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ÉCHO DE LA RECHERCHE EVOLVE : entre déception et optimisme Pierre Delanaye a, * , Jean-Marie Krzesinski a , Etienne Cavalier b a Service de néphrologie et dialyse, université de Liège, CHU Sart Tilman, Liège, Belgique b Service de chimie médicale, université de Liège, CHU Sart Tilman, Liège, Belgique Reçu le 17 janvier 2013 ; accepté le 6 avril 2013 1. EVOLVE : LES FAITS L’objectif de l’étude EVOLVE (evaluation of cinacalcet hydrochloride therapy to lower cardiovascular events) était d’évaluer l’impact du traitement par calcimimétique, le cinacalcet en l’occurrence, sur la mortalité et d’autres critères de jugements « durs » chez les patients hémodialysés. Cette étude contre placebo a récemment été publiée dans le New England Journal of Medicine. La randomisation peut être jugée correcte. En effet, seuls la pression artérielle diastolique et les antécédents d’accident ischémique transi- toire étaient légèrement différents (et plus élevés dans le bras cinacalcet). Dans cette étude sollicitée et financée par l’industrie (Amgen), les patients ont été exposés au médicament pendant une durée médiane de 21,2 mois dans le groupe cinacalcet et de 17,5 mois dans le groupe placebo. Le critère de jugement principal était composite et comprenait le décès ou le premier événement cardiovascu- laire, défini comme un infarctus du myocarde, une hospita- lisation pour angor instable, le développement d’une insuffisance cardiaque ou un événement vasculaire péri- phérique. Dans l’analyse en « intention de traiter », le cinacalcet n’a pas montré de bénéfice par rapport au placebo sur le critère de jugement principal. De même, aucune différence significative n’était retrouvée dans la majorité des critères secondaires comme la survenue d’un infarctus du myocarde, une hospitalisation pour angor instable, l’appari- tion d’un événement vasculaire périphérique ou cérébral, ou encore la mortalité spécifiquement cardiovasculaire [1]. 2. EVOLVE : ANALYSES STATISTIQUES SECONDAIRES Les résultats de l’étude EVOLVE sont donc, de prime abord, décevants. Les auteurs ont également présenté leurs résultats après pondération pour les caractéristiques cliniques et biologiques de départ. Il nous semble cependant que réaliser des ajustements statistiques sur des données de base qui sont, par ailleurs, présentées comme parfaitement randomisées pose question, même si ces ajustements étaient bien pré-spécifiés dans le protocole de l’étude. Probablement moins contestable est l’analyse en « lag-censoring », également prévue par le protocole. Dans cette analyse, les patients qui ont arrêté le médicament actif pendant l’étude ont été censurés au bout de six mois. L’arrêt de traitement était considéré dans les situations suivantes : transplantation rénale, parathyroïdecto- mie, ou encore initiation du cinacalcet sous sa forme commerciale (en dehors du schéma de l’étude, donc). Ce dernier point « initiation du cinacalcet disponible dans le commerce » mérite d’être quelque peu commenté. En effet, il apparaît que 19,8 % des patients du groupe placebo ont reçu une prescription de cinacalcet, en dehors du protocole. Cette proportion est impressionnante et cette donnée ne peut être passée sous silence [1]. Comme cela est suggéré dans l’éditorial accompagnant la publication de l’étude, la communauté néphrologique doit probablement réfléchir à cet état des choses et proposer des solutions pour l’avenir [2]. En considérant le critère de jugement principal mais après pondération pour les données de départ, les résultats sont significatifs avec une réduction de 12 % ( p = 0,008) des événements dans le groupe cinacalcet. Il en est de même dans l’analyse « lag-censoring ». Les résultats s’avèrent également positifs avec une réduction de 15 % ( p = 0,003) des événements [1]. Ces différences significatives doivent cepen- dant être analysées à la lumière de la taille de l’échantillon et du Néphrologie & Thérapeutique 9 (2013) 241–245 * Auteur correspondant. Service de dialyse, CHU Sart Tilman, 4000 Lie `ge, Belgique. Adresse e-mail : [email protected] (P. Delanaye). 1769-7255/$ see front matter ß 2013 Association Socie ´te ´ de ne ´phrologie. Publie ´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.04.001

EVOLVE : entre déception et optimisme

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ÉCHO DE LA RECHERCHE

EVOLVE : entre déception et optimisme

Pierre Delanaye a,*, Jean-Marie Krzesinski a, Etienne Cavalier b

a Service de néphrologie et dialyse, université de Liège, CHU Sart Tilman, Liège, Belgiqueb Service de chimie médicale, université de Liège, CHU Sart Tilman, Liège, Belