. Bonne foi et due diligence

a) La règle de bonne foi dans les différents systèmes et ses effets principaux

Les notions juridiques de bonne foi et de due diligence ne reçoivent pas le même sens et la même portée selon les familles de droit, systèmes de common law et droits romano-germanistes.

Dans les systèmes romanistes qui ont intégré la règle « en fait de meubles, possession vaut titre », la notion de bonne foi est doublement utile. Elle concerne le droit des biens et plus spécialement le droit des biens culturels, deux dimensions qui doivent être prises en compte.

Elle est une condition d’acquisition de la propriété d’un bien culturel dans des délais qui peuvent varier mais qui restent relativement brefs (l’acquisition se réalise parfois même de façon immédiate quelle que soit la nature de la dépossession).

Elle peut aussi être une condition à l’indemnisation du possesseur contraint de restituer un bien culturel dont il s’avère, par exemple, qu’il a été volé à son légitime propriétaire ou illicitement exporté. C’est le cas dans la Convention d’UNIDROIT de 1995 sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, ou encore dans la directive de 1993 sur la restitution des biens culturels.

Dans un grand nombre d’États, la notion de bonne foi fait partie des dispositions du Code civil (Belgique, Autriche, Estonie, Allemagne, France, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Malte, Luxembourg, Pays-Bas, Roumanie, Slovaquie, Espagne) ou de lois particulières (Bulgarie, Suède).

Page 125: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

115

L’Autriche, qui a longtemps privilégié la solution d’une définition a contrario, a récemment adopté une disposition qualifiant la bonne foi (§368 al. 1 ABGB).

Dans les systèmes de droit anglo-américain, en vertu du principe nemo dat quod non habet, la bonne foi ne peut y jouer de rôle, du moins sous l’angle de l’acquisition. En effet, un bien volé ne peut faire l’objet d’une acquisition valable, fût-ce par un acquéreur de bonne foi. Cela ne signifie cependant pas que la notion de bonne foi ne joue pas un rôle dans ce système juridique : ainsi, par exemple, le délai de prescription de l’action en revendication du propriétaire dépossédé est-il différent si l’acquéreur est de bonne foi (six ans) ou de mauvaise foi (pas de délai de prescription).

b) Bonne foi et due diligence Par ailleurs, d’un point de vue terminologique, la notion de bonne foi côtoie

souvent celle de diligence requise. L’exigence de comportement diligent consistant à opérer les vérifications utiles en matière de provenance du bien peut être un critère ou un indice dans la caractérisation de la bonne foi. La notion de bonne foi, couplée à celle de due diligence, est un élément sur lequel se prononcent les tribunaux britanniques, en prenant en compte tous les éléments de l’affaire en question.

Les notions peuvent aussi être utilisées dans des contextes différents : ainsi, en droit suisse, le principe de la bonne foi est-il utilisé pour déterminer si le comportement de l’acquéreur lui permet de pouvoir prétendre avoir acquis un titre valable de propriété ; en revanche le devoir de diligence se réfère quant à lui à une obligation fondée sur le droit public qui exige que l’auteur du transfert d’un bien culturel ait respecté certaines normes de comportement.

Sur le plan international, on relève que les textes se réfèrent indifféremment aux deux notions de bonne foi ou de diligence, sans qu’il semble y avoir de justification particulière au choix de l’un ou l’autre des termes. Ainsi, le Premier Protocole de la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (art. I 4), ainsi que la Convention de l’UNESCO de 1970 (art. 7 b ii), mentionnent-elles la bonne foi de l’acquéreur, alors que la Convention d’UNIDROIT préfère parler de la diligence de l’acquéreur d’un bien culturel volé ou illicitement exporté (art. 4.4 et 6.2) ; de même, en droit européen, la directive 93/7/CEE du 15 mars 1993 relative à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre fait référence, elle aussi, à la notion de diligence requise 139 (art. 9.1 de la directive).

139 Article 9. Dans le cas où la restitution du bien est ordonnée, le tribunal compétent de l’État membre requis accorde au possesseur une indemnité qu’il estime équitable en fonction des circonstances du cas d’espèce, à condition qu’il soit convaincu que le possesseur a exercé la diligence requise lors de l’acquisition.

Page 126: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

116

La situation est complexe dans les droits nationaux, où la bonne foi est privilégiée. La notion de due diligence n’est que peu codifiée. La notion est soit absente, soit opératoire à la suite de la ratification de la Convention d’UNIDROIT 1995 140.

Seuls les Pays-Bas ont réalisé une réelle démarche de codification de la notion de due diligence. L’entrée en vigueur de la loi de transposition de la Convention UNESCO de 1970 définit clairement quelles sont les circonstances de l’acquisition qui doivent être prises en compte dans la définition de la bonne foi (art. 87a) et les démarches qui doivent être faites par les acheteurs. Les acheteurs sont de surcroît différenciés en acheteur (art. 87a § 1), marchand professionnel (art. 87a § 2) et commissaire-priseur (art. 87a § 3).

Il est intéressant de souligner que le droit allemand, qui ne considère pas la notion de due diligence, offre en revanche une définition de la notion de négligence dans le Code civil 141.

En Angleterre et au Pays de Galles, la notion de due diligence apparaît à la Section 5 du Money Laundering Regulations 2007. En revanche, la due diligence en matière d’acquisition de biens culturels n’est pas encadrée par la loi. Elle est néanmoins encadrée par de nombreuses actions du gouvernement, comme le confirme la publication par le DCMS en octobre 2005, de Recommandations pour les musées, les bibliothèques et les archives en matière d’acquisition et de prêt de biens culturels 142.

c) Règle de bonne foi et question de preuve

D’un point de vue procédural, la question de la bonne foi est le plus souvent liée à celle de l’existence ou non d’une présomption. En ce sens, l’on constate une certaine convergence des ordres juridiques nationaux relevant de systèmes de droit civil. La présomption de bonne foi existe en Bulgarie (art. 70 al. 2 Loi de propriété), en Estonie (art. 139 Presumption of good faith, General part of the civil code Act, 27.03.2002), en Grèce, en Hongrie (art. 4 § 4 Code civil), en Lettonie (art. 918 Civil law 28.01.2000) et en Lituanie (art. 4.26 Code civil 18.07.2000), à Malte (art. 532 Code civil), au Luxembourg (art. 2268 Code civil), aux Pays-Bas, en Pologne (art. 7 Code civil), en Roumanie, en Espagne (art. 434 Code civil), en Irak (art. 1148 al. 1 Code civil) et en Suisse (art. 3 al. 1 Code civil), en France (art. 2258, Code civil).

L’Allemagne quant à elle ne reconnaît pas la présomption de bonne foi.

140 13 États de l’Union y avaient accédé au 6 septembre 2011. 141 § 276 al. 2 BGB : « Agit avec négligence celui qui n’applique pas la diligence requise par la pratique des affaires » [traduction en français : G. Lardeux, R. Legeais, M. Pédamon, C. Witz, Code civil allemand, Juriscope, Paris : Dalloz, 2010]. 142 Accessible sur http://www.culture.gov.uk/images/publications/Combating_Illicit_Trade05.pdf.

Page 127: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

117

D’une façon générale, il semble que l’appréciation de la règle de présomption de bonne foi évolue vers une plus grande exigence du point de vue du comportement des acteurs. On observe en droit comparé que la jurisprudence a tendance à considérer l’acheteur de mauvaise foi non seulement lorsqu’il a eu connaissance de l’origine illicite du bien culturel mais encore si, compte tenu de ses compétences, il aurait dû savoir (par exemple dans la jurisprudence suisse ou dans la jurisprudence française, tendance perceptible dans certains arrêts).

C’est dans ce prolongement que certains droits nationaux, comme le droit néerlandais, ont pris en compte cette évolution de la jurisprudence. Le système de la charge de la preuve subsiste sur la tête de celui qui invoque la mauvaise foi de l’acheteur mais elle se déplace vers l’appréciation des diligences exercées lors de l’acquisition. La jurisprudence est d’une façon générale plus exigeante si l’acquéreur est un professionnel, marchand ou musée. En revanche, le fait qu’il puisse s’agir d’un collectionneur, même avisé, n’est généralement pas retenu par la jurisprudence, solution qui peut sans doute évoluer.

Pour autant, dans la plupart des systèmes considérés, l’acquéreur n’a pas véritablement un devoir de s’informer sur le pouvoir de disposer de la personne qu’il a en face de lui. Les juges allemands et suisses se sont posés la question et arrivent à la même solution : selon eux il n’existe pas un devoir général de se renseigner, mais si les circonstances l’imposent, l’acquéreur doit se renseigner. Pour les juges allemands cela est le cas lorsqu’il s’agit d’objets particulièrement précieux ; les juges suisses ont quant à eux étendu ce devoir aux domaines dans lesquels circulent des objets de provenance douteuse, tel le marché des voitures d’occasion ou celui des antiquités. Au vu de l’évolution de la pratique et en espérant que davantage d’affaires soient portées à la connaissance des juges dans des États où la Convention d’UNIDROIT de 1995 est entrée en vigueur, cette position pourrait évoluer.

De ce point de vue, l’une des grandes nouveautés introduites sur le plan international par la Convention d’UNIDROIT de 1995 est celle d’un renversement du fardeau de la preuve : ce n’est pas au propriétaire dépossédé de prouver l’absence de bonne foi de l’acquéreur ou du possesseur actuel, mais à ce dernier d’établir qu’il a agi avec la diligence requise (art. 4 al. 1er). La directive européenne de 1993 n’est pas allée aussi loin puisqu’elle a laissé le soin au législateur national de trancher la question (art. 9 al. 2 directive 93/7/CEE du 15 mars 1993).

L’on soulignera enfin, quant à cette question procédurale, que si la question se pose dans le cadre d’une procédure pénale, ce sera à l’accusation d’établir que les conditions objectives et subjectives de l’infraction, par exemple de recel, sont réalisées. En revanche, la personne mise en examen ou inculpée n’encourra aucune critique sous l’angle pénal (inculpation ou peine) si elle peut

Page 128: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

118

établir qu’elle a agi de bonne foi. Des exemples tirés du droit français ou du droit suisse le démontrent.

Cela étant, le droit comparé démontre que certaines exceptions vont empêcher la règle de la protection de l’acquisition de bonne foi de fonctionner : ainsi en droit allemand l’acquisition de bonne foi d’un bien volé n’est en principe pas possible (dans ce sens le droit allemand se rapproche du droit anglais), sauf en cas de ventes aux enchères publiques. Les droits autrichien (§ 367 al. 1 ABGB) et grec (art. 1038 et 1039 Code civil) retiennent la même solution. Le droit luxembourgeois prévoit que l’acquisition de bonne foi d’un bien volé n’est pas possible mais que celle d’un bien détourné par escroquerie l’est (art. 2279 al. 2 § 2 a Code civil). Le droit grec restreint encore les possibilités d’acquisition de bonne foi, en excluant d’office la possession d’un bien culturel sans justifier d’un titre de détention. L’absence de déclaration préalable de vente est aussi, en Grèce ou en Bulgarie notamment, un critère qui exclut l’acquisition de bonne foi. Dans les États qui prévoient la déclaration préalable de tout négoce en antiquités (notamment Grèce, Chypre, Roumanie, Bulgarie), l’achat d’un bien culturel auprès d’un marchand non assermenté est de facto considérée comme illicite et exclut le recours à la bonne foi.

Les droits espagnol, italien, français et suisse prévoient quant à eux que certaines catégories de bien sont inaliénables et imprescriptibles, ce qui exclut une acquisition de bonne foi. Cela est en particulier le cas des biens culturels qui appartiennent à l’État par le jeu des principes de la domanialité publique.

Dans un certain nombre d’États, la domanialité publique s’applique de lege aux biens archéologiques provenant du sous-sol.

Mais ces exceptions conférant à certains biens, le statut de biens hors commerce, ont une limite, celle de la territorialité des lois régissant le domaine public.

Ces biens en grande partie indisponibles, appartenant par hypothèse à l’État ou à une collectivité publique pourront, le cas échéant, faire l’objet d’une acquisition de bonne foi à l’étranger par le biais du jeu des règles de conflit de lois. Le seul moyen d’éviter cet effet de l’internationalité du trafic illicite des biens culturels serait de prévoir l’application de la loi de l’État d’origine (lex originis) en lieu et place de la loi du lieu de situation du bien (lex rei sitae). Rares sont ceux, à l’exception de la Belgique, qui ont pour l’instant suivi ce chemin.

Il faut ajouter que la règle de possession peut bien bénéficier au propriétaire public, par exemple aux détenteurs de collections muséales publiques.

Pour exemple, en matière de dons de biens culturels aux institutions muséales, la jurisprudence luxembourgeoise est constante depuis le début du XXe siècle et consacre le fait qu’il suffit que la possession ait été paisible dans

Page 129: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

119

son origine pour que le don manuel soit valide, les contestations qui surviennent dans la suite ne sauraient plus modifier une situation irrévocablement acquise.

d) Critères de la bonne foi Quant aux critères de la bonne foi, l’étude du droit comparé donne un

certain nombre d’indices. Il s’agit indiscutablement, comme le soulignent notamment les jurisprudences française et espagnole, d’une question de fait dont l’appréciation doit être laissée au juge. Toutefois, l’on constate qu’un faisceau d’indices aidera le juge à décider si l’acquéreur est de bonne foi ou non. Le prix payé est un élément central (le critère du vil prix est assez communément reçu dans les systèmes qui connaissent la règle de la bonne foi ; le code civil maltais prévoit explicitement ce critère, à l’art. 559 § 2, comme constitutif de mauvaise foi), ainsi que le moyen de paiement utilisé ; la qualité des parties à la transaction est importante, la rapidité avec laquelle la transaction s’est opérée ; la qualité des documents qui accompagnent l’objet (certificat d’exportation par exemple) ; la consultation ou non des données disponibles, voire une investigation plus poussée en cas de doutes, sont également des facteurs importants.

Dans certains États (notamment en droits allemand et grec), la mauvaise foi peut être établie si le possesseur a eu ou aurait dû avoir connaissance s’il n’avait fait preuve d’une négligence grossière, de l’importation illicite 143.

La jurisprudence suédoise considère de manière constante que l’inscription d’une pièce dans la base de données INTERPOL des objets d’art volés rend difficilement plaidable la bonne foi de l’acquéreur, surtout chez le professionnel ayant conclu la vente.

La qualité de l’acquéreur influe sur la détermination de la bonne foi, et dans quelques États (notamment en Angleterre), il peut être difficile d’arguer de la bonne foi d’un marchand d’art professionnel.

e) Pratiques des acteurs On observe depuis quelques années que certains acteurs exercent une plus

grande vigilance lors de l’acquisition d’une œuvre sur la provenance licite de l’œuvre. C’est plus perceptible dans le milieu des musées et des conservateurs dans lesquels il semble que, contrairement à des pratiques antérieures, l’existence d’un doute sur l’origine de l’œuvre conduit à la décision de ne pas acheter. Dans les pays baltes, les contrats d’acquisition conclus par les musées lettons et estoniens stipulent précisément que les institutions ont agi de bonne

143 « Le trafic de biens culturels dans les États membres de l’Union européenne et en Suisse. Questions complémentaires », SAEI-Bureau de droit comparé, Ministère de la Justice (France), 2008.

Page 130: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

120

foi. La pratique de la plupart des États démontre que dans le cas d’une acquisition, les institutions muséales doivent se tourner vers leur autorité de tutelle. Certains États ont introduit cette obligation dans la loi, comme la Slovénie.

Les maisons de vente et marchands ont sans doute un niveau d’exigence moindre que les institutions muséales même si d’une façon perceptible aussi, les comportements évoluent. Les raisons de cette évolution sont essentiellement économiques, puisqu’un bien dont la provenance est renseignée de manière fouillée voit sa valeur augmenter. Certains interlocuteurs soulignent également qu’une provenance insuffisamment documentée engagerait leur responsabilité. Le risque d’enfreindre les recommandations des codes d’éthique des marchands d’art serait un frein à la vente d’objets douteux pour la plupart des marchands. Enfin, quelques-uns des acteurs du marché indiquent faire appel à des experts spécialisés tant pour établir l’authenticité d’un objet que pour documenter sa provenance.

Il ne semble pas que les collectionneurs privés aient radicalement modifié leur attitude. Seules les pièces de grande qualité suscitent des questions fournies sur la provenance.

Afin d’encadrer les pratiques d’acquisition de tous les acteurs, la Grèce a établi un certain nombre d’obligations pour les particuliers (art. 31 § 6 Loi 3028/2002), les marchands d’art et d’antiquités (art. 32 § 6 Loi 3028/2002) ou les musées reconnus (art. 45 § 9 Loi 3028/2002).

5.1.3.4. Contrôle des acquisitions publiques La question concerne les modalités de contrôle des acquisitions de la part

d’institutions publiques telles que musées, bibliothèques, institutions patrimoniales, du point de vue de la provenance des biens. Plusieurs systèmes coexistent, avec un niveau d’exigence variable.

Les règles interdisant l’acquisition en cas de doute sur la provenance relèvent la plupart du temps du ressort de la déontologie.

L’exigence d’une vigilance accrue des acteurs publics en matière d’acquisition de biens culturels est abordée dans plusieurs normes de sources diverses. L’article 7 a) de la Convention de 1970 prescrit que les États parties à la présente Convention s’engagent « à prendre toutes les mesures nécessaires, conformes à la législation nationale, pour empêcher l’acquisition, par les musées et autres institutions similaires situés sur leur territoire, de biens culturels en provenance d’un autre État partie à la Convention, biens qui auraient été exportés illicitement après l’entrée en vigueur de la Convention… ».

Page 131: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

121

Le Code de déontologie de l’ICOM contient également des dispositions de ce type.

Les États développent des solutions diverses dans le traitement de cette question à la fois en de termes de méthodes normatives et dans le niveau d’exigence qui peut être plus ou moins contraignant.

a) Existence d’un contrôle des acquisitions publiques En amont, un certain nombre d’États instituent des procédures de contrôle

des acquisitions publiques, notamment par des moyens divers (contrôle de la tutelle institutionnelle, instances consultatives, …). Ce contrôle a en général pour objet de vérifier le bien-fondé d’une acquisition, en particulier sur un plan scientifique et patrimonial. À cette occasion, un contrôle de provenance peut s’exercer. Le degré d’exigence est variable selon les États. Dans le système français, les musées de France doivent consulter une commission scientifique avant toute acquisition. Dans le dossier constitué à cette fin, l’indication de la provenance doit être donnée. Mais il n’y a pas de contrôle particulier exercé sur ces informations.

Certains États pratiquent en revanche un contrôle minutieux de provenance. En Grèce le contrôle porte sur les documents d’importation, d’exportation, du titre d’acquisition et de toute autre information à propos de la provenance (propriétaires, possesseurs, détenteurs précédents, catalogues, photos, etc.). Le contrôle des acquisitions est effectué par le ministère de la Culture et du Tourisme.

La loi portugaise oblige les musées à vérifier la provenance des biens culturels avant toute acquisition. La loi estonienne institue également un contrôle d’origine des biens et précise un certain nombre de principes que doivent respecter les musées (Museums Act, 13/11/1996, la loi ne concerne en général que des musées de l’État, de municipalités et de personnes morales du droit public). Il s’agit notamment de : (a) l’obligation de vérifier l’origine du bien, (b) de la documentation par un acte juridique de toute acquisition de biens culturels. Ces principes sont reflétés dans le texte juridique de la manière suivante 144 :

a) « Upon replenishment of a museum collection, the museum shall, within available means, ascertain the origin of a thing of cultural value such that the museum collection would not contain things which have been acquired illegally in Estonia or in another state or have been exported illegally from another state » (Art. 16.2);

b) « The handing over and receipt of a museum object shall be documented in the form of a legal instrument which sets out the person who hands over

144 La traduction anglaise du texte est tirée de www.legaltext.ec (site officiel).

Page 132: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

122

and the person who receives the museum object, the date of handing over, the date of the initial registration and the number of the museum object and its condition at the time of handing over » (Art. 17.3).

En Slovaquie, les musées qui souhaitent acquérir un objet, de quelque manière que ce soit (achat, don, legs…) doivent soumettre l’objet à une commission de constitution des collections. Chacun des objets soumis à la commission doit être accompagné d’informations de base, comme le nom du précédent propriétaire. Un musée ne peut pas décider d’acquérir un bien issu de fouilles illicites (§ 9 al. 7 Loi 206/2009).

Il existe en droit suisse une disposition qui interdit l’acquisition d’œuvres de provenance illicite par les musées nationaux.

En vertu de l’article 15 de la LTBC : « 1. Les institutions de la Confédération ne doivent ni acquérir ni exposer

des biens culturels : a. qui ont été volés, dont le propriétaire a été dessaisi sans sa volonté ou qui

sont le produit de fouilles illicites ; b. qui font partie du patrimoine culturel d’un autre État et qui en ont été

exportés illicitement. 2. Les institutions de la Confédération à qui de tels biens sont proposés

informent sans délai le service spécialisé ». Cette disposition ne s’applique qu’aux musées nationaux et non aux musées

placés sous la responsabilité des cantons ou autres collectivités territoriales, qui sont de leur compétence.

Les obligations prennent leur source non pas seulement dans des textes mais également dans des normes déontologiques.

Au Royaume-Uni, un certain nombre de prescriptions sont édictées dans des guides pratiques afin d’encadrer les acquisitions réalisées par les musées (notamment le Museums Association’s Ethical Guidelines on Acquisition de 2004).

Le ministre de la Culture de Bavière a adopté plusieurs directives en 2001 et 204 selon lesquelles, en cas d’acquisition, notamment lorsque celles-ci datent d’avant 1945, une expertise doit être demandée au préalable.

Enfin, certains musées développent des pratiques de vigilance lors d’acquisitions. Certains musées allemands envoient leurs demandes à une institution compétente en matière de recherche de provenance.

Le Romisch Germanisches Zentramuseum (RGZM) a souligné que la justification de la provenance légale du bien concerné était décisive lors de l’acquisition. La justification peut se faire par la production de documents officiels valables (par exemple autorisation de fouilles ou d’exportation,

Page 133: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

123

annonce de trouvaille) ou par la preuve d’une chaîne interrompue des propriétaires légitimes. Mais le RGZM a indiqué faire des exceptions à ce principe, s’il obtient l’objet gratuitement et si les circonstances laissent supposer que l’offreur ne va pas acquérir des antiquités de provenance douteuse (par exemple succession d’une veuve). Dans ce cas, le RGZM tente de trouver le propriétaire légitime et de le contacter pour la restitution. Si le propriétaire légitime ne peut pas être trouvé, le RGZM intègre le bien dans sa collection, sous réserve d’une restitution ultérieure au propriétaire.

En général les musées interrogés ne considèrent pas que l’acquisition d’objets puisse être guidée par la volonté de soustraire au marché un patrimoine archéologique particulièrement exposé au risque de pillage pour faciliter le retour dans le pays d’origine. Ils considèrent cette question d’un point de vue très critique. L’existence d’un état d’urgence, qui pourrait justifier une telle acquisition n’apparaît pas dans ces cas. On ne peut pas acheter un objet qu’il faut restituer ensuite.

Dans un grand nombre d’États, les institutions muséales se réfèrent au Code de déontologie de l’ICOM en la matière. Il semble que le degré de vigilance de ce point de vue se soit élevé depuis ces dernières années et que la règle selon laquelle le doute exclut l’acquisition est très généralement suivie par les professionnels 145. Certains États rendent obligatoire le respect du Code de déontologie de l’ICOM (c’est le cas aux Pays-Bas). Les musées ont aussi recours au UK Spectrum System, guide des procédures en matière de gestion des musées.

La centralisation du contrôle de provenance semble être une solution en cours dans certains États (ministère de la Culture en Grèce, Commission d’éthique installée par l’Association des musées néerlandais, Dutch Museums Association qui, notamment, conseille les musées sur le contrôle de provenance des biens et le respect de la bonne foi lors de l’acquisition).

b) L’existence d’un doute lors de l’acquisition Certains pays ont cependant introduit des règles contraignantes de ce point

de vue. En particulier en Grèce, l’article 45§8 de la loi 3028/2002 prévoit que tous les musées reconnus par l’État doivent notifier au Service Archéologique tout changement de l’état des biens culturels de leurs collections, toute perte ainsi que toute acquisition de biens culturels. Selon l’article 45§9, les musées privés ont l’interdiction d’acquérir ou de recevoir en prêt ou en dépôt des biens culturels pour lesquels il y a des indices qu’ils sont des produits de vol, de fouilles illicites ou d’autre action illicite ou qu’ils ont été acquis ou exportés en violation de la législation de l’État de leur origine. Face à une telle situation,

145 Constat donné lors de l’Atelier test musée du 8 juillet 2011 par les conservateurs. Sur la question de la déontologie, v. infra.

Page 134: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

124

les musées privés sont obligés d’en informer sans retard le Service Archéologique. S’agissant des acquisitions, les musées privés sont obligés de déclarer auprès du ministère de la Culture les monuments importés ou acquis en Grèce. L’abstention de l’acquisition ou de l’acceptation des biens culturels pour lesquels il y a des indices qu’ils ont été acquis ou exportés en violation de la législation de l’État d’origine est valable également pour les musées du domaine public.

Aux Pays-Bas, lors d’une vente, d’un legs ou d’une donation à un musée, des archives ou une bibliothèque, s’il existe un doute selon lequel l’objet concerné par la transaction pourrait être le produit d’un trafic illicite de bien culturel, les institutions en cause se tournent vers le Netherlands Police Agency/Police ou le Culturel Heritage Inspectorate. Ces services procèdent à une enquête afin de déterminer l’origine du bien. Si celle-ci s’avère illicite, les mesures nécessaires sont prises afin de retourner le bien en cause à son propriétaire légitime.

Dans un certain nombre d’États, il semble que, sans qu’il y ait de normes contraignantes, les institutions muséales s’abstiennent d’acquérir en cas de doute sur la provenance du bien culturel (Autriche). La référence au Code d’éthique est fréquemment citée, parfois reprise dans des chartes ou codes nationaux (les musées néerlandais, les musées allemands…, la France).

En Autriche existe une interdiction pour les musées privés d’acquisition ou de détention à titre de prêt ou de dépôt des biens culturels pour lesquels il y a des indices qu’ils sont issus d’un vol, d’une fouille illicite ou d’une autre action illicite ou qu’ils ont été acquis ou exportés en violation de la législation de l’État d’origine. Face à ce type de situation, les musées privés doivent notifier sans délai le Service archéologique (art. 45§9 de la loi 3028/2002). L’abstention d’une acquisition en cas de doute est également valable pour les musées publics.

c) Acquisitions publiques et patrimoines à risque Le fait que le bien puisse provenir d’une zone de conflit conduit en général

à une vigilance accrue des acteurs (mentionné par le Musée d’histoire régionale en Bulgarie). Des avis supplémentaires sont demandés.

Les musées allemands concernés (BSGS, RGZM, SPK) prennent en considération les biens culturels venant de zones de conflits.

Le RGZM a désigné toutes les régions dans lesquelles ont été découvertes des antiquités comme « zones de conflits ». Celles-ci étaient, au regard du marché des antiquités, en danger de pillage massif, de fouilles illicites et de recel. Le RGZM effectue donc une diligence spéciale quant aux objets de provenance de zones de conflits politiques (notamment de l’Irak) et tente

Page 135: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

125

d’obtenir de la police qu’elle saisisse les objets concernés et procède à leur restitution.

5.1.3.5. Contrôle des ventes en ligne

a) Pratique actuelle des États Sur la base des réponses apportées par les interlocuteurs contactés dans le

cadre de la présente étude, le portrait de la pratique du contrôle des acquisitions sur Internet peut être rapidement brossé.

Un ou plusieurs agents d’un département spécialisé effectue – en plus de ses autres tâches – une surveillance des ventes sur Internet. Ces agents se trouvent au sein d’autorités variées. Ils dépendent de directions spécialisées de la Défense (Italie), de l’Intérieur (France, Roumanie, Portugal), de la Culture (Grèce, Chypre, Pologne, Danemark, Hongrie, Croatie, Estonie, Lettonie) ou d’institutions culturelles (Slovénie). Le contrôle débute généralement par les ventes proposées par les sociétés de vente et les galeries traditionnelles, puis par des recherches aléatoires sur des sites de courtage et enfin sur l’intégralité du Web. Ces recherches sont menées sur la base de mots clés correspondant aux biens particulièrement concernés par le trafic. L’ampleur de la tâche est telle qu’elle n’est réalisée que de manière lacunaire, même dans les États qui comme l’Italie procède à un monitoring quotidien et en lien avec la base de données nationale des biens volés.

Il s’agit par conséquent d’une surveillance manuelle et lacunaire, réalisée par des agents spécialisés mais qui ne sont pas dédiés à cette tâche. Aucun État ne rapporte l’utilisation d’un logiciel de reconnaissance d’images. Certains États déclarent ne pas surveiller les ventes sur Internet (Bulgarie), d’autres n’agir que sur demande particulière et au cours d’enquêtes (Espagne).

Dans certains États, comme la Roumanie, la surveillance d’Internet est de la compétence d’unités spécialisées, qui ne se concentrent donc pas sur le trafic de biens culturels mais travaillent d’une manière générale à la lutte contre le crime organisé et le terrorisme.

La vente de biens culturels sur des sites spécialisés ou par le biais de mise en relation sur des forums n’est pratiquement pas contrôlée, en raison de la complexité de la tâche. La multiplicité des sites et l’ampleur du web contribuent à cette absence de contrôle.

Il convient par ailleurs de souligner qu’une étude néerlandaise arrive à la conclusion que le trafic illicite de biens culturels sur Internet ne concerne que

Page 136: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

126

les biens de moindre valeur ou de valeur inconnue 146. Cette remarque pourrait se vérifier pour l’ensemble des patrimoines.

b) Dispositions légales et pratiques destinées au contrôle des acquisitions dans les États membres

D’un point de vue législatif, il n’existe pratiquement aucune disposition propre aux ventes de biens culturels sur Internet. Certains (rares) États les prévoient et ont développé un cadre juridique à leur réalisation, selon des critères précis, comme la France. Cet État a, antérieurement à la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information et notamment du commerce électronique dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique ») 147, prévu la tenue de ventes aux enchères sur Internet et en a exclu les opérations de courtage, tout en prenant en compte la spécificité des biens culturels (art. L. 321-3 Code de commerce). Dans leur ensemble, les États n’ont pas tiré parti de la transposition de la directive sur le commerce électronique pour encadrer les ventes en ligne. La logique qui domine est celle du droit de la consommation commun. Il est néanmoins intéressant de souligner que l’Italie prévoit, à l’art. 12 lit. d du Décret 70/2003, une obligation d’information sur les codes de conduite applicables. En Suède, un droit de rétractation de 14 jours est garanti pour tout achat sur Internet alors que cela n’est pas le cas dans les commerces traditionnels 148.

Les différentes situations par lesquelles des biens culturels sont échangés sur Internet rendent très complexe la surveillance des acquisitions. D’une manière générale, les mêmes obligations existent pour la vente en ligne de biens culturels lorsque celle-là est proposée par les maisons de vente traditionnelles. De même, l’aliénation sur Internet d’un bien culturel inscrit doit être notifiée de la même manière qu’une aliénation par des voies plus classiques, à l’autorité compétente. L’application de ces exigences pour les biens identifiés et par les maisons classiques semble relativement bien fonctionner. Certains États (Grèce, Roumanie) indiquent néanmoins que la circulation des informations entre les maisons de vente et les autorités compétentes pourrait être améliorée.

En revanche, la vente de biens non identifiés (produits de fouilles archéologiques, objets maquillés, objets cultuels non inventoriés et volés…) est bien moins encadrée. En théorie, les dispositions de droit commun

146 V. B. Bieleman, R. van der Stoep, H. Naayer, Pure art, Preventive crime analysis of the Dutch art and antiques trade, Intraval: Groningen-Rotterdam, September 2007, p. 39. 147 JO L 178 du 17.07.2000. 148 Source association des consommateurs suédois : http://www.konsumentverket.se/otherlanguages/English/Consumer-rights/Right-to-cancel-a-purchase.

Page 137: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

127

s’appliquent a minima. La vente et l’acquisition de biens volés sont sanctionnées mais la probabilité d’interrompre une vente illicite, d’identifier et de localiser le vendeur, l’acheteur et le bien culturel, est faible. Afin de tenter de pallier ce problème, certains États ont décidé de renforcer la coopération avec les sites de courtage et de conclure des mémorandums qui encadrent l’échange d’informations 149.

Un contrôle a posteriori des acquisitions, par exemple lors de l’importation d’un bien acheté à l’étranger, n’est pas vraiment possible non plus. En effet peu d’États possèdent actuellement des certificats d’importation opératoires (l’Italie en délivre contre paiement, la Grèce en prévoit un). Quelques États disposent de déclarations d’importations (Espagne). De plus beaucoup de ces biens sont importés par des biais peu surveillés ou protégés, comme les envois postaux (en France, le principe du secret de la correspondance interdit toute surveillance des échanges postaux).

c) Accords et mémorandums de coopération avec les sites de courtage en ligne

Dans la démarche de surveillance des ventes de biens culturels sur Internet et dans une volonté de lutter contre le trafic illicite, quelques États ou institutions étatiques ont conclu des accords avec des sociétés de courtage. Ces accords peuvent revêtir une forme officielle (Suisse, Pologne) ou celle de principes résultant de rencontres informelles avec la police (en Allemagne et en Autriche) ou les institutions (Royaume-Uni). Ces accords ou principes concernent plus particulièrement la vente en ligne de biens archéologiques.

Ainsi, au Royaume-Uni, un accord de partenariat a été conclu entre eBay, le British Museum et le Museums, Libraries and Archives Council (MLA), sous le titre « Ebay partners with British Museum and Museums, Archives and Libraries Council to protect British treasures » en octobre 2006. Il s’agit d’un accord qui vise indirectement la protection des biens archéologiques découverts sur le territoire de l’Angleterre, du Pays de Galles et de l’Irlande du Nord. Aux termes de cet accord, il est prévu qu’un organisme (le Portable Antiquities Scheme ; PAS) mette en place une équipe en charge de la surveillance des ventes sur eBay.co.uk. En cas de vente d’un bien illicite, le PAS avertit l’unité spécialisée de la police (Art and Antiques Unit of the Metropolitan Police) et eBay UK. Ce dernier s’est engagé 150 à mettre un terme aux annonces concernant des biens illicites.

Dans ce contexte, un guide très complet (Antiquities buying guide) a été élaboré par eBay, en collaboration étroite avec le Portable Antiquities Scheme

149 Voir ci-dessous partie sur les mémorandums conclu avec eBay. 150 V. http://www.britishmuseum.org/pdf/eBay%20partnership.pdf.

Page 138: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

128

et le British Museum pour aider les vendeurs et acquéreurs d’objets archéologiques (antiquities) à respecter les obligations légales découlant du Treasure Act (1996). Ce guide est disponible sur un site 151 où l’on trouve également des indications relatives à l’achat de biens culturels et d’archives.

En Allemagne et en Autriche, les autorités ont participé à l’élaboration de principes, mais il ne s’agit pas d’un accord formel 152. Dans les deux États, eBay exige une justification de provenance qui doit apparaître sur l’offre. Dans les pages d’informations générales d’eBay Allemagne figure un tableau classant les biens culturels en « vente interdite », « vente conditionnée à la présentation d’un certificat » et « vente libre » 153. Le non-respect des principes définis en Allemagne et en Autriche expose le vendeur à différentes sanctions, comme l’exclusion de la communauté eBay ou le retrait de son statut de « power seller ». En Allemagne, eBay a nommé un interlocuteur dédié aux questions de trafic illicite de biens culturels. Celui-ci sert de point de contact aux autorités des länder. La police judiciaire a quant à elle nommé un expert qui coordonne les travaux des autorités de poursuite pénale. Le rapport allemand souligne le succès de la coopération entre eBay et les services de police, le BKA dénombrant de 10 à 20 enchères sur eBay stoppées chaque semaine. Les raisons de retrait d’une vente sont autant l’absence de certificat qu’un certificat illisible. Il est intéressant de noter que tous les certificats annexés aux offres de vente n’ont pas la même valeur. Ainsi la plus grande prudence règne face aux certificats émis par le service des antiquités israélien. Les certificats délivrés par des représentants du marché de l’art sont acceptés au cas par cas. Enfin, en raison d’incertitudes sur leur validité, le BKA est en contact étroit avec l’autorité danoise qui délivre des certificats et avec la police danoise.

En Pologne, deux initiatives ont été prises. En premier lieu, un mémorandum a été signé entre la police et la société de courtage en ligne la plus populaire du pays, Allegro 154. Le texte de ce memorandum encadre la publication d’informations pertinentes sur le site. Il s’agit d’un accord qui engage la société Allegro à diffuser l’information mais qui ne modifie pas directement les relations entre les autorités, la société de courtage et les vendeurs. Il a donc un but de prévention du trafic sur le site même, avec mise en place de bannières d’information et réaction des gestionnaires du site lors de l’entrée de mots clés réputés douteux, et prévoit également une sensibilisation des utilisateurs durant l’assemblée annuelle de la communauté

151 V. http://pages.ebay.co.uk/buy/guides/antiquities/. 152 Les principes d’eBay sont accessibles pour l’Allemagne : http://pages.ebay.de/help/policies/artifacts.html et pour l’Autriche : http://pages.ebay.at/help/policies/artifacts.html. 153 V. http://pages.ebay.de/help/policies/artifacts.html. 154 V. http://www.policja.pl/portal/pol/562/30659/Wspolpraca_z_Allegropl.html.

Page 139: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

129

des vendeurs et une possibilité de contact direct, pour l’envoi d’informations, avec les « power sellers » (super sprezedawca). Sur la page du site de la police où se trouve le texte du memorandum, les principes recommandés par INTERPOL à la suite d’une réunion en 2006 apparaissent. La deuxième initiative a été, pour le National Heritage Board (NID), de rejoindre le programme de protection des droits de propriété intellectuelle du site Allegro afin de renforcer la lutte contre le trafic illicite 155.

La France, par le biais des réponses au questionnaire MOC « Internet et trafic illicite », fait mention d’un accord entre les Archives nationales et eBay. Il n’a pas été possible de consulter le texte mais une page de la rubrique « aide » d’eBay France 156 mentionne clairement l’interdiction de ventes de biens culturels et d’archives publiques, en renvoyant au site des Archives nationales.

Enfin hors de l’Union européenne, mais l’exemple est intéressant, en Suisse, un protocole d’accord a été conclu en juin 2008 entre eBay International AG (eBay) et l’Office fédéral suisse de la culture (OFC) 157. Cet accord mentionne dans ses considérants les recommandations du groupe d’experts INTERPOL sur les biens culturels volés des 4 et 5 mars 2008.

Dans ses conclusions, le groupe d’experts INTERPOL sur les biens culturels volés, qui s’est tenu dernièrement 158, encourage les pays membres à nouer une étroite coopération avec les plateformes de vente sur Internet conformément aux mesures élémentaires concernant les objets culturel mis en vente sur Internet, publiées conjointement par l’ICOM, INTERPOL et l’UNESCO en 2007. Ce texte formule un certain nombre de recommandations en direction des plateformes de vente sur internet 159.

Leur application en Suisse a motivé l’OFC, l’Office fédéral de la police (Fedpol) et la Conférence suisse des archéologues cantonaux (CSAC) à

155 V. http://allegro.pl/RightsProtectionCooperationProgram.php/company/?f=30&country=0. 156 V. http://pages.ebay.fr/help/policies/cultural.html. 157 V. http://www.news.admin.ch/message/index.html?lang=fr&msg-id=29602. 158 Conclusions, 8ème Réunion du groupe d’experts INTERPOL sur les biens culturels volés (Lyon, 5-6 avril 2011). 159 On peut notamment citer le premier article de ce texte qui encourage vivement les plateformes de vente sur Internet à afficher l’avertissement ci-après sur toutes leurs pages de vente d’objets culturels : « S’agissant des objets culturels mis en vente, il est conseillé à l’acheteur avant toute transaction de : (i) vérifier et demander que soit vérifiée la provenance licite de l’objet, y compris les documents attestant la légalité de l’exportation (et éventuellement de l’importation) de l’objet susceptible d’avoir été importé ; (ii) demander au vendeur de prouver qu’il est le propriétaire légitime de l’objet. En cas de doute, l’acheteur est invité à s’adresser en premier lieu aux autorités du pays d’origine et à INTERPOL, et éventuellement à l’UNESCO ou à l’ICOM ».

Page 140: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

130

convenir avec eBay Suisse de la nécessité de pérenniser une collaboration déjà satisfaisante 160. À cette fin, ils ont convenu qu’eBay modifierait les principes concernant les biens culturels archéologiques et les intégrerait dans les conditions générales du site. Ce faisant, elles font donc partie intégrale du contrat qu’eBay passe avec les usagers de sa plateforme. La modification des principes a conduit aux améliorations suivantes : interdiction de ventes d’objets figurant sur les Red lists de l’ICOM ou dans les accords bilatéraux conclus par la Suisse dans le cadre de l’application de la LTBC et obligation de produire avec la description de l’objet un certificat de provenance délivré par une autorité compétente.

Le recul nécessaire sur ces différents principes et accords, tous conclus durant les cinq dernières années, n’est peut-être pas suffisant pour en tirer des conclusions sur leur efficacité mais il semble néanmoins qu’il s’agit d’une attitude qu’il convient de développer et d’encourager. En effet les entretiens menés avec des représentants d’États ayant conclu de tels accords font tous ressortir une grande satisfaction.

5.1.4 Mouvement d’entrée et de sortie du territoire Le contrôle des mouvements de biens culturels obéit à des procédures

distinctes selon la destination et l’espace de circulation des biens culturels, qu’elle s’opère à l’intérieur de l’Union européenne ou à destination d’un État tiers. À cette complexité s’ajoute celle des compétences exercées tantôt par l’Union, tantôt par les États. L’Union européenne a développé un socle commun de règles unifiant les procédures de contrôle de la circulation en cas d’exportation de biens culturels vers les États tiers. Cet outil impose un contrôle unifié sur certains biens culturels, étant entendu que les États conservent la possibilité d’instituer un contrôle plus étendu. En outre, le contrôle de l’expédition du bien vers un autre État membre ou encore de l’importation quelle qu’en soit la provenance sont également du ressort des États. Il existe donc depuis le 1er janvier 1993 et l’ouverture du marché intérieur, un double cadre juridique pour assurer la protection du patrimoine culturel national : le cadre communautaire et le cadre national. Nous évoquerons successivement ces différentes situations. Il n’est pas question ici de dresser un état exhaustif des différents systèmes, démarche qui sortirait du

160 Un communiqué de l’Office fédéral de la culture et de l’Office fédéral de la police (Fedpol) de décembre 2007 indique que la vente sur internet d’une tablette gravée d’origine irakienne a été bloquée grâce à la collaboration de la plateforme de vente aux enchères eBay. eBay a stoppé la vente, juste avant la conclusion de la transaction. Cette action a été conduite pendant les négociations menées entre l’OFC, la Fedpol et eBay. V. « La loi fédérale sur le transfert des biens culturels a trois ans », p. 2. Accessible sur http://www.bak.admin.ch/themen/kulturguetertransfer/03110/index.html?lang=fr.

Page 141: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

131

cadre de notre étude mais d’évoquer certains points saillants susceptibles de favoriser le trafic illicite 161.

5.1.4.1. La circulation à l’intérieur de l’Union européenne Le contrôle de circulation à l’intérieur de l’Union, de la compétence des

États, obéit à des techniques différentes, certificat ou autorisation d’expédition.

La majorité des États membres ne dispose pas d’un document qui permettrait aux biens culturels de circuler librement à l’intérieur de l’UE, sorte de système de passeport que pratique notamment la France. Ce certificat atteste de la capacité à circuler sur le territoire de l’Union mais doit être accompagné d’une autorisation d’exportation dès lors que le bien a pour destination un pays tiers.

La grande majorité des États de l’Union ont un système d’autorisation d’expédition en cas de sortie vers un autre État membre.

Le contrôle administratif des mouvements des biens culturels prend la forme d’une procédure standardisée qui doit être menée antérieurement à la circulation du bien culturel.

Dans ce cas, lors de la demande et la validation d’un document de circulation, les catégories et champs qui doivent être remplis par le demandeur et l’administration varient dans leur présentation, mais les informations minimales que sont la description exhaustive de l’objet, une photo et l’indication du propriétaire, se retrouvent dans les formulaires de tous les États membres. Les exigences de remplissage peuvent en revanche varier, et cela tient autant aux pratiques nationales qu’à la personne en charge du dossier dans l’administration. L’accompagnement au remplissage, que cela soit par des précisions directement sous les cases à remplir, par renvois explicatifs au dos du formulaire ou par un document annexe, est prévu dans tous les pays. Toutefois, la qualité et l’exhaustivité de ces informations peuvent être aussi synthétiques que fournies.

Les demandes sont d’abord vérifiées d’un point de vue formel et celles qui ne sont pas écartées pour un défaut de forme sont traitées sur le fond. Elles sont alors soumises à un organe, qui peut être un comité d’experts, des experts individuels, une commission spécialisée ou tout autre organisme prévu par la loi nationale. On observe ici la plus grande diversité dans les solutions

161 Un rapport récent fait un point précis sur l’application du Règlement, Rapport de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social relatif à l’application du Règlement (CE) n° 116/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 concernant l’exportation de biens culturels, 1er janvier 2000 - 31 décembre 2010, Bruxelles, 27 juin 2011, COM(2011) 382 final (maintenant cité « Rapport 2011 »). Ce rapport fait notamment le point sur les pratiques nationales quant à la délivrance des autorisations d’exportation.

Page 142: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

132

retenues par les États. Il faut également souligner que certains États membres ont décidé de confier le contrôle de la circulation à des institutions différentes selon la nature du bien culturel (notamment en ce qui concerne les livres et les archives).

Les autorités compétentes en matière d’autorisation de circulation sont soit des services centraux (par exemple Bulgarie, Chypre) soit des services déconcentrés (comme l’Allemagne ou la Roumanie). Les compétences des services déconcentrés sont parfois suspendues, notamment lorsqu’est demandée une autorisation de circulation pour un bien appartenant à la catégorie des « trésors nationaux » (c’est le cas en Allemagne par exemple, où la compétence des services des Länder est dans ce cas substituée au Beauftragter der Bundesregieurng für Kultur und Medien). D’autres États membres dissocient les compétences selon que la demande est formulée pour une sortie temporaire (service déconcentré) ou définitive (service central). C’est le cas notamment de la Pologne.

La procédure de contrôle de la circulation se ressemble sensiblement d’un État membre à l’autre. Le passage de la frontière est précédé de la présentation, au bureau de douane compétent, du bien culturel et de l’autorisation de circulation. Les agents des Douanes sont alors chargés de vérifier que l’objet correspond à celui décrit sur le document.

Parmi les États membres, certains ont développé au sein des Douanes des unités dédiées au contrôle des documents de circulation des biens culturels. C’est le cas par exemple aux Pays-Bas où le Central Licensing Unit for Import and Export of Cultural Goods s’occupe de la partie administrative des autorisations de circulation de biens culturels.

En Roumanie, la loi exige que tout bien culturel soit accompagné d’un document d’identification lors du passage de la frontière nationale. Il s’agit d’une « obligation de documentation ». Cela peut être soit une autorisation de circulation, soit un document attestant de l’exemption d’autorisation (comme par exemple une facture pour un bien récent) 162.

En dehors des contrôles effectués dans le cadre de la présentation d’une autorisation de circulation et qui se limitent à vérifier la qualité du bien et l’authenticité du document, les douaniers procèdent à des contrôles aléatoires.

162 La Pologne a récemment procédé à l’abrogation d’une disposition similaire. V. Olgierd Jakubowski, Centre pour la protection des collections publiques [Nimoz], « New laws regulating the control of export of cultural goods from the territory of the Republic of Poland », Conférence INTERPOL sur le trafic illicite de biens culturels en Europe centrale et de l’est (Vienne, 8 au 10 juin 2010). Nous remercions l’Institut de nous avoir transmis cet article et d’avoir contribué à cette étude par de nombreuses informations sur la Pologne, tout particulièrement MM. Olgierd Jakubowski et Piotr Majewski.

Page 143: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

133

5.1.4.2. Le contrôle à l’exportation vers les pays tiers

a) Régime unifié : socle commun à l’ensemble des États membres

Le Règlement (CE) n°116/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 (version codifiée) institue un socle commun de règles en assurant un contrôle uniforme des exportations de biens culturels aux frontières de l’Union européenne. Une procédure de soumission de demandes de licence via Internet a été introduite par le Règlement (CE) n° 656/2004 du 7 avril 2004 et son rectificatif du 8 juin 2004 163.

La soumission à un régime commun a pour objet de renforcer la solidarité entre États, faisant en sorte que chaque État contrôle la sortie vers les pays tiers de biens culturels issus d’autres États membres. Mais rien n’exclut que le législateur national adopte un système de contrôle plus contraignant s’agissant de son propre patrimoine, d’où une floraison de systèmes d’inégale portée dans les États de l’Union.

b) Variété des dispositifs légaux

La complexité de l’ensemble du système tient d’une part à la diversité des documents tenant notamment aux nombreuses versions linguistiques, d’autre part aux différences observées entre les procédures d’octroi des licences surtout dans les pays à structure régionale et/ou fédérale.

En ce qui concerne le champ d’application matériel des dispositions législatives relatives aux autorisations de sortie du territoire national, les différences entre les législations nationales sont encore plus marquées.

Certains États ont calé leur contrôle sur le champ matériel du Règlement. C’est notamment ce qu’a fait le droit français dans un premier temps, qui cependant a tenu progressivement à se démarquer du droit communautaire. Tout en conservant le système de liste de catégories de biens soumis à contrôle et la technique des seuils financiers et de datation, le décret de 1993 modifié en 2004 et 2006 a adapté à plusieurs reprises ces catégories. Apparaît par ailleurs depuis peu une distinction de régime de contrôle selon la destination du bien (Union européenne ou pays tiers), pour certaines catégories de biens. Cette distinction de régime n’est pas des plus lisibles et semble-t-il n’est pas un système répandu.

D’autres États ont des dispositifs propres plus ou moins libéraux.

163 Règlement (CE) n° 656/2004 de la Commission du 7 avril 2004 modifiant le Règlement (CEE) n° 752/93 portant dispositions d’application du Règlement (CEE) n° 3911/92 du Conseil concernant l’exportation de biens culturels, JO L 104 du 8.04.2004, et rectificatif, JO L 203 du 8.06.2004.

Page 144: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

134

Les pays du Sud, classiquement pays plus protecteurs, ont des législations qui contrôlent assez largement la sortie de leurs biens culturels. C’est le cas de la Grèce, de l’Italie, de l’Espagne, du Portugal. L’assiette du contrôle est plus étendue que dans le Règlement (CE) n° 116/2009 qui définit dans son annexe le bien culturel en quinze catégories, assorties chacune de seuils d’ancienneté et de valeur. Certains États membres ont instauré des catégories supplémentaires. Ainsi la loi chypriote sur les antiquités dispose, en ses articles 27 et 28, que les biens d’antiquités qui ne sont pas dans le champ d’application du Règlement et qui sont exportés soit vers un autre État membre, soit vers un État tiers, doivent être accompagnés d’une autorisation d’exportation. En Grèce, s’agissant des monuments tels que définis dans la loi 3028/2002 et qui ne sont pas compris dans la liste communautaire, leur déplacement n’est possible que si la décision ministérielle d’autorisation d’exportation ou d’expédition est accompagnée d’un certificat d’exportation/expédition, rempli par l’intéressé et par la Direction des musées, des expositions et des programmes éducatifs, ou par la Direction du patrimoine culturel moderne.

Des mesures d’assouplissement des catégories définies par l’annexe du Règlement sont prévues au choix des États membres (art. 2 tiret 2 al. 2). Selon les dispositions de cet article, les États membres peuvent ne pas exiger d’autorisation d’exportation pour les biens visés aux premiers et deuxième tirets de la catégorie A 1 de l’annexe I, lorsque les biens culturels offrent un intérêt archéologique ou scientifique limité. Cette faculté est sans préjudice d’un durcissement des critères pour certains autres biens. Par exemple en Estonie, l’Intra-Community Transport, Export and Import of Cultural Object Act ne s’applique pas aux documents archivistiques. Ils sont soumis aux règles instaurées par l’Archives Act du 25 mars 1998, qui indique en son article 39 que l’exportation de documents d’archives est possible à la condition de la délivrance d’un permis par l’Archiviste de l’État. Il en est de même pour les documents privés qui font partie d’un registre national des archives. La Lituanie a également établi une prohibition de circulation des archives.

Les pays plus libéraux sont les pays du Nord et le Royaume-Uni qui dispose d’un mode de contrôle original par la mise en œuvre des critères Wawerley (v. sur l’identification des biens culturels ci-dessus).

Les exigences de contrôle administratif sont sensiblement les mêmes pour une exportation vers un État tiers que vers un État membre. Certains États soumettent en revanche la demande à une autre commission que celle prévue pour l’exportation dans le territoire de l’Union européenne. D’autres ne font aucune différence.

Il faut souligner les efforts réalisés par certains États de rendre publique l’information sur la délivrance d’autorisations d’exportation.

Page 145: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

135

Au Portugal, les autorisations d’exportation sont publiées sur le site Internet de l’Institut des musées et de la conservation.

Le Danemark a développé une pratique intéressante avec certaines maisons de vente aux enchères. Antérieurement à la vente, la Commission en charge des exportations de biens culturels contrôle les catalogues et étudie les objets proposés à la vente. Elle rédige ensuite un rapport écrit qui indique quels sont les biens qui pourront, le cas échéant, obtenir une autorisation d’exportation.

Les contrôles effectués par les autorités douanières à la sortie du territoire sont les mêmes que pour la sortie d’un bien du territoire national et à destination d’un État membre. Il n’existe donc pas de différence notable, sur le plan technique, des contrôles effectués à la sortie du territoire communautaire par un bien culturel.

Certains États membres ont, conformément à la faculté offerte par l’article 5 du Règlement, réduit le nombre de bureaux de douanes compétents pour l’accomplissement des formalités d’exportation des biens culturels. C’est le cas notamment de la Bulgarie, qui a choisi d’attribuer cette compétence aux bureaux de douanes situés à proximité d’institutions dans lesquelles se trouvent des experts et qui peut par ce biais assurer une formation ciblée aux agents travaillant dans ces postes. La Grèce, l’Espagne, Chypre, le Luxembourg, la Hongrie, Malte, le Portugal et le Royaume-Uni ont eux aussi réduit le nombre de bureaux de douanes compétents.

5.1.4.3. Contrôle ou certificat d’importation

Le Règlement européen concernant l’exportation des biens culturels institue un contrôle unifié à l’exportation. Cependant, il ne prévoit pas de dispositif de vérification préalable de la licéité de l’importation avant la délivrance des autorisations d’exportation (l’Italie s’est opposée à l’exportation d’un trumeau du XVIIIe siècle vendu 15 millions d’euros, mais elle a perdu en justice car il s’agissait d’un bien français que l’Italie n’avait pas à protéger. Par conséquent, seule une enquête sur les conditions de sortie licite de France aurait pu permettre de donner raison à l’État italien).

Le contrôle de la circulation des biens culturels au moment de l’importation sur le territoire d’un État membre n’est pas une pratique répandue. En principe, l’importation de biens culturels sur le territoire douanier national n’est pas interdite. Les contrôles sont soit d’ordre technique, soit couplés à des obligations administratives.

En matière d’importation, seule la déclaration en douane doit en principe être effectuée. Cependant, comme toute autre marchandise, le bien culturel peut faire l’objet d’un contrôle sur l’espèce, l’origine et la valeur déclarées dans les formalités douanières ou sur l’absence de déclaration.

Page 146: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

136

Une exception importante concerne les biens iraquiens. Le Règlement (CE) n° 1210/2003 du 7 juillet 2003 164 prévoit, en son article 3, que tout mouvement de biens culturels iraquiens est interdit. Cette interdiction ne s’applique pas lorsqu’il est démontré que ces biens culturels ont été exportés d’Irak avant le 6 août 1990 ou qu’ils sont restitués aux institutions iraquiennes conformément à l’objectif de restitution en bon état défini au paragraphe 7 de la résolution 1483 (2003) du Conseil de sécurité des Nations unies.

L’Allemagne 165 et Malte 166 font théoriquement un contrôle plus large sur les biens culturels importés que les autres États membres. Il semble qu’en pratique, ce contrôle ne soit pas plus renforcé qu’ailleurs dans l’Union. Les réponses obtenues dans le cadre de cette étude permettent néanmoins de constater que les douaniers appliquent une approche basée sur la gestion des risques pour sélectionner les lots contrôlés.

La Suisse a adopté une solution relativement semblable. Les art. 24 et 25 OTBC 167 introduisent l’obligation de déclarer le bien en douane et de fournir toutes les pièces et informations nécessaires relatives au bien culturel (provenance mais aussi cadre légal du pays d’exportation).

Si certains États délivrent à titre facultatif des documents relatifs à l’importation (l’Italie, l’Espagne), l’institution d’une autorisation d’importation est rare. En Grèce, exception notable, certains biens sont soumis à une autorisation d’importation. Selon l’art. 33§1 de la loi 3028/2002, l’entrée des biens culturels sur le territoire est libre sous réserve des dispositions de la Convention UNESCO de 1970. Ledit contrôle est vu comme une mesure importante dans la lutte contre le trafic illicite des biens culturels. L’importateur de biens culturels est obligé de déclarer leur entrée sur le territoire national. Cette obligation de déclaration existe à l’égard de trois catégories de biens culturels :

– les monuments datant d’avant 1453 ; – les monuments postérieurs à 1453 et antérieurs à 1830, qui sont les

produits de fouilles ou d’autres recherches archéologiques, ou qui sont détachés de monuments immeubles, ainsi que les icônes et autres objets de culte de la même période ;

164 Règlement (CE) n° 1210/2003 du Conseil du 7 juillet 2003 concernant certaines restrictions spécifiques applicables aux relations économiques et financières avec l’Iraq et abrogeant le Règlement (CE) n° 2465/1966 du Conseil, JO L 169 du 8.07.2003. 165 § 14 Kulturgüterrückgabegesetz (KultGüRückG) ; Loi relative à l’exécution de la Convention de l’UNESCO du 14 novembre 1970 et à la transposition de la directive 93/7/CEE du Conseil du 15 mars 1993. 166 Art. 53 e Cultural Heritage Act. 167 Ordonnance sur le transfert international des biens culturels, RS 444.11.

Page 147: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

137

– des catégories homogènes de biens culturels meubles classés comme monuments par décision du Ministère de la culture et du tourisme, présentant une importance sociale, technique, folklorique, ethnologique ou historique particulière, à condition qu’ils soient rares, que leur détermination individuelle soit difficile et qu’il y ait risque de perte ou de destruction.

Un document spécial appelé « Déclaration d’importation / de mouvement des monuments » est rédigé en trois exemplaires (un pour le ministère de la Culture, un pour le service des douanes et un pour l’importateur) par l’importateur, sous la responsabilité du service compétent du ministère de la Culture (Agence régionale du service archéologique du lieu de résidence de l’importateur, sauf pour l’Attique, où l’agence compétente est l’Agence des collections archéologiques privées et des marchands d’antiquités). Si l’importation se fait par un État tiers, la déclaration s’effectue au bureau de douane d’entrée, qui avertit l’agence régionale compétente. Si l’importation se fait par un État membre de l’Union européenne, la déclaration est effectuée soit à la douane d’entrée (régime de transit communautaire), soit à l’agence régionale du service archéologique compétente.

Quelques États membres ont adopté d’autres solutions que l’autorisation d’importation. L’Italie par exemple a mis en place un système qui permet la délivrance d’un certificat d’importation, après demande et paiement d’un émolument.

5.1.4.4. La réglementation des sorties temporaires de biens culturels

Elle couvre notamment les biens culturels faisant partie des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique et qui ne peuvent quitter le territoire qu’à titre provisoire et sous des conditions encadrées de retour, de responsabilité, de durée, de conditions matérielles de détention.

Certains États membres éprouvent des difficultés à contrôler, de façon prompte et efficace, le retour du bien culturel temporairement exporté. Cela ne veut pas dire que le contrôle n’est pas effectué mais plutôt que les systèmes de gestion mis en place pour l’octroi de ces autorisations ne sont pas toujours efficaces, surtout lorsqu’il n’existe pas de base de données.

5.1.4.5. Les sources

Les réflexions liées aux thématiques de l’exportation et de l’importation sont tirées des sources suivantes 168 :

168 Les références complètes des rapports se trouvent dans la bibliographie des rapports et ouvrages cités.

Page 148: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

138

– La libre circulation des biens culturels au sein de l’UE (1998, Parlement européen).

– Rapport de la Commission sur la directive et le Règlement (2000, Commission européenne).

– Rapport du Parlement sur le rapport de la Commission sur la directive et le Règlement (2001, Parlement européen).

– Deuxième rapport de la Commission sur la directive (2005, Commission européenne).

– Troisième rapport de la Commission sur la directive (2009, Commission européenne).

– Document sur la protection des biens culturels contre le trafic (2009, UNODC).

– Rapport de la réunion des experts sur le trafic (2009, UNODC). – Recommandation des experts contre le trafic (2010, UNODC). – Rapports 2004 et 2007 sur les systèmes de traçabilité des biens

culturels dans les pays membres de l’UE et de l’EEE (rapports faits pour la Commission européenne).

– Note d’information sur la rencontre internationale à Rome sur la lutte contre le trafic illicite des biens culturels (2009, Direction générale des douanes et droits indirects, France).

– Rapport de la Commission sur le Règlement (2011, Commission européenne).

5.2. Sanctions La prévention et la lutte contre le trafic des biens culturels passent

également par la création et la mise en œuvre d’infractions pénales. Il faut relever au préalable qu’aucun des 27 États membres n’a établi une infraction spécifique de trafic illicite de biens culturels.

Plusieurs questions doivent être soulevées au regard de : • la définition générale du trafic adoptée dans le cadre de cette étude :

« déplacement de biens culturels effectué en violation des règles relatives au transfert de propriété et à la circulation de ces biens en vue de les vendre ou d’en disposer d’une quelconque manière ».

• l’article 2 de la Convention UNESCO de 1970 qui dispose que les États parties à la présente Convention reconnaissent que l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels constituent l’une des causes principales de l’appauvrissement du patrimoine culturel des pays d’origine de ces biens,

• l’article 1er de la Convention d’UNIDROIT de 1995 qui dispose :

Page 149: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

139

« La présente Convention s’applique aux demandes à caractère international : a) de restitution de biens culturels volés ; b) de retour de biens culturels déplacés du territoire d’un État contractant en violation de son droit réglementant l’exportation de biens culturels en vue de protéger son patrimoine culturel (ci-après dénommés « biens culturels illicitement exportés ») ».

Par ailleurs, la Convention européenne sur les infractions visant des biens culturels dite « Convention de Delphes » du Conseil de l’Europe (23 juin 1985) a dressé une liste d’infractions pénales dans son annexe III qui recense les infractions pénales susceptibles d’être commises en matière de biens culturels. Cette Convention, signée par six États, n’a jamais été ratifiée 169.

Chaque État membre de l’Union européenne a donc développé sa propre politique pénale en matière de droit pénal de fond.

5.2.1. Les services de police Plus de la moitié des États membres de l’Union européenne (14) ont établi

une police spécialisée dans la prévention et la répression du trafic de biens culturels. Leur compétence est généralement relative aux biens volés mais peut également s’étendre aux faux artistiques. Dans d’autres États, le domaine des biens culturels en situation illicite est rattaché à la police en charge de la criminalité organisée.

5.2.1.1. Les polices spécialisées

• Angleterre (Londres) Art and Antique Unit (AAU) : Metropolitan police - Londres

http://www.met.police.uk/artandantiques/) Ce n’est pas une police nationale mais londonienne. Ses membres sont en

nombre réduit en raison des contraintes budgétaires actuelles. Son existence même est remise en cause. • Allemagne En Allemagne il n’existe pas d’office de police spécifique pour la protection

des biens culturels. Les offices de police des Länder sont compétents pour la protection des biens culturels (nationaux et autres) dans le cadre de leurs pouvoirs généraux.

En principe, les services de police ne sont pas directement compétents en matière de trafic des biens culturels. Cette question relève plutôt des autorités compétentes pour la protection des biens culturels et des douanes. Sur ce

169 Signature par les États suivants : Turquie, Portugal, Liechtenstein, Italie, Grèce, Chypre.

Page 150: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

140

point, la police agit seulement comme aide administrative. En revanche, la police est compétente en cas d’infractions du droit pénal commun ou spécial.

Cependant une section spécialisée pour les délits commis contre les biens culturels existe sur le plan fédéral et également dans quelques Länder : l’Office fédéral de la police judiciaire (Bundeskriminalamt) a établi une section « SO41-24 Kunst/art crime unit ». Le Bundeskriminalamt est aussi le service « INTERPOL » en Allemagne. La section SO41-24 collectionne et exploite des informations, gère la base de données nationale, coordonne et soutient les enquêtes effectuées par les offices de police judiciaire des Länder (LKA) et locaux et dispose de contacts avec des experts et des commissions. En outre la protection du patrimoine culturel relève des offices de police judiciaire des Länder (Landeskriminalämter) qui, par exemple en Bavière, Hesse et à Berlin disposent aussi de sections spéciales : Le LKA Berlin a une section spécialisée uniquement pour les délits touchant aux biens culturels/œuvres d’arts (LKA 454), le LKA bavarois à Munich dispose d’une section d’enquêtes spécialisée pour les délits d’art « LKA Section 6 » et le LKA hessois d’un « service de coordination pour la protection des biens culturels » (section LKA 41). • Autriche Les services de police en Autriche disposent de quelque personnel spécialisé

en matière de biens culturels. Au niveau fédéral, l’Office fédéral de la police judiciaire (Bundeskriminalamt, BKA) est compétent pour les infractions en la matière. Il y existe une « section biens culturels » (« Kulturgutreferat »), qui est aussi le service INTERPOL en Autriche. Au niveau des Länder les Offices de police judiciaire (Landeskriminalämter, LKA) disposent généralement d’un ou deux commissaires spécialisés auprès des « sections vol » (« Ermittlungsbereich Diebstahl »). Les LKA sont soumis à la conduite centrale du BKA. Il existe une obligation d’information du BKA par les LKA. En fait, on constate une coopération étroite et bonne. • Belgique ART team (Bruxelles) Art Research Team, bureau policier central fédéral à Bruxelles qui récolte

les données de chaque arrondissement judiciaire, travaille avec eux, coordonne avec les instances étrangères et internationales. Deux personnes constituent cette équipe. • Chypre Office du patrimoine culturel de la police chypriote (Cultural property

Office). Au niveau national, l’Office du patrimoine culturel est responsable pour la

coordination des enquêtes. L’enquête et les opérations policières sont effectuées par les officiers et les agents des commissariats compétents

Page 151: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

141

territorialement. Il coopère de façon directe avec le département des Antiquités, l’Église de Chypre et le service des Douanes. • Espagne Brigada de Patrimonio Historico de la Policia Judicial. Une cellule centrale du corps national de Police, la Brigade du Patrimoine

Historique, occupe 20 personnes et travaille en liaison avec 125 personnes réparties en périphérie. Elle travaille avec le ministère de la Culture. • France Office Central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC) Cet office comporte une trentaine de personnes. Il est compétent pour les infractions de vol et de recel de biens culturels

ainsi que pour les faux artistiques. Il a des missions de prévention, de documentation, de répression, de coopération internationale et de formation.

Il est « autorité centrale » pour la France, au sens de la directive 93/7/CEE du Conseil du 15 mars 1993, chargée de mettre en œuvre les procédures de revendication et de restitution s’appliquant aux trésors nationaux ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre vers le territoire d’un autre État membre.

Il est relation avec un réseau de correspondants dans les services de police sur tout le territoire français. • Grèce Le service de police compétent en matière de protection des biens culturels

et de lutte contre le trafic illicite est le département de la lutte contre le trafic illicite des antiquités. Ledit département fait partie de la sous-direction de lutte contre la délinquance économique et financière de la direction de la sûreté du département d’Attique. Il est composé d’une branche stationnée à Athènes, d’un effectif d’environ 30 officiers et agents de police, et d’une branche stationnée à Thessalonique, d’un effectif d’environ 7 officiers et agents de police. Il s’agit d’une police spécialisée dans le domaine de la protection du patrimoine culturel, sans pour autant qu’une formation spécifique en la matière soit dispensée aux policiers appartenant à la force en question. • Italie Comando Carabinieri Tutela Patrimonio Cultural (CCTPC) C’est la plus importante force de police spécialisée en Europe (plusieurs

centaines). Ses moyens lui permettent non seulement de rechercher les biens culturels appartenant au patrimoine culturel italien mais aussi de rechercher les biens culturels des autres États et illégalement importés 170.

170 Pour des États tiers à l’Union européenne : en mai 2011, 37 objets précolombiens en provenance illicite du Pérou ; en juin 2011, d’autres objets archéologiques précolombiens en provenance illicite du Guatemala et du Costa Rica.

Page 152: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

142

D’autre part, cette police spécialisée vérifient périodiquement les sites italiens déclarés « patrimoine mondial » et protégés par l’UNESCO avec des supports opérationnels tels que des hélicoptères 171.

Enfin, la police organise des séminaires de formation à l’intérieur de l’Union mais aussi à l’extérieur qui sont ouverts non seulement aux forces de police mais également aux agents des ministères de la culture, aux restaurateurs de l’art, aux magistrats etc..

Enfin, la police spécialisée vient d’organiser en mai 2011, en collaboration avec l’unité italienne du CEPOL, un atelier sur le trafic des œuvres d’art volées auquel ont assisté 26 policiers venant de 15 États. • Lituanie Cultural and Art Values Theft Investigation Unit C’est une section au sein des services de police, dédiée spécifiquement aux

questions des vols des biens culturels – Division de l’enquête du vol des biens culturels et artistiques, Services de police criminelle 172. Selon les informations obtenues, il y a actuellement une seule personne qui traite ces questions et à la fin de l’année 2011 une réforme est envisagée. Il est possible qu’à la fin de cette réforme la section soit supprimée et que les vols des biens culturels, du point de vue de la structure de services, entre dans le cadre général de l’enquête des vols (Theft Investigation Unit). Pourtant, ce sont des réformes structurelles, ce qui n’exclut pas la possibilité qu’après la réforme la même personne continuera à travailler spécifiquement sur des questions de vols des biens culturels et artistiques. • Malte Cultural Heritage Crime Unit Il est composé de 4 policiers et il est responsable pour l’ensemble des îles

maltaises. Son personnel reçoit une formation spécialisée sur les méthodes d’enquête des infractions relatives aux biens culturels ainsi que sur les modalités et les réseaux d’un tel trafic. Toutefois, le Cultural Heritage Crime Unit ne s’occupe pas exclusivement des affaires de trafic des biens culturels, mais participe également à d’autre type d’enquêtes. En outre, l’enquête sur les infractions du trafic des biens culturels n’est pas centralisée et peut, par conséquent, être menée par chaque commissariat de police. Le Cultural Heritage Crime Unit coopère, au plan interne, avec la Superintendence of Cultural Heritage et les services des douanes et, au plan international, avec les polices des autres États membres de l’Union européenne et notamment des États voisins comme la Grèce, l’Italie et Chypre.

171 La police fait état de 56 vérifications en 5 mois avec un rapport vidéo de la situation. 172 En comparaison avec la Lettonie et l’Estonie et vu que le nombre de cas de vol des biens culturels reste relativement limité, c’est un cadre administratif favorable aux enquêtes dans ce domaine et l’expression d’une attention particulière consacrée à ces questions.

Page 153: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

143

• Pays-Bas Art and Antiques Crime Unit (AACU) La procédure mise en œuvre dans la lutte contre le trafic illicite des biens

culturels ne relève pas à titre principal de la police. Elle est de la compétence des douanes et du Cultural Heritage Inspectorate. La police dispose cependant depuis 2010 d’une unité spécifique, le Art and Antiques Crime Unit (AACU) qui appartient aux services de police néerlandais (niveau national) et travaille en étroite collaboration avec les douanes et le Cultural Heritage Inspectorate lorsqu’il s’agit d’enquêter sur une violation du code pénal et/ou lorsque ces services ont besoin de l’assistance de la police dans l’accomplissement de leur mission.

Même s’il n’a pas de rôle moteur, l’AACU est informé par les polices locales en cas de vol ou de recel et conservation de biens culturels. Dans ce cas, l’AACU apporte son soutien aux forces de police régionale dans le cours de leurs investigations. Autrement dit, l’AACU ne mène pas les investigations par lui-même. Lorsqu’il reçoit une demande d’aide de la part d’unités de police locales, il la transmet à la police régionale compétente.

Il arrive également que l’AACU reçoive une demande de pays étrangers ou d’ambassades. Dans ce cas, il vérifie qu’il y ait matière à procédure, mais ne peut requérir l’intervention d’une force de police régionale qu’après la réception d’une demande formelle de d’assistance judiciaire mutuelle émise par une autorité judiciaire compétente de l’état requérant. • Pologne Une unité spéciale au sein de la Police existe. Elle dispose de son propre

site Internet, très fourni, mais en polonais uniquement. On y trouve des textes législatifs, des nouvelles, des fiches pratiques (sur les objets d’art essentiellement) et l’accès à des bases de données nationales. • Portugal Le Portugal a une section de la police criminelle spécialisée dans la

prévention et la lutte contre les crimes concernant les biens culturels. • Roumanie Un service spécialisé a fonctionné de 2001 à 2009 ; il a été absorbé lors

d’une réorganisation des services. Il semble exister une forte demande pour sa revitalisation (questionnaire Police et Musée, réponses du NMAR) 173. Aujourd’hui, la protection du patrimoine culturel dépend du Département des enquêtes criminelles. Au niveau régional, l’activité est menée par 45 agents au total.

173 Le site d’information roumain ActMedia a publié un article le 6 juin 2011 sur les programmes financés par le FBI en Roumanie, parmi lesquels l’organisation de deux sessions de formation (notamment « Arts and Antiquities ») en 2011.

Page 154: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

144

Le Centre de coopération policière internationale est un Directorat de l’Inspectorat général de la police roumaine. Il est en charge de la coopération entre administrations au niveau national et international.

5.2.1.2. Conclusions

Là encore, dans le domaine policier, les situations sont très variables parmi les États membres de l’Union européenne. Plus de la moitié des États membres ont institué une police « spécialisée » mais, en dépit de cette spécialisation qui peut constituer un indice d’une politique pénale dans ce domaine, les réalités sont très différentes d’un État à un autre.

– Le nombre de policiers « spécialisés » varie de un ou deux policiers (Belgique) à plusieurs centaines (Italie). Les effectifs ne sont donc qu’en partie fonction de l’importance de la criminalité dans ce domaine puisque des États très concernés par le trafic (ex : Belgique) soutiennent très peu la répression.

– Les moyens sont également très variables selon que ladite police gère ou non une base de données des biens volés.

– La surveillance des ventes en ligne ressort de la compétence de toutes les polices interrogées mais cette surveillance est soit inexistante, soit aléatoire, soit le contrôle est opéré sur la foi de renseignements. La surveillance ne se fait jamais d’une manière systématique.

– La coopération entre la police d’un État et les autres institutions nationales concernées par le trafic de biens culturels est généralement bonne.

– On constate des difficultés à identifier des points de contact policiers dans les États fédérés : ex : Allemagne où il est parfois difficile d’identifier un interlocuteur dans les Lander.

– La coopération entre les polices des États de l’Union européenne est également bonne, en particulier avec les polices des États limitrophes. Les instruments européens (équipes communes d’enquêtes, mandat d’arrêt européen) ne sont pas ou peu utilisés. La coopération se fait davantage à travers les relations personnelles qu’à travers les instruments juridiques européens.

– Les formations des policiers 174 et des rencontres entre eux dans ce domaine sont plébiscitées.

– Sur le plan juridique, les polices sont partagées sur la nécessité de créer une infraction de trafic illicite de biens culturels. Elles sont plus familiarisées avec les infractions de vol et de recel.

174 Ex : formation faite par les Carabinieri italiens, INTERPOL.

Page 155: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

145

– Un grand nombre des policiers interrogés soulignent les difficultés à connaître les législations étrangères pénales et patrimoniales.

5.2.2. Les infractions pénales Les qualifications pénales utilisables peuvent, et peut-être doivent, s’inscrire

dans la double approche précitée : d’une part la violation des règles de transfert de propriété des biens culturels et d’autre part, la violation des règles de circulation des biens culturels, à l’importation et à l’exportation. Il importe aussi d’insister sur la question des biens culturels archéologiques mais encore de présenter la mise en œuvre de la répression pénale dans les États membres.

5.2.2.1. Les infractions générales de violation des règles de transfert de propriété

a) Vol et recel (V. tableau joint en annexe) La violation des règles de transfert de propriété est appréhendée au premier

chef par l’infraction de vol. Celle-ci est présente dans toutes les règles pénales nationales. Mais elle est insuffisante à elle seule à englober le trafic de biens culturels qui implique la circulation de ces biens. A une « infraction-source » du transfert illégal de la propriété du bien doit s’ajouter une infraction de réception de ce bien volé ou illicitement importé ou exporté. C’est l’infraction de recel d’un bien issu d’une infraction. Cette dualité vol/recel ou circulation illicite/recel permet donc de qualifier pénalement des actes de transferts successifs de biens culturels volés à travers des recels successifs, sous réserve évidemment que les conditions d’existence des recels soient réunies, en particulier la connaissance par le détenteur de l’origine frauduleuse du bien.

L’amplitude des peines du vol et du recel : on constate une grande amplitude dans les peines assortissant ces deux infractions : de un mois de prison à 15 ans selon les circonstances aggravantes considérées 175 et, par conséquent, une amplitude corrélative des délais de prescription (V. Tableau joint). En effet, en règle générale, la durée du délai de prescription est fonction de la peine encourue du fait de la commission de l’infraction.

b) Problématique particulière du recel Le recel étant une infraction dite « de conséquence » est en lien avec

l’infraction d’origine (vol, exportation illicite). De plus, comme il s’agit d’un comportement fondé sur la détention de l’objet, se pose la question du point de départ du délai de prescription.

175 En cas de combinaison avec d’autres circonstances aggravantes, la peine maximale peut atteindre la perpétuité, par exemple en France.

Page 156: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

146

La preuve de la connaissance de l’origine frauduleuse du bien culturel est exigée par les États membres pour retenir l’infraction de recel. Cette preuve, qui peut être difficile à apporter, en nécessite une autre qui est celle de la preuve que le bien est volé ou circule en violation des règles de circulation établies. Les biens archéologiques posent ici un problème particulier dans la mesure où la date d’un éventuel vol ou d’une fouille illicite ou d’une mise en circulation illicite est difficile à démontrer puisque le bien était inconnu avant sa découverte. Cette situation conduit à des difficultés d’utiliser le droit pénal pour la protection de cette catégorie de biens.

De plus, l’existence ou non de cet élément de connaissance dans la constitution de l’infraction de recel a des répercussions sur le plan civil quant à l’appréciation de la bonne foi du détenteur et, partant, des possibilités de restitution des biens. Cette recherche de la preuve d’une telle connaissance est articulée avec l’existence ou l’absence de bases de données de biens volés ou circulant illicitement. En effet, la publicité donnée à l’acte illicite initial (vol ou exportation illicite) permet d’alléger la preuve à apporter de la connaissance de l’origine frauduleuse du bien.

Les délais de prescription sont variés et surtout, dans la grande majorité des États, le recel est considéré comme une infraction instantanée qui commence à se prescrire dès le jour de l’entrée en détention du bien. La qualification de recel comme une infraction continue qui se prescrit à partir du jour de la disparition de cette détention constitue l’exception.

c) Aggravation ou non de la répression en raison de la nature culturelle du bien

L’autre remarque essentielle relative aux infractions générales est la prise en considération ou non d’éléments propres aux biens culturels et au marché de l’art dans les qualifications pénales des États membres.

Deux lignes directrices se dégagent des législations étudiées : • La majorité des États n’aggrave pas la répression du vol par le biais de

circonstances aggravantes tenant à la nature culturelle du bien. Et quand un État le fait, c’est soit en reprenant les catégories patrimoniales (trésor national, bien protégé etc..) soit en envisageant l’importance historique ou artistique du bien 176, soit en fixant un seuil de valeur 177.

176 V. Grèce : le vol spécifique de monuments de grande valeur, ou de biens issus de fouilles protégés ou de biens stockés. 177 Allemagne, Autriche, Chypre, Espagne, Estonie, France, Grèce, Hongrie, Lituanie, Pologne, Portugal, Roumanie pour la nature culturelle du bien - Finlande, Grèce, Royaume-Uni utilisent le critère de la valeur du bien.

Page 157: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

147

• Il est parfois pris en considération la qualité de professionnel de la personne poursuivie pour vol ou recel ou la nature habituelle de l’activité de vol ou de recel 178. Mais ces circonstances aggravantes ne visent pas spécifiquement les professionnels du marché de l’art, sauf cas exceptionnels.

Il n’y a donc pas une grande visibilité de la criminalité portant sur les biens culturels si l’on s’en tient aux infractions générales ou de droit commun.

5.2.2.2. La violation des règles relatives à la circulation des biens culturels La protection pénale de la circulation du patrimoine culturel relève donc

plutôt de législations spéciales. Le fait est que certains États n’ont pas aggravé les infractions générales pour réprimer le vol et le recel de biens culturels mais ont établi des règles spéciales destinées à assainir la circulation des biens culturels.

Dans les rapports nationaux, on constate un nombre global important d’infractions spéciales mais on constate aussi que seuls quelques États couvrent un large éventail de comportements illicites 179 .

Trois catégories d’infractions sont adoptées par le plus grand nombre d’États, avec évidemment des variantes :

– Les infractions sanctionnant les dommages faits aux biens culturels. – Les infractions liées la circulation des biens culturels. – Les infractions liées aux fouilles illicites.

a) Les infractions sanctionnant les dommages faits aux biens culturels 180 Ces infractions peuvent être considérées comme des infractions de

prévention destinées à protéger le bien culturel d’agressions matérielles en vue de sa circulation : outre la destruction du bien culturel, les textes visent des actes qui peuvent faciliter la circulation du bien culturel, notamment si celui-ci est trop important ou fait partie d’un ensemble : dégradation (ex : scission des panneaux d’un tryptique, maquillage du bien), mutilation (ex : démontage d’un bas-relief, découpage d’une toile).

À ces actes sont parfois ajoutés la non-conservation du bien ou plus spécialement l’exercice d’une activité de réparation ou de restauration des biens culturels sans licence ou sans autorisation 181. On comprend, dans ce

178 Le recel peut voir sa répression aggravée si l’infraction d’origine est elle-même aggravée du fait de la nature culturelle du bien volé. 179 Chypre, Espagne, France, Grèce, Malte, Roumanie en particulier. 180 Allemagne, Chypre, Espagne, Estonie, France, Italie, Lettonie, Luxembourg, Pologne, Roumanie, Slovaquie. 181 Estonie, Malte, Roumanie.

Page 158: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

148

dernier cas, que non seulement de telles activités sont décisives sur la conservation du bien et doivent être effectuées par des professionnels compétents mais aussi, négativement, qu’elles peuvent conduire à modifier le bien culturel dans un but criminel.

Ces infractions sont déclinées selon les États, en tenant compte du statut particulier du bien culturel 182 ou du caractère volontaire ou involontaire de l’acte destructeur 183. Les peines sont également très variables, de l’amende à 17 ans d’emprisonnement 184.

b) Les infractions liées à la circulation des biens culturels

* Circulation intra-étatiques à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union européenne

Il importe d’abord de distinguer l’importation et l’exportation. En effet, la nature des exigences dans ces deux domaines varient d’un État à un autre. L’ouverture du marché intérieur dans l’Union européenne en 1993 entraîne en principe qu’il n’y a plus de contrôle entre les États membres. Ce principe souffre de plusieurs tempéraments en matière de circulation des biens culturels. • Infraction d’exportation illicite C’est l’infraction pénale d’exportation illicite, définitive ou temporaire, qui

est prévue dans la grande majorité des États membres 185 et qui doit être distinguée de l’infraction douanière de contrebande. Là encore, cette infraction se décline avec quelques variantes : tentative d’exportation prévue 186, incitation à l’exportation illicite 187, extension de l’infraction aux biens culturels d’un État membre 188, sanctions d’actes liés à la demande d’exportation du bien tels que la fourniture de données erronées pour obtenir l’autorisation d’exportation 189. Est parfois assimilé à l’exportation illicite, le non-retour à l’échéance prévue, d’un bien autorisé à sortir temporairement 190.

182 Ex : bien d’importance nationale en Allemagne, même pour un bien d’un État membre de l’Union européenne ; bien classé ou relevant du domaine public en France ; protection large au Luxembourg. 183 Ex : Pologne. 184 Lettonie. 185 Allemagne, Autriche, Chypre, Espagne, France, Grèce, Hongrie, Italie, Lituanie, Luxembourg, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovaquie. 186 Ex : Grèce, France. 187 Ex : Chypre. 188 Ex : Allemagne. 189 Chypre, Estonie, Slovaquie. 190 Italie, Pologne, Slovaquie.

Page 159: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

149

À cette infraction de base d’exportation illicite, s’ajoute parfois la commercialisation d’un bien culturel exporté illicitement 191, ce qui peut s’apparenter à un recel spécial si le détenteur a connaissance de l’origine illicite du bien. • Infraction d’importation illicite En ce qui concerne les importations, la problématique est différente. La

vigilance des États est très variable en cette matière. En effet, la faiblesse du contrôle à l’importation repose sur l’idée qu’un contrôle a déjà dû être opéré au moment de la sortie du bien d’un territoire et qu’il est alors inutile d’opérer un second contrôle. Le contrôle à l’importation se limite donc généralement à un contrôle de la valeur du bien. Si le bien est importé sous une fausse dénomination, les douanes peuvent alors agir. Les sanctions sont alors des sanctions douanières (v. infra).

Pour cette raison, les infractions pénales d’importation illicite ne sont généralement pas prévues par le droit pénal des États membres. Seuls quelques États font exception 192. • Cas particuliers des biens culturels irakiens Certains États ont spécialement pénalisé l’importation et l’exportation de

biens culturels irakiens faisant l’objet d’une prohibition de circulation 193.

* Circulation interne (à l’intérieur d’un État)

Outre la prohibition de la vente de certains biens culturels 194, l’exigence d’autorisation d’exercer le commerce de biens culturels 195 ou la fourniture de listes d’objets antiques détenus à l’autorité compétente 196, un certain nombre d’infractions protègent la circulation des biens culturels à l’intérieur des États membres, sans que l’on retrouve une quelconque homogénéité dans ces différentes règles 197.

191 Roumanie. 192 Ex : Allemagne, Hongrie, Roumanie. 193 Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni. 194 Ex : Espagne : ventes de biens appartenant à l’Eglise. 195 Ex : antiquités : Chypre, Grèce ; Biens culturels : Roumanie, doublé de l’affichage de normes concernant la circulation de ces biens. La Lituanie a également introduit un système de licence de magasins d’antiquités. Selon la Law on Protection of Movable Cultural Property, « the Department of Cultural Heritage Protection of the Ministry of Culture shall : [..] issue licenses to engage in trade in antiques; supervise the observation of the regulations governing trade in antiques [..] » (Art. 4.3). Pendant la période de 2007 à 2011 le Département a donné 49 licences de magasins d’antiquités. 196 Chypre. 197 Ex : Roumanie : obligation de rendre parfaitement visible la mention « copie » ou « fac-similé » sur les biens culturels reproduits.

Page 160: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

150

• Infractions relatives à la tenue d’inventaires et de registres « de circulation »

La traçabilité du bien culturel à partir de l’État d’origine du bien est fondamentale. Non seulement elle est une garantie de la régularité d’une transaction au niveau interne mais elle produit aussi ses effets lorsque le bien passe les frontières.

On sait donc que la tenue d’inventaires et de registres est essentielle en matière de circulation des biens culturels : description du bien culturel, photographie éventuelle du bien accompagnant sa description, mention de la provenance (achat, dépôt, don, etc.). Ces inventaires, le plus souvent opérés par des acteurs institutionnels, présentent donc un intérêt majeur de connaissance et de traçabilité des biens culturels. On peut faire la même remarque pour les registres dits « de police » tenus par des professionnels du marché de l’art afin de garantir une transparence de ce marché. Or, tous les États membres de l’Union européenne n’exigent pas la tenue des inventaires et/ou des registres de circulation des biens culturels. La tenue de tels registres constitue même l’exception, ce qui induit une pénalisation exceptionnelle de ce domaine 198. • Le non-respect de déclaration obligatoire de mouvement des biens

culturels ou de certains biens culturels. Ces infractions concernent des biens culturels protégés 199 mais sont

principalement visées les archives 200. L’aliénation d’archives protégées est en général soumise à des formalités particulières : information de l’acquéreur quant au statut du bien, nécessité d’une autorisation administrative de cession, déclaration de la cession etc…

c) Les infractions en matière archéologique Le trafic en matière de biens culturels archéologiques est un des points

noirs de la circulation des biens archéologiques. L’absence de connaissance ab initio de ce bien explique les difficultés d’appréhension de ce trafic. Pour le limiter, certains États ont pris des mesures préventives relatives à l’usage des détecteurs de métaux tandis que la réglementation des fouilles illicites devient de plus en plus stricte.

* La réglementation relative aux détecteurs de métaux Trois catégories de règlementations existent dans ce domaine :

198 Espagne, France, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie. 199 Espagne, France, Roumanie : ex : en Roumanie, obligation de notification de vente d’un bien classé ou de vol d’un bien classé. 200 Allemagne, Autriche, France.

Page 161: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

151

– les règlementations prohibitives interdisant l’utilisation de tels détecteurs 201 ou leur utilisation dans des secteurs protégés 202 ;

– les règlementations de contrôle qui soumettent à autorisation l’utilisation des détecteurs de métaux 203 ou qui règlementent leur commerce 204 ;

– les règlementations permissives qui ne prévoient aucune règlementation particulière 205.

* Le non-respect des formalités en matière de fouilles

Dans la majorité des États, les fouilles archéologiques font l’objet d’une règlementation précise. Selon le secteur de la fouille (public, privé, protégé, non protégé etc.), les obligations sont différentes. On peut regrouper en trois catégories les violations :

– la prohibition des fouilles dans les secteurs protégés 206 ; – le non-respect de l’exigence d’une autorisation préalable pour

procéder aux fouilles 207 ; – le non-respect de l’exigence d’une déclaration de trouvaille

fortuite 208. À ces infractions, il faut ajouter la prohibition de la vente et de l’acquisition

d’un bien culturel issu d’une fouille illicite 209.

201 Ex : Chypre, Portugal. En Allemagne, seul l’usage des détecteurs de métaux nécessite une autorisation selon les lois relatives à la protection des monuments historiques (Denkmalschutzgesetze des länder). L’acquisition de détecteurs de métaux est possible sans autorisation. 202 Royaume-Uni. En Grèce il existe une base de données tenue par la Direction pour la Protection et la Documentation des biens culturels (art.3§4 loi 3658/2008) : e) des personnes possédant des détecteurs des métaux ou d’autres appareils de recherche du sous-sol, des fonds de mer, de rivière ou de lac. 203 Ex : art. L.542-1 du Code français du patrimoine : « Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d’objets métalliques, à l’effet de recherches de monuments et d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche ». A rapprocher des législations d’Ecosse et de Pologne. 203 Ex : Roumanie 203 Chypre, Espagne, Estonie, France, Roumanie, Slovaquie, Suède. 204 Ex : Roumanie, Autriche. En Allemagne, voir note 202. 205 République Tchèque. 206 Ex : Grèce 207 Chypre, Espagne, Estonie, France, Grèce, Roumanie, Slovaquie, Suède. 208 Pologne, Royaume-Uni. 209 France, Chypre.

Page 162: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

152

5.2.2.3. Mise en œuvre des infractions pénales

Il faut souligner, mais c’est une évidence, que la pénalisation du trafic des biens culturels et sa mise en œuvre dépendant d’une volonté politique qui est loin d’être présente dans tous les États membres de l’Union. Certains interlocuteurs ont même reconnu une indifférence politique à la question 210 qui se traduit par une pénalisation a minima, des poursuites et des condamnations très rares dans ce domaine.

D’une façon générale, la police reconnaît que la répression pénale du trafic de biens culturels n’est pas considérée comme prioritaire dans les États membres. Quand elle l’est, c’est qu’elle se rattache à la criminalité organisée ou s’articule avec d’autres trafics comme le trafic de stupéfiants.

Après le dépouillement des rapports nationaux, les lignes générales sont les suivantes.

5.2.2.4. Appréciation sur les infractions pénales

Les législations pénales sont très variées et parfois difficiles à connaître. Très peu d’États aggravent la répression en matière de vols et de recels de

biens culturels. Il n’y a pas de consensus sur la création d’une infraction de trafic illicite, le

binôme vol/recel paraissant satisfaisant avec des aménagements. Il est difficile de prouver la connaissance de l’origine frauduleuse du bien en

matière de recel. Il faut donc avoir recours à des indices : nature de l’objet (sa rareté par exemple), son prix (vil prix ou prix normal), le mode de paiement utilisé, la qualité du vendeur, l’existence ou non d’un titre de propriété. L’appréciation se fait au cas par cas.

Certaines législations articulent mal les infractions générales (vol, recel) avec les infractions spéciales. Pour des comportements qui sont des vols ou des recels « spécialisés », les peines sont plus faibles 211 et le régime des poursuites peu favorable 212.

5.2.2.5. Appréciation sur la mise en œuvre de la procédure – Les délais de prescription sont trop variés pour des infractions

identiques.

210 Belgique, Lettonie, Luxembourg, Slovénie. 211 Ex : France qui sanctionne plus faiblement qu’en droit commun l’aliénation ou l’acquisition d’un objet terrestre ou maritime issu d’une fouille illicite (art. L. 544-4 et suiv. du Code du patrimoine). 212 Ex : Portugal où les interlocuteurs soulignent que le délai pour poursuivre est plus court pour les infractions spéciales.

Page 163: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

153

– Il règne une incertitude sur le point de départ de l’infraction de recel puisque certains États en font une infraction instantanée et d’autres une infraction continue.

– La coopération avec les douanes et les polices des pays limitrophes est généralement considérée comme bonne.

– Les instruments européens comme le mandat d’arrêt européen ou les équipes communes d’enquête ne sont pas ou peu utilisés 213.

– Les ventes en ligne ne sont pas ou peu surveillées 214. Seuls quelques États ont passé des accords formels avec e-Bay pour prévenir les ventes illicites 215.

– Les bases de données de biens volés ne sont pas suffisamment nourries et l’accès est insuffisant pour les Institutions et les professionnels du marché.

– Les infractions en matière de fouilles archéologiques sont presque impossibles à constater sauf l’hypothèse rare du flagrant délit et difficiles à poursuivre puisqu’il est souvent impossible de dater avec certitude la commission de l’infraction.

– La procédure de saisie conservatoire d’un bien mis en vente dans un État étranger n’est pas impossible mais difficile car il faut aller très vite. Le schéma général est le suivant :

• La saisine directe de la police par un diplomate d’un pays étranger est sans portée. Il faut que le représentant de l’État étranger entre en relation avec un juge qui ordonnera à la police de procéder à la saisie, à la condition que les renseignements fournis soient sérieux et permettent de présumer la situation illicite du bien. • S’il y a une certitude immédiate sur l’illicéité de la provenance du bien culturel destiné à la vente, il est possible d’utiliser la procédure de l’infraction flagrante.

Annexe : Convention de Delphes, 23 juin 1985 : Annexe III : Liste des infractions

– Les vols de biens culturels. – Les appropriations de biens culturels commises avec violences ou

menaces.

213 Ce point est systématiquement souligné. 214 A l’exception de Malte qui affirme surveiller les ventes en ligne. La Pologne, la Slovénie, la Suède disent ne pas surveiller les ventes en ligne, d’autres États comme la Roumanie, le Portugal, la France notent opérer une surveillance sporadique des ventes en ligne, le plus souvent à la suite d’un renseignement. 215 Allemagne, Autriche.

Page 164: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

154

– Le recel de biens culturels lorsque l’infraction originaire est prévue au présent paragraphe et quel que soit le lieu où elle a été commise.

– Actes qui consistent à s’approprier illicitement un bien culturel d’autrui, qu’ils soient qualifiés de détournement, d’escroquerie, d’abus de confiance ou autrement par le droit national.

– Détention de biens culturels obtenus grâce à une infraction au droit de propriété autre que le vol.

– Acquisition par négligence caractérisée de biens culturels obtenus grâce à un vol ou à une infraction au droit de propriété autre que le vol.

– Destruction ou dégradation volontaire de biens culturels d’autrui. – Entente entre deux ou plusieurs personnes en vue de commettre une

ou plusieurs des infractions contre des biens culturels énumérées au paragraphe 1 de la présente annexe.

- aliénation de biens culturels inaliénables en vertu du droit de la Partie concernée ;

- acquisition des biens définis sous i, lorsque l’acquéreur savait que les biens étaient inaliénables ;

- aliénation de biens culturels en violation des dispositions juridiques qui, dans la Partie intéressée, subordonnent l’aliénation de ces biens à l’octroi préalable d’une autorisation par les autorités compétentes;

- acquisition des biens définis sous iii, lorsque l’acquéreur savait que les biens avaient été aliénés en violation des dispositions juridiques mentionnées sous iii ;

- violation des dispositions juridiques qui, dans la Partie intéressés, font obligation à la personne aliénant ou acquérant des biens culturels de notifier aux autorités compétentes cette aliénation ou acquisition ;

- violation des dispositions juridiques qui, dans la Partie intéressée, font obligation à la personne découvrant fortuitement des biens archéologiques de déclarer ces biens aux autorités compétentes ;

- dissimulation ou aliénation des biens définis sous i ; - acquisition des biens mentionnés sous i, lorsque l’acquéreur savait

que les biens avaient été obtenus en violation des dispositions juridiques mentionnées sous i ;

- violation des dispositions juridiques de la Partie contractante intéressée en vertu desquelles les fouilles archéologiques ne peuvent être entreprises qu’avec l’autorisation des autorités compétentes ;

Page 165: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

155

- dissimulation ou aliénation de biens archéologiques découverts à l’occasion de fouilles entreprises en violation des dispositions juridiques mentionnées sous iv ;

- acquisition de biens archéologiques découverts à l’occasion de fouilles entreprises en violation des dispositions juridiques mentionnées sous iv, lorsque l’acquéreur savait que les biens avaient été obtenus à l’occasion de telles fouilles ;

- violation des dispositions juridiques de la Partie intéressée ou d’un permis de fouilles délivré par les autorités compétentes, en vertu desquels la personne qui découvre des biens archéologiques à l’occasion de fouilles dûment autorisées est tenue de déclarer ces biens aux autorités compétentes ;

- dissimulation ou aliénation des biens mentionnés sous vii ; - acquisition des biens mentionnés sous vii, lorsque l’acquéreur savait

que les biens avaient été obtenus en violation des dispositions juridiques mentionnées sous vii ;

- violation des dispositions juridiques de la Partie intéressée qui interdisent ou réglementent l’utilisation de détecteurs de métaux dans des contextes archéologiques ;

- exportation ou tentative d’exporter des biens culturels dont l’exportation est interdite par le droit de la Partie intéressée ;

- exportation ou tentative d’exporter, sans l’autorisation des autorités compétentes, des biens culturels dont l’exportation, en vertu du droit de la Partie intéressée, est subordonnée à une telle autorisation.

– Violation des dispositions juridiques qui, dans la Partie intéressée : - subordonnent les modifications apportées à un monument

d’architecture, un monument mobilier, un ensemble monumental ou un site protégés, à l’octroi préalable d’une autorisation par les autorités compétentes, ou

- font obligation au propriétaire ou au détenteur d’un monument d’architecture, d’un monument mobilier, d’un ensemble monumental ou d’un site protégés, de la maintenir dans un état de conservation adéquate ou de signaler les défectuosités qui en menacent la conservation.

Le recel de biens culturels lorsque l’infraction originaire est prévue au présent paragraphe et quel que soit le lieu où elle a été commise.

Page 166: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

156

5.2.3. Le volet douanier

5.2.3.1. Les infractions douanières

D’une manière générale, toutes les infractions douanières sont susceptibles d’être appliquées aux biens culturels dès qu’ils correspondent aux conditions d’application de ces infractions.

C’est l’infraction de contrebande ou « smuggling » qui est citée dans tous les États membres. Bien que non réservée aux biens culturels 216, cette infraction permet de réprimer l’absence de déclaration douanière ou les fausses déclarations relatives à l’espèce, à l’origine, ou à la valeur du bien. Les peines varient selon que le bien de la contrebande fait ou non l’objet d’une prohibition de circulation ou d’une plus ou moins forte taxation. L’infraction est opérationnelle pour les biens culturels dans la mesure où elle permet de viser tant l’exportation que l’importation.

Si le droit pénal prévoit une infraction d’exportation illicite de biens culturels, il peut être possible de cumuler cette infraction avec celle de contrebande 217.

À côté de l’infraction de contrebande, c’est l’infraction de fausse déclaration qui est utilisée.

Les infractions douanières spécifiques aux biens culturels sont donc quasi-inexistantes.

La proposition d’un certificat d’importation ne remporte pas l’adhésion des États membres même si, pour un parallélisme des formes, la prohibition douanière à l’exportation devrait logiquement être complétée par une prohibition à l’importation, ce qui est loin d’être le cas parmi les États membres 218. Plutôt qu’un certificat d’importation, les personnes interrogées préféreraient des infractions douanières d’importation mises sur le même plan que les infractions d’exportation.

Il ressort des rapports nationaux que les douanes sont relativement satisfaites des infractions et des pouvoirs qui leur sont donnés par les droits nationaux. Cependant, il existe d’énormes difficultés de mise en œuvre d’un contrôle douanier en matière de circulation des biens culturels qui tiennent

216 A l’exception de la Grèce qui qualifie de cas de contrebande l’exportation des biens du patrimoine culturel (art. 155 du Code des douanes) et du Portugal : l’art. 92c de la loi douanière portugaise vise la contrebande des objets de valeur historique et artistique très élevée. 217 La Cour de cassation grecque dans sa décision n° 851/1982 a admis le concours réel des infractions de contrebande et d’exportation illicite des biens culturels. 218 D’autant plus que la Convention UNESCO de 1970 met sur le même plan exportation et importation.

Page 167: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

157

plutôt à la nature culturelle du bien concerné et aux difficultés d’identification de ces biens 219.

5.2.3.2. Procédure douanière

Les douanes nationales ont la possibilité d’opérer des « saisies temporaires », dont la terminologie varie selon les États membres 220. Cette mesure provisoire, d’une durée variable selon les États membres, est mise en œuvre en cas de doute sur la légalité de l’exportation ou de l’importation. Le temps de la saisie permet d’opérer les vérifications nécessaires 221. Si l’illégalité est avérée une mesure de confiscation est possible. Le bien est en général remis aux autorités culturelles, nationales ou étrangères selon les cas 222, ou à la police.

* * *

6. NORMES DEONTOLOGIQUES

6.1. Outils internationaux

6.1.1. Introduction La mise en œuvre des règles juridiques internationales et nationales

particulièrement dans le domaine de la circulation des biens culturels et des transactions concernant les œuvres d’art, peut être de plus en plus souvent facilitée par les usages et les règles codifiés dans les codes de déontologie.

À côté du développement des normes au sens propre qui ont proliféré surtout après la deuxième moitié du XXe siècle nous assistons désormais à un véritable phénomène parallèle de production de normes de comportement qui, bien que privées de la nature coercitive caractérisant les normes juridiques, n’en sont pas moins susceptibles soit de comporter des effets contraignants

219 V. infra, Partie 2, Les obstacles. 220 Saisie, consignation, garde, etc. 221 Interrogations auprès du ministère de la Culture national (Portugal), de la représentation diplomatique de l’État de provenance, de l’autorité compétente concernée (Allemagne), d’experts (Allemagne, France, Grèce, Hongrie). 222 Royaume-Uni : lorsque le service des douanes confisque des objets illégalement importés, le ministre de la Culture restitue ces biens au pays exportateur. Ainsi, le Royaume-Uni a restitué des antiquités à la Grèce, l’Iran et l’Afghanistan ; en France : bien remis aux autorités culturelles du pays d’origine en priorité après vérification du ministère des Affaires étrangères et si le pays d’origine revendique la restitution du bien ; dans les autres cas (trésor national français, bien culturel étranger non revendiqué etc.) le bien est remis aux autorités culturelles nationales.

Page 168: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

158

pour certaines catégories de sujets, soit d’exercer une influence significative sur la réglementation du marché.

Les règles relevant de la catégorie générale des règles déontologiques se caractérisent d’abord par le fait qu’elles sont de formation spontanée ou quasi spontanée. Effectivement, dans la majeure partie des cas, au lieu d’être produites de façon hétérogène selon une division « verticale » des rapports entre administrateurs et administrés, elles sont conçues, élaborées et orientées dans un sens « horizontal ». Ce sont des instruments d’autoréglementation des personnes associées ou appartenant à la catégorie professionnelle concernée.

Il s’agit de normes émanant le plus souvent des sujets auxquels elles se rapportent, qui sont donc tenus de les observer en vertu de l’appartenance à la catégorie intéressée.

Si on analyse ce phénomène d’un point de vue juridique on peut attribuer aux codes déontologiques une valeur contractuelle. Ce sont des instruments générateurs d’obligations de nature contractuelle pour les associés. Mais il faut avant tout ajouter qu’ils sont utilisés continuellement comme référence dans le domaine des opérations habituelles des catégories intéressées, ce qui leur fait atteindre le rang d’usages véritables assimilables à ceux que connaît le commerce international.

Par ailleurs, il faut souligner que ledit phénomène n’est pas tout à fait ignoré des sources classiques du droit international. À ce propos, la Convention UNESCO de 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels prévoit, par exemple, que les États membres doivent instituer un ou plusieurs services de protection du patrimoine culturel dotés d’un personnel qualifié afin d’établir « à l’intention des personnes intéressées (conservateurs, collectionneurs, antiquaires etc.), des règles conformes aux principes éthiques formulés dans la présente Convention et veiller au respect de ces règles » 223.

6.1.2. Les milieux intéressés et les sources de production Si l’on s’intéresse au phénomène des codes déontologiques du point de vue

des sources de production, le caractère hétérogène de leur provenance est tout à fait évident. En effet, les règles en question sont élaborées dans des milieux différents tels qu’organisations internationales, instituts spécialisés, associations de catégorie nationale ou internationale et institutions ou établissements publics ou privés. À titre d’exemple on peut mentionner, l’UNESCO (Code international de déontologie pour les négociants en biens culturels, 6 novembre 2000), l’ICOM (Code de déontologie de l’ICOM pour les musées, 8 octobre

223 Cfr. Article 5. e de la Convention UNESCO de 1970.

Page 169: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

159

2004), la CINOA (Confédération internationale des négociants en œuvres d’art, Code international de déontologie pour les négociants en biens culturels 224), l’AAM (Association américaine des musées), qui a produit trois codes d’importance, (Code of Ethics for Museums (Code éthique pour les musées), 2000, Guidelines on Exhibiting Borrowed Objects, (Principes sur l’exposition des objets empruntés), 2000 et Guidelines concerning the Unlawful Appropriation of Objects during the Nazi Era, (Principes concernant l’appropriation illégale d’objets pendant l’ère nazie 1999, amendés en 2001), l’AAMD (Association des directeurs des musées d’art) qui a produit le Guidelines on Loans of Antiquities and Ancient Art (Principes sur les prêts d’antiquités et d’art antique) 2006 225, et qui a approuvé en 2008 le texte définitif des Standards Regarding Arghaeological Material and Ancient Art (Standards concernant les matériels archéologiques et l’art antique) 226, l’EAA (Association Européenne des Archéologues), qui a adopté en 1998 les Principles of Conduct 227, l’ICA (International Council on Archives), dont l’Assemblée générale a adopté le Code international de déontologie des archivistes en 1996 228.

Les destinataires des règles déontologiques relèvent de catégories diverses, telles que les institutions de gestion de musées et les opérateurs commerciaux spécialisés du secteur.

6.1.3. Contenu des règles de déontologie Une des questions qu’il faut se poser concerne le contenu de la discipline

découlant des codes déontologiques : s’agit-il d’une discipline complète et homogène, ou s’agit-il au contraire de textes qui n’ont rien de commun entre eux, sinon l’outil formel qui est utilisé pour les exprimer ?

À ce propos, il faut tout d’abord remarquer que, dans la majeure partie des textes considérés, on retrouve des règles déontologiques relatives à des aspects essentiels faisant déjà l’objet de réglementations spécifiques dans des conventions internationales d’importance. Il s’agit, notamment, des questions liées aux acquisitions et aux cessions de collections, à l’origine des collections, à la conduite professionnelle des adhérents, aux sanctions dans les cas de non-respect des règles. Mais il faut préciser que l’une des fonctions les plus remarquables remplies par les codes en question est l’aptitude à rendre

224 Le code a été voté à l’Assemblée générale de Florence en 1987, amendé à Stockholm le 26 juin 1998 et à New York le 11 mai 2005. 225 Voir le texte du code adopté le 27 février 2006, www.aamd.org/papers/documents/loans_and_PressRelease.pdf. 226 Voir le texte de l’avant-projet adopté le 4 juin, 2008, www.aamd.org/newsroom/documents/2008ReportAndRelease.pdf.. 227 Voir le texte du code, adopté à Göteborg le 26 septembre 1998, www.e-a-a.org/EAA_Princ_of_Conduct.pdf. 228 Voir le texte du code de l’association des archivistes, adopté à Pékin, www.ica.org/5556/documents-de-reference/code-de-deontologie-de-lica.html..

Page 170: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

160

applicables – au moins pour les catégories intéressées – certaines règles issues de conventions internationales, bien au-delà de leur domaine d’application matériel et temporel.

Les règles déontologiques touchent typiquement à quatre aspects concernant la circulation des biens. Il s’agit de l’acquisition et la cession des biens et des collections, de la provenance des biens et des collections, de la conduite professionnelle des associés, et des sanctions prévues en cas de violation des règles.

6.1.3.1. Acquisition et cession des biens et des collections

Cela concerne un aspect parmi les plus controversés dans la pratique internationale, ce qui prouve que parfois les règles juridiques prévues par la loi nationale applicable et/ou par le droit international et qui devraient trouver application ne règlent pas de façon complète les cas d’espèce.

À cet égard, le principe fondamental dont s’inspire le Code de déontologie de l’ICOM est que les musées qui détiennent les collections les conservent dans l’intérêt de la société. Par conséquent, dans chaque musée, l’autorité de tutelle doit adopter et publier une charte concernant l’acquisition, la protection et l’utilisation des collections. Ce texte doit clarifier la position des objets qui ne seront pas catalogués, préservés ou exposés. L’article 2.2. (Titre valide de propriété) prévoit qu’« aucun objet ou spécimen ne doit être acquis par achat, don, prêt, legs ou échange, si le musée acquéreur n’est pas certain de l’existence d’un titre de propriété en règle. Un acte de propriété, dans un pays donné, ne constitue pas nécessairement un titre de propriété en règle ». L’article 2.3 (Provenance et obligation de diligence), prévoit qu’« avant l’acquisition d’un objet ou d’un spécimen offert à l’achat, en don, en prêt, en legs ou en échange, tous les efforts doivent être faits pour s’assurer qu’il n’a pas été illégalement acquis dans (ou exporté illicitement de) son pays d’origine ou un pays de transit où il aurait pu avoir un titre légal de propriété (y compris le pays où se trouve le musée). À cet égard, une obligation de diligence est impérative pour établir l’historique complet de l’objet depuis sa découverte ou création ».

Quant au Code de déontologie de la CINOA, il établit, à l’article 5, que les négociants professionnels en biens culturels, « ne doivent en aucun cas prendre part à des transactions pouvant à leur connaissance donner lieu à des opérations de blanchiment d’argent », et, d’après l’article 3, « s’engagent à respecter les lois pour la protection des espèces menacées ou en voie de disparition. Ils s’engagent par conséquent à ne pas faire le commerce d’objets

Page 171: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

161

fabriqués en matériaux faisant l’objet d’une protection par la Convention du Commerce international des espèces menacées » 229.

Le souci de protéger l’intégrité des collections est une préoccupation très importante dans le Code international de déontologie pour les négociants en biens culturels de l’UNESCO, dont l’article 6 prévoit que « les négociants en biens culturels s’abstiennent de procéder à des démembrements d’objets et de vendre séparément des éléments d’un bien culturel constituant un ensemble complet ».

Enfin, en ce qui concerne les musées des États-Unis, le Code d’éthique de l’AAM prévoit que « les activités d’acquisition, de vente et de prêt doivent être conduites de façon à respecter la protection et la préservation des ressources naturelles et culturelles et à dissuader le commerce illégal de tels biens » 230.

6.1.3.2. Provenance des biens et des collections

Ces règles touchent au problème classique du retour et de la restitution des biens culturels. Sous ce point de vue, depuis quelque temps, la distinction est normalement acceptée, même en droit international, entre l’hypothèse de biens volés au propriétaire, qui entraînerait la restitution et celle de transfert illicite (l’exportation) du pays d’origine à laquelle correspondrait le retour 231. À ce propos, sur le plan des règles de conduite, le Code de déontologie de l’ICOM prévoit, à l’article 6.1, que « les musées doivent promouvoir le partage des connaissances, de la documentation et des collections avec les musées et les organismes culturels situés dans les pays et les communautés d’origine. Il convient d’explorer les possibilités de développer des partenariats avec les pays ou les régions ayant perdu une part importante de leur patrimoine ». Le Code fait référence aux notions de retour et de restitution déjà utilisées par la Convention d’UNIDROIT.

229 La version précédente de l’article 2 prévoyait que « le négociant qui agit en qualité de mandataire du vendeur n’est pas réputé garantir le titre de propriété, pourvu qu’il fasse connaître à l’acquéreur le nom et l’adresse complets du vendeur. Le négociant qui est lui-même le vendeur est réputé garantir à l’acquéreur le titre de propriété » ; l’article 3 prévoit que « le négociant qui a des motifs raisonnables de penser qu’un objet provient de fouilles clandestines ou qu’il a été acquis de façon illicite ou malhonnête d’un site de fouilles autorisées ou d’un monument s’abstient de concourir à toute nouvelle transaction portant sur cet objet, sauf accord du pays où se trouve le site ou le monument. Le négociant qui est en possession de l’objet, lorsque ce pays cherche à obtenir sa restitution dans un délai raisonnable, prend toutes les mesures autorisées par la loi pour coopérer à la restitution de cet objet au pays d’origine ». 230 Voir AAM, Code of Ethics for Museums, www.aam-us.org/museumresources/ethics/coe.cfm, p.3. 231 La distinction est, d’ailleurs, bien présente dans la Convention d’UNIDROIT à l’article 3 concernant la restitution – qui inclut dans la notion de vol et donc de bien susceptible de restitution le bien “issu de fouilles illicites ou licitement issu de fouilles mais illicitement retenu”- et à l’article 5 concernant le retour.

Page 172: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

162

En ce qui concerne le titre de propriété, d’après l’article 2.2 (Titre valide de propriété) : le musée acquéreur doit être certain de l’existence d’un titre de propriété en règle.

« 2.3 Provenance et obligation de diligence : Avant l’acquisition d’un objet ou d’un spécimen offert à l’achat, en don, en

prêt, en legs ou en échange, tous les efforts doivent être faits pour s’assurer qu’il n’a pas été illégalement acquis dans (ou exporté illicitement de) son pays d’origine ou un pays de transit où il aurait pu avoir un titre légal de propriété (y compris le pays même où se trouve le musée). À cet égard, une obligation de diligence est impérative pour établir l’historique complet de l’objet depuis sa découverte ou création. »

« 2.4 Objets et spécimens issus de travaux non scientifiques ou non autorisés :

Un musée ne doit pas acquérir des objets s’il y a tout lieu de penser que leur récupération s’est faite au prix de la destruction ou de la détérioration prohibée, non scientifique ou intentionnelle de monuments, de sites archéologiques ou géologiques, d’espèces ou d’habitats naturels. De même, il ne doit pas y avoir acquisition si le propriétaire, l’occupant du terrain, les autorités légales ou gouvernementales concernées n’ont pas été averties de la découverte. »

« 2.5 Pièces biologiques ou géologiques protégées : Un musée ne doit pas acquérir de spécimens biologiques ou géologiques

collectés, vendus ou transférés de toute autre façon, en violation de la législation locale, nationale, régionale ou des traités internationaux relatifs à la protection des espèces et de la nature. »

L’article 6.2. (Retour des biens culturels) du Code de déontologie de l’ICOM, dispose que « les musées doivent être disposés à engager le dialogue en vue du retour de biens culturels vers un pays ou un peuple d’origine. Cette démarche, outre son caractère impartial, doit être fondée sur des principes scientifiques, professionnels et humanitaires, ainsi que sur la législation locale, nationale et internationale applicable (de préférence à des actions à un niveau gouvernemental ou politique) », tandis que l’article 6.3. (Restitution de biens culturels), prévoit que « si une nation ou une communauté d’origine demande la restitution d’un objet ou spécimen qui s’avère avoir été exporté ou autrement transféré en violation des principes des conventions internationales et nationales, et qu’il s’avère faire partie du patrimoine culturel ou naturel de ce pays ou de cette communauté, le musée concerné doit, s’il en a la possibilité légale, prendre rapidement les mesures nécessaires pour favoriser son retour ».

Enfin, l’article 6.4 du Code (Biens culturels provenant d’un pays occupé) se réfère aux normes internationales de la Convention de La Haye de 1954 applicables en cas de conflit armé en établissant que « les musées doivent s’abstenir d’acheter ou d’acquérir des biens culturels provenant de territoires

Page 173: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

163

occupés, et respecter rigoureusement les lois et conventions qui régissent l’importation, l’exportation et le transfert de biens culturels ou naturels ».

En ce qui concerne les Principes concernant l’appropriation illégale d’objets pendant l’ère nazie, l’AAM prévoit à l’article 4 que « l’AAM soutient que les musées doivent considérer les demandes de propriété d’objets dont il ont la garde, de façon ouverte, sérieuse, responsable, et dans le respect de la dignité de toutes les parties impliquées. Chaque demande devrait être considérée selon son mérite.

a) Les musées doivent étudier de façon rapide et minutieuse les demandes établissant qu’ils se sont illégalement approprié un objet de leur collection pendant l’ère nazie sans restitution ultérieure.

b) En plus d’effectuer leurs propres recherches, les musées doivent demander des preuves quant à la propriété du demandeur de façon à apporter leur aide dans la détermination de la provenance de l’objet.

c) Si un musée déclare s’être illégalement approprié un objet en sa possession pendant l’ère nazie sans restitution ultérieure, celui-ci doit essayer de résoudre le problème avec le demandeur d’une manière équitable, appropriée et convenable pour tous ».

En outre le Code de déontologie de la CINOA établit que les membres qui se trouvent être en possession d’un objet dont de sérieux doutes révèlent qu’il aura été importé illégalement et dont le pays d’origine réclame le retour dans un délai raisonnable, d’après l’article 2 devront, « en vertu des lois en vigueur faire tout ce qui est en leur pouvoir afin de coopérer à la restitution de l’objet vers son pays d’origine. Dans le cas d’une acquisition faite de bonne foi par l’antiquaire, un remboursement à l’amiable pourra être consenti ». Il est d’ailleurs compréhensible qu’aucune disposition ne soit prévue, en revanche, dans les codes de conduite en ce qui concerne l’hypothèse de ce qu’on appelle désormais le « sauf-conduit » pour les œuvres d’art qui font l’objet de prêts à l’occasion d’expositions, notamment pour neutraliser les mesures de saisie judiciaire 232.

Le Code de déontologie des archivistes, avec une disposition assez vague et particulièrement souple, établit à son article 2 que « Les archivistes traitent, sélectionnent et maintiennent les archives dans leur contexte historique,

232 Plusieurs législations nationales prévoient désormais des dispositions qui exemptent les œuvres d’art empruntées des saisies judiciaires et autres mesures conservatoires, qui ne pourraient évidemment pas faire l’objet de codes de conduite; voir E. Jayme, L’immunité des œeuvres d’art prêtées. Quelques procédures et législations récentes en Europe, M.A. Renold, P. Gabus (éd.), Claims for Restitution of Looted Art, Genève, Zürich, Bâle, Schulthess, 2004, p. 175 ss., M. Weller, Immunity for Artworks on Loan? A Review of International Customary Law and Municipal Anti-seizure Statutes in Light of the Lichtenstein Litigation, Vanderbilt Journal of Transnational Law, Oct. 2005, vol. 38, Issue 4, p. 997 ss.

Page 174: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

164

juridique et administratif, en respectant leur provenance, leur préservation et en rendant ainsi manifestes leurs interrelations originelles » 233.

Enfin, il faut souligner que l’avant-projet de l’AAMD de 2008 en matière des Standards concernant les matériels archéologiques et l’art antique prévoit à son article E que l’Association reconnaît la date du 14 novembre 1970 – date de la signature de la Convention de l’UNESCO de 1970 – en tant que seuil le plus pertinent pour l’application des standards d’acquisition d’objets d’intérêt archéologique plus rigoureux pour les musées, notamment concernant la prohibition d’acquisition des objets ayant quitté le pays d’origine après cette date.

6.1.3.3. Conduite professionnelle des associés

Le Code de déontologie de l’ICOM prévoit à l’article 1.16. concernant le conflit déontologique que « l’autorité de tutelle d’un musée ne doit jamais demander au personnel d’agir de manière pouvant être jugée contraire aux dispositions du Code de déontologie de l’ICOM, au droit national ou à tout autre code de déontologie spécifique ». Plus particulièrement l’article 7.1 (Législation locale et nationale), prévoit que « les musées doivent se conformer à toutes les lois nationales et locales de leur lieu d’implantation et respecter la législation des autres États si celle-ci interfère avec leurs activités », et l’article 7.2 (Législation internationale) dispose que « La politique des musées doit prendre acte de la législation internationale servant de norme à l’interprétation du Code de déontologie de l’ICOM , à savoir :

– la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (Convention de La Haye, premier Protocole, 1954 et deuxième Protocole, 1999) ;

– la Convention de l’UNESCO sur les moyens d’interdire et d’empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicite de biens culturels (1970) ;

– la Convention sur le commerce international des espèces de la faune et de la flore menacées d’extinction (Washington, 1973) ;

– la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (1992) ; – la Convention d’UNIDROIT sur les biens culturels volés et

illicitement exportés (1995) ; – la Convention de l’UNESCO sur le patrimoine culturel sub-

aquatique (2001) ; – la Convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine

culturel immatériel (2003). »

233 Le bref commentaire à l’article 2 du Code souligne que « les archivistes favorisent le rapatriement des archives déplacées ».

Page 175: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

165

Le Code de déontologie de l’ICOM prévoit encore à son article 8 que les musées opèrent de manière professionnelle et que les membres de la profession muséale sont tenus de respecter les normes et les lois établies, ainsi que de maintenir l’honneur et la dignité de leur profession. Ils doivent protéger le public contre toute conduite professionnelle illégale ou contraire à la déontologie. Ils mettront à profit chaque occasion pour informer et éduquer le public sur les objectifs, les buts et les aspirations de la profession, afin de le sensibiliser à l’enrichissement que les musées représentent pour la société.

La conduite professionnelle est d’ailleurs explicitement évoquée à l’article 8 qui contient un ensemble substantiel en la matière :

8.1 (Connaissance de la législation applicable) « Tous les membres de la profession muséale doivent être au fait des législations internationales, nationales et locales, ainsi que de leurs conditions d’application. Ils éviteront les situations pouvant être interprétées comme des conduites déviantes ».

8.2 (Responsabilité professionnelle) « Les membres de la profession muséale ont l’obligation de suivre les politiques et les procédures de leur institution. Toutefois, il leur est possible de s’opposer à des pratiques qui leur paraissent nuire à un musée ou à la profession et contraires à la déontologie professionnelle ».

8.3 (Conduite professionnelle) « La loyauté envers les collègues et envers le musée employeur constitue une obligation professionnelle importante ; elle doit reposer sur le respect des principes déontologiques fondamentaux applicables à la profession dans son ensemble. Les professionnels de musée doivent se conformer aux termes du Code de déontologie de l’ICOM et connaître tous les autres codes ou politiques concernant le travail muséal ».

8.4 (Responsabilités intellectuelles et scientifiques) « Les membres de la profession muséale doivent promouvoir la recherche, la protection et l’utilisation d’informations liées aux collections. De ce fait, ils doivent éviter toute activité ou circonstance pouvant entraîner la perte de telles données intellectuelles et scientifiques ».

8.5 (Trafic illicite) « Les membres de la profession muséale ne doivent jamais contribuer, directement ou indirectement, au trafic ou au commerce illicite de biens naturels ou culturels ».

Parfois, les codes maintiennent une distinction entre les règles de conduite vis-à-vis de la société et, plus spécifiquement, celles concernant la conduite professionnelle, eu égard aux règles à observer dans les rapports avec les autres professionnels. Notamment le Code de l’European Association of Archaeologists fait rentrer parmi les premières le renvoi aux dispositions prévues par la Convention UNESCO de 1970 en ce qui concerne le déroulement de toute activité ayant des connexions avec le commerce de biens d’intérêt archéologique et parmi les secondes le respect des conditions de recherche et

Page 176: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

166

de travail de la profession 234. Le souci – qui pourrait sembler purement pléonastique – de s’assurer du respect par les associés des dispositions normatives internes concernant l’interdiction de discriminations et, plus généralement, les conditions de travail, inspire clairement le même code aux articles 2.9 et 2.10 235. Il se peut donc que les codes de conduite poursuivent non seulement l’objectif de garantir des modèles de comportement standardisés, mais aussi d’assurer une fonction de rappel de certaines normes internationales et nationales.

S’agissant du Code de déontologie de la CINOA, il prévoit, aux articles 3, 4 et 5 des règles spécifiques concernant la conduite des membres par rapport au respect des lois pour la protection des espèces menacées ou en voie de disparition, à l’interdiction à prendre part à des transactions donnant lieu à des opérations de blanchiment d’argent. L’article 6 établit une obligation de caractère général concernant le devoir des membres de s’assurer de l’authenticité des objets en leur possession, ce qui est également prévu, mutatis mutandis, par l’article 3 du Code de déontologie des archivistes 236. Plus rarement les codes prévoient des formes de responsabilité purement morale vis-à-vis des espèces vivantes et non vivantes dans la poursuite des activités professionnelles, qui doivent être prises en considération sur le plan exclusivement métajuridique 237.

234 Le EEA Code of Practice de 1997 s’occupe aux articles 1.1-1.8 des « Archaeologists and Society » et aux articles 2.1-2.10 des « Archaeologists and the Profession ». Voir l’article 1.6 « Archaeologists will not engage in, or allow their names to be associated with, any form of activity relating to the illicit trade in antiquities and works of art, covered by the 1970 UNESCO Convention on the means of prohibiting and preventing the illicit import, export and transfer of ownership of cultural property » ; l’article 2.1 souligne que « Archaeologists will carry out their works to the highest standards recognised by their professional peers ». 235 L’article 2.9 prévoit que « In recruiting staff for projects, archaeologists shall not practise any form of discrimination based on sex. Religion, age, race, disability, or sexual orientation », tandis que selon l’article 2.10 « The management of all projects must respect national standards relating to conditions of employment and safety ». 236 Voir le Code de déontologie de la CINOA, Article 3: « Les membres affiliés à la CINOA s’engagent à respecter les lois pour la protection des espèces menacées ou en voie de disparition. Ils s’engagent par conséquent à ne pas faire le commerce d’objets fabriqués en matériaux faisant l’objet d’une protection par la Convention du Commerce International des Espèces Menacées » : Article 4 : « Les membres devront prendre toutes les mesures nécessaires à la détection d’objets volés en référant notamment aux registres édités à cet effet et à les utiliser à bon escient » ; Article 5 : « Les membres ne doivent en aucun cas prendre part à des transactions pouvant à leur connaissance donner lieu à des opérations de blanchiment d’argent » ; Article 6 : « Il est du devoir de chacun des membres de s’assurer de l’authenticité des objets en leur possession ». Le Code de déontologie des Archivistes établit à l’article 3 que « Les archivistes préservent l’authenticité des documents lors des opérations de traitement, de conservation et d’exploitation ». 237 Voir par exemple le Code of Ethics de l’American Anthropological Association du juin 1998, www.aaanet.org, don’t l’article III.A.1 « Responsibility to people and animals with whom anthropological researchers work and whose lives and cultures they study » prévoit que « Anthropological researchers have primary ethical obligations to the people, species and materials they study and to the people with whom they work ».

Page 177: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

167

La Confédération européenne des organisations de conservateurs-restaurateurs (ECCO, comprenant la FFCR Fédération française des conservateurs-restaurateurs) a adopté un code éthique qui « énonce les principes, les devoirs et obligations et le comportement que tout conservateur-restaurateur appartenant à une organisation membre d’ECCO s’efforcera de respecter dans l’exercice de la profession. » 238. D’après l’article I dudit code, (I - principes généraux d’application du code), art. 2 « La profession de conservateur-restaurateur constitue une activité d’intérêt public et doit être exercée dans le respect des lois et des conventions nationales et européennes, en particulier celles qui concernent les biens volés. » ; et encore (article II - obligations envers les biens culturels) nouvel art. 19 « Le conservateur-restaurateur ne doit jamais favoriser le commerce illicite des biens culturels et doit travailler activement à s’y opposer. Lorsque la propriété légale d’un bien est douteuse, le conservateur-restaurateur doit vérifier l’ensemble des sources d’information disponibles avant que tout travail ne soit entrepris. »

6.1.3.4. Sanctions prévues en cas de violation des règles

Il faut dire qu’il s’agit de sanctions tout à fait éventuelles qui pourraient avoir pour effet d’affecter le niveau d’efficacité des codes de conduite. En effet, non seulement la suspension de l’association ou la perte de la qualité de membre ne sont qu’assez rarement prévues, mais encore les procédures de vérification des violations, le plus souvent, ne sont pas indiquées.

On peut certes constater que, au niveau national, des sanctions sont effectivement prévues pour les associés en cas de violation des règles de déontologie, comme c’est le cas, en France, du Conseil des ventes aux enchères. Sur le plan international, il est par contre plus difficile de prévoir des sanctions, surtout si le code est adopté par des organismes qui ne peuvent pas exercer de pouvoirs effectifs sur les destinataires des règles, comme c’est le cas de l’ICOM.

