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ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L’ALIMENTATION ET L’AGRICULTURE (FAO) Groupe de Commercialisation des produits agricoles, AGSF de l’organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) Etude sur le financement de la commercialisation des produits agricoles au Bénin Rapport technique Réalisé par : Patrice Y. ADEGBOLA & Alphonse G. SINGBO © septembre 2005

Etude sur le financement de la commercialisation des

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ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L’ALIMENTATION ET L’AGRICULTURE (FAO)

Groupe de Commercialisation des produits agricoles, AGSF de l’organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO)

Etude sur le financement de la commercialisation des produits agricoles au Bénin

Rapport technique

Réalisé par :

Patrice Y. ADEGBOLA & Alphonse G. SINGBO

© septembre 2005

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Résumé Au Bénin, le financement agricole a un rôle majeur à jouer dans le développement économique. Ce rôle est de contribuer au développement agricole par la fourniture de crédit nécessaire à l’amélioration de la production, de la productivité, de la commercialisation, de la qualité de vie et du développement. C’est donc confiant du rôle important du micro crédit dans la réduction de la pauvreté que la banque Mondiale a décrété l’année 2005 l’année du micro crédit.

Ces dernières années sont marquées par l’installation des banques de grande taille et celles de taille modeste qui sont indispensables au développement des activités agricoles en particulier celui du commerce des produits agricoles. L’environnement du micro crédit est donc composé de plusieurs institutions de micro finance. Toutefois, l’accès à ces institutions reste limité malgré la forte demande exprimée par les acteurs du domaine agricole. Quelles sont alors les raisons qui expliquent cette situation ? Comment fonctionne le système financier dans le secteur de la commercialisation des produits agricoles ? Quel est leur niveau d’efficacité, d’équité, de couverture et de durabilité ? C’est pour répondre à toutes ces préoccupations que la présente étude est initiée afin d’appréhender le fonctionnement global du financement de la commercialisation des produits agricoles.

La présente étude a été conduite en trois étapes. La première étape a concerné la revue documentaire des différentes bibliographies dans le domaine des crédits et de la commercialisation des produits agricoles. La deuxième étape a consisté à la collecte des données primaires par questionnaire auprès des commerçants des produits agricoles, des transformateurs et des institutions de micro finance. La troisième étape est consacrée à l’analyse des données et à la rédaction du rapport. Des résultats obtenus, il se dégage ce qui suit :

Le commerce des produits agricoles et maraîchers est dominé par les femmes (94%). Ces femmes ont en majorité un niveau d’instruction relativement bas. Environ 59% n’ont aucun niveau d’instruction (ni alphabétisés). Le commerce des produits agricoles constitue leur principale activité. Elles ont un âge moyen de 39 ans avec en moyenne 15 ans d’expérience dans le commerce des produits agricoles.

Trois grandes catégories de commerçants sont observées dans le système de commercialisation des produits agricoles : les collecteurs, les grossistes et les détaillants. Les détaillants sont les plus nombreux et représentent dans l’ensemble des départements du sud et du centre du Bénin environ 59% de l’ensemble des commerçants. Les grossistes représentent environ 35% contre 6% de collecteurs. Dans les grandes zones de production (les greniers du sud du Bénin que sont les Collines, le Plateau et le Zou), on rencontre un nombre important de grossistes.

Dans le secteur de la commercialisation et de la transformation des produits agricoles (de base et maraîchers), il existe deux principales sources de financement : le capital propre et le crédit. Les crédits offerts par les institutions formelles et informelles. Les institutions formelles sont composées des différentes catégories d’IMF intervenant dans le secteur et qui opèrent dans un environnement régit par la loi PARMEC. Les crédits informels proviennent pour la plupart des autres acteurs du système de commercialisation des produits agricoles, des tontiniers/ usuriers puis des amis et proches. Dans l’ensemble des principaux marchés des départements du sud, du Zou et des Collines, le recours au capital propre constitue la principale source de financement (84% des cas).

Dans l’ensemble des principaux marchés, en plus de l’utilisation du capital propre qui est principalement utilisé, les commerçants des produits agricoles de base font recours au crédit

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auprès des IMF (6%), au crédit auprès d’autres commerçants (6%), au crédit auprès des tontiniers/usuriers (4%). De façon générale, pour compléter leurs apports personnels dans l’exercice de leurs activités de commercialisation, plus de 40% des commerçants de tous les produits agricoles (local et importé) bénéficient des crédits (formels et/ou informels). Ceci traduit l’existence d’un besoin en financement pour la commercialisation des produits agricoles au niveau des commerçants. Deux formes essentielles de crédits sont obtenues par ces commerçants : le crédit de démarrage de l’activité et le crédit de fonctionnement pour une activité déjà mise en œuvre. Cependant, le crédit de fonctionnement reste le principal produit sinon l’essentiel qui est financé par les IMF intervenant dans le domaine.

Au niveau des transformateurs et des propriétaires d’équipements de transformation, l’enquête révèle que deux principales sources de financement sont utilisées. En plus de l’investissement à travers les fonds propres (principale source de financement), environ 16% des transformateurs et 25% des propriétaires d’équipements font recours aux prêts des amis et proches comme source complémentaire de financement. Ces servent souvent à l’approvisionnement en matières premières (cas des transformateurs) ou au complément pour l’acquisition et la maintenance des équipements (cas des propriétaires d’équipements). Ces prêts sont basés sur des relations fraternelles et de confiance. Aucun taux d’intérêt et ni une fixation exacte des échéances de remboursement ne sont appliqués.

Le financement de la commercialisation des produits maraîchers se fait également sur capital propre (surtout au démarrage de l’activité). Toutefois, environ 4% de ces commerçants utilisent les crédits offerts par les IMF, d’autres commerçants en nature puis des amis et proches.

Pour les produits agricoles de base (maïs, riz, gari, igname) et les cultures maraîchères, les grossistes sont ceux qui investissent un capital initial important. Le montant maximum investi par ces grossistes est de 500.000 Fcfa contre 200.000 Fcfa pour les collecteurs et 150.000 Fcfa pour les détaillants.

Entre les commerçants, il existe des liens financiers de vente à crédit des produits agricoles. De façon générale, 80% des collecteurs, 68% des grossistes et 48% des détaillants vendent leurs produits agricoles à crédit aux autres commerçants. Cette forme permet à chacun de se ces acteurs de fidéliser la vente de ses produits. La valeur de ces prêts en nature entre les commerçants varie de 10.000 Fcfa à 200.000 Fcfa selon le pouvoir d’achat du commerçant.. La durée moyenne de remboursement de ces prêts varie entre deux jours d’animation successifs du marché sur lequel le contrat est accordé à un maximum de cinq jours d’animation successifs du marché. Les remboursements n’excèdent donc pas cinq paiements. Ce type de prêt fonctionne également comme celui des amis et proches ou aucun intérêt financier direct n’est pratiqué.

De même, pour fidéliser les producteurs dans l’approvisionnement des produits agricoles, les commerçants font des crédits pour supporter les frais de transport dans le marché. Environ 17% des commerçants des produits agricoles préfinancent les producteurs pour assurer leur approvisionnement en matières premières en période de récolte. Ce sont les grossistes qui utilisent cette stratégie.

Selon les statistiques officielles, on dénombre jusqu’en mars 2005 au total 2.082 institutions formelles de crédit au Bénin. Ces institutions sont réparties en cinq catégories en fonction des textes réglementaires et du type d’organisation : les Institutions Mutualistes ou Coopératives d’Epargne et de Crédit (25%), les Groupement d’Epargne et de Crédit (57%), les Associations et les Organisations Non Gouvernementales (15%), les Sociétés (1%) et les Initiatives Gouvernementales et Projets (2%). Dans le but de rendre plus performantes, les institutions de

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micro finance au Bénin, il est créé depuis le 10 mars 2000, l’Association Nationale des Praticiens de la Micro finance dénommée Consortium Alafia.

Les IMF se sont imposées de par leur nombre, leur couverture du territoire et surtout leur proximité des bénéficiaires. Toutefois, certaines d’entre elles ne sont pas toujours en règle vis à vis de la loi et aussi n’arrivent pas à faire efficacement face à la demande.

Les valeurs des crédits varient fortement d’une IMF à une autre et selon les zones d’intervention. En général, ce sont les Associations (exemple de PAPME) et les ONG qui octroient des crédits allant jusqu’à un million pour la commercialisation des produits agricoles. Les crédits octroyés par les Associations et ONG varient de 20.000 Fcfa à 1.000.000 Fcfa. Au niveau des Coopératives et Mutuelles (exemple des Caisses Locales et de Crédit Agricole Mutuel) les montants alloués aux clients varient de 50.000 à 600.000 Fcfa. Par contre, en ce qui concerne les initiatives gouvernementales (Projets), l’enquête révèle un montant constant de 120.000 Fcfa alloués aux clients. Le crédit connu sous le nom de groupe solidaire est le type le plus développé dans les marchés ruraux du sud et du centre du Bénin. Ce type offre des conditions flexibles aux commerçants.

