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BIO Web of Conferences 9, 01010 (2017) DOI: 10.1051/bioconf/20170901010 40 th World Congress of Vine and Wine Evolution des pratiques viticoles franc ¸ aises : de la viticulture raisonn ´ ee ` a l’agro ´ ecologie / Evolution of the French vineyard practices: From “controlled vine growing” to agro-ecology Jo¨ el Rochard IFV (Institut Franc ¸ais de la Vigne et du Vin), 17 rue Jean Chandon Mo¨ et, 51200 Epernay, France esum ´ e. Apr` es la deuxi` eme guerre mondiale, l’agriculture et la viticulture s’inscrivaient dans un contexte de d´ efi alimentaire. La priorit´ e de l’´ epoque ´ etait avant tout d’int´ egrer les progr` es de la science dans les itin´ eraires de production pour augmenter la productivit´ e et les rendements. En compl´ ement des effets sur le milieu naturel, l’utilisation massive des produits phytosanitaires a pu conduire ` a la pr´ esence de esidus dans le raisin. Progressivement, la lutte puis la production int´ egr´ ee ont ´ emerg´ e en France avec un souci de limitation des impacts sur les auxiliaires de la vigne. Parall` element ` a ces enjeux territoriaux, la notion de d´ eveloppement durable a mis l’accent sur l’impact plan´ etaire de l’homme, et vis-` a-vis des en´ erations futures. Ainsi, la biodiversit´ e, l’utilisation des ´ energies fossiles, la production de d´ echet et de gaz ` a effet de serre, s’immiscent progressivement dans les contraintes viticoles. Parall` element aux aspects techniques, la certification des d´ emarches s’est appuy´ ee sur un processus d’´ evaluation et de contrˆ ole. L’IFV a accompagn´ e cette ´ evolution, notamment par de nombreuses recherches (mod´ elisation des maladies, pulv´ erisation, m´ ecanismes de r´ esistance des c´ epages, d´ ep´ erissements, etc.) et par l’´ elaboration de supports de vulgarisation (publications, colloques, plaquette, site Internet) ainsi que par la cr´ eation d’outils d’aide ` a la ecision. Abstract. After the Second World War, agriculture and the viticulture fell under a food context of challenge. The priority of the time was above all to integrate the advances in knowledge in the routes of production to increase the productivity and the outputs. In complement of the effects on the natural environment, the massive use of the plant health products could lead to the presence of residues in the grape. Gradually, the fight then the integrated viticulture emerged in France with a preoccupation with a limitation of the impacts on the auxiliaries of the vine. Parallel to these territorial challenges, the concept of sustainable development focused on the worldwide impact of the man, and with respect to the future generations. Thus, the biodiversity, the use of fossil energies, the production of waste and greenhouse gas, are involved gradually in the wine constraints. Parallel to the technical sides, the certification of the approachs was based on a process of rating and check out. The IFV accompanied this evolution, in particular by many search (modeling of the diseases, pulverization, mechanisms of resistance of type of vines, deteriorations, etc.) and by the development of supports of popularization (publications, conferences, plate, and website) like by the creation of tools of decision-making aid. 1. Introduction La viticulture a longtemps ´ et´ e fond´ ee sur un syst` eme de culture ancestral pour lequel l’´ energie humaine et animale conservait un rˆ ole pr´ epond´ erant. Mais progressivement le d´ eveloppement des moyens de transport a priv´ e le vignoble d’une partie de sa main-d’œuvre, en quˆ ete d’une vie plus «facile» en ville. Apr` es la deuxi` eme guerre mondiale, l’agriculture et la viticulture s’inscrivaient dans un contexte de d´ efi alimentaire. La priorit´ e de l’´ epoque ´ etait avant tout d’int´ egrer les progr` es de la science dans les itin´ eraires de production pour augmenter la productivit´ e et les rendements. Au cours de cette p´ eriode, les vignerons cultivaient l’espoir d’un progr` es d´ efinitif notamment vis- ` a-vis de la protection de la vigne contre les parasites. Mais ils durent d´ echanter devant les pullulations d’acariens et l’apparition de plus en plus fr´ equente de r´ esistance des bio- agresseurs et de mauvaises herbes [1]. Parall` element aux ph´ enom` enes de esistance, l’utilisation des produits agro-pharmaceutiques a pu conduire, par la modification de l’´ equilibre biologique et la destruction des auxiliaires, ` a l’´ emergence de nouveaux parasites. Tel fut le cas pour le d´ esherbage avec la pullulation de mauvaises herbes insensibles aux nouveaux herbicides. De mˆ eme, l’utilisation des insecticides, conduisit ` a une diminution de la population des auxiliaires et notamment les typhlodromes, aboutissant au d´ eveloppement des acariens. Parall` element aux effets sur le milieu naturel, l’utilisation massive des produits phytosanitaires a pu conduire ` a la pr´ esence de r´ esidus dans le raisin, parfois ` a l’origine d’une perturbation de la fermentation alcoolique et, dans certains cas, d’un d´ epassement des seuils de esidus fix´ es pour les vins dans le cadre notamment des ´ echanges internationaux. c The Authors, published by EDP Sciences. This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License 4.0 (http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/).