Parmi les textes les moins vagues sur ce point on peut mentionner le Code de déontologie pour les négociants en biens culturels approuvé par le Comité intergouvernemental de l’UNESCO, qui prévoit à l’article 8 que « les infractions au présent code de déontologie font l’objet d’enquêtes rigoureuses de (corps nommé par les négociants adoptant ce code). Toute personne lésée du fait du non-respect par un négociant des principes du présent code de déontologie peut déposer une plainte auprès de cet organisme qui procède à une enquête. Les résultats de l’enquête et les principes appliqués sont rendus publics ».

(www.aaanet.org/committees/ethics/ethcode.htm). 238 Voir le site http://www.ffcr-fr.org/ref/guidefr.htm.

Page 178: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

168

En ce qui concerne le Code de déontologie de l’ICOM, il faut se référer à l’article 4 du statut de l’ICOM de 2007 qui énonce les conditions de la perte de la qualité de membre : « L’adhésion à l’ICOM peut être interrompue soit pas retrait volontaire, soit par décision du Conseil exécutif pour l’un des motifs suivants :

1) changement de statut professionnel ; 2) manquement à la déontologie professionnelle ; 3) actions jugées fondamentalement contraires aux objectifs de l’ICOM ; 4) non-paiement de cotisations après notification officielle d’échéance. » L’ancien article 18.7, qui prévoyait que le Conseil exécutif pouvait mettre

fin à l’affiliation d’une organisation internationale sur recommandation du comité consultatif, pour les raisons suivantes : « a) incapacité à conserver la proportion requise de membres de l’ICOM ; b) incapacité à conserver la proportion requise de professionnels de musée ou de musées par ses membres ; c) activité insuffisante ou inexistante ; d) actes constituant une violation grave des statuts ou du Code de déontologie professionnelle de l’ICOM » a été supprimé dans la nouvelle version du statut de 2007.

En outre le Comité pour la déontologie doit notamment veiller à l’exécution du code de déontologie. En cas de manquements graves, dûment constatés, il devra saisir le Conseil exécutif et demander éventuellement la publication de ses avis dans les Nouvelles de l’ICOM.

Le code de la CINOA prévoit à son article 8 que « Les infractions au présent code de déontologie font l’objet d’enquêtes rigoureuses de (corps nommé par les négociants adoptant ce code). Toute personne lésée du fait du non-respect par un négociant des principes du présent code de déontologie peut déposer une plainte auprès de cet organisme qui procède à une enquête. Les résultats de l’enquête et les principes appliqués sont rendus publics ».

6.1.4. Le rôle des règles de conduite et la circulation des biens À la question concernant la fonction exercée par les règles de conduite en

matière de circulation des biens et de marché de l’art, il faut tout d’abord souligner qu’il s’agit de règles qui doivent être respectées par ceux qui appartiennent à la catégorie des destinataires auxquels elles s’adressent. En d’autres termes il s’agit de règles de comportement à valeur contraignante pour les associés, du moins dans le cas de codes de conduite qui établissent un lien entre les conséquences de leur propre violation et des normes statutaires précises.

En outre, on ne doit pas sous-estimer le caractère incomplet de ces règles déontologiques en ce qu’elles s’adressent aux seuls sujets qui exercent des activités et prennent des initiatives en tant que professionnels du secteur, représentés, en l’espèce, par les institutions publiques et privées gérant des

Page 179: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

169

musées et/ou les opérateurs commerciaux tels qu’antiquaires, marchands d’art, etc.

L’objet des règles déontologiques examinées ici est suffisamment large, puisqu’il concerne les achats et cessions de biens, les origines des collections, la conduite professionnelle des adhérents et les sanctions en cas de non-respect de ces règles.

L’examen des règles en question montre que celles-ci sont largement empreintes des normes les plus importantes des conventions internationales qui, au cours des dernières décennies, ont introduit des obligations de comportement en matière de circulation de biens culturels. Elles en reproduisent même souvent le contenu. Pour ne citer qu’un exemple, il suffit de penser aux normes des articles 3 et 5 de la Convention d’UNIDROIT de 1995 au sujet de la restitution et du retour de biens ainsi qu’aux règles déontologiques de l’article 6 du Code de déontologie de l’ICOM relatif à l’origine, au retour et à la restitution des collections. Ceci nous permet de souligner que ce qui pourrait apparaître comme un point faible intrinsèque aux règles déontologiques peut, au contraire, se transformer en un point fort efficace. Bien que ces règles s’adressent aux seuls associés et/ou structures appartenant à la catégorie intéressée, il ne faut pas oublier que ne sont pas rares les cas dans lesquels les conventions internationales génératrices de normes en mesure d’influer sur le fonctionnement du marché trouvent dans le comportement des États un obstacle considérable à leur efficacité. À cet égard, le cas de la Convention d’UNIDROIT est significatif, s’agissant d’une Convention qui se heurte à des difficultés en raison du manque d’enthousiasme de nombreux États de premier plan sur le marché de l’art, qui n’ont pas encore ratifié la Convention. Comme on le sait, ceci semble être dû à la méfiance que suscite le contenu de certaines normes de la Convention concernant en particulier l’abandon de la règle « possession vaut titre » relative à la circulation de biens culturels, à l’inversion de la charge de la preuve en matière de possession de bonne foi des biens et à l’obligation de restitution au propriétaire légitime indépendamment de la bonne foi de l’acquéreur.

On peut essayer d’esquisser deux catégories d’effets produits par les codes déontologiques sur la réglementation du marché de l’art, sous l’angle du trafic illicite. Les règles peuvent avoir un « effet direct », qui a trait aux conséquences négatives encourues par l’associé en cas de non-respect (grave) de ces règles, dans tous les cas où le code ou, plus souvent, le statut de l’association/ institution concernée prévoient des sanctions pouvant aboutir à la perte de la position d’associé à la catégorie intéressée.

En pratique, cet « effet direct » devrait exister, du moins dans l’hypothèse où les codes de conduite contenant les règles déontologiques en question

Page 180: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

170

doivent être observés et appliqués de manière ponctuelle de la part des associés à la catégorie intéressée et des organes auxquels ils appartiennent

À cela, s’ajoute un « effet indirect » qui se vérifie chaque fois que lesdites règles de conduite font l’objet d’un renvoi dans les textes, ou que le respect de ces règles est pris en considération en tant qu’élément factuel permettant d’évaluer le comportement des sujets intéressés. La Convention d’UNIDROIT prévoit, par exemple, à l’article 6.2), que pour déterminer si le possesseur a su ou aurait dû raisonnablement savoir que le bien culturel a été illicitement exporté, « il sera tenu compte des circonstances de l’acquisition ». Il est donc possible qu’en application des règles de la Convention, le juge national puisse prendre en considération la conduite des opérateurs professionnels au regard des règles établies par les codes déontologiques. Il faut préciser que, même si ces règles ne sont pas toujours respectées, souvent les codes déontologiques contiennent des règles de conduite plus détaillées et parfois plus strictes sur le plan de la diligence requise, par rapport aux règles établies par la loi. En ce sens, les Guidelines on Loans of Antiquities and Ancient Art produites par l’AAMD (Association des directeurs des musées d’art), prévoient pour les associés un niveau de transparence en matière d’acquisition des objets souvent plus élevé que celui prévu par plusieurs législations nationales, alors même qu’il s’agit d’un code dépourvu de sanctions en cas d’inobservation des règles.

6.2. Pratiques nationales

6.2.1. Acteurs et institutions patrimoniaux (conservateurs, musées, etc.)

Le code de déontologie de l’ICOM pour les musées est largement connu dans les États membres. Il s’agit d’un instrument de référence pour les professionnels des musées et institutions patrimoniales 239.

Certains États membres ont intégré dans leur législation nationale les dispositions du code concernant les acquisitions (Belgique, Danemark, Estonie, Grèce, Italie, Lettonie, Lituanie, Portugal). Le processus de codification renforce, du moins en théorie, l’impact de ces règles.

Dans certains cas, l’adhésion ou le respect du code de l’ICOM peut avoir un impact du point de vue du statut des institutions muséales.

Les musées néerlandais doivent notamment souscrire au code d’éthique de l’ICOM afin de pouvoir être enregistrés comme musées. Le registre est conservé par le Netherlands Museums Association. La commission d’éthique

239 Le code est publié dans les 3 langues officielles de l’ICOM : anglais, français, espagnol. Le code est actuellement traduit en allemand, danois, finois, italien, néerlandais, polonais, portugais, suédois.

Page 181: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

171

installée par l’Association des musées néerlandais (Netherlands Museums Association) en 1991 est compétente pour conseiller les musées quant aux questions relatives au code d’éthique qui comprend, entre autres, plusieurs articles sur le contrôle de la provenance des biens et le respect de la bonne foi lors de l’acquisition de biens ou l’acceptation de cadeaux ou de prêts pour des expositions. De même, la Commission d’éthique des musées ethnologiques néerlandais conseille les musées ethnologiques des Pays-Bas sur les questions d’éthique et d’acquisition d’objets.

Dans certains États membres, des codes de déontologie sont élaborés par les musées nationaux (Hongrie, Angleterre et Pays de Galles 240). Les codes déontologiques sont très importants en Angleterre pour les groupements privés et publics. Dès 1973, le directeur de l’Office of Fair Trading a encouragé, selon l’article 124 (3) du Fair Trading Act de 1973, la création de codes de conduite. Ainsi, divers groupements sont nés pour, d’une part, assurer un niveau minimum de compétence afin de protéger les consommateurs et, d’autre part, faciliter la résolution gracieuse des litiges.

Enfin, dans certains cas, le code est cité en référence dans les règlements intérieurs ou les statuts des musées (Lettonie, Finlande). En France, le ministère de la Culture a publié une charte de déontologie des conservateurs du patrimoine et autres responsables des musées de France. Il est précisé que la charte repose essentiellement sur les principes fondamentaux qui figurent dans le code de déontologie de l’ICOM 241.

6.2.2. Acteurs du marché On relève une inégale prise en compte de la déontologie par les maisons de

ventes et négociants de biens culturels selon les États membres. Outre leur adhésion au code de déontologie de la CINOA (International

Confederation of art and antique dealers associations) ou au code international de déontologie pour les négociants en biens culturels de l’UNESCO 242, certains acteurs du marché de l’art élaborent leur propre code de déontologie.

En Angleterre et au Pays de Galles, l’autorégulation par les professionnels est vivement encouragée et les codes déontologiques jouent un rôle très important. Il existe ainsi plusieurs groupements volontaires pour les professionnels du marché de l’art. Par exemple, les maisons de vente

240 Le Museums Association’s Code of Practice for Museum Governing Bodies, 1994 - le Museums Association’s Ethical Guidelines on Acquisition, 2004 - le Museums Association’s Code of Ethics, 2002 - le British Museum Ethics Policy, 2007. 241 Circulaire n° 2007/007 du 26 avril 2007 portant charte de déontologie des conservateurs du patrimoine (fonction publique d’État et territoriale) et autres responsables scientifiques des musées de France pour l’application de l’article L.442-8 du code du patrimoine. 242 Ce code est notamment traduit en finnois et en suédois.

Page 182: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

172

spécialisées dans la vente d’œuvres d’art sont regroupées au sein de la Society of Fine Art Auctioneers (SFAA) depuis 1975. Les antiquaires font partie de plusieurs groupements tels que the British Antique Dealers Association ou Thames Valley Antique Dealers Association. Chaque groupement a défini un code déontologique auquel les professionnels choisissent librement d’adhérer ou non 243. Si un membre manque aux obligations posées dans le code, il peut être exclu du groupe. Cette sanction peut sembler peu coercitive, puisqu’il n’existe aucune obligation légale d’y adhérer, pourtant, ce type de groupement joue un rôle important en Angleterre et la plupart des professionnels y adhèrent.

En Belgique, la Chambre royale des antiquaires et des négociants en œuvre d’art s’est dotée d’un code d’éthique. Il en est de même pour la Swedish Antiquarian Booksellers Association et la Finnish Antiquarian Booksellers Association.

Au Danemark, tous les membres de la Danish Antiquarian Booksellers Association sont tenus d’adhérer au code de déontologie de l’ILA (International League of Antiquarian Booksellers).

L’association des marchands d’art des Pays-Bas (The Association of Fine Art Dealers in the Netherlands, Vereeniging Handelaren in Oude Kunst, VHOK) est la plus importante organisation de marchands d’art néerlandaise. Elle est membre de l’association internationale des marchands d’art (CINOA). L’association des marchands d’art néerlandais s’est dotée d’un code de déontologie qui s’appuie sur le code de déontologie de la CINOA. L’association des marchands d’antiquités tchèques a adopté un code déontologique reprenant celui de la CINOA.

Au Portugal, l’Association portugaise des antiquaires a son propre code de déontologie.

La France vient d’adopter une loi de libéralisation de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques 244 qui prévoit que le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques est chargé d’élaborer un recueil des obligations déontologiques de ces opérateurs, soumis à l’approbation du garde des Sceaux, ministre de la Justice, et rendu public.

243 Le Code of Practice for the Control of International Trading in Works of Art, 1985 – l’Ancient Coin Collectors Guild (ACCG) Board Code of Ethics, 2005 - le code de l’International Association of Dealers in Ancient Art, 1993 - les deux codes du Council for the Prevention of Art Theft, 1999 : l’un pour les maisons de vente aux enchères et l’autre pour les antiquaires (ces deux codes portent le même titre : Code of Due Diligence) - les principes du British Art Market Federation. 244 Loi n° 2011-850 du 20 juillet 2011 de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

Page 183: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

173

7. RELATIONS ENTRE SOURCES INTERNATIONALES ET DROITS INTERNES

7.1. État des ratifications de la Convention de 1970 et réserves Si la plupart des États membres ont ratifié la Convention de 1970 (22 États

au 1/09/11), il reste encore 5 États à ne pas l’avoir fait : États Date du dépôt de

l’instrument Type d’instrument

Allemagne 30/11/2007 Ratification Autriche Belgique 31/03/2009 Ratification Bulgarie 15/09/1971 Ratification Chypre 19/10/1979 Ratification Danemark 26/03/2003 Ratification Espagne 10/01/1986 Ratification Estonie 27/10/1995 Ratification Finlande 14/06/1999 Ratification France 07/01/1997 Ratification Grèce 05/06/1981 Ratification Hongrie 23/10/1978 Ratification Irlande Italie 02/10/1978 Ratification Lettonie Lituanie 27/07/1998 Ratification Luxembourg Malte Pays-Bas 17/07/2009 Acceptation Pologne 31/01/1974 Ratification Portugal 09/12/1985 Ratification République tchèque 26/03/1993 Notification de succession Roumanie 06/12/1993 Acceptation Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord 01/08/2002 Acceptation

Slovaquie 31/03/1993 Notification de succession Slovénie 05/11/1992 Notification de succession Suède 13/01/2003 Acceptation

Il faut remarquer que certains États ont assorti la ratification de la Convention de réserves, en particulier sur le plan du champ matériel ou de la portée de certaines des règles.

Page 184: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

174

Ainsi, certains États ont limité le jeu de la Convention de 1970 en resserrant la définition des biens culturels en se référant à des seuils financiers ou de datation. La France a notamment formulé une réserve lors de la ratification. En vertu du décret n° 97-435 du 25 avril 1997 portant publication de la Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, faite à Paris le 14 novembre 1970 245, « les biens culturels désignés comme étant d’importance pour l’archéologie, la préhistoire, l’histoire, la littérature, l’art ou la science, conformément à l’article 1 » de la Convention de 1970 sont précisés dans une annexe qui reprend les catégories de biens énumérés dans le décret n° 93-124 du 29 janvier 1993 dans sa version d’origine, catégories identiques au Règlement n° 116/2009, affectées par conséquent de seuils économiques et de datation. Le champ d’application de la Convention est resserré autour de ces biens. Dans le même sens, la Belgique a également formulé des réserves à la Convention de 1970 en disposant que l’expression biens culturels doit être interprétée comme se limitant aux objets énumérés à l’annexe du Règlement CEE n° 3911/92 du 9 décembre 1992 tel que modifié ainsi qu’à l’annexe de la directive n° 93/7 du 15 mars 1993 modifiée.

C’est encore la solution retenue par le Royaume-Uni.

7.2. Modes d’accession ou d’intégration de la Convention La prise en compte de la Convention de 1970 et les modes d’intégration

dans le droit interne des règles et principes diffusés par la Convention sont d’une grande variété. Ils vont de l’édiction d’une loi d’intégration attachée à préciser les modalités d’application de la Convention à la simple ratification, en passant par l’adoption de certaines mesures destinées à mieux répondre aux exigences posées par la Convention.

7.2.1. Les États qui ont adopté des lois d’intégration Un certain nombre d’États ont adopté des textes désignés comme étant de

mise en œuvre, d’application ou de transposition de la Convention. C’est le cas de l’Allemagne 246, de la Hongrie 247, de la Slovaquie 248, de la République

245 JORF n° 103, 3 mai 1997, p. 6680. 246 Gesetz zur Ausführung des UNESCO-Übereinkommens vom 14. November 1970 über Maßnahmen zum Verbot und zur Verhütung der rechtswidrigen Einfuhr, Ausfuhr und Übereignung von Kulturgut und zur Umsetzung der Richtlinie 93/7/EWG des Rates vom 15.März 1993 über die Rückgabe von unrechtmäßig aus dem Hoheitsgebiet eines Mitgliedstaats verbrachten Kulturgütern. Act implementing the UNESCO Convention of 14 November 1970 on the means of prohibiting and preventing the illicit import, export and transfer of ownership of cultural property and implementing Council Directive 93/7/EEC of 15 March 1993 on the return of cultural objects unlawfully removed from the territory of

Page 185: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

175

tchèque 249, de la Pologne 250, des Pays-Bas 251, de la Lituanie 252, du Portugal 253, de l’Estonie 254, de la Suisse 255.

Les méthodes de transposition ou d’intégration sont cependant diverses. On peut citer quelques exemples récents intéressants quant à la méthode d’intégration en ce qu’ils prévoient des dispositifs plus performants en matière de restitution de biens culturels illicitement exportés, importés ou ayant fait l’objet d’un transfert de propriété illicite.

La Suisse a suivi une méthode jugée relativement performante, notamment en ce que sa législation sur le transfert des biens culturels (LTBC) est la loi de mise en œuvre de la Convention de 1970 (ce processus s’est réalisé dans le fil de la ratification de la Convention). Les points forts sont notamment dans la définition des biens culturels, dans les sanctions, dans l’énoncé d’un devoir de diligence et dans les délais d’action.

Les Pays-Bas ont adopté une démarche relativement proche dans la loi d’intégration (Implementation Act of the UNESCO Convention on the Illicit Import, Export and Transfer of Ownership of Cultural Property).

L’Allemagne a ratifié la Convention de 1970 en 2007 et s’est engagée dans un processus d’intégration qui a abouti à l’adoption de la loi sur le retour de la

a Member State (Act on the Return of Cultural Property - KultGüRückG), traduction en anglais accessible sur http://bundesrecht.juris.de/englisch_kultg_r_ckg/index.html. 247 Decree-Law n. 2 of 1979 on the promulgation of the UNESCO Convention on the means of prohibiting and preventing the illicit import, export and transfer of ownership of cultural property of 1970. 248 Décret du ministère des Affaires étrangères 15/1980 Zb qui transpose la Convention UNESCO 1970, Ordonnance du ministère des Affaires étrangères 18/1980 sur la Convention UNESCO 1970 (valant transposition, réponse du ministère de la Culture). 249 Décret du ministre des Affaires étrangères n° 15/1980 du JO relatif à la Convention concernant les mesures d’interdiction et de prévention de l’exportation des biens culturels. Quatre lois mettent en œuvre la Convention. 250 Loi du 23 juillet 2003 (version amendée de la loi du 15 février 1962) sur la conservation et la protection des monuments. 251 1970 UNESCO Convention on the Illicit Import, Export and Transfer of Ownership of Cultural Property (Implementation) Act (2009), 12 juin 2009, Bulletin of Acyts, Orders and Decrees 2009, n°255). 252 La Lituanie a adopté une loi et quatre résolutions transposant la Convention. 253 Loi n° 56-85 concernant l’application de la Convention de l’UNESCO de 1970, du 26 juillet 1985. 254 Quatre textes sont pertinents : Loi sur le transport, l’exportation et l’importation de biens culturels (2007) ; Loi sur la protection du patrimoine (2002) ; Loi sur les musées (1996) ; Loi sur le retour des biens culturels illicitement déplacés du territoire d’un État membre de l’Union européenne (2003/2005). 255 Loi fédérale sur le transfert international des biens culturels (LTBC ; RS 444.1).

Page 186: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

176

propriété culturelle en 2008. On peut observer que l’Allemagne a transposé dans un même texte la Convention de 1970 et la directive 93/7/CEE 256.

La Belgique s’est également engagée dans un processus d’intégration, en créant une plate-forme de concertation « importation, exportation, restitution des biens culturels » réunissant les différentes instances publiques concernées dont la première mission est de réfléchir à l’élaboration de législations de transposition.

7.2.2. Les États qui ont adopté des dispositions permettant de se conformer à certaines règles de la Convention

La démarche est différente et consiste à intégrer certaines modifications dans l’ordre interne en considération des règles et principes contenus dans la Convention de 1970, et ce dans des proportions variables.

En Croatie, certaines dispositions de la Convention ont influencé la Loi sur la protection et la préservation des biens culturels de 1999, amendée en 2003.

En Estonie, le processus d’adhésion à l’Union européenne a stimulé l’intégration des normes européennes dans le droit national. La transposition du droit communautaire a eu pour résultat l’élaboration de normes nationales qui, d’une certaine manière, ne couvrent pas la totalité des cas éventuellement émergents et excluent les cas de la circulation de biens culturels en dehors de l’Union européenne. Dans le rapport de l’Estonie sur la mise en œuvre de la Convention de 1970, il a été souligné : « In accordance with the 1970 Convention Estonia has agreed to co-operate with all Member States in order to facilitate identification and return to their lawful owners of works of art and cultural property illegally brought into its territory, but the return of unlawfully removed cultural objects is legally regulated only with regard to EU member states 257. »

256 Kulturgüterrückgabegesetz (KultGüRückG ; Gesetz zur Ausführung des UNESCO- Übereinkommens vom 14. November 1970 über Maßnahmen zum Verbot und zur Verhütung der rechtswidrigen Einfuhr, Ausfuhr und Übereignung von Kulturgut und zur Umsetzung der Richtlinie 93/7/EWG des Rates vom 15. März 1993 über die Rückgabe von unrechtmäßig aus dem Hoheitsgebiet eines Mitgliedstaates verbrachten Kulturgütern); Loi relative à l’exécution de la Convention de l’UNESCO du 14 novembre 1970 sur les mesures concernant l’interdiction et la prévention de l’importation, de l’exportation et du transfert illicite de propriété et de l’application de la directive 93/7/CEE du Conseil, du 15 mars 1993, relative au retour des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire national d’un État membre de l’Union européenne du 18 mai 2007 (Loi relative au retour des biens culturels, BGBl. I n°21 du 23 mai 2007, p. 757). 257 Report by Estonia on the application of the 1970 Convention on the Means of Prohibiting and Preventing the Illicit Import, Export and Transfer of Ownership of Cultural Property. The report has been prepared in co-operation of National Heritage Board, Ministry of Culture, Tax and Customs Board, Police and Border Guard Board and Estonian National Commission for UNESCO, Tallinn, 31 January 2011, p. 9.

Page 187: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

177

7.2.3. Les États qui ont ratifié sans modification de leur droit interne Un certain nombre d’États ont ratifié sans toujours engager de réflexion sur

l’impact des règles de la Convention sur le droit interne et la nécessité de faire évoluer certaines règles. C’est notamment le cas du droit français. Certaines évolutions sont allées dans le sens d’une meilleure mise en œuvre de la Convention sans avoir été adoptées en relation directe avec la Convention de 1970, par exemple la création en 1975 d’une police spécialisée, l’office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) 258, ou encore l’institution d’un certificat d’exportation qui prend la suite du système d’autorisation d’exportation prévu dans la loi de 1941 259. Ce dernier n’a pas été élaboré sur le modèle du certificat UNESCO/OMD. Le système a avant tout été conçu en contemplation des données du droit communautaire et des exigences liées à la circulation des biens culturels. Cela étant, le niveau normatif en matière de contrôle de la circulation a été jugé suffisant.

En ce qui concerne l’Italie, la ratification des Conventions UNESCO et d’UNIDROIT n’ont pas véritablement influencé le droit italien dans la mesure où l’État italien dispose d’une législation substantielle en matière de contrôle des exportations qui remonte au début du XIXe siècle et qui, en l’occurrence, a pu inspirer d’autres États.

7.2.4. Les États qui, sans avoir adopté de loi d’application s’inspirent de la Convention de 1970, lorsqu’ils sont confrontés à des questions de restitution

La montée en puissance d’une forme de devoir moral de restitution des Etats lorsque la situation illicite est patente fait que, même en l’absence d’une loi d’intégration, certaines initiatives s’appuient et s’inspirent des règles préconisées par la Convention. Un certain nombre d’États, dans la résolution de ce type de difficultés, se réfèrent notamment à la date de la Convention et si la situation illicite est postérieure à cette date, s’engageront plus facilement dans un processus de restitution. On peut citer en illustration la récente restitution par le musée du Louvre des fresques Tetiki à l’Égypte.

7.3. Les solutions de transposition ou d’intégration conduisant à une mise en œuvre en ordre dispersé

7.3.1. Points clés en matière de prévention et de lutte contre le trafic illicite de biens culturels : lignes directrices de l’UNESCO

Le site de l’UNESCO précise que la Convention de 1970 demande à ses États parties d’agir notamment dans les domaines suivants :

258 Décret n° 75-432 du 2 juin 1975, JORF, 4 juin 1975, p. 5572. 259 Loi du 31 décembre 1992 codifiée aux articles L 111-1 et s. du Code du patrimoine.

Page 188: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

178

« - Mesures préventives: Inventaires, certificats d’exportation, mesures de contrôle et d’agrément des

négociants en biens culturels, application de sanctions pénales ou administratives, campagnes d’information etc. • Dispositions en matière de restitution: L’alinéa (b) (ii) de l’article 7 de la Convention dispose que les États parties

s’engagent à prendre des mesures appropriées pour saisir et restituer à la requête de l’État d’origine partie à la Convention tout bien culturel ainsi volé et importé après l’entrée en vigueur de la Convention à l’égard des deux États concernés, à condition que l’État requérant verse une indemnité équitable à la personne qui est acquéreur de bonne foi ou qui détient légalement la propriété de ce bien. De manière plus indirecte, et sous réserve du droit national, l’article 13 prévoit également des dispositions en matière de restitution et de coopération. • Coopération internationale L’idée du renforcement de la coopération entre les États parties est

présente tout au long de la Convention. En cas de mise en danger du patrimoine culturel par des actes de pillage, l’article 9 prévoit même la possibilité pour les États qui subissent des actes de pillage archéologique ou ethnologique de « faire appel aux qui sont États concernés. Les États parties à la présente Convention s’engagent à participer à toute opération internationale concertée dans ces circonstances, en vue de déterminer et d’appliquer les mesures concrètes nécessaires y compris le contrôle de l’exportation, de l’importation et du commerce international des biens culturels spécifiques concernés ».

7.3.2. Solutions nationales dans la mise en œuvre de la Convention de 1970

Dans la mise en œuvre de ces différents moyens, les solutions nationales sont variées. Nous en retiendrons quelques exemples qui peuvent inspirer une réflexion sur la nécessité d’harmoniser ou de rapprocher certains dispositifs juridiques, techniques ou opérationnels.

7.3.2.1. Volet opérationnel

• Services en charge de l’application de la Convention Ces services sont très variés, services de police (en France l’OCBC) ou

administrations culturelles (Chypre, Italie, Lituanie). Dans certains États, plusieurs services sont concernés en fonction de la nature du bien et du type d’infraction ou de situation illicite. Aux Pays-Bas, deux services sont responsables de l’application de la Convention de 1970 : l’Inspection du patrimoine culturel du Ministère de l’Education, de la Culture et des Sciences

Page 189: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

179

(Cultural Heritage Inspectorate) et l’Administration des douanes. Quant à la police, le Department of International Police Information (IPOL) est compétent dans les cas de vol des biens culturels et dispose depuis 2010 d’une unité spécifique (Art and Antiques Crime Unit, AACU). Tous ces services coopèrent avec leurs homologues au niveau international. Au niveau national, un Comité spécial, sous la présidence du Ministère de la Culture, se réunit 3 ou 4 fois par an pour coordonner le travail de ces services.

À Chypre, sont compétents à la fois le département des Antiquités du ministère de la Communication et du Travail et les services culturels du ministère de l’Éducation et de la Culture. En Roumanie, la partition se fait autour des questions de prévention (compétence du ministère de la Culture, Directorat pour le patrimoine culturel) et de lutte contre le trafic illicite de biens culturels (compétence de la police).

Certains services ou institutions sont investis explicitement de la mission de gérer les institutions (par exemple en Lituanie, la loi sur la propriété culturelle désigne le Ministère de la Culture comme institution responsable des restitutions, a. 17, Law on Protection of Cultural Objects).

Ces services n’ont pas toujours reçu pour mission de réfléchir à l’application de la Convention d’où une grande disparité entre les États membres. • Coopération et coordination des actions : Certains États ont mis en place de véritables services de coordination en

charge des questions liées au trafic illicite. C’est notamment le cas de l’Allemagne avec le Koordinierungsstelle, institution commune à l’État fédéral et aux Länder, de la Finlande qui a créé un comité pour élaborer des propositions dans le cadre de l’application de la Convention de 1970, propositions qui sont soumises à la police, aux douanes et aux ministères concernés. Au Royaume-Uni, le Cultural Property Unit (CPU) du Department for Culture, Media and Sport (DCMS) a pour attribution la prévention du trafic illicite des biens culturels. Cette autorité agit aussi dans le cadre de la directive 93/7/CEE. Elle assure la liaison entre différentes autorités : les douanes, la police, les musées, entre autres.

La coordination s’organise parfois sur un plan plus informel, sans toujours passer par un cadre institutionnel. Elle peut s’exprimer au travers d’actions communes, par exemple en matière d’information (site français sur les biens culturels) ou de circulation de l’information.

7.3.2.2. Volet juridique

Nous reprenons ici les exemples de certaines lois d’intégration évoquées plus haut au travers desquelles émerge un certain nombre de points clés.

Page 190: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

180

* Identification/provenance – Définition utile dans la délimitation des biens culturels dans les

droits internes 260 La définition contenue dans la Convention de 1970 a pu inspirer le

législateur national dans la délimitation de la notion de bien culturel, dans des termes variables.

Certains États ont par exemple adopté la définition contenue dans la Convention de 1970 pour désigner les biens culturels d’importance dans leur droit interne. C’est le cas, en Suisse de la LTBC.

La loi allemande a adopté la notion de bien culturel au sens de la Convention de 1970 mais développe également une notion de bien culturel allemand.

Les Pays-Bas ont adopté la notion de bien culturel au sens le l’article 1 de la Convention UNESCO lors de l’adoption de la loi de transposition de 2009 261. C’est aussi le cas de la Croatie, qui reprend dans sa définition des biens culturels le même système de liste que la Convention de 1970 262.

La question se pose de savoir, à la lumière de cette définition quels biens sont considérés comme étant les plus précieux et comme tels relevant du patrimoine national, par exemple, dans l’Union européenne ceux d’entre eux qui peuvent être qualifiés de trésors nationaux au sens de l’article 30 TFUE.

– Due diligence/bonne foi 263 La Suisse a profité de l’adoption de sa loi d’application de la Convention

pour créer un devoir de diligence dans le marché des biens culturels. Une norme générale crée un devoir de diligence pour tous (art. 16 al. 1 LTBC) et des règles spéciales s’appliquent aux commerçants d’art et aux maisons de vente aux enchères (art. 16.2 LTBC), ainsi qu’aux musées et institutions de la Confédération (art. 15 LTBC).

L’introduction de la Convention UNESCO dans le système juridique néerlandais en 2009 (12 Juin 2009, Bulletin of Acts, Orders and Decrees 2009, n° 255) a entraîné l’obligation faite pour le public, le marché de l’art et les maisons de vente d’agir de manière plus réfléchie lors de l’acquisition de biens culturels. Cela se traduit notamment par un effort quant à la bonne foi des acteurs eu égard à la vérification de l’origine du bien acquis. Les obligations dans ce domaine relèvent du Chapitre 3, section 6 de loi transposant les dispositions de la Convention UNESCO en droit néerlandais (art. 87A du

260 Pour la comparaison des systèmes dans l’appréhension de la notion, v. État des lieux, 5.1.1. 261 1970 UNESCO Convention on the Illicit Import, Export and Transfer of Ownership of Cultural Property Implementation Act. 262 Loi sur la protection et la préservation des biens culturels de 1999, amendée en 2003. 263 Sur la comparaison détaillée de la notion, v. État des lieux, 5.1.3.3

Page 191: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

I. État des lieux

181

code civil). Elles se fondent également sur la Convention d’UNIDROIT. Même si les Pays-Bas n’ont pas ratifié cette Convention, certains de ces éléments ont été intégrés dans la loi néerlandaise. C’est le cas, par exemple, des articles portant sur la bonne foi. Cette intégration a été baptisée « UNESCO + ». Il nous a d’ailleurs été signalé lors de notre entretien que cela pourrait constituer une bonne pratique à l’attention des autres États membres 264.

– Traçabilité du commerce d’œuvres d’art La Convention de 1970 dans son article 10 invite les États à prévoir des

sanctions pénales et administratives sur les registres des marchands 265. L’exigence de tenue d’un registre est en effet un des points clés dans la

chaîne du commerce de biens culturels, identifié comme tel dans la loi suisse. Les commerçants d’art et les personnes pratiquant la vente aux enchères doivent tenir un registre (art. 16 LTBC). Ce registre doit notamment comprendre le nom et l’adresse du fournisseur ou du vendeur (art. 16 LTBC) mais il ne doit pas comprendre, à teneur du texte légal, l’identité de l’acquéreur. On peut s’en étonner. La traçabilité du bien culturel n’est ainsi pas assurée sur l’entier de la chaîne de transfert. Il est vrai que les commerçants d’art et les personnes pratiquant la vente aux enchères doivent aussi respecter un devoir de diligence au sens large (art. 16 al. 1 LTBC) qui les astreint à ne pas céder un bien culturel dont il faudrait présumer à la vue des circonstances une origine illégale. La violation de ce devoir n’emporte pas de conséquences civiles (doctrine partagée) mais des sanctions pénales (art. 25 LTBC). En d’autres termes, le commerçant d’art ou la personne pratiquant la vente aux enchères qui acquiert de bonne foi un bien culturel et en apprend subséquemment l’origine illicite doit avertir le service spécialisé (art. 16 al. 2 let. d LTBC). Le service spécialisé peut contrôler le registre et retrouver le fournisseur ou le vendeur (art. 17 et art. 18 let. i LTBC) 266.

* Déplacement des biens culturels Le « Implementation Act of the 1970 UNESCO Convention on the Illicit

Import, Export and Transfer of Ownership of Cultural Property » prévoit qu’il est interdit d’importer aux Pays-Bas des biens culturels :

264 Voir également le Explanotory memorandum portant sur l’intégration dans le droit néerlandais de la Convention UNESCO de 1970. 265 Les États parties à la présente Convention s’engagent : « À restreindre par l’éducation, l’information et la vigilance, les transferts de biens culturels illégalement enlevés de tout État partie à la présente Convention et, dans les conditions appropriées à chaque pays, à obliger, sous peine de sanctions pénales ou administratives, les antiquaires à tenir un registre mentionnant la provenance de chaque bien culturel, le nom et l’adresse du fournisseur, la description et le prix de chaque bien vendu, ainsi qu’à informer l’acheteur du bien culturel de l’interdiction d’exportation dont ce bien peut être l’objet » . 266 Sur la comparaison détaillée des systèmes en matière de registre de police, v. État des lieux, 5.1.3.1.

Page 192: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

182

a) en provenance d’un État partie, en violation des dispositions adoptée par ledit État partie en accord avec les objectifs poursuivis par la Convention concernant l’exportation de biens culturels depuis cet État partie ou le transfert de propriété de biens culturels ; ou

b) qui ont fait l’objet d’une appropriation illégale dans un État partie (section 3).

Le retour des biens importés aux Pays-Bas en violation de la section 3 du texte précité peut être demandé, conformément aux articles 1011a-1011d du code de procédure civile néerlandais, par une procédure intentée par l’État partie dont sont originaires les biens ou par une personne disposant d’un titre valide de propriété concernant le(s) bien(s) en cause (section 4). La procédure est intentée contre le possesseur. Un document doit, à peine de nullité, attester que les biens en cause correspondent bien à la définition faite d’un bien culturel dans la section 1d du texte de 2009 intégrant la Convention UNESCO de 1970 dans le système juridique néerlandais. De même l’État qui s’est trouvé dépossédé en contravention des règles d’exportation en vigueur du bien en question doit fournir une déclaration dans ce sens.

Page 193: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

183

II. Identification des obstacles et

difficultés

Page 194: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4
Page 195: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

185

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes _______________________________________

Avant de s’engager dans la voie des solutions, l’identification des obstacles, rencontrés et des insuffisances du système de prévention et de lutte contre le trafic illicite appelle une analyse fine sur la nature des difficultés qu’éprouvent les États à endiguer le trafic illicite et sur la façon dont les groupes cibles perçoivent ces difficultés, qu’il s’agisse des administrations, institutions, des professionnels du marché ou du patrimoine.

1. TYPOLOGIE DES DIFFICULTES POTENTIELLEMENT GENERATRICES DE TRAFIC ILLICITE

La nature des difficultés qui seront détaillées dans le point suivant sera relevée pour chacune des situations identifiées dans la chaîne du trafic des biens culturels selon cette grille de lecture.

- Difficultés juridiques d’ordre technique. Elles sont de plusieurs sortes tenant à l’insuffisance ou l’inexistence de normes, à leur efficacité (niveau de performance, insuffisance de prise en compte de la spécificité des biens culturels). Elles peuvent aussi résulter de phénomènes de distorsion. Elles naissent en effet dans certains cas de la pluralité et de la superposition de différents niveaux de règles et des distorsions observées dans les traitements nationaux du trafic des biens culturels. Ces distorsions peuvent en l’occurrence résulter des différences entre systèmes juridiques ou entre méthodes de transposition et d’intégration des outils européens et internationaux. Elles peuvent encore découler d’un déficit d’articulation des sources, qui compte tenu de leur multiplication et des compétences démultipliées en la matière doivent, pour plus d’efficacité, être conçues en coordination.

- Difficultés procédurales. Elles touchent notamment à la mise en œuvre des procédures de sanction ou de restitution au plan national et international.

- Difficultés dans l’application des normes et dans leur efficience. Il s’agit notamment des difficultés d’application des textes rencontrées à l’occasion des litiges, des difficultés de mise en œuvre des textes dans les procédures de demande de restitution en droit international privé ou public, des possibles effets perturbateurs pour le marché légal (par exemple la création de marchés parallèles).

- Difficultés techniques. Ces difficultés peuvent encore être purement techniques (problème de circulation de l’information, de l’identification des

Page 196: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

186

biens protégés ou volés) ou opérationnelles. Ces aspects ne seront pas ici dissociés de l’étude du volet juridique, dans la mesure où la plupart de ces obstacles ont un soubassement juridique).

- Difficultés opérationnelles. Elles ont plusieurs causes : - déficit d’information ; - déficit de coopération interinstitutionnelle ; - déficit de coopération entre acteurs privés et publics ; - insuffisance de réflexion autour des bonnes pratiques.

2. REALITE DES DIFFICULTES ANALYSEES SUR LA CHAINE DU TRAFIC ILLICITE

Nous avons choisi de partir, dans cette partie consacrée à l’étude des difficultés et obstacles, des situations qui, dans la chaîne du trafic des biens culturels, soulèvent, sur un plan pratique des difficultés ressenties par les différents acteurs comme particulièrement prégnantes. Il s’agit dans chacune de ces situations d’analyser les types de difficultés à surmonter. En qualifiant la nature des obstacles, il conviendra d’indiquer dans les développements qui suivent :

- les conséquences pratiques sur le trafic illicite ; - les acteurs concernés. Ce développement se nourrira, d’une part, des sources et données

existantes dans lesquelles ont d’ores et déjà été identifiés des difficultés et obstacles et, d’autre part, des enquêtes de terrain complétant ces données réalisées dans le cadre de l’étude 267.

2.1. Considérations générales Parmi les difficultés qui ont un impact général, plusieurs points ont été

évoqués lors des enquêtes effectuées dans les pays auprès des différents groupes cibles.

En ce qui concerne les différences observées entre les systèmes juridiques, plusieurs États considèrent qu’il s’agit d’une difficulté majeure en dépit des rapprochements opérés par le canal du droit international. C’est notamment le cas de l’Italie ou de la Grèce, deux États qui ont développé un arsenal normatif performant dans ce domaine. Les administrations en charge de la culture en Autriche font aussi valoir l’hétérogénéité des ordres juridiques des États de provenance et du marché. Un des freins importants découle des variations sensibles en matière de délimitation des biens culturels et des techniques et méthodes de protection et de contrôle. La difficulté est ici quasi irréductible au regard des compétences culturelles des États : les régimes

267 Pour une vue synthétique de ces difficultés, voir tableau en annexe.

Page 197: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

187

spéciaux de biens culturels relèvent pour une grande partie du droit interne. Le défi consiste ici non à vouloir harmoniser mais à gérer la diversité. Le projet commence par une meilleure compréhension des patrimoines des États, du mode singulier sur lequel ils délimitent leur patrimoine, décident de ce que sont leurs trésors nationaux. Au-delà de la question de la circulation de l’information, ce sont aussi les critères précis d’identification des biens culturels auxquels il faut pouvoir accéder. Dans un grand nombre de cas, la délimitation des biens culturels est peu claire, parfois peu transparente. Dans plusieurs États, nos interlocuteurs ont signalé les difficultés de ce point de vue.

Sur le plan institutionnel, l’éclatement des compétences est vu comme un réel obstacle dans la recherche d’efficacité des moyens de prévention et de lutte. Le constat émane notamment de certains États à structure fédérale (Allemagne) ou à fortes composantes régionales (Espagne). Plus généralement, il résulte de la dispersion de la compétence et de la responsabilité des services en charge à un titre ou à un autre d’une question liée au trafic illicite de biens culturels (constat assez récurrent, évoqué notamment par la police roumaine comme obstacle majeur ou par les responsables d’administrations culturelles en Allemagne) et de l’absence de méthodes ou de structures de coordination.

La difficulté de circulation et d’accès aux données en provenance d’États étrangers est assez fréquemment relevée dans les rapports nationaux (citée notamment en Pologne à propos des biens culturels déplacés à l’étranger, en particulier les biens perdus, volés, spoliés durant la Seconde Guerre mondiale) ou par la Lituanie (pour l’information relative aux sites Internet). La lenteur et la complexité du flux d’information sur le plan international est aussi très généralement dénoncée ainsi que l’insuffisance de systèmes de communications d’information entre les États membres de l’Union européenne.

Plus spécialement, le manque d’échanges entre services, d’expériences, d’expertises et de bonnes pratiques au niveau des pays membres de l’Union a été identifié comme un aspect problématique (par exemple en Lituanie, en Lettonie et en Pologne qui ont fait valoir le manque d’experts qualifiés et les possibilités limitées d’obtention rapide d’avis d’experts).

Enfin, la nécessité de formation, compte tenu de la spécificité des savoirs nécessaires pour identifier des objets suspects a été signalée dans plusieurs rapports nationaux réalisés à l’issue des enquêtes.

Les difficultés observées au plan national sont dans un certain nombre d’hypothèses exacerbées au plan international. En particulier, les États qui pâtissent d’une coopération insuffisante entre les services nationaux de prévention et de lutte contre le trafic illicite sont aussi les premiers à regretter l’absence de coopération suffisante au niveau européen.

Page 198: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

188

2.2. Provenance/identification des biens culturels La question de la provenance licite d’un bien culturel mis sur le marché est

cruciale pour la sécurité des transactions. Cette question appelle un certain nombre de précautions et de solutions sur le double plan de la prévention et de la sanction.

* Insuffisance des outils de prévention

2.2.1. Obstacles juridiques À titre liminaire, il a semblé utile de définir deux notions fondamentales que

sont les « bonnes pratiques » et la « provenance ». Les associations de musées britanniques et américains ont mené une

réflexion approfondie sur la notion de bonnes pratiques (« best practices »). Il s’agit en premier lieu de définir des « standards », constitués de normes et de niveaux d’exigence que les institutions acceptent d’appliquer268. Les « bonnes pratiques » consistent à mettre en œuvre ces standards dans le respect de leur esprit 269.

Si les musées ont été les premiers à réfléchir à cette notion, cela n’empêche pas les autres acteurs du marché d’élaborer des bonnes pratiques en s’appuyant sur des normes existantes et de les mettre en application. Il sera observé que les bonnes pratiques constituent un levier efficace en matière de prévention contre le trafic illicite. Il s’agit donc d’usages de référence, que les intervenants du marché de l’art doivent intégrer dans leur pratique quotidienne.

Quant à la « provenance du bien culturel », cette notion est sans aucun doute centrale en matière de prévention et de lutte contre le trafic illicite. Il n’existe pas de définition juridique de la provenance. Les différents codes de déontologies internationaux et nationaux fournissent cependant quelques éléments de définition 270. Ainsi, la provenance d’une œuvre peut être définie comme un ensemble d’informations qui portent sur l’origine de l’œuvre et qui permettent de l’identifier. Le degré d’approfondissement et la qualité de ces informations sont propres à chaque bien culturel et varient selon la nature de l’œuvre, son histoire et sa valeur historique et pécuniaire. Les informations relatives à la provenance d’un tableau seront souvent plus aisées à réunir que

268 Traduction libre d’extraits du site de l’American Association of Museums (AAM), Best practices and standards : « Standards are generally accepted levels that all museums are expected to achieve » (http://www.aam-us.org/aboutmuseums/standards/index.cfm). 269 Traduction libre d’extraits du site de l’AAM, « Best practices are commendable actions and philosophies that demonstrate an awareness of standards, solve problems and can be replicated. Museums may choose to emulate them if appropriate to their circumstances » (http://www.aam-us.org/aboutmuseums/standards/index.cfm). 270 Sur le contenu des normes déontologiques et plus spécialement la question de la provenance, v. supra.

Page 199: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

189

celles relatives à la provenance d’une amphore antique ou d’un objet d’art tribal.

La provenance d’un bien culturel est également une notion transdisciplinaire qui comprend des données à la fois historiques, scientifiques et juridiques.

Les données historiques et scientifiques sont des informations collectées portant sur le contexte de création de l’œuvre (comme la date, le lieu de fabrication, l’auteur et le sujet), sur les différents propriétaires de l’œuvre (commanditaire, acquéreur en vente publique, collectionneur, …) et sur la place de l’œuvre dans l’histoire de l’art et dans l’histoire (publication dans les catalogues raisonnés, catalogue d’exposition, revue, …). Ces recherches d’informations sont généralement effectuées par des professionnels à l’aide de supports variés (archives, ouvrages d’histoire et d’histoire de l’art, …).

Quant aux données juridiques, il s’agira de vérifier si l’origine de l’œuvre est licite. La définition de la provenance licite apparaît en creux de la définition du trafic illicite de bien culturel 271. Ainsi, une œuvre avec une provenance licite est une œuvre pour laquelle il a été vérifié qu’elle n’a fait l’objet ni d’une appropriation frauduleuse, ni d’une importation et/ou exportation contraire à la législation applicable. Il arrive que le vol et la circulation illicite interviennent de manière concomitante. Les deux aspects de la définition de la provenance sont complémentaires et étroitement liés : les éléments de provenance au sens de l’histoire de l’art constitueront des compléments d’information à la provenance au sens juridique (par exemple, la mention de la localisation de l’œuvre dans un catalogue raisonné pourrait permettre d’identifier une exportation illicite).

La notion de provenance étant ainsi précisée, il convient d’identifier les obstacles juridiques à l’établissement de la provenance d’un bien culturel.

2.2.1.1. Disparité de notion et de régime de la bonne foi de l’acquéreur

Les recherches et les vérifications effectuées préalablement à une transaction dans le but d’établir la provenance d’une œuvre présentent un double enjeu : prévenir le trafic illicite en faisant obstacle à l’acquisition d’un bien de provenance douteuse et permettre à l’acquéreur de démontrer sa bonne foi en cas de litige sur l’origine du bien culturel.

La démonstration de cette bonne foi suppose cependant que la recherche de provenance ait été menée avec un certain degré d’exigence. Les dispositions

271 Définition du trafic illicite in Dictionnaire de Droit comparé du patrimoine culturel et du droit de l’art, CNRS éditions 2011 (à paraître) : « déplacement de biens culturels effectué en violation des règles relatives au transfert de propriété et à la circulation de ces biens en vue de les vendre ou d’en disposer d’une quelconque manière ».

Page 200: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

190

de l’article 4.4 de la Convention d’UNIDROIT de 1995 sur les biens culturels volés ou illicitement exportés donnent des précisions à ce sujet 272. Cependant, cette Convention n’a été ratifiée que par 32 États 273.

La notion de bonne foi, partagée par plusieurs États, obéit cependant à des règles variables quant à la notion et au régime applicable 274. Si d’une façon générale, la notion de bonne foi peut être définie comme la conviction positive de la légitimité de la possession, les conditions ou les critères de la bonne foi restent peu précis, laissés le plus souvent à l’appréciation des juges. En résultent des différences sensibles qui sont sources d’insécurité juridique pour le marché.

L’amplitude de l’élément moral varie de la connaissance réelle à la négligence. L’acquéreur peut être considéré comme étant de mauvaise foi lorsque non seulement il a eu positivement connaissance de la situation illicite mais encore lorsque, au vu des circonstances de l’acquisition et compte tenu de ses compétences, il aurait dû savoir ou se douter de l’origine illicite du bien. Le degré de négligence permettant de conclure à la mauvaise foi est diversement apprécié (grave négligence dans le système allemand, faute grave dans le droit italien). C’est là qu’intervient le cas échéant la notion de diligence.

Les éléments matériels qui déterminent le degré de diligence sont en général le vil prix, les circonstances de l’acquisition, le mode de paiement, la nature des vérifications effectuées notamment dans les bases de données ainsi que l’attention portée aux documents censés accompagner le bien en circulation. La situation ou l’origine du bien, par exemple le fait qu’il peut provenir d’un État en situation de crise ou de guerre est également un élément important à prendre en considération. L’absence de certificat d’exportation est parfois prise en considération (en Allemagne et en Autriche, par exemple, le manque de certificat d’exportation peut constituer un indice dans l’appréciation de la mauvaise foi), mais la solution est loin d’être généralisée. Le Tribunal fédéral suisse considère notamment que le certificat d’exportation ne constitue pas un élément propre à entraîner un devoir de se renseigner sur le pouvoir de disposition du vendeur 275. L’argument repose sur la distinction entre droit de propriété et permis d’exportation, l’un étant indépendant de

272 Article 4.4 de la Convention d’UNIDROIT : « Pour déterminer si le possesseur a agi avec la diligence requise, il sera tenu compte de toutes les circonstances de l’acquisition, notamment de la qualité des parties, du prix payé, de la consultation par le possesseur de tout registre relatif aux biens culturels volés raisonnablement accessible et de toute autre information et documentation pertinentes qu’il aurait pu raisonnablement obtenir et de la consultation d’organismes auxquels il pouvait avoir accès ou de toute autre démarche qu’une personne raisonnable aurait entreprise dans les mêmes circonstances ». 273 Situation au 30.09.2011. 274 V. supra. 275 SJ 1999 1 et ATF 131 III 418 c.2.4.4.2.

Page 201: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

191

l’autre. On peut rétorquer que, fréquemment, les situations illicites de vol, recel et exportation illicites se recoupent et que l’absence de permis d’exportation peut constituer un indice dans l’appréciation de la diligence.

Cette approche et cette prise en compte du comportement diligent des acteurs ne sont cependant pas partagées par l’ensemble des États qui, pour certains d’entre eux, admettent la mauvaise foi dans des conditions très restrictives. En Belgique par exemple, seul l’aveu ou la connaissance réelle de l’origine illicite peuvent conduire à établir la mauvaise foi. Les circonstances de la vente ou encore le vil prix sont des critères indifférents. En France, si la jurisprudence semble dans certaines espèces avoir égard à la diligence de l’acquéreur, elle n’est pas uniforme et fait jouer parfois la règle de présomption de bonne foi dans un sens extensif 276. La question de la situation privilégiée de l’acquéreur de bonne foi a pu être identifiée dans certains rapports comme une difficulté majeure (notamment en Pologne).

D’autres différences perturbatrices se manifestent. Elles concernent notamment le moment auquel s’apprécie la bonne foi. Si, dans la majorité des systèmes, le moment considéré est celui de l’acquisition ou l’entrée en possession du bien, il peut arriver que l’exigence de bonne foi dure tout le temps de la possession (c’est le cas notamment en Allemagne ou en Autriche dans le jeu de l’usucapion des biens publics). La question de la bonne foi peut aussi être sans pertinence (par exemple en France, pour les biens du domaine public).

Ces différences s’expriment aussi quant aux acteurs potentiellement concernés : acquéreurs, vendeurs, intermédiaires. Partant, le comportement des acteurs est diversement sanctionné (au plan civil, pénal, administratif, etc.).

Cette dispersion des systèmes a pour corolaire une absence de lisibilité des normes et du niveau requis de diligence en matière de transactions d’œuvres d’art, selon la place du marché concernée, d’où une grande insécurité pour le marché de l’art.

2.2.1.2. Absence de lisibilité des normes en matière de diligences requises

L’examen des différents droits nationaux au regard des diligences à effectuer en matière de vérification de provenance ne donne guère d’indications car peu d’États ont choisi de définir et codifier l’obligation de vérification de provenance sous la forme d’une norme juridique « dure ».

En réalité, la question de la vérification de la provenance d’une œuvre ne concerne pas le seul acquéreur. Elle est aussi susceptible d’engager la

276 A propos de l’affaire de la vierge de Saint Gervasy dans laquelle le vil prix de l’acquisition et les connaissances de l’antiquaire à propos d’une statue classée au titre des monuments historiques, ont été laissés de côté dans l’appréciation de la bonne foi.

Page 202: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

192

responsabilité des professionnels du marché dans leur activité de mise en circulation des biens culturels. Si les règles du droit commun de la responsabilité peuvent avoir vocation à jouer, il semble que rares sont les États qui prévoient plus spécifiquement une obligation à la charge des professionnels du marché liée à la vérification de l’origine de l’œuvre. C’est le cas de la Suisse qui a mis en place, depuis sa réforme du marché de l’art, un devoir de diligence à la charge du vendeur lorsqu’il est commerçant d’art ou lorsqu’il pratique la vente aux enchères 277.

Les codes de déontologie internationaux des professionnels du marché de l’art fournissent également des indications sur les diligences requises à accomplir préalablement à une acquisition : le Code international de déontologie pour les négociants en biens culturels (Préambule et articles 1, 3, 4), Code de déontologie de l’ICOM pour les musées (articles 2.2. et 2.3.).

Les normes de diligences requises en matière de recherche et de vérification de provenance, qu’elles soient d’ordre légal ou qu’elles émanent des codes de déontologie, sont manifestement inspirées des dispositions de la Convention d’UNIDROIT ; elles restent toutefois très éparses et par conséquent, difficilement applicables.

Cet éparpillement des normes et le manque d’harmonisation constituent à l’évidence un obstacle juridique.

2.2.1.3. Carence ou insuffisance des obligations à la charge des acteurs du marché en matière de diligences requises

Plusieurs types de difficultés ont pu être relevés. L’absence ou l’insuffisance du niveau d’exigence a été constatée à plusieurs reprises (Autriche, Pologne), plus sérieusement dénoncée encore à propos des biens archéologiques (en Pologne notamment). L’absence de document standardisé justifiant la provenance et assurant une certaine traçabilité a été identifiée comme difficulté en Allemagne (police/musées) et en Autriche.

Certaines personnes interrogées ont en outre émis des doutes sur les systèmes fonctionnant sur l’autorégulation dans lesquels l’absence de règles encadrant le marché peut se faire au risque du détournement des textes légaux et des règles de conduites (responsables des administrations culturelles interrogées aux Pays-Bas par exemple, étant précisé que ces remarques ne sont pas partagées par l’ensemble des professionnels du marché de l’art qui pour une part estiment ce mode de régulation satisfaisant). Certains États y restent très attachés, en particulier le Royaume-Uni.

277 Article 16 LTBC (loi suisse sur le transfert international des biens culturels).

Page 203: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

193

Enfin, dans les États qui ont institué un devoir de diligence, se pose la question des sanctions qu’entraîne sa violation. En Suisse, le manquement au devoir de diligence est sanctionné par une peine pénale (contravention 278). En revanche, sur le plan civil, le défaut d’accomplissement de ce devoir de diligence n’a aucun effet, même si cette question fait encore l’objet d’un débat doctrinal en Suisse. Les défaillances peuvent par conséquent venir de l’ineffectivité de cette obligation au regard des sanctions encourues.

2.2.1.4. Absence de dispositif législatif et réglementaire en matière de vente en ligne

Il est important de souligner que la question du contrôle des ventes en ligne est une problématique d’actualité mais que, d’une part, elle ne semble pas figurer à l’agenda de la plupart des États membres, et que, d’autre part, les dispositions législatives qui permettraient de soutenir une telle surveillance sont faibles, voire inexistantes. Certaines des personnes interrogées ont indiqué que le mouvement des biens culturels qui pose le plus de problèmes est la vente en ligne.

L’analyse des réponses apportées dans le cadre de la présente étude, mais aussi dans le cadre des échanges menés par le groupe d’experts sur la mobilité des collections, laisse en effet apparaître de réelles lacunes.

Ainsi, lors du traitement de la situation dans les États membres, il a été difficile d’identifier les textes pertinents. Les représentants des groupes cibles contactés n’ont souvent pas pu donner plus d’informations, soit qu’il n’existe pas de texte spécifique, soit que les ressorts utiles sont de droit commun. La transposition de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »), n’a semble-t-il pas permis l’introduction de dispositions propres aux biens culturels. L’absence de règles particulières entraîne de la part des autorités de contrôle une certaine indifférence génératrice d’inertie. Les autorités de contrôle admettent ne pas procéder à la surveillance du marché en ligne faute de motivation et de moyens en personnel. Quelques États ont conclu avec e-Bay des « agreements » (Allemagne, Autriche), mais ce sont des exceptions. Quand un contrôle est opéré, c’est à la suite d’une information particulière et non en vertu de textes applicables.

La régulation de ce marché en expansion passe par conséquent pour l’essentiel soit par le canal de la déontologie, soit par une logique contractuelle, avec la conclusion d’accords avec les opérateurs importants (notamment

278 Article 25 LTBC.

Page 204: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

194

eBay). D’où la fragilité du système à la fois du point de vue du contenu de ces accords (souvent peu contraignant), de leur effet relatif (n’engageant que les signataires) et, partant, des multiples possibilités de contournement.

Les principales difficultés juridiques relatives à la recherche de provenance concernent par conséquent : • 1. la détermination peu précise des critères permettant d’établir la

diligence due à l’absence de codification du devoir de diligence – difficulté accentuée par un niveau d’exigence disparate quant aux notions de bonne foi et de « due diligence » ;

• 2. l’absence ou l’incertaine détermination des obligations de vérification de provenance à la charge des professionnels du marché et des institutions patrimoniales ;

• 3. dans le prolongement du point précédent, les incertitudes ou l’inexistence d’obligations et/ou de sanctions spécifiques à la violation du devoir de diligence, en particulier à la charge des professionnels du marché de l’art ;

• 4. l’absence de modes de régulation en matière de vente en ligne.

2.2.2 Obstacles techniques Les obstacles d’ordre technique rencontrés par les intervenants du marché

de l’art dans la recherche d’informations sur la provenance d’un bien culturel et son identification proviennent notamment des bases de données disponibles (1) et de la traçabilité des biens culturels (2). La question des ventes en ligne pose des problèmes particuliers (3).

2.2.2.1. Difficultés liées aux bases de données

Les bases de données consacrées aux biens culturels en situation illicite présentent en effet plusieurs difficultés liées notamment à leur diversité, à la manière dont elles sont alimentées et à leurs conditions de consultation. Les différentes bases de données élaborées au cours de ces quinze dernières années ont changé les pratiques des professionnels car leur interrogation permet de vérifier, notamment en ligne, certaines informations sur la provenance du bien culturel et de contrôler notamment que le bien n’est pas signalé comme étant recherché. Les bases de données existantes permettent en particulier de s’assurer que le bien n’a pas été volé 279.

Parmi les bases de données recensant les biens culturels en situation illicite, il existe deux types de bases de données qui ont un fonctionnement différent :

279 V. supra, la distinction entre les bases de données « inventaire général » et les bases de données de biens culturels volés.

Page 205: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

195

– les bases de données dites « passives » pour lesquelles le requérant envoie la description du bien sur lequel il souhaite obtenir des informations, aux experts rattachés à la base sollicitée qui effectuent eux-mêmes les vérifications (base privée Art Loss Register, base policière française TREIMA),

– les bases de données dites « actives », auprès desquelles le requérant procède lui-même aux recherches et aux vérifications (base des objets volés INTERPOL).

D’autres bases de données sont par ailleurs d’utiles sources d’information. Elles concernent les registres ou inventaires en ligne des biens culturels protégés : collections publiques, inventaire du patrimoine des États.

La consultation d’une base de données constitue l’une des diligences requises afin de démontrer la bonne foi au moment de l’acquisition d’un bien culturel, conformément aux dispositions de l’article 4.4 de la Convention d’UNIDROIT 280.

Les codes de déontologie des professionnels du marché de l’art imposent également d’effectuer une vérification de la provenance lors d’une acquisition, notamment par la consultation des bases de données.

Les acteurs du marché et en particulier les professionnels considèrent les bases de données comme un outil essentiel dans l’accomplissement des diligences requises en matière de recherche de provenance, mais rencontrent des difficultés tant dans la consultation des bases de données que dans les conditions d’enregistrement des objets recherchés. Le défaut de preuve de consultation constitue un autre obstacle technique.

a) Difficultés liées à l’hétérogénéité des bases de données

Malgré l’objet particulier des bases de données de biens culturels « en situation illicite », celles-ci se révèlent peu homogènes :

– quant à leur contenu : objets volés, objets spoliés, objets absents ou disparus, objets en danger, objets confisqués, objets retrouvés ;

– quant à leurs critères de description des biens : exigence ou non d’une photographie (non standardisée par ailleurs comme le montrent les illustrations précédentes), critères plus ou moins nombreux d’identification, etc. ;

280 Article 4.4 de la Convention d’UNIDROIT : « Pour déterminer si le possesseur a agi avec la diligence requise, il sera tenu compte de toutes les circonstances de l’acquisition, notamment de la qualité des parties, du prix payé, de la consultation par le possesseur de tout registre relatif aux biens culturels volés raisonnablement accessible et de toute autre information et documentation pertinentes qu’il aurait pu raisonnablement obtenir et de la consultation d’organismes auxquels il pouvait avoir accès ou de toute autre démarche qu’une personne raisonnable aurait entreprise dans les mêmes circonstances ».

Page 206: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

196

– quant à leur gestion : le plus souvent, c’est la police qui gère la base de données nationale ;

– quant à leur alimentation (police, institutions, particuliers) ; – quant à leur accès (police, douanes, ministères, professionnels du

marché, particuliers) ; – quant à leurs fonctionnalités : enregistrement de l’objet, recherche de

l’objet, recherche du propriétaire de l’objet ; – quant à la langue utilisée : il y a peu de bases multilingues ; – quant à la durée de conservation des données : Ainsi, en Lettonie,

l’information sur les biens ne reste opérationnelle que pendant l’écoulement du délai de la prescription pénale ce qui peut être insuffisant pour la recherche des trésors nationaux volés ou disparus.

La situation actuelle reflète en réalité l’évolution de ces bases de données. À la vocation initiale policière pour aider les investigations menées en matière de vol et de recel, s’est ajoutée celle, informative, des professionnels du marché de l’art afin de prévenir le trafic de biens culturels et de constituer un indice de connaissance de la provenance de l’objet constitutif de bonne ou de mauvaise foi 281.

Cette évolution explique les modifications des critères d’identification des biens, les renseignements portés dans la base étant différents selon qu’ils sont à destination des professionnels ou des enquêteurs. Elle explique aussi la variété des modes d’accès, certaines bases, purement policières, n’étant pas accessibles au public alors que d’autres le sont devenues.

Enfin, pour l’instant, ces bases ne sont pas ou peu connectées entre elles, chacune ayant développé son autonomie. Or, l’interconnexion donnerait une plus-value certaine à ces bases de données, ce qui a été systématiquement relevé dans les entretiens et questionnaires réalisés.

281 Ainsi, l’article 87A du code civil des Pays-Bas apporte les précisions suivantes : 1. Afin de déterminer si un possesseur a agi de bonne foi dans l’acquisition d’un bien culturel tel que celui-ci est défini dans la section 1 (d) du 1970 UNESCO Convention on the Illicit Import, Export and Transfer of Ownership of Cultural Property (Implementation) Act, il doit être pris en compte l’ensemble des circonstances de l’acquisition de ce bien, notamment : a) la capacité des parties ; b) le prix payé ; c) la consultation ou non par le possesseur de l’ensemble des registres répertoriant les biens culturels volés qui lui était raisonnablement accessibles et toute autre information et documentation pertinentes qu’il aurait raisonnablement pu obtenir. Il convient également de vérifier si le possesseur a ou non consulté les services consultables dans ce domaine. En Pologne, il a été indiqué par les représentants de Nimoz qu’un texte de loi est en cours de rédaction afin de rendre possible la création et la gestion d’une nouvelle base de données nationale et ouverte pour les biens « perdus ». Le projet prévoit qu’un objet enregistré dans cette future base ne pourra être soumis aux dispositions du Code civil. Cela doit permettre d’écarter tout risque de prescription acquisitive.

Page 207: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

197

Le champ de progression, en termes de périmètre et d’efficacité, de ces bases est donc immense. Plus spécifiquement un certain nombre de difficultés ont été pointées qui concernent l’accès et l’utilisation de ces bases.

b) Difficultés liées à la consultation des bases de données

Des exemples tirés de la pratique et les résultats des enquêtes de terrain rendent compte d’une réelle diversité dans l’utilisation des bases de données. En premier lieu, on observe des choix différents selon les États membres quant aux bases de données consultées : les professionnels au Royaume-Uni et en Allemagne déclarent se tourner en majorité vers les bases de données privées telles Art Loss Register, tandis que dans d’autres États, les professionnels consultent majoritairement la base INTERPOL des objets volés 282. En second lieu, on note que certains intervenants, comme par exemple les collectionneurs, ou certains marchands dans de petites structures, consultent plus rarement les bases de données, et parfois n’en connaissent pas l’existence 283.

Il ressort enfin des réponses apportées aux questionnaires par les différents groupes cibles que les bases de données existantes constituent un outil intéressant mais qu’elles mériteraient d’être améliorées. Ainsi, les professionnels reconnaissent que l’éparpillement des bases de données et leur grand nombre ne facilitent pas leurs recherches et souhaiteraient pouvoir interroger une base unique. La base INTERPOL pourrait être cette base de référence sous réserve de profondes améliorations (voir infra les recommandations).

La conséquence de l’absence d’une base de données complète et de l’éparpillement des bases de données existantes est illustrée par l’affaire du tableau « Blanchisseuses souffrant des dents » d’Edgar Degas (1834-1917). Ce tableau devait être présenté lors d’une vente aux enchères organisée par Sotheby’s à New York en novembre 2010. La maison de ventes dont les catalogues de vente sont systématiquement vérifiés au moyen du Art Loss Register et qui avait procédé à l’interrogation de la base INTERPOL, n’a pas été alertée du fait que le tableau avait été volé en 1973 au musée du Havre. Il est apparu que le tableau et son vol n’étaient répertoriés que sur l’inventaire des collections du musée d’Orsay. Une erreur dans la description du tableau sur l’inventaire du musée d’Orsay le rendait en outre difficilement identifiable. Il était en effet indiqué dans cette base que l’œuvre était exécutée sur un

282 Questionnaire « Marché de l’art », Partie I, Question 1 : « A l’occasion de l’acquisition d’un objet d’art, procédez-vous à la consultation d’une ou plusieurs bases de données destinées à donner des informations sur la provenance des objets d’art ? ». 283 Questionnaire « Marché de l’art », Partie I, Question 2 : « Citez les noms des bases de données sur la provenance d’objets d’art que vous connaissez ».

Page 208: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

198

support « carton » alors qu’il s’agissait d’une huile sur toile 284. Il convient également de relever que le vol commis en 1973 n’était pas enregistré dans la base TREIMA, créée en 1995. La maison de vente a retiré le tableau de la vente suite à l’intervention des pouvoirs publics français.

Quant aux bases de données recensant le patrimoine culturel protégé, on observe trois séries de difficultés. La première touche à la dispersion et à l’absence de normalisation des inventaires, y compris au plan national et parfois dans des États dotés d’une réglementation ancienne et développée en matière de protection du patrimoine. Et cette dispersion fait qu’on ne peut guère exiger de l’usager ou de l’acquéreur d’avoir consulté l’ensemble de ces bases.

La deuxième difficulté tient de façon plus préoccupante à l’absence pure et simple d’inventaires en ligne. La situation des États membres de l’Union européenne est de ce point de vue très inégale.

La troisième difficulté concerne plus spécialement les patrimoines particulièrement exposés au risque de trafic illicite, qui, d’évidence, mériteraient que soient consentis des efforts en ce qui concerne leur identification et leur localisation.

Les acteurs du marché ont également relevé des difficultés liées à la complexité des critères de recherche de certaines bases de données « actives », par exemple, en France, les bases Palissy 285 et Joconde 286. Un outil original a cependant été mis en place rassemblant les données sur les collections (plus de 3 millions d’images, moteur « Collections », sur le site www.culture.fr/fr/sections/collections/accueil).

c) Difficultés liées aux conditions d’enregistrement de biens culturels recherchés sur les bases de données

Une difficulté relevée dans la pratique réside dans l’alimentation des bases de données. Les bases de données existantes ne relayent pas suffisamment et pas assez rapidement les informations relatives aux biens culturels recherchés. Le délai de la mise en ligne de déclarations de vol ne permet pas une circulation de l’information, enjeu fondamental dans la lutte contre le trafic illicite. Le défaut d’enregistrement d’objets volés dans la base INTERPOL peut faire obstacle à la restitution desdits objets. De même, il a été relevé que la base INTERPOL ne prenait pas en compte les multiples ou séries de biens

284 D. Rykner, « Un tableau de Degas volé aux musées français retrouvé dans une vente Sotheby’s New York », Tribune de l’art du 3 novembre 2010 (www.latribunedelart.com). 285 http://www.culture.gouv.fr/culture/inventai/patrimoine/ (inventaire du patrimoine). 286 http://www.culture.gouv.fr/documentation/joconde/fr/ (collections des musées).

Page 209: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

199

culturels, mettant obstacle à l’enregistrement de nombre d’objets archéologiques volés ou disparus.

Un autre obstacle concerne les pratiques variables d’enregistrement des objets sur les bases de données. S’agissant de la base de données INTERPOL qui centralise au niveau mondial les déclarations des objets d’art volés, ce sont les États qui décident quels objets enregistrés seront mis dans la base de données nationale dont le contenu sera ensuite reversé dans la base INTERPOL. Or, il n’existe pas de procédure unifiée des conditions de saisie et d’enregistrement des déclarations. Les pratiques de déclarations et d’enregistrement sur la base de données INTERPOL varient d’un pays à l’autre selon la sensibilité nationale. Par exemple, en France, l’OCBC enregistre des déclarations de vols d’œuvres d’art sur la base TREIMA de façon sélective tandis que d’autres États comme l’Italie ou les États Unis enregistrent plus largement les objets déclarés recherchés.

Le réflexe tendant à déclarer un objet volé sur une base de données n’est pas une pratique entérinée par les intervenants du marché, qu’ils soient professionnels ou amateurs. Il ressort des réponses apportées au questionnaire du groupe cible « marché » que la quasi-totalité des intervenants du marché interrogés et confrontés à un vol n’ont pas eu le réflexe de le faire déclarer sur une base de données des objets volés, qu’elle soit publique ou privée 287. En revanche, si un nouveau vol se présentait à eux, plus de 70 % des acteurs du marché interrogés indiquent qu’ils le feraient déclarer sur une base de données.

L’enquête de terrain a révélé, de la part des professionnels, le souci de préserver la confidentialité et le secret professionnel. Les professionnels ont formulé une opposition très nette à la proposition d’enregistrer en ligne des données nominatives et personnelles liées à la propriété de l’œuvre 288. Cette proposition a d’ailleurs été perçue par l’ensemble des acteurs comme un frein à la circulation des œuvres. Les intervenants du marché de l’art interrogés ont souligné que l’enregistrement de données nominatives favoriserait le vol. Les motifs de ces réticences sont en réalité davantage dans le souci de préserver une certaine confidentialité des transactions d’œuvres d’art au point que l’idée d’imposer la révélation du nom du propriétaire à l’acquéreur soulève de vives oppositions. Si l’on peut entendre l’argument selon lequel la diffusion de l’information au public du nom du propriétaire peut générer un risque de vols, le refus de communiquer l’information à l’acquéreur est plus spécieux et quoi qu’il en soit relève d’un autre registre : celui de la logique du secret sur

287 Questionnaire « Marché de l’art », Partie III, Question 2 : « En cas de disparition ou de vol, quelle serait votre réaction ? ». 288 Questionnaire « Marché de l’art », Partie II, Question 5 : « A votre avis, la mise en ligne de données personnelles et nominatives liées à la propriété de l’œuvre constituerait-elle plutôt un frein ou plutôt un moyen de faciliter la circulation des œuvres ? »

Page 210: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

200

l’identité des clients. A également été évoquée la crainte de contrôles de l’administration fiscale.

En revanche, l’enquête a révélé la volonté de certains intervenants du marché de l’art de partager les connaissances en matière de provenance. Ainsi, selon les résultats du questionnaire, la moitié des acteurs interrogés seraient favorables à la possibilité d’enregistrer des données relatives à la provenance d’une œuvre auprès d’une base de données 289. Les musées estiment qu’ils le font déjà lorsqu’ils mettent en ligne leurs collections.

d) Difficultés liées à la preuve de la consultation des bases de données

L’article 4.4 de la Convention d’UNIDROIT indique que « la consultation par le possesseur de tout registre relatif aux biens culturels volés raisonnablement accessible » participe de l’accomplissement des diligences requises. Par conséquent, il est important pour le possesseur d’être en mesure de prouver qu’il a consulté le registre.

La difficulté d’obtenir une attestation de consultation des bases de données des biens culturels volés avant de procéder à un achat, déjà pointée par le groupe MOC 290, est dénoncée par les acteurs du marché.

Actuellement, la base de données INTERPOL ne délivre pas de récépissé à l’issue d’une consultation, contrairement à la base Art Loss Register qui délivre un certificat précisant si le bien culturel a fait ou non l’objet d’une déclaration de vol ou de perte dans la base de données Art Loss Register. Dans ses conditions générales, le Art Loss Register précise que le certificat n’est ni un certificat d’exportation, ni d’authenticité, ni de garantie de provenance et que sa délivrance ne dispense pas de procéder à d’autres diligences. Le certificat constitue toutefois la preuve qu’une des diligences requises a été accomplie 291.

2.2.2.2. Difficultés d’identification des biens culturels volés ou exportés illicitement

Les difficultés concernant la traçabilité des œuvres sont liées d’une part aux problèmes d’identification pour certains biens ou lorsque les biens ont été maquillés ou altérés et d’autre part, aux lacunes constatées dans la tenue des inventaires et des livres de police.

289 Questionnaire « Marché de l’art », Partie I, Question 11 : « Souhaiteriez-vous avoir la possibilité d’enregistrer les informations relatives à la provenance de l’objet d’art acquis auprès d’une base de données ? ». 290 Groupe de travail d’experts européens sur la mobilité des collections, sous-groupe sur la prévention du vol et du trafic illicite, Rapport sur la due diligence, 2010. 291 Traduction libre des mentions du certificat délivré par Art Loss Register.

Page 211: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

201

a) Difficultés d’identification de certains biens

Les difficultés liées à la nature des biens culturels répertoriés tiennent notamment à ce que, si un bien culturel unique peut être assez facilement décrit (signature de l’auteur, particularités tels que rayures etc..), il n’en est pas ainsi pour d’autres biens culturels. Trois exemples peuvent être donnés : • les biens culturels issus de civilisations qui ont essaimé sur un large

territoire (ex : Byzance) et dont l’identification précise est difficile (localisation géographique, datation, etc.) ;

• les biens culturels en série (ex : pièces de monnaie) ; • les bijoux qui peuvent être facilement « désossés » s’ils intègrent des

pierres précieuses. Certaines bases de données éliminent donc les bijoux sauf s’ils constituent

des biens connus et exceptionnels. La base d’INTERPOL a ensuite été évoquée. Si l’ensemble des

interlocuteurs reconnaît son importance, ils évoquent ses limites sur deux points : 1) le pays qui est dépossédé d’un bien ne le sait pas forcément, par exemple en cas de fouille illicite, donc l’information ne peut parvenir jusqu’à la base de données, ensuite 2) une photo du bien est demandée, or elle n’est pas toujours disponible. INTERPOL refuse alors d’intégrer le bien à la base alors qu’il pourrait tout de même être signalé. Cela est problématique, par exemple, pour les archives.

Enfin, l’inutilité des bases de données sans la mise en place d’un système de traçabilité des biens a été soulevée. Le représentant de la police des Pays-Bas a donné l’exemple d’un vol de pièces d’or (environ de 3 000 dollars) à l’aéroport de Schiphol aux Pays-Bas. Ce vol a été signalé mais aucune photo des pièces n’est disponible, et quand bien même il y aurait eu une photo, une pièce d’or est une pièce d’or. Le seul moyen de les identifier aurait donc été une trace de ces pièces.

b) Difficultés liées au maquillage des œuvres

Il arrive très souvent que le bien volé ou exporté illicitement soit maquillé afin d’empêcher son identification. Ainsi, le sujet d’une toile est parfois maquillé lors d’une restauration, la rendant méconnaissable. Il suffit qu’un accessoire, attribut de l’un des personnages sujets de la toile soit modifié pour que la toile maquillée ne soit plus identifiable.

C’est aussi fréquemment le marquage du bien que l’on fait disparaître. Ce fut notamment le cas dans l’affaire « Garel », où une bible ashkénaze de la seconde moitié du XIIIe siècle, propriété de la Bibliothèque nationale de France, volée par son conservateur, M. Garel, avait été découpée en vue de

Page 212: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

202

supprimer les marques apposées par la Bibliothèque nationale de France, endommageant de fait fortement le manuscrit hébraïque. Sans avoir été identifié, le manuscrit avait pu être mis en vente chez Christie’s à New York en 2000 et être acheté par un collectionneur américain 292.

c) Insuffisance de la traçabilité des œuvres

La traçabilité des œuvres est assurée par les bases de données et les livres de police tenus par les professionnels (marchands et maisons de ventes volontaires) mais également par les inventaires. Les inventaires sont un outil essentiel dans la prévention et la lutte contre le trafic illicite car ils peuvent faciliter la récupération du bien et constituent des instruments de preuve utiles en matière de propriété 293. On peut d’ailleurs considérer que les livres de police sont une catégorie particulière d’inventaires puisque tous les biens doivent y figurer 294.

Dans les musées, le travail d’inventaire et de récolement est considérable, et parfois les inventaires anciens sont lacunaires. L’inventaire de lots composés d’un nombre important d’objets est difficile à établir, et les erreurs existent. Pour les États qui n’ont pas encore de méthodologie en matière d’inventaire, la norme Object ID peut se révéler utile 295. Elle n’est cependant pas toujours, loin s’en faut, une norme de référence.

L’hétérogénéité et le manque d’actualisation des inventaires tenus par les particuliers sont relevés par l’UEHHA 296.

Les insuffisances dans l’identification des patrimoines à risque, notamment les patrimoines religieux ou archéologique ont également été soulignées.

Pour les particuliers comme pour les musées, la photographie des œuvres d’art est un élément fondamental ; elle doit figurer dans le dossier de l’œuvre qui doit être conservé dans un lieu différent de celui dans lequel est conservée l’œuvre 297. L’absence de photographies des œuvres ou leur mauvaise qualité est dénoncée de manière récurrente dans les enquêtes de terrain.

292 D. Betard, « Affaire Garel, le manuscrit restitué, une bible hébraïque dérobée par un conservateur de la BNF a été retrouvée après une enquête minutieuse », Le Journal des Arts, n° 251, du 19 janvier au 1er février 2007; et Communiqué de presse du 7 mars 2007 de la BNF. 293 M. Cornu, N. Mallet-Poujol, Droit, œuvres d’art et musées, CNRS Editions, 2006, p. 236. 294 V. supra. 295 Le modèle Object ID figure dans le manuel de l’UNESCO Mesures juridiques et pratiques contre le trafic de biens culturels, 2006, CLT/CH/INS-06/22. 296 Un questionnaire a été diffusé par l’European Historic Houses Association auprès de ses adhérents, évoquant les problèmes techniques, v. sur les résultats de l’enquête, Annexe, supra. 297 Note OCBC (Office central de lutte contre le trafic des biens culturels), Direction centrale de la police judiciaire, Photographier ses objets de valeur [en ligne], Disponible sur : http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_votre_service/votre_securite/votre-domicile/guide-photo.

Page 213: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

203

Les principales difficultés observées en matière de bases de données et de provenance sont : • la dispersion des bases de biens volés en situation illicite et l’absence

d’harmonisation de la structure et du contenu de ces bases sur plusieurs points (contenu, typologies de biens recensés, critères de description des biens, gestion, alimentation, accès, fonctionnalités, langue, durée de conservation) ;

• l’absence d’un guichet unique donnant accès à l’information recueillie dans ces bases ;

• l’absence ou le très petit nombre de bases concernant d’autres biens en situations illicites (biens spoliés, biens illicitement exportés ;

• le problème de maniement des bases (complexité des critères de recherche, mode d’alimentation des bases, absence de preuve de la consultation, traitement de la confidentialité des données) ;

• la dispersion des bases de données de biens culturels et le niveau très inégal de réalisation d’inventaires en ligne ;

• l’absence de normalisation des techniques d’inventaire ; • le faible niveau d’inventaire et d’instruments d’identification des

patrimoines privés et des patrimoines à risque (patrimoine religieux, patrimoine archéologique).

2.2.2.3. Problèmes techniques liés aux ventes en ligne La thématique du contrôle des acquisitions lors de ventes en ligne fait

apparaître une situation paradoxale. Bien que la majorité des personnes interrogées (seule la Slovaquie estime qu’il n’y a aucun problème dans ce domaine) s’entend sur le fait que les ventes en ligne constituent une faiblesse dans la lutte contre le trafic illicite de biens culturels, tous s’accordent également à dire que les moyens mis à disposition pour la surveillance des transactions sont défaillants. Les manques sont autant financiers que techniques et humains. Des remarques récurrentes sur l’insuffisance de personnel, le défaut de financements et l’absence de logiciels de reconnaissance d’images ressortent de l’analyse des questionnaires et des entretiens. Plusieurs difficultés spécifiques sont également citées, comme le caractère international des ventes, ou la localisation des biens et des acteurs de la transaction.

La surveillance des ventes de biens culturels par voie électronique est d’autant plus compliquée que les lieux de vente sont variés. Trois grands cas de figure s’imposent.

Page 214: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

204

• Les transactions effectuées sur des sites de ventes de biens culturels gérés par des maisons de vente aux enchères. La surveillance de ces ventes est en un sens facilitée, car les mandataires sont tenus de respecter les mêmes obligations professionnelles que celles qui régissent leur pratique traditionnelle. L’identification du vendeur et de l’acheteur est de surcroît facilitée par la présence de facto d’un mandataire du propriétaire.

La réalité de la pratique fait néanmoins apparaître des difficultés dans la surveillance des transactions, non pas en raison du manque d’information sur la tenue de ces ventes mais plus en raison de leur multiplicité, ce qui rend la surveillance difficile.

• Les transactions effectuées par le biais de plate-forme comme eBay. Ces ventes posent de bien plus grands problèmes de surveillance et d’identification des parties à la transaction. En effet, ce ne sont pas les sociétés qui gèrent ces sites qui sont impliquées dans la vente, mais un vendeur et un acheteur, sans intervention d’un tiers. L’identité des vendeurs et des acheteurs est plus difficile à établir, la localisation de l’objet également. Le délai, très court, dans lequel les ventes ont lieu est également un obstacle à une surveillance efficace. Enfin la multiplicité de sites de courtage (sites internationaux, parfois avec plate-forme nationale, sites nationaux, sites spécialisés) complique la tâche de contrôle et de surveillance des transactions.

• Les ventes de gré à gré, après une mise en relation du vendeur et de l’acheteur sur Internet. Les transactions qui se font par ce biais sont les plus difficiles à surveiller et à identifier. Il s’agit d’un phénomène relativement nouveau. Les vendeurs rendent de potentiels acheteurs attentifs à la disponibilité de tel ou tel bien, soit par le biais de « posts » sur des forums spécialisés, soit par le biais de leur site personnel. La suite de la transaction se fait de manière entièrement privée, en général off line.

Les autorités en charge de la protection du patrimoine font donc face à des situations extrêmement diversifiées, pour lesquelles le degré de transparence varie du tout au tout.

2.2.3. Obstacles opérationnels Parmi les difficultés identifiées, le manque d’expertise des agents

(police/douanes) est un élément récurrent ainsi que la difficulté de connaître la valeur des biens ou l’authenticité de la provenance des objets qui en découle.

Le manque de moyens financiers et en personnel est également très largement pointé ainsi que l’absence de sensibilisation et d’information du grand public (Chypre, Espagne, Grèce, Pays-Bas).

Page 215: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

205

Plusieurs interlocuteurs ont considéré que la question de la coordination et de la répartition des compétences entre les autorités au niveau national était source de difficultés (Bulgarie, Lettonie, Estonie, Espagne, Luxembourg) 298. Dans une moindre mesure, les obstacles opérationnels sont également liés à la façon dont les intervenants du marché de l’art, mais aussi les États et leurs institutions muséales acceptent d’appliquer de bonnes pratiques.

2.2.3.1. Respect inégal des bonnes pratiques selon les acteurs du marché de l’art

Les réponses aux questionnaires démontrent que les intervenants du marché de l’art accordent une attention variable à la provenance du bien culturel en fonction de leur place au sein du marché299. Néanmoins, il se dégage une tendance générale qui traduit une prise en compte grandissante de l’importance accordée à la provenance par tous les intervenants depuis une dizaine d’années 300.

Les musées, les maisons de ventes et les marchands ainsi que les experts sont plus sensibles aux questions de la provenance que les collectionneurs. Cela s’explique notamment par le fait que ces professionnels engagent leur responsabilité lors de la vente ou de l’acquisition d’un objet ayant une provenance douteuse et que cela enfreint les dispositions de leurs codes de déontologie respectifs. Par ailleurs, un musée qui achète un bien de provenance douteuse sera dans une situation particulièrement délicate et peut être contraint de restituer le bien.

D’une manière générale, un bien dont la provenance est renseignée de manière approfondie voit sa valeur augmenter. Pour les pièces de haute qualité, les acheteurs demandent davantage d’informations au vendeur sur la provenance de l’œuvre. En conséquence, compte tenu de ces évolutions du marché, les professionnels reconnaissent que leur pratique a changé au cours des dix dernières années et qu’ils procèdent avec davantage de soins à des recherches et vérifications plus pointues en matière de provenance 301.

Parmi les bonnes pratiques recensées chez les professionnels à travers les questionnaires il est noté que la majorité d’entre eux constitue un dossier sur la

298 Voir en ce sens également les rapports UNODC E/2010/30-E/CN.15/2010/20 et CCPCJ/EG, 1/2009/2. 299 Pour une définition de la provenance au sens historique et scientifique et provenance au sens juridique, voir supra. 300 Questionnaire « Marché de l’art », Partie I, Question 9 : « Quelle importance attachez-vous à la connaissance de la provenance dans votre décision d’achat ou dans le conseil apporté à l’acheteur ? » . 301 Questionnaire « Marché de l’art », Partie I, Question 6 : « Votre pratique en matière de recherche de provenance a-t-elle évolué au cours des dix dernières années ? ».

Page 216: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

206

provenance 302. Il est également constaté que les professionnels déclarent faire appel à des experts spécialisés tant pour l’authenticité que pour établir la provenance 303 et refuser de vendre un objet dont la provenance est insuffisamment établie.

Les non-professionnels semblent moins s’intéresser à la provenance. Dans la majorité des cas les collectionneurs font confiance à leurs marchands et n’effectuent pas de diligences supplémentaires. Toutefois, les collectionneurs aguerris et initiés ne se contentent plus d’une provenance prestigieuse du point de vue de l’histoire de l’art. Soucieux d’être en mesure de protéger leur acquisition et de se ménager la possibilité de revendre leurs biens dans les meilleures conditions, ils procèdent ou font procéder à des vérifications pour contrôler l’origine licite du bien.

2.2.3.2. Le respect des bonnes pratiques par les acteurs publics

a) L’attitude des États face aux bases de données publiques et privées

Un obstacle qui intervient tant au niveau de la prévention que de la lutte contre le trafic illicite est la légitimité différente accordée aux différentes bases de données par les États. Dans les réponses apportées aux questionnaires, certains pays préconisent systématiquement l’utilisation d’Art Loss Register et n’indiquent que très rarement INTERPOL.

Ainsi, les États membres ont recours et recommandent des bases de données différentes. Par exemple, le Royaume-Uni dans son Guide sur les bonnes pratiques des musées préconise uniquement la base Art Loss Register tandis que les autres pays européens recommandent INTERPOL 304. Il est arrivé qu’un tableau qui se trouvait aux États-Unis après avoir été volé en France, inscrit sur la base INTERPOL comme étant volé, ne pouvait faire l’objet de recherches Outre-Atlantique. En effet, aux États-Unis, il ressort de la pratique que l’enregistrement d’un vol ou de la disparition d’une œuvre dans la base Art Loss Register serait une condition préalable à la mise en œuvre de recherches par les services de police. Les autres bases de données sont nettement moins bien considérées. Il a fallu attendre donc que le tableau litigieux soit mentionné sur la base Art Loss Register pour que les recherches des autorités puissent enfin commencer. A l’inverse, en France, les institutions telles que l’OCBC ressentent une traditionnelle méfiance envers les

302 Questionnaire « Marché de l’art », Partie I, Question 10 : « Constituez-vous un dossier sur les informations recueillies concernant la provenance de l’objet d’art et le conservez-vous ? ». 303 Questionnaire « Marché de l’art », Partie I, Question 4 : « Consultez-vous un spécialiste (expert, rédacteur du catalogue raisonné, comité,…) avant d’acquérir un objet d’art et si oui lequel ? ». 304 Combating Illicit Trade: Due diligence guidelines for museums, libraries and archives on collecting and borrowing cultural material, Octobre 2005.

Page 217: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

207

organismes privés dont les services sont payants, tels que l’Art Loss Register. Si la base INTERPOL devenait la base de données de référence, il serait nécessaire que les États intègrent la consultation de cette base dans leurs bonnes pratiques.

b) Le respect des bonnes pratiques par les institutions muséales

Le rapport du groupe MOC relève l’absence de contrôle public des opérations d’acquisition par les musées, archives, bibliothèques dans de nombreux États membres, sous le rapport de la provenance. Si un certain nombre d’États ont mis en place des procédures de contrôle des acquisitions publiques, notamment par des moyens divers (contrôle de la tutelle institutionnelle, instances consultatives,…), ce contrôle vise avant tout la cohérence scientifique de ces acquisitions. Si, parmi les renseignements et informations demandées, figure la mention de la provenance, il n’est pas sûr qu’une vigilance accrue soit véritablement exercée lors de ces contrôles. Dans le système français, les musées de France doivent consulter une commission scientifique avant toute acquisition. Dans le dossier constitué à cette fin, l’indication de la provenance doit être donnée. Pour autant, dans la pratique, il n’y a pas nécessairement de vérification de la part de la Commission saisie pour avis.

2.2.3.3. Les ventes en ligne

Le déficit de surveillance des ventes en ligne est souligné de manière récurrente. Sont notamment pointés le manque de personnel face à la charge de travail et d’un point de vue opérationnel, en règle générale, l’absence de coopération avec les maisons de vente.

Les principales difficultés sur le plan opérationnel sont : • la dispersion des compétences et des responsabilités en matière de

prévention et de lutte contre le trafic illicite des biens culturels ; • les problèmes de formation des corps spécialisés (douane, police) ; • l’accès inégal à l’expertise scientifique sur les biens culturels ; • les moyens financiers et humains ; • l’absence ou la faiblesse des contrôles des acquisitions publiques sous

l’angle de la provenance ; • l’absence ou l’insuffisance de relais d’information au niveau des États à

destination des acteurs du marché et institutions concernées ; • le déficit de coopération, d’échanges d’information et de surveillance sur

l’activité de vente en ligne des biens culturels ;

Page 218: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

208

• le respect inégal des bonnes pratiques. * Insuffisance des outils de sanction

2.2.4. Obstacles juridiques en matière de règles pénales internes

2.2.4.1. Absence de visibilité des règles pénales internes relatives aux biens culturels

a) Le principal obstacle juridique est récurrent. Il s’agit de la diversité des législations pénales qui créent des hiatus dans la répression. De plus, dans les faits, peu d’institutions judiciaires sont sensibilisées au trafic illicite de biens culturels : les polices spécialisées dans ce domaine sont très inégales, les enquêtes souvent longues et coûteuses, les magistrats peu sensibilisés.

b) Dans l’ensemble, les infractions de droit commun de vol de recel sont déclarées opératoires dans la grande majorité des États membres. Mais l’objet protégé qu’est le bien culturel est peu visible dans les incriminations : soit il n’y a pas d’élément aggravant de la répression tenant à la nature culturelle du bien dans les infractions de droit commun, soit les infractions spéciales aux biens criminels sont peu visibles, peu connues et peu réprimées, tant sur le plan légal que judicaire. Quand les faits s’y prêtent, c’est par le biais de la circonstance aggravante de bande organisée, ou d’infraction commise à plusieurs, que se trouve appréhendée la criminalité relative aux biens culturels. Or cette qualification pénale ne recouvre pas toutes les formes de la criminalité dans ce domaine.

c) L’infraction de blanchiment n’est pour l’instant pas ou peu utilisée en matière de trafic des biens culturels 305. Cette infraction est en effet plutôt comprise par les autorités de poursuites comme une infraction liée à la fraude fiscale et au trafic de stupéfiants. De plus, elle est difficile à matérialiser dans le domaine du trafic des biens culturels dans la mesure où c’est par le biais des professionnels du marché de l’art que la détection du blanchiment doit se faire et que les autorités compétentes pour recueillir les soupçons de blanchiment doivent être informées. Or le marché de l’art est pour l’instant peu enclin à participer à ce processus. Il y a donc peu de témoins et peu d’indices susceptibles de faire apparaître le blanchiment.

305 V. l’affaire des Tombaroli ou affaire Boucher : les trafiquants déposaient des pièces archéologiques soustraites du sud de l’Italie dans un mont de piété transalpin. Elles étaient ensuite commercialisées par des prête noms dans des maisons de vente aux enchères et galeries d’art : l’argent gagné était réinvesti dans le secteur immobilier : cité par G. Nistri, « La coopération internationale dans la lutte contre les délits relatifs aux biens culturels : l’expérience du commandement des carabinieri pour la protection du patrimoine culturel », in L’entraide judiciaire internationale dans le domaine des biens culturels, (M.-A. Renold ed.) Schultess, 2011, p. 44.

Page 219: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

209

Cependant, il serait possible d’envisager une extension du blanchiment à la provenance illicite d’une œuvre d’art qui serait vendue sur le marché légal.

2.2.4.2. Inadaptation des règles de prescription des poursuites

Les règles de prescription des poursuites sont également très hétéroclites (des courtes prescriptions jusqu’à une absence de prescription). Mais c’est surtout le point de départ du délai de prescription qui pose problème, particulièrement en matière de recel et de fouilles archéologiques illicites :

– recel : le recel se caractérise par une détention plus ou moins longue de l’objet recélé. Tenir ou non compte du temps de détention dans le calcul de délai de prescription est donc essentiel. La plupart des législations pénales des États membres font débuter le point de départ du délai de prescription le jour de l’entrée en détention (v. tableau) et considèrent donc le recel comme une infraction instantanée. Or, il suffit alors au recéleur d’attendre l’écoulement du délai de prescription pendant qu’il reste en détention du bien pour acquérir l’impunité. Faire du recel un délit continu (ou permanent selon les systèmes) est une nécessité ;

– fouilles illicites : sauf l’hypothèse d’une infraction flagrante, il a été souvent relevé qu’il est impossible de dater une fouille illicite, donc de faire débuter un délai de prescription. Ceci est d’autre part nuisible à la mise en œuvre de la directive 93/7/CEE pour la restitution des biens culturels puisque la preuve que le bien culturel a été exporté illicitement ou volé après le 1er janvier 1993 est impossible à rapporter.

Le recel présente alors l’intérêt supplémentaire de pouvoir être utilisé lorsque le bien culturel provient d’une fouille illicite, même si en réalité, le bien est entre les mains de celui qui a procédé à la fouille. En effet, même si la Convention d’UNIDROIT elle-même (art. 3, 2°) considère qu’un bien culturel issu de fouilles illicites ou licitement issu de fouilles mais illicitement retenu est considéré comme volé si cela est compatible avec le droit de l’État où lesdites fouilles ont eu lieu (art. 3, 2° de la Convention d’UNIDROIT), cette assimilation au vol ne règle pas pour autant le problème du point de départ du délai de prescription qui peut toujours demeurer impossible à déterminer.

2.2.4.3. Inadaptation de la peine de confiscation La peine de confiscation, qui consiste en la privation permanente d’un bien,

est particulièrement intéressante dans le domaine du trafic de biens culturels. Toutefois, en vertu du principe de personnalité des peines, cette mesure de confiscation n’est qu’une réponse limitée car il faut qu’au moment de la

Page 220: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

210

sanction, le condamné soit titulaire du bien culturel recherché (sinon la confiscation porte sur un somme équivalente).

2.2.5. Obstacles opérationnels

2.2.5.1. Obstacles opérationnels liés à la traçabilité des biens culturels Ces obstacles sont surtout identifiés en matière de coopération pénale. Mais

d’autres obstacles liés aux difficultés de traçabilité des biens ont été mis en avant : absence de registres dits de « police » pour identifier les biens chez les marchands, absence d’inventaires des biens publics, absence de marquage, etc. L’absence de standardisation des critères de description des objets est également un réel problème de même que les difficultés de description des œuvres d’art modernes comme les peintures.

D’autre part, en matière archéologique, l’absence de victime identifiée ou identifiable, et par conséquent l’absence de plainte, rend problématique la connaissance de fais répréhensibles.

Enfin, en matière d’exportation illicite, la falsification de l’attribution et de la qualité des œuvres pour tromper les agents en charge des documents d’exportation est difficile à identifier.

2.2.5.2. Obstacles à la coopération pénale

* Il ressort des rapports nationaux un certain nombre d’obstacles à la mise en œuvre des instruments de coopération 306 :

a) La protection des biens culturels n’est pas une priorité des politiques pénales nationales.

b) La longueur et les retards de la coopération judiciaire découragent les services compétents d’y avoir recours. Trois exemples peuvent être évoqués : le passage par le canal Interpol a ses limites (prévenir de l’infraction et obtenir des informations). Il est possible de stopper une vente aux enchères d’un bien en situation illicite en se fondant sur un message BCN INTERPOL. Mais il faut obtenir ensuite l’acte judiciaire pour valider la démarche (commission rogatoire internationale par exemple). En second lieu, quand un bien est localisé à l’étranger, il faut passer par l’officier de liaison national et souvent par les magistrats locaux. Cette procédure génère des délais plus ou moins longs peu compatibles avec la vitesse de circulation des biens culturels. Une première étape dans la recherche des solutions pourrait être la dématérialisation des procédures.

306 Le mandat d’arrêt européen, le gel des preuves et les équipes communes d’enquête ne sont pas utilisés dans ce domaine.

Page 221: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

211

c) La méconnaissance par les acteurs policiers et judicaires des instruments de coopération pénale disponibles. Leur formation dans ce domaine est souvent insuffisante.

d) Il existe des intérêts économiques importants qui freinent les procédures, et cela encore plus facilement lorsqu’il y a besoin de délivrer des demandes de coopération internationale.

e) Les demandes de coopération pénale sont mal rédigées, de manière imprécise, obscure et insuffisamment circonstanciée.

f) Les demandes de coopération ne sont pas adressées aux autorités compétentes de l’État d’exécution. Il faut alors les refaire, ce qui prend du temps. En effet, dans certains États des demandes spéciales peuvent être faites directement à la police alors qu’elles doivent être déposées devant un magistrat dans d’autres États (ex : données issues de téléphones portables).

g) Les demandes de coopération sont faites en méconnaissance du droit et de la procédure applicables dans l’État d’exécution.

h) Dans les demandes de coopération, les informations et la description des caractéristiques concernant le bien culturel (notamment l’absence de photographies) sont insuffisantes. Les standards d’identification du bien ne sont pas respectés.

i) L’absence de preuves documentaires dans les demandes de coopération. j) La place insuffisante des experts dans la coopération et la difficulté

d’obtenir une expertise rapidement dans ce cadre. Les experts d’un État membre ne sont pas toujours compétents à propos des biens culturels des autres États membres, ce qui peut être un frein dans l’entraide.

k) Le caractère non spécialisé dans le domaine culturel de certaines acteurs de la coopération.

l) Il n’y a pas de coordination de la coopération au niveau européen m) La coopération pénale se heurte au manque de personnel policier,

judiciaire, douanier et scientifique ainsi qu’au manque de moyens de la justice n) L’absence d’échange d’expériences et d’expertises partagées en matière

de coopération entre les acteurs des différents États de l’Union au niveau des pays membres de l’Union européenne a été identifié comme étant un aspect problématique.

* Quelques lacunes des instruments de coopération a) Certains instruments de coopération ont un champ d’application limité,

ce qui en conséquence restreint aussi celui de la lutte contre le trafic de biens culturels. Ainsi les mécanismes relativement intégrés de la Convention de

Page 222: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

212

Palerme de 2000 ne s’appliquent, en substance, qu’à la criminalité transnationale organisée.

b) Certains instruments de coopération, comme la décision-cadre de 2002 sur le mandat d’arrêt européen (article 4), prévoient une cause facultative du refus d’exécution lorsqu’il y a prescription de l’action pénale ou de la peine selon la législation de l’État membre d’exécution. Or en matière de trafic de biens culturels, ce motif de refus peut, dans certains cas, être soulevé dans la mesure où les délais de prescription connaissent une grande amplitude d’un État membre à l’autre de l’Union.

c) La décision-cadre du 22 juillet 2003 relative à l’exécution dans l’Union européenne des décisions de gel de biens ou d’éléments de preuve ne vise qu’un gel provisoire dans l’État d’exécution. Concernant le régime ultérieur du bien gelé, l’article 10 de la décision-cadre prévoit que la décision de gel doit être accompagnée ou suivie, soit d’une demande de transfert, soit d’une demande de confiscation selon la procédure ultérieure. En principe, ces mécanismes ont lieu conformément aux règles de la coopération judiciaire internationale classique. La situation est donc compliquée et peu intelligible : la procédure de gel des avoirs coexiste ici avec les règles d’entraide judiciaire internationale (commission rogatoire), mais ne les remplace pas – contrairement au mandat d’arrêt européen. S’agissant spécifiquement des éléments de preuve, leur retour dans l’État d’émission, dans ce cadre, a vocation à être régi par la décision-cadre du 18 décembre 2008 sur le mandat d’obtention de preuve.

d) Le mandat d’obtention de preuves, prévu par la décision-cadre du 18 décembre 2008, est limité aux objets, documents et données qui sont des éléments de preuve existants et non pas à découvrir. Autrement dit, il ne peut s’agir de bien culturels recherchés, mais « disponibles » dans l’État d’exécution (article 4.1) de la décision-cadre. En outre, la décision-cadre exclut expressément certaines mesures, qui ne peuvent être demandées à l’occasion d’un mandat d’obtention de preuve (interrogatoires, auditions, des examens et prélèvement biologiques et biométriques, interceptions de conversations téléphoniques, obtentions de données de communications conservées…) en particulier l’analyse des objets, des documents ou des données existant. Cette exclusion réduit l’utilité du mandat d’obtention de preuve en matière de biens culturels.

e) L’absence d’interlocuteur dédié dans le domaine des enquêtes et poursuites du trafic des biens culturels est un obstacle majeur qui pourrait être facilement résolu.

f) Eurojust et Europol sont insuffisamment dotés de pouvoirs de contrainte ni sur les personnes, ni sur les autorités nationales.

Page 223: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

213

g) Aucune équipe commune d’enquête n’a jamais été créée en matière de trafic de biens culturels en l’absence de volonté politique, administrative et judiciaire et à la priorité donnée aux enquêtes communes en matière de terrorisme.

2.3. Déplacement des biens

2.3.1. Obstacles juridiques

Les conditions de circulation des biens culturels sont différentes selon les États membres, les documents nécessaires à la circulation de biens culturels présentent des différences importantes d’un État à un autre.

2.3.1.1. Difficulté de mise en place d’un contrôle douanier dans un espace de libre circulation des marchandises

C’est avec un humour teinté d’une certaine amertume que des services douaniers ont évoqué comme principal obstacle juridique à la lutte contre le trafic des biens culturels le principe de libre circulation des marchandises lui-même. L’ouverture des « frontières intérieures » 307 de l’Union exclurait la possibilité d’un contrôle efficace de la circulation de biens culturels au sein de l’Union.

La situation actuelle reposerait en effet sur un paradoxe : de manière générale les règles européennes relatives à la circulation de biens culturels ne fonctionnent pas alors que ce sont les lois nationales respectives qui sont appliquées, d’où la nécessité de connaître le droit national d’autres pays membres de l’Union européenne puisqu’il n’y a pas de véritable harmonisation dans le domaine de la circulation des biens culturels dans l’espace de l’Union européenne.

Plus spécialement, les services douaniers mentionnent la complexité du régime et des annexes du Règlement communautaire de 1992. De plus, les services douaniers soulignent le manque d’harmonisation juridique entre les États membres des seuils de valeur, d’ancienneté et des documents d’exportation. L’ensemble serait une véritable « usine à gaz » (sic).

2.3.1.2. Hétérogénéité des documents nationaux : conditions de circulation des biens culturels différentes selon les États membres

L’entrée en vigueur du Règlement n° 3911/92 du 9 décembre 1992, remplacé par le Règlement (CE) n° 116/2009 du 18 décembre 2008 (version codifiée), a permis l’harmonisation des règles d’exportation des biens culturels

307 Expression employée par un service de douanes.

Page 224: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

214

vers les pays tiers 308. La mise en place des documents communs d’autorisation (autorisation d’exportation définitive et temporaire) qui viennent à l’appui de la déclaration d’exportation auprès du bureau de douanes compétent, a contribué à faciliter un contrôle uniforme des exportations de biens culturels aux frontières extérieures de l’Union européenne 309. En cas d’exportation vers un pays tiers et de dépassement des seuils prévus dans l’annexe du Règlement du 18 décembre 2008, une autorisation d’exportation est nécessaire, s’ajoutant aux éventuelles autorisations de sortie nationale 310.

Chaque État membre garde en effet la maîtrise de la protection de ses trésors nationaux. Ainsi, la sortie du territoire national des biens culturels est soumise à une réglementation et à une autorisation propre à chaque État membre. En comparant les différents systèmes de circulation de biens culturels, il apparaît qu’il existe une disparité non seulement quant à l’assiette des biens culturels soumis à contrôle mais également en ce qui concerne les systèmes et documents d’exportation pour la sortie du territoire national des États membres. En effet, les documents nécessaires à la circulation de biens culturels varient d’un État membre à un autre. Par exemple, dès lors que le bien culturel dépasse le seuil fixé dans sa catégorie, la France conditionne la sortie de ce bien culturel de son territoire à la délivrance d’un document d’accompagnement (certificat d’exportation) 311. Ce document d’accompagnement est valable pour une durée permanente pour les biens de plus de cent ans d’âge, pour les autres biens, il a une durée de vingt ans renouvelable. D’autres États membres délivrent une autorisation d’exportation ayant une durée temporaire comme c’est le cas en Belgique (un an) et en Italie (trois ans). Au Royaume-Uni, les professionnels peuvent obtenir une licence « ouverte » (open general export licence) pour exporter certains biens culturels sans obtenir de certificats individuels pour chaque objet 312.

308 Règlement (CEE) n° 3911/92 du Conseil, du 9 décembre 1992, concernant l’exportation de biens culturels (JO L 395 du 31.12.1992). Modifié par le Règlement (CE) n° 2469/96 du 16 décembre 1996 (JO L 335 du 24.12.1996) et par le Règlement n° 974/2001du 14.5.2001 (JO L 137 du 19.5.2001). Abrogé et remplacé par Règlement CE n° 116/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008 concernant l’exportation des biens culturels (JO L 39/1 du 10.2.2009). 309 Règlement n° 752/93 de la Commission (JO L 77 du 31.3.1993), modifié par Règlement (CE) n° 656/2004 de la Commission du 7 avril 2004 portant dispositions d’application du Règlement (CEE) nº 3911/92 du Conseil concernant l’exportation des biens culturels (JO L 104 du 8.4.2004 ; Corrigendum JO L 203 du 8.6.2004]. 310 Annexe du Règlement (CEE) n° 3911/92 du Conseil du 9 décembre 1992 concernant l’exportation de biens culturels (JO L 395 du 31.12.1992, p. 1–5) abrogé et remplacé par Règlement (CE) n°116/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 concernant l’exportation de biens culturels (JO L 39/1 du 10.2.2009). 311 Annexe du décret n° 93-124 du 29 janvier 1993 relatif aux biens culturels soumis à certaines restrictions de circulation. 312 Analyse des structures et mécanismes de diffusion des données nécessaires aux autorités afin de garantir l’application de la directive relative aux biens culturel, Information & Communication Partners

Page 225: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

215

Enfin, pour d’autres États membres, les biens culturels circulent librement à l’intérieur de l’Union européenne et ne requièrent donc pas d’autorisation de sortie de biens culturels pour la sortie du territoire national vers un autre État membre, tel est le cas des Pays-Bas et du Luxembourg 313.

Cette disparité au niveau intracommunautaire entraîne des pratiques différentes dans la délivrance des autorisations d’exportations nationales et communautaires ; on relève des différences importantes concernant le nombre d’autorisations délivrées 314.

2.3.1.3. Des formalités considérées par le marché comme inadaptées à leurs exigences : lenteur des procédures, dispersion des guichets, seuils

À la lecture des réponses apportées au questionnaire il apparaît que les trois quarts des acteurs interrogés, en particulier les marchands, experts et maisons de ventes insistent sur la lenteur de la délivrance de l’autorisation d’exportation pour la sortie d’un bien culturel du territoire national. En Italie, l’attestation de libre circulation est délivrée dans les quarante jours suivant la présentation du bien 315. Au Danemark, une demande de licence d’exportation pour la sortie d’un bien culturel du territoire national doit être traitée dans une période d’un mois 316 : passé le délai de trois mois, l’autorisation est réputée avoir été accordée. Au Royaume-Uni, la délivrance d’une licence pour la sortie du territoire est soumise à un délai compris entre deux et six mois 317. En France, la délivrance d’un certificat de bien culturel doit être effectuée dans un délai de quatre mois à compter du dépôt de la demande.

Lorsque le certificat est refusé, un nouveau délai est mis en œuvre pour permettre l’acquisition du bien. Ainsi en Italie, le ministère de la Culture a quarante jours prorogeable de soixante jours pour proposer une offre d’achat 318. Au Royaume-Uni, le ministère a deux mois pour formuler une offre d’achat. Si une institution manifeste son intention d’acquérir le bien, un délai supplémentaire de quatre à six mois lui est accordé pour réunir les fonds suffisants 319. En France, l’État dispose d’un délai de trente mois à compter de

(maintenant cité « Rapport 2004 ») (MARKT/2003/OS/C), 28.12.2004, Annexe Fiche par pays, « Royaume-Uni », p. 66-70. 313 « Rapport 2007 », p. 125. 314 « Rapport 2011 », p. 19. 315 « Rapport 2004 », Annexe Fiche par pays, « Italie », p. 42-45. 316 Ibid., Annexe Fiche par pays, « Danemark », p. 11-15. 317 Ibid., Annexe Fiche par pays, « Royaume-Uni », p. 66-70. 318 Article 70 du code 41/2004 Codice dei beni culturali e del paesaggio. 319 Protection de la propriété culturelle et circulation des biens culturels – Etude de droit comparé Europe/Asie, Synthèse comparative et rapports nationaux, Sous la direction de M. Cornu, directrice de recherche au CNRS, septembre 2008, p. 286.

Page 226: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

216

la notification du refus de délivrance du certificat, en raison de sa possible qualification comme trésor national, pour formuler une offre d’achat.

Pour les professionnels, ces délais s’accorderaient mal avec les impératifs de rapidité imposés par le marché 320. Mais d’une part, les professionnels ont la faculté d’anticiper les demandes d’autorisation, de certificat ou de licence. D’autre part, ces délais sont nécessaires, s’agissant d’un contrôle qui permet de révéler d’éventuels biens culturels importants et ainsi d’identifier de possibles trésors nationaux. Enfin, dans la pratique les délais sont, dans un grand nombre de cas, plus courts que les délais fixés par les textes. Cela étant, la différence de traitement d’un État à l’autre est évidemment source de complication.

En outre, les professionnels estiment que les formalités pourraient être allégées s’ils n’avaient pas à s’adresser à plusieurs administrations. Les personnes interrogées proposent donc d’instituer un interlocuteur unique 321. Ainsi en Italie, l’attestation de libre circulation et l’autorisation d’exportation sont délivrées par le bureau d’exportation de manière simultanée. La solution d’un guichet unique délivrant les autorisations d’exportation (vers les pays tiers) et les certificats (circulation à l’intérieur de l’Union européenne) a récemment été mise en place.

Les professionnels estiment en outre que les seuils financiers 322 au-delà desquels un certificat de bien culturel est exigé sont trop bas et mal adaptés aux transactions mineures 323. Les commissaires-priseurs rencontrent également des problèmes avec les seuils financiers, lorsqu’un lot, présenté à la vente avec une estimation inférieure aux seuils, dépasse le seuil lors de l’adjudication et requiert donc un certificat de bien culturel. En général, l’adjudicataire qui entend exporter le bien culturel est mécontent de devoir attendre plusieurs mois pour obtenir – éventuellement – la délivrance du certificat d’exportation.

320 Article 2-2 du décret n° 93-124 du 29 janvier 1993 relatifs aux biens culturels soumis à certaines restrictions de circulation. 321 Questionnaire « Marché de l’art », Partie II, Question 4 : « Etes-vous favorable à l’existence d’une formalité unique auprès d’une administration unique et si oui, laquelle ? Choix de l’administration ». 322 Annexe commune au décret de 1993 et au Règlement (CE) n° 116/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 concernant l’exportation des biens culturels (JO L 39 du 10.2.2009) remplaçant le Règlement (CEE) n° 3911/92 du Conseil du 9 décembre 1992. 323 Le Syndicat national des antiquaires en France a lancé officiellement sur son site une demande de révision des seuils (http://www.sna-france.com/Actions-juridiques-et-fiscales-N=f76cb3a5-e22e-41b7-b6fd-87d5730236c5-L=FR.aspx).

Page 227: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

217

Toutefois, le point de vue des professionnels sur la modification des seuils financiers n’est pas partagé lorsque l’on interroge les institutions des États membres 324.

Il faut souligner aussi le fait que certains États membres n’ont pas aligné leurs seuils et leurs catégories de biens culturels relatifs à l’autorisation d’exportation vers un État membre sur les seuils et catégories communautaires précisés dans l’annexe du Règlement (CE) n° 116/2009 du 18 décembre 2008 et qui concernent les exportations vers les pays tiers, en y ajoutant quelques variantes. C’est le cas de la Hongrie, qui exerce un contrôle à la circulation de tous les biens culturels ayant plus de cinquante ans d’âge alors que le Règlement européen prévoit pour certaines catégories un contrôle pour les biens culturels de plus de cinquante ans et pour d’autres catégories un contrôle pour ceux de plus de cent ans d’âge. À l’inverse, le Royaume-Uni dans son décret de 2003 a reproduit intégralement les dispositions de l’annexe au Règlement européen de 1992 325. Ce défaut d’harmonisation des seuils à l’échelle européenne explique en partie la complexité du système et la difficulté de le connaître donc de le respecter.

2.3.1.4. Absence de base légale d’un contrôle à l’importation

L’instauration d’un contrôle à l’importation, quelle qu’en soit la forme est quasi inexistant dans les États de l’Union européenne.

La Grèce impose une déclaration d’importation (certificat d’importation) pour tous les biens culturels, mais n’a pas mis en place un document d’accompagnement. En Espagne et en Italie, cette déclaration d’importation existe mais elle est facultative.

Un certain nombre d’acteurs ont évoqué cette difficulté qui fait que même en connaissance de cause d’un bien illicitement importé, à défaut d’une infraction spécifique et en l’absence d’une autre infraction douanière ou pénale telle que le vol ou le recel, un certain nombre d’États ne peuvent intervenir pour sanctionner une importation illicite.

En particulier, les douanes déplorent l’absence de base légale d’un contrôle à l’importation puisque les services des douanes n’ont pas d’obligation de contrôler les permis d’exportation d’autres pays au moment où des biens sont importés dans le pays destinataire. On constate aussi des situations curieuses comme par exemple l’arrivée en Belgique de biens en provenance de Suisse pour lesquels un permis d’exportation était demandé en Belgique.

324 C’est ce qui ressort du « Rapport 2011 ». 325 Export of Objects of Cultural Interest Control Order 2003.

Page 228: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

218

Il serait donc nécessaire d’avoir plus d’information sur les règles juridiques des États membres de l’Union européenne en matière de protection de leur patrimoine culturel et leur contrôle de l’exportation de biens culturels. Cet aspect est lié au fait que la plus grande partie du trafic illicite de biens culturels est découverte précisément au moment de l’importation et non pas de l’exportation des biens.

Enfin, les douanes déplorent également la rigidité des règles relatives au retour des biens dans leur pays d’origine. Ainsi, en Allemagne, le contrôle de l’importation de biens culturels en vertu de la Convention UNESCO 1970, qui est transposée dans la Loi relative au retour de biens culturels (Kulturgüterrückgabegesetz) 326 est actuellement quasiment impossible. La KultGüRückG exige pour toute demande de retour par un autre État que l’objet, dont le retour est exigé, soit inscrit dans un registre de biens culturels de valeur nationale ou plutôt que le bien soit inscrit sur l’inventaire des biens culturels des États membres, qui est mené par la Zentralstelle des Bundes (« Vertragsstaatenverzeichnis), c’est-à-dire par le BKM (§ 6 KultGüRückG et Vertragsstaatenverzeichnisverordnung du 15.10.2008). Ce système ne fonctionne pas du tout, à défaut de listes étrangères de biens culturels : le droit au retour des États membres n’est juridiquement pas réalisable. À défaut d’une telle liste ou d’un tel inventaire il n’y a pratiquement pas de participation de la douane à ce sujet.

Sans entrer dans une analyse exhaustive de ces différents systèmes de contrôle de la circulation des biens culturels, il est évident que cette disparité est au risque du trafic illicite. Elle met à l’épreuve les systèmes et modalités de contrôle sur le terrain et favorise le trafic sur les places à moindre risque juridique.

Les principales difficultés d’ordre juridique en matière de déplacement des biens culturels sont : • la disparité des systèmes de contrôle de sortie du territoire

(autorisations, systèmes de passeport, etc.) ; • la distinction variable entre circulation intra et extracommunautaire ; • l’absence de contrôle à l’importation ; • la dispersion des guichets délivrant les autorisations ; • les formalités parfois complexes.

326 Qui intègre dans l’ordre interne les dispositions de la Convention de 1970 et de la directive communautaire de 1993.

Page 229: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

219

2.3.2. Obstacles techniques Les formalités d’exportation sont, dans les faits, accomplies par des

professionnels et notamment les transporteurs. Ceux-ci déclarent retranscrire sur les documents requis les informations qui leur sont fournies par leurs mandants. En parallèle, les propriétaires des biens culturels, dont la responsabilité peut pourtant être engagée en cas de violation des règles d’importation et d’exportation, sont peu informés des législations applicables. Il y a donc un défaut d’information des personnes juridiquement responsable sur la législation applicable en matière de circulation de biens culturels.

2.3.2.1. Formalités d’exportation effectuées par des professionnels

a) Formalités effectuées par les transporteurs

D’après les réponses apportées aux questionnaires, les formalités d’exportation sont dans la plupart des cas déléguées aux transporteurs et ce, surtout en ce qui concerne les démarches nécessaires à la délivrance de l’autorisation d’exportation 327. Autrement dit, les formalités d’exportation sont effectuées par des professionnels qui jouent un rôle fondamental et de premier plan dans le déplacement des biens culturels. En effet, ce sont les transporteurs qui remplissent le formulaire d’autorisation d’exportation qui accompagne la déclaration d’exportation aux douanes. Ils peuvent également s’occuper de faire la demande de certificat d’exportation du bien culturel. Dans les deux cas, ils demandent des informations sur l’œuvre à leur client afin de compléter les documents d’exportation : preuve de résidence, carte d’identité, facture d’achat, facture de vente, adresse d’enlèvement et de livraison, liste des œuvres avec fiches techniques, copie de l’autorisation d’exportation et de l’assurance et une photographie.

Dans les questionnaires, les transporteurs déclarent ne pas avoir de mal à obtenir des informations de la part du client dans l’objectif de compléter les documents d’exportation. À défaut d’obtenir les renseignements et les documents nécessaires (preuve de résidence, carte d’identité, facture d’achat, facture de vente, ...) ou en cas d’anomalie notoire, les transporteurs interrogés déclarent refuser d’organiser le transport du bien culturel. Lors de l’atelier test, certains transporteurs ont déclaré ne pas vérifier formellement les informations données par leurs clients. Ils ne consultent pas les bases de données des objets d’art volés.

Les transporteurs lorsqu’ils sont agréés sont généralement responsables du contenu des documents renseignés. Aussi, les professionnels, tels que les marchands et les maisons de ventes aux enchères, voient dans le recours à un

327 Questionnaire « Marché de l’art », Partie II, Question 2 : « A qui vous adressez-vous pour les formalités liées à l’exportation et à la circulation de l’objet d’art ? ».

Page 230: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

220

transporteur « agréé » une garantie supplémentaire. Plus des trois quarts des professionnels interrogés ont recours à un transporteur agréé en œuvres d’art. L’association ICEFAT (International Convention of Exhibition and Fine Art transporters 328) est une des associations qui permet aux transporteurs d’œuvres d’art d’être « agréés » lorsqu’ils adhérent aux normes de cette association. Le cahier des charges de l’ICEFAT n’est pas accessible sur internet rendant de ce fait opaque la procédure d’agrément.

b) Formalités effectuées par les maisons de ventes et les marchands d’art

Outre les transporteurs, les maisons de ventes proposent également de prendre en charge, à titre de service commercial, les formalités administratives d’exportation. Ainsi, en France, lorsqu’elles présentent à la vente des objets qui dépassent le seuil, elles peuvent se charger de solliciter la délivrance d’un certificat d’exportation du bien culturel afin de permettre à l’œuvre d’atteindre son prix sur le marché international. Elles peuvent également se charger des démarches administratives nécessaires au transport des lots achetés par leurs clients, qui peuvent être aussi bien des collectionneurs, que des marchands ou des musées. Certaines maisons de ventes importantes ont organisé en interne un département transport chargé exclusivement de gérer et de collecter l’ensemble des documents d’exportation et d’importation afférents aux biens culturels qu’ils leur sont confiés.

Il arrive également aux marchands d’art, et plus rarement aux experts, d’effectuer les formalités pour le compte de leurs clients acheteurs. Les musées accomplissent certaines formalités d’exportation, soit pour leur propre compte, soit pour le compte des collectionneurs qui leur prêtent des œuvres.

2.3.2.2. Déficience d’information de la personne responsable de l’accomplissement des formalités.

Comme cela a été évoqué précédemment, le respect de cette réglementation de circulation de biens culturels incombe in fine au propriétaire du bien. En France, le guide déontologique des sociétés de ventes volontaires prévoit à la charge des maisons de vente une obligation d’avertir les acheteurs de cette réglementation 329. Les conditions générales de vente et les notices d’informations aux acheteurs rédigées par les maisons de vente le rappellent : « Il est de la responsabilité de l’acheteur d’obtenir les autorisations d’exportations ou d’importations » 330. Les maisons de ventes exigent de leurs

328 http://www.icefat.org. 329 Guide pratique à l’usage des professionnels des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques : « Les SVV ont aussi tout intérêt à indiquer, à l’attention des acheteurs, notamment étrangers, les modalités d’exportation des lots ainsi que l’existence et les modalités essentielles du droit de préemption de l’État ». 330 Conditions générales de vente de Sotheby’s France.

Page 231: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

221

mandants une déclaration garantissant que les biens qui viennent de l’étranger ont obtenu les autorisations et ont été donc légalement importés. Or, les personnes juridiquement responsables, à savoir les propriétaires qui sont également des acheteurs, n’ont souvent aucune connaissance réelle des formalités obligatoires, et ne peuvent donc en vérifier le bon accomplissement. En effet, les réponses au questionnaire traduisent une déficience d’information de certains acteurs, en particulier des collectionneurs : ils ignorent tant les administrations compétentes que la législation. Les collectionneurs ne semblent pas avoir encore pris conscience de l’utilité d’une telle information, alors que certains sont régulièrement amenés à prêter leurs œuvres pour des expositions ayant lieu à l’étranger.

Cette déficience d’information s’explique également par un accès difficile à la réglementation en matière de circulation de biens culturels. Peu des sites internet, que ce soit des ministères de la culture ou des opérateurs privés, recensent et rassemblent la législation existante en l’accompagnant d’une explication pédagogique. Aucune page sur le portail Europa de l’Union européenne 331 n’évoque cette thématique. Il ressort des discussions échangées lors de l’enquête de terrain que les marchands et les maisons de ventes informent oralement leurs clients et leur fournissent, le cas échéant, les conditions générales de ventes, mais ne disposent pas de documentation claire, détaillée et pédagogique à leur remettre.

Si les codes de déontologie des professionnels mettent en garde les professionnels lorsqu’ils procèdent à une acquisition, de s’assurer que le bien a été légalement importé 332, en revanche, l’acheteur a un accès difficile à la législation.

En pratique, l’absence de possibilité de soumettre une demande d’autorisation d’exportation par voie électronique représente également une difficulté 333.

2.3.3. Obstacles opérationnels

2.3.3.1. Insuffisance du contrôle aux frontières

Sur un plan général, il faut remarquer que, comme pour les services de police, le trafic des biens culturels n’est pas un secteur prioritaire. Il y a plusieurs raisons à cela.

331 http://europa.eu/index_fr.htm. 332 Us et Coutumes des Antiquaires : « Titre premier. II. C. Cas particuliers : […] On encourt le risque d’être considéré comme complice d’importation frauduleuse » (www.sna-France.com). 333 Rapport « 2011 », p. 7.

Page 232: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

222

Les services douaniers ont déterminé des secteurs sensibles comme la contrefaçon de médicaments ou de biens de consommation, et pas la circulation illicite de biens culturels.

Les services douaniers se sentent plus concernés par la valeur du bien en raison du paiement des taxes de douanes.

Les biens culturels sont variés et leur identification très difficile. Les douanes ne disposent pas des connaissances nécessaires pour opérer un tel contrôle de la circulation de ces biens 334.

L’absence de connaissance réciproque des modèles de documents accompagnant les biens culturels et des autorisations nationales de sortie du territoire constitue un obstacle au contrôle effectué aux frontières 335.

De plus, la délivrance de l’autorisation d’exportation (dénommée dans certains États licence d’exportation) vers un État tiers est effectuée par les autorités compétentes de l’État membre où se situe le bien culturel. Or, le bien culturel peut avoir son origine dans un autre État membre. Cependant, c’est l’État dans lequel le bien culturel est en transit qui délivre l’autorisation d’exportation. Les autorités du pays de transit ne prennent pas contact avec celles du pays d’origine du bien culturel.

Cette insuffisance de contrôle aux frontières extérieures de l’Union Européenne et ce défaut de prise de contact avec les pays d’origine pour la délivrance d’autorisation d’exportation peuvent conduire, dans certains cas, à des situations critiques. Dans certains dossiers traités par le cabinet Borghese, il est arrivé qu’un tableau qui avait été volé en France et qui faisait l’objet d’une enquête en Allemagne, ait réussi à quitter le territoire allemand pour rejoindre les États-Unis. Il est intéressant de noter que le tableau était considéré comme un trésor national par la France.

2.3.3.2. Manque de moyens opérationnels face à la complexité du trafic

Le premier obstacle est le manque de moyens opérationnels : il y a une certaine contradiction entre les lois nationales – qui consistent à effectuer un contrôle de toute exportation des biens culturels (à toute destination envisagée à l’extérieur mais aussi à l’intérieur de l’Union européenne) – et les faibles moyens opérationnels dont disposent les services des douanes. Il est évidemment impossible de tout vérifier et les services douaniers procèdent

334 A titre d’exemple, en Grèce, quatre infractions douanières relatives aux biens culturels ont été constatées pour la période 2002-2010 ; en Hongrie, 16 cas de contrebande et fausses déclarations en 2010 pour des biens culturels. 335 Obstacle relevé dans les deux rapports « Analyse des structures et mécanismes de diffusion des données nécessaires aux autorités afin de garantir l’application de la directive relative aux biens culturels », (« Rapport 2004 » et « Rapport 2007 »).

Page 233: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

223

donc à des ciblages 336 : petits paquets (Italie, Roumanie), provenance de zones de guerre, de zone à risques, etc.

Cette difficulté est aggravée en raison de la diversité des techniques de fraude :

– fragmentation des expéditions pour diluer le risque d’interception ; – circulation de biens illicites dans des biens licites. Ex. : objets

culturels cachés dans des meubles sans valeur mais déclarés ; petits objets cachés dans des grands objets ;

– dissimulation des lieux de provenance réelle ; – mensonge sur la nature et la valeur du bien culturel 337.

Il faut encore souligner les difficultés à appréhender la circulation du bien en raison des formes et de la réalité du trafic :

– expéditions entre personnes privées ; – informations manquantes ou erronées (erreur de classification).

Ces obstacles sont spécialement prégnants pour les biens archéologiques dans la mesure où il est impossible de protéger des biens qui sont le résultat de fouilles illicites et dont l’existence est inconnue. En particulier, il est impossible d’identifier la provenance réelle d’objets archéologiques susceptibles de se trouver sur le territoire de plusieurs États.

Il n’est pas rare de faire procéder à des expertises. Les douanes françaises ont mis sur pied un réseau d’experts qu’il est possible de joindre rapidement 338. L’expertise peut être réalisée pendant le temps de saisie temporaire dont dispose les douanes en cas de doute sur la valeur ou l’origine de l’objet. Ainsi, les interlocuteurs roumains affirment que les agents des douanes contactent le ministère de la Culture qui leur adresse une liste des experts agréés. Ceux-ci font payer leur expertise. Les biens saisis sont parfois rendus à leurs propriétaires sans qu’une expertise n’ait été menée compte tenu du coût de l’expertise 339.

Le manque d’échange d’expériences et d’expertises au niveau des pays membres de l’Union européenne a été identifié comme étant un aspect problématique (Lettonie, Estonie, Espagne, Luxembourg). Vu la spécificité

336 Exemple de la cellule de ciblage du fret à l’aéroport de Roissy (France). 337 Exemple : en novembre 2005, à Montpellier (France) : 9 523 objets archéologiques ou ethnographiques importés par deux ressortissants marocains déclarant 240 kilos d’« effets personnels » en provenance de Bamako (Mali) dont 162 objets étaient de simples objets artisanaux alors que d’autres provenaient de collectes illicites dans plusieurs régions du Mali. 338 Si l’expert ne peut se déplacer pour voir l’objet, une photo lui est envoyée dans un premier temps. 339 L’expertise n’est pas payante pour toutes les douanes. En France, l’expertise est gratuite pour les douanes (Décret n° 89-315 du 11 mai 1989).

Page 234: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

224

des connaissances nécessaires pour identifier des objets suspects – ayant éventuellement une importante valeur culturelle, mais n’étant pas déclarés – les services des douanes ont besoin d’une formation, dispensée non seulement par des experts en œuvres d’art et antiquités, mais aussi par des collègues spécialistes qui auraient une expérience au niveau du travail des douanes. En outre, la mise en place d’un réseau européen d’experts serait bénéfique.

Enfin, la lenteur de la transmission de l’information a été plusieurs fois soulignée. Par exemple, quand un bien culturel de grande importance est volé, la douane n’est pas systématiquement informée.

2.3.3.3. Déficience de la coopération entre les administrations douanières

Comme cela a été dit précédemment, la délivrance de l’autorisation est effectuée par l’État où l’objet est en transit. Les douanes de l’État de transit n’effectuent pas systématiquement un contrôle approfondi et ne coopèrent pas avec les douanes du pays d’origine. Ainsi, une œuvre d’art volée mise en vente en Suisse, a fait l’objet d’une procédure pénale en France, en lien avec les autorités suisses. Cependant, le tableau a finalement été réacheminé en Allemagne à défaut de preuve suffisante pour la poursuite de l’enquête.

Ainsi, les filtres imposés par la législation nationale et communautaire pourraient voir leur efficacité accrue si la coopération administrative était favorisée. Sous le titre II « coopération administrative », l’article 6 du Règlement du 9 décembre 1992 aujourd’hui Règlement CE n° 116/2009 du Conseil du 18 décembre 2008, impose aux États membres de « prendre les mesures nécessaires pour établir une coopération 340 ». Cette obligation de coopération entre les autorités ne semble pas s’être suffisamment traduite dans les faits.

2.4. Préhension du bien en situation illicite (au plan pénal)

2.4.1. La saisie du bien culturel de provenance douteuse, étape préalable à la restitution

2.4.1.1. Utilité de la saisie comme étape préalable à la restitution

En cas de doute sur la provenance d’un bien culturel apparaissant sur le marché, sa rétention jusqu’à l’éclaircissement de toute ambiguïté est utile afin d’éviter sa disparition. Toutefois, l’organisation judiciaire de la saisie d’un bien culturel meuble peut se révéler délicate du fait de l’internationalité du marché,

340 Règlement (CEE) n° 3911/92 du Conseil du 9 décembre 1992, concernant l’exportation des biens culturels (JO L 395 du 31.12.1992, p. 1) abrogé et remplacé par Règlement CE n° 116/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008 concernant l’exportation des biens culturels (JO L 39 du 10.2.2009).

Page 235: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

225

de ses règles de confidentialité et des délais très courts dans lesquels il convient d’agir.

2.4.1.2. Déficience de coopération entre les autorités judiciaires en matière de saisies pénales internationales

La saisie du bien culturel de provenance illicite constitue un moyen de faire obstacle à sa circulation et permet, si les conditions sont réunies, de le restituer à son propriétaire. Cependant, la procédure de saisie peut se révéler complexe à mettre en œuvre lorsque plusieurs pays sont impliqués. À l’échelle communautaire, plusieurs outils sont disponibles tels que le mandat européen 341 ainsi que le gel des avoirs et des preuves 342, mais ces dispositifs communautaires ont été très peu utilisés dans le domaine des biens culturels.

Au niveau international, les mécanismes d’entraide pénale et policière, notamment à travers INTERPOL se révèlent être très utiles à condition toutefois que la coopération entre les autorités judiciaire puisse être effective dans les meilleurs délais. Il a été observé dans la pratique que la coordination et la coopération des autorités judiciaires, lors de la mise en œuvre de commissions rogatoires diligentées par un juge d’instruction ou encore lors de la mise en place de l’entraide pénale internationale, est essentielle. Ainsi, lors de la réapparition sur le marché suisse d’un tableau volé en France, les autorités suisses ont pu procéder à la saisie de l’objet sur leur territoire national grâce au mécanisme d’entraide pénale internationale, cependant le « manque d’intérêt pour les poursuites de la part des autorités françaises » a contraint les autorités suisses à autoriser la mainlevée de la saisie. De même, une saisie en Allemagne d’un bien volé en France, via l’entraide pénale internationale, n’a pas pu aboutir en raison de son caractère tardif : le bien culturel avait déjà quitté l’Allemagne à destination des États-Unis. Ces différents cas révèlent la nécessaire rapidité de la mise en œuvre des mécanismes de coopération judiciaire entre États membres pour l’organisation de saisie de bien culturel.

2.5. Restitution des biens culturels illicites

2.5.1 Obstacles juridiques - Les difficultés d’application des Conventions UNESCO et d’UNIDROIT et de la directive européenne 97/3/CEE du 15 mars 1993

Il a été constaté depuis la fin des années 1990 une pratique de restitutions « volontaires » facilitée par la naissance d’un devoir moral de réparation 343, qui

341 Transposé en France à l’article 695-11 du Code de procédure pénale. 342 Transposé en France à l’article 695-9-1 du Code de procédure pénale. 343 E. Barkan, « Réparer : une nouvelle morale internationale ? » in Témoins de l’histoire, Recueil de texte et documents relatifs au retour des biens culturels, UNESCO, 2011, p. 83-101.

Page 236: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

226

s’accompagne du développement de solutions issues de méthodes de résolution alternative des litiges dans le domaine des biens culturels.

Toutefois, dans les cas encore nombreux où les parties empruntent la voie judiciaire, elles se trouvent confrontées aux difficultés classiques de ce type de procédure tels que le coût, la difficulté de l’administration de la preuve de la provenance du bien et enfin, le choix de la procédure, civile ou pénale 344.

Dans le cadre d’une procédure pénale, les difficultés ont trait notamment à la qualification de l’infraction poursuivie, à la prescription de l’action, ainsi qu’à l’administration de la preuve de la connaissance de l’origine frauduleuse. Les avantages que présente la procédure pénale résident dans l’importance des moyens d’investigations dont disposent les autorités judiciaires sur lesquelles pèse la charge du coût des investigations menées. Il convient toutefois de souligner que l’opportunité des poursuites est laissée à la seule appréciation du parquet. Lorsque le demandeur saisit une juridiction civile d’une action en revendication afin d’obtenir la restitution d’un bien culturel, il lui incombe de rapporter la preuve de sa propriété. Or, dans les pays de droit civil, la possession d’un bien meuble confère à son possesseur une présomption légale de propriété que le demandeur à l’action en revendication devra combattre. Les frais de procédure sont à la charge exclusive des parties et lorsque l’objet revendiqué se trouve dans un pays étranger, le demandeur doit exercer son action auprès de la juridiction du pays dans lequel est situé le bien culturel revendiqué.

La Convention UNESCO concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, adoptée en 1970, soulignait l’importance pour les États membres de prendre des mesures destinées à faciliter la restitution des biens culturels volés ou exportés illicitement. La Convention d’UNIDROIT sur les biens culturels volés ou exportés illicitement adoptée à Rome en 1995 s’est donnée notamment pour objectif de faciliter la restitution et le retour des biens culturels. La directive européenne 97/3/CEE du 15 mars 1993, quant à elle, met en place les conditions de restitution des trésors nationaux entre États membres. Dans la pratique, l’application de ces textes pose cependant de nombreux problèmes.

2.5.1.1. La Convention UNESCO L’absence d’intégration des dispositions de la Convention UNESCO dans

les droits nationaux et les réticences opposées par de nombreux États à la ratification de la Convention d’UNIDROIT constituent les principaux

344 N. Palmer, « L’action en justice : la meilleure solution possible ? » in Témoins de l’histoire, Ibid., p. 382-391.

Page 237: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

227

obstacles juridiques à la mise en œuvre des mécanismes destinés à faciliter la restitution et le retour des biens culturels. La Convention UNESCO du 14 novembre 1970 compte aujourd’hui près de cent vingt États parties. Cette Convention prévoit un contrôle des exportations et tend à faciliter les restitutions tant pour les biens volés 345 que pour les biens exportés illicitement 346. Cependant, l’application de ses dispositions nécessite qu’elles soient intégrées par les États membres dans leur législation nationale. Or, la Suisse et la Grèce font partie des rares États qui l’aient véritablement transposée 347. Ce défaut de transposition constitue un obstacle à son application en matière de restitution et créée un vide juridique dans ce domaine. Ainsi en 2004, la Cour d’appel de Paris a rejeté la revendication de l’État du Nigéria formulée sur le fondement des dispositions de l’article 13 de la Convention de 1970 pour le retour de statues Nok exportées illicitement de son territoire par un antiquaire français, au motif que : « les dispositions de la Convention sur les biens culturels ne sont pas directement applicables dans l’ordre juridique interne » 348. En effet la France, qui a ratifié la Convention UNESCO en 1997, n’en a pas intégré les dispositions en droit interne.

À l’inverse, la Court of Appeal of England and Wales dans sa décision du 21 décembre 2007 opposant Governement of Islamic Republic of Iran v. The Barakat Gallery Limited a reconnu l’application du droit public iranien et des lois nationales sur la protection du patrimoine culturel. La Cour d’appel a reconnu le droit de propriété de l’Iran sur les antiquités illégalement fouillées et a permis la restitution des antiquités iraniennes 349. Il est intéressant de relever que les juges de la Court of Appeal ont justifié cette reconnaissance du droit public d’un autre État en s’appuyant sur les principes présents dans la Convention UNESCO, la Convention d’UNIDROIT et la directive européenne. Rappelant que mêmes si certains de ces instruments n’ont pas d’effet direct en droit interne, ils sont néanmoins des indices de la volonté du Royaume-Uni de collaborer en cas de vol ou d’exportation illicite et méritent donc d’être pris en considération 350.

345 Article 7 b) ii) de la Convention UNESCO. 346 Article 13, b) et c) de la Convention UNESCO. 347 Suisse : Loi sur le transfert des biens culturels (LTBC) 3 mai 2005 ; Grèce : Décret présidentiel n° 3348/2005. 348 CA Paris, 5 avril 2004, n° 2002/09897, République fédérale du Nigéria c/ Alain de Montbrison JurisData n° 2004-238340 et Cass. 1ère civ., 20 sept. 2006, n° 04-15.599, JurisData n° 2006-034988, J.-M. Schmitt, « Statues nok : cynisme ou rappel ? », Journal des Arts, n° 256, 30 mars 2007. 349 D. Fincham, « Iran c. Barakat : L’Iran gagne en appel contre Barakat », in Témoins de l’histoire, op. cit., p. 413-415. 350 Iran v. Barakat Galleries Ltd [2007] EWCA Civ 1374 (CA).

Page 238: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

228

D’autres pièces archéologiques en provenance d’Iran, et plus précisément de la Nécropole de Khurvin, acquises par Madame Wolfcarius, en Iran dans les années cinquante et exportées en 1965 sans autorisation, font l’objet d’une demande de retour par l’Iran devant les tribunaux belge depuis 1981 351. Les biens ont été mis sous séquestre en 1981 alors que la Belgique n’avait pas encore ratifié la Convention UNESCO. En 2011, l’affaire n’a toujours pas été résolue bien qu’elle ait été portée en 1985 à la connaissance du Comité intergouvernemental « Retour-Restitution » de l’UNESCO, lequel attend l’épuisement des voies de recours internes avant d’intervenir.

Une autre difficulté, même lorsque les États ont mis en œuvre la Convention de 1970, peut résider dans le frein que peut représenter le refus d’appliquer le droit public étranger, que l’on constate encore et toujours auprès des juridictions étatiques. L’affaire anglaise Barakat commentée ci-dessus reste une exception notable. Ainsi une autre décision, en Suisse, a vu le Tribunal fédéral refuser la prise en compte du droit public indien incriminant l’exportation de deux pièces d’or anciennes au motif que seul un accord international pouvait contraindre un État à appliquer le droit public d’un autre État, et cela malgré la ratification de la Convention de l’UNESCO tant par l’Inde que par la Suisse 352.

Les dispositions de la Convention de 1970 semblent davantage appliquées dans le cas des restitutions effectuées par voie diplomatique : le 14 décembre 2009, la France a restitué à l’Égypte qui les revendiquait, cinq peintures murales issues de la tombe de Tetiky que le Louvre avait acquis de bonne foi entre 2002 et 2003 sans savoir qu’elles avaient été exportées illicitement. Ces œuvres ont fait l’objet d’un déclassement et ont été radiées de l’inventaire du département des antiquités du Louvre par arrêté ministériel du 5 novembre 2009 353. Dans le communiqué de presse du ministère de la Culture, on peut lire que cette restitution à l’État égyptien « s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention du 14 novembre 1970 354 ».

Ces différences de traitement et le refus manifesté par certaines juridictions nationales d’appliquer les dispositions de la Convention, créent une insécurité juridique qui met obstacle au traitement efficace de la question des restitutions.

2.5.1.2. La Convention d’UNIDROIT

La Convention d’UNIDROIT de 1995 sur les biens culturels volés ou illicitement exportés est un instrument international complémentaire à la

351 L. V. Prott, Témoins de l’histoire, op. cit., p. 432. 352 Arrêt du Tribunal fédéral suisse du 8 avril 2005, ATF III 418, JdT 2006 I 63. 353 JO 10 novembre 2009, n° 261, p. 457. 354 Communiqué de presse du ministère de la Culture du 14 décembre 2009.

Page 239: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

229

Convention UNESCO de 1970 puisqu’elle instaure de véritables mécanismes de restitution et précise plusieurs notions fondamentales telles que « la bonne foi » et la « diligence requise ». Elle n’est toutefois ratifiée que par trente-deux pays dont seulement onze États membres, ce qui constitue indéniablement un obstacle juridique aux retours et aux restitutions de biens culturels. La Convention d’UNIDROIT pose un principe de restitution et de retour de tout bien culturel volé 355 ou exporté illicitement 356 à la demande d’un État ou d’un particulier, en quelque main qu’il se trouve, y compris le possesseur de bonne foi, qui pourra toutefois prétendre au versement d’une indemnité équitable.

Ce principe de restitution constitue un moyen de lutte contre le trafic illicite. Or, le défaut de ratification de la Convention d’UNIDROIT de 1995 constitue sans aucun doute un obstacle juridique à la nécessaire harmonisation des législations en matière de prescription acquisitive, dont les différences sont particulièrement sensibles entre les pays de droit civil et les pays de common law : si l’équilibre des intérêts penche en faveur du possesseur de bonne foi dans les pays de droit civil, les systèmes juridiques de common law tendent à protéger le propriétaire au travers de la règle nemo dat quod non habet 357.

2.5.1.3. La directive européenne

Le contenu de la directive 97/3/CEE du Conseil du 15 mars 1993 358 relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre, s’inspire en grande partie des travaux préparatoires de la Convention d’UNIDROIT de 1995. Il est intéressant de relever que la ratification de la Convention d’UNIDROIT par les États membres n’empêche pas l’application de la directive entre eux. En effet, une clause de déconnexion a été prévue dans la Convention d’UNIDROIT qui permet aux États membres l’ayant ratifiée de faire valoir la primauté de la directive dans les rapports intracommunautaires 359.

L’objectif commun de la directive 97/3/CEE du 15 mars 1993 et du Règlement (CEE) n° 3911/92 du 9 décembre 1992 360, devenu Règlement

355 Article 3 de la Convention d’UNIDROIT. 356 Article 5 de la Convention d’UNIDROIT. 357 Nemo plus juris in alium transfere potest quam ipse habet (Personne ne peut transférer à autrui plus de droits qu’il n’en a lui-même). 358 Directive 93/7/CEE du Conseil du 15 mars 1993 relative à la restitution de biens culturels ayant illicitement quitté le territoire d’un État membre, (JO L 74 du 27.3.1993, p. 74), modifiée par la directive 96/100/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 février 1997, (JO L 60 du 1er mars 1997, p. 59), et par la directive 2001/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2001, (JO L 187 du 10.7.2001, p. 43). 359 Article 13 de la Convention d’UNIDROIT. 360 Règlement du Règlement (CEE) n° 3911/92 du Conseil, du 9 décembre 1992, concernant l’exportation des biens culturels (JO L 395 du 31.12.1992, p. 1) abrogé et

Page 240: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

230

116/2009 du 18 décembre 2008 concernant l’exportation de biens culturels, est de concilier le principe de libre circulation des biens culturels avec celui de la protection des trésors nationaux 361. Ainsi, si la directive du 15 mars 1993 n’est pas en soi un instrument de lutte contre le trafic, il s’agit davantage d’un outil qui permet néanmoins le retour de certains biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre en contribuant ainsi à la sauvegarde du patrimoine culturel des États. En décourageant l’exportation illicite par la possibilité d’une restitution, la directive aurait un effet dissuasif et donc préventif 362. Cependant, entre 2004 et 2007, seules huit actions de restitutions juridictionnelles ont été introduites devant les tribunaux sur le fondement de l’article 5 de la directive de 1993 363.

Les conditions d’exercice de la directive du 15 mars 1993 sont restreintes et son application est réservée aux demandes de restitution d’État à État, ce qui explique sa faible utilisation. La directive n’est en outre applicable qu’aux biens ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre à compter du 1er janvier 1993 et son champ d’application est limité aux biens culturels énumérés à l’annexe de la directive, déclarés trésors nationaux de valeur artistique, historique ou archéologique conformément à la législation et à la procédure des États membres 364. Au cours des débats de l’atelier test « Musées et administrations», les participants, essentiellement des conservateurs, ont déclaré que la directive de 1993 n’était pas utilisable en son état actuel, notamment en raison de la prescription de l’action à l’issue d’un délai d’un an à compter de la connaissance par l’État revendiquant de l’identité du possesseur et du lieu ou se trouve le bien culturel.

La procédure de restitution organisée par la directive est considérée comme une procédure excessivement lourde qui lui vaut d’être peu utilisée et les États membres préfèrent avoir recours à des procédures amiables d’ailleurs prévues dans les dispositions de ladite directive 365.

2.5.2. Obstacles techniques La principale difficulté d’ordre technique constatée en matière de restitution

réside dans la mise à jour des bases de données. En effet, l’importance de la fiabilité des informations contenues dans les bases de données a déjà été soulignée. La mention de la restitution d’un bien déclaré recherché est

remplacé par Règlement CE n° 116/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 concernant l’exportation des biens culturels ( JO L 39 du 10.02.2009). 361 Cf. articles 28 à 30 Traité CE, et l’arrêt de la Cour de justice des CE du 10 décembre 1968, Commission c./Italie, (7/68, Rec. p. 617), Cité dans le « Rapport 2000 », p. 3. 362 « Rapport 2009 », p. 9. 363 Ibid., p. 6. 364 Article 1er de la directive 93/7/CEE du 15 mars 1993. 365 Article 4, alinéa 6, de la directive 93/7/CEE du 15 mars 1993.

Page 241: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

231

essentielle à la fiabilité de l’information contenue dans la base de données. Il conviendrait en conséquence de mener une réflexion sur les conditions dans lesquelles l’aboutissement d’une procédure de restitution d’un bien culturel devrait automatiquement être porté à la connaissance des autorités compétentes aux fins de son intégration dans les bases de données d’objets recherchés (et retrouvés).

2.5.3. Obstacles opérationnels

2.5.3.1. Appréhension de la restitution par les acteurs du marché

L’écho médiatique donné ces dernières années aux cas de restitutions emblématiques de biens culturels a contribué à augmenter le flou quant à leur légitimité. Les réponses apportées sur ce point par les acteurs du marché de l’art aux questionnaires montrent que l’appréhension de l’importance de la restitution en matière de lutte contre le trafic de biens culturels est fonction des catégories d’intervenants du marché de l’art. S’agissant de la restitution des objets volés, on relèvera que plus des trois quarts des acteurs du marché interrogés ont été victimes d’un vol 366. La moitié des collectionneurs interrogés est prête à engager des frais de procédures en vue de récupérer l’objet, en particulier lorsqu’existe un attachement affectif à celui-ci 367. Quant à l’autre moitié, le coût d’une procédure en revendication constitue un frein à toute action, la priorité étant de récupérer, à travers l’assurance, la valeur de l’objet. Il en est de même pour les professionnels, experts, maisons de ventes ou musées. Un peu moins de la moitié des professionnels sont prêts à engager des frais de procédures sous réserve que ceux-ci soient proportionnels à la valeur de l’objet. Les professionnels apparaissent plus optimistes que les collectionneurs sur les possibilités de réussite d’une action judiciaire en restitution. La quasi-totalité des acteurs du marché interrogés restent sans opinion sur le choix de la procédure judiciaire, civile ou pénale. Les rares personnes qui se sont prononcées envisagent la seule possibilité d’aller devant les juridictions pénales 368.

Il est intéressant de relever que l’idée de l’indemnisation du possesseur de bonne foi en contrepartie de la restitution du bien, est mal acceptée par près de 60 % de l’ensemble des intervenants du marché interrogés, surtout

366 Questionnaire « Marché de l’art », Partie III, question 1 : « Avez-vous déjà été confronté à un vol ou à la disparition d’un objet d’art en votre possession ? ». 367 Questionnaire « Marché de l’art », Partie III, question 4 : « Pour atteindre cette priorité, seriez-vous prêt à engager des frais de procédure et si c’est le cas, jusqu’à quel montant par rapport à la valeur de l’objet d’art ? ». 368 Questionnaire « Marché de l’art », Partie III, question 5 : « Privilégieriez-vous une procédure devant les tribunaux civils ou devant un tribunal pénal ? ».

Page 242: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

232

lorsqu’ils sont propriétaires369. En effet, le propriétaire du bien retrouvé accepte difficilement de devoir indemniser le possesseur de bonne foi « de manière équitable ». Cette indemnisation du possesseur de bonne foi que prévoit tant la Convention UNESCO de 1970 que la Convention d’UNIDROIT de 1995, n’est pas encore comprise par les intervenants du marché qui ne sont pas conscients que le principe de restitution les protège et leur permet d’éviter les effets de la prescription acquisitive.

2.5.3.2. Enjeu du respect des bonnes pratiques en matière de restitution

En matière de prévention et de lutte contre le trafic de biens culturels, les bonnes pratiques doivent être utilisées comme un véritable levier. L’ensemble des intervenants du marché de l’art devrait les intégrer dans leur pratique quotidienne.

Dans les développements qui précèdent, il a été démontré à quel point l’élaboration et le respect de bonnes pratiques en matière d’acquisition pouvaient contribuer à prévenir le trafic illicite 370. Si le respect des bonnes pratiques est essentiel en matière de vérification préalable à une acquisition, elles sont également fondamentales en matière de restitution.

Certains groupements de musées ont élaboré, sous forme de recommandations, les bonnes pratiques à appliquer en matière de restitution. Ainsi, la Museums and galleries Commission au Royaume-Uni a publié en 2000 un document intitulé « Restitution et rapatriement : Principes directeurs de bonne pratique, Museums and galeries 371 ». Par ailleurs, Le guide sécurité des biens culturels du ministère de la Culture et de la Communication en France, mis en ligne en 2010, donne également des lignes directrices pour initier une procédure de restitution d’un objet volé 372. L’American Association of Museum (AAM) a édité quant à elle des bonnes pratiques en matière d’objets spoliées pendant la Seconde Guerre Mondiale : Unlawful Appropriation of Objects During the Nazi-Era 373. Enfin, dans une initiative constituant une première en Europe, la Ville de Genève a mis en place en 2009 une Commission de déontologie des Musées de la Ville. Comme l’indiquait récemment le Conseiller administratif chargé de la culture à Genève, cette Commission « est chargée d’évaluer le

369 Questionnaire « Marché de l’art », Partie III, question 6 : « Afin d’obtenir la restitution de l’objet d’art, seriez-vous prêt à indemniser le possesseur de bonne foi ? ». 370 Voir supra. 371 Museum and Galleries Commission, Restitution and repatriation : Guidelines for good practices, (MGC Guidelines for good pratices), Londres, 2000 in Témoins de l’histoire, op.cit., p. 140-160. 372 Guide Sécurité des biens culturels, de la prévention à la restitution de l’objet volé, Ministère de la Culture et de la Communication, Direction générale du patrimoine, p. 54, (sur le site www.culture.gouv.fr). 373 American Association of Museums (AAM), Accreditation Commission Statement on Best Practice, Unlawful Appropriation of Objects During the Nazi-Era, 5 avril 2006.

Page 243: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

233

statut des collections, notamment lorsque la provenance n’est pas indiscutable » 374.

L’atelier test « Musées et administrations » a permis de mettre à jour les difficultés rencontrées par les musées tant lorsqu’ils étaient en position de requérants que lorsqu’ils devaient faire face à une demande de restitution. Dans les deux cas de figures, le recours aux bonnes pratiques se révèle efficace.

2.6. Patrimoine à risques Certaines catégories de patrimoine mobilier sont particulièrement exposées

au risque de dispersion et, par là-même, de perte. Cette notion de perte doit être entendue comme la disparition du patrimoine au détriment de la communauté ; la perte ne signifie donc pas la seule destruction du bien mais, également, son appropriation ou sa détention abusive à la suite d’un vol ou d’une dissimulation.

Mais la notion de patrimoine à risque ne constitue pas une catégorie de patrimoine expressément identifié par les législations nationales, et définie en tant que tel à partir d’une exposition accrue à un danger de perte ou de dispersion, d’où découlerait un corpus de règles spécifiques. Cette notion est toutefois active, sous une forme déductive, dans les législations nationales qui déclinent des mesures spécifiques pour renforcer la protection de catégories de patrimoine particulières.

Le risque est également une notion plurale, qui s’exprime selon deux voies distinctes, respectivement déterminées par la nature de certains biens et les contextes de troubles ou de crises qui peuvent affecter un État :

– certains biens culturels sont, en raison de leur nature même, directement exposés à ce risque. Il en est notamment ainsi des objets archéologiques, du mobilier affecté aux cultes, ainsi que du patrimoine en mains privés,

– les situations de crises ou de conflits, et de guerres, accentuent le risque de trafic illicite pour des biens qui, par nature, sont déjà particulièrement exposés à un tel risque ; de telles situations sont également susceptibles de favoriser et de provoquer le trafic illicite pour des biens culturels, ordinairement moins soumis à la pression du pillage.

374 Réponse du Conseil administratif à la question écrite du 23 mars 2011 (QE-357), Ville de Genève, Conseil municipal, 18 mai 2011.

Page 244: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

234

2.6.1. Des catégories de biens culturels exposés au risque de trafic illicite

2.6.1.1. Le patrimoine archéologique La connaissance des objets archéologiques ne s’acquiert qu’à l’issue d’un

processus provoquant sa découverte, volontaire ou non, ou d’une méthodologie particulière, communément désignée sous le vocable de fouille. Outre la fouille, les processus de découvertes du patrimoine archéologique peuvent être plus brusques, dans une gradation comprise entre la découverte fortuite – par essence non intentionnelle – et le pillage qui alimentera notamment le trafic illicite. La fouille est contrôlée par les législations nationales qui sont toutes ancrées sur un dispositif commun d’encadrement de la recherche par une procédure d’autorisation préalable pour quiconque souhaite entreprendre des fouilles archéologiques ou exploiter scientifiquement un gisement archéologique. À noter que ce mode de régulation de la recherche archéologique par l’autorisation administrative préalable concerne à la fois les fouilles terrestres et l’étude ou l’exploitation du patrimoine subaquatique, dans les eaux intérieures ou dans les eaux territoriales pour les États qui ont une façade maritime 375.

Les découvertes fortuites connaissent une forme de régulation, prévue par les législations nationales, qui dans leur ensemble prévoient un dispositif de déclaration de découvertes fortuites à la charge de l’auteur de la découverte. Toutes les législations ne tirent pas pour autant des conséquences identiques de cette obligation de déclaration, en ce qui concerne les droits du découvreur. Selon les législations nationales, il pourra éventuellement bénéficier d’une récompense dont le quantum varie en fonction également des règles nationales. Ce dispositif de récompense est conçu comme un levier incitatif devant favoriser les déclarations de telles découvertes.

L’économie générale des systèmes juridiques nationaux de protection du patrimoine archéologique est articulée sur ces deux branches principales : le contrôle de la recherche, d’une part, la vigilance sur les découvertes fortuites d’autre part. Ce double dispositif repose sur un principe de prévention de la perte de connaissance du patrimoine enfoui. Ce patrimoine fonde, pour une part, l’identité de l’État, et pose les valeurs communes auxquelles s’identifie un peuple et à partir desquelles il construit son histoire. Ces attributs légitiment les prérogatives octroyées, par les législations nationales, aux autorités

375 Sur la problématique particulière de ce patrimoine, v. M. L’Hour, Table ronde « Sécurité des biens culturels » du 20 décembre 2007 organisée conjointement par les ministères de la Culture et de la Justice français (non publié ; dossier de presse accessible sur : www.culture.gouv.fr/culture/actualites/index-biensculturels.htm).

Page 245: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

235

publiques pour assurer le contrôle de l’ensemble des interventions et des activités affectant ou susceptibles d’affecter ce patrimoine.

Les infractions à ce corpus normatif, qui délimite les prérogatives de l’État sur le contrôle du patrimoine archéologique, constituent l’essentiel des infractions-sources qui déclenchent le trafic illicite des biens archéologiques. En ce sens, le pillage est constitutif d’une fouille archéologique non autorisée, qui va alors produire une chaîne d’infraction, depuis le vol jusqu’à l’exportation illicite.

Le pillage, comme les autres modes de découverte du patrimoine enfoui, a pour caractère principal de révéler un patrimoine qui jusqu’alors était inconnu, ni identifié, ni repéré, ni recensé ou inventorié ; autant de facteurs qui vont faciliter le trafic illicite de ces biens. Ces facteurs sont aggravés par l’utilisation des détecteurs de métaux, dont la réglementation diffère selon les États européens. Le trafic illicite des biens archéologiques pillés pose ainsi des difficultés majeures pour établir la provenance de l’objet. Seul un contrôle de la découverte par un dispositif de déclaration de telles découvertes peut renforcer la lutte contre le pillage et réguler la circulation de ces biens. L’effectivité du contrôle repose toutefois sur un régime déclaratif auquel il est aisé de se soustraire. La performance juridique de ce dispositif demeure discutable (Angleterre et Pays de Galles, France).

La même observation peut être faite pour le patrimoine subaquatique, dont le contrôle de la découverte est rendu d’autant plus malaisé que les espaces maritimes soumis au contrôle territorial de l’État sont importants, que la morphologie du littoral est complexe et les activités maritimes diversifiées (notamment : Grèce, France, Espagne, Italie, Malte).

Il est à noter une distorsion du point de vue des règles juridiques en vigueur, dans les États membres, entre les prérogatives étatiques dont disposent ces États pour asseoir le contrôle de la recherche archéologique et réguler l’ensemble des activités susceptibles d’affecter ce patrimoine, d’une part, et la disposition et le régime de propriété des biens mobiliers extraits du sous-sol, d’autre part.

2.6.1.2. Le patrimoine cultuel et les biens privés

Les biens mobiliers affectés au culte et le patrimoine mobilier détenus par des propriétaires privés sont également particulièrement exposés au trafic illicite. Ces biens ne sont pas ou rarement répertoriés.

La conservation du patrimoine mobilier privé et du mobilier affecté aux cultes est intimement liée, si ce n’est conditionnée, au contrôle de leur mouvement, dont la mise en œuvre requiert des mécanismes d’inventaire et d’identification.

Page 246: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

236

De tels mécanismes sont inhérents aux servitudes de protection du patrimoine. La disposition des biens culturels protégés par les législations nationales et reconnus au titre du patrimoine national est alors affectée par des outils de contrôle. Mais, en dehors du patrimoine protégé, et par là même identifié et répertorié, un tel contrôle ne pourra être opéré en l’absence de repérage ou de connaissance préalable. Le contrôle public de la conservation de ce patrimoine repose sur le préalable de son inventaire.

De la même manière que le patrimoine archéologique est particulièrement exposé au trafic illicite par l’impossibilité de l’identifier avant qu’il ne soit révélé, le patrimoine mobilier privé et le patrimoine cultuel, non protégés par les législations nationales, ne seront révélés par leur propriétaire, qu’au moment du vol ou d’une déclaration ou demande d’autorisation en vue de l’exportation. L’efficience du mécanisme déclaratif ou d’autorisation constitue alors, du point de vue du contrôle à l’exportation de ces biens mobiliers privés ou cultuels, la clef de voûte du système de protection de ce patrimoine.

Pour les objets de culte ainsi que les icônes, présents dans les églises et les monastères, le risque est aggravé par l’absence de moyens de sécurité adéquats (Chypre) ainsi que la dispersion et l’isolement des lieux de culte (Malte). L’inventaire de tels biens peut être une obligation à la charge des autorités religieuses (Espagne).

2.6.2. Les situations de crises ou de conflits Si les risques affectant la conservation durable et le contrôle des

patrimoines archéologiques, mobiliers privés et cultuels sont déterminés par l’absence de connaissance ou d’inventaire préalable, les situations de crises ou de conflits peuvent aggraver sensiblement les risques de pillage et de dispersion, non seulement de ces patrimoines, mais également d’autre catégories de patrimoine, dont la protection est, en dehors de ces situations particulières mieux assurée.

Les crises, les conflits et les guerres provoquent, à des degrés variables, une perte ou un amoindrissement du contrôle des autorités publiques sur l’ensemble du patrimoine national. Si les œuvres insignes sont généralement mises à l’abri, en revanche les autres biens culturels sont exposés au trafic illicite. En outre, dans des cas particulièrement aigües, le pillage des musées nationaux conjugués, dans certains cas, avec la disparition de l’appareil d’État constitueront autant d’évènements alimentant le trafic illicite des biens culturels.

De ce point de vue, l’effectivité du droit international peut sembler relative. L’interdiction du pillage, de même que l’immunité dont bénéficient les biens culturels, proclamés par les Convention de La Haye, codifiant le droit de la guerre, dès 1899, et intégrés aujourd’hui, dans le droit international coutumier,

Page 247: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

237

rencontrent toujours des difficultés à produire la plénitude de leurs effets. On notera toutefois un renforcement notable de l’effectivité de la branche du droit international dédié à la prévention, ainsi qu’à la répression des atteintes perpétrées sur le patrimoine culturel. En témoignent les condamnations prononcées par le TPIY (tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie) à l’encontre de responsables militaires ayant dirigé délibérément des offensives contre la vieille ville de Dubrovnik, Sarajevo, ou encore Mostar et son pont.

L’infraction, source du pillage, est double. Elle résulte non seulement de la préhension du bien par vol ou par tout autre infraction de dépossession, sanctionnée par le doit interne de l’État, mais également par l’infraction au droit international public, qu’il s’agisse des normes coutumières prohibant le pillage et accordant une immunité aux biens culturels, et des dispositions de la Convention de l’UNESCO pour la protection des biens culturels en cas de conflits armés, adoptée en 1954. On notera, en outre que les Protocoles I et II, adoptés en 1977, aux Conventions de Genève de 1949 consacrant les principes contemporains du droit international humanitaire, réitèrent ces préceptes internationaux de protection des biens culturels en temps de crises ou de confits, que ceux-ci soit internationaux ou non internationaux.

Lors des situations de crises ou de conflits, les musées peuvent être confrontés à des processus d’acquisition de biens provenant de zones de conflits, pour lesquelles la présomption de pillage ou de soustraction frauduleuse, à l’occasion des troubles qui caractérisent ces périodes de crise ou de guerre, est forte. Dans une telle situation, il convient de distinguer l’acquisition – au sens strict du terme – et le dépôt conservatoire. Les musées ne considèrent pas que l’acquisition d’objets puisse être guidée par la volonté de soustraire au marché un patrimoine archéologique particulièrement exposé au risque de pillage pour faciliter le retour dans le pays d’origine. Cette question est même envisagée d’un point de vue très critique : on ne peut pas acquérir un objet qu’il faut restituer ensuite (Allemagne). L’hypothèse du dépôt conservatoire est envisagée par le code de déontologie du Conseil international des musées (ICOM), sous le concept de « dépositaire en dernier recours ». L’article 2.11 du code dispose que « Rien dans ce Code de déontologie ne saurait empêcher un musée de servir de dépôt autorisé pour des spécimens ou des objets de provenance inconnue ou illégale collectés sur le territoire dans lequel s’établit sa juridiction ». Cette notion de dépôt en dernier recours, qui autorise le retour du bien dans son pays d’origine à l’issue de la crise ou du conflit, doit être mis en relation avec l’article 6.4 du code qui prohibe les acquisitions de biens culturels en provenance de pays occupé. Cet article prévoit que « Les musées doivent s’abstenir d’acheter ou d’acquérir des biens culturels provenant de territoires occupés, et respecter rigoureusement les lois et conventions qui régissent l’importation, l’exportation et le transfert de biens culturels ou naturels ».

Page 248: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

238

2.6.3. Les particularismes du patrimoine à risques et les difficultés spécifiques

Le trait dominant du patrimoine à risques réside dans son défaut d’identification ou d’inventaire. La traçabilité de ces biens est donc un verrou essentiel pour la prévention du trafic illicite.

La provenance du bien et plus précisément la documentation pertinente sur son origine constitue l’information-socle pour caractériser la licéité ou l’illicéité de la circulation du bien.

2.6.3.1. Les objets et les collections archéologiques

S’agissant des objets ou des collections archéologiques, les fouilles illicites, les découvertes fortuites dissimulées et le pillage des sites alimentent pour une large part le trafic international de cette catégorie de biens. Les données sur l’origine du bien seront disponibles pour les biens issus de collections anciennes ou de fouilles récentes. Pour autant, il ne peut être déduit que l’absence de documentation pertinente sur la découverte d’objet et sur son parcours ultérieur place d’emblée un bien dans une situation illicite. La collection peut avoir des origines anciennes, avoir été peu ou pas étudiée, ni documentée, et ne pas avoir été présentée ou exposée avant sa mise sur le marché. A contrario, il est toujours possible de reconstituer une généalogie fictive pour attester de la provenance d’un objet.

Dans les États dont le droit interne consacre la propriété publique du patrimoine archéologique enfoui, l’autorité publique pourra, par le biais de la loi, faire valoir ses droits sur les collections dispersées. Le droit de l’Union européenne offrira alors, pour les États membres de l’Union, le recours à des mécanismes de restitution. À l’opposé, les États tiers, victimes d’un pillage peineront à faire valoir leurs droits de propriété sur les objets circulant illicitement, sauf à ce que les instances judiciaires du pays de destination du trafic accepte d’appliquer le droit du pays source. À noter, en outre, que les mécanismes prévus par la Convention UNESCO de 1970 ne pourront pas être davantage sollicités : ils ne régulent que les rapports entre États et ne peuvent être opposés à un particulier qui aurait acquis, de bonne foi, des collections archéologiques issues d’un pillage dans un pays tiers à l’Union européenne 376.

Ce contexte sera aggravé pour les États dont le droit interne confère au propriétaire du sol, le droit de propriété sur les objets archéologiques enfouis dans le sous-sol. Dans une telle hypothèse, l’État garant de l’intérêt scientifique du patrimoine archéologique et de l’intérêt commun que

376 CA Paris, 5 avril 2004, n° 2002/09897, République fédérale du Nigéria c/ Alain de Montbrison, JurisData n° 2004-238340 et Cass. 1ère civ., 20 sept. 2006, n° 04-15.599, JurisData n° 2006-034988.

Page 249: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

II. Identification des obstacles et difficultés à partir des données et analyses existantes

239

présentent ces vestiges pour l’étude et la connaissance de l’histoire, ne pourra exercer de revendication sur le fondement de ces seules missions et prérogatives. La formulation du régime de propriété sur les objets enfouis conditionne ainsi pour une large part les réponses qui peuvent être apportées à la dispersion du patrimoine archéologique et à la circulation illicite de ces collections.

2.6.3.2. Le patrimoine cultuel et les biens privés

Le patrimoine religieux ou privé sera d’autant plus exposé au trafic et à la difficulté de mobiliser les outils juridiques pour identifier le caractère licite ou illicite de sa circulation, qu’il n’aura pas été inventorié ou documenté. L’information sur la provenance du bien dépendra de l’action du propriétaire ou du possesseur, pour autant qu’il ait eu connaissance du vol.

Cette catégorie de biens présente des particularités proches des collections archéologiques anciennes. Les biens culturels et les collections privées ont, par essence, des origines anciennes, et peuvent n’avoir été que peu ou pas documentées, ni n’avoir été présentées ou exposées avant leur mise sur le marché. En outre, il sera toujours possible de reconstituer une généalogie fictive sur l’origine d’une collection.

À la différence des biens archéologiques pillés, pour lesquels la caractérisation du vol sera d’autant plus malaisée que ces biens étaient inconnus avant leur mise à jour et demeurent inconnus du propriétaire dépossédé par le pillage, la disposition illicite des biens culturels ou privés peut avoir fait l’objet d’une déclaration. Tout au moins, ces biens étaient connus de leur propriétaire, voire répertoriés, dans des proportions toutefois variables, avant leur dispersion.

Mais, pour l’une ou l’autre de ces catégories de biens culturels, ce sera leur mise sur le marché qui constituera le point d’accroche pour caractériser la disparition de leur lieu de provenance, voire pour constater leur vol à l’origine du trafic illicite. Ce point est d’autant plus aigu, que les infractions concernant ces biens culturels ne sont pas reconnues par le public comme des vrais délits. En ce sens, ces biens présentent un déficit de reconnaissance de leur intérêt culturel (Autriche).

Page 250: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4
Page 251: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

241

III. Recommandations

Page 252: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4
Page 253: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

243

III. Propositions, recommandations _______________________________________

Un certain nombre d’avancées concernent le rapprochement des outils législatifs.

La dimension opérationnelle, technique ou pratique est évidemment un ressort très important.

En outre, parmi les possibles évolutions et propositions de mécanismes correcteurs, plusieurs processus doivent être envisagés selon une échelle qui va de la simple circulation de l’information jusqu’à l’unification des règles, hypothèse haute qui ne peut évidemment prospérer dans tous les domaines. La démarche impose une réflexion autour de l’idée d’un socle commun de règles, perspective complexe au regard de la question des compétences. Une telle approche suggère que certaines compétences en matière de lutte contre le trafic illicite sont des compétences communautaires, ou encore que nous sommes sur le terrain de compétences partagées ce qui suppose une réflexion sur la mise en œuvre du principe de subsidiarité. D’autres avancées peuvent aussi venir du rapprochement des législations dans une approche « bottom up ».

La recherche de solutions devra prendre en compte les différences d’approches de ces questions dans les grands systèmes de droit contemporain (common law, civil law et droit mixte) dont les solutions divergent notamment sur le plan civil (par exemple sur les règles de prescription ou la notion de bonne foi) et pénal, et de la structure institutionnelle et décisionnelle des États.

L’élaboration de recommandations nécessite de clarifier le juste niveau de régulation et lien étroit la technique adéquate.

La réflexion sera conduite à partir de l’échelle suivante : • Unification des règles (ex. en matière de procédure pénale, mais aussi

dans la promotion des instruments internationaux existants) ; • Harmonisation des règles ; • Rapprochement des législations ou de normes déontologiques (ex. en

matière d’infractions pénales ou de traitement des patrimoines à risque, lois modèles) ;

• Coordination (systèmes de contrôle) ; • Connaissance, circulation de l’information (question des définitions, en

particulier des biens culturels protégés).

Page 254: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

244

1. EXPOSE SYNTHETIQUE Proposition d’un programme d’action de l’Union dans la prévention

et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels La question doit nécessairement s’inscrire dans un contexte global, en lien

étroit avec les actions engagées au plan international, en particulier par des institutions telles que l’UNESCO, UNIDROIT, INTERPOL, ICOM. La question est notamment de faire en sorte que l’Union soit un levier ou un relais efficace dans ce projet, d’où l’importance de penser le développement d’actions de l’Union européenne en coordination avec l’existant.

Il convient d’identifier les chantiers dans lesquels l’Union pourrait s’investir. L’état des lieux et des difficultés rencontrées par les acteurs et institutions directement concernés par la question du trafic illicite des biens culturels fait ressortir un certain nombre d’objectifs prioritaires sur le double registre de la prévention et de la sanction, qui doivent tendre, d’une part, vers une régulation du marché de l’art, d’autre part, vers une meilleure protection des patrimoines des États, en particulier les trésors nationaux au sens de l’article 36 TFUE.

Ce projet doit s’adosser à un dispositif permettant de mettre en cohérence les différentes actions à entreprendre et de dialoguer avec d’autres instances, notamment au plan international. Dans l’idée de définir une « stratégie européenne visant à inscrire de façon cohérente et systématique la culture dans les relations extérieures de l’Union et à contribuer à la complémentarité des actions de l’Union avec celle de ses États membres », le projet de combattre plus efficacement le trafic illicite des biens culturels au niveau européen pourrait s’organiser sur la base de dispositions socles à partir desquelles seraient déclinées un certain nombre d’actions. Sont présentées ici les actions pouvant être menées par l’Union, au travers d’instruments juridiques ou techniques contraignants (Règlement, directive, techniques de labels) ou non contraignants (recommandation du Conseil, conclusions, etc.).

1.1. Dispositions socles

Recommandation n° 1 Création d’un service de coordination transversal au niveau européen.

La bonne coordination des différentes actions exercées au niveau international, européen et au niveau des États membres est un des chantiers majeurs. C’est ce que souligne l’ensemble des acteurs interrogés. Le développement d’une compétence européenne en la matière impose d’installer

Page 255: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

245

un service transversal qui doit être conçu de façon pérenne (plusieurs directions générales de la Commission sont potentiellement concernées par la lutte contre le trafic illicite des biens culturels : Affaires intérieures, Éducation et culture, Entreprises et industrie, Fiscalité et union douanière, Marché intérieur et services). Ce service pourrait être doté de compétences multiples et sa base légale pourrait être l’art. 74 TFUE (coopération administrative). Il aurait pour but de favoriser l’émergence d’une culture commune et la création d’un véritable réseau en facilitant la connaissance réciproque entre personnes et services concernés et en développant la confiance mutuelle. L’enquête réalisée dans le cadre de cette étude auprès des États membres a précisément démontré l’utilité de concevoir la question du trafic illicite de biens culturels au sein de structures transversales, mode organisationnel qui a démontré sa pertinence au plan national et que devrait également adopter la Commission pour remplir pleinement sa fonction de relais et de coordination dans l’espace européen. Sur cette fonction centrale de coordination,, les conclusions du Conseil de l’Union européenne et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, sur le plan de travail 2011-2014 en faveur de la culture, précisent que « la Commission mettra en place une collaboration renforcée entre ses services » 377.

Les responsabilités de ce service pourraient être réparties en différentes sections et devraient être les suivantes : • Outre la fonction de conseil auprès des Etats membres, il pourrait

développer une approche coordonnée en matière de lutte contre le trafic illicite en lien avec les responsables nationaux des services spécialisés d’enquête qui désignent des points de contact 378. Il tiendrait un rôle de mise en relation, d’intermédiation et de mise en commun de bonnes pratiques, le rôle de coordination des enquêtes restant entre les mains d’Europol.

• Il serait l’organe de gestion et de supervision du guichet unique européen en matière d’information, de coopération, de veille et d’alerte sur le trafic illicite des biens culturels (v. ci-dessous). Il pourrait gérer ou superviser la formation des fonctionnaires des administrations culturelles, des conservateurs de musée, des marchands d’art.

• Il pourrait également représenter l’Union auprès des instances internationales compétentes et relayer l’UNESCO pour toute question

377 Conclusions du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, 2010/C325/01 378 Pour un exemple de coordinateur en matière de lutte contre le trafic des êtres humains, Directive 2011/36/UE du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène, art. 20.

Page 256: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

246

en relation avec la mise en œuvre de la Convention UNESCO de 1970 dans les États membres.

• Il pourrait intervenir en matière de résolution alternative des litiges, par la voie de la conciliation, médiation ou arbitrage (voir à cet effet l’art. 81 al.2 lit. g TFUE) en coordination avec le comité « retour-restitution » de l’UNESCO et en assurant la promotion de ces outils.

• Il pourrait animer un observatoire européen du marché de l’art associant les différents acteurs à but d’échanges de données et d’informations.

Recommandation n° 2 Création d’un portail internet européen.

La double fonction du portail internet européen serait de renforcer la coopération interinstitutionnelle et d’améliorer le niveau et les conditions de circulation et de partage de l’information nécessaire aux différents acteurs 379. La réalisation de cet outil technique rejoint l’objectif recherché non seulement de développer l’échange de données et d’informations au niveau européen et international mais aussi d’assurer une meilleure coordination et d’intensifier les échanges de bonnes pratiques entre autorités compétentes et services concernés au niveau national et européen. Cette institution devrait impérativement être conçue en lien et en bonne articulation avec les bases de l’UNESCO et d’INTERPOL. Il ne s’agit en aucun cas de faire doublon avec ces outils.

Cette plate-forme comprendrait un portail public destiné aux particuliers et acteurs du marché de l’art et un portail institutionnel dédié aux services et administrations concernés par la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels. Il donnerait accès aux sites pertinents (sites nationaux, sites internationaux), en facilitant l’accès à l’information et pourrait offrir des outils techniques et formulaires pertinents (inventorisation, demandes de certificats et de licences, déclaration des sites archéologiques, vérifications sur l’origine du bien auxquelles devraient procéder les acquéreurs d’un bien culturel. Dans sa vocation professionnelle, l’objectif de la plate-forme est de fournir un outil coopératif, informatif et déclaratif et de soutenir les organes spécialisés dans leur lutte contre le trafic illicite de biens culturels.

379 La préconisation d’un guichet unique permettant une information plus fluide et accessible est récurrente et appelée de ses souhaits par l’ensemble des acteurs du marché, des institutions, des particuliers, v. notamment Rapport final MOC, p. 8 qui recommande « la mise en place d’une base de données ou la création d’une plate-forme européenne consacrée à la circulation licite des biens culturels ».

Page 257: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

247

Recommandation n° 3 Adossement aux conventions internationales culturelles.

L’Union européenne a ratifié la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles 380, premier instrument international à consacrer la double nature économique et culturelle des biens culturels qui « ne doivent pas être traités comme ayant exclusivement une valeur commerciale ». À cette occasion, le Conseil a notamment rappelé la nécessité de lutter contre le trafic illicite des biens culturels. Plusieurs préconisations pourraient prendre appui sur les conventions internationales de l’UNESCO et d’UNIDROIT. • Les États qui ne l’ont pas encore fait, devraient ratifier la Convention

UNESCO de 1970 (5 États sont dans ce cas : l’Autriche, l’Irlande, la Lettonie, Luxembourg, Malte) et ratifier la Convention d’UNIDROIT de 1995.

• Les États devraient adopter des lois d’intégration de la convention de 1970 intégrant. Il reste encore à avancer sur la mise en œuvre de la Convention, ce qui a été unanimement rappelé lors de la célébration du quarantième anniversaire de la Convention à l’UNESCO en 2011.

• L’Union européenne pourrait engager un processus de ratification de la Convention UNESCO de 1970. Cette perspective de travail est envisagée sous plusieurs rapports : la possibilité, en l’état du droit international, pour qu’une organisation régionale puisse s’engager dans ce processus de ratification, le bien fondé et l’utilité d’une ratification pour l’Union européenne de façon directe et indirecte et la plus-value qu’elle engendre dans le déploiement des outils de prévention et de lutte. L’article 216 TFUE autorise la ratification des conventions internationales dans les domaines de compétences de l’UE, base qui peut être combinée avec l’art 207 TFUE concernant la politique commerciale commune. C’est également la base du règlement CE n° 116/2009 du Conseil qui institue des règles à l’exportation des biens culturels vers les pays tiers.

1.2. Dispositions par objectifs ciblés Dans la réalisation des objectifs identifiés comme prioritaires (élévation du

niveau de vigilance des acteurs, traçabilité, sanctions plus lourdes du trafic illicite, renforcement de la formation et de la coopération, meilleure connaissance et diffusion du patrimoine des États, amélioration des conditions

380 Signée le 20 octobre 2005.

Page 258: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

248

de restitution des biens en situation illicite, prise en compte des patrimoines à risque), plusieurs leviers sont utiles à mettre en œuvre. Pour certains, ils nécessitent d’introduire de nouvelles normes dans le droit de l’Union dans plusieurs domaines de compétences de l’Union, essentiellement en matière de régulation du marché et en matière pénale. Les États membres, dans l’exercice de leurs compétences propres, doivent aussi impérativement accompagner ce mouvement. La nécessité de rapprochement des systèmes et de convergence des solutions a été en effet considérée comme un chantier important. A ce volet juridique, se joint le volet opérationnel et technique, qui tient une place importante dans cette étude. Un certain nombre de préconisations ont été consacrées aux outils techniques utiles notamment en matière de prévention (bases de données, inventaire, diligence, bonnes pratiques) mais également au soutien de la coopération institutionnelle. Pour certains d’entre eux, leur mise en place se conçoit dans une logique de dialogue avec les acteurs concernés.

Le rôle de l’Union en matière de prévention et de lutte contre le trafic illicite est de plusieurs ordres. Il concerne notamment les activités du marché de l’art. Si l’exigence de transparence du marché est évidemment un objectif dans l’espace international, l’Union européenne peut utilement contribuer à élever ce standard dans l’espace européen, notamment en raison des compétences dont elle dispose en matière de régulation des marchés, sur le fondement de l’article 114 TFUE.

La réalisation de cet objectif passe par l’amélioration de la traçabilité des biens culturels sur le marché de l’art, par l’élévation du niveau de vigilance des acteurs sur le marché, de la part tant des personnes privées que des institutions publiques.

⇒Elévation du niveau de vigilance des acteurs

La poursuite de cet objectif passe par l’institution de règles contraignantes notamment en matière d’obligation de diligence, mais également par la formation et la mise à disposition d’outils et documents techniques, deux volets tout à fait fondamentaux, ainsi que, le cas échéant, par des outils incitatifs conçus en lien avec les acteurs. En l’occurrence, dans les conclusions du Conseil sur le plan de travail 2011-2014 relatif à la culture, il est suggéré l’installation d’un groupe d’experts chargé de proposer, en coopération avec les États-membres, « une boîte à outils » comprenant les lignes directrices en matière de bonnes pratiques et un code de déontologie sur la diligence requise

Page 259: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

249

dans la lutte contre le trafic illicite de biens culturels 381. Plusieurs préconisations peuvent être proposées en ce sens :

Recommandation n° 4 Codification par les Etats membres de l’obligation de diligence.

Conçue sur le modèle de l’article 4-4 de la Convention d’UNIDROIT 382, cette obligation pourrait être intégrée dans une directive dédiée au trafic des biens culturels 383 sur la base de l’article 114 TFUE.

– La mise à disposition d’une « fiche provenance » accompagnant le bien et contenant un certain nombre d’informations - outil de nature à sécuriser les transactions - et d’un vade-mecum due diligence contenant une liste des vérifications à accomplir lors d’une acquisition 384.

– L’élaboration d’un guide d’interprétation de la notion de bonne foi à destination des juges reprenant les différents standards et critères qui, en général, caractérisent une acquisition de bonne foi. Il n’a pas été jugé pertinent de fixer une norme uniforme de la notion de bonne foi en matière d’acquisition, d’une part, en raison de la diversité des systèmes juridiques, et d’autre part, plus fondamentalement, en ce que cette norme doit rester une notion cadre.

Recommandation n° 5 Institution au niveau de l’Union d’une obligation d’information sur les sites de vente en ligne.

Un certain nombre des mesures élémentaires à prendre pour mettre un frein au développement de la vente illicite d’objets culturels sur Internet (suggérées par le groupe d’experts INTERPOL, UNESCO, ICOM, rédigées à

381 Conclusions du Conseil et des représentants des gouvernements des Etats membres, réunis au sein du Conseil, sur le plan de travail 2011-2014 en faveur de la culture (2010/C/325/01). 382 V. en ce sens l’article 16 de la loi suisse mettant en œuvre la Convention UNESCO de 1970 (LTBC du 20 juin 2003). 383 La proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines prévoit une obligation de recherche diligente qui pourrait inspirer le législateur communautaire. La problématique est en effet très proche de celle qui nous préoccupe en ce qu’elle a pour objet de combattre l’utilisation illicite d’œuvres dont la provenance n’est pas établie. 384 V. en partie III du présent rapport la présentation détaillée de ces outils.

Page 260: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

250

la suite de réunion annuelle des 7 et 8 mars 2006) pourraient être reprises sous la forme d’une norme communautaire, qui exigerait par exemple que soit publié sur tous les sites de vente en ligne un avertissement selon le modèle préconisé. En codifiant ces outils, l’Union serait pleinement dans son rôle de levier et de relais dans le concert des actions de prévention, sur la base de l’article 114 TFUE et au titre du fonctionnement du marché intérieur.

Recommandation n° 6 Mise en œuvre de programmes européens de formation.

Ces programmes intégrant les spécificités du marché européen (fondée sur l’art. 6 TFUE, qui institue une compétence de l’Union pour coordonner, compléter, les actions de formation permanente) doivent permettre de développer et perfectionner l’expertise des acteurs impliqués dans la lutte contre le trafic illicite. Ces formations devraient être destinées aux magistrats, polices/douanes, aux administrations, et plus généralement, aux acteurs du marché. Cette demande a été formulée de façon récurrente dans les différentes enquêtes. En ce qui concerne le volet police, l’activité de formation pourrait être coordonnée par l’Unité opérationnelle européenne (rec. n°1) et conçue en lien avec le Collège européen de police (CEPOL) 385. Pour les magistrats, ces formations pourraient se réaliser en lien avec le réseau européen judiciaire. Ces formations devraient être organisées en lien avec INTERPOL, l’UNESCO, l’ICOM.

Recommandation n° 7 Institution d’un Label Euromusée.

La réflexion doit être engagée avec les acteurs concernés sur la normalisation et la certification de musées respectant des normes de sécurité, les normes d’inventaire et l’obligation de diligence en matière d’acquisition. Cette norme européenne devrait être élaborée en lien avec ICOM (par exemple en exigeant d’adopter les principes du Code de déontologie). Le label pourrait aussi déterminer l’allocation d’aides financières.

385 Décision du Conseil du 22 décembre 2000 portant création du Collège européen de police, Journal officiel L 336 du 30.12.2000.

Page 261: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

251

Recommandation n° 8 Institution d’un Label négociant d’art européen.

La réflexion doit s’engager en lien avec les acteurs (organisations représentatives du marché de l’art). Il pourrait s’agir d’une procédure volontaire de certification en lien avec l’adoption d’une charte éthique dont le contenu pourrait être précisé en concertation avec les organisations professionnelles. Cette proposition rejoint les préconisations du groupe MOC sur la mobilité des collections qui recommande à la Commission de « mettre sur pied un groupe spécifique chargé de rédiger un code de déontologie applicable dans le cas de l’acquisition, du prêt et/ou de la vente de biens culturels par les responsables des institutions de gestion du patrimoine, les collectionneurs, les propriétaires, les antiquaires et les sociétés de vente aux enchères » 386.

⇒Amélioration de la traçabilité.

Le chantier est tout aussi important que le précédent. Il est une des conditions de sa réussite. L’exigence de traçabilité implique plusieurs mesures. Ces différentes actions s’appuient principalement sur l’article 114 TFUE, en tant qu’elles constituent des mesures de traçabilité et touchent au fonctionnement du marché intérieur.

Recommandation n° 9 Soutien à l’action d’INTERPOL dans les bases de données de biens en situation illicite.

Dans le droit fil des conclusions du Conseil de l’Union européenne 387 relative à la prévention et à la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, il s’agit non seulement de reconnaître mais aussi, sur un mode plus opérationnel et institutionnel, de conforter le rôle clé d’INTERPOL et de sa fonction de pilotage et de centralisation des bases de données de biens volés et plus généralement en situation illicite (biens exportés, importés illicitement, biens spoliés, biens disparus, etc.). En accompagnement, l’Union pourrait mettre en œuvre un programme de financement des bases nationales de biens volés dans

386 Rapport final MOC. 387 Conclusions du Conseil de l’Union européenne relative à la prévention et à la lutte contre le trafic illicite des biens culturels du 3 novembre 2008, 14224/2/08REV2, CRIMORG 166, ENFOPOL 191.

Page 262: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

252

les États qui ne disposent pas de bases selon un schéma adaptable à la base INTERPOL.

Recommandation n° 10 Généralisation de l’obligation de tenue d’un registre de police des biens culturels mobiliers.

Sur le fondement de l’art. 114 TFUE, il est préconisé d’élargir à l’ensemble des États de l’Union l’obligation de tenir un registre des objets mobiliers à la charge des professionnels du marché de l’art (vendeurs, antiquaires, intermédiaires tels que maisons de vente volontaires), de le définir et d’en déterminer le contenu de façon uniforme afin d’assurer la traçabilité de l’objet, en incitant les États à prévoir des sanctions en cas d’inexécution de cette obligation.

Recommandation n° 11 Création d’une carte de libre circulation.

Il s’agirait d’un document administratif commun (un peu comme le titre exécutoire européen en rendant obligatoire un certain nombre de mentions) attestant qu’un bien peut librement circuler dans l’enceinte de l’Union européenne, laissant intacte la possibilité pour les États de déterminer quels biens y sont assujettis. Ce document conçu sur le mode du passeport pourrait assurer une meilleure sécurité des transactions pour les biens qui en seraient munis. Il pourrait s’agir d’un nouveau règlement portant sur les conditions de circulation des biens culturels dont la base juridique pourrait être l’article 114 TFUE.

D’un point de vue technique, il faudrait promouvoir l’idée d’un certificat électronique qui pourrait être mis en ligne sur la plate-forme européenne.

Recommandation n° 12 Institution d’un marquage « trésor national » en Europe commun aux États membres.

Un tel marquage laisse entière la compétence des États de définir et d’identifier le patrimoine comme tel (la logique est différente de celle du label patrimoine européen en ce qu’il ne s’agit pas d’identifier des biens qui relèvent de l’héritage culturel européen mais d’anticiper sur des risques de trafic illicite. Elle se rapproche de la technique de l’apposition du symbole du bouclier bleu

Page 263: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

253

dans la Convention de 1954. Ce marquage serait un marquage d’identification, non un marquage de sécurisation. Un des effets de ce marquage pourrait conduire à faciliter la restitution entre États membres des trésors nationaux illicitement exportés en application de la directive 93/7/CEE. Cette faculté offerte aux institutions telles que musées, collections publiques et privées pour les patrimoines à risque tels que le patrimoine religieux pourrait permettre une identification sûre des biens marqués et aurait pour avantage de faciliter la preuve du moment de la sortie du bien, dès lors que l’apposition d’un tel symbole serait nécessairement postérieure à l’entrée en vigueur de la directive 388.

⇒ Encourager une meilleure connaissance du patrimoine culturel en Europe et assurer une meilleure diffusion de l’information sur le patrimoine des États.

Cet objectif est en pleine adéquation avec l’article 167 TFUE qui dispose notamment que « L'Union contribue à l'épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l'héritage culturel commun ».

Recommandation n° 13 Meilleure compréhension du patrimoine culturel des États.

L’Union devrait encourager les États à adopter une définition juridique plus lisible et plus précise des biens culturels considérés comme trésors nationaux (sans empiéter sur les compétences des États en ce qui concerne la délimitation de leur patrimoine).L’Union devrait par ailleurs encourager les États à une définition plus lisible du patrimoine public (v. aussi dans le même sens à propos du patrimoine à risque ci-dessous).

Recommandation n° 14 Coordination des programmes de numérisation des patrimoines des États.

L’information sur la consistance des patrimoines des États est essentielle en termes de prévention. Une campagne de numérisation des trésors nationaux et inventaires du patrimoine culturel des États devrait être engagée, notamment dans les États qui ne disposent pas d’outils (la DG Société de l’information et

388 Certains États ont engagé une réflexion sur la normalisation du marquage d’identification, notamment la France.

Page 264: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

254

medias gère des programmes favorisant la création de contenus et de services numériques dans des domaines d’intérêt public et notamment la culture et devrait y être associée). Ce volet doit évidemment être conduit en relation étroite avec les projets existants ou en cours de construction tels que le projet MICHAEL et le projet NUMERIC de sorte que ces programmes puissent intégrer des données utiles dans le projet de prévention et de lutte contre le trafic illicite.

Campagnes plus spécifiques de numérisation du patrimoine religieux (v. patrimoines à risque).

⇒Améliorer les conditions de restitution des biens culturels et des patrimoines des États.

Recommandation n° 15 Réforme de la directive 93/7/CEE relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre.

Dans le cadre de la commission, un groupe de travail ad hoc réuni en vue d’envisager des modifications de la directive devrait rendre ses conclusions prochainement. Nous n’avons donc pas approfondi ces questions. Les difficultés d’application de la directive ont cependant été très largement pointées lors des enquêtes par pays. Outre les questions liées à la brièveté du délai, aux difficultés de preuve, d’autres points peuvent être mis en avant. Ce processus devrait être engagé en plus étroite relation avec les outils internationaux tels que les Conventions Unesco de 1970 ou Unidroit en particulier sur l’énoncé de la notion de diligence. Certaines modifications pourraient également être introduites au regard de l’identification de certains trésors nationaux ou de leur enregistrement volontaire sur une base dédiée (voir plus haut, améliorer la connaissance des trésors nationaux en particulier sur l’institution d’un marquage trésor national en Europe). Il conviendrait également d’inciter à ce que les autorités centrales soient les administrations en charge de la protection du patrimoine et que le service compétent agisse en coordination avec d’autres services sur un mode de fonctionnement interministériel (associant culture/justice/police/douane).

Recommandation n° 16 Introduction d’une norme communautaire faisant échec à l’extinction de l’action en revendication à l’encontre du possesseur de mauvaise foi, règle visant les seuls biens culturels.

Page 265: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

255

Recommandation visant l’extension du délai pour acquérir de bonne foi.

Cette règle viserait les seuls biens culturels. Si l’on examine certains ordres juridiques, qui ne connaissent pas la prescription extinctive de la revendication dans cette hypothèse – par exemple le droit suisse – cette préconisation s’impose aisément et ne semble pas entrer en contradiction avec les systèmes de droit, y compris avec ceux qui admettent l’acquisition en vertu d’une possession de bonne foi. Ce mécanisme n’est en effet pas remis en cause par l’absence de prescription extinctive. Elle est par ailleurs en pleine cohérence avec le volet pénal et la notion de délit continu en matière de recel. Dans l’idéal, cette harmonisation pourrait faire l’objet d’une norme communautaire en ce que les disparités en matière de prescription sont source de distorsion sur les marchés et pourrait se fonder sur l’article 114 TFUE.

Recommandation n° 17 Prise en compte accrue du droit public étranger.

L’amélioration des conditions de restitution des patrimoines illégalement importés depuis un pays tiers passe notamment par la prise en compte du droit public étranger, aujourd’hui encore insuffisamment admise par les autorités nationales.

Il est en effet encore trop fréquent que des administrations ou des juridictions d’un État ne sanctionnent pas l’exportation illicite d’un bien culturel provenant d’un autre État. Il apparaît ainsi important d’ouvrir plus grande l’application ou la prise en compte du droit public étranger dans ce domaine. Il appartiendrait aux Etats de faire évoluer la pratique judiciaire et le cas échéant leur droit en ce sens.

Une solution claire à cette question pourrait être de décider tout simplement que l’exportation illicite d’un bien culturel vers un État européen constitue ipso facto une importation illicite dans cet État (solution canadienne). C’est aussi ce que fait la Suisse de manière plus ponctuelle dans le cadre des accords bilatéraux qu’elle conclut sur l’importation et le retour des biens culturels (accords à ce jour conclus avec l’Italie, la Grèce, l’Égypte, le Pérou et la Colombie) 389. Ces accords prévoient en effet que les autorités douanières des États parties aux accords bilatéraux en question vérifient la validité de l’exportation des biens culturels désignés dans les accords (d’une manière générale les antiquités).

389 Pour une référence à ces accords, voir le site internet de l’Office fédéral de la culture : http://www.bak.admin.ch/themen/kulturguetertransfer/01985/index.html?lang=fr.

Page 266: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

256

En droit comparé, l’on constate qu’un certain nombre de décisions judiciaires récentes ont admis le principe de l’application du droit public étranger pour déterminer le statut de biens culturels se trouvant sur leur territoire.

Recommandation n° 18 Elaboration d’un guide européen des bonnes pratiques en matière de restitution des biens culturels.

Certains groupements de musées ont élaboré, sous forme de recommandations, les bonnes pratiques à appliquer en matière de restitution. Ainsi, la Museums and galleries Commission au Royaume-Uni a publié en 2000 un document intitulé « Restitution et rapatriement : Principes directeurs de bonne pratique, Museums and galeries 390 ». Par ailleurs, Le guide sécurité des biens culturels du Ministère de la Culture et de la Communication en France, mis en ligne 2010, donne également des lignes directrices pour initier une procédure de restitution d’un objet volé 391. Enfin, l’American Association of Museum (AAM) a édité des bonnes pratiques en matière d’objets spoliées pendant la Seconde Guerre Mondiale : Unlawful Appropriation of Objects During the Nazi-Era 392. Ce guide européen pourrait s’inspirer de ces outils et rejoindre la réflexion sur la charte éthique à destination des acteurs.

Recommandation n° 19 Introduction d’une règle de droit international privé donnant une possibilité de choix entre loi d’origine et loi de situation dans l’action en revendication d’un bien volé.

La règle classique de conflit de loi en matière d’acquisition de la propriété d’un bien est celle de la lex rei sitae (application de la loi du lieu de situation du bien au moment de son acquisition). Or, en matière de biens culturels volés, la question se pose de savoir s’il n’y aurait pas lieu de tenir compte de la loi du lieu du vol (ou loi de provenance du bien, aussi appelée lex originis).

390 Museum and Galleries Commission, Restitution and repatriation : Guidelines for good practices, (MGC Guidelines for good practices), Londres, 2000 in Témoins de l’histoire, op.cit., p. 140-160. 391 Guide Sécurité des biens culturels, de la prévention à la restitution de l’objet volé, Ministère de la Culture et de la Communication, Direction générale du patrimoine, p. 54. (Sur le site www.culture.gouv.fr). 392 American Association Of Museums (AAM), Accreditation Commission Statement on Best Practice, Unlawful Appropriation of Objects During the Nazi-Era, 5 avril 2006.

Page 267: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

257

C’est ainsi que le Code belge de droit international privé de 2004 donne au propriétaire originaire le choix de demander l’application alternative du droit du lieu de situation du bien culturel volé au moment de sa disparition ou au moment de sa revendication (art. 92 du Code de droit international privé).

Recommandation n° 20 Développement des modes alternatifs de résolution des litiges en matière de biens culturels.

Les procédures judiciaires visant notamment la restitution des biens culturels volés ou le retour de biens culturels illicitement exportés, s’avèrent souvent longues et coûteuses et le résultat peut en être incertain. Il apparaît que de plus en plus de cas font l’objet de procédures non judiciaires de résolution des différends, soit en particulier la médiation, la conciliation ou encore l’arbitrage international. L’avantage de tels modes de résolution est leur souplesse, permettant d’aboutir à des solutions souvent négociées et globales. Cette évolution est confortée par l’institutionnalisation de telles méthodes au sein d’organisations internationales spécialisées. Au sein de l’UNESCO, le Comité intergouvernemental « retour-restitution », a adopté un Règlement sur la conciliation et la médiation de litiges ou encore que l’OMPI et l’ICOM proposent un règlement spécifique en matière de médiation de litiges relatifs à des biens culturels. Il apparaît incontestable que l’Union européenne devrait favoriser une telle évolution, fondée par ailleurs sur l’art. 81 al. 2 lit. g TFUE.

⇒Sanctionner plus lourdement le trafic illicite des biens culturels.

En matière pénale, les avancées doivent venir tant du côté du droit de l’Union que de celui du droit des États membres. Elles sont de plusieurs sortes :

Recommandation n° 21 Adoption de règles minimales relatives à la définition des infractions pénales liées au trafic de biens culturels au niveau européen.

En vertu de l’article 67 du TFUE, l’objectif politique général de l’Union est d'assurer un niveau élevé de sécurité par des mesures de prévention et de lutte contre la criminalité, y compris la criminalité organisée. En vertu de l’article 83 TFUE, le parlement européen et le Conseil peuvent établir des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans des domaines de criminalité particulièrement grave, comme la criminalité

Page 268: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

258

organisée, revêtant une dimension transfrontière (résultant du caractère ou des incidences de ces infractions ou d'un besoin particulier de les combattre sur des bases communes) ou si c’est indispensable pour assurer la mise en œuvre efficace d'une politique de l'Union dans un domaine ayant fait l'objet de mesures d'harmonisation.

Constatant l’amplitude des peines prévues par les législations nationales, le rapprochement des incriminations et des sanctions encourues concerne les comportements suivants :

– le vol et toute forme d’appropriation frauduleuse d’un bien culturel ; – la destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien culturel ; – l’importation et l’exportation illicites d’un bien culturel ; – la détention, la dissimulation et la transmission d’un bien culturel

provenant d’un vol, ou de toute forme d’appropriation frauduleuse, d’une exportation ou d’une importation illicite.

La soustraction illicite de biens non appropriés se trouvant sur des sites archéologiques, historiques ou culturels protégés en vertu du droit national doit être considérée par la législation pénale des États membres comme une appropriation frauduleuse de la chose d’autrui, en raison des caractères propres au patrimoine archéologique, notamment l'absence de documentation préalable à la découverte du bien.

Il convient que les personnes morales puissent être tenues pour responsables de ces infractions. Cette disposition permet notamment de rechercher la responsabilité et de punir les maisons de vente qui auraient participé directement ou indirectement à un trafic de biens culturels.

Recommandation n° 22 Adoption de mesures pénales par les États membres.

D’après l’article 82 TFUE, la coopération judiciaire en matière pénale dans l'Union inclut le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des États membres. Dans la mesure où cela est nécessaire pour faciliter la reconnaissance mutuelle des jugements et décisions judiciaires, ainsi que la coopération policière et judiciaire dans les matières pénales ayant une dimension transfrontière, le Parlement européen et le Conseil, peuvent établir des règles minimales sur les droits des personnes dans la procédure pénale et les droits des victimes de la criminalité.

L’Union devrait contraindre les Etats à adopter des règles minimales : – Pour que leurs autorités compétentes soient habilitées à saisir, à titre

conservatoire et le plus rapidement possible, les biens culturels pour

Page 269: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

259

lesquels il existe un ou des indices sérieux qu’ils ont fait l’objet d’une des infractions précitées.

– Pour permettre que les infractions précitées donnent lieu à des poursuites pendant une période suffisamment longue après que leur auteur se soit dépossédé du bien culturel illicitement détenu.

– Les États membres s’assurent que les enquêtes ou les poursuites concernant les infractions précitées, liées au trafic de biens culturels, ne dépendent pas de l’action en justice ou de la plainte de la victime

– Les États membres veillent à ce que les victimes du trafic de biens culturels aient un droit d’information et d’accès à leurs services d’enquêtes et de poursuite spécialisés sur les trafics de biens culturels.

⇒Favoriser la coopération entre autorités dans le cadre de l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

La coopération entre les autorités nationales chargées de la lutte contre le trafic de biens culturels doit impérativement être intensifiée. Les instruments de coopération existant déjà, il s’agit d’abord de les améliorer et de favoriser la confiance mutuelle entre les acteurs. En vertu de l’article 82.2 TFUE, l’Union a la compétence pour édicter des normes relatives à la coopération judiciaire pénale notamment :

– pour assurer la reconnaissance, dans l'ensemble de l'Union, de toutes les formes de jugements et de décisions judiciaires en matière pénale

– pour faciliter la coopération entre les autorités judiciaires ou équivalentes des États membres dans le cadre des poursuites pénales et de l'exécution des décisions.

Recommandation n° 23 Amélioration des instruments de coopération existants.

La décision-cadre du 22 juillet 2003 relative à l’exécution dans l’Union européenne des décisions de gel de biens ou d’éléments de preuve permet, dans le cadre d’une procédure pénale, le gel provisoire dans l’État d’exécution d’un bien culturel faisant l’objet d’un trafic. La décision-cadre du 18 décembre 2008 relative au mandat d’obtention de preuves permet d’obtenir le rapatriement d’un objet culturel en vue de son utilisation dans le cadre des procédures pénales. La décision-cadre du 6 octobre 2006 prévoit la reconnaissance et l’exécution des décisions de confiscation rendues par un tribunal d’un autre État membre. Le bien confisqué peut s’entendre d’un bien culturel mais doit être soit le « produit » soit « l’instrument » de l’infraction. La

Page 270: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

260

Convention de l’Union européenne du 29 mai 2000, enfin, prévoit la possibilité de « mettre des objets obtenus par des moyens illicites à la disposition de l’État requérant en vue de leur restitution à leur propriétaire légitime ». Les outils de coopération existent, mais leur mise en œuvre doit être améliorée et faciliter.

– Elle passe par la mise en place, dans tous les outils de coopération applicables, d’un « document procédural type » permettant une identification précise du bien recherché et une présentation uniforme de toutes les données disponibles sur sa circulation ;

– la facilitation de l’expertise transnationale ; – la clarification de l’articulation des actes de coopération coercitifs, de

nature pénale, sur les biens (gel, obtention de preuve, confiscation) avec les actes de coopération, de nature « civile », visant leur restitution.

Recommandation n° 24 Amélioration de la confiance mutuelle entre autorités nationales.

Les États membres doivent tous établir des services de prévention, d’enquêtes et de poursuite spécialisés sur les trafics de biens culturels, qui comportent notamment des experts du patrimoine. Ils désignent parmi ces services spécialisés, des « points de contact/rapporteurs nationaux » chargés d’aider et de faciliter la coopération internationale qui forment un réseau européen L’Union désigne un « Coordonnateur européen », au sein de l’Unité de suivi européen sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, qui réunit, au moins, une fois par an les « Points de contact/rapporteurs nationaux » pour une grande conférence de formations, d’échanges d’informations et de retours d’expérience.

L’objectif est de créer une communauté européenne de responsables nationaux chargés de la lutte contre le trafic de biens culturels qui se connaissent et peuvent ainsi facilement coopérer.

Recommandation n° 25 Adoption d’un nouvel instrument de coopération pénale.

En fonction de l’avancement des travaux législatifs en cours sur la coopération pénale, deux possibilités doivent être envisagées :

– L’adoption d’un instrument autonome de mandat de « recherche, de saisie et d’obtention » d’un bien (culturel) identifié mais disparu,

Page 271: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

261

faisant l’objet d’une procédure pénale, qui permettait à l’autorité de l’État d’émission de demander aux autorités de l’État d’exécution de réaliser obligatoirement des actes de recherches (fouille, perquisition), de saisie et de retour du bien vers l’État d’émission (en qualité de preuve de l’infraction et comme objet éventuel d’une restitution).

– L’intégration de l’outil précédent dans le projet de directive, actuellement en discussion, concernant la « décision d’enquête européenne » (mise en place, à l’échelle de l’Union, d’un système global de recherche de preuves : la « décision d’enquête européenne » permettrait à une autorité nationale, dans le cadre d’une procédure pénale interne, d’obtenir des autorités d’un autre État membre qu’elles réalisent tout type d’acte d’investigation, et cela dans des délais rapides et en limitant les motifs de refus).

Recommandation n° 26 Création de sections spécialisées dans le trafic de biens culturels au sein d’Eurojust et d’Europol.

Eurojust et Europol devraient chacun disposer d’une section spécialisée dans le trafic de biens culturels chargée de coordonner, au plan européen, les poursuites et enquêtes entre les différentes autorités nationales. Cette section permettrait également des échanges opérationnels d’informations entre les États membres et participerait aux missions de formation et d’information en collaboration (entité répressive) avec le coordonnateur des points de contact / rapporteur nationaux (entité administrative). L’existence de services dédiés est une des conditions d’amélioration de la mise en œuvre des moyens de prévention et de lutte contre le trafic illicite. Plusieurs des personnes enquêtées, en particulier les services de police, l’ont souligné.

Recommandation n° 27 Encouragement à conclure des accords de coopération transfrontaliers (diffusion des bonnes pratiques en la matière).

La préconisation s’adresse aux Etats membres et pourrait s’appuyer sur les bonnes pratiques en vigueur en la matière.

⇒Prendre en compte les patrimoines à risque.

Page 272: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

262

Recommandation n° 28 Création d’un inventaire des biens cultuels et des biens privés.

La directive 93/7/CEE du 15 mars 1993 relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un État membre, prévoit dans son article 5 « l'acte introductif de l'action en restitution doit être notamment accompagné d'un document décrivant le bien faisant l'objet de la demande et déclarant que celui-ci est un bien culturel ». A partir de cette disposition et par extension, il est préconisé que soit institué un inventaire des biens cultuels et des collections privés élaboré à parti de la norme Object-ID, via une plate-forme internet. La description du bien et son enregistrement sur cette plate-forme relèveraient de la responsabilité du propriétaire. Deux options peuvent être envisagées pour la création de cet inventaire. Une norme commune basée sur les articles 36 et 114 TFUE peut être instaurée, solution qui peut se concevoir en tant qu’il s’agit d’une mesure de traçabilité qui touche au fonctionnement du marché. L’autre option, moins contraignante pourrait consister en une mesure d’encouragement ou de recommandations du Conseil s’agissant de la protection du patrimoine, fondée alors sur l’article 167 TFUE.

Assimilation des biens culturels issus de fouilles illicites, ou licitement issus de fouilles mais illicitement retenus, à des biens volés (v. ci-dessus Rec. N°21).

Recommandation n° 29 Introduction d’une norme communautaire visant à déclencher le délai de prescription extinctive à compter de la date d'apparition du bien archéologique sur le marché, rendant possible sa revendication.

En matière de sanction des infractions, la répression du trafic illicite des biens archéologiques se heurte au point de départ de la prescription. L'ouverture du délai de prescription à partir de la commission de l'infraction-source du trafic peut constituer un obstacle majeur dans la mise en œuvre des mécanismes de réparation, lorsque que, notamment, la date du pillage ou de la fouille illicite est inconnue ou ne peut être attestée.

Il est donc préconisé de détacher le déclenchement de la prescription de l'infraction à l'origine du trafic illicite pour l'accrocher au moment où le bien archéologique apparaît, rendant possible sa revendication.

Page 273: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

263

Recommandation n° 30 Création d'une obligation d'attestation de provenance à la charge du vendeur.

Le verrou du trafic illicite des patrimoines en danger se concentre sur la question de la provenance de ces biens. Si une obligation de diligence pèse généralement sur l'acquéreur, une obligation d'attestation de provenance devrait être instituée à la charge du vendeur. Cette obligation pourrait prendre la forme d'une attestation sur l'origine du bien. En écho à une telle obligation, le vendeur encourrait des sanctions et s'exposerait à des mesures de réparation en cas de fausse déclaration ou de généalogie fictive. L'effectivité d'un tel dispositif requiert qu'il soit prévu que toute transaction de biens culturels dépourvus d'une telle attestation de provenance est illicite, l'absence de certificat présumant le caractère irrégulier de la circulation du bien.

Recommandation n° 31 Institution d’un dispositif muséal de dépositaire en dernier recours.

Lors des situations de crises ou de conflits, les musées peuvent être confrontés à des processus d'acquisition de biens provenant de zones de conflits, pour lesquelles la présomption de pillage ou de soustraction frauduleuse, à l'occasion des troubles qui caractérisent ces périodes de crise ou de guerre, est forte. Dans une telle situation, le code de déontologie du Conseil international des musées (ICOM) développe le concept de « dépositaire en dernier recours ». L'article 2.11 du code prévoit qu'un musée puisse servir de dépôt autorisé pour des spécimens ou des objets de provenance inconnue ou illégale collectés sur le territoire dans lequel s’établit sa juridiction.

Cette notion de dépôt en dernier recours, qui autorise le retour du bien dans son pays d'origine à l'issue de la crise ou du conflit, devrait être formalisée pour encadrer les interventions des musées dans de telle situation et positionner les musées comme les garants de la conservation temporaire d'un patrimoine étranger soumis à un risque de dispersion en temps de crises ou de conflits, en conditionnant la mise en œuvre de ce mécanisme de dépositaire en dernier recours, à une procédure automatique de retour du bien à son pays d'origine, à l'issue de la crise ou du conflit, ou dès lors que la sécurité des biens peut être assurée dans le pays d'origine, européen ou non européen.

Page 274: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

264

Recommandation n° 32 Introduction d’une norme commune visant à restreindre et à encadrer l'utilisation des détecteurs de métaux.

Le pillage, comme les autres modes de découverte du patrimoine archéologique enfoui, ont pour caractère principal de révéler un patrimoine qui jusqu'alors était inconnu, ni identifié, ni repéré, ni recensé ou inventorié ; autant de facteurs qui vont faciliter le trafic illicite de ces biens. Ces facteurs sont aggravés par l'utilisation des détecteurs de métaux, dont la réglementation diffère selon les États européens.

⇒ Sensibilisation du public sur les risques liés au trafic illicite des biens culturels.

Recommandation n° 33 Initiation d’une campagne d’information et de sensibilisation auprès du public.

L’Union devrait engager une campagne de sensibilisation : – sur l’importance du patrimoine culturel des États ; – sur les sanctions encourues, auprès du grand public (ex. à l’instar des

campagnes de communication dans les aéroports européens sur les espèces animales et végétales menacées, affiches ou pochettes de billets d’avion), et auprès des acteurs du marché, pour les importations illicites de biens culturels en provenance d'un pays européen ou d'un pays tiers ;

– sensibilisation et implication des associations de propriétaires de biens culturels ;

– sensibilisation et implication des autorités religieuses dans des groupes de travail et d’échange d’information.

Page 275: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

265

2. EXPOSE DETAILLE DE CERTAINS DISPOSITIFS CLES L’ensemble des préconisations n’est pas ici repris. Seules celles qui appellent

un développement technique particulier ou un questionnement relatif à la base juridique nécessaire.

Les préconisations n’ont pas été autrement hiérarchisées que par l’identification de dispositions socles à partir desquelles des objectifs plus ciblés ont été identifiés.

2.1. Dispositions socles

2.1.1. Création d’un service de coordination transversal au niveau européen (Recommandation n° 1)

La bonne coordination des différentes actions menées au niveau international, européen et au niveau des États membres est un des chantiers majeurs. C’est ce que souligne l’ensemble des acteurs interrogés. Le développement d’une compétence européenne en la matière impose d’installer un service transversal qui doit être conçu de façon pérenne (plusieurs directions générales de la Commission sont potentiellement concernées par la lutte contre le trafic illicite des biens culturels : Affaires intérieures, Éducation et culture, Entreprise et industrie, Fiscalité et union douanière, Marché intérieur et services). Ce service pourrait être doté de compétences multiples et sa base légale pourrait être l’art. 74 TFUE (coopération administrative). Il aurait pour but de favoriser l’émergence d’une culture commune et la création d’un véritable réseau en facilitant la connaissance réciproque entre personnes et services concernés et en développant la confiance mutuelle.

L’enquête réalisée dans le cadre de cette étude auprès des États membres a précisément démontré l’utilité de concevoir la question du trafic illicite de biens culturels au sein de structures transversales, mode organisationnel qui a démontré sa pertinence au plan national et que devrait également adopter la Commission pour remplir pleinement sa fonction de relais et de coordination dans l’espace européen. Sur cette fonction centrale de coordination, les conclusions du Conseil de l’Union européenne et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, sur le plan de travail 2011-2014 en faveur de la culture, précisent que « la Commission mettra en place une collaboration renforcées entre ses services ».

On peut rapprocher cette notion de service transversal du concept de comité de suivi connu en droit international. Il suffit de penser aux conventions en matière de droits de l’homme et au rôle du Conseil des droits

Page 276: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

266

de l’homme des Nations unies 393. De tels organes sont moins habituels en matière de biens culturels, même si dans le domaine des biens culturels immeubles, le Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO 394 joue un rôle fondamental.

La question est toutefois aujourd’hui également devenue d’actualité dans le domaine de la lutte contre le trafic illicite des biens culturels. En effet, il est discuté à l’UNESCO de savoir si les États parties à la Convention de l’UNESCO de 1970 ne veulent pas créer un tel comité de suivi (en plus du Comité intergouvernemental pour la promotion du retour des biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale, créé en 1978 395) ; de même, le Conseil de direction d’UNIDROIT a décidé, en mai 2011, de convoquer le Comité de suivi de la Convention, en application de l’art. 20 de la Convention d’UNIDROIT de 1995 396.

Pour ce qui est de l’Union européenne, l’on constate que l’existence d’un Comité est prévue aux art. 8 du Règlement n° 116/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 concernant l’exportation de biens culturels 397 et 17 de la directive 93/7/CEE du Conseil du 15 mars 1993 relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre 398. Ce Comité n’a toutefois pas été régulièrement convoqué et seuls trois rapports ont été rédigés depuis l’adoption du Règlement sur la question en 1992 et leur diffusion a été très limitée 399. Il semblerait utile d’envisager la création d’une instance analogue sur le plan européen. Il ne serait d’ailleurs pas exclu qu’il puisse également participer aux comités de suivi qui sont en train d’être mis sur place tant à l’UNESCO qu’à UNIDROIT.

L’on relèvera encore que l’organe envisagé aurait, sur le plan européen, des compétences transversales puisque plusieurs directions générales sont potentiellement touchées par le trafic illicite des biens culturels (Affaires intérieures, Marché intérieur et service, Éducation et culture, Fiscalité et union douanière, Entreprise et industrie). Des initiatives européennes ont d’ailleurs

393 Voir le site du Conseil des droits de l’homme : http://www2.ohchr.org/french/bodies/hrcouncil/index.htm. 394 http://whc.unesco.org/fr/comite. 395 http://portal.unesco.org/culture/fr/ev.php-URL_ID=35283&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html. 396 Selon l’art. 20 de la Convention d’UNIDROIT de 1995 « Le Président d’UNIDROIT peut convoquer, périodiquement ou à la demande de cinq États contractants, un comité spécial afin d’examiner le fonctionnement pratique de la présente Convention » ; Voir UNIDROIT 2011 C.D. (90) Misc. 3, Mai 2011. 397 JO L 74 du 27.3.1993, p. 74. 398 JO L 39 du 10.2.2009, p. 1. 399 COM (2000) 325 final , COM (2005) 675 final et COM (2009) 408 final, tous non publiés au JO, mais consultables sous http://europa.eu/legislation_summaries/culture/l11017b_fr.htm.

Page 277: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

267

récemment été prises pour la création de mécanismes de suivi similaires dans d’autres domaines, par exemple en matière de lutte contre la corruption 400.

Quelles pourraient être les responsabilités de ce Comité de suivi ? • Le Comité pourrait jouer le rôle d’un organisme de conseil auprès des

États membres pour tout ce qui aurait un rapport avec la lutte contre le trafic illicite des biens culturels.

• Le Comité pourrait développer une approche coordonnée en matière de lutte contre le trafic illicite en lien avec les responsables nationaux des services spécialisés d’enquête qui désignent des points de contact (pour un exemple de coordinateur en matière de lutte contre le trafic des êtres humains, directive 2011/36/UE du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène, art. 20 ; v. les recommandations n° 24, 25, 26 en matière de coopération internationale ci-dessous). Cette section tiendrait un rôle de mise en relation, d’intermédiation, de mise en commun de bonnes pratiques, le rôle de coordination des enquêtes restant entre les mains d’Europol.

• Le Comité serait l’organe de gestion et de supervision de la plate-forme européenne en matière d’information, de coopération, de veille et d’alerte sur le trafic illicite des biens culturels (voir la recommandation n° 3 ci-dessous). Le Comité pourrait gérer ou superviser la formation des fonctionnaires des administrations culturelles, des conservateurs de musée, des marchands d’art (voir recommandation n° 29 ci-dessous).

• Si l’Union européenne devait décider de ratifier en tant que telle la Convention de l’UNESCO de 1970 (voir la recommandation n° 4 ci-dessous), elle pourrait également relayer l’UNESCO pour toute question en relation avec la mise en œuvre de la Convention dans les États membres. Le Comité pourrait également représenter l’Union auprès des instances internationales compétentes.

• Des études de marché et autres recherches pourraient être conduites sous la direction du Comité en vue notamment d’améliorer la prévention du trafic illicite des biens culturels.

• Enfin, le Comité pourrait agir comme organisme permettant la résolution alternative des litiges, par la voie de la conciliation, médiation ou arbitrage en concertation avec le comité « retour-restitution de l’UNESCO. L’on pourrait imaginer soit qu’il fonctionne directement comme l’autorité chargée de résoudre les conflits, soit

400 Voir la décision de la Commission du 6 juin 2011 C(2011) 36773.

Page 278: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

268

comme celle qui facilite la mise en place de mécanismes de résolution des litiges 401.

401 À l’image du bureau de l’art spolié en Suisse qui, dépendant de l’administration fédérale, a pour but d’aider les parties en conflit de trouver le moyen approprié pour résoudre leur litige : http://www.bak.admin.ch/themen/raubkunst/index.html?lang=fr.

Page 279: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

269

2.1.2. Création d’un portail internet européen (Recommandation n° 2)

2.1.2.1. Justification de la recommandation Le besoin d’une plate-forme au niveau communautaire, une attente

exprimée par l’ensemble des acteurs La création d’une plate-forme au niveau communautaire est une mesure

appelée de leurs souhaits par l’ensemble des groupes cibles interrogés lors d’entretiens ou par le biais d’échanges écrits sur la base des questionnaires402. Dans la recherche d’outils de lutte contre le trafic illicite de biens culturels et la revente de biens volés, illicitement découverts ou exportés, l’ensemble des acteurs du secteur contactés dans le cadre du contrat Home/2009/ISEC/PR/019-A2 recommandent le recours à des solutions qui facilitent l’accès à l’information et la circulation de celle-ci, qui renforcent la coopération entre États membres et qui rendent plus aisée l’identification des biens. En ce sens, la création d’une plate-forme communautaire est une réponse ciblée dans la pratique de la lutte contre le trafic illicite de biens culturels, susceptible de répondre à ces attentes.

Ce besoin a également émergé dans d’autres enquêtes et études. En ce sens, le groupe MOC sur la mobilité des collections recommande de « créer les moyens techniques et financiers nécessaires à la mise en place d’une base de données ou d’une plate-forme européenne » 403. Une même aspiration émanait du groupe MOC relatif au trafic illicite de biens culturels. La légitimité d’un tel outil est de facto perçue comme évidente, à la condition qu’elle ne fasse pas concurrence avec les outils préexistants, et qu’elle soit conçue en étroite coordination avec ceux-ci.

Cette plate-forme pourrait contribuer à l’harmonisation ou au rapprochement des systèmes au sein de l’Union, notamment en matière de contrôles des mouvements de biens culturels, d’inventorisation et de marquage des biens culturels.

Enfin, cette plate-forme représente un intérêt au niveau international. Elle facilite l’accès à l’information en centralisant et redistribuant l’information, portail d’entrée pour toutes les questions liées à la protection des biens culturels et à leur circulation dans l’espace européen ; elle peut inspirer d’autres groupements régionaux formels et informels (p. ex. GRULAC…).

402 Question finale des questionnaires : « Quelles solutions préconisez-vous, au plan juridique, technique, opérationnel ? ». 403 Rapport final. Résumé, MOC – Groupe de travail d’experts sur la mobilité des collections, juin 2010, p. 8. Accessible sur http://ec.europa.eu/culture/our-policy-development/doc/mobility_collections_report/reports/mobility_collections_fr.pdf.

Page 280: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

270

Un outil de complément indispensable aux guichets nationaux Les projets menés aujourd’hui au niveau national sont de grande utilité en

ce qui concerne la coopération et l’information interne. Plusieurs États membres se sont engagés dans la voie de la divulgation large

d’information et de la formation des propriétaires privés ainsi que l’échange d’informations entre corps spécialisés 404.

À titre d’exemples, on peut citer ici les initiatives françaises d’éditer un guide d’information à l’usage des propriétaires publics et privés intitulé « Sécurité des biens culturels. De la prévention du vol à la restitution de l’objet volé » et de mettre en ligne sur www.culture.gouv.fr un site internet dédié « circulation des biens culturels » dont la vocation est de fournir aux acteurs professionnels toute l’information pratique nécessaire 405, le site britannique d’information à destination tant du grand public que des acteurs du marché de l’art 406, les projets lettons « Kultūras objektu apraksta veidošana » 407 et polonais « Bezpieczne zbiory – bezpieczne kolekcje » 408 d’aide à la description des biens culturels conservés par des particuliers, le site roumain de mise en commun des informations collectées par les administrations du ministère de la Culture, les douanes, la police et les garde-frontières 409.

L’Union européenne a financé, en partie ou en totalité, les projets antérieurement initiés 410. Le développement de ces outils opérationnels eu niveau interne doit évidemment être encouragé, sachant qu’un outil conçu au niveau européen viendrait très opportunément compléter ces outils en favorisant l’accès et l’échange d’informations ainsi que la coopération interétatique. Un effort concerté au niveau communautaire répond en effet à de véritables besoins de circulation de l’information, d’échanges de bonnes pratiques, de connaissance des systèmes, de mise à disposition d’outils techniques et pratiques. C’est dont sous une double approche d’information et de coopération que doit être envisagée cette plate-forme.

404 Accessible sur http://www.culture.gouv.fr/culture/securite-biensculturels/appli.htm. 405 Accessible sur http://www.circulation-biens.culture.gouv.fr/. 406 Accessible sur http://www.culturalpropertyadvice.gov.uk/. 407 Accessible sur http://ic.iem.gov.lv/ko/index.php. 408 Accessible sur http://www.bezpiecznezbiory.pl/. 409 Le site, en accès restreint, se trouve à l’adresse http://www.patrimoniu-mobil.ro/. 410 Notamment Project “JLS/2008/ISEC/AG/103 Improvement of record keeping on stolen and lost cultural values to promote the prevention of and fight against smuggling” (Lettonie) ; Project “PHARE 2006/018-147.03.19 Integrated Management Information System for the Protection of Movable Cultural Heritage and Cultural Goods” (Roumanie).

Page 281: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

271

2.1.2.2. Exposé technique : La plate-forme européenne, outil informatif, déclaratif et coopératif

Il s’agit de développer l’information en matière de protection et d’identification des biens culturels, afin de permettre au grand public de recevoir des informations concises sur le sujet et d’avoir un portail d’entrée unique vers tous les sites nationaux mais aussi de rendre possible aux corps spécialisés une consultation facilitée des bases de données et d’améliorer la circulation des informations.

En raison de ce but double, il faut prévoir une plate-forme avec deux espaces distincts mais certains outils communs. L’organisation de la plate-forme suit donc une organisation biface, avec une partie entièrement publique et une partie d’accès restreint. Les restrictions d’accès sont gérées par le service de coordination et adaptées à la réalité de chaque État membre.

Ces deux parties doivent être accessibles au moins dans les langues de travail de l’Union européenne, soit en français, en anglais et en allemand.

Structure, outils et informations du portail public La partie publique sert les missions de sensibilisation et d’information du

grand public, en s’adressant autant aux particuliers dilettantes qu’aux acteurs du marché de l’art. Les outils et informations qui doivent être développés pour ce portail sont les suivants 411 : • a) Informations générales : - Rôle de l’Union et de l’ensemble des acteurs internationaux (UNESCO,

UNIDROIT, ICOM, INTERPOL, OMD) et renvoi vers leurs sites. - Information sur les bases internationales et renvoi vers les sites

(INTERPOL, UNESCO) - Présentation, divulgation et promotion des codes déontologique de

l’ICOM et de l’UNESCO. - Liste des sites nationaux pertinents et accessibles à tous, par le biais de fiches synthétiques de présentation des États membres (voir les fiches pays en annexe du présent rapport). • b) Informations spécifiques sur le cadre juridique et déontologique Provenance/ Origine des biens - Un espace est plus particulièrement destiné aux personnes actives dans le

commerce de biens culturels, qu’ils soient particuliers ou institutionnels, vendeurs ou acheteurs. Il est accessible sans restriction ou accréditation et offre des informations développées en matière de due diligence. Est également disponible dans cet espace une charte pour les sites de ventes en ligne de biens

411 La présentation du portail public suit une organisation basée sur les étapes de déplacement du bien : inventorisation/identification, circulation et revendication/restitution.

Page 282: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

272

culturels ou pour les sites qui servent de plate-forme à des ventes de biens culturels.

- Une section est dédiée à l’information sur l’attitude à adopter face à la découverte fortuite d’un site archéologique.

- Une page présente les particularités du patrimoine archéologique et du patrimoine religieux, réputés « patrimoines à risque ».

Circulation des biens culturels - Présentation des textes communautaires pertinents (directive 93/7/CEE

du Conseil du 15 mars 1993 relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre et Règlement (CE) 116/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 concernant l’exportation de biens culturels), de la Convention UNESCO de 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels et de la Convention d’UNIDROIT de 1995 sur les biens culturels volés ou illicitement exportés.

- Textes d’informations générales sur la circulation des biens culturels, les modalités d’exportation. • c) Documents et outils pratiques : - Recommandations sur l’inventorisation des collections des propriétaires

particuliers, avec la mise à disposition de documents types à télécharger et à remplir pour ensuite les enregistrer sur son propre support.

Ces documents sont accompagnés de fiches explicatives sur les caractéristiques à mentionner absolument, pour chaque type de biens culturels. Des informations pratiques sur le marquage et la réalisation de photographies de biens culturels sont également accessibles. Pour les États dans lesquels il n’existe pas de norme d’inventoriage, il pourrait être imaginé de promouvoir la norme Object ID (UNESCO) comme norme minimale requise.

- Outil d’encadrement à l’inventorisation et l’enregistrement du patrimoine religieux.

- Accès à un inventaire dynamique des marques d’inventaire (tri par pays d’origine, par type de marquage, par ordre croissant ou décroissant…), géré par le service de coordination et alimenté par les États membres.

-« Vade-mecum » servant de guide et énumérant les vérifications avant toute acquisition de bien culturel à réaliser et « fiche provenance » développée en annexe 412. • Fonction « d’annuaire » : - La construction de la plate-forme s’accompagne de la mise en place

d’adresses emails fonctionnelles, dont la ramification incombe aux États membres, sous la surveillance du service de coordination.

412 Voir recommandation n° 5 ; fiche provenance développée par le Cabinet Borghese sur le modèle du standard Object ID.

Page 283: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

273

• Développement ultérieur : À terme, la partie publique pourra également disposer d’un outil

d’interrogation simultanée des bases de données nationales et internationales (cf. ci-dessous point 6.).

Structure, outils et informations du portail institutionnel Les outils prévus dans la partie en accès restreint sont destinés aux

institutionnels nationaux actifs dans les services des États membres. Les fonctionnalités varient selon les restrictions d’accès. Ces restrictions influencent surtout la quantité de données personnelles accessibles, afin de respecter les particularités propres à chaque État membre. Il convient en conséquence de prévoir l’attribution de droits sélectifs selon la qualité de la personne amenée à consulter les informations contenues dans la partie en accès restreint de la plate-forme, en fonction de l’organisation administrative de chaque État membre ou de critères de confidentialité nécessaire. Les outils moyens d’information, de coopération et de veille sont les suivants : • a) Informations générales - Renvoi aux pages du portail public. - Une revue de presse, en lien avec les listes existantes (comme par exemple

Museum Security Network), est diffusée à toutes les personnes accréditées. • b) Documents et outils pratiques - Guide d’interprétation de la notion de bonne foi (contenant des études de

cas, v. recommandation n° 4). - Collecte des données sur les trésors nationaux au sein de l’Union

européenne, dont l’alimentation est gérée par les États membres par le biais du service de coordination. Son interrogation est ouverte à toutes les personnes accréditées à la partie en accès restreint mais les informations accessibles sont limitées suivant la qualité du requérant.

- Un lien dynamique, sous la forme d’un formulaire de recherche miroir, est mis en place vers la base de données législatives de l’UNESCO. L’alimentation de cette base fait partie des obligations des États membres contrôlées par le service de coordination. Ainsi, outre les informations disponibles dans les fiches synthétiques par pays accessibles dans la partie publique du site, les personnes accréditées ont accès à l’ensemble des textes de lois pertinents.

- Présentation et analyse de « cas types » sous l’angle criminologique, tirés de situations courantes dans la pratique. Les analyses sont présentées sous la forme de textes, accessibles soit par liste de titres soit par recherche par mots-clés. Les États membres sont invités à fournir au service de coordination des informations concernant les dossiers traités par leurs unités, afin de développer une meilleure connaissance du trafic illicite. Cette démarche permet de pallier la faiblesse actuelle en ce domaine, alors même que l’analyse criminologique se développe pour tous les autres trafics.

Page 284: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

274

- Sur la base de ces analyses, une cartographie des trafics est mise à la disposition des forces de police et de douanes ainsi qu’aux garde-frontières. Cet outil permet de définir les zones à risque et de suivre l’actualité du trafic.

- La plate-forme rend de plus possible la diffusion d’alertes grand public en cas de disparition d’un bien pour information (exemple du Cri de Munch), sans préjudice des compétences d’Europol et d’INTERPOL. L’alerte est conservée dans un historique afin de permettre l’analyse éventuelle ultérieure. • c) Encouragement à la coopération - Une base de données recense les bonnes pratiques (accords de

coopérations notamment). - Afin de pallier les difficultés de compréhension linguistique entre les

unités des États membres, un thésaurus des notions clés est mis à disposition des personnes accréditées. Il se présente sous la forme d’un tableau dynamique, interrogeable selon les besoins et enrichi sous le contrôle du service de coordination.

- Un annuaire des points de contact avec numéros de téléphone, de télécopie, adresses postales et électroniques (messageries fonctionnelles et personnelles) dans chaque État membre, régulièrement mis à jour par le service de coordination serait susceptible de permettre de faciliter les prises de contact rapides et ciblées.

- Des forums, modérés par le service de coordination, sont mis en place. Ils permettent la poursuite de la collaboration et des échanges développés lors d’ateliers, de formation et de working parties, entre les différents corps spécialisés (ateliers spécifiques aux compétences ou par groupes régionaux en lien avec UNESCO, ICOM, INTERPOL).

Considérations techniques La forme sous laquelle devraient être proposés ces informations et ces

outils pourrait varier, néanmoins il semble que la mise en ligne de documents sous forme PDF présente l’avantage, selon les avis collectés durant les entretiens, de garantir la maîtrise du document. Aussi, les informations plus générales (présentation des textes et des organes…) pourraient apparaître comme une page web, tandis que les guides, les fiches de renseignements sur l’inventorisation, les documents types de la partie privée… pourraient être chargés sous forme de document PDF. Il appartient à une étude spécifique d’approfondir ces considérations.

Autant pour la partie publique que pour la diffusion des messages déposés dans la partie privée, il faut prévoir la mise en place d’adresses emails fonctionnelles dont la redistribution incombe aux États membres. Cela permet de pallier les problèmes qui surviennent lorsque des personnes changent de service, d’affectation ou d’emploi.

Page 285: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

275

Développement d’avenir Après sa mise en place et sa période de probation, la plate-forme a vocation

à s’enrichir de nouveaux outils. La partie privée sera modifiée selon les attentes des institutionnels, qui sont les plus fondés à soumettre des améliorations et compléments.

Pour la partie publique, les innovations suivantes pourront être envisagées : – création d’un guichet unique pour l’obtention de licences

d’exportation, par le biais de formulaires types redistribués aux autorités compétentes et encadrés par des exigences formelles, comme la nécessité de produire des photographies de bonne qualité ;

– mise en place de formulaire de découverte de biens archéologiques, avec identification du découvreur, informations générales sur la trouvaille, le site… construit sur l’exemple de l’expérience estonienne 413.

Dans la démarche de développement, d’enrichissement et d’adéquation aux besoins de la pratique, le service de coordination a un rôle de premier plan à jouer.

Financement, gestion, accessibilité et accréditation en lien avec la plate-forme

Les questions de financement, de gestion, d’accessibilité et d’accréditation de la plate-forme sont entièrement gérées par le service de coordination. Celui-ci prévoit à son budget de fonctionnement une part destinée à la mise en place et à la maintenance de la plate-forme, à la gestion des demandes d’accréditation par les États membres et à l’organisation d’ateliers spécifiques, ainsi qu’à la promotion de cet outil.

L’évaluation des coûts techniques devra faire l’objet d’une étude ultérieure. À cela devront être ajoutés les frais de personnel pour au moins trois personnes dédiées à la gestion du site et de toutes ses fonctionnalités.

Sur la question de l’accessibilité linguistique de la plate-forme, il faut prévoir au moins trois versions complètes, en français, en anglais et en allemand, et y adjoindre un thésaurus de vocabulaire dans toutes les langues de l’Union.

Les questions d’accréditation doivent prendre en compte les particularités régionales, puisque chaque État membre fait apparaître des spécificités dans les compétences de ses différents corps spécialisés. Néanmoins les données personnelles doivent être limitées dans leur accès aux seuls officiers assermentés dans leur pays d’origine. L’exemple de la Roumanie, qui a réalisé une plate-forme d’échange au niveau national (tout en s’assurant que

413 Voir http://www.muinas.ee/for-you/for-everyone-interested.

Page 286: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

276

l’interopérabilité avec de futurs projets puisse être possible), doit être étudié de près 414.

Alimentation des informations et mise à jour L’une des qualités principales que doit avoir cette plate-forme est sa

pérennité et sa pertinence. Il convient donc de réfléchir à sa mise en place, à son contenu et à son articulation avec l’existant, mais aussi de prévoir sa maintenance. Dans cette optique, il faut d’une part développer des mesures incitatives, d’autre part accompagner les États membres dans leurs contributions (guide de mise en ligne des informations, guide d’utilisation des fonctionnalités…). L’ensemble de ces tâches doit être assuré par le service de coordination.

Un des leviers incitatifs à la mise en ligne des informations et à leur mise à jour peut être l’octroi de financements conditionné au respect d’obligations contraignantes d’alimentation, de suivi du fonctionnement et d’activité sur la plate-forme. Ces obligations doivent également prévoir la mise à jour régulière des bases auxquelles renvoie la plate-forme, comme la base INTERPOL de biens volés et la base UNESCO des législations.

Une plate-forme conçue en articulation avec les outils existants Face à la multiplicité de bases préexistantes, autant au niveau national

qu’international, il convient de rappeler que la plate-forme préfigurée doit être comprise comme un guichet unique européen, comme une « porte d’entrée » vers l’existant et un complément de celui-ci.

Au-delà des fonctionnalités présentées et développées précédemment, il s’agit de souligner que la relation de la plate-forme avec les outils existants ne doit pas se faire sous l’angle de la concurrence mais bien sous celui de la complémentarité.

La mise en place d’une interface permettant l’interrogation simultanée des bases de données nationales et internationales prend place dans cette démarche de mutualisation et d’optimisation des efforts. Ainsi, il ne s’agit pas de créer une base de données nouvelle mais bien de tirer parti de l’existant et d’y participer. Il faut donc également réfléchir aux modalités de participation financière aux outils supranationaux déjà actifs, par le biais du service de coordination, en contribuant par exemple aux améliorations et au développement de la base INTERPOL.

Dans le même sens, une collaboration étroite avec l’UNESCO pour l’alimentation de la base de données des textes législatifs doit être envisagée. Il

414 Project “PHARE 2006/018-147.03.19 Integrated Management Information System for the Protection of Movable Cultural Heritage and Cultural Goods”; Site accessible sur http://www.patrimoniu-mobil.ro/.

Page 287: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

277

convient de réfléchir aux moyens techniques qui permettrait une mise à jour conjointe ou une centralisation des actualisations par le service de coordination, qui les transmettrait ensuite à l’UNESCO pour intégration dans la base.

Vers une extension de la réflexion : Aspects techniques La conception d’une telle plate-forme passe évidemment par une réflexion

et une étude technique poussées, pour lesquelles les auteurs du présent rapport n’ont pas été mandatés. Cette approche technique a également été recommandée par le groupe de travail d’experts sur la mobilité des collections 415.

Néanmoins, par le biais des informations collectées dans le cadre de l’étude, il est possible d’avancer que la conception de la plate-forme doit s’accompagner d’une étude des documents techniques de toutes les bases existantes au sein de l’Union, afin de définir les points de convergence, les zones d’interopérabilité etc. Cette première étape a été partiellement engagée par le groupe de travail d’experts sur la mobilité des collections. Un tableau rassemble les informations suivantes : standards utilisés par les bases nationales (bases de trésors nationaux, de biens volés, de documents d’exportation), serveurs, systèmes d’exploitation et interfaces utilisés, gestion et accessibilité des bases… 416. Les données disponibles ont été partiellement complétées par la présente étude.

415 Rapport final. Résumé, MOC – Groupe de travail d’experts sur la mobilité des collections, juin 2010, p. 8. Accessible sur http://ec.europa.eu/culture/our-policy-development/doc/mobility_collections_report/reports/mobility_collections_fr.pdf. 416 Accessible sur http://ec.europa.eu/culture/our-policy-development/doc/mobility_collections_report/reports/synthesis_answers_q1_q2.pdf.

Page 288: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

278

2.1.3. Adossement aux conventions internationales culturelles (Recommandation n° 3 )

La possibilité et les perspectives de l’adhésion de l’Union Européenne à la Convention de l’Unesco de 1970

2.1.3.1. Les organisations internationales et leur participation aux traités internationaux

L’adhésion des organisations internationales aux conventions et traités internationaux est une pratique fréquente depuis, au moins, une cinquantaine d’années, et demeure complètement en accord avec les règles du droit international concernant le droit des traités. D’une manière générale, la signature d’un traité international et la possibilité d’être partie à ce dernier doit être admise non seulement par les règles applicables du droit coutumier international mais cette possibilité doit également être reconnue tant par les statuts de l’organisation internationale concernée que par les dispositions du traité.

De plus, il faut prendre en compte le fait que les organisations internationales apparaissent comme un nouvel acteur des relations internationales, basées sur le traité appliqué et signé par un certain nombre d’États.

En outre, l’organisation internationale devient un nouveau sujet de droit international dans la mesure où elle est créée par un traité international et que, de ce fait, elle ne peut pas être confondue avec les États qui ont donné naissance à cet accord international.

Si l’on se concentre plus particulièrement sur la Communauté européenne/l’Union européenne, il faut relever que cette organisation régionale est (ou est en train de devenir) partie à plusieurs conventions internationales, à côté ou à la place des États membres. Il est intéressant de souligner que les traités auxquels l’Union européenne est (ou est sur le point d’être) partie, portent sur des questions assez diverses et ne sont pas limités au domaine culturel. En fait, l’Union européenne a non seulement adhéré en 2006 à la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (2005), mais elle l’a fait également, entre autre, pour le traité Gatt-WTO, la Convention de Stockholm de 2001 relative aux polluants organiques persistants (2004), la Convention de Rotterdam sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l’objet d’un commerce international (2008), ou la Convention des Nations unies sur les droits des personnes handicapées (2010). Enfin, l’on sait que l’Union européenne finira par être partie à la Convention européenne sur les droits de l’homme.

Page 289: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

279

2.1.3.2. Le problème de l’adhésion du point de vue international Dans le cadre de notre recherche, l’on doit se poser la question de savoir si

l’adhésion aux conventions internationales concernant la lutte contre le trafic illicite des biens culturels est conforme aux règles du droit international, et si elle est conforme (ou adaptée) à l’ordre juridique européen. Ces deux questions sont abordées ci-dessous.

Comme il est mentionné précédemment, la possibilité pour une organisation internationale de devenir partie à un traité international repose sur sa capacité à se conformer aux règles du droit international. Les règles générales applicables sur ce point ont été établies par deux Conventions des Nations unies, en vue de codifier les règles du droit coutumier. Elles ont été rédigées par la Commission de droit international, et se trouvent dans la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, et la Convention de Vienne de 1986 sur le droit des traités entre les États et les Organisations internationales et entre les Organisations internationales. Il va sans dire qu’en raison du caractère général de leurs dispositions, aucune règle concernant l’Union européenne et sa possibilité d’adhésion à un traité international ne peut être fondée sur ces instruments. Si nous examinons la pratique diplomatique, il apparaît que le problème de l’adhésion de l’Union européenne à un traité international peut être résolu de différentes manières.

Dans certains cas, une référence expresse à la position des organisations internationales et, plus précisément de l’Union européenne, est insérée dans le traité international. C’est le cas, entre autres, de la Convention de l’UNESCO de 2005 (article 29), ou de la Convention des Nations unies sur les droits des personnes handicapées de 2010 (article 45) qui comporte prévoient l’adhésion d’organisations internationales.

Dans d’autres cas, le traité ne prévoit pas une telle possibilité et une solution différente doit être envisagée. Telle est par exemple la formule adoptée par la Convention européenne des droits de l’homme et son protocole n°14. C’est particulièrement le cas lorsque le traité concerné prévoit expressément la participation exclusive des États, excluant implicitement que tout autre acteur du droit international puisse devenir partie à ce traité.

Si l’on considère les principaux instruments multilatéraux concernant le trafic illicite des biens culturels – c’est-à-dire la Convention de l’UNESCO de 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels et la Convention d’UNIDROIT de 1995 sur les biens culturels volés ou illicitement exportés – on relève qu’aucune référence à l’adhésion par une organisation internationale n’y est faite. De plus, il apparaît clairement que les deux conventions susmentionnées sont expressément conçues comme des traités auxquels seuls les États peuvent devenir partie. Donc, du point de vue international, si l’Union européenne devait décider de saisir l’opportunité de

Page 290: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

280

l’adhésion à l’une de ces Conventions, la meilleure solution serait de commencer une négociation en vue de l’adoption d’un protocole pour combler le vide existant.

2.1.3.3. Le problème de l’adhésion du point de vue de l’Union européenne

Si l’on examine ce problème du point de vue de l’Union européenne, une première différence doit être soulignée concernant la nature du traité international pris en considération. Les deux conventions, comme nous le savons, sont complémentaires, et l’histoire montre que la Convention d’UNIDROIT de 1995 a été négociée sous les auspices de l’UNESCO et envisagée dès l’origine comme un complément du travail amorcé par la Convention de l’UNESCO de 1970.

En fait, la Convention de l’UNESCO est unanimement considérée comme une Convention imposant des obligations générales aux États membres (convention de droit public), mais manquant de dispositions concernant les spécificités du droit privé et/ou du droit international privé qui sont inévitablement inhérentes au trafic international des biens culturels. Au lieu de rouvrir les négociations pour ajouter un protocole à la Convention de l’UNESCO, UNIDROIT a été désignée – avant la fin des années 80 – comme l’organisation compétente pour élaborer une nouvelle Convention dont l’objectif principal était de compléter la Convention de l’UNESCO de 1970.

Ceci a un effet direct sur l’appréciation de la possibilité pour l’Union européenne de décider de son adhésion aux deux Conventions. En fait, en règle générale, l’Union européenne, comme toute organisation internationale, ne peut adopter un acte que si les traités lui en donnent la capacité. Ajoutons que, plus généralement, tout acte de l’Union européenne doit reposer sur une base juridique. De plus, le Traité UE et le TFUE (ci-après « les traités »), ne confèrent pas à l’Union européenne la compétence d’entamer des relations internationales en concluant un traité international quel qu’il soit. Inversement, non seulement la capacité de signer un accord international doit être fondée sur une disposition des traités, mais le contenu de cet accord ne doit pas être interdit par une disposition des traités.

A cet égard, il apparaît que l’adhésion à la Convention d’UNIDROIT est bien plus problématique que celle relative à la Convention de l’UNESCO de 1970, compte tenu de l’article 345 TFUE. Selon cet article, « les traités ne préjugent en rien le régime de propriété dans les États membres. ». Cet article représente un sérieux obstacle à l’adhésion de l’Union européenne à un traité international qui dispose que les règles générales de certains pays de l’Union européenne applicables au transfert de propriété des biens meubles ne seront plus applicables et seront remplacées par les différentes règles uniformes

Page 291: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

281

directement prévues par la Convention d’UNIDROIT 417. Il faut ajouter que la Cour européenne de Justice a souligné que, pour vérifier si l’Union européenne peut conclure (c’est-à-dire a la compétence) un accord international, il convient de prendre en compte les dispositions centrales de cet accord. De ce point de vue, il peut être intéressant de souligner que la récente expérience de ratification de la Convention de l’UNESCO de 2005 sur la diversité culturelle, montre que la base de la compétence de l’Union européenne réside à l’article 167 TFUE (seule règle générale concernant la « Culture » 418) et dans l’article 207 TFUE relative à la politique commerciale commune 419.

417 Voir les articles 3 ss. (Restitution des objets culturels volés) et 5 ss. (Retour des objets culturels exportés illégalement). Dans les deux cas – contrairement au régime juridique de nombreux pays européens – la possession de bonne foi des biens culturels n’entraîne pas les effets du principe « la possession vaut titre » mais donne seulement droit à une indemnité équitable et raisonnable (articles 4 et 6), à condition que le possesseur prouve qu’il a agi de bonne foi. 418 Selon l’article 167 TFUE : « 1. L’Union contribue à l’épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l’héritage culturel commun. 2. L’action de l’Union vise à encourager la coopération entre États membres et, si nécessaire, à appuyer et compléter leur action dans les domaines suivants : - l’amélioration de la connaissance et de la diffusion de la culture et de l’histoire des peuples européens - la conservation et la sauvegarde du patrimoine culturel d’importance européenne - les échanges culturels non commerciaux - la création artistique et littéraire, y compris dans le secteur de l’audiovisuel 3. L’Union et les États membres favorisent la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes dans le domaine de la culture et, en particulier avec le Conseil de l’Europe. 4. L’Union tient compte des aspects culturels dans son domaine au titre d’autres dispositions des Traités, afin notamment de respecter et de promouvoir la diversité de ses cultures. 5. Pour contribuer à la réalisation des objectifs visés au présent article : - le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité des régions, adoptent des actions d’encouragement, à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et règlementaires des États membres ; - le Conseil adopte, sur proposition de la Commission, des recommandations » 419 Selon l’article 207 TEC : « 1. La politique commerciale commune est fondée sur des principes uniformes, notamment en ce qui concerne les modifications tarifaires, la conclusion d’accords tarifaires et commerciaux relatifs aux échanges de marchandises et de services, et les aspects commerciaux de la propriété intellectuelle, les investissements étrangers directs, l’uniformisation des mesures de libéralisation, la politique d’exportation ainsi que les mesures de défense commerciale, dont celles à prendre en cas de dumping et objectifs de l’action extérieure de l’Union. 2. Le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à la procédure législative ordinaire, adoptent les mesures définissant le cadre dans lequel est mise en œuvre la politique commerciale commune. 3. Si des accords avec un ou plusieurs pays tiers ou organisations internationales doivent être négociés et conclus, l’article 218 est applicable sous réserve des dispositions particulières du présent article.

Page 292: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

282

Dans l’exercice de ses compétences internes, l’Union européenne, en adoptant les principales dispositions sur la circulation des biens culturels – le Règlement n° 3911/92 du Conseil concernant l’exportation de biens culturels, ultérieurement abrogé et remplacé par le Règlement n° 116/2009 du Conseil du 18 décembre 2008, et la directive 93/7/CEE du Conseil relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre – a également fondé sa compétence sur la politique commerciale commune 420 et, dans le cas de la directive, sur l’ancien article 100 A Traite CE, concernant le rapprochement des législations des États membres. En outre, selon l’article 6 TFUE, la compétence de l’Union européenne dans le domaine de la culture est seulement considérée comme étant celle de mener des actions pour appuyer ou compléter l’action des États membres, tandis que l’article 3 TFUE donne une compétence exclusive à l’Union européenne dans le domaine de politique commerciale.

L’ensemble de ces dispositions – notamment l’article 167 et tout particulièrement l’article 207 TFUE – pourraient aussi, en principe, servir de base légale à la ratification soit de la Convention de l’UNESCO de 1970 soit de la Convention d’UNIDROIT de 1995. L’adhésion à cette dernière risque naturellement d’être gênée si l’on tient compte des remarques ci-dessus sur le champ d’application de l’article 345 TFUE. En outre, l’on doit noter qu’un problème majeur se poserait dans la tentative de coordonner les principales

La Commission présente des recommandations au Conseil, qui l’autorise à ouvrir les négociations nécessaires. Il appartient au Conseil et à la Commission de veiller à ce que les accords négociés soient compatibles avec les politiques et règles internes de l’Union. Ces négociations sont conduites par la Commission en consultation avec un Comité spécial désigné par le Conseil pour l’assister dans cette tâche et dans le cadre des directives que le Conseil peut lui adresser. La commission fait régulièrement rapport au comité spécial, ainsi qu’au Parlement européen, sur l’état d’avancement des négociations. 4. Pour la négociation et la conclusion des accords visés au paragraphe 3, le Conseil statue à la majorité qualifiée. Pour la négociation et la conclusion d’un accord dans les domaines du commerce de services et des aspects commerciaux de la propriété intellectuelle, ainsi que des investissements étrangers directs, le Conseil statue à l’unanimité lorsque cet accord comprend des dispositions pour lesquelles l’unanimité est requise pour l’adoption de règles internes. Le Conseil statue également à l’unanimité pour la négociation et la conclusion d’accords : a) Dans le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels, lorsque ces accords risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l’Union ; b) Dans le domaine du commerce des services sociaux, d’éducation et de santé, lorsque ces accords risquent de perturber gravement l’organisation de ces services au niveau national et de porter atteinte à la responsabilité des États membres pour la fourniture de ces services. 5. La négociation et la conclusion d’accords internationaux dans le domaine des transports relèvent du titre VI, de la troisième partie et de l’article 218. 6. L’exercice des compétences attribuées par le présent article dans le domaine de la politique commerciale commune n’affecte pas la délimitation des compétences entre l’Union et les États membres et n’entraînent pas une harmonisation des dispositions législatives et règlementaires des États membres dans la mesure où les Traités excluent une telle harmonisation. 420 C’est-à-dire l’ancien art. 133 TEC, correspondant à l’article ci-dessus mentionné, art. 207 TFUE.

Page 293: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

283

dispositions de la Convention d’UNIDROIT avec celles de la directive 93/7/CEE, en raison des différences existant entre les annexes respectives de la Convention et de la directive.

2.1.3.4. Pour quelles raisons l’Union européenne devrait-elle rejoindre la Convention de l’UNESCO de 1970 ?

S’agissant des effets de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention de l’UNESCO de 1970, il apparaît tout d’abord que certaines dispositions de la Convention doivent être particulièrement prises en considération dans la mesure où elles peuvent soit créer des problèmes de coordination pour la mise en œuvre de la Convention par les États membres de l’Union européenne, soit avoir un impact positif important sur la future mise en application de la Convention.

L’article 5, par exemple, prévoit l’institution de services nationaux chargés de la protection de biens culturels et, en particulier, de dresser des inventaires des biens protégés. Dans la perspective d’une adhésion de l’Union européenne cela veut-il dire qu’existerait une nouvelle catégorie « bien européen protégé» en plus de celle de « bien national protégé » ? En d’autres termes, devrions-nous penser plus sérieusement en terme de « trésor européen » (sinon patrimoine) comme une catégorie nouvelle et différente des « trésors nationaux » prévus à l’article 36 TFUE ?

L’article 9 prévoit l’engagement de participer à toute opération internationale concertée en vue de protéger le patrimoine culturel contre le risque du pillage ; l’engagement de l’Union européenne pourrait très vraisemblablement renforcer l’effet de cette disposition, sans pour autant affecter les compétences importantes des États membres.

Selon l’article 13 d), les États parties s’engagent – en cohérence avec le droit de chaque État – à reconnaître le droit imprescriptible de chaque État partie « de classer et déclarer inaliénables certains biens culturels qui, de ce fait, ne doivent pas être exportés et de faciliter la récupération par l’État concerné de tels biens au cas où ils auraient été exportés ». A cet égard, l’Union européenne a déjà adopté le Règlement et la directive susmentionnés 421 qui peuvent être compatibles avec cette disposition, mais sans aucun doute, l’adhésion à la Convention ne peut pas entraîner un engagement de la part de l’Union européenne de déclarer que l’inaliénabilité d’un bien culturel est contraire à l’article 345 TFUE.

L’article 17 est une disposition clef dans la mesure où l’assistance technique de l’UNESCO est concernée, non seulement en ce qui concerne l’information, la consultation et l’expertise, mais également les bons offices, en particulier en cas de litige entre États parties engagés dans un conflit sur la mise en œuvre de la Convention. A cet égard, il apparaît que l’adhésion de l’Union européenne et

421 Voir paragraphe 3 ci-dessus.

Page 294: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

284

sa possibilité d’en appeler à l’assistance de l’UNESCO en tant que partie à la Convention pourrait contribuer à renforcer l’effet de la disposition.

Cependant, mis à part ces exemples de problèmes spécifiques, il y a un effet général qui, à première vue, pourrait apparaître comme un effet négatif de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention, en rapport avec l’attitude d’un certain nombre d’États membres en matière de trafic illicite.

En fait, la pratique diplomatique a démontré la difficulté pour les États membres de l’Union européenne, d’arriver à un commun accord non seulement sur l’adoption des principaux accords internationaux (à savoir la Convention de l’UNESCO de 1970 et la Convention d’UNIDROIT de 1995) mais aussi sur la définition des actes les plus importants adoptés par l’Union européenne pour des sujets tels que ceux déjà mentionnés dans le Règlement et la directive422. L’opinion commune traditionnelle, très vraisemblablement bien fondée, va dans le sens de relier cette attitude à la difficulté de concilier les vues différentes, sinon opposées, existant entre les États classiquement définis comme « importateur d’art » et « exportateur d’art ». En outre, les pays de l’Union européenne ont une approche générale divergente de la protection de leur patrimoine ; de ce fait, il existe des différences considérables entre leurs législations internes, tantôt plus « libérale » tantôt plus « restrictive» s’agissant de la circulation des objets d’intérêt culturel.

Ainsi, on peut s’attendre à ce que l’adhésion de l’Union européenne à la Convention représente non seulement un ralentissement dans le processus d’élaboration des instruments de mise en œuvre effective de la Convention, mais également un alignement de l’Union européenne sur le plus petit dénominateur commun. Cela a toujours été le cas dans la pratique chaque fois que l’adoption d’un acte par l’Union européenne résulte d’une conciliation entre des attentes, des approches et, dernier point mais non des moindres, des législations nationales différentes. Si c’était le cas, les différences d’approches actuelles entre les États membres de l’Union européenne quant à leur participation et à leur mise en œuvre de la Convention, conduiraient probablement à une véritable régression. En d’autres termes, il y aurait un risque réel d’abandonner la recherche de formes plus effectives et avancées de coopération dans la lutte contre le trafic illicite et de repousser l’adoption d’instruments plus sévères de mise en œuvre au profit de déclarations de principe génériques et d’engagements souples.

Néanmoins ce risque ne doit pas être surestimé. A cet égard, non seulement on ne peut pas sous-estimer l’impact fort qu’une adhésion de l’Union européenne pourrait avoir sur un certain nombre d’États tiers qui, à leur tour, pourraient être tentés de suivre l’exemple d’une telle organisation et de ratifier la Convention. De même, dans l’optique d’une approche réaliste, ce risque pourrait être efficacement évité en promouvant une négociation de l’adhésion

422 Voir paragraphe 3 ci-dessus.

Page 295: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

285

faisant clairement comprendre que l’adoption du plus petit dénominateur commun du régime de protection envisagé et/ou de coopération entre les États parties à la Convention ne peut pas empêcher un État membre de l’Union européenne d’adopter des formes plus élaborées de protection et/ou de coopération. Cette approche semble être pleinement compatible avec le principe général de bonne foi dans l’interprétation et la mise en œuvre des traités internationaux et avec les règles relatives à l’application de traités successifs touchant partiellement ou entièrement au même sujet.

Page 296: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

286

2.2. Dispositifs par objectifs ciblés

⇒Elévation du niveau de vigilance des acteurs.

2.2.1. Normalisation et codification de l’obligation de diligence (Recommandation n° 4)

2.2.1.1. Codification par les États membres de l’obligation de diligence

Justification L’obligation de diligence doit être considérée comme strictement liée à la

notion de bonne foi qui occupe une position centrale dans la circulation des biens, notamment en ce qui concerne la possession de meubles et son effet sur le droit de propriété. De façon générale, les effets de la possession de bonne foi sont réglés de manière assez différente dans les systèmes juridiques nationaux de droit civil – inspirés par la règle « possession vaut titre » - et dans les systèmes de common law qui appliquent la règle de droit romain nemo plus iuris transferre potest quam ipes habet, ou nemo dat quod non habet empêchant celui qui n’est pas le propriétaire d’un bien d’en transférer la propriété à l’acquéreur de bonne foi. Il faut ajouter que la notion de diligence ne s’identifie pas avec la notion de bonne foi : dans le domaine de la circulation des meubles, on peut dire que la première est un standard complexe de conduites qui doit être respecté afin de faire présumer l’existence de la deuxième. De ce point de vue, donc, la diligence est un élément qui contourne la bonne foi.

Au niveau international, la bonne foi et l’obligation de diligence sont traitées notamment par la Convention d’UNIDROIT qui représente un modèle, ainsi qu’une véritable pierre angulaire dans le domaine de la circulation des biens culturels.

L’obligation de restitution des biens volés telle qu’elle est prévue par les articles 3 et 4 est un des aspects les plus caractéristiques de la Convention en ce qui concerne l’affirmation du principe, ainsi que les solutions en matière de déchéance et de prescription. Il est impossible d’analyser ici en détail le régime prévu par la Convention ; toutefois il faut souligner que la règle qui impose au possesseur d’un bien volé de le restituer indépendamment de sa bonne foi constitue, en soi, une exception considérable au principe « possession vaut titre » et aux effets de la bonne foi sur la propriété des meubles dont s’inspirent plusieurs ordres juridique de l’Europe continentale.

La Convention prévoit, en effet, l’inversion du fardeau de la preuve en ce qui concerne l’existence de la bonne foi qui n’est plus présumée, mais doit être démontrée par le possesseur. La preuve de la bonne foi donne le droit d’obtenir le paiement d’une « indemnité équitable », à condition que le

Page 297: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

287

possesseur « n’ait pas su ou dû raisonnablement savoir que le bien était volé et qu’il puisse prouver avoir agi avec la diligence requise lors de l’acquisition » (article 4.1). Il est utile de remarquer qu’afin d’éviter que des transferts de propriété successifs puissent rendre vaine l’obligation de restitution, la Convention prévoit - à l’article 4.5 - que le possesseur ne peut bénéficier « d’un statut plus favorable que celui de la personne dont il a acquis le bien culturel par héritage ou autrement à titre gratuit ».

Bien sûr, dans la Convention d’UNIDROIT, lorsqu’il s’agit de la restitution d’un bien culturel volé, la bonne foi non seulement n’est pas présumée, mais n’est prise en compte qu’afin d’obtenir une indemnité équitable sous réserve que le possesseur du bien volé « n’ait pas su ou dû raisonnablement savoir que le bien était volé et qu’il puisse prouver avoir agi avec la diligence requise lors de l’acquisition » 423.

Or, le deuxième aspect concerne les indications fournies par la Convention afin de déterminer si le possesseur du bien a agi avec la diligence requise. D’après l’article 4.4, le juge doit tenir compte « de toutes les circonstances de l’acquisition, notamment de la qualité des parties, du prix payé, de la consultation par le possesseur de tout registre relatif aux biens culturels volés raisonnablement accessible et de toute autre information et documentation pertinentes qu’il aurait pu raisonnablement obtenir et de la consultation d’organismes auxquels il pouvait avoir accès ou de toute autre démarche qu’une personne raisonnable aurait entreprise dans les mêmes circonstances ».

C’est à partir de ce texte qu’on peut proposer quelques réflexions concernant la question tout à fait concrète de la vérification des éléments les plus pertinents à prendre en considération pour donner à la notion de bonne foi des contenus plus précis et/ou pour fournir quand même au juge des éléments utiles pour lui permettre un examen digne de foi sur l’existence de la bonne foi.

Base juridique de la codification Dans le domaine du trafic illicite des biens culturels l’examen de la diligence

par les différents acteurs du marché et notamment par les protagonistes de la transaction revêt par conséquent un rôle d’importance décisive. Il faut partant se poser la question de l’utilité d’une codification à la fois de la notion de diligence et des éléments sur lesquels la diligence peut se fonder, en fonction de la bonne foi.

Il faut souligner, d’abord, qu’un véritable problème de base juridique ne paraît pas se poser, car déjà l’article 207 TFUE en matière de politique commerciale commune, seul ou avec l’article 167 TFUE concernant la culture

423 Voir article 4.1 Convention d’UNIDROIT.

Page 298: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

288

et l’article 114 au sujet du rapprochement des législations, peuvent constituer une base juridique efficace pour l’adoption d’actes de droit dérivé dans le domaine concerné. Cela a d’ailleurs été le cas du Règlement 3911/92, du Règlement 116/2009 et de la directive 93/7.

À ce propos il convient de rechercher, parmi les outils juridiques du droit de l’UE, quel serait le plus adapté à l’objectif envisagé ci-dessus. Premièrement il faut rechercher si l’indication d’une des sources contraignantes prévues par l’article 288 TFUE peut représenter une démarche convaincante. Même si l’on prend en considération les différentes caractéristiques propres de chacun de ces actes, ni le Règlement, ni la directive, ni la décision ne constituent des instruments souhaitables. Parmi les trois outils juridiques, seule la directive parait présenter les caractéristiques les plus aptes à remplir les conditions requises. En fait, il s’agit d’un instrument visant à rapprocher des législations nationales assez éloignées et pourtant assez flexible, qui se borne à établir un cadre de règles à l’intérieur duquel les législateurs nationaux peuvent agir. En revanche, dans notre cas, le but à poursuivre n’est pas proprement de rapprocher des législations différentes et parfois assez éloignées, mais de fournir des critères auxiliaires et très concrets à l’interprète qui doit appliquer le droit. En même temps, l’interprète doit jouir d’une liberté considérable dans l’application de la règle, s’agissant ici d’assembler des éléments et des critères visant à une évaluation correcte d’une conduite humaine.

Par conséquent, il ne parait pas utile ni nécessaire d’agir en apportant des modifications au niveau normatif, mais plutôt d’intervenir sur le plan de l’interprétation du droit dans un domaine qui peut présenter des conditions et des situations tout à fait différentes lorsqu’il s’agit de l’application concrète.

Il serait alors plus opportun d’avoir recours à un instrument non contraignant ayant la nature d’une recommandation qui :

a) pourrait être adoptée par la Commission, par exemple sous forme de communication, comme ça a été plusieurs fois le cas dans d’autres domaines tels que le droit de la concurrence ;

b) éviterait le recours aux procédures beaucoup plus complexes propres à l’adoption des actes de l’Union avec la participation du Parlement, du Conseil etc. ;

c) serait de toute façon plus approprié pour poursuivre le but recherché, car elle se bornerait à représenter un guide pour l’interprète.

2.2.1.2. Guide d’interprétation de la notion de bonne foi

C’est à partir de cette constatation, ainsi que du modèle normatif représenté par la Convention d’UNIDROIT – ainsi que par les principaux codes de déontologie des musées et des milieux professionnels - qu’on peut essayer de suggérer quelques critères à prendre en considération. S’agissant d’évaluer si

Page 299: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

289

l’acheteur a eu recours à la diligence requise, il faut prendre en compte, comme le suggère l’article 4.4. de la Convention d’UNIDROIT, des circonstances objectives, telles que le prix payé, le fait d’avoir consulté de la documentation accessible relative au bien culturel en question, ou d’avoir obtenu des informations pertinentes etc. ainsi que des circonstances subjectives, notamment la qualité des parties.

En fait, la pratique internationale est assez riche et diversifiée en ce qui concerne les modalités de conclusion de transactions relatives aux biens culturels et il est possible d’ajouter aux circonstances objectives déjà mentionnées, des circonstances de lieux et de temps. Le marché de l’art connait, en effet, des conditions très différentes selon les différents pays où les transactions ont lieu (moment et conditions de conclusion desdites transactions). En outre, une recommandation visant à fournir un guide à l’interprète, ne saurait oublier de suggérer des exemples à titre d’aide interprétative de ce que l’article 4.4. de la Convention d’UNIDROIT définit comme « toute autre démarche qu’une personne raisonnable aurait entreprise dans les mêmes circonstances » (dernière phrase de l’article).

La jurisprudence témoigne de la complexité des appréciations que le juge est tenu de faire lorsqu’il s’agit d’appliquer les règles de bonne foi au commerce des biens culturels et de la variété de ses expressions.

Dans son arrêt du 14 septembre 1999, n. 9782, la Cour de cassation italienne a, par exemple, établi que les présomptions qui permettent d’exclure la bonne foi doivent emporter, indirectement, la conviction que l’acheteur avait un soupçon raisonnable concernant la provenance illicite du bien. Les éléments sur lesquels ces présomptions sont fondées peuvent aussi être représentés par des circonstances extrinsèques précédant l’achat. Dans le cas d’espèce - concernant l’achat du tableau « Nature morte avec poissons » de G. De Chirico au cours d’une vente aux enchères après un précédent vol dans la maison de la propriétaire, la Cour a confirmé la décision du juge du fond qui avait déduit par présomption que l’acquéreur était dans une situation psychologique de soupçon quant à la provenance illicite du tableau, telle qu’il fallait exclure sa bonne foi, s’agissant d’un galeriste expert d’art, expert des œuvres de De Chirico et qui avait la possibilité de vérifier si ce tableau comptait parmi les tableaux faisant l’objet d’investigations pénales concernant le vol.

On pourrait conclure que dans l’exemple mentionné la tâche du juge n’était pas trop difficile car il s’agissait de conduire un examen sur le « soupçon raisonnable d’une situation de provenance illicite du bien ». Il ne faut, par ailleurs, pas oublier que les réponses ne sont pas toujours les mêmes dans ce domaine. Il suffit de souligner qu’à propos du devoir de diligence au sens de l’article 3, al. 2 du Code civil suisse, le Tribunal fédéral suisse a statué que le

Page 300: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

290

défaut de certificat d’exportation ne constitue pas un élément propre à entraîner le devoir de se renseigner sur le pouvoir de disposition du vendeur. En fait, bien que dans la jurisprudence du Tribunal fédéral suisse le niveau de diligence requise soit normalement élevé, cet argument repose sur la distinction entre droit de propriété et permis d’exportation, l’un étant indépendant de l’autre 424.

Il serait alors utile de suivre l’exemple du BGB allemand, dont le § 932 al.2 définit a contrario la bonne foi 425, en considérant que le juge doit tenir compte de certains critères décisifs de l’obligation de diligence qui se déterminent de façon objective et subjective, tels que la situation personnelle de l’acquéreur, les usages commerciaux, l’habitude de l’acquéreur de procéder à ce type de transaction, l’effort fait pour obtenir des informations suffisantes sur l’origine des objets, etc. 426.

Finalement, la recommandation devrait souligner l’exigence d’élaborer des critères de diligence qui soient l’expression du principe selon lequel le commerce d’objets d’intérêt artistique et culturel exige une attention accrue. Ce devoir devrait donc s’imposer premièrement aux professionnels (tels que les commerçants en matière d’art et d’antiquités) ainsi qu’à toute autre personne ayant des connaissances pour le secteur d’activité concerné.

C’est d’ailleurs aux interprètes du droit (i.e. à la jurisprudence), grâce à leur activité d’application concrète du droit, que l’on doit l’élaboration de critères sous forme de « démarches raisonnables », qui devraient être inclus parmi les critères suggérés par la recommandation. Il s’agit, notamment de:

– contacter l’État d’origine ou le propriétaire potentiel (souvent une institution) du bien culturel et/ou l’État qui occupe le territoire du lieu d’origine du bien culturel ;

– contacter l’employeur potentiel du vendeur (s’il s’agit d’un État) ; – contacter l’INTERPOL ; – contacter un spécialiste du bien vendu ; – remise des attestations sur les biens culturels par une maison de

ventes aux enchères ; – confirmation de l’origine des biens culturels par le mandataire du

possesseur du bien culturel ;

424 Voir arrêt 8 avril 2005, Union de l’Inde c. Crédit Agricole Indosuez, SJ 1999 1; ATF 131 III 418 C. 2.4.4.2. 425 « L’acquéreur n’est pas de bonne foi s’il sait, ou ne sait pas suite à une grave négligence, que la chose n’appartient pas au vendeur ». 426 Voir BGH Bundesgerichtshof, arrêt du 13 avril 1994, NJW 1994, p. 2022 ; arrêt du 9 février 2005, NJW 2005, p. 1365, concernant la définition de « grave négligence » ; l’acquéreur doit avoir manqué d’une façon grave à l’obligation d’un comportement adéquat et avoir omis de prendre en compte ce qui, dans le cas concret, s’imposait à chacun.

Page 301: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

291

– rencontres avec le possesseur du bien culturel ; – documentation sur l’histoire du pays d’origine du bien culturel 427.

C’est donc à ces mêmes interprètes qu’il serait opportun d’apporter un soutien en leur donnant des chances ultérieures d’appliquer correctement le droit sous forme de critères (flexibles) d’inspiration.

427 Voir arrêt du Tribunal Fédéral Suisse 8 avril 2005, Union de l’Inde c. Crédit Agricole Indosuez, cit. et Autocephalous Greek-Orthodox Church of Cyprus and the Republic of Cyprus c. Goldberg & Feldman Fine Arts Inc. , and Peg Goldberg, United States District Courts, Août 1989.

Page 302: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

292

2.2.1.3. Vade-mecum à destination des intervenants du marché de l’art : vérifications conseillées avant une acquisition

Ce document a été élaboré sur le modèle des documents « Buying with confidence » présents sur le site du Royaume-Uni « Cultural property advice 428 ».

1. Premières vérifications Vérifier l’identité du vendeur, sa qualité, sa spécialité et son éventuelle appartenance à une association de marchands.

S’assurer que le prix demandé correspond au prix du marché. Eventuellement en consultant des sites diffusant les prix atteints par les artistes en vente publique.

2. Vérifications à effectuer concernant l’objet 2.1. Demander la dernière localisation de l’objet et son pays d’origine. 2.2. S’assurer que l’objet ne provient pas de fouilles illicites. 2.3 Regarder avec attention les étiquettes, marques, annotations lesquelles sont des indices de provenance. S’assurer qu’elles n’ont pas été rajoutées ultérieurement.

2.4. Consulter les bases de données des objets volés INTERPOL et les autres bases de données nationales existantes. (https://www.interpol.int)

2.5. Consulter les listes rouges de l’ICOM (http://icom.museum/what-we-do/resources/red-lists-database.html)

3. Documents à demander 3.1. Demander des preuves de provenance (catalogue raisonné, catalogue d’exposition, catalogue de ventes aux enchères, inventaire, correspondance).

3.2. Demander si un certificat d’authenticité est disponible. 3.3. Demander à voir les documents d’exportation (licence ou certificat, lettre de voiture).

3.4. Demander un rapport d’état et si besoin un rapport de restauration. 4. Précautions lors du paiement

4.1. S’assurer qu’une facture en bonne et due forme a été établie par le vendeur et la conserver sans limitation de durée.

4.2. S’assurer que les factures, quittance, bordereau de vente ou extrait du procès-verbal de la vente publique mentionnent les spécifications que le professionnel aura avancées quant à la nature, la composition, l’origine et l’ancienneté de la chose vendue 429.

4.3. Faire adjoindre une photographie de l’objet acheté à la facture. 4.4. Payer par chèque ou par virement de compte à compte (carte bancaire).

– En cas de doute ou si la provenance n’est pas suffisamment établie, il est conseillé de ne pas procéder à l’acquisition.

428 http://www.culturalpropertyadvice.gov.uk. 429 Article 1 du décret français n°81-255 du 3 mars 1981 sur la répression des fraudes en matière de transactions d’œuvres d’art et d’objets de collection.

Page 303: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

293

– Dès lors que les vérifications de provenance ont été accomplies et qu’elles donnent un résultat satisfaisant, il est recommandé d’avoir en plus recours à un expert spécialiste du domaine de l’objet en question.

– En cas d’acquisition et après une vérification de provenance satisfaisante, il est recommandé de constituer un dossier sur l’objet avec tous les documents relatifs aux réponses obtenues aux interrogations susvisées et de le conserver dans un endroit distinct de celui où est l’objet.

Page 304: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

294

2.2.1.4. Fiche provenance à destination des intervenants du marché de l’art

Ce document a été élaboré à partir du formulaire Object ID de l’UNESCO. 1. Description de l’œuvre d’art ou de l’objet de collection

1.1 Catégorie du bien culturel au sens de l’annexe du Règlement (CE) n°116/2009 du 18 décembre 2008 et du décret n°93-124 du 29 janvier 1993 :

1.2 Titre ou thème : 1.3 Sujet représenté : 1.4 Auteur, atelier ou style : 1.5 Datation ou époque : 1.6 Dimension (hauteur x largeur) : 1.7 Matériaux et techniques : 1.8 Signature : 1.9 État de conservation : 1.10 Inscription et marques et leur localisation : 1.11 Eléments distinctifs :

2. Renseignements collectés sur la provenance 2.1 Référencement de l’objet

2.1.1 Catalogue raisonné : 2.1.2 Bibliographie : 2.1.3 Inventaire : 2.1.4 Correspondance : 2.1.5 Existence d’un certificat d’authenticité ou rapport d’expertise

2.2 Historique de l’objet 2.2.1 Présentation en vente publique : 2.2.2 Présentation à des expositions : 2.2.3 Lieu d’origine (lieu de découverte ou de fabrication) : 2.2.4 Dernier pays de localisation : 2.2.5 Existence d’un certificat de bien culturel : 2.2.6 Autres documents d’exportation :

2.3 Contrôle de l’absence d’inscription de l’objet sur une base de données

2.3.1 Base INTERPOL (objets volés) : 2.3.2 Bases nationales du patrimoine (ex : Base Mobilier-Palissy et

Base Architecture - Mérimée) : 2.3.3 Base de données en lignes des collections muséales : 2.3.4 Listes rouges de l’ICOM : 2.3.5 Art Loss Register : 2.3.6 Date de consultation des différentes bases de données précitées :

3. Documents joints à la fiche provenance 3.1 Photographies couleur ou dessins (Préciser le nombre) :

Page 305: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

295

3.2 Documents relatifs au référencement de l’objet (catalogue raisonné, bibliographie, inventaire,…) :

3.3 Document relatifs à l’historique de l’objet (procès-verbal de ventes publiques, catalogue d’exposition, certificat d’authenticité ou rapport d’expertise, document d’exportation) :

3.4 Constat d’état (condition report) et rapport de restauration : 3.5 Récépissé de consultation de la base de données ou copie d’écran de

la base consultée : 3.6 Justificatifs de valeur :

4. Auteur et date de création de la fiche provenance Nom et Prénom: __________________________________________ Titre, qualité : ____________________________________________ Adresse: _________________________________________________ Numéro de téléphone : ______________________________________ Adresse électronique : ______________________________________ Date de création de la fiche provenance : ________________________

Page 306: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

296

⇒ Amélirotation de la traçabilité

2.2.2. Soutien à l’action d’INTERPOL dans les bases de données de biens en situation illicite (Recommandation n° 9 )

Les deux tiers des États membres de l’Union européenne ont créé des bases de données relatives aux biens volés. On a souligné la grande hétérogénéité de ces bases 430. Des améliorations sont préconisées à plusieurs niveaux.

Π Centralisation des informations Le principe d’une centralisation des informations relatives aux biens

culturels en circulation illicite fait l’objet d’un consensus de la part de toutes les institutions et personnes interrogées. La plupart d’entre elles citent INTERPOL comme l’institution qui serait la mieux à même de gérer cette centralisation. Certes, INTERPOL n’est pas une organisation de l’Union européenne mais les biens culturels en situation illicite ne circulent pas uniquement dans les frontières de l’Union… Le recours à une base internationale s’impose donc.

De son côté, INTERPOL est déjà en train de mettre en place une telle centralisation, le projet ISEC 431, ce qui est en parfaite adéquation avec les conclusions du Conseil de l’Union européenne (27/28 novembre 2008) : « Le Conseil soutient INTERPOL dans sa démarche visant à améliorer sa base de données et à concevoir, à cette fin, un dispositif d’échange automatisé de données alimenté, consulté et mis à jour directement par les États membres et bénéficiant des développements technologiques les plus récents comme la similarité d’images et l’utilisation des moteurs de recherche ».

Préconisation : Investir INTERPOL de la mission de créer et de gérer une centralisation des données relatives aux biens culturels volés et illicitement exportés.

Π Périmètre des bases Il y ici plusieurs questions délicates qui méritent une réflexion approfondie,

tant du point de vue juridique qu’opérationnel. a) Les bases de données doivent-elles être limitées aux biens volés ? La plupart des personnes et institutions interrogées sont favorables à

l’ouverture des bases aux biens illicitement exportés et aux biens retrouvés lorsqu’il s’agit de rechercher les propriétaires de ces biens.

430 V. supra. 431 Le projet, s’il est approuvé, viendra en appui de l’action d’INTERPOL, en améliorant sa base de données, et en concevant un système d’échange de données, fourni, consulté et mis à jour directement par les États membres et exploitant les technologies les plus récentes, telles la similarité d’images et l’utilisation des moteurs de recherche.

Page 307: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

297

En ce qui concerne les biens « perdus » ou « disparus », le débat est ouvert, certaines bases de données intégrant déjà ces informations.

Cependant, on peut raisonnablement prendre parti en faveur d’une exclusion des bases de ces biens perdus ou disparus en raison de l’absence de certitude d’une situation illicite (ex : absence de plainte). Des bases de données spécifiques à ces biens devraient alors être mises en place 432.

Préconisation : Ouvrir les bases de données aux biens illicitement exportés et aux biens retrouvés.

La principale difficulté tient à l’identification des biens illicitement exportés puisqu’il est très difficile d’avoir une telle information, le bien circulant clandestinement par hypothèse. Une solution serait d’exiger la création de bases de données « positives » recensant les autorisations d’exportations délivrées par les autorités compétentes des États membres. L’Autriche a installé une telle base qui gère environ 1 500 demandes par an. Ces bases, tenues par les autorités compétentes, seraient en accès direct pour la police, les douanes et les professionnels du marché de l’art.

Il a été de plus suggéré la création d’une base sur laquelle figureraient les documents types utilisés par les différents services de délivrance de certificats d’exportation 433.

Préconisation : Favoriser la création de bases de données d’autorisations d’exportation et des formulaires types utilisés par les États.

b) Tous les biens volés et illicitement concernés doivent-ils être entrés dans les bases de données ?

Si la réponse affirmative est évidente pour les biens illicitement exportés, elle ne l’est pas pour les biens volés. En effet, le nombre de biens culturels volés est très important et un « effet de masse informationnel » pourrait être contre-productif, trop d’informations tuant l’information. Pourtant, la plupart des polices interrogées 434 soulignent l’absence de sélection des biens culturels enregistrés sur les bases de données et soutiennent cette absence de

432 En effet, les bases de données des biens perdus ou disparus se trouvent dans les États d’Europe centrale (Roumanie, République Tchèque, Slovaquie) et concernent les biens culturels disparus en raison de la seconde guerre mondiale. Une spécificité de ces bases serait sans doute plus opérationnelle qu’une intégration dans une base de biens volés, en termes d’accès et de recherche documentaire notamment. (V. par exemple en Pologne avec un accès spécifique pour la base de ces biens culturels, en Allemagne, la base Lost Art et en France la base MNR). 433 Nimoz (Pologne). 434 V. OCBC (France) soulignant que les bases de données sont très utiles pour les biens d’une certaine valeur artistique, historique, etc. mais également dans l’intérêt de certaines enquêtes, comme celles relatives aux séries de vols.

Page 308: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

298

sélection 435. De plus, si l’on optait pour une telle sélection des biens culturels, les critères de sélection seraient vraisemblablement très variables selon les États (ex : seuil de valeur).

Préconisation : Intégration dans les bases de données de l’ensemble des biens culturels volés et des biens illicitement exportés.

Π Articulation avec les bases inventaires des biens culturels Les bases de données de biens culturels volés/illicitement exportés ne sont

pas les seules consultées lors d’une enquête de la police ou des douanes. Les personnes interrogées appartenant à de tels services (en particulier les douanes) ont affirmé consulter les bases de données inventaires des biens culturels. En effet, ces bases, outre la description précise des biens culturels qu’elles contiennent, mentionnent également le statut du bien (ex : volé, disparu, etc.). Une liste de toutes les bases de données inventaires, au moins des institutions publiques, devrait être dressée afin de pouvoir les articuler avec la future base INTERPOL.

Préconisation : Créer des liens entre la base centrale des biens culturels volés et les bases de données inventaires.

Π Contenu des informations disponibles sur les bases de données On a observé que le contenu des bases de données était très variable d’une

base à l’autre : - quant à la description des objets : les critères de description d’un bien

culturel ne sont simples qu’en apparence. En premier lieu, il est important de standardiser les critères d’enregistrement des biens culturels : auteur, dimension, matière, datation, signes particuliers, localisation, personne ou institution d’appartenance, date et lieu du vol. Il a été dit que les critères INTERPOL étaient trop nombreux et qu’il faudrait les réduire. De plus, il faut avoir présent à l’esprit que les consultants de ces bases de données viennent d’horizons différents (police, douanes, musées, professionnels du marché de l’art) ;

- quant à la présence d’une photographie du bien culturel: la plupart des bases de données intègrent une photographie du bien culturel. La photographie présente évidemment l’avantage essentiel de rendre le bien culturel identifiable. Il a cependant été évoqué plusieurs points : l’absence de règles de prise de photographie, l’impossibilité de se procurer une photographie et le cas des archives pour lesquelles une description précise peut être suffisante.

435 Hors de l’Union européenne, la base du FBI exige un seuil de valeur de 2 000 dollars ou un bien d’une importance culturelle significative.

Page 309: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

299

Préconisations : - Standardiser et simplifier les critères de description des biens culturels volés enregistrés. - Donner des indications pour la bonne prise de photographie : standardiser les photographies. - Exiger une photographie du bien culturel quand celle est disponible. - Admettre des descriptions précises sans photographie pour certains biens culturels (archives).

Π Durée de conservation La durée de conservation des informations enregistrées devrait être celle

pendant laquelle le bien est en situation illicite. Une durée calquée sur celle d’un délai de prescription civile ou pénale aurait un impact négatif sur la prévention du trafic de biens culturels 436. En effet, d’une part, certains biens culturels sont protégés par une imprescriptibilité civile et parfois pénale lorsque le recel est considéré comme une infraction continue et d’autre part, cette situation génèrerait un très lourd entretien des bases. Surtout, il est important que la visibilité du vice dont est affecté le bien culturel soit permanente, même si les délais de prescription sont écoulés. Cet argument va dans le sens d’une meilleure prévention du trafic de biens culturels.

Préconisation : La durée de conservation des informations enregistrées doit être celle de la situation illicite du bien.

Π Alimentation des bases de données Plusieurs questions de différente nature se posent en matière d’alimentation

des bases de données. En premier lieu, certains États membres de l’Union européenne (environ un tiers 437) ne disposent pas d’une base de données des biens culturels volés (ni souvent, d’une base inventaire). Il est donc urgent de créer de telles bases. En second lieu, on a constaté l’alimentation plus ou moins aléatoire des bases de données. L’absence d’alimentation régulière ou un important décalage entre le vol et son signalement dans la base ruinerait son utilité, notamment en matière de due diligence. Il est donc important que chaque État désigne une autorité ou un organisme compétent pour alimenter sa base.

De plus, il faut également être très vigilant sur les personnes et institutions habilitées à alimenter les bases de données. En effet, l’information sur une situation illicite doit être fiable et pouvoir être vérifiée. De plus, de tels biens

436 Ce qui est le cas en Lettonie et est considéré comme un point négatif. 437 V. supra, État des lieux.

Page 310: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

300

peuvent faire l’objet d’une procédure civile ou pénale. C’est une autre raison de désigner une autorité dédiée à cette alimentation, au choix des États 438.

Pour l’alimentation de la base INTERPOL, celle-ci pourrait se faire selon deux modes :

– par message formaté des bureaux nationaux: la mise en œuvre d’un système de messagerie en ligne, accessible sur le site Web de l’INTERPOL, qui permettra l’apport de données pour les pays qui ne fournissent que peu de données, ou qui n’ont pas de base de données nationale ;

– par alimentation semi-automatique pour les États membres qui ont des bases de données nationales.

De plus, il est prévu le développement de services Web pour le transfert direct à partir de la base de donnée nationale italienne (« Leonardo ») et la base de données INTERPOL 439.

Préconisation : Désigner une autorité dédiée à l’alimentation des bases de données nationales et INTERPOL.

Π Accès aux bases de données Il a été constaté un consensus sur l’élargissement de l’accès des bases de

données. En ce qui concerne INTERPOL : depuis 2009, l’accès à la base de données

par le public est possible sur simple demande. Pour les bases de données nationales, en particulier policières, l’accès est en

général restreint même s’il est souvent possible de faire une demande de vérification auprès de l’autorité compétente. L’accès est alors indirect. Il serait alors possible de moduler l’accès aux bases selon l’information recherchée 440.

Préconisation : Élargir l’accès des bases de données au public.

Π La preuve de la consultation des bases de données Les bases de données remplissent donc une double fonction fondée sur

l’information : - une fonction préventive : prévenir la vente d’un bien en situation illicite

438 Deux remarques ont pu être faites à ce sujet : l’autorité dédiée devrait être rattachée à la police et non à un ministère comme celui de la culture et l’autorité dédiée pourrait être différente du bureau national INTERPOL qui n’est pas seulement en charge de la criminalité relative aux biens culturels tout en étant en étroit contact avec lui. 439 Intervention UNESCO 1er juillet 2011, Lieutenant-colonel A. Deregibus (Carabinieri, Italie). 440 Ainsi, les informations données au public seraient expurgées de références à toute procédure et de toute information nominative.

Page 311: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

301

- une fonction juridique : consulter une base de données fiable est une due diligence, indice d’une éventuelle bonne foi.

Il est donc essentiel de prouver que la base de données a été consultée (date de la consultation, objet de la consultation et catégories de biens culturels consultés).

Préconisation : La base de données doit délivrer une attestation de consultation mentionnant la date de la consultation, l’objet de la consultation et les catégories de biens culturels consultés.

Page 312: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

302

2.2.3. Obligation de tenue d’un registre de police (Recommandation n° 10)

Π Justification Il a été constaté que peu d’États soumettaient les professionnels du marché

de l’art (vendeurs commerçants et maisons de vente volontaires) à l’obligation de tenir un tel registre. Il a été d’autre part souligné que ce registre pouvait contenir des informations différentes selon les États. Or, cet outil est considéré comme essentiel à la prévention de la circulation illicite des biens culturels.

Il est donc préconisé d’élargir à l’ensemble des États membres de l’Union européenne l’obligation légale de tenue d’un registre des objets mobiliers, de définir ce registre et de déterminer un contenu uniforme, d’établir une articulation avec la fiche « provenance » et d’inciter à sanctionner l’inéxécution de l’obligation de tenue du registre.

Π Détail de la préconisation a) Définition du registre de police Le registre de police pourrait être un répertoire annuel des biens culturels

détenus par les professionnels considérés dans le cadre de leur activité. Il pourrait être tenu sur support papier ou électronique. Il doit être infalsifiable. Il serait en quelque sorte un inventaire professionnel.

b) Contenu du registre de police Le registre de police ne doit pas seulement être un registre des transactions

portant sur les biens culturels, au sens comptable et administratif du terme, mais un registre de traçabilité de ces biens. Son contenu doit donc être déterminé en fonction de cet objectif :

Identification de la personne * Identité de la personne qui a vendu, apporté à l’échange ou remis en

dépôt en vue de la vente un ou plusieurs objets avec référence de la pièce d’identité produite 441 ainsi que la dénomination et le siège de la personne morale éventuellement concernée par l’opération.

Identification de l’objet * Description de chaque objet avec ses caractéristiques apparentes et les

signes, marques, signatures servant à son identification (ex : numéros en cas de multiples comme les bronzes).

* Adjonction d’une photographie de l’objet.

441 Qu’il s’agisse d’une personne physique ou du représentant d’une personne morale.

Page 313: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

303

* Sur le modèle du droit français 442, il est possible de réunir en lots des objets dont la valeur unitaire ne dépasserait pas un certain montant et qui ne présentent pas un intérêt artistique ou historique.

* Attribution d’un numéro d’ordre à chaque objet ou à chaque lot d’objets. Le numéro d’ordre figurerait sur le registre et sur chaque objet ou lot d’objets.

* L’indication de la qualité juridique de l’objet : ex : bien protégé, classé etc…

* L’indication des contraintes éventuelles de circulation de l’objet : ex : prohibition de sortie du territoire sans autorisation.

Traçabilité de l’objet * Le mode d’acquisition ou de détention de l’objet. * Le prix d’achat ou, en cas d’échange ou de dépôt en vue de la vente, le

prix estimé de la valeur de l’objet ou lot d’objets. * Le mode de paiement de l’objet en cas de vente de celui-ci. * La provenance de l’objet. Cette précision est rarement voire jamais

exigée 443 . Le vendeur ou le dépositaire pourrait fournir un titre de propriété, ou une attestation sur l’honneur de propriété.

* Les titres valides de la circulation de l’objet si c’est un objet importé soumis à des conditions particulières de circulation.

c) Articulation avec la fiche « provenance » Si la fiche « provenance » était adoptée pour certains biens culturels 444,

celle-ci devrait s’articuler avec les informations communes figurant sur le registre. Le registre pourrait ainsi bénéficier des informations figurant sur la fiche provenance pour les biens culturels concernés par celle-ci.

Suite à la vente par le professionnel du marché, la fiche provenance pourrait être complétée et remise à l’acheteur en même temps que la facture acquittée.

d) Durée de conservation du registre Il est possible tout d’abord de ne pas fixer de durée de conservation du

registre et d’exiger son archivage pendant toute la durée de l’activité professionnelle. L’informatique devrait faciliter cet archivage.

Si cette option n’était pas choisie, la durée de conservation du registre devrait être en relation avec les délais de prescription des actions en revendication de nature civile et les délais des actions de nature pénale.

e) Registre et vente en ligne En cas de vente en ligne opérée par un professionnel, les mentions figurant

sur le registre et relatives à l’identification de l’objet, sa provenance (sauf prix

442 Art. R. 321-3 du Code pénal français. 443 V. loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 modifiant l’article 321-7 du Code pénal français et ajoutant la mention de la provenance dans celles figurant sur le registre. 444 V. Liens avec le Règlement CE n° 116/2009 du 18 décembre 2008.

Page 314: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

304

d’achat par le professionnel) et les éventuelles conditions de circulation devraient figurer sur le site de vente concerné.

f) Portée de l’inexécution de la tenue d’un tel registre (absence de registre, mentions inexactes etc..)

La bonne tenue du registre de police s’inscrit dans le cadre général des bonnes pratiques requises chez les professionnels du marché de l’art et peut produire des effets tant sur le plan civil que pénal :

Préconisation : Sur le plan civil : la bonne tenue du registre constituerait une preuve des due diligences requises du professionnel et un indice de la bonne foi de celui-ci.

Préconisation : Sur le plan pénal : la bonne tenue du registre permettrait de ne pas retenir l’élément intentionnel dans les infractions sanctionnant la circulation illicite des biens culturels.

Préconisation : Inversement l’inexécution des obligations liées à la tenue du registre constituerait la mauvaise foi tant sur le plan civil que pénal.

Π Base juridique La norme européenne préconisée obligeant de tenir un registre des objets

mobiliers à la charge des professionnel du marché de l’art (vendeurs, antiquaires, intermédiaires tels que maisons de vente volontaires), de le définir et d’en déterminer le contenu de façon uniforme, et l’assortissant de sanctions (quelle que soit leur nature), n’est pas une norme relevant de l’harmonisation du droit pénal, ni de la procédure pénale, ni une norme de coopération pénale. Matériellement, il s’agit d’abord d’une norme relative à la traçabilité des biens culturels, donc une norme « préventive » de protection de ceux-ci. Elle pourrait donc se rattacher à la compétence de l’Union relative à la liberté de circulation des marchandises et à ses limites en matière de trésors nationaux. En effet, sur ce fondement, la directive n° 93/7/CEE du 15 mars 1993 énonce clairement qu’elle constitue, avec le Règlement n° 3911/92, un « système communautaire de protection des biens culturels des États membres ». Dans le même sens, les conclusions du Conseil relatives à la prévention et à la lutte contre le trafic illicite des biens culturels (JAI) des 27 et 28 novembre 2008, affirment très clairement que la libre circulation des biens culturels nécessite une meilleure traçabilité de ces derniers. Le rattachement à la libre circulation des règles de traçabilité comme celle sur la mise en place d’un registre est ici expressément affirmé.

⇒Améliorer les conditions de restitution des biens culturels et des patrimoines des Etats.

Page 315: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

305

2.2.4. Introduction d’une norme communautaire faisant échec à l’extinction de l’action en revendication à l’encontre du possesseur de mauvaise foi pour les biens culturels (Recommandation n° 16)

Π Justification La comparaison des différents systèmes montre que la prescription mène,

dans des situations assez diverses, à une perte – soit factuelle, soit même légale – de l’objet culturel pour le propriétaire dépossédé. Il est donc essentiel de vérifier si les intérêts respectifs du possesseur et de l’ancien propriétaire justifient une telle perte. Évidemment de la part du possesseur il y a un intérêt à être bien protégé. La question touche à la sécurité des transactions, donc à la confiance que peuvent avoir les acheteurs dans le marché. En outre, passé un certain délai, il existe un intérêt général à sauvegarder la paix juridique. Quant au propriétaire dépossédé, il a intérêt à conserver sa position légale et factuelle de propriétaire.

a) Prescription acquisitive Il est clair qu’une prescription acquisitive devrait avoir lieu uniquement

dans une situation où le possesseur a acquis le bien de bonne foi. Il faut par ailleurs noter qu’il y a une différence fondamentale entre l’acquisition d’un bien de consommation ou d’investissement d’un côté et des biens culturels de l’autre : S’il s’agit de biens de consommation ou d’investissement perdus, la possibilité de l’acquisition de la possession de bonne foi facilite la vie juridique et, par la voie de la prescription acquisitive, empêche la formation de res extra commercium.

En outre, l’acquisition de bonne foi d’un tel bien par un tiers ne cause pas le même dommage au propriétaire selon qu’il s’agit d’un bien ordinaire ou d’un bien irremplaçable par nature. Du point de vue de leurs propriétaires, généralement, les biens culturels ne sont pas compensables en argent. De surcroit, il n’y a aucune raison de ne pas exiger du possesseur d’examiner sa propre position légale au moment de l’acquisition de la possession.

Il conviendrait donc que la bonne foi du possesseur, en matière d’objets culturels, soit soumise à des conditions plus strictes (v. recommandation sur la bonne foi sur la bonne foi et la due diligence). Le possesseur doit avoir une obligation de recherche concernant la situation de la propriété.

b) Prescription extinctive La prescription extinctive met en jeu d’autres intérêts qui ne relèvent pas de

la protection d’une nécessaire confiance du marché. Ce type de prescription vise à éviter une insuffisance de la preuve de la part du possesseur après un long délai. Il est vrai qu’après un nombre d’années il devient de plus en plus difficile pour le possesseur d’un objet de prouver son titre de propriété.

Page 316: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

306

Cela dit, il faut bien rappeler qu’en matière de revendication ce n’est pas le possesseur mais celui qui réclame sa propriété qui supporte la charge de la preuve. La situation est donc complètement différente d’un débiteur – par exemple, d’une somme d’argent – qui, après un délai long, ne peut plus prouver qu’il a déjà effectivement satisfait le créancier. Si l’on prend en considération la question du fardeau de la preuve, l’on ne peut pas dire que la prescription extinctive de la revendication servirait aux possesseurs de bonne foi, car ce n’est pas à eux de prouver leur titre de propriété.

En ce qui concerne l’intérêt à la paix juridique en général – sécurité juridique, diminution des contentieux – il faut rappeler que les conséquences d’une prescription extinctive, dans certaines hypothèses, sont discutables en droit allemand 445 : si un voleur arrive à cacher un objet culturel pendant le délai de prescription, le propriétaire est empêché de faire valoir son droit de propriété, c’est-à-dire de réclamer la possession directe de son bien (rei vindicatio). Au contraire, si le voleur perd la possession de l’objet, le propriétaire revendiquer son bien auprès du possesseur actuel (si le droit à revendication auprès de ce nouveau possesseur n’est pas prescrit).

En somme la prescription extinctive ne sert qu’aux détenteurs qui n’ont pas acquis la propriété par acquisition de bonne foi ou par usucapion. Ces possesseurs en effet ne méritent pas de protection. L’intérêt public concernant la garantie de la paix juridique ne justifie pas dans ce cas de défavoriser un propriétaire volé.

Pour ces raisons il est souhaitable d’excepter de lege ferenda la revendication de biens culturels des règles de la prescription extinctive 446. Si l’on examine d’autres ordres juridiques, qui des fois ne connaissent pas la prescription extinctive de la revendication – par exemple le droit suisse 447 – cette idée s’impose aisément.

La question se pose de savoir si la règle ne doit concerner que les biens culturels ou être généralisée à l’ensemble des biens, dans la mesure où la plupart des arguments sont en faveur de l’exclusion de la prescription extinctive en cas de mauvaise foi. Il reste que les enjeux pour le propriétaire et

445 Cf. la critique exprimée par Müller (note 138), n°455; Henckel, AcP 174 (1974), p. 97 (130); Müller-Katzenburg, NJW 1999, p. 2551 (2558); Siehr, dans: Carl/Güttler/Siehr, Kunstdiebstahl vor Gericht, 2001, p. 53 (63, 73 et s.); Siehr, ZRP 2001, 346. 446 Cf. Mansel, dans: Ernst/Zimmermann, Zivilrechtswissenschaft und Schuldrechtsreform, 2001, p. 367 et s.; Zimmermann/Leenen/Mansel/Ernst, JZ 2001, p. 684 (693); Heuer, NJW 1999, p. 2558 (2563), qui propose de différencier entre l’acquisition de la possession de bonne et de mauvaise foi. 447 Cf. BGE 48 II, p. 38 (46 et s.); Jayme, IPRax 1995, p. 43.

Page 317: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

307

pour les États ne sont pas de même nature s’agissant des biens culturels, considération qui justifie qu’une solution propre soit trouvée ici 448.

Π Exposé de la préconisation sur des règles uniformes concernant la prescription et la protection du patrimoine culturel

Le but de l’étude sur les différentes formes de prescription et le constat de la diversité des systèmes qui peuvent être préjudiciable au fonctionnement du marché conduit à proposer des règles uniformes en matière de prescription, pouvant venir remplacer les régimes très divers actuellement en vigueur dans les différents États membres. Cette règle serait en l’occurrence en pleine cohérence avec la règle, appliquée dans un certain nombre d’États, selon laquelle certains biens peuvent être revendiqués sans limite de temps (Italie, Espagne, France, Suisse, Grèce notamment) soit au regard du régime de la domanialité publique, soit au regard de la valeur culturelle des biens considérés. En Allemagne, le Conseil fédéral, lors la réforme du Code civil, a demandé au Gouvernement de créer une exception pour la prescription extinctive de la revendication pour les biens culturels.

En outre, cette proposition doit être impérativement reliée aux propositions en matière de recel d’adopter une règle commune de délit continu. Sous cette perspective, le propriétaire peut revendiquer tout le temps que le bien est entre les mains du receleur. Le délai de prescription ne court pas. La disparition de la prescription extinctive en matière civile met en accord très opportunément le pénal et le civil.

La revendication d’un objet culturel ne devrait donc pas être soumise à la prescription extinctive lorsque le possesseur est de mauvaise foi. La règle en vigueur en Suisse pourrait servir de modèle.

La réflexion doit aussi avancer sur le terrain de la prescription acquisitive. La Scottish Law Commission a posé la question de savoir s’il faudrait un délai plus long pour la prescription acquisitive en matière de biens culturels 449. Tout cela peut viser à la création de règles particulières. Cela dit, il faut bien examiner les répercussions d’une telle solution pour le système général du droit des biens mobiliers.

Π Base juridique Dans la mesure où les différences de systèmes sont susceptibles d’altérer le

fonctionnement du marché, l’outil pertinent pourrait être une directive

448 V. Jaeger, Internationaler Kulturgüterschutz, 1993, p. 112 ; Müller-Katzenburg, Internationale Standards im Kulturgüterverkehr und ihre Bedeutung für das Sach- und Kollisionsrecht, 1995, p. 335 et s. ; Finkenauer, JZ 2000, p. 241 (247), qui admettent l’imprescriptibilité seulement concernant la revendication de collections de biens culturels. 449 Discussion Paper No. 144.

Page 318: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

308

consacrée aux biens culturels sur la même base juridique que la directive restitution n° 93/7/CEE du 15 mars 1993.

L’article 26 UE qui concerne le fonctionnement du marché interne est moins spécial en ce qu’il concerne tout objet et non pas seulement les objets culturels. Il pourrait cependant être mobilisé dans la mesure où les règles proposées visent non seulement à l’expédition mais également au trafic national.

Page 319: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

309

⇒Sanctionner plus lourdement le trafic illicite des biens culturels.

2.2.5. Adoption de règles minimales relatives à la définition des infractions pénales liées au trafic de biens culturels au niveau européen (Recommandation n° 21)

Il conviendrait de rapprocher les législations pénales nationales, notamment en établissant, à l’échelle de l’Union européenne, des règles minimales relatives à la définition des infractions et des sanctions pénales dans le domaine du trafic de biens culturels.

Π Justification a) La question des biens culturels et des trafics illicites dont ils peuvent faire

l’objet est à la croisée de trois objectifs de l’Union européenne : la libre circulation des personnes et des biens, la protection du patrimoine culturel européen, et la construction d’un espace de liberté, de sécurité et de justice.

b) Les trafics de biens culturels constituent des formes particulièrement graves de criminalité contre les biens, puisqu’ils portent non seulement atteinte à la propriété, mais également au patrimoine culturel des États membres. Ils sont une menace pour la sauvegarde des trésors nationaux d’une valeur inestimable. Ils sont souvent commis dans le cadre de la criminalité organisée, avec parfois des complicités chez les professionnels ce qui emporte une désorganisation grave des politiques culturelles et des marchés de l’art. En conséquence, la lutte contre le trafic de biens culturels implique une réponse de nature répressive.

c) Il ressort des rapports nationaux et du chapitre II du présent rapport que les législations pénales nationales sur le trafic des biens culturels, notamment en raison de leur hétérogénéité, sont aujourd’hui insuffisantes pour apporter une réponse énergique à la hauteur de l’ampleur du phénomène. En effet, le caractère transnational du trafic complique et rend plus difficile les poursuites, les enquêtes et le jugement de ces infractions. La lutte contre le trafic de biens culturels exige donc une coordination et une coopération entre les États membres qui se heurte actuellement aux différences entre les législations.

d) La lutte contre le trafic de bien culturels sera plus efficace si l’Union opère un rapprochement des droits pénaux matériels et les règles de procédure des États membres. Premièrement, ce rapprochement permet d’exprimer une volonté et une politique communes de lutte contre ce fléau. Deuxièmement, il permet d’éviter que les auteurs d’infractions aient le choix de commettre les infractions dans les États membres disposant de règles moins sévères. Troisièmement, l’utilisation de définitions communes permet d’accroître la

Page 320: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

310

connaissance et la confiance mutuelle entre les systèmes et donc de favoriser la coopération internationale.

e) En vertu de l’article 67 TFUE, l’objectif politique général de l’Union est d’assurer un niveau élevé de sécurité par des mesures de prévention et de lutte contre la criminalité, y compris la criminalité organisée. En vertu de l’article 83 TFUE, le parlement européen et le Conseil peuvent établir des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans des domaines de criminalité particulièrement grave, comme la criminalité organisée, revêtant une dimension transfrontière (résultant du caractère ou des incidences de ces infractions ou d’un besoin particulier de les combattre sur des bases communes) ou si c’est indispensable pour assurer la mise en œuvre efficace d’une politique de l’Union dans un domaine ayant fait l’objet de mesures d’harmonisation. En vertu de l’article 87, paragraphe 2, TFUE, relatif à la coopération policière, le Parlement européen et le Conseil, peuvent établir des mesures portant sur: « a) la collecte, le stockage, le traitement, l’analyse et l’échange d’informations pertinentes ». L’article 82 TFUE permet au législateur européen, dans la mesure où cela est nécessaire pour faciliter la reconnaissance mutuelle ainsi que la coopération pénale, d’adopter des règles minimales relatives aux droits des victimes de la criminalité.

Π Détail de la préconisation a) En premier lieu, il conviendrait d’établir, à l’échelle de l’Union

européenne, des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales liées au trafic de biens culturels. Les États membres devraient prendre les mesures nécessaires pour que soient punissables les actes intentionnels suivants :

– Le vol et toute forme d’appropriation frauduleuse d’un bien culturel, y compris ceux qui se trouvent sur des sites archéologiques, historiques ou culturels protégés en vertu du droit national.

Ces actes doivent être passibles d’une peine privative de liberté maximale d’au moins […] ans. – La soustraction illicite de biens non appropriés se trouvant sur des

sites archéologiques, historiques ou culturels protégés en vertu du droit national doit être considérée par la législation pénale des États membres comme une appropriation frauduleuse de la chose d’autrui.

– La détention, la dissimulation et la transmission d’un bien culturel qui provient d’un vol ou d’une appropriation frauduleuse en ayant connaissance de son origine ou en ayant omis de vérifier qu’il ne figurait pas sur une des bases de données des biens culturels recherchés.

Ces actes doivent être passibles d’une peine privative de liberté maximale d’au moins […] ans.

Page 321: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

311

– La destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien culturel d’autrui ou se trouvant sur des sites archéologiques, historiques ou culturels protégés en vertu du droit national applicable

Ces actes doivent être passibles d’une peine privative de liberté maximale d’au moins […] ans. – L’importation et l’exportation illicites de biens culturels. Ces actes doivent être passibles d’une peine privative de liberté maximale d’au moins […] ans. – La détention, la dissimulation et la transmission d’un bien culturel

provenant d’une exportation ou d’une importation illicite en ayant connaissance de son origine ou en ayant omis de vérifier qu’il ne figurait pas sur une des bases de données des biens culturels recherchés.

Ces actes doivent être passibles d’une peine privative de liberté maximale d’au moins […] ans.

Ces définitions permettent d’abord de réprimer dans toute l’Union les vols et autres appropriation frauduleuses d’un bien culturel, y compris l’appropriation frauduleuse de biens culturels se trouvant sur des sites protégés, notamment ceux issus de fouilles illicites ou licitement issus de fouilles mais illicitement détenus.

Elles prévoient la répression du recel en tenant compte de la difficulté de prouver la faute du receleur en matière de biens culturels anciens – celui-ci peut facilement invoquer l’impossibilité de connaître toute l’histoire de la circulation du bien pour arguer de sa bonne foi. La preuve de la connaissance de l’origine frauduleuse du bien culturel, pour retenir l’infraction de recel est donc difficile à apporter à défaut de présomption ; elle constitue une condition trop stricte pour pouvoir appréhender de nombreux détenteurs frauduleux de biens culturels. Sans que cela porte atteinte au principe de proportionnalité de la répression, il conviendrait d’incriminer également, au titre de l’élément moral du recel, l’omission de vérifier que le bien ne figure pas sur une des bases de données des biens culturels recherchés. La publicité obligatoire donnée à l’acte illicite initial (vol ou exportation illicite) permet d’alléger la preuve à apporter de la connaissance de l’origine frauduleuse du bien. Et l’absence de vérification de ces bases de données des biens recherchés est, à l’évidence, l’expression d’une faute. Ce faisant, le droit pénal se fait l’instrument du développement de la traçabilité des biens culturels. Mais cette disposition doit être articulée avec la notion de « bonne foi » du détenteur en droit privé et en matière de restitution.

Le rapprochement des sanctions permet de réduire les différences de peines du vol et du recel entre les États, qui sont importantes (voir la première partie du présent rapport sur l’État des lieux), et éviter un « forum shopping ».

Page 322: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

312

b) Les États membres doivent prendre, en outre, les mesures nécessaires pour que soit punissable le fait d’inciter à commettre l’une des infractions précitées, d’y participer et de s’en rendre complice, ou de tenter de commettre cette infraction.

c) Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, dans le cas où l’une des infractions précitées serait commise par un professionnel ou un agent de la fonction publique dans l’exercice de ses fonctions, cette circonstance soit considérée comme une circonstance aggravante.

Cette disposition permet de prendre en considération la qualité de professionnel de la personne poursuivie pour vol ou recel (antiquaire, maison de vente etc.). À l’évidence, la faute d’un professionnel est plus grave que celle d’un profane et elle occasionne des dommages plus importants.

d) Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les personnes morales puissent être tenues pour responsables des infractions précitées lorsque ces dernières sont commises pour leur compte par toute personne, agissant soit individuellement, soit en tant que membre d’un organe de la personne morale en cause, qui exerce un pouvoir de direction en son sein. Les États membres veillent également à ce qu’une personne morale puisse être tenue pour responsable lorsque le défaut de surveillance ou de contrôle de la part d’un de ses dirigeants a rendu possible la commission de l’une des infractions précitées pour le compte de ladite personne morale, par une personne soumise à son autorité.

Cette disposition permet notamment de rechercher la responsabilité et de punir les maisons de vente qui auraient participé directement ou indirectement à un trafic de biens culturels.

e) Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que leurs autorités compétentes soient habilitées à saisir, à titre conservatoire, les biens culturels pour lesquels il existe un ou des indices sérieux qu’ils ont fait l’objet d’une des infractions précitées.

f) Les États membres prennent les mesures nécessaires pour permettre que les infractions précitées donnent lieu à des poursuites pendant une période suffisamment longue après que leur auteur se soit dépossédé du bien culturel illicitement détenu.

Cette disposition vise à un rapprochement entre les droits nationaux des durées de la prescription de l’infraction de recel et surtout du point de départ de ce délai de prescription.

g) Les États membres s’assurent que les enquêtes ou les poursuites concernant les infractions précitées, liées au trafic de biens culturels, ne dépendent pas de la plainte ou de l’accusation émanant d’une victime,

Page 323: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

313

personne publique ou privée, et que la procédure pénale continue même si la victime a retiré sa déclaration.

h) Les États membres veillent à ce que les victimes du trafic de biens culturels aient un droit d’information et d’accès à leurs services d’enquêtes et de poursuite spécialisés sur les trafics de biens culturels (sur ces services spécialisés des États membres, voir les préconisations en matière de coopération pénale).

Page 324: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

314

⇒Favoriser la coopération entre autorités dans le cadre de l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

2.2.6. Amélioration des outils de coopération internationale (Recommandation n° 23)

Π Justification Il conviendrait de développer certains outils de coopération policière et

judiciaire en matière pénale afin de répondre aux besoins spécifiques de la lutte contre le trafic de biens culturels.

En premier lieu, il convient de rappeler que les outils de coopération existent (voir la première partie du présent rapport « État des lieux ») et qu’il conviendrait, d’abord et avant tout, que les autorités policières et judiciaires des États membres les mettent en oeuvre, ce qui est insuffisamment le cas actuellement (voir la deuxième partie du rapport « Obstacles »).

En second lieu, les développements préconisés en matière de coopération répressive doivent tenir compte des travaux législatifs réalisés et en préparation dans l’ELSJ, qui ont un champ matériel « transversal » et ont donc vocation à s’appliquer à la lutte contre le trafic de biens culturels. En effet, les outils de coopération pénale de l’Union, fondés sur le principe de reconnaissance mutuelle, ont été mis en place de manière « générale » et non pas « spéciale », c’est-à-dire catégorie d’infractions par catégorie d’infractions. Dans ce contexte, il ne serait donc pas conforme à la cohérence du cadre juridique de l’ELSJ de préconiser, dans le présent rapport, un nouveau dispositif de coopération, complet et réservé au trafic de biens culturels.

Π Détail de la préconisation a) Mieux mettre en œuvre les instruments de coopération existant. Il ressort de certains rapports nationaux que les instruments de coopération

pénale européenne sont peu utilisés pour lutter contre le trafic de biens car : – ce champ de la criminalité n’est pas souvent considéré comme

prioritaire ; – il y a, en pratique, une absence de connaissances et de confiance

mutuelles entre les acteurs nationaux. Il convient donc d’abord de replacer la lutte contre le trafic des biens

culturels au cœur des priorités des politiques pénales nationales, ce qui implique d’adopter, en la matière, une législation de l’Union, à dimension pénale, complète, spécifique et contraignante.

Favoriser la confiance mutuelle entre les acteurs nationaux suppose non seulement de rapprocher les droits pénaux nationaux (voir les préconisations

Page 325: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

315

sur les rapprochements des droits internes), mais également les mesures suivantes :

– Les États membres mettent en place des services de prévention, d’enquêtes et de poursuite spécialisés sur les trafics de biens culturels, qui comportent notamment des experts du patrimoine.

– Les États membres établissent, parmi les services spécialisés précités, des « points de contact / rapporteurs » chargés :

- D’aider et de faciliter la coopération internationale. Ils peuvent être sollicités par les services des autres États membres souhaitant obtenir des informations et des conseils. Ils peuvent aussi demander des informations et des conseils auprès des « points de contact » des autres États membres. Ces « points de contact » doivent faciliter les échanges d’information et la connaissance réciproque des droits, procédures et institutions en matière de biens culturels. - Etablir un rapport annuel national ayant pour objet de déterminer les tendances en matière de trafics de biens culturels, évaluer les résultats des actions engagées pour lutter contre ce phénomène, y compris la collecte de statistiques en étroite collaboration avec les organisations pertinentes de la société civile qui sont actives dans ce domaine. Ils doivent former un réseau européen spécialisé de « points de contacts / rapporteurs » dans toute l’Union. Leur compétence est d’ordre informatif, ils ne remplacent pas les autorités compétentes chargées de mettre en œuvre les procédures de coopération. – Pour une approche coordonnée en matière de lutte contre le trafic

de biens culturels, l’Union désigne, au sein de ses services, un « Coordonnateur européen » chargé de la lutte contre le trafic de biens culturels. Ce coordonnateur réunit, au moins, une fois par an les « Points de contact / rapporteurs nationaux » pour une grande conférence de formations, d’échanges d’informations et de retours d’expérience. L’objectif est de créer une communauté européenne de responsables nationaux chargés de la lutte contre le trafic de biens culturels qui se connaissent et peuvent ainsi facilement coopérer.

b) Améliorer les instruments de coopération existant Au vu notamment des difficultés mentionnées dans les rapports nationaux,

les instruments actuels de coopération pénale dans l’Union européenne pourraient être améliorés dans le sens suivant :

Outre la mise en place de base de données (voir les recommandations spécifiques sur ce point dans le présent rapport), il conviendrait, dans le cadre des instruments de coopération existant (mandat d’arrêt, gel des preuves, confiscation), de mettre en place un « document procédural type », harmonisé dans toute l’Union, décrivant précisément le bien culturel concerné

Page 326: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

316

et détaillant, par exemple, les raisons qui portent à croire que ce bien relève d’un trafic et se trouve sur le territoire de l’autorité saisie. Cette mesure permettrait de répondre aux difficultés tenant au flou et au manque de précision, dans les demandes de coopération, des informations relatives au bien culturel et aux circonstances infractionnelles qui l’entourent.

Alors que la décision-cadre du 18 décembre 2008 sur le mandat d’obtention de preuve l’exclut expressément, les instruments de coopération pénale de l’Union devraient faciliter l’expertise transnationale contradictoire dans un délai raisonnable pour un bien culturel saisi dans un autre État membre que celui de la procédure initiale, soit :

– en permettant à l’autorité de l’État d’émission d’exiger de l’autorité de l’État d’exécution de la saisir afin qu’il réalise une expertise ;

– en permettant à l’autorité de l’État d’émission qu’il envoie un expert auprès de l’État d’exécution pour qu’il réalise une expertise sur le bien culturel saisi ;

Ajuster les instruments de coopération actuels permettant le gel des preuves (décision-cadre du 22 juillet 2003) et l’obtention de preuve (décision-cadre du 18 décembre 2008) aux spécificités de la lutte contre le trafic de biens culturels. On sait que la décision-cadre sur le gel des avoirs n’organise pas une procédure complète, car elle ne vise qu’un gel provisoire dans l’État d’exécution et non la remise du bien ; et que le mandat d’obtention de preuve concerne non pas des biens à rechercher, mais « disponibles » dans l’État d’exécution (voir la première partie du présent rapport concernant l’ « État des lieux »). Il conviendrait de mieux articuler ces actes coercitifs sur des biens, de nature pénale, avec la procédure « non répressive » de restitution. En particulier, l’outil actuel du gel des avoirs et des preuves devrait avoir pour but - outre la procédure pénale de l’État d’émission - la restitution internationale de nature non pénale.

Page 327: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

317

2.2.7. Adoption d’un nouvel instrument de coopération internationale (Recommandation n° 25)

Π Justification Compte tenu des spécificités du trafic de biens culturels et des besoins

identifiés par les praticiens, il conviendrait sans doute d’ajouter un nouvel instrument de coopération pénale européenne à l’inventaire des instruments existant. Il s’agirait d’un mandat de « recherche, de saisie et d’obtention » d’un bien (culturel) identifié mais disparu, faisant l’objet d’une procédure pénale, qui permettait à l’autorité de l’État d’émission de demander aux autorités de l’État d’exécution de réaliser obligatoirement des actes de recherches (fouille, perquisition), de saisie et de retour du bien vers l’État d’émission (en qualité de preuve de l’infraction et comme objet éventuel d’une restitution).

Par rapport aux outils traditionnels de l’entraide judiciaire pénale (ex : commission rogatoire internationale), un instrument de l’Union européenne, fondé sur le principe de reconnaissance mutuelle, serait plus contraignant pour l’État d’exécution et donc plus rapide.

Π Base juridique Compte tenu du caractère « généraliste » et transversal » des instruments de

coopération pénale de l’ELSJ, cette proposition ne pourra être cantonnée au trafic de biens culturels. Elle devra également s’inscrire dans le projet de directive, actuellement en discussion, concernant la « décision d’enquête européenne ». Il s’agit de mettre en place un système global de recherche de preuves, à l’échelle européenne, qui remplacerait les dispositifs fragmentaires et peu cohérents actuels. Fondé sur le principe de reconnaissance mutuelle, la « décision d’enquête européenne » permettrait à une autorité nationale, dans le cadre d’une procédure pénale interne, d’obtenir des autorités d’un autre État membre qu’elles réalisent tout type d’acte d’investigation, et cela dans des délais rapides et en limitant les motifs de refus.

Page 328: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

318

3. POSITIONNEMENT DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES EXPERTES DANS LA PREVENTION ET LA LUTTE CONTRE LE

TRAFIC ILLICITE DES BIENS CULTURELS

3.1. UNESCO - UNIDROIT L’UNESCO, UNIDROIT et l’Union européenne, un partenariat renouvelé

dans la lutte contre le trafic illicite des biens culturels [Note réalisée conjointement par les Secrétariats de l’UNESCO et

d’UNIDROIT en tant que partenaires de l’étude réalisée par le CECOJI-CNRS pour le compte de la Commission européenne sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne. Cette note sera publiée en annexe de l’étude et figurera sur le site web de la Commission européenne.]

* * * L’UNESCO et UNIDROIT comptent parmi les partenaires institutionnels

du Centre d’Etudes sur la Coopération Juridique Internationale – Centre national de la recherche scientifique (CECOJI-CNRS – UMR 6224) dans le cadre de l’étude que mène cette équipe sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne (UE) (Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2).

Dans ce contexte, les deux organisations ont été sollicitées, d’une part pour mettre en évidence la complémentarité de leurs activités avec celles de l’UE en matière culturelle, en particulier dans la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels et, d’autre part, pour formuler leur vision d’une éventuelle compétence réaffirmée de l’UE (qui pourrait jouer le rôle de laboratoire d’expérimentation de certaines solutions).

L’UNESCO et UNIDROIT ont choisi de proposer un document conjoint succinct, sans se prononcer sur la question des compétences partagées entre l’UE et ses États membres qui reste une question interne à l’UE.

Cette contribution de l’UNESCO et d’UNIDROIT fait état de la coopération historique avec l’UE, en particulier en matière de partenariats stratégiques, de coopération financière et dans le domaine normatif. Elle a également pour objectif d’envisager quelle complémentarité et à quels niveaux d’intervention peut se situer cette coopération dans le champ de la lutte contre le trafic illicite de biens culturels.

Par ailleurs, la contribution d’UNIDROIT porte plus précisément sur les questions concernant la restitution et le retour des biens culturels volés ou illicitement exportés, qui font l’objet de la Convention de 1995. La lutte contre

Page 329: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

319

le trafic illicite des biens culturels ne se limitant pas à faciliter la restitution et le retour des biens, et les acteurs étant nombreux et relevant de nombreuses disciplines, UNIDROIT reconnaît l’importance de la coopération de tous les partenaires. Comme le souligne le Préambule de la Convention d’UNIDROIT de 1995 : « […] la mise en œuvre de la [...] Convention devrait s’accompagner d’autres mesures efficaces en faveur de la protection des biens culturels, telles que l’élaboration et l’utilisation de registres, la protection matérielle des sites archéologiques et la coopération technique ». C’est pourquoi le Préambule rend hommage « à l’action accomplie par différents organismes pour protéger les biens culturels, en particulier la Convention de l’UNESCO de 1970 relative au trafic illicite et l’élaboration de codes de conduite dans le secteur privé ».

I. Compétence et participation aux travaux de l’UNESCO et d’UNIDROIT

A. L’UE et l’UNESCO Depuis l’établissement des relations entre l’UE et l’UNESCO en 1964, il y a

eu un intérêt croissant de la part des deux institutions à coopérer plus étroitement. A cet égard, un accord-cadre de coopération administrative et financière a été conclu formellement en 1996, révisé en 2004. Sur la base de cet accord, un Bureau de liaison de l’UNESCO a été ouvert à Bruxelles début 2011 afin de renforcer la coopération entre l’UNESCO et l’UE et ses organes subsidiaires, consolidant ainsi les partenariats existants et en initiant de nouveaux dans les domaines prioritaires aux deux institutions. L’objectif de ce Bureau est également d’assurer que le mandat et les différentes activités de l’UNESCO soient mieux connus.

L’UE joue un rôle tout aussi important que d’autres organisations internationales qui coopèrent avec l’UNESCO et celui-ci ne se limite plus seulement au niveau régional. Avec ses 27 États membres, elle est un partenaire important et stratégique de l’UNESCO en matière de durabilité et d’impact de ses activités. Le dialogue thématique et la coopération financière avec la Commission européenne (CE) et les Délégations de l’UE au niveau national se développent notamment dans les domaines définis conjointement et conduisent à des résultats opérationnels. Dans le même temps, l’UE s’affirme de plus en plus comme une partie à prendre en compte dans les négociations d’instruments normatifs de l’UNESCO et dans leur mise en œuvre 450. Par ailleurs, l’Union européenne est devenue Partie à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de 2005 (voir infra b(i)).

450 L’UE dispose d’une représentation permanente auprès de l’UNESCO à Paris.

Page 330: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

320

a. Partenariats stratégiques et coopération financière Plusieurs domaines, définis conjointement par la CE et l’UNESCO, ont été

identifiés afin de permettre des partenariats stratégiques et une coopération future au bénéfice mutuel des deux institutions. C’est notamment dans les domaines du développement, de la recherche et des sciences que des thématiques de travail commun sont mises en exergue. Concernant le développement, le thème de la culture est le premier thème de travail considéré : renforcement de la formulation de politiques et formations en matière de politique culturelle; prise en compte de la dimension culturelle dans les politiques de développement; renforcement du dialogue avec l’Afrique ; élaboration d’indicateurs en matière de culture et développement ainsi que dans le domaine de la collecte de statistiques culturelles afin d’évaluer l’impact de la culture sur le développement économique; promotion de la participation de l’UNESCO à l’initiative conjointe « Cultural Heritage and Global Change : a New Challenge for Europe ».

En matière de coopération financière, l’UE est un partenaire incontournable de l’UNESCO et une source très importante de financement. Les 27 pays de l’UE couvrent environ 40 % du budget régulier des Nations Unies. Il est également avéré que l’UE compte pour plus de la moitié de l’aide au développement versée Outre-mer. Il faut souligner l’aide croissante reçue par les agences spécialisées des Nations Unies. A l’UNESCO, les fonds reçus de l’UE sont devenus une part importante des fonds extrabudgétaires. Depuis 2001, le volume des activités mis en œuvre par l’UNESCO par le biais d’une assistance financière de l’UE a augmenté considérablement.

b. Coopération dans le domaine normatif La coopération en matière normative a impliqué l’UE et l’UNESCO dans

des discussions croissantes et les a amenées à livrer des analyses conjointes sur des questions spécifiques, notamment en matière de développement de politiques et d’application d’instruments normatifs, en particulier dans le secteur de la culture. La CE a également été impliquée en tant qu’observateur officiel dans les discussions qui se sont tenues à l’UNESCO, notamment au sein de ses organes directeurs: la Conférence générale et le Conseil exécutif.

Dans ce contexte, la CE a participé en 2004 aux négociations de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qui a été adoptée en 2005 par la 33e session de la Conférence générale de l’UNESCO. Cela a pu se faire en vertu du mandat donné par le Conseil des ministres de l’UE à la CE pour négocier, au nom de l’UE et des États membres. La CE s’est vu ensuite attribuer par le Conseil exécutif et la Conférence générale de l’UNESCO un statut d’observateur amélioré qui lui a permis de négocier pour le compte de l’UE la Convention de 2005. A notre connaissance, il s’agit d’un fait sans précédent dans la négociation d’un instrument normatif contraignant à l’UNESCO.

Page 331: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

321

(i) Participation aux négociations et adhésion à la Convention de 2005

Le Traité instituant la Communauté européenne indique que dans les domaines de compétences communautaires, en particulier de compétence exclusive, les États membres de la Communauté européenne ne sont plus en droit de négocier ou de contracter, individuellement ou collectivement, des obligations internationales. Or certaines dispositions du projet de Convention sur la protection et la promotion de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques affectaient les compétences exclusives de la Communauté européenne. D’autres dispositions affectaient les compétences partagées entre la Communauté européenne et ses États membres. Ces compétences communautaires sont entre autres : la libre circulation des biens, les règles communes de concurrence, la propriété intellectuelle, la politique commerciale commune, ou la coopération au développement. En raison de l’étendue des compétences communautaires couvertes par le projet de Convention, le Conseil de la Communauté européenne a adopté, en novembre 2004, des directives de négociation pour autoriser la CE à participer aux discussions de la Convention, au nom de la Communauté européenne.

Il faut souligner que l’UE a un statut d’observateur à l’UNESCO, dans la catégorie des organisations intergouvernementales et d’organisations régionales. Or les droits que l’UNESCO confère aux observateurs ne permettaient pas à la CE de négocier pleinement, au nom de la Communauté européenne, et d’être en mesure de sauvegarder les intérêts de l’UE pour lui permettre ensuite de devenir partie à la Convention. C’est dans cette logique que les États membres de la Communauté européenne, membres du Conseil exécutif de l’UNESCO, avaient sollicité une décision pour permettre à la CE de participer activement, au nom de l’UE, aux sessions de la réunion intergouvernementale d’experts pour être partie prenante des négociations de la Convention de 2005. Il avait été demandé au Conseil exécutif d’autoriser la Communauté européenne à participer aux réunions et de lui conférer les droits suivants (qui seraient exercés par la Commission européenne) :

- avoir un droit de parole, de réponse, et soumettre des propositions et des amendements aux réunions formelles ;

- participer aux comités (en particulier au comité de rédaction), groupes de travail, réunions formelles ou informelles ;

- avoir sa propre plaque nominative, à l’exclusion de tout droit de vote. Il s’agissait d’accorder à la CE, en sus de ses droits en tant qu’observateur,

des droits plus étendus afin de lui permettre de s’acquitter pleinement de son mandat de négociation.

Inscrite à la 171e session du Conseil exécutif en avril 2005, celui-ci a décidé d’inviter, à titre exceptionnel, la Communauté européenne, tout en conservant son statut d’observateur, à participer activement et dans toute la mesure

Page 332: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

322

appropriée, aux travaux de la réunion intergouvernementale d’experts qui a permis d’élaborer le texte de la Convention de 2005.

L’Union européenne à adhéré à la Convention de 2005 le 18 décembre 2006 en tant qu’organisation d’intégration économique régionale.

(ii) Les États de l’UE et la Convention de 1970 Adoptée en novembre 1970 par la Conférence générale de l’UNESCO, la

Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels est entrée en vigueur le 24 avril 1972, trois mois après le dépôt du troisième instrument de ratification, le deuxième État européen ayant ratifié la Convention étant la Bulgarie en septembre 1971. D’une façon générale, les pays européens qui sont fortement liés au marché de l’art ont tardé à devenir partie à la Convention de 1970 (par exemple, la France en 1997 et le Royaume-Uni en 2002). Seuls des États particulièrement riches en antiquités, tels que l’Italie ou la Grèce, ont procédé assez tôt au dépôt de leur instrument de ratification, c’est-à-dire en 1978 et 1981. Aujourd’hui, la Convention compte 120 États parties parmi lesquels, des 22 États membres de l’UE, 5 n’ont toujours pas ratifié la Convention (Autriche, Lettonie, Irlande, Luxembourg et Malte). Il faut souligner la ratification récente de la Belgique et des Pays-Bas, en 2009, qui ont marqué un engagement significatif de deux États qui abritent un marché de l’art actif.

Les articles 19 et 20 de la Convention précisent que les États membres de l’UNESCO peuvent soumettre leur ratification ou acceptation et que les États non membres de l’Organisation peuvent être invités à y adhérer par le Conseil exécutif de l’Organisation. Etant donné que ces dispositions ne visent que des États, il est difficilement envisageable, en l’état actuel, que l’UE puisse devenir partie à cette Convention. Seule une révision de la Convention, tel que le prévoit l’article 25, et qui indiquerait que la Convention puisse être ratifiée par des organisations d’intégration économique régionale, permettrait d’envisager une éventuelle ratification par l’UE. Cette révision aurait des conséquences importantes dont il faut tenir compte. En effet, elle ne lierait que les États qui deviendraient parties à la Convention portant révision (article 25§ 1). De plus, « à moins que la nouvelle Convention n’en dispose autrement, la présente Convention cesserait d’être ouverte à la ratification, à l’acceptation ou à l’adhésion, à partir de la date d’entrée en vigueur de la nouvelle Convention portant révision », (§ 2 article 25). Enfin, la révision impliquerait peut être la réouverture des discussions sur la substance de la Convention mais également l’approbation d’un nouveau texte et sa soumission à une nouvelle liste de ratifications. La possibilité d’un tel processus pourrait être considérée en 2012 lors de la réunion des États parties à la Convention qui se tiendra au Siège de l’UNESCO, si les États parties le souhaitent.

Page 333: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

323

B. L’UE ET UNIDROIT Les liens entre les deux organisations sont très étroits en termes de

participation puisque les 27 États membres de l’UE sont membres d’UNIDROIT (ainsi que 2 États candidats à l’adhésion et 6 autres États européens).

Les États membres de l’UE sont également des partenaires significatifs puisqu’ils contribuent financièrement pour environ 46 % au budget ordinaire d’UNIDROIT.

L’UE est enfin un important partenaire dans l’élaboration des instruments normatifs d’UNIDROIT et est parfois Partie à ces instruments.

a. Coopération dans le domaine normatif UNIDROIT a élaboré des méthodes de travail qui allient rigueur (dans

l’analyse scientifique minutieuse du droit et des besoins qui forment la base de ses négociations) et souplesse (adaptation des méthodes de travail aux besoins propres de l’instrument).

Il en résulte que la Convention d’UNIDROIT de 1995, comme toutes les conventions d’UNIDROIT, repose sur une solide base méthodologique de recherche scientifique, de négociations approfondies entre les experts gouvernementaux, et de contributions de représentants dont les intérêts sont visés par la Convention. L’UE a participé à tous les stades des négociations qui ont abouties à l’adoption de la Convention d’UNIDROIT de 1995 (Comité d’étude, Comité d’experts gouvernementaux et Conférence diplomatique d’adoption). A maintes reprises, UNIDROIT a souligné sa disponibilité à participer, à titre d’observateur, aux travaux de préparation de la directive de 1993.

En général, la collaboration existe déjà entre le Secrétariat d’UNIDROIT et la CE, et des procédures adéquates pour régler les recoupements de compétences ont été assurées au cas par cas durant l’élaboration d’instruments spécifiques, en particulier la Convention relative aux garanties internationales portant sur des matériels d’équipement mobiles de 2001 (Cap), ainsi que ses Protocoles aéronautique (2001 - Cap), ferroviaire (2007 - Luxembourg) et spatial (adoption prévue en 2012 - Berlin), ou encore la Convention sur les règles matérielles relatives aux titres intermédiés de 2009 (Genève). Le Conseil de l’UE et la CE étaient présents et cette dernière a négocié au même titre, et avec le même statut, que les États (possibilité de soumettre des observations, de prendre la parole, de participer à tous les comités, …).

Par ailleurs, étant donné qu’à l’échelle mondiale, contrairement à la situation au sein de l’UE, il n’existe pas d’organe judiciaire central pour garantir l’interprétation uniforme des conventions d’UNIDROIT par les autorités nationales, les Conventions sont rédigées avec la plus grande précision dans un objectif de certitude, de prévisibilité et d’uniformité maximales. Les conventions d’UNIDROIT sont, du point de vue du droit international public,

Page 334: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

324

aptes à être considérés comme des instruments « self-executing » ou d’application directe d’où il résulte une assez grande cohérence dans l’application de ces instruments.

Tous les États membres de l’UE ne sont pas parties à la Convention d’UNIDROIT de 1995 451, mais cette Convention a exercé une influence évidente en la matière puisqu’elle a servi de base aux travaux qui ont mené à l’adoption de la directive 93/7/CEE du 15 mars 1993 relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre. Ainsi, de nombreux États européens ont emprunté des principes, des concepts et des règles énoncés dans la Convention de 1995 lors de la transposition de la directive dans leur législation nationale. Il convient de noter que plusieurs États membres de l’UE sont devenus Parties à la Convention de l’UNESCO de 1970 (presque 40 ans après son adoption !) suite à l’adoption de la Convention d’UNIDROIT de 1995.

b. Adhésion de l’UE aux Conventions d’UNIDROIT (en particulier celle de 1995)

Les Conventions d’UNIDROIT les plus récentes contiennent une disposition intitulée « Organisations régionales d’intégration économique » qui permet à de telles organisations « constituée[s] par des États souverains et ayant compétence sur certaines matières régies par la [...] Convention de signer, accepter ou approuver la Convention ou d’y adhérer ». C’est ainsi que l’UE a adhéré à la Convention du Cap et à son Protocole aéronautique de 2001 (les déclarations faites lors de l’adhésion indiquent les matières pour lesquelles les États membres ont délégué leur compétence à l’UE), et a signé le Protocole ferroviaire de 2007.

La Convention d’UNIDROIT de 1995 ne contient pas quant à elle une telle disposition. Toutefois, si un intérêt de l’UE à y adhérer se manifeste, les deux organisations pourraient entamer des négociations avec les États Parties pour essayer de surmonter les difficultés résultant de l’absence d’une telle clause dans ladite Convention.

La Convention d’UNIDROIT de 1995 contient une clause dite de déconnexion 452 qui donne aux États membres d’organisations d’intégration

451 - États membres de l’UE parties à la Convention d’UNIDROIT de 1995 : Chypre, Danemark, Espagne, Finlande, Grèce, Hongrie, Italie, Lituanie, Portugal, Roumanie, Slovaquie et Slovénie. - État, candidat à l’adhésion à l’Union, partie à la Convention d’UNIDROIT de 1995 : Croatie. - Autre État européen partie à la Convention d’UNIDROIT de 1995 : Azerbaïdjan. Par ailleurs, la Convention de 1995 a été signée par la France, les Pays-Bas (États membres) et par la Suisse (autre État européen). 452 Article 13(3) de la Convention d’UNIDROIT de 1995 : « 3) Dans leurs relations mutuelles, les États contractants membres d’organisations d’intégration économique ou d’entités régionales peuvent déclarer qu’ils appliquent les règles internes de ces organisations

Page 335: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

325

économique régionale la possibilité d’appliquer, dans leurs relations mutuelles, les règles internes de ces organisations et non pas celles de la Convention. Cette disposition a été manifestement, mais pas seulement, insérée pour permettre aux États membres de l’UE d’appliquer, dans leurs relations mutuelles, la directive de 1993, plutôt que les dispositions de la Convention.

Pourtant, seuls cinq États membres de l’UE (Finlande, Grèce, Italie, Norvège et Espagne) ont choisi cette possibilité : sur les 12 États membres de l’UE Parties à la Convention. Mais il faut rappeler qu’aucune disposition de la Convention d’UNIDROIT ne peut être considérée comme contraire au principe de libre circulation des marchandises (rappelons que les auteurs se sont fortement inspirés des travaux d’UNIDROIT), et que la ratification de la Convention, sans la déclaration de l’article 13(3), serait neutre s’agissant des relations d’un État membre avec ses partenaires de l’UE.

II. La complémentarité avec les travaux et activités de l’UNESCO et d’UNIDROIT en matière de lutte contre le trafic illicite des biens culturels: vers une compétence réaffirmée et élargie de l’UE ?

« Le Traité de Maastricht a permis à l’Union européenne, historiquement orientée vers l’économie et le commerce, de mener des actions culturelles pour la sauvegarde, la diffusion et le développement de la culture en Europe. Son rôle est cependant limité à favoriser les actions de coopération entre les opérateurs culturels des différents États membres ou à compléter leurs initiatives afin de contribuer à l’épanouissement des cultures dans le respect de leur diversité nationale ou régionale […] 453 ».

En juin 2008, le Conseil européen a confirmé le rôle essentiel de la coopération culturelle et du dialogue interculturel dans les politiques extérieures de l’UE. Dans ce contexte, le Conseil de l’UE et les représentants des gouvernements des États membres, ont invité les États membres et la Commission, dans ses conclusions, à prendre des mesures pour atteindre trois objectifs politiques dont « encourager la ratification et la mise en œuvre de la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles » de 2005 (JO C 320 du 16 décembre 2008). Sur les 27 États membres, 26 sont parties à la Convention. La Belgique ayant terminé son processus interne de ratification, elle devrait déposer sous peu son instrument de ratification. Tout récemment, le Parlement européen a également encouragé les pays tiers à ratifier la Convention (Résolution du Parlement européen du 12 mai 2011 sur les dimensions culturelles des actions extérieures de l’UE (2010/2161(INI)).

ou entités et n’appliquent donc pas dans ces relations les dispositions de la présente Convention dont le champ d’application coïncide avec celui de ces règles ». 453 Cf. http://europa.eu/legislation_summaries/culture/index_fr.htm.

Page 336: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

326

Par ailleurs, UNIDROIT et l’UNESCO se réjouissent de la décision de mettre en place une stratégie globale pour intégrer la culture dans les politiques de relations extérieures de l’UE, ainsi que des stratégies spécifiques avec les pays tiers et les autres régions du monde et, dans cette perspective, que la CE et les États membres devraient améliorer le soutien « à la protection, à la préservation et à la promotion du patrimoine culturel et à la coopération internationale dans le domaine de la lutte contre le vol et le trafic illicite de biens culturels. » C’est bien entendu dans ce cadre que se situe l’étude proposée par le CECOJI à laquelle l’UNESCO et UNIDROIT sont des partenaires institutionnels.

A. Ratification des Conventions de l’UNESCO de 1970 et d’UNIDROIT de 1995

L’UNESCO et UNIDROIT invitent le Conseil de l’UE à proposer aux États membres et la Commission qu’ils prennent des mesures pour atteindre un quatrième objectif politique (voir ci-dessus), à savoir d’encourager la ratification et la mise en œuvre de la Convention de l’UNESCO de 1970 et de la Convention d’UNIDROIT de 1995 (comme il l’a fait pour la Convention de l’UNESCO de 2005).

B. Rapprochement des législations Il est évident que l’un des obstacles juridiques dans le cadre de cette étude

est la distorsion négative issue de la diversité des instruments civils et pénaux qui permet aux acteurs de choisir les places de marché à moindre risques au gré des facilités de circulation. La directive de 1993 a pour objet la reconnaissance mutuelle des législations des États membres, et non le rapprochement, ce qui limite pourtant sa portée puisque c’est justement cette diversité qui pose problème. Or, en matière de restitution et de retour des biens culturels volés ou illicitement exportés, un tel rapprochement, voire une harmonisation, est souhaitable pour mieux combattre le trafic illicite.

L’un des aspects principaux de rapprochement des législations souhaitable concerne les régimes de protection de l’acquéreur de bonne foi. Il est inutile de rappeler combien le régime diffère d’un pays à l’autre, et combien ces différences ont une influence sur le lieu de situation des transactions de biens volés ou illicitement exportés et, enfin, sur la possibilité de restitution de ces biens. Or ni la directive de 1993, ni la Convention de l’UNESCO n’apportent de réponse satisfaisante à cette question puisque les deux instruments renvoient au droit interne (et, ainsi, aux régimes différents). La Convention d’UNIDROIT, parce qu’elle met en place des règles matérielles de droit uniforme, supprime ces différences.

Au vu des ratifications récentes de la Convention de l’UNESCO de1970 par les États membres, il est clair que ces États ont préféré un instrument qui, en ce qui concerne les questions de restitutions et de retours, leur indiquent un objectif à atteindre par la voie du renvoi au droit interne ou de la

Page 337: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

327

reconnaissance mutuelle des législations nationales. Ils auraient pu faire un pas en avant en devenant Parties à la Convention d’UNIDROIT de 1995 qui pose des règles matérielles uniformes. C’est pourtant ce vers quoi il faut tendre.

Il ressort du rapport le plus récent sur l’application de la directive qu’il conviendrait d’en améliorer l’efficacité en élargissant la portée de la directive (elle ne concerne pas le vol de biens culturels), en allongeant les délais de prescription d’un à trois ans (s’alignant de la sorte sur la Convention d’UNIDROIT de 1995 tant critiquée sur ce point à l’époque) et en amplifiant les biens couverts. La définition des biens culturels couverts devrait en effet moins relever de la décision de chaque État membre. L’UNESCO et UNIDROIT ne peuvent que se réjouir de cette perspective et de pouvoir coopérer avec les instances communautaires en apportant leur expérience dans ces domaines.

Enfin, le fait que la directive ait été peu mise en œuvre (cf motifs donnés dans le troisième rapport de l’Union européenne 454) à ce jour, tout comme la Convention d’UNIDROIT de 1995 (peu d’informations disponibles), ne signifie pas que ces textes ne sont pas efficaces. La Convention d’UNIDROIT de 1995 a un effet moralisateur (comme la directive) voulu sur les acquéreurs potentiels (la restitution à l’amiable pour éviter la procédure est un effet positif).

C. La proposition d’un modèle unique de certificat d’exportation La Convention de l’UNESCO de 1970 et la Convention d’UNIDROIT de

1995 font toutes deux références à l’utilisation de certificats d’exportation pour les biens culturels.

Sur la base du Modèle de certificat d’exportation de biens culturels 455 établi par les Secrétariats de l’UNESCO et de l’Organisation mondiale des douanes (OMD) qui coopèrent pour combattre le trafic illicite de biens culturels, il est recommandé que l’UE se dote d’un certificat unique similaire, outil pratique spécialement adapté au phénomène croissant de circulation transfrontalière des objets culturels et donc des exportations illicites.

Sachant qu’à l’heure actuelle la plupart des pays utilisent un seul et même formulaire d’exportation pour les objets « ordinaires » (ordinateurs, vêtements, etc.) et les objets culturels, ce modèle tend à répondre à des exigences utiles pour assurer l’identification et la traçabilité de ce type d’objets, adapté à la nature spécifique des biens culturels, rappelant ainsi le fait que ces biens ne sont nullement des marchandises comme les autres sans toutefois être trop contraignant pour les exportateurs et les services de douanes.

454 Rapport de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen du 30 juillet 2009 - Troisième rapport sur l’application de la directive 93/7/CEE du Conseil relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre [COM(2009) 408 final - non publié au Journal officiel]. 455 Cf. http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001396/139620F.pdf.

Page 338: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

328

L’UNESCO recommande que les 27 États membres de l’UE adoptent, en totalité ou en partie, un modèle de certificat d’exportation de biens culturels similaire et en fasse leur certificat national d’exportation pour ces biens spécifiques.

Ce certificat type facilitera la tâche des États ainsi que celle des autorités douanières et de police au sein de l’UE et à ses points de sortie, tout en dotant chaque bien culturel d’une fiche d’identité qui contribue à prouver sa provenance. Le certificat d’exportation élaboré conjointement par l’UNESCO et l’OMD est aussi destiné aux particuliers souhaitant exporter des biens culturels. Si son adoption venait à se généraliser au niveau européen voire mondial, de sorte qu’il ferait ainsi office de norme internationale, il offrirait de nombreux avantages aux États et faciliterait le travail des services dédiés à la lutte contre le trafic de biens culturels.

D. Une norme d’inventaire standardisée Les services de police ont depuis longtemps reconnu l’importance d’une

documentation de qualité dans la lutte contre le vol d’objets d’art, une des mesures requises ou mentionnées par les Conventions de 1970 et 1995. En effet, la documentation s’avère cruciale lorsqu’il s’agit de protéger les objets d’art et les antiquités, car les officiers de police peuvent rarement retrouver et retourner à leurs propriétaires des objets qui n’ont été ni photographiés ni décrits de façon adéquate. Les forces de police ont en leur possession un grand nombre d’objets découverts lors d’opérations, mais qui ne peuvent être rendus à leurs propriétaires faute de documentation permettant d’identifier les victimes. L’objectif est de lutter aujourd’hui contre l’appropriation illégale des objets d’art favorisant la diffusion de la documentation sur les biens culturels et en rapprochant les organisations à travers le monde qui peuvent encourager son application. L’utilisation d’une norme unique d’inventaire des biens culturels est soutenue par des agences de maintien de l’ordre comme le FBI, Scotland Yard, et par des entités comme l’UNESCO, UNIDROIT, INTERPOL, les musées, les organisations de patrimoine culturel, les organisations du marché de l’art et d’évaluation d’art, et les compagnies d’assurance.

Il est souhaitable d’encourager les États membres de l’UE à mettre en place un système d’inventaire nationale du patrimoine culturel (public et/ou privé) et à se doter d’une norme commune de description d’objets culturels, distincte des inventaires, à l’exemple de la norme internationale Object ID promue par l’UNESCO et l’ICOM 456. Cette norme est le résultat d’années de recherche menée en collaboration avec les musées, les forces de police internationales, les commissions douanières, le marché de l’art, le secteur des assurances et les experts.

456 http://archives.icom.museum/object-id/index_fr.html.

Page 339: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

329

E. Une réponse commune dans la lutte contre le trafic par Internet Une enquête d’INTERPOL menée dans 56 États membres de cette

Organisation démontre que le trafic illicite d’objets culturels sur Internet est un problème très préoccupant et qui s’aggrave, tant pour les pays dit d’origine ou pays sources (ceux où le vol s’est produit) que pour les pays dits importateurs ou de destination (ceux où le bien est vendu, licitement ou illicitement).

Il est avéré que l’importance, la provenance et l’authenticité des objets culturels mis en vente sur Internet sont extrêmement variables. Certains objets ont une valeur historique, artistique ou culturelle, d’autres non ; leur origine peut être licite ou illicite, ils peuvent être authentiques ou de simples faux. La plupart des pays n’ont pas les moyens de vérifier toutes les ventes sur Internet ni d’enquêter sur toutes les offres de nature douteuse. Cependant, tous devraient s’efforcer de combattre le trafic illicite d’objets culturels sur Internet en adoptant les mesures appropriées.

Les experts de l’UNESCO, d’INTERPOL et de l’ICOM ont examiné cette question et ont convenu que la surveillance d’Internet posait un certain nombre de problèmes pour les raisons suivantes :

a) le volume et la diversité des objets mis en vente ; b) la diversité des lieux ou des plateformes de vente d’objets culturels sur

Internet ; c) l’absence d’informations qui permettraient de bien identifier les objets ; d) le peu de temps disponible pour réagir étant donné la brièveté des

enchères ; e) la situation juridique des sociétés, entités ou particuliers qui sont à

l’origine de la vente d’objets culturels sur Internet ; f) la complexité des questions de juridiction posées par ces ventes ; g) le fait que les objets vendus se trouvent souvent dans un pays autre que

celui où se situe la plateforme de vente sur Internet 457. Par conséquent, une liste de mesures élémentaires à prendre pour mettre un

frein au développement de la vente illicite d’objets culturels sur Internet a été élaborée, qui vise à :

- encourager vivement les plateformes de vente sur Internet à afficher un avertissement aux acquéreurs et vendeurs sur toutes leurs pages de vente d’objets culturels ;

- demander aux plateformes de vente sur Internet de communiquer les informations pertinentes aux services chargés de l’application de la loi et de coopérer avec elles dans le cadre des enquêtes effectuées sur la mise en vente d’objets culturels de provenance douteuse ;

457 http://portal.unesco.org/culture/fr/files/21559/11836449659MesuresTraficIllicite.pdf/ MesuresTraficIllicite.pdf.

Page 340: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

330

- mettre en place une autorité centrale (par exemple au sein des forces de police nationales) également responsable de la protection des biens culturels, chargée de suivre et de contrôler en permanence la vente d’objets culturels sur Internet ;

- coopérer avec la police nationale et les polices étrangères et avec INTERPOL, ainsi qu’avec les autorités compétentes des autres États concernés ;

- tenir des statistiques et enregistrer les informations relatives aux vérifications qui ont fait l’objet de vente d’objets culturels sur Internet, aux vendeurs et aux résultats obtenus ;

- instaurer des mesures juridiques permettant la saisie des objets culturels en cas de doute raisonnable sur leur provenance ;

- assurer la restitution à leurs propriétaires légitimes des objets de provenance illicite qui ont été saisis 458.

L’UNESCO suggère que les autorités européennes, appuyée par INTERPOL et les forces de police nationales spécialisées dans la protection des biens culturels (par exemple en France et en Italie) encouragent les 27 États membres de l’UE à adopter des mesures de prévention du trafic par Internet en formant des unités de polices ad hoc et en se rapprochant des plateformes de vente aux enchères établies dans leur pays mieux vérifier l’origine et la nature des biens culturels qui transitent par Internet.

F. Une communautarisation des moyens de formation de la police et des douanes

Parmi les mesures que les États parties à la Convention de l’UNESCO pourraient adopter dans leur législation afin de se doter d’un arsenal juridique et opérationnel apte à protéger le patrimoine culturel national de façon adéquate, figurent la mise en place et le financement de services et unités nationales spécialisées dédiés à la lutte contre le trafic illicite et le renforcement des capacités institutionnelles dans ce domaine. Il s’agit d’encourager la formation de services de police et de douane spécialisés. A cet effet, une mise en commun des ressources des 27 États membres, basée sur l’expérience accumulée par certains corps de police et de douane spécialisés comme en Belgique, France, Grèce, Hongrie, Italie et, Royaume-Uni, pourrait permettre d’assurer une formation commune dans ces pays des officiers spécialisés. Cette formation pourrait en particulier se faire avec le soutien des experts d’INTERPOL et de l’Organisation mondiale des douanes.

458 http://portal.unesco.org/culture/fr/files/21559/11836449659MesuresTraficIllicite.pdf/ MesuresTraficIllicite.pdf.

Page 341: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

331

G. Des Codes de déontologie de référence et une responsabilisation du marché par des registres

(i) Codes de déontologie Les professionnels du commerce des biens culturels reconnaissent le rôle

clé que ce commerce joue traditionnellement dans la diffusion de la culture et la distribution aux musées et aux collectionneurs privés de biens culturels étrangers, sources d’éducation et d’inspiration de tous les peuples. A l’incitation de l’UNESCO, d’UNIDROIT et de l’ICOM en particulier, ils prennent en compte les inquiétudes exprimées dans le monde entier à propos du trafic de biens culturels volés, illicitement aliénés, provenant de fouilles clandestines et exportés illicitement et acceptent d’être liés par des principes de pratique professionnelle destinés à permettre de distinguer les biens culturels issus du commerce illicite de ceux émanent du commerce licite ; ainsi ils s’efforcent d’éliminer les premiers de leurs activités professionnelles.

Le Code international de déontologie pour les négociants en biens culturels a été adopté par le Comité intergouvernemental de l’UNESCO pour la promotion du retour de biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale au cours de sa dixième session, en janvier 1999, et a été approuvé par la 30e session de la Conférence générale de l’UNESCO, en novembre 1999 459.

La raison d’être de ce Code international est de fournir une version harmonisée des nombreux codes de négociants existant au niveau national et traitant du trafic illicite, d’éviter les problèmes que les dispositions en vigueur de ces codes ont révélé dans le passé et de donner une reconnaissance internationale aux négociants qui l’adoptent. Le Code est juridiquement non contraignant. Il faut souligner que les codes de déontologie (ou codes de due diligence) ont davantage d’impact, et se sont multipliés, depuis la Convention d’UNIDROIT dont l’article 4(4) indique clairement que l’acquisition de biens culturels chez un négociant d’art de renom volontairement lié par un code de conduite professionnelle constitue un élément important pour déterminer si le degré de diligence exercée par le possesseur dans le but d’établir un droit d’indemnité pour un objet qui a été illégalement vendu et devant être restitué (« la qualité des parties »).

Repris à son compte par l’UE pour le compte des 27, un tel Code pourrait servir de modèle pour les codes nationaux, ne devrait pas être imposé à la communauté des négociants d’art et devrait être adopté volontairement et en étroite coopération avec les associations de négociants d’art en Europe, aux niveaux régional et national. Les négociants liés par un tel Code ne devraient pas aider aux transactions d’objets d’art dont la provenance est incertaine et, notamment, ils ne devraient pas acheter, vendre ou évaluer des biens culturels

459 http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001213/121320m.pdf.

Page 342: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

332

qui pourraient être volés, illicitement exportés ou provenir de pays actuellement en conflit ou d’un territoire occupé. Par ailleurs, ces négociants devraient avoir le droit d’utiliser un logo spécial ou signe distinctif afin que les clients potentiels soient informés de leur engagement à vendre des objets culturels d’origine légale. En outre, l’affichage d’un tel logo ou signe distinctif prouverait la crédibilité de ces négociants. Enfin, les associations nationales de négociants d’art devraient établir un registre témoignant de leur intention d’être juridiquement lié à ce Code. Un tel registre empêcherait une utilisation abusive du logo spécial ou signe distinctif et les négociants en faisant un tel usage seraient soumis à des sanctions conformément aux dispositions pertinentes des associations concernées.

Il est intéressant de noter que l’article 7.2 du Code de déontologie de l’ICOM pour les musées cite, notamment, les Conventions de l’UNESCO de 1970 et la Convention d’UNIDROIT de 1995 en tant que législation internationale servant de norme à l’interprétation du Code et dont la politique des musées doit prendre acte. On indiquera également le soutien apporté par la CINOA (Confédération internationale des négociants en œuvres d’art) à ces deux instruments.

(ii) Registre de transaction et de police Chaque État présente des spécificités en termes d’histoire et de législation

nationale, notamment dans le domaine des biens culturels. C’est pourquoi l’UNESCO encourage ses États membres et suggère que les 27 États membres de l’UE soient également incités à examiner leur législation nationale et à la réviser ou en renforcer les dispositions le cas échéant. Cette législation doit comporter plusieurs points destinés à mieux protéger les biens culturels contre le trafic illicite et notamment à veiller à ce que les antiquaires, maisons de vente et autres acteurs du marché de l’art (courtiers, galeristes, responsables de dépôts-ventes) tiennent un registre de toutes les transactions concernant les biens culturels. Ils devraient notamment, dans ces registres, indiquer :

- le nom du vendeur et de l’acheteur, - la date d’achat, - la description de l’objet, - son prix, - sa provenance, - et le certificat d’exportation (ou d’importation le cas échéant). Ces données doivent être conservées durant une période raisonnable,

pouvoir être contrôlées régulièrement et fournies aux autorités nationales.

III. Travaux normatifs dans d’autres enceintes intergouvernementales

Le trafic illicite des biens culturels est largement reconnu comme étant l’un des plus répandus en matière de crime international. Les sommes provenant

Page 343: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

333

des vols, de la contrefaçon, des demandes de rançons et des opérations de cambriolages organisés permettent souvent de financer d’autres activités criminelles, les objets eux-mêmes servant à la fois de monnaie d’échange entre criminels et de moyens de blanchiment d’argent.

Toutefois, eu égard au débat actuellement en cours dans d’autres enceintes internationales afin d’envisager de nouveaux instruments normatifs concernant la lutte contre le trafic illicite et la restitution des biens culturels, l’UNESCO et UNIDROIT soulignent qu’il est préférable d’éviter une dispersion des forces et des moyens consacrés à la coopération internationale en ce domaine et que la priorité doit plutôt être donnée à la mise en œuvre pleine et entière des instruments internationaux et régionaux existants. Cela doit se faire en particulier par le biais d’une plus large ratification par tous les États des traités en vigueur depuis 40 et 15 ans, afin de les rendre universellement applicables (la Convention de 1970 compte 120 États parties et celle de 1995 en regroupe 32), à l’instar de la Convention de 1972 concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel. Il est primordial de donner plein effet aux dispositions juridiques et opérationnelles des Conventions de 1970 et 1995, avec le soutien de l’UE, avant d’envisager la négociation, rédaction et hypothétique adoption d’un nouveau traité dont de nombreux États, en particulier ceux abritant un marché de l’art, rejettent d’ores et déjà le principe.

3.2. INTERPOL INTERPOL’s contribution to the study on the illicit traffic in cultural

property in the EU The main mission of INTERPOL is the promotion of international co-

operation between law enforcement agencies in combating crime. In practical terms, INTERPOL develops tools and services aiming at assisting its member countries (188) in their investigations and in other relevant activities, such as crime prevention and training. All EU member countries are also members of the Organization.

While INTERPOL can offer tools and services and further develop them in making them more attractive and user friendly, the main actors in this international co-operation are the member states who decide if at all and to which extent they make use of the existing tools.

The following conditions in the member countries have a considerable impact on their capability to co-operate efficiently on an international level:

a) Specialized services and networks Experience clearly shows that countries, which have installed specialized

services at law enforcement level, are in a quite better position to co-operate internationally. They have gathered more expertise in the subject matter, have usually built a network with other specialized units, are in contact with

Page 344: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

334

specialists from other agencies, services, institutions, art trade professionals and experts. They have better knowledge of existing specific laws and regulations, and international conventions. In an ideal way, these specialized units are coordinated and can thus serve as focal points of contact, both domestically and internationally.

From INTERPOL’s perspective, it would be an advantage if these contact points could be located in the country’s INTERPOL National Central Bureau with all the relevant telecommunication network and database accesses already available, or at least keep a very close contact with the NCB.

The idea of setting up a parallel network of contact points sounds attractive concerning a particular police investigation with the possibility to directly get in touch with the specialists in other countries. On the other hand, a network based on individual actors needs to be constantly updated bearing in mind the frequent changes of organizational structures, re-allocation of staff, changing of tasks as a result of professional careers, etc. It seems therefore more stable to rely on an institutional structure rather than on an individual based network. Moreover, the co-existence of an institution based and an individual based network most probably results in weakening both as some countries will choose to use one rather than the other and vice and versa.

Finally, the usefulness of these networks largely depends on the purpose they are supposed to serve. If the main purpose is sharing information on cultural property thefts and details of the stolen property, the information channel should clearly enable the appropriate follow-up action, i. e. integration of the information in a database, which is widely accessible. In this respect, using INTERPOL channels is the only reasonable option because the infrastructure is already in place, it is being increasingly used and in particular by the EU member states with a project underway aiming at facilitating both data supply and query, see last paragraph.

Specialization limited to law enforcement agencies does not allow exploiting the full potential of intervention measures in the prosecution process. Sometimes, the magistrates use to apply general legal provisions (e. g. governing theft or receiving stolen property), but are not always very familiar with specific legislation on cultural property. There is clearly an incontestable advantage in installing specialized prosecution offices / courts to deal with cultural property crime issues, as it is the case for other specialized crime areas (e. g. financial crime, money laundering). This has been put in place in Italy with undeniable success and may serve as an example for good practice in other countries.

b) Domestic and inter-agency co-operation

Page 345: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

335

Effective international co-operation is necessarily based on a well functioning domestic co-operation. This co-operation has to be developed within the same sector (in the police sector between local, regional and national services, between different agencies working in the same field, e. g. gendarmerie / judicial police, Carabinieri / national police, Guardia civil / national police). An institutionalized co-operation is certainly more efficient than a co-operation depending on the initiative of the individual actors. This also includes some kind of reporting mechanism, which makes sure relevant information is shared regularly and not just by random.

Co-operation on a national level no doubt benefits from partnering with other agencies, institutions, foundations and experts. The use of INTERPOL channels would also facilitate co-operation with other international partner Organizations, such as UNESCO or ICOM.

c) Continuous capacity building It is recommended that countries provide capacity building, which is to be

refreshed and further developed as crime challenges, tools and methods develop. These efforts in capacity building should be integrated in the training programmes and curricula of law enforcement officers. They should be amended by modules focusing on the international aspect, particularly in the context of the EU. The training initiatives on cultural property crime already conducted by CEPOL since several years are certainly a good approach and should be maintained and intensified. INTERPOL has regularly contributed to these training sessions, while the Organization has itself also conducted own training courses in other regions (Latin America, Asia). This capacity building is even more effective if it is not limited to police agencies only, but also includes customs officials, and representatives of other agencies (Ministries of Culture, museum staff).

d) National stolen works of art databases Countries, which so far have not done so, should examine the possibility of

setting up a stolen works of art database on a national level. This is an important tool for police investigations and various control activities (monitoring the art market, export controls). Countries managing a national database regularly have a genuine interest in collecting relevant domestic information from the local police services, to complete the information with missing details, to get good quality photographs. This provides them with a solid basis and enables the sharing of this information with other partners, internally and externally, including the supply of the data for integration into INTERPOL’s worldwide database.

When developing a national database, countries are recommended to examine the adoption of the same or a similar data structure and search strategies already used in INTERPOL’s database. Built upon findings if an

Page 346: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

336

international working group, they have not only proven their reliability since several years of successful use, but in addition, similar data structures have a significant impact on the transferability of data to INTERPOL’s database.

e) Reliable inventories Accurate and complete documentation accompanied by high quality

photographs are a precondition for search activities. Unfortunately, the lack of inventories makes it impossible to initiate targeted searches and to enter the information in databases. Encouraging the establishment of inventories is therefore a very important step. Whereas the governments may have a direct influence on the inventories and their regular updates in public collections, their role may change to a more consultative function concerning privately owned cultural property (promotion and advice, co-operation with insurance industry, awareness-raising via the media, etc.).

A more advanced option is the development of technical assistance in establishing inventories and their subsequent storage, as recently practiced in a project conducted in Latvia with the support of the European Commission.

f) Prevention measures An effective means to fight against illicit trafficking is certainly the

reduction of thefts. Therefore, efforts should be invested in setting up theft prevention programmes. For this purpose, police in general is well suited to provide specific training, consultation tailored to the specific needs, initiate awareness-raising campaigns in close partnership with other relevant organizations and institutions using the most advanced technologies and the services the media can offer.

g) Traceability Frequently, the subsequent purchases and sales over longer periods make it

difficult to follow the itinerary of a stolen object once it has been detected. Legal provisions allowing tracing the way the objects have taken therefore constitute an invaluable aid for law enforcement investigations. The obligation for a professional art dealer to keep a “police register” and to document for each single item the date and place of the purchase and sale, the name with ID card number of the seller, and the description of the object itself avoids losing the trace of objects in the chain of sales and assists law enforcement in identifying intermediates, receivers and even the thieves. This practice has yielded promising results in several EU countries, such as France and Italy. Similar legal provisions would no doubt have positive effects in other countries, as well.

h) Strengthening and harmonization of legislation All countries should consider checking if their national legislation is still

adequate to enable efficient prosecution of cultural property crimes. Possible

Page 347: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

337

fields to examine are the creation of specific provisions taking into account the particular character of cultural goods as opposed to any other commodities, the strengthening of sanctions in order to give them a more dissuasive quality, considering receiving of stolen property as a continuous crime for which the limitation period does not start with the beginning of the receiving, but with the passing over of the stolen items to other hands, and as an autonomous crime (not dependent on the fact that the initial offence of theft can still prosecuted), no limitation period for thefts of cultural property classified as national treasures, etc. Some of these provisions are successfully practiced in France.

International co-operation is often hampered by different legislations in different countries. Regarding cases dealing with cultural property crimes, this is particularly critical concerning the notion of acquisition in good faith and its legal consequences resulting in the rightfulness of subsequent transactions, the validation of the title of ownership, obligations for compensation, etc. As long as good faith is admitted alone with the absence of knowledge of the illicit origin of the items in question, there is significant loophole for illicit trafficking. Efforts in national legislations and in their jurisprudence admitting good faith only following compliance with a limited catalogue of concrete actions proving the performance of a due diligence process including i. a. the verification of the lawful provenance, the consultation of relevant databases and other registers and sources, and a harmonization on EU level would no doubt make sales of stolen or illegally exported cultural property more difficult. The provisions laid down in the 1995 UNIDROIT Convention in its art. 4 (4) can serve as a guidance in this respect.

Harmonization of export declarations for cultural property would also contribute to optimizing the customs procedures. The World Customs Organization and UNESCO have developed a model export certificate and are promoting its use world wide. As EU countries are main import, export and transit countries for cultural property, the more EU countries join this initiative, the higher would be impact.

Knowledge of legal provisions in other countries is vital for a promising international co-operation. Since several years, the UNESCO has established a database of national legislations on cultural heritage, which is publicly available on their website. Again, an effective use of this already existing tool by contributing with updated national legislations and consulting the legal texts when necessary improves international co-operation.

i) Information sharing The basic element of co-operation is the sharing of relevant information,

both nationally and internationally. INTERPOL provides the technical infrastructure to enable fast, reliable, and secure information exchange

Page 348: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

338

through its worldwide telecommunication system I-24/7. The technology does not only allow the transmission of information, but grants also access to a number of databases including the stolen works of art database.

INTERPOL has also developed further tools of information sharing. Alerts following particular crime incidents, significant thefts or recoveries are regularly published on the Organization’s web site, as well as the notification of conferences and meetings. Other instruments, such as a poster of the most wanted works of art, published twice a year, contribute to intensifying the searches for major stolen cultural property items, but are also a means of raising public awareness

j) INTERPOL’s database project The most important requirement for law enforcement officers investigating

art crime cases is the possibility to conduct searches in a reliable international stolen art database. INTERPOL has created this database in 1995 and has continuously upgraded its contents, functions, and accessibility. Currently, the database is holding data of c. 38, 000 individual objects reported by some 125 member countries. European countries are the most frequent users, both in terms of data provision and data query. This is not surprising as European countries suffer at the same time the most from a huge number of art thefts, but they are also among the prevailing destinations and transit areas.

The reliability of the information is supported by very strict data processing rules, which only allow the integration of data officially received by the INTERPOL NCBs in addition to some international organizations (UNESCO, ICOM) under specific co-operation agreements.

Mechanisms have been created enabling remote searches by law enforcement agencies (already since 1999), but also by the public using INTERPOL’s secure website (since 17 August 2009). As a result, the number of queries against INTERPOL’s stolen art database has considerably increased and will reach c. 15, 000 for the entire year 2011.

However, the usefulness of a database is also related to the wealth of information it contains. In order to increase the information in INTERPOL’s database, INTERPOL has initiated a project of modernizing its database following the conclusion of the Council of the European Union (CRIMORG 166; ENFOPOL 191; 14224/2/08 dated 3 November 2008) which recognized INTERPOL’s database as the tool to be used and encouraged the Organization to develop an automatic data exchange system, an automatic transfer of data from national databases, and the facilitation of the query process by using advanced technology, such as image comparison.

INTERPOL laid the foundations for this modernization project in creating a specific working group on information exchange on stolen cultural property

Page 349: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

339

with the participation of several EU member countries (Austria, Belgium, Czech Republic, France, Italy Spain).

In 2011, in order to solicit financial support from the European Commission’s ISEC programme for the project, a strong partnership between INTERPOL and Italy was initiated in 2011. The Italian specialised Carabinieri Unit for the Protection of Cultural Heritage which manages the world’s largest national database on stolen works of art is therefore co-leading this project.

The project foresees the following steps: – Creation of a formatted message enabling direct data integration

from member countries – Data transfer from national databases to INTERPOL’s database – Amendment of the database by an image comparison component – Provision of training (both traditional training sessions and e-

learning modules) to enable the best use of the tools The project has been presented at the Law enforcement Working Party at

two occasions in 2011. Meanwhile, 20 EU countries have already indicated their interest in and support to the project.

Page 350: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4
Page 351: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

341

Bibliographie

Page 352: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4
Page 353: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

343

RAPPORTS ET OUVRAGES CITES DANS L’ETUDE

Documents communautaires (émis par les organes communautaires ou réalisés pour eux) Parlement européen, Direction générale des Etudes, Document de travail,

La libre circulation des biens culturels au sein de l’Union européenne. Droit communautaire : Nouvelles problématiques, Série « Education et culture », EDUC 102 FR, 2-1998, PE 167-82 (cité « Rapport 1998 »)

Rapport de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social sur l’application du règlement (CEE) nº 3911/92 du Conseil concernant l’exportation de biens culturels et de la directive 93/7/CEE du Conseil relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un Etat membre, Bruxelles, 25.05.2000, COM(2000) 325 final (cité « Rapport 2000 »)

Parlement européen, Document de séance, Rapport sur le rapport de la Commission sur l’application du règlement (CEE) n° 3911/92 du Conseil concernant l’exportation de biens culturels et de la directive 93/7/CEE du Conseil relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre (COM(2000) 325 . C5-0509/2000 - 2000/2246(CNS)), Commission de la culture, de la jeunesse, de l’éducation, des médias et des Sports, FINAL A5-0122/2001 (cité « Rapport 2001 »)

Résolution du Conseil du 21 janvier 2002 concernant le rapport de la Commission sur l'application du règlement (CEE) no 3911/92 concernant l'exportation de biens culturels et de la directive 93/7/CEE relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un État membre (2002/C 32/03)

Parlement européen, Document de séance, Rapport sur un cadre juridique pour la libre circulation dans le marché intérieur des biens dont la propriété est susceptible d'être contestée (2002/2114(INI)), Commission juridique et du marché intérieur, final, A5-0408/2003

Rapport de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social, Deuxième rapport sur l'application de la Directive 93/7/CEE du Conseil relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un Etat membre, Bruxelles, 21.12.2005, COM(2005) 675 final (cité « Rapport 2005 »)

Rapport de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social, Troisième rapport sur l'application de la directive 93/7/CEE du Conseil relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un État membre, Bruxelles, 30.7.2009, COM(2009) 408 final (cité « Rapport 2009 »)

Conclusions du Conseil de l’Union européenne relatives à la prévention et à la lutte contre le trafic illicite de biens culturels, Bruxelles le 3 novembre 2008, 14224/2/08 REV2, CRIMORG 166, ENFOPOL 191

Page 354: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

344

Appel d’offre MARKT/2003/05/C, Analyse des structures et mécanismes de diffusion des données nécessaires aux autorités afin de garantir l’application de la directive relative aux biens culturels, Rapport final et Annexes, Information & Communication Partners, 28 décembre 2004 (cité « Rapport 2004 »)

Contrat N° 30-CE-0102617/00-49, Analyse des structures et mécanismes de diffusion des données nécessaires aux autorités afin de garantir l'application de la directive relative aux biens culturels. Extension aux 12 nouveaux Etats membres depuis 2004, Rapport final et annexes, (Auteurs : Marlène Cattelain, Jean-Claude Deheneffe), 31 octobre 2007 (cité « Rapport 2007 »)

Rapport de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social relatif à l'application du règlement (CE) n° 116/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 concernant l'exportation de biens culturels. 1er janvier 2000 - 31 décembre 2010, Bruxelles, 27.6.2011, COM(2011) 382 final (cité « Rapport 2011 »)

Direction générale des politiques internes, Département Thématique B : Politiques structurelles et de cohésion, Culture et éducation, La mobilité des œuvres d’art en Europe, Note, IP/B/CULT/IC/2009-005 04/2009, PE 419.085 (cité « Etude 2009 »)

Lignes directrices pour la coopération administrative entre les autorités compétentes, La protection des biens culturels dans la Communauté, 2003

Documents UNODC Réunion du Groupe intergouvernemental d’experts sur la protection des biens culturels

contre le trafic, Vienne, 24-26 novembre 2009, Protection des biens culturels contre le trafic ; UNODC/CCPCJ/EG.1/2009/CRP.1

Rapport de la réunion du groupe d’experts sur la protection contre le trafic des biens culturels, tenue à Vienne du 24 au 26 novembre 2009, UNODC/CCPCJ/EG.1/2009/2

Commission pour la prévention du crime et la justice pénale, Dix-neuvième session Vienne, 17-21 mai 2010, Point 3 de l’ordre du jour, Débat thématique sur la protection contre le trafic illicite de biens culturels, E/CN.15/2010/L.10

Commission pour la prévention du crime et la justice pénale, Rapport sur la dix-neuvième session (4 décembre 2009 et 17-21 mai 2010), Conseil économique et social, Documents officiels, 2010, Supplément n° 10, E/2010/30 - E/CN.15/2010/20

Commission pour la prévention du crime et la justice pénale, Dix-neuvième session, Vienne, 17-21 mai 2010, Points 3 et 7 de l’ordre du jour provisoire, Débat thématique sur la protection contre le trafic illicite de biens culturels. Utilisation et application des règles et normes des Nations Unies en matière de prévention du crime et de justice pénale, Protection contre le trafic de biens culturels, Rapport du Secrétaire général, E/CN.15/2010/4

Page 355: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

345

Commission pour la prévention du crime et la justice pénale, Dix-neuvième session, Vienne, 17-21 mai 2010, Point 3 de l’ordre du jour provisoire, Débat thématique sur la protection contre le trafic illicite de biens culturels, Recommandations du Groupe intergouvernemental d’experts sur la protection contre le trafic de biens culturels, E/CN.15/2010/5

Commission pour la prévention du crime et la justice pénale, Dix-neuvième session, Vienne, 17-21 mai 2010, Point 3 de l’ordre du jour provisoire, Débat thématique sur la protection contre le trafic illicite de biens culturels, Recommandations du Groupe intergouvernemental d’experts sur la protection contre le trafic de biens culturels, E/CN.15/2010/5

Résolutions ECOSOC ECOSOC Resolution 2003/29, Prevention of crimes that infringe on the cultural

heritage of peoples in the form of movable property ECOSOC Resolution 2004/34, Protection against trafficking in cultural property ECOSOC Resolution 2008/23, Protection against trafficking in cultural property

Rapport du ministère français de la Justice Le trafic de biens culturels dans les Etats membres de l’Union européenne et en Suisse.

Vol et recel de biens culturels, SAEI-Bureau du droit comparé, Ministère de la Justice (France), 2008

Le trafic de biens culturels dans les Etats membres de l’Union européenne et en Suisse, Questions complémentaire, SAEI-Bureau du droit comparé, Ministère de la Justice (France), 2008

Rapports produits dans le cadre du Groupe d’experts sur la mobilité des collections Rapport MOC sur la mobilité des collections, Rapport final, Juin 2010

[Accessible sur http://ec.europa.eu/culture/our-policy-development/doc/mobility_collections_report/reports/mobility_collections_fr.pdf] (cité « Rapport final MOC »)

Groupe de travail d’experts européens sur la mobilité des collections, Sous-groupe sur la prévention du vol et du trafic illicite, Rapport sur la due diligence, Préparé par Smaragda Boutopoulou & Marlen Mouliou (Grèce), février-mai 2010 (cité « MOC Due diligence »)

Autres rapports et documents Scottish Law Commission, Discussion Paper on Prescription and Title to Moveable

Property, December 2010

Page 356: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

346

Protection de la propriété culturelle et circulation des biens culturels - Étude de droit comparé Europe/Asie, Sous la responsabilité scientifique de Marie Cornu, directrice de recherche au CNRS, Recherche financée par : la mission de recherche « Droit et Justice », convention de recherche n° 26.05.12.20 du 12 mai 2006 et le GDRI CNRS n° 131 « Droit du patrimoine culturel et droit de l’art », Programme de recherche réalisé par le Centre d’études sur la coopération juridique internationale (CECOJI) - UMR 6224 - Université de Poitiers/CNRS, Septembre 2008

B. Bieleman, R. van der Stoep, H. Naayer, Pure art, Preventive crime analysis of the Dutch art and antique trade, Groningen-Rotterdam: Intraval, September 2007

Toshiyuki Kono (ed.), The impact of uniform laws on the protection of cultural heritage and the preservation of cultural heritage in the 21st century, Leiden / Boston: Martinus Nijhoff, 2010

Lars Korsell, Göran Hedlund, Sofia Elwér, Daniel Vesterhav, Anita Heber, Cultural Heritage Crime – the Nordic Dimension, Report 2006:2, The Swedish National Council for Crime Prevention, Information and Publication (cité « Rapport 2006 (pays nordiques) »)

Note d’information sur la rencontre internationale à Rome sur la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, 2009, Direction générale des douanes et droits indirects, France (cité « Note 2009 »)

Ouvrages et articles Christian Armbrüster, « La revendication de biens culturels du point de vue

du droit international privé, in Revue critique, 2004, p. 723-743. Elazar Barkan, « Réparer : une nouvelle morale internationale ? », in Témoins

de l’histoire, Recueil de textes et documents relatifs au retour des biens culturels, Unesco, 2011, p. 83-101

Marie Cornu, Nathalie Mallet-Poujol, Droit, œuvres d’art et musées, CNRS Editions, 2006 (2ème éd.)

France Desmarais, « Un crime ordinaire ? Comment le trafic illicite est une menace pour le patrimoine culturel mondial », Les nouvelles de l’ICOM, n° 1, 2011, p. 14-15

Cédric Eyben, « Quels délais pour la prescription ? Rapport belge », in Patrice Jourdain, Patrick Wéry (dir.), La prescription extinctive, Etudes de droit comparé, Bruylant, 2011

Derek Fincham, « Iran c. Barakat : L’Iran gagne en appel contre Barakat », in Témoins de l’histoire, Recueil de textes et documents relatifs au retour des biens culturels, Unesco, 2011, p. 413-415

Thomas Finkenauer, « Zum Begriff der Rechtsnachfolge in § 221 BGB (§ 198 BGB n.F.) », JZ 2000, p. 241-247

Page 357: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Propositions, recommandations

347

Manlio Frigo, La circolazione internazionale dei beni culturali. Diritto internazionale, diritto comunitario e diritto interno, Milano : Giuffré, 2007, 2 éd., p. 12 ss.

Pierre Gabus, Marc-André Renold, Commentaire LTBC, loi sur le transfert international des biens culturels, Zürich : Schulthess, 2006

Henckel, « Vorbeugender Rechtsschutz in Zivilsachen », AcP 174 (1974), p. 97 ss.

Carl-Heinz Heuer, « Die Kunstraubzüge der Nationalsozialisten und ihre Rückabwicklung », NJW 1999, p. 2558 ss.

Andrea Jaeger, « Internationaler Kulturguterschutz. Rechtslage, Rechtspraxis, Rechtsentwicklung », Köln / Berlin / Bonn / München: Heymann, 1993

Erik Jayme, « Anknüpfungsmaximen für Kulturgüterschutz im internationalen Privatrecht », in Christian Dominicé, Robert Patry, Claude Reymond (dir.), Etudes de droit international en l’honneur de Pierre Lalive, Bâle/Francfort-sur-le-Main : Helbing & Lichtenhahn, 1993, p. 717-732

Erik Jayme, Christian Kohler, « L’interaction des règles de conflit contenues dans le droit dérivé de la Communauté européenne et des conventions de Bruxelles et de Rome », in Rev. Crit. dr. int. Privé, 1995, p. 35

Erik Jayme, Christian Kohler, Europäisches Kollisionsrecht 1995 – Der Dialog der Quellen, IPRax 1995, p. 343 ss.

Erik Jayme, « L’immunité des œuvres d’art prêtées. Quelques procédures et législations récentes en Europe », in M.-A. Renold, P. Gabus (éd.), Claims for restitution of looted art, Genève-Zürich : Schulthess, 2004

Gerhard Kegel, « Von wilden Tieren, zerstreuten Leuten und versunkenen Schiffen. Zum Verhältnis von Besitz und Eigentum beweglicher Sachen », in Hans Claudius Ficker et alii (Hrsg.), Festschrift für Ernst von Caemmerer, Tübigen: Mohr, 1978, p. 149-178

Heinz-Peter Mansel, « Die geplante Reform des Verjährungsrechts », in Wolfgang Ernst, Reinhard Zimmermann (Hrsg.), Zivilrechtswissenschaft und Schuldrechtsreform. Zum Diskussionsentwurf eines Schuldrechtsmodernisierungsgesetzes des Bundesministeriums der Justiz, Tübingen: Mohr/Siebeck, 2001, p. 333-423

Heinz-Peter Mansel, Reinhard Zimmermann, Detlef Leenen, Wolfgang Ernst, « Finis Litium? Zum Verjährungsrecht nach dem Regierungsentwurf eines Schuldrechtsmodernisierungsgesetzes », JZ 2001, p. 684-699

Astrid Müller-Katzenburg, Internationale Standards im Kulturgüterverkehr und ihre Bedeutung für das Sach- und Kollisionsrecht, Berlin: Duncker & Humblot, 1996

Astrid Müller-Katzenburg, « Besitz- und Eigentumssituation bei gestohlenen und sonst abhanden gekommenen Kunstwerken », NJW 1999, Heft 35, p. 2551-2558

Page 358: Étude sur la prévention et la lutte - European Commission · Les différents systèmes de prescription acquisitive et extinctive 110 5.1.3.3. Bonne foi et due diligence 114 5.1.3.4

Étude sur la prévention et la lutte contre le trafic illicite des biens culturels dans l’Union européenne – Contract n° Home/2009/ISEC/PR/019-A2

348

Giovanni Nistri, « La coopération internationale dans la lutte contre les délits relatifs aux biens culturels : l'expérience du commandement des carabinieri pour la protection du patrimoine culturel », in L'entraide judiciaire internationale dans le domaine des biens culturels, Genève : Schulthess, 2011, p. 41-49

Norman Palmer, « L’action en justice : la meilleure solution possible ? », in Témoins de l’histoire, Recueil de textes et documents relatifs au retour des biens culturels, Unesco, 2011, p. 382-391

Frank Peters, Reinhard Zimmermann, Gutachten und Vorschläge zur Überarbeitung des Schuldrechts, Verlag Bundesanzeiger, 1981

Lyndel V. Prott, Patrick J. O’Keefe, Law and the cultural heritage, Vol. 3 “Movement”, Butterworths, London, 1989

Lyndel V. Prott (dir.), Témoins de l’histoire, Recueil de textes et documents relatifs au retour des biens culturels, Unesco, 2011

Marc-André Renold (éd.), L’entraide judiciaire internationale dans le domaine des biens culturels, Centre du droit de l’art, Genève : Schulthess, 2011

Kurt Siehr, « Verjährt ein Anspruch auf Herausgabe des Eigentums? Deutsches Verjährungsrecht vor englischem Gericht », in Michael H. Carl, Herbert Güttler, Kurt Siehr, Kunstdiebstahl vor Gericht : City of Gotha v. Sotheby's / Cobert Finance S.A., Berlin / New York : De Gruyter, 2001, p. 53-76

Kurt Siehr, « Verjährung der Vindikationsklage? », ZRP 2001, p. 346 ss. Matthias Weller, « Immunity for artworks on loan? A review of

international customary law and municipal anti-seizure statutes in light of the Liechtenstein litigation », Vanderbilt Journal of Transnational Law, Oct. 2005, Vol. 38 Issue 4, p. 997-1040