La durée moyenne des crédits est de 9 mois pour les associations, ONG et les coopératives contre 12 mois pour les projets initiés par le gouvernement. Aucune IMF ne fait de crédits pluriannuels aux commerçants des produits agricoles.

Le taux d’intérêt mensuel des crédits alloués par les IMF aux commerçants des produits agricoles varie d’un taux constant de 2% par mois à un taux dégressif sur encours de 2%. Ainsi, les taux d’intérêts annuels varient de 24% à 13,4%. Le taux le plus élevé est celui pratiqué par les IMF installées dans les zones rurales.

Les services financiers demandés par les commerçants sont principalement liés à la durée du crédit. Ils concernent l’accès de façon durable à un service financier de qualité, un produit (crédit/épargne) adapté à leurs activités et à leurs besoins et un produit (crédit) moins cher.

L’évolution des montants des crédits alloués aux commerçants est en baisse ces dernières années. La multiplicité des IMF n’a donc pas accru le montant des crédits offerts aux commerçants des produits agricoles.

La contrainte majeure au financement de la commercialisation des produits agricoles est le non remboursement du crédit ou le retard observé dans le remboursement. L’analyse détaillée des contraintes liées au non remboursement ou au retard de remboursement du crédit permet d’observer que ces contraintes sont surtout dues au mauvais usage des crédits, les périodicités de remboursement trop courtes, la mévente et l’endettement simultané auprès de plusieurs IMF.

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Table des matières 1 INTRODUCTION............................................................................................................ 1

2 LE FINANCEMENT DE LA COMMERCIALISATION AGRICOLE AU BENIN 2 2.1 LES SOURCES DE FINANCEMENT DE LA COMMERCIALISATION DES PRODUITS AGRICOLES DE BASE AU BENIN................................................................................................ 2 2.2 LES SOURCES DE FINANCEMENT DE LA TRANSFORMATION DES PRODUITS AGRICOLES DE BASE AU BENIN .................................................................................................................. 3 2.3 LE FINANCEMENT DE LA COMMERCIALISATION DES PRODUITS MARAICHERS AU BENIN 5 2.4 CARACTERISTIQUES SOCIO-ECONOMIQUES DES COMMERÇANTS DES PRODUITS AGRICOLES DE BASE ET DES PRODUITS MARAICHERS............................................................... 6

3 TRANSACTIONS LIEES ............................................................................................... 8 3.1 LIENS FINANCIERS ENTRE LES COMMERÇANTS DES PRODUITS AGRICOLES................... 8 3.2 LIENS FINANCIERS ENTRE LES AGRICULTEURS ET LE SYSTEME DE COMMERCIALISATION.............................................................................................................. 9

4 LE ROLE DES INSTITUTIONS FORMELLES DE CREDIT DANS LE FINANCEMENT DE LA COMMERCIALISATION DES PRODUITS AGRICOLES 10

4.1 CARACTERISTIQUES DES DIFFERENTES CATEGORIES D’INSTITUTIONS FORMELLES DU CREDIT AU BENIN .................................................................................................................. 10 4.2 INTERVENTIONS ET FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS FORMELLES DE CREDIT DANS LE FINANCEMENT DE LA COMMERCIALISATION DES PRODUITS AGRICOLES................... 11 4.3 LIENS FINANCIERS ENTRE LES IMF ET LES ACTEURS DE LA COMMERCIALISATION. ... 13 4.4 SERVICES DEMANDES ................................................................................................ 14

5 L’EVOLUTION DU FINANCEMENT DE LA COMMERCIALISATION DEPUIS 1980.......................................................................................................................................... 15

5.1 EVOLUTION DES MUTUELLES ET COOPERATIVES ....................................................... 15 5.2 EVOLUTION DES GROUPEMENTS D’EPARGNE ET DE CREDIT....................................... 16 5.3 EVOLUTION DES ASSOCIATIONS ET ONG.................................................................. 16

6 CONTRAINTES AU FINANCEMENT DES PRODUCTEURS, DES COMMERÇANTS ET DES TRANSFORMATEURS DE PRODUITS AGRICOLES.. 16

7 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS .......................................................... 18

8 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES..................................................................... 20

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Liste des tableaux TABLEAU 1 : SOURCES DE FINANCEMENT DE LA COMMERCIALISATION DES PRINCIPAUX

PRODUITS AGRICOLES DE BASE............................................................................................ 2 TABLEAU 2 : SOURCES DE FINANCEMENT DE LA TRANSFORMATION DES PRODUITS AGRICOLES DE

BASE.................................................................................................................................... 4 TABLEAU 3 : SOURCES DE FINANCEMENT DE LA COMMERCIALISATION DES PRODUITS

MARAICHERS ....................................................................................................................... 6 TABLEAU 4 : CARACTERISTIQUES SOCIO-ECONOMIQUES DES COMMERÇANTS DES PRODUITS

AGRICOLES ET DES PRODUITS MARAICHERS......................................................................... 7 TABLEAU 5 : LIENS FINANCIERS ENTRE LES COMMERÇANTS DES PRODUITS AGRICOLES (% DE

COMMERÇANTS) .................................................................................................................. 8 TABLEAU 6 : POURCENTAGE (%) DES COMMERÇANTS QUI PREFINANCEMENT LES PRODUCTEURS

.......................................................................................................................................... 10 TABLEAU 7 : DIFFERENTES CATEGORIES D’INSTITUTIONS FORMELLES DU CREDIT AU BENIN.... 10 TABLEAU 8 : CARACTERISTIQUES DES CREDITS OFFERTS PAR LES IMF POUR LA

COMMERCIALISATION DES PRODUITS AGRICOLES .............................................................. 13

Liste des figures FIGURE 1 : CAPITAL INITIAL INVESTI DANS LE COMMERCE DES PRODUCTEURS AGRICOLES PAR

ACTEURS ............................................................................................................................. 7 FIGURE 2 : FLUX DE VENTE A CREDIT DES PRODUITS AGRICOLES ENTRE LES DIFFERENTS

ACTEURS ............................................................................................................................. 9 FIGURE 3 : EVOLUTION DES MONTANTS MOYENS DE CREDITS PAR COMMERÇANTS DE 2000 A

2004.................................................................................................................................. 15

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1 Introduction Après la vague des indépendances, la problématique de développement du continent africain prend aujourd’hui une dimension plus grande au regard de la nouvelle donne de l’environnement international, qu’est la mondialisation. Toutefois, tout processus de développement local exige une capacité et une maîtrise de financement. Au Bénin, le secteur agricole qui fournit environ 40% du PIB et occupe 70% de la population. Elle représente aussi bien le secteur économique le plus important du point de vue de l’autosuffisance alimentaire qu’un moyen de se procurer des devises. Le financement agricole a donc un rôle majeur à jouer dans le développement économique du Bénin. En effet, le rôle du financement agricole est de contribuer au développement agricole par la fourniture de crédit nécessaire à l’amélioration de la production, de la productivité, de la commercialisation, de la qualité de vie et du développement en général. Ainsi, dans les différentes politiques de réduction de la pauvreté, le financement des activités agricoles occupe une place de choix.

Lors de la conférence mondiale sur le crédit agricole dans les pays en développement tenue à Rome du 14 au 21 octobre 1975, il est recommandé que les gouvernements des Etats membres de la FAO prennent d’urgence des mesures visant à donner aux petits exploitants agricoles et commerçants agricoles un accès satisfaisant au crédit institutionnel. Les petits commerçants des produits agricoles constituent donc un maillon très important. En effet, le commerce des produits agricoles est une composante essentielle de la stratégie de la sécurité alimentaire. Il permet entre autres, d’augmenter l’approvisionnement national pour satisfaire les besoins de consommation et de réduire les variations de l’approvisionnement puis de rendre plus efficace l’emploi des ressources. La Banque Mondiale confiant du rôle important du micro crédit dans la réduction de la pauvreté a décrété l’année 2005 l’année du micro crédit.

Depuis juillet 1990, le système financier du Bénin, à l’instar de celui qui prévaut dans les autres pays de l’UEMOA, est régi par une nouvelle loi définie au sein de l’Union et ratifiée par l’Assemblée Nationale. Il s’agit plus précisément de la loi 90-018 du 27 juillet 1990 régissant l’exercice de la profession bancaire. Ce cadre institutionnel a été confronté très tôt à la prolifération des institutions de microfinance dans la sous région. Ainsi, en 1997 cette loi a été complétée par la loi cadre portant réglementation des institutions mutualistes ou coopératives d’épargne et de crédit dans l’UEMOA (loi n°97-027 du 08 août au Bénin) connue sous le nom de loi ‘‘PARMEC’’. Ce renforcement de l’arsenal institutionnel et la mise en œuvre en 1990 d’une nouvelle politique monétaire basée sur l’utilisation des instruments indirects (diminution des taux d’intérêt, création du marché monétaire, etc.) ont permis de relancer quelque peu l’activité bancaire au Bénin. On note ces dernières années l’installation des banques de grande taille (majoritaires) et celle de taille modeste qui sont indispensables au développement des activités agricoles, de transformation et des micro entreprises.

L’environnement du micro-crédit est donc composé de plusieurs intervenants. Toutefois, malgré la multiplicité de ces institutions de la micro finance, l’accès au crédit demeure encore largement en deçà de la demande (Cellule de Micro finance, 2004). Quelles sont alors les raisons qui expliquent cette situation ? Comment fonctionne le système financier dans le secteur de la commercialisation des produits agricoles ? Quel est leur niveau d’efficacité, d’équité, de couverture et de durabilité ? C’est pour répondre à toutes ces préoccupations que la présente étude est initiée afin d’appréhender le fonctionnement global du financement de la commercialisation des produits agricoles. La présente étude a concerné les régions du sud et du centre du Bénin.

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2 Le financement de la commercialisation agricole au Bénin 2.1 Les sources de financement de la commercialisation des produits agricoles de base au Bénin

Au Bénin, il existe deux principales sources de financement de la commercialisation des produits de base : le capital propre et le crédit. Les crédits sont offerts par les institutions formelles et les institutions informelles. Les instituions formelles sont composées des différentes catégories d’IMF intervenant dans le secteur et qui opèrent dans un environnement régi par la loi PARMEC. Par contre, les institutions informelles sont représentées par les usuriers/ tontiniers et les prêteurs individuels.

Au niveau des prêteurs individuels, on distingue le crédit sur produits agricoles auprès des producteurs, des commerçants et des transformateurs.

Dans l’ensemble des principaux marchés des départements du sud, du Zou et des Collines, la commercialisation des produits agricoles est principalement financée par le recours au capital propre (Tableau 1). En effet, environ 84% des commerçants utilisent leur capital propre pour démarrer l’activité de commercialisation des produits agricoles. Cependant, environ 6% utilisent le crédit auprès des IMF ou d’autres commerçants contre 4% qui font recours au crédit qu’offre les tontiniers/usuriers. Ainsi, dans la plupart des cas, pour compléter leurs apports personnels dans l’exercice de leurs activités de commercialisation, plus de 40% des commerçants de tous les produits agricoles (local et importé) bénéficient des crédits (formels et/ou informels). Cette situation montre qu’il existe un besoin en financement de la commercialisation au niveau des commerçants.

En ce qui concerne les prêts auprès des amis et proches, l’enquête révèle que les commerçants des produits de base ne font pas recours à ce type de prêts. Les principales raisons sont le manque de confiance et la faiblesse de la capacité financière de la population rurale. Les commerçants expliquent qu’ils utilisent plutôt les amis et proches pour bénéficier du crédit basé sur la caution solidaire auprès des IMF. Ce type de crédit est octroyé à un groupe de trois personnes se connaissant et exerçant des activités similaires. Toutefois, des formes de vente à crédit des produits agricoles de base existent au sein des différents acteurs du système de commercialisation. Tableau 1 : Sources de financement de la commercialisation des principaux produits agricoles de base

Principaux produits agricoles Sources de financement Maïs

(n= 75) Riz local

(n= 9) Gari

(n= 10) Igname (n= 21)

Ensemble (n=81)

Fonds propre 85,3 77,8 70 85,7 84 Crédit auprès des IMF 5,3 11,1 20 4,8 6,2 Crédit auprès des Producteurs 0 0 0 0 0 Crédit auprès d’autres commerçants 5,3 11,1 10 6,2 Crédit auprès des Tontiniers/ Usuriers 4,1 0 0 9,6 3,6 Crédit auprès des amis et proches 0 0 0 0 0 Source : Enquête, 2005. Légende : n=Effectif enquêté IMF= Institutions de Micro finance

Si l’on s’intéresse aux principaux produits agricoles de base du Bénin (maïs, riz, gari et igname), seulement 16% des commerçants de ces produits agricoles font recours au crédit de fonctionnement pour améliorer le niveau d’investissement dans leurs activités. Au niveau de l’ensemble de ces commerçants enquêtés, seulement 6% font prioritairement recours aux crédits offerts par les Institutions de Micro finance (IMF). Il faut signaler que l’utilisation des crédits informels est développée dans le système de commercialisation des produits agricoles. En effet, les commerçants qui font recours aux crédits, utilisent plus les crédits informels (9,8% des cas)qu’aux crédit des IMF (6,2 % des cas). Les crédits informels sont souvent sans garantie matérielle ni financière et sont de fait facile à obtenir en zone rurale.

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Les principales raisons qui expliquent le faible niveau de financement de la commercialisation des produits agricoles par les IMF sont : le type de garantie exigé, les difficultés de remboursement et le taux d’intérêt élevé des crédits mis en place.

Par ailleurs, dans l’ensemble des marchés parcourus, la plupart des commerçants de ces produits agricoles de base (90%) sont informés de l’existence des IMF et ont connaissance de leurs activités dans la zone.

Dans la réalité, les commerçants des produits agricoles et ceux des produits maraîchers bénéficient principalement de deux formes de crédit : le crédit de campagne constituant le capital initial pour le démarrage de l’activité et le crédit de fonctionnement (fonds de roulement) pour une activité déjà mise en œuvre. Cependant, le crédit de fonctionnement reste le principal produit sinon l’essentiel qui est financé par les IMF intervenant dans le domaine de la commercialisation des produits agricoles. Plus de 80% des commerçants des produits agricoles de base signalent que les IMF offrent principalement le crédit de fonctionnement qui est destiné essentiellement pour les commerçants ayant une longue expérience dans l’activité (au moins 5 années).

La plupart des commerçants des principaux marchés d’enquête ont exprimé un besoin de financement pour améliorer le niveau de productivité de leurs activités.

2.2 Les sources de financement de la transformation des produits agricoles de base au Bénin

Au Bénin, la transformation des produits agricoles de base implique essentiellement deux catégories d’acteurs : les transformateurs (trices) et les meuniers ou opérateurs de la transformation. Les transformateurs (trices) des produits agricoles sont généralement des femmes qui s’approvisionnent en matières premières auprès des producteurs ou collecteurs de ces matières premières. Elles les traitent auprès des propriétaires d’équipements motorisés qui utilisent ces équipements en prestations de service au niveau de certaines phases de la transformation. Dans la filière des produits agricoles, ces transformateurs (trices) constituent donc des grossistes qui s’approvisionnent en matières premières qui seront transformées et distribuées (en détails ou en gros) aux commerçants des produits agricoles finis. Les principaux produits agricoles concernés sont les racines de manioc, le riz paddy (étuvé ou non), l’arachide, les cossettes d’igname et quelque fois le niébé. Les autres produits agricoles (maïs, sorgho, mil, les cossettes de manioc et d’igname, etc.) sont directement transformés par les ménages eux-mêmes pour leur propre consommation ou par les commerçants des aliments de rue qui font également recours aux meuniers pour la mouture de ces vivriers. Ces différentes observations montrent le rôle prépondérant que jouent les propriétaires d’équipements motorisés dans le processus de transformation des produits agricoles.

Les propriétaires d’équipements impliqués dans le processus de transformation des produits agricoles ne constituent pas de stocks de matières premières auprès des producteurs ou commerçants pour les transformer en produits finis afin d’approvisionner les commerçants en ces produits finaux. Leurs activités se limitent essentiellement à une simple prestation de service pour les commerçants des produits finaux. Toutefois, certains d’entre eux font de la production agricole (surtout des racines de manioc) et transforment aussi leur propre production.

L’enquête révèle que deux principales sources de financement sont utilisées par les transformateurs (trices) et les propriétaires d’équipements. Comme indiqué dans le cas des autres acteurs, l’investissement à travers les fonds propres constitue la principale source de financement qui est utilisée. Toutefois, en plus de cette source, certains transformateurs (16%)

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et propriétaires d’équipements (25%) font recours aux prêts des amis et proches comme source complémentaire de financement. Tableau 2 : Sources de financement de la transformation des produits agricoles de base

Types de transformateurs

Sources Transformateurs (n=19)

Propriétaires d’équipements

(n=8)

Ensemble (n=27)

Fonds propre 100 100 100 Crédit auprès des IMF 0 0 0 Crédit auprès des Producteurs 0 0 0 Crédit auprès des commerçants 0 0 0 Crédit auprès d’autres meuniers 0 0 0 Crédit auprès des Tontiniers/ Usuriers 0 0 0 Crédit auprès des amis et proches 16 25 18 Source : Enquête, 2005. Légende : n=Effectif enquêté IMF= Institutions de Micro finance

Les crédits obtenus au niveau des amis et proches par les transformateurs servent souvent à l’approvisionnement en matières premières (environ 16% des cas). Par contre, les crédits obtenus par les propriétaires d’équipements sont utilisés comme source complémentaire pour l’acquisition et la maintenance des équipements concernés (moulin, râpeuse). Pour ces prêts, il n’existe pas de taux d’intérêt et des échéances de remboursement fixes. Ces prêts son basés sur des relations fraternelles et de confiance. Cette situation explique en partie la réticence des amis ou proches à financer ces acteurs. En effet, ces acteurs expliquent que les amis et proches signalent souvent qu’il n’existe pas de garantie appropriée pour sécuriser l’octroi de ces prêts.

De même, les autres actifs (magasin, pousse-pousse et autres petits matériels de transformation) sont généralement financés sur des fonds propres. Rappelons que les différentes institutions de financement opérant au Bénin n’octroient pas des crédits de démarrage.

Par ailleurs, contrairement aux propriétaires d’équipements, l’enquête indique que certains transformateurs (trices) directs des produits agricoles basiques (53%) offrent du financement aux producteurs pour la production de la matière première. Ce crédit offert par ces transformateurs (trices) aux producteurs est destiné au financement des opérations d’entretien des cultures (notamment le sarclage et la récolte). Cette stratégie est principalement utilisée par les transformateurs des racines de manioc en gari pour garantir l’approvisionnement en racines de manioc qui se raréfie pendant certaines périodes de l’année. Ainsi, ils (les transformateurs) expliquent qu’ils préfinancent la production des racines de manioc pour assurer l’approvisionnement régulier et aussi pour stabiliser le prix d’achat qui s’élève considérablement au cours des périodes de faible production. Les montants engagés dans ce financement varient de 20.000 Fcfa à 75.000 Fcfa en fonction de la superficie emblavée par le producteur. Il n’existe pas un taux d’intérêt qui est directement pratiqué mais le producteur rembourse le crédit avec le produit de sa récolte qui est cédé aux transformateurs créanciers au prix de vente initial lors de l’opération d’octroi de crédit. Le transformateur bénéficie donc de la facilité d’approvisionnement et d’un prix stable garanti. Toutefois, des problèmes de remboursement surviennent lorsqu’à la récolte le produit coûte plus cher que son prix lors de l’accord de crédit. En effet, les producteurs sont souvent tentés de ne plus respecter le contrat. Selon les estimations faites par les transformateurs (trices) des racines de manioc en gari, en moyenne deux (02) producteurs bénéficient de ce crédit par transformateur. Cette proportion relativement faible est liée non seulement à la faiblesse de la capacité financière (donc de transformation) des transformateurs (trices) directs des produits agricoles basiques mais aussi

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à la perte de confiance de ceux-ci aux producteurs dans le respect des clauses du contrat. De l’autre côté, les producteurs des matières premières signalent qu’ils sont souvent exploités (achat à moindre coût des produits) dans le fonctionnement de ce type de contrat. En fait, les producteurs ne perçoivent pas l’idée d’appliquer un taux d’intérêt aux crédits offerts par les transformateurs (trices). Certains producteurs ajoutent que, le fait que le transformateur ait une assurance quant à l’approvisionnement en matières premières pendant une période de forte demande (prix de vente élevé) constitue déjà un intérêt majeur. Pour une durabilité de ce crédit, il est nécessaire qu’une répartition plus ou moins équilibrée des intérêts soit faite entre les deux parties. Le prix de vente de la matière première peut être donc revu selon le prix réel sur le marché pendant la période de récolte.

En outre, compte tenu du niveau relativement faible des capacités financières des transformateurs (trices) directs des produits agricoles basiques, la durée moyenne de stockage des matières premières ou des produits finis ne dépasse guère un mois. Les matières premières (surtout les racines de manioc) ne sont pas souvent directement stockées par les transformateurs eux-mêmes. Ils utilisent, comme indiqué dans le paragraphe précédent, les producteurs par le biais du préfinancement de la récolte. Pour le cas des produits finis, ils expliquent que ce sont les commerçants qui s’investissent dans le stockage. A leur avis, les commerçants maîtrisent mieux les flux de produit et la variation des prix dans les marchés. Le capital initial investit par ces transformateurs dans l’approvisionnement en matières premières et aux activités directes de transformation varient de 20.000 Fcfa à 200.000 Fcfa.

Du fait du niveau relativement faible de leur capital initial et des contraintes (fonds de garantie et taux d’intérêt) liées à l’obtention du crédit auprès des IMF, les transformateurs (trices) et les propriétaires d’équipements de transformation des produits agricoles de base soulignent que les fonds et crédits disponibles ne suffisent pas pour améliorer les opérations de transformation et commercialisation. Ils expliquent par exemple le manque d’activité de stockage des matières premières et des produits finis par l’inexistence de crédits appropriés à leurs activités. Ainsi, ils indiquent que s’il existait d’autres sources de financement additionnelles, ils l’utiliseront pour couvrir les activités de stockage et de mécanisation d’autres opérations de transformation. Cependant, ils soulignent que les conditions d’octroi de crédit de ces sources de financement additionnelles ne doivent pas être identiques à celles des IMF actuelles. Ils insistent surtout sur le taux d’intérêt qui doit être bas (au plus 5%), le délai de différé et le crédit qui doit être spécifique à chaque type d’activité de transformation et de commercialisation. Par exemple, ils souhaitent qu’ils soient mis en place des institutions de crédits pour chaque catégorie d’acteurs.

2.3 Le financement de la commercialisation des produits maraîchers au Bénin Au Bénin, trois principales catégories de produits maraîchers sont commercialisées. Il s’agit des légumes feuilles locaux, des fruits et bulbes (tomate, piment, oignon, etc.) qui se rencontrent dans tous les marchés du sud et du centre du Bénin puis des légumes exotiques (laitue, chou, carotte, etc.) qui sont plus commercialisés principalement dans les marchés urbains. La présente enquête s’est focalisée sur les commerçants des légumes feuilles locaux et ceux des fruits et bulbes. En fait, les commerçants des légumes exotiques se rencontrent fortement dans les zones urbaines.

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Tableau 3 : Sources de financement de la commercialisation des produits maraîchers Produits maraîchers

Sources de financement Légumes feuilles locaux (n= 10)

Légumes fruits et bulbes (n= 18)

Ensemble (n=28)

Fonds propre 80 88,2 87,5 Crédit auprès des IMF 10 5,9 4,2 Crédit auprès des Producteurs 0 0 0 Crédit auprès d’autres commerçants 10 0 4,2 Crédit auprès des Tontiniers/ Usuriers 0 0 Crédit auprès des amis et proches 0 5,9 4,1 Source : Enquête, 2005. Légende : n=Effectif enquêté IMF= Institutions de Micro finance

Comme indiqué dans le cas des commerçants des produits agricoles de base, le financement de la commercialisation des produits maraîchers se fait principalement sur capital propre (surtout au démarrage de l’activité) (Tableau 3). Environ 87% des activités de commercialisation des produits maraîchers sont financées sur capital propre contre 4% par les IMF, d’autres commerçants en nature puis les amis et proches. Les commerçants des légumes feuilles locaux des zones urbaines et péri urbaines sont celles qui font fréquemment recours au crédit offert par les IMF.. Tout comme les commerçants des produits agricoles de base, les crédits mis en œuvre par ces IMF sont destinés au financement du fonctionnement de la commercialisation. De même, les commerçants des produits maraîchers utilisent le crédit des amis et proches (4%). Ce type de prêts est basé sur des relations fraternelles et de confiance comme indiqué dans le cas des transformateurs des produits agricoles basiques. Selon les commerçants des produits maraîchers enquêtés, le faible pourcentage de ceux qui font recours aux crédits octroyés par les IMF est surtout dû au faible niveau du capital à investir dans l’activité et la crainte de non remboursement.

2.4 Caractéristiques socio-économiques des commerçants des produits agricoles de base et des produits maraîchers

Tout comme les activités de commerce, la commercialisation des produits agricoles et des produits maraîchers sont une activité principalement réservée aux femmes. Les résultats du tableau 4 montrent que les femmes (94% des cas) dominent le secteur de la commercialisation des produits agricoles. Elles sont pour la plupart des femmes mariées (93%) et ont le commerce des produits agricoles comme leur principale activité (98% des cas).

L’âge moyen des commerçants impliqués dans la commercialisation des produits agricoles est de 39 ans. Cette observation montre que l’activité de la commercialisation des produits agricoles est souvent exercée par les personnes du 2ème âge.

La grande majorité des commerçants des produits agricoles ont un niveau d’instruction bas. En effet, dans l’ensemble des départements enquêtés, environ 59% des commerçants n’ont reçu aucune éducation. Seulement 31% ont au moins le niveau primaire et 10% le niveau secondaire. Toutefois, plus on est dans les zones proches des grands centres urbains (notamment Cotonou), plus le niveau d’instruction est relativement élevé. En somme, le niveau d’instruction relativement bas des commerçants des produits agricoles explique leurs comportements craintifs de s’approcher des IMF pour s’informer de leurs activités.

Le nombre d’années d’expérience des commerçants est en moyenne de 15 ans dans la commercialisation des produits agricoles. En fait, la commercialisation des produits agricoles constitue une activité dont les femmes héritent de leur parent. Elles subissent donc une période d’apprentissage avant de se mettre à leur propre compte. Généralement, les producteurs agricoles préfèrent vendre leurs produits aux ressortissants de leur localité. Il se

Page 13: Etude sur le financement de la commercialisation des

7

développe donc dans le commerce des produits agricoles des relations de confiance basées sur des liens ethniques. Tableau 4 : Caractéristiques socio-économiques des commerçants des produits agricoles et des produits

maraîchers Nature du commerçant (%)

Département % de

femmes commerçantes

% de commerçants n’ayant aucun

niveau d’instruction

Age (an)

Nombre d’années d’expérience dans le

commerce des produits agricoles (an)

Collecteur Grossiste Détaillant

Atlantique 100 80 40 16 0 50 50

Collines 90 70 36 7 10 30 60

Couffo 100 55,6 40 17 0 0 100

Littoral 100 30 39 13 0 30 70

Mono 100 45,5 42 21 9,1 18,2 72,7

Ouémé 100 90 40 17 30 20 50

Plateau 100 54,5 38 11 0 36,4 63,6

Zou 60 50 41 21 0 90 10

Ensemble 93,8 59,3 39 15 6,2 34,6 59,3 Source : Enquête, 2005.

Trois grandes catégories de commerçants sont observées dans le système de commercialisation des produits agricoles : les collecteurs, les grossistes et les détaillants. Les détaillants sont les plus nombreux et représentent dans l’ensemble des départements du sud et du centre du Bénin plus environ 59% de l’ensemble des commerçants. Les grossistes représentent environ 35% contre 6% de collecteurs. Dans les grandes zones de production (les greniers du sud du Bénin que sont les Collines, le Plateau et le Zou), on rencontre un nombre important de grossistes. Le nombre relativement important de grossistes dans le département de l’Atlantique est dû à la présence des commerçants des produits maraîchers (surtout les légumes feuilles locaux). Cette disparité est principalement due au capital initial important que doivent investir les grossistes. Par contre, les collecteurs résident dans les zones de production et sont habitués aux producteurs (parents, même groupe ethnique, etc.).

Le capital initial investi varie fortement en fonction de ces trois catégories de commerçants (Figure 1). Les grossistes sont ceux qui investissent un capital initial important. Le montant maximum investi par ces grossistes est de 500.000 Fcfa contre 200.000 Fcfa pour les collecteurs et 150.000 Fcfa pour les détaillants. Figure 1 : Capital initial investi dans le commerce des producteurs agricoles par acteurs

Source : Enquête, 2005.

020000

4000060000

80000100000

120000

Capital initial investi (Fcfa)

Collecteur Grossiste Détaillant

Type de comerçants

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8

3 Transactions liées 3.1 Liens financiers entre les commerçants des produits agricoles

Dans les circuits de commercialisation des produits agricoles basiques, les différentes catégories de commerçants (collecteurs, grossistes, détaillants, transformateurs et consommateurs) sont également liées entre eux par des relations de crédit de produits de commercialisation. Le tableau 5 présente le nombre de commerçants qui s’offrent de crédit. Au niveau des différents acteurs enquêtés, il ressort que 80% des collecteurs contre 68% des grossistes et 48% des détaillants vendent leur produit à crédit aux autres commerçants. Tableau 5 : Liens financiers entre les commerçants des produits agricoles (% de commerçants)

Commerçants (%) achetant les produits agricoles à crédit Commerçants

Grossistes Détaillants Transformateurs Consommateurs

% de commerçant offrant les produits agricoles à crédit

Collecteurs (n=5) 50 25 25 0 80

Grossistes (n=28) 52,6 26,3 10,5 10,5 68

Détaillants (n=48) 0 36,4 31,8 31,8 48 Source : Enquête, 2005. Légende : n=Effectif enquêté

Les collecteurs vendent respectivement leur produit à crédit aux grossistes des villages et ceux des zones urbaines (dans 50% des cas), aux détaillants (dans 25% des cas) et aux transformateurs (dans 25% des cas). Les grossistes des villages des mêmes produits agricoles de base quant à eux, livrent à crédit d’une part aux grossistes urbains (dans 53% des cas), aux détaillants (dans 26% des cas), aux transformateurs (dans 11% des cas) et d’autre part aux grands consommateurs finaux (dans 10% des cas). Enfin, les détaillants des marchés distribuent leurs produits agricoles à crédit aux détaillants des quartiers (dans 36% des cas), aux transformateurs urbains (dans 32% des cas) et aux consommateurs finaux (dans 32% des cas). La figure 2 illustre bien le fonctionnement des liens financiers entre les commerçants des produits agricoles de base.

La valeur de ces prêts en nature entre les commerçants varie de 10.000 Fcfa à 200.000 Fcfa selon le pouvoir d’achat du commerçant. Les détaillants des quartiers sont ceux qui reçoivent le montant du crédit le plus faible. La durée moyenne de remboursement de ces prêts varie entre deux jours d’animation successifs du marché sur lequel le contrat est accordé à un maximum de cinq jours d’animation successifs du marché. Les remboursements n’excèdent donc pas cinq paiements. En fait, ces paiements sont fonction du montant accordé. Ainsi, les montants variant de 10.000 Fcfa à 50.000 Fcfa sont généralement remboursés au second jour d’animation du marché. La fréquence d’animation des marchés concernés par l’étude varie de 4 à 8 jours au maximum. Ce type de prêt fonctionne également comme celui des amis et proches ou aucun intérêt financier direct n’est pratiqué. Il faut préciser que pour bénéficier du prêt, les deux parties contractantes (surtout le prêteur) sont souvent habituées à opérer des achats ou vente ensemble depuis plusieurs années (environ trois ans). Aussi, le créancier essaie de connaître certaines coordonnées sur le débiteur.

Page 15: Etude sur le financement de la commercialisation des

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Figure 2 : Flux de vente à crédit des produits agricoles entre les différents acteurs

Source : Enquête, 2005.

3.2 Liens financiers entre les agriculteurs et le système de commercialisation. Dans le système de commercialisation des produits agricoles, les producteurs jouent un rôle de partenaires des commerçants. Ils sont les acteurs clés sur qui s’appuie l’offre en divers produits agricoles. Dans l’ensemble des marchés parcourus, il n’existe pas de liens financiers formels entre les producteurs et les commerçants. Une priorité est donnée ces dernières années à l’achat au comptant dans les différents marchés. Toutefois, certains commerçants pour fidéliser les producteurs leur font des crédits pour supporter les frais de transport dans le marché.

Dans l’ensemble (Tableau 6), environ 17% des commerçants des produits agricoles préfinancent les producteurs pour assurer leur approvisionnement en matières premières en période de récolte. Ce préfinancement est généralement en espèce et s’observe dans les marchés situés dans les zones de production. Ce comportement est principalement observé au niveau des grossistes (36%) qui manipulent des quantités importantes de produits agricoles. Les principales raisons sont liées à leur pouvoir financier qui est plus élevé que celui des deux autres types de commerçants. Aussi, ces grossistes sont souvent éloignés des zones de production. Ils utilisent donc cette stratégie afin de garantir l’approvisionnement. On déplore le manque de précision sur les valeurs de ce crédit. Le fonctionnement de ce crédit est identique à celui offert par les transformateurs directs des produits agricoles basiques aux producteurs pour la production de la matière première.

Collecteurs locaux

Grossiste des villages

Grossistes urbains

Détaillants des marchés

Détaillants des quartiers

Transformateurs

Consommateurs finaux

Distribution à crédit des produits agricoles de base

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Tableau 6 : Pourcentage (%) des commerçants qui préfinancement les producteurs Commerçants Nombre (%) préfinançant les producteurs Collecteurs (n=5) 0 Grossistes (28) 35,7 Détaillants (48) 8,3 Ensemble (81) 17,3 Source : Enquête, 2005. Légende : n=Effectif enquêté Les commerçants concernés par ce préfinancement sont principalement les commerçants des produits agricoles basiques. Les commerçants des produits maraîchers n’offrent pas ce préfinancement aux producteurs.

4 Le rôle des institutions formelles de crédit dans le financement de la commercialisation des produits agricoles

4.1 Caractéristiques des différentes catégories d’institutions formelles du crédit au Bénin

Selon les statistiques de la cellule de micro finance du Ministère des Finances et de l’Economie (2005), il existe au total 2.082 institutions formelles du crédit au Bénin. Ces institutions sont réparties en cinq (05) catégories en fonction des textes réglementaires et du type d’organisation (Tableau 7). Les textes réglementant les activités de ces institutions de micro finance sont largement décrits dans un recueil disponible à la cellule de micro fiance. Tableau 7 : Différentes catégories d’institutions formelles du crédit au Bénin Dénomination % de représentativité

Mutuelles et Coopératives (COOPEC) 25,2 Groupements d’Epargne et de Crédit (GEC) 56,8 Associations-ONG (ASSOC) 15,4 Sociétés (SOCIETES) 1,0 Initiatives gouvernementales et projets (IGP) 1,6 Ensemble 100 Source : Annuaire statistique des IMF. Version provisoire (2005).