Evolution des pratiques viticoles françaises : de la

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40th World Congress of Vine and Wine

Evolution des pratiques viticoles francaises : de la viticultureraisonnee a l’agroecologie / Evolution of the French vineyardpractices: From “controlled vine growing” to agro-ecology

Joel Rochard

IFV (Institut Francais de la Vigne et du Vin), 17 rue Jean Chandon Moet, 51200 Epernay, France

Resume. Apres la deuxieme guerre mondiale, l’agriculture et la viticulture s’inscrivaient dans un contextede defi alimentaire. La priorite de l’epoque etait avant tout d’integrer les progres de la science dans lesitineraires de production pour augmenter la productivite et les rendements. En complement des effetssur le milieu naturel, l’utilisation massive des produits phytosanitaires a pu conduire a la presence deresidus dans le raisin. Progressivement, la lutte puis la production integree ont emerge en France avecun souci de limitation des impacts sur les auxiliaires de la vigne. Parallelement a ces enjeux territoriaux,la notion de developpement durable a mis l’accent sur l’impact planetaire de l’homme, et vis-a-vis desgenerations futures. Ainsi, la biodiversite, l’utilisation des energies fossiles, la production de dechet et degaz a effet de serre, s’immiscent progressivement dans les contraintes viticoles. Parallelement aux aspectstechniques, la certification des demarches s’est appuyee sur un processus d’evaluation et de controle.L’IFV a accompagne cette evolution, notamment par de nombreuses recherches (modelisation des maladies,pulverisation, mecanismes de resistance des cepages, deperissements, etc.) et par l’elaboration de supportsde vulgarisation (publications, colloques, plaquette, site Internet) ainsi que par la creation d’outils d’aide a ladecision.Abstract. After the Second World War, agriculture and the viticulture fell under a food context of challenge.The priority of the time was above all to integrate the advances in knowledge in the routes of productionto increase the productivity and the outputs. In complement of the effects on the natural environment, themassive use of the plant health products could lead to the presence of residues in the grape. Gradually, thefight then the integrated viticulture emerged in France with a preoccupation with a limitation of the impactson the auxiliaries of the vine. Parallel to these territorial challenges, the concept of sustainable developmentfocused on the worldwide impact of the man, and with respect to the future generations. Thus, the biodiversity,the use of fossil energies, the production of waste and greenhouse gas, are involved gradually in the wineconstraints. Parallel to the technical sides, the certification of the approachs was based on a process of ratingand check out. The IFV accompanied this evolution, in particular by many search (modeling of the diseases,pulverization, mechanisms of resistance of type of vines, deteriorations, etc.) and by the development ofsupports of popularization (publications, conferences, plate, and website) like by the creation of tools ofdecision-making aid.

1. IntroductionLa viticulture a longtemps ete fondee sur un systeme deculture ancestral pour lequel l’energie humaine et animaleconservait un role preponderant. Mais progressivementle developpement des moyens de transport a prive levignoble d’une partie de sa main-d’œuvre, en quete d’unevie plus «facile» en ville. Apres la deuxieme guerremondiale, l’agriculture et la viticulture s’inscrivaient dansun contexte de defi alimentaire. La priorite de l’epoqueetait avant tout d’integrer les progres de la science dans lesitineraires de production pour augmenter la productivite etles rendements. Au cours de cette periode, les vigneronscultivaient l’espoir d’un progres definitif notamment vis-a-vis de la protection de la vigne contre les parasites. Maisils durent dechanter devant les pullulations d’acariens etl’apparition de plus en plus frequente de resistance des bio-agresseurs et de mauvaises herbes [1].

Parallelement aux phenomenes de resistance,l’utilisation des produits agro-pharmaceutiques a puconduire, par la modification de l’equilibre biologiqueet la destruction des auxiliaires, a l’emergence denouveaux parasites. Tel fut le cas pour le desherbageavec la pullulation de mauvaises herbes insensiblesaux nouveaux herbicides. De meme, l’utilisation desinsecticides, conduisit a une diminution de la populationdes auxiliaires et notamment les typhlodromes, aboutissantau developpement des acariens.

Parallelement aux effets sur le milieu naturel,l’utilisation massive des produits phytosanitaires a puconduire a la presence de residus dans le raisin, parfois al’origine d’une perturbation de la fermentation alcooliqueet, dans certains cas, d’un depassement des seuils deresidus fixes pour les vins dans le cadre notamment desechanges internationaux.

c© The Authors, published by EDP Sciences. This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License 4.0(http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/).

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Ecophyto est un plan national qui vise areduire progressivement l’utilisation des produitsphytosanitaires en France tout en maintenant uneagriculture economiquement performante (Fig. 1).

Pour y parvenir, toute une batterie d’outils a ete miseen place comme par exemple :

• la formation des agriculteurs a une utilisationresponsable des pesticides : le certiphyto (certificatindividuel produits phytopharmaceutiques),

• la creation d’un vaste reseau de fermes pilotes pourmutualiser les bonnes pratiques,

• la mise en ligne dans chaque region, de bulletinsde sante du vegetal qui alertent les producteurs surl’arrivee des parasites,

• un programme de controle de tous les pulverisateursqui sont utilises pour l’application des produitsphytosanitaires.

Figure 1. Logo de la demarche Ecophyto 2018.

Si les preoccupations environnementales du grand pub-lic ont concerne dans un premier temps majoritairementles industries chimiques et metallurgiques, l’agricultureet la viticulture furent progressivement associees auxattentes societales relayees par les medias. De nombreusesemissions firent etat des risques environnementaux lies ala sante des operateurs et consommateurs. La dimensionculturelle de la vigne et du vin, la forte consommation deproduits de protection des plantes pour la protection contreles maladies cryptographiques ainsi que la proximitede cette culture vis-a-vis des zones d’habitation, ontcontribue a privilegier le secteur viticole dans les supportsmediatiques denoncant les mefaits des pesticides (Fig. 2).

Au-dela des preoccupations legitimes du consom-mateur par rapport a l’environnement et a la securitealimentaire, les vignerons ont progressivement prisconscience que l’image de leur vin est liee, bien sur,a sa qualite intrinseque, mais aussi aux conditions danslesquelles il est produit, un environnement naturel etendconsidere comme le bien commun de tous les citoyens.

Sur le plan legislatif, de nouvelles exigences environ-nementales se sont traduites par une reglementation deplus en plus stricte vis-a-vis de l’utilisation des produitsde protection des plantes :

• Restriction, voire interdiction, d’utilisation de certainsproduits detectes dans les eaux.

• Renforcement de l’impact environnemental dans laprocedure d’homologation des produits.

• Procedure d’agrement des distributeurs et des applica-teurs des produits agro-pharmaceutiques.

Figure 2. Schema simplifie de l’efficacite d’une protectionphytosanitaire (M. Raynal, A. Davy et coll., IFV).

• Creation des zones tampons (Zones Non Traitees) aproximite des points d’eau.

• Renforcement de la protection des manipulateurs deproduits phytosanitaires.

• Optimisation de la pulverisation (controle despulverisateurs, conception du local de stockage,gestion du rincage).

2. De la production integree audeveloppement durableDes les annees 1970, des scientifiques de plusieurspays se regrouperent au sein de l’OILB (OrganisationInternationale de Lutte Biologique et Integree). Lesagrobiologistes de l’OILB avaient pour objectif la LutteIntegree qui repose sur l’association de toutes les solutionss agronomiques permettant de preserver l’equilibre del’agroecosysteme et la sante globale du vegetal cultive(Fig. 3).

Cette approche, limitee au depart a la protection desvergers, puis des vignobles, a ete elargie a une notionde Production Integree, lorsque les connaissances sur lesinteractions entre la conduite du vegetal, sa nutrition et sonetat sanitaire ont pu etre integrees dans un raisonnementglobal, incluant des objectifs qualitatifs pour la production.

L’OILB publia en 1996 un guide qui inspiral’elaboration de referentiels des cahiers des chargesinstitutionnelles ou prives. Parallelement, l’agriculturebiologique et bio dynamique, fondee notamment surun rejet de l’utilisation des « intrants chimiques »,se developpa progressivement dans le secteur viticole(Fig. 4).

La fin des annees 1970 et debut des annees 1980marquaient le terme des «30 glorieuses», caracterisees parl’intensification des methodes de production qui toucheegalement le monde agricole. Elle permit de reduire lapenibilite des travaux, de regulariser les rendements etde proposer aux consommateurs des denrees abondantes,variees et bon marche. Mais si elle a apporte une reponsea la fois sociale et economique au probleme pose parla population au sortir de la seconde guerre mondiale,cette mutation s’est accompagne dans le meme temps demultiples effets collateraux sur l’environnement.

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Figure 3. Logo de l’OILB/IOBC www.iobc-wprs.org.

Figure 4. Evolution de la viticulture : du concept raisonne a laviticulture durable (Source J. Rochard) [2].

Des les annees 1970, cette absence de prise encompte des equilibres naturels couplee a la premiere crisepetroliere declencha l’emergence de nouveaux courants depensee (resistance a la societe de consommation, prise deconscience des limites de la planete) (Schema numero 4).En 1972, le rapport Meadows commande par le Clubde Rome, «Les limites de la croissance», envisageait uneffondrement brutal des economies au cours du 21e sieclesuite aux effets conjugues de l’evolution demographique,des pressions environnementales et de l’epuisement desressources.

Depuis la Conference des Nations Unies de Stockholmen 1972, le probleme du rapport entre le developpementeconomique et la deterioration de l’environnement s’estinscrit au centre des preoccupations internationales.

En 1983, L’ONU crea la Commission Mondiale pourl’Environnement et le Developpement qui fit apparaıtreclairement que les effets secondaires du developpementindustriel posaient de graves problemes de survie,notamment aux pays en developpement (Fig. 5). LaCommission elabora alors le concept de developpementdurable, en opposition avec celui d’une croissanceeconomique sans limites : «Repondre aux besoins dupresent sans compromettre la capacite des generations

Figure 5. Logo du Programme des Nations Unies pourl’Environnement.

futures de satisfaire leurs propres besoins ». En 1992, 172etats etaient reunis a la conference des Nation Unies aRio, au cours de laquelle, cinq accords importants furentadoptes, visant a inflechir la demarche traditionnelle dudeveloppement.

Le programme aborda des problemes urgents etpresente des propositions d’actions dans les domainessociaux et economiques (lutte contre la pauvrete,modification des modes de production et des schemas deconsommation, etudes des tendances demographiques) etaborde des strategies de conservation et de gestion desressources naturelles indispensables a la vie (protection del’atmosphere, des oceans et de la biodiversite, lutte contrele deboisement, promotion d’une agriculture durable, etc.).

La notion de developpement durable a mis l’accent surl’impact de l’homme, par son activite domestique, agricoleou industrielle, sur le devenir des generations futures.Ainsi, la biodiversite, l’utilisation des energies fossiles, laproduction de dechet et de gaz a effet de serre, se sontprogressivement immisces dans les itineraires viticoles.Cette orientation a initie de nombreuses demarches dontla credibilite s’appuie de plus en plus sur des notionsd’indicateurs en lien notamment avec des methodologiesde type Analyse de Cycle de Vie.

En 1996 apparu la norme ISO 14001 sur lemanagement environnemental. Elle repose sur le principed’amelioration continue de la performance environnemen-tale par la maıtrise des impacts lies a l’activite del’entreprise (Fig. 8).

Le respect de ses exigences necessite de mettre enplace un systeme de management environnemental quiinclut :

• Une analyse environnementale permettant de dresserun etat des lieux des activites, de la reglementationapplicable a ces dernieres et des impacts environ-nementaux qu’elles induisent.

• Une politique environnementale comportant un en-gagement d’amelioration continue et de preventionde la pollution, de conformite a la legislation et ala reglementation environnementale applicable et auxautres exigences auxquelles l’organisme a souscrit.