L’Article2 de la Loi N°97-027 du 08 août 1997 portant réglementation des Institutions de Mutualistes ou Coopératives d’Epargne et de Crédit (Loi PARMEC) indiquent que sont considérés comme : Institutions Mutualistes ou Coopératives d’Epargne et de Crédit (COOPEC) : un

regroupement de personnes, doté de la personnalité morale, sans but lucratif et à capital variable, fondé sur les principes d’union, de solidarité et d’entraide mutuelle et ayant pour objet de collecter l’épargne de ses membres et de leur consentir du crédit. Cette catégorie qui regroupe environ 25% est représentée dans tous les départements du Bénin. Toutefois, il s’observe une forte concentration de ces institutions dans la ville de Cotonou et relativement dans les villes de Porto-Novo et de Parakou. Groupement d’Epargne et de Crédit (GEC) : un regroupement de personnes qui,

sans remplir les conditions exigées pour être reconnu comme institution de base, effectue des activités d’épargne et/ou de crédit en s’inspirant des règles prévues par l’article11 de la même loi. Cette catégorie rassemble la grande majorité des IMF (environ 57%). Par ailleurs, les Associations et les Organisations Non Gouvernementales (ONG)

regroupent les associations qui sont régies par la loi du 1er juillet 1901 et qui ont un volet

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micro finance dans l’exercice de leurs activités. Elles sont enregistrées au Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation et reconnues comme d’utilité publique. Les Sociétés sont celles qui sont régies par la loi sur les entreprises privées. Elle est

faiblement représentée (1%). En fait, cette nouvelle orientation de la micro finance est récente et est principalement à l’actif de la Financial Banque Bénin qui, dans sa stratégie de financement du développement, à créer la FINADEV en juillet 2000. Elle est seulement présente dans quatre villes du Bénin (Cotonou, Porto-Novo, Parakou et Natitigou). Les Initiatives Gouvernementales et Projets rassemblent les institutions publiques de

micro finance et les différents programmes et projets à volet crédit. Tout comme les sociétés, cette catégorie est faiblement représentée (environ 2%).

Dans le but de rendre plus performantes les institutions de micro finance au Bénin, il est créé depuis le 10 mars 2000, l’Association Nationale des Praticiens de la Micro finance dénommée Consortium Alafia. Ce regroupement s'est assigné pour mission de faciliter la professionnalisation et le développement des institutions de micro finance, d'une part en renforçant continuellement leurs capacités à offrir les services au regard des meilleures pratiques, et d'autre part en améliorant l'environnement juridique, économique et politique dans lequel elles interviennent. A cet égard, il s'emploie à construire l'image d'une industrie de micro finance rayonnante et efficace dans la lutte pour la réduction de la pauvreté.

4.2 Interventions et fonctionnement des institutions formelles de crédit dans le financement de la commercialisation des produits agricoles

Les nouvelles institutions de micro finance (IMF) spécialisées dans l’octroi de petits crédits, permettent aux populations pauvres en général et les femmes en particulier qui ne disposent pas de propriété foncière (principale garantie d’octroi de crédit en milieu rural) d’avoir accès au crédit afin d’améliorer la capacité des ménages à stabiliser leur revenu et leur pouvoir d’achat de denrées alimentaires (Zeller, 1999). Les divers produits proposés par ces IMF peuvent être regroupés en trois grandes catégories à savoir : crédit de consommation, crédit de fonctionnement et crédit d’investissement ou crédit aux équipements.

Le crédit aux équipements permet de démarrer de nouvelles activités ou d’accroître les dimensions des anciennes activités ou bien d’améliorer les équipements de production. Ce type de crédit est expérimenté depuis plusieurs années par le Programme d’Appui au Développement du secteur agricole (PADSA) financé par DANIDA en collaboration avec l’Institut National de Recherche Agricole du Bénin (INRAB). Le PADSA s’appuie sur ce type de crédit pour introduire des équipements améliorés pour la conservation, le stockage et la transformation à petite échelle des produits agricoles (transformation du manioc en gari, traitement post-récolte du riz, etc.). Ce crédit équipement a permis notamment à certains propriétaires d’équipements de transformation des zones du sud du Bénin d’acquérir des râpeuses mobiles pour la transformation des racines de manioc. Mis à part, ce crédit PADSA phase I, d’autres sources de financement des actifs ne sont pas encore disponibles dans les milieux ruraux. Ainsi, depuis la fin de la phase I de PADSA en 2002, ces acteurs n’ont plus bénéficié de crédits pour l’acquisition des actifs. Ce crédit était suivi par des ONG locales avec un taux d’intérêt annuel forfaitaire de 8 à 10% pendant une durée de 2 ans. Il faut préciser que ce crédit PADSA est limité dans les zones d’intervention préalablement définies dans le cadre du projet. Il n’a pas été généralisé dans les grandes zones de production de chaque produit de base. Il est fortement rencontré dans les départements de l’Atlantique, du Mono et du Couffo.

En fonction de l’approche utilisée dans le domaine de la micro finance, on distingue deux types d’IMF au Bénin. Il existe d’une part, celles qui privilégient l’approche ‘‘Epargne d’abord’’, et d’autre part, celles qui s’appuient sur l’approche ‘‘Crédit d’abord’’.

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Dans l’approche ‘‘Epargne d’abord’’, le crédit est vu sous l’angle de la mobilisation et du transfert de l’épargne. L’épargne doit être l’étape à franchir pour être qualifié pour l’obtention de crédit, et la première étape vers un investissement futur. Les défendeurs de cette approche pensent que ‘‘l’épargne d’abord’’ est la meilleure voie permettant de créer une intermédiation financière efficiente et durable. Par contre, dans l’approche ‘‘crédit d’abord’’, il est supposé que les populations défavorisées n’ont pas suffisamment de ressources leur permettant de dégager une épargne. Ainsi, la mise à leur disposition de crédits leur donnera la possibilité de mener des activités économiques, et de dégager des surplus qui leur permettent de rembourser le crédit et d’épargner ultérieurement. L’USAID appuie fortement cette dernière approche.

En milieu rural où les garanties proposées par les paysans sont difficilement acceptables par les IMF et comme le problème d’asymétrie de l’information se pose, les IMF sont obligées de procéder pour la plupart du temps à du rationnement de crédit. Ce qui ne peut que compromettre l’efficacité de la micro finance comme outil de lutte contre la pauvreté.

Pour réduire les risques de défaillance, les IMF utilisent aussi d’autres mécanismes à savoir : l’exigence d’aval, l’hypothèque de biens personnels ou collectifs, la création de fonds de garantie et de couverture de risques et l’utilisation d’organisme de recouvrement.

L’une des innovations financières de plus en plus utilisée ces dernières années dans le milieu rural est le « crédit d’investissement aux groupements ». En effet, le crédit aux groupements est défini comme un crédit non individuel donné à un groupe de personnes réunies au sein d’une association, coopérative, etc. et où ces organismes jouent un rôle dans la sécurisation, la gestion ; l’utilisation et le remboursement du crédit. Le groupement agit ainsi comme intermédiaire entre l’institution de crédit et les membres du groupe. De plus si l’investissement est rentable le risque peut être mieux maîtrisé que pour le crédit de court terme car l’équipement peut servir de garantie (saisie possible ou plutôt système de location vente) et il est possible d’accorder plus facilement des moratoires partiels en cas de mauvaises années. Les échecs observés dans certains crédits d’investissement viennent souvent d’une rentabilité insuffisante de l’investissement, d’une technologie mal maîtrisée par l’emprunteur, d’un service d’entretien non fonctionnel, du non ajustement du crédit au calendrier de production ou aux caractéristiques sociologiques du milieu. Toutefois, cette stratégie de « crédit d’investissement aux groupements » a comme potentiels, entre autres, l’amélioration des taux de remboursement de crédit, la réduction des coûts de transactions pour les prêteurs et les emprunteurs, l’accès des couches défavorisées aux sources de crédits, et la réalisation des économies d’échelles (Agnikpé, 1997).

Les IMF se sont imposées de par leur nombre, la diversification de leur activité, leur couverture du territoire et surtout leur proximité des bénéficiaires (Allagbé et al., 2004). Toutefois, certaines d’entre elles ne sont pas toujours en règle vis à vis de la loi et aussi n’arrivent pas à faire efficacement face à la demande.

La multiplication des intervenants (institutions, projets et ONG) et des expériences en matière de micro finance reflètent un dynamisme soutenu qui permet de penser à priori que le crédit est désormais disponible et accessible à toutes les catégories d’acteurs économiques (ruraux ou urbains).

Les banques et les établissements financiers participent peu au financement de l’agriculture (Houédjissin et al., 2002). Les IMF ne prêtent l’argent que pour faire le commerce dont l’accent est mis sur la vente des produits importés. Ce mode de fonctionnement ne favorise pas le développement économique sur la base de nos ressources productives (Allagbé et al., 2004).

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4.3 Liens financiers entre les IMF et les acteurs de la commercialisation. Les relations développées par les IMF sont basées sur des relations de clients (acheteurs et vendeurs). De façon détaillée, 16% des commerçants bénéficient de crédits auprès des IMF. Les principales catégories d’IMF actives sont constituées des Associations et ONG, des Coopératives et Mutuelles (CLCAM) puis des Initiatives gouvernementales (Projets). Les liens financiers sont surtout basés sur les valeurs des crédits, leur durée, le taux d’intérêt et les frais financiers (frais de dossier, frais de caution). Les caractéristiques de ces liens financiers sont résumées dans le Tableau 8.

Tableau 8 : Caractéristiques des crédits offerts par les IMF pour la commercialisation des produits

agricoles

Valeur (Fcfa) Frais financiers (Fcfa) Catégorie d’IMF

Min Max

Durée moyenne

(mois)

Taux d’intérêt

annuel (%) Min Max Association et ONG 20.000 1.000.000 9 21,75 7.500 110.000

Coopératives, Mutuelles 50.000 600.000 9 24 750 70.000

Gouvernement (Projets) 120.000 120.000 12 12,5 1.200 1.200

Source : Enquête, 2005.

Les valeurs des crédits varient fortement d’une IMF à une autre et selon les zones d’intervention. En général, ce sont les Associations (exemple de PAPME) et les ONG qui octroient des crédits allant jusqu’à un million pour la commercialisation des produits agricoles. Les crédits octroyés par les Associations et ONG varient de 20.000 Fcfa à 1.000.000 Fcfa. Au niveau des Coopératives et Mutuelles (exemple des Caisses Locales et de Crédit Agricole Mutuel) les montants alloués aux clients varient de 50.000 à 600.000 Fcfa. Par contre, en ce qui concerne les initiatives gouvernementales (Projets), l’enquête a révélé un montant constant de 120.000 Fcfa alloués aux clients. Ce type de crédit mis à la disposition des femmes commerçantes par le Ministère de la Famille et de la Protection Sociale à travers les centres sociaux est très limité et n’est pas accessible à tous les commerçants des produits agricoles. Il est mis en place dans certaines localités du Bénin selon certains critères dont le plus important est le niveau de pauvreté de la zone. Il se rencontre fortement dans les localités des départements du Couffo et du Mono. Généralement pour les crédits dont le montant demandé par le commerçant est inférieur à 100.000 Fcfa, il lui est demandé de se mettre en groupe de trois personnes avec d’autres de ces collègues qui sont dans les mêmes situations. Ce type de crédit connu sous le nom de groupe solidaire est le type le plus développé dans les marchés ruraux du sud et du centre du Bénin. Dans ce cas, les IMF n’exigent plus de la part de leurs clients des garanties. Toutefois, les montants demandés sont bas par rapport à la demande des commerçants.

La durée moyenne des crédits est de 9 mois pour les associations, ONG et les coopératives contre 12 mois pour les projets initiés par le gouvernement. La durée minimum du crédit est de 6 mois pour les petits commerçants des produits agricoles. Aucune IMF ne fait des crédits pluriannuels aux commerçants. L’activité de commercialisation des produits agricoles est souvent considérée comme une activité saisonnière qui ne nécessite pas des investissements sur une longue durée.

Le taux d’intérêt annuel des crédits alloués par les IMF aux commerçants des produits agricoles varie d’un taux constant de 2% par mois à un taux dégressif sur encours de 2%. Il existe plusieurs taux d’intérêts qui sont appliqués dans le secteur de la commercialisation des produits agricoles. La CLCAM qui constitue l’une des premières IMF intervenant dans la

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commercialisation des produits agricoles applique le taux constant de 2% par mois ; ce qui donne un taux annuel de 24%. Par contre, certaines associations (PAPME, PADME, Vital Finance, etc.) appliquent le taux dégressif de 2% par mois ; soit 13,4% par an. Mais, contrairement à la CLCAM, ces dernières structures ne sont pas présentes dans toutes les zones rurales de forte production agricole. Par ailleurs, un délai de différé n’est pratiquement par accordé aux clients. La durée moyenne de remboursement est d’un mois à compter de la date d’obtention du prêt.

Les frais financiers qui englobent les frais de dossier et les frais de caution varient en fonction du montant du crédit demandé par le client. Généralement, les associations et ONG exigent un montant qui équivaut entre 10 et 20% de la valeur du crédit. Par contre, au niveau de la CLCAM, les frais financiers sont considérés comme des frais d’adhésion et s’élèveraient à une part sociale de 1.200 Fcfa. Toutefois, il est exigé aux clients de faire fonctionner son compte pendant certaines périodes avant de bénéficier du crédit. Toutes ces mesures sont souvent contraignantes aux femmes commerçantes des produits agricoles qui n’ont pas cette culture d’épargne dans des structures formelles.

4.4 Services demandés Les services financiers demandés par les commerçants sont principalement liés à la durée du crédit (Tableau 4.2). Ces services constituent également les attentes des clients (Lawson-Lartego, 2004). De façon prioritaire, les services demandés par les clients (commerçants des produits agricoles) peuvent être récapitulés.

L’accès de façon durable à un service financier de qualité : l’aspiration des clients des IMF est de pouvoir accéder de façon durable à un service financier de qualité. La qualité est importante car les agents des IMF ne lui accordent pas une très grande importance du fait de la catégorie socio-professionnelle à laquelle appartient la grande majorité des clients. Les commerçants font état du mauvais accueil qui leur est réservé compte tenu de leur niveau d’instruction bas.

Un produit (crédit/épargne) adapté à leurs activités et à leurs besoins : les produits offerts par les IMF ne tiennent pas compte de la spécificité du secteur de la commercialisation des produits agricoles. Ainsi, la gamme de produits offerts par les IMF n’est pas variée ; ce qui crée souvent les impayés et la désertion des commerçants. En effet, plusieurs commerçants se plaignent des périodes de mise en place des crédits et des montants alloués qui devraient varier en fonction de chaque produit agricole. La figure 3 montre que les montants des crédits alloués aux commerçants est en baisse ces dernières années. La multiplicité des IMF n’a donc pas accru le montant des crédits offerts aux commerçants des produits agricoles.

Page 21: Etude sur le financement de la commercialisation des

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Figure 3 : Evolution des montants moyens de crédits par commerçants de 2000 à 2004

Un produit moins cher : les commerçants veulent bénéficier des crédits moins chers qui pouvaient leur permettre de rentabiliser leurs activités commerciales et d’être en règle avec l’IMF. Le taux d’intérêt pratiqué par chaque catégorie d’IMF est controversé. Une étude précise doit donc être menée sur les charges des IMF, le niveau de rentabilité des activités des clients pour proposer un taux avantageux pour les deux parties.

5 L’évolution du financement de la commercialisation depuis 1980 5.1 Evolution des mutuelles et coopératives

Au Bénin les institutions de micro finance qui existaient dans les années 1980 sont les CLACM, et leurs structures d’encadrement que sont les URCLCAM et la FECECAM. Les produits qu’ils offraient se limitaient à l’épargne et au crédit. Particulièrement les crédits qu’offre la CLCAM sont : Le TPCF : le tout petit crédit aux femmes, qui est un crédit destiné aux petites activités

génératrices de revenu des femmes. Son montant varie de 10000 à 50000 FCFA. Ses durées minimale et maximale sont de trois et 12 mois. La garantie exigée est la caution solidaire du groupe auquel la femme appartient. Les crédits de court terme : il s’agit des crédits dont la durée varie de 1 à 24 mois. Le

montant accordé varie de 20.000 à 2.000.000. Ils sont destinés au financement de plusieurs objets : campagne agricole, besoins en fonds de roulement, élevage, achat de matière première, scolarité, les équipements et les consommations personnelles etc. Des garanties adaptées et accessibles sont exigées (permis d’habiter, les titres de propriétés de biens, les cautions financières et les cautions morales). Les remboursements sont adaptés à la nature de l’activité pour laquelle le crédit est sollicité. Les crédits à moyen terme : ce sont les types de crédit dont la durée varie de 13 mois à

36 mois. Le montant minimum est de 50.000 FCFA et le maximum de 2000000 FCFA. Les garanties exigées sont les mêmes que celles acceptées pour les crédits de court terme. Des crédits spécifiques sont disponibles pour les sociétaires ayant les besoins de crédit de montants plus élevés que ceux que permettent les produits de crédits ordinaires ci-dessus décrits. La CLCAM envisage de mettre à la disposition de ces clients en 2005 et 2006 deux produits que sont :

0

100000

200000

300000

400000

500000

600000

700000

800000

2000 2001 2002 2003 2004

Année

Mon

tant

du

créd

it (F

cfa)

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16

Le plan épargne qui consiste à épargner progressivement pour acquérir un objet que la CLCAM aurait aidé le client à payer plus tôt. Le Dépôt à terme patriote qui consiste à appliquer un taux d’intérêt annuel de 5% au

lieu de 3% aux épargnants qui s’engagent à ne pas toucher leur avoir pendant 5ans.

5.2 Evolution des Groupements d’épargne et de crédit Les services les plus connus de ce groupe sont les Caisses Villageoises d’Epargne et de Crédit Autogéré (CAVECA), et les Associations de services financiers (ASF). Ces institutions sont nées pour la plupart dans les années 2000 et font l’épargne et le crédit comme leur nom l’indique. Ils ont créé des crédits spécifiques aux fonctionnaires, organisent des tontines et font des prêts aux parents d’élèves pour la rentrée. Ils sont animés par des bénévoles et fonctionnent seulement quelques jours de la semaine.

Les ASF prévoient mettre sur le marché financier en 2005 le Crédit pour Autonomie des Femmes (CAF) qui consistent à faire un crédit de 100 000 FCFA à un groupe de 10 femmes exerçant la même activité et qui n’ont pas la possibilité de payer des actions dans l’ASF. Toutefois, ce CAF n’est pas encore fonctionnel jusqu’à ce jour. Les principales raisons sont l’insuffisance des moyens financiers. En effet, les femmes trouvent ce montant relativement faible pour ce nombre important de femmes à regrouper (soit une proportion de 10.000 FCFA par femme).

5.3 Evolution des Associations et ONG

Ces institutions sont nées pour la plupart dans les années 1990 et 2000 et font pour la plupart l’épargne et le crédit. Les plus représentatifs de ce groupe sont le PAPME et le PADME. Ils ont innové en mettant sur le marché en 2004 l’assurance santé qui permet à leurs clients de bénéficier de moyens pour se soigner afin de protéger leur crédit. Ces différentes institutions ont commencé à moderniser leur service bien que cela touche très peu les communes rurales. Le PAPME, il vise à développer des stratégies pour donner aux populations le goût de l’épargne.

6 Contraintes au financement des producteurs, des commerçants et des transformateurs de produits agricoles La contrainte majeure au financement des producteurs de vivriers par les institutions de micro finance est le non remboursement du crédit ou le retard observé dans le remboursement. Cette contrainte est suivie des aléas climatiques et de l’insuffisance des moyens financiers. En effet, les producteurs n’ont pas souvent la capacité financière pour assurer les garanties qu’exigent les IMF. Par ailleurs, le fait que certains élus locaux ne collaborent pas à retrouver les clients indélicats n’aide pas les IMF. A titre d’exemple, le chef du village dans lequel réside le client indélicat ne collabore pas avec les responsables de l’IMF concernée pour retrouver le client en cas de changement de domicile. Les chefs du village expliquent qui n’ont pas été témoins de la contractualisation du crédit. Aussi, ils sont souvent méfiants dans les dénonciations qui leur créent souvent des problèmes de collaboration avec la population. En fait, la solidarité dans les villages ne facilite pas les dénonciations. Dans certaines localités, le crédit est parfois perçu comme des dons venus de l’extérieur.

De même, la contrainte majeure au financement des commerçants de vivriers par les institutions de micro finance est le non remboursement du crédit ou le retard observé dans le remboursement. Cette contrainte est suivie de l’insuffisance des moyens financiers et du faible effectif des demandeurs de crédit.

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La contrainte majeure au financement des transformateurs de vivriers par les IMF concerne également le non remboursement du crédit ou le retard observé dans le remboursement. Cette contrainte est suivie de l’insuffisance des moyens financiers et du faible effectif des demandeurs de crédit.

L’analyse détaillée des contraintes liées au non remboursement ou au retard de remboursement du crédit permet d’observer que ces contraintes sont surtout causées par le mauvais usage des crédits, les périodicités de remboursement, la mévente et l’endettement simultané auprès de plusieurs IMF. En effet, les crédits sont souvent utilisés dans d’autres secteurs d’activités autres que celles pour les quelles le dossier du client a été accepté. Aussi, lors des cas imprévus de maladies, les crédits sont utilisés pour se faire soigner. Il faut pas perdre de vue certains clients qui orientent les crédits vers les cérémonies. Par ailleurs, du fait du manque de partenariat (manque de communication, manque de répartition des zones d’intervention) entre les IMF, les clients ont en face d’eux plusieurs IMF concurrentielles mais offrant les mêmes services. Les clients vont prendre du crédit auprès d’autres IMF pour rembourser les prêts contractés dans d’autres institutions ou pour financer leurs activités suite au non remboursement dans une première institution. Il s’observe à cet effet un endettement prolongé des clients.

Les conséquences du non remboursement de crédit s’expriment en terme de faible capacité d’octroi de crédit, de perte de crédibilité et de régression de l’institution. En effet, en cas de non remboursement, l’institution ne peut plus honorer ses engagements habituels.

L’insuffisance de moyens financiers est surtout due au manque de source d’appui externe, au taux élevé d’impayé, au recouvrement difficile et à la méfiance de la structure d’encadrement. En effet, suite au taux de recouvrement faible, la structure d’encadrement est réticente pour mettre des fonds à la disposition des structures encadrées. A titre d’exemple, les IMF qui n’ont pas eu un taux de recouvrement élevé n’arrivent plus à mobiliser un capital important pour continuer leurs activités. Ces IMF signalent qu’ils ne bénéficient d’aucun appui financier sous forme de subvention pour supporter les risques de non remboursement des crédits par les clients des zones rurales où ces risques sont plus élevés.

Les conséquences de l’insuffisance de moyens financiers s’expriment en terme de faible niveau de crédit et une faible représentation géographique de la structure. En effet, les montants de crédits alloués sont faibles et ne permettent pas à leurs bénéficiaires d’avoir de grandes marges de manœuvre.

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7 Conclusions et recommandations Le déroulement de cette mission a permis d’appréhender le fonctionnement du financement de la commercialisation des produits agricoles au sud et au centre du Bénin. Les sources de financement des activités de commercialisation des produits agricoles de même que les types de crédits octroyés par les institutions de micro finance sont décrits. Les caractéristiques socio-économiques des commerçants opérant dans ce secteur de même que les crédits obtenus sont évalués.

Il ressort de ces résultats que les activités de commercialisation des produits agricoles sont financées sur capital propre. Les crédits octroyés par les institutions de micro finance (IMF) sont destinés au fonctionnement des activités. Les crédits d’investissement pour financer les actifs fixes ne sont presque pas financés par les IMF dans le secteur de la commercialisation des produits agricoles.

Cinq catégories d’IMF interviennent dans le financement des activités agricoles. Toutefois, il n’existe pas une concertation étroite entre ces institutions sur les appuis à apporter et les relations à développer avec les clients. Cette situation favorise l’utilisation de plusieurs crédits de diverses sources par les mêmes commerçants qui entraînent un endettement permanent et le non remboursement des crédits obtenus.

Malgré la multiplicité des IMF ces dernières années, il s’observe une évolution à la baisse des crédits obtenus par commerçant.

Les liens financiers développés entre les IMF et les commerçants sont basés principalement sur des relations de bénéficiaires de crédits et non de clients. Ainsi, le crédit est présenté aux commerçants comme des aides financières. Cependant, les taux d’intérêts pratiqués par ces IMF ne permettent pas d’apprécier le crédit comme des aides financières. En effet, ce taux est controversé par les acteurs intervenant dans le secteur agricole compte tenu du niveau relativement faible de la rentabilité des activités agricoles.

Les services demandés par les commerçants sont basés principalement sur la conception d’un type de crédit spécifique au commerce des produits agricoles. Ainsi, ils attendent un produit (crédit/ épargne) de meilleure qualité, adapté à leurs activités et à leurs besoins puis un crédit moins cher.

Au nombre des contraintes auxquelles sont soumis les acteurs impliqués dans la commercialisation des produits, on peut citer le taux d’intérêt relativement élevé et l’insuffisance des moyens financiers en période de pointe des activités commerciales.

En ce qui concerne les institutions de micro finance, la principale contrainte est relative au non remboursement des crédits octroyés. L’utilisation des crédits à d’autres fins (santé, cérémonies, etc.) constitue les causes de ce mauvais fonctionnement du crédit. Aussi, la faiblesse de l’épargne ne permet pas aux IMF d’augmenter le montant des crédits mis en place. La plupart des IMF s’orientent plus vers l’option du crédit d’abord.

Suite à ces observations, il est recommandé que les IMF mettent en place des crédits adaptés à chaque secteur d’activités. Dans le cas spécifique de la commercialisation des produits agricoles, les périodes d’intense activité, la nature du produit et les marchés importants devront être analysés. De même, il doit avoir une meilleure concertation des IMF intervenant dans les mêmes localités pour effectuer un découpage concerté des zones d’intervention. Le Consortium Alafia constitue l’un des meilleurs cadres de ce partenariat.

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Toutefois, certaines données importantes ne sont pas encore collectées au niveau des IMF pour mieux analyser l’évolution des services offerts, les montants des crédits mis en place ces dernières années et les charges liées à l’exercice de leur métier.

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8 Références bibliographiques Agnikpe Alain. 1998. Analyse du concept de loi micro finance in la micro finance : une

industrie au service du développement. Allagbé, M.C., Kodjo, M.K., Matthess, A. et Gogan, A.C. 2004. Priorités de financement et

systèmes de crédit-épargne performants pour le développement agricole des régions Sud et Centre du Bénin. Programme Régional Sud-Centre-Projet 3/INRAB/MAEP. Pp 77.

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