• La structure organisationnelle, les activites de planifi-cation, les responsabilites, les pratiques, les procedures,les procedes et les ressources pour elaborer, mettre

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Strategie de reduction de reduction de l’impact«effet de serre» de la filiere viticole francaise.Le Bilan Carbone R©developpe par l’ADEME a permisde formaliser les demarches de reduction de l’impactsur l’effet de serre de nombreuses structures viticolesfrancaises avec des plans climats etablis notammentdans le bordelais, la Bourgogne, la Champagne (Fig. 7).En complement les projets AGRIBALYSE pour laproduction de raisins et ACYVIA pour l’elaborationdes vins ont pour objectif d’etablir une base dedonnees d’Inventaires du Cycle de Vie qui requiert uncertain nombre de regles methodologiques, ainsi que lacoherence entre ces jeux de donnees (Figs. 6–7).

Figure 6. Logo de la methode de calcul de l’impact effet deserre Bilan Carbone R©.

Figure 7. Logo des methodes de calcul de l’impactenvironnemental bilan Carbone, Agribalyse et Acyvia.

Figure 8. Logo de la demarche ISO 14001.

en œuvre, realiser, passer en revue et maintenir lapolitique environnementale de la structure.

Si les demarches de developpement durable ont surtoutconcerne dans un premier temps le volet environnemental,l’aspect social et plus globalement societal s’integre deplus en plus dans les reflexions avec l’emergence de lanorme ISO 26 000.

La Responsabilite Societale des Entreprises (RSE)est un «concept dans lequel les entreprises integrent les

Management environnemental collectif :l’exemple du bordelaisUn Systeme de Management Environnemental collectifau service des performances individuelles a ete mis enplace par l’interprofession bordelaise (CIVB) (Fig. 9).Il est base sur des groupes d’entreprises qui avancentensemble mais chacune a leur rythme. Les fondementsde cette demarche reposent sur le partage d’experienceet la mutualisation de moyens. En 2011 la premiereassociation comptait 28 membres, aujourd’hui, plus de250 entreprises reparties sur l’ensemble du vignoblebordelais sont engagees dans la demarche du SMEsoient environ 10 % de la surface du vignoble.

Figure 9. Logo du systeme de management environnementaldu vin de Bordeaux.

Figure 10. Logo de la norme ISO 26 000.

preoccupations sociales, environnementales, et economiques dans leurs activites et dans leurs interactions avecleurs parties prenantes sur une base volontaire ». Lanorme ISO 26000 contient des lignes directrices et nondes exigences. Elle ne se prete donc pas a la certification,contrairement a d’autres normes tres connues de l’ISO(Fig. 10). Elle permet en revanche de clarifier la notionde responsabilite societale, d’aider les entreprises et lesorganisations a traduire les principes en actes concrets, etde faire connaıtre les meilleures pratiques en matiere deresponsabilite societale, dans le monde entier. Elle vise lesorganisations de tous types, quelle que soit leur activite,leur taille ou leur localisation.

Plusieurs regions francaises beneficie de ce label(Fig. 12):

• Juridiction de Saint-Emilion• Val de Loire entre Sully-sur-Loire et Chalonnes• Coteaux, maisons et caves de Champagne• Climats du vignoble de Bourgogne.

Dans le prolongement du developpement durable, uneapproche patrimoniale des terroirs en lien notamment avecles paysages a progressivement emerge. C’est ainsi quele classement patrimoine mondial Unesco a concerne unequinzaine de regions au niveau mondial et de nombreusesregions viticoles ont etabli des chartes paysageres en

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La filiere vin francaise dispose desormais d’unguide de la norme internationale ISO 26000(responsabilite societale des entreprises – RSE)adapte a ses specificites.

Impulse par Y. Chabin au sein d’Inter Oc,Interprofession des Vins Pays d’Oc IGP, il a eteelabore collectivement, sous l’egide d’AFNOR, parune quarantaine d’organismes professionnels tresengages pour que chaque intervenant, du raisin a labouteille, contribue a la preservation des territoires. Lesdemarches de developpement durable se multiplientdans la filiere francaise du vin, en reponse aux attentescroissantes exprimees par les acheteurs francais etetrangers. Elles traduisent les actions des entreprisespour preserver l’environnement (comme la preservationdes sols, la gestion de l’eau, le traitement des dechets)mais aussi leur contribution au developpement localet en particulier leur implantation dans les territoires(Fig. 11).

Figure 11. Accompagnement de l’AFNOR dans les demarchesde responsabilite societale et environnementale ISO 26 000,www.afnor.org.

Figure 12. Label patrimoine mondial Unesco.

lien pour certaines avec le Reseau International PaysagesViticole (Figs. 13–14). La gouvernance territorialeimposee par cette approche, au-dela de l’oeno-tourisme,a souvent egalement conduit a une reflexion sur lesenjeux environnementaux ecologiques avec la mise enplace de strategies a l’echelle des communes vis-a-visdes problemes de ruissellement et d’erosion, la mise enplace d’une lutte par confusion sexuelle et parfois des

Figure 13. Logo du reseau international paysages viticole.

Figure 14. Regions francaises qui beneficient du label ReseauInternational Paysages Viticoles.

approches collectives de gestion des effluents de cave etde pulverisation.

Le label Reseau International Paysages Viticoles,etablit a partir de la Charte de Fontevraud, temoigne dela qualite des demarches volontaires et concertees surdes terroirs viticoles, ou tous les acteurs du territoire(collectivites locales, syndicats de producteurs, operateurseconomiques, culturels et touristiques, universites etlaboratoires) sont engages, a partir d’un diagnosticpaysager et un plan d’action.

En lien avec la vision paysagere des terroirs, l’agro-ecologie integre les services ecosystemiques fournis parl’environnement autour et dans la parcelle agricole et lesutilise notamment pour privilegier les auxiliaires et ainsilimiter l’utilisation des pesticides. Les espaces viticolesetant souvent composes de parcelles de dimensionsreduites, les nombreux espaces interstitiels sont propicesa la restauration de milieux favorables a la biodiversite,notamment des haies, des murets ou encore des bandes

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herbacees et fleuries. La FAO a organise en 2014 a Romeun symposium international sur l’agroecologie pour lasecurite alimentaire et la nutrition. Elle considere quel’agro-ecologie est un moyen viable d’assurer la securitealimentaire mondiale, en particulier dans un contexte dechangements climatiques.

«Guide de l’agro-ecologie en viticulture »,Elabore par l’IFV et l’INAO, il a pour objectif defournir des points de repere techniques pour tousles vignerons qui souhaitent, sur le plan individuelou dans un cadre collectif, faire evoluer leurspratiques, afin d’initier ou d’approfondir une demarcheagroenvironnementale. Concu de facon tres pratique, ceguide regroupe des mesures d’application simples pouraccompagner la filiere vers des systemes de productiondurables et performants (Fig. 15) [3,4].

Figure 15. Guide de l’agroecologie – www.vignevin.com.

3. Principales demarches viticolesinitiees en FranceA l’initiative de groupes de viticulteurs, de relais en amontou en aval de la filiere de structures professionnellesou des autorites publiques, differentes demarches ont eteengagees dans les regions viticoles francaises.

3.1. Viticulture biologique

En France, la loi d’orientation agricole de juillet 1980,a reconnu completee par le decret de mars 1981,officiellement l’agriculture biologique en tant que mode deproduction.

Un logo national (la marque AB) fut propose en1985 (Fig. 16). Les cahiers des charges, jusqu’alorsprives, ont ete homologues a l’echelon national. La memeannee, le livre vert, document de reflexion elabore parla Commission Europeenne, indiquait de facon claireque la fonction de l’agriculture ne peut se limiter a lafourniture alimentaire mais qu’elle doit integrer la fonctionde protection de l’environnement (Fig. 15).

Figure 16. Logo national agriculture biologique.

Figure 17. Le logo europeen «agriculture biologique», encoreappele «Eurofeuille», a pour objet d’aider les consommateursa reperer les produits biologiques. Sa presence sur l’etiquetageassure le respect du reglement sur l’agriculture biologique del’Union europeenne.

En 2009, les reglementations europeennes et nationalesrelatives a l’agriculture biologique furent abrogees etremplacees par un nouveau reglement, qui permitd’apposer le logo vin biologiques «Eurofeuille» enintegrant un cahier des charges sur le volet elaboration(Fig. 17).

3.2. Agriculture raisonnee

L’agriculture raisonnee est une demarche, en France,qui s’applique aux productions agricoles prenant encompte la protection de l’environnement, la sante etle bien-etre animal. Le principe central de l’agricultureraisonnee est d’optimiser le resultat economique enmaitrisant les quantites d’intrants utilisees. Le concepta ete notamment promu par le Forum des agriculteursresponsables respectueux de l’environnement (FARRE).En France, de 2002 a 2013, le concept etait reglementepar les pouvoirs publics (ministeres de l’Agriculture et del’Ecologie) par une certification.

Le referentiel porte notamment sur le respect del’environnement, la maıtrise des risques sanitaires, la santeet la securite au travail et le bien-etre des animaux.

• Agri Confiance R© : Cette demarche est nee en 1992a l’initiative de Coop de France pour l’ensembledu secteur agricole afin initialement d’organiser lamesure de la qualite et structurer la tracabilite dansles structures agricoles. Progressivement elle a integrele volet environnement en s’appuyant notammentsur la norme Afnor NF V01-007 : «systeme demanagement de la qualite et de l’environnement de la

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Figure 18. Logo de la demarche Agri confiance.

Figure 19. Logo Terra Vitis R©.

production agricole ») Cette certification se conjugueavec l’engagement de chaque agriculteur adherent a sacooperative, d’amenager et d’entretenir son territoire,son terroirs, de les preserver, les proteger, par amourde la terre et de la nature, pour leguer aux generationsfutures des sols fertiles et des environnements sains etauthentiques (Fig. 18) [5].

• Terra Vitis R© : Nee dans la region du Beaujolaisen 1998, cette association s’est progressivementdeveloppee dans d’autres regions viticoles francaises(Val de Loire, Rhone-Mediterranee, Bordeaux, etc.).L’originalite de la demarche de viticulture integreerepose sur un double controle) qui permet de verifierle respect du cahier des charges par l’exploitant :

◦ Controle interne par un technicien du groupementou un conseiller viticole.

◦ Controle externe par un organisme independant desexploitations et des structures de coordination.

Par cette organisation, l’association gere une marqueprivee TERRA VITIS valorisee par le biais de macarons,etiquettes, vignettes (Fig. 19).

• Vignerons en Developpement Durable R© : Concerneespar l’avenir de la Terre, la preservation des terroirset la durabilite du metier de viticulteur, 17 cavescooperatives de plusieurs regions (Bourgogne, RhoneAlpes, Provence Alpes Cote d’Azur, LanguedocRoussillon, Pays de la Loire) se sont reunies autourd’une charte collective specifique au secteur viti-vinicole reposant sur 37 engagements comprenantquatre axes :

◦ Gouvernance et Pratiques Manageriales◦ Performance economique

Figure 20. Logo Vignerons en Developpement Durable R©.

◦ Responsabilite sociale et territoriale◦ Responsabilite environnementale.

Face aux defis du monde agricole, chacune a su mettreen place des actions garantissant la qualite des produitsdans le respect des personnes et de l’environnement(Fig. 20).

• Certification environnementale : La certificationenvironnementale des exploitations agricoles misesen place en 2011, par le Ministere de l’Agriculture,est une demarche volontaire qui vise a identifieret valoriser les pratiques plus particulierementrespectueuses de l’environnement mises en œuvre parles agriculteurs. Elle porte sur quatre thematiquescles : la preservation de la biodiversite, la strategiephytosanitaire, la gestion de la fertilisation et la gestionde la ressource en eau.Afin d’engager l’ensemble de la filiere agricole dansune demarche de progres environnemental, elle estconcue selon une logique de certification de l’ensemblede l’exploitation en trois niveaux.

• Niveau 1 : respect des exigences environnementalesde la conditionnalite des aides Pac et realisation d’unautodiagnostic, verifie par un organisme habilite, mon-trant que l’exploitation s’inscrit dans une demarche deprogres pour atteindre les niveaux 2 et/ou 3 ;

• Niveau 2 : respect de 16 exigences rassemblees dansun referentiel. Ce niveau correspond a des demarchesexistantes (par exemple l’agriculture raisonnee). Lereferentiel comporte des obligations de moyens autourde quatre thematiques : biodiversite, utilisation desproduits phytosanitaires, fertilisation, gestion de l’eau.

• Niveau 3 : fonde sur des indicateur de resultatsrelatifs a la biodiversite, la strategie phytosanitaire, lagestion de la fertilisation et de l’irrigation. C’est leniveau qui permet d’obtenir le label de «haute valeurenvironnementale ». qui garantit un haut niveau deperformance environnementale de l’exploitation agri-cole. Le retour d’experience montre que l’engagementdes agriculteurs dans le dispositif est beaucoup plusefficace lorsque les agriculteurs sont accompagnespar une structure (cooperative, syndicat, collectiviteterritoriale. . . )» ce qui a motive la mise en place decertification collective par le Ministere de l’Agriculture

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BIO Web of Conferences 9, 01010 (2017) DOI: 10.1051/bioconf/20170901010

40th World Congress of Vine and Wine

Figure 21. Logo de la certification « Haute Valeur Environ-nementale ».

Figure 22. Logo de la demarche «Viticulture durableen champagne». L’interprofession champenoise a developpedepuis plusieurs annees une dynamique de viticulture durable,dont le referentiel, dans le cadre d’une gestion collective,permet de beneficier de la certification «Haute ValeurEnvironnementale» [6].

avec neanmoins des indicateurs de performanceenvironnementale calcules au niveau de l’exploitationindividuelle (Fig. 21).

• Initiatives professionnelles regionales : Conscientesdes enjeux environnementaux, certaines structuresprofessionnelles regionales (syndicats, interprofes-sions, cooperative, etc.) ont souhaite etablir un cadrerelatif a la production raisonnee. Ces travaux sontbien souvent l’aboutissement de suivis d’exploitationspilotes qui ont permis de cerner les points critiqueset d’apprecier les contraintes de mise en œuvre.Certaines ont pu beneficier du label «Haute ValeurEnvironnementale» dans le cadre de demarchescollectives (Fig. 22).

4. ConclusionLa France, comme beaucoup de pays viticoles dumonde a connu au cours des dernieres decennies uneevolution significative de ses pratiques. Depuis l’apres-guerre et les «30 glorieuses» marques par l’introductionde la mecanisation et l’utilisation intensive des produitsphytosanitaires, la viticulture a progressivement evoluevers des pratiques environnementales plus durables. Sila protection du vignoble a ete en premier concerneepar cette evolution, l’ensemble des itineraires techniques(gestion des sols, amendement, systeme de conduite etc.)s’est progressivement integre dans les cahiers des charges.Ainsi les concepts de viticulture raisonnee, integree,durable et pour certain biologique, se sont progressivementimposes dans les exploitations soutenues par les demarchesregionales ou nationales et encouragee par les pouvoirspublics. Parallelement les paysages, la biodiversite et dansle prolongement l’agro-ecologie, s’integrent egalementdans une vision durable a l’echelle des terroirs et desterritoires viticoles. L’enseignement, le developpement, larecherche accompagnent cette evolution qui devrait sepoursuivre dans un contexte evolutif, notamment en lienavec les changements climatiques.

«L’evolution de l’agriculture vers l’agroecologiedoit desormais etre un element structurant des reflexionsde tous ceux qui participent a construire l’avenir del’agriculture. Une realite s’impose : il est possible de fairecoexister les enjeux environnementaux et economiques.Il nous appartient collectivement de depasser ce quipouvait ressembler hier encore a des contradictions, desoppositions et surtout d’en tirer profit».

Stephane LE FOLL

Ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de laForet, Source : Guide de l’agro ecologie, IFV/INAO, 2017.

References

[1] I. Pierot, J. Rochard, Developpement durable vi-tivinicole : etat des lieux international strategiqueet reglementaire, congres OIV, Bucarest, Roumanie,(2013)

[2] J. Rochard, Traite de viticulture et d’oenologiedurables, Editions Avenir Oenologie (2005)

[3] IFV/INAO, Guide de l’agro ecologie, IFV INAO,(2017), www.vignevin.com

[4] J. Rochard, C. Herbin, V. Lempereur, L’agro-ecologiedes terroirs: concept, application viticole, exemplede la France, Congres Bresil, Bento Goncalves OIV(2016)

[5] Y. Chabin, J. Rochard, Les cooperatives vitivinicoles :quelles voies de durabilite ? Colloque diversite etdurabilite des modeles agricoles cooperatifs, Paris,6–7 novembre (2012)

[6] A. Descotes, D. Moncomble, Champagne, environ-nement et developpement durable : 30 ans d’histoire,Le vigneron champenois, novembre (2013)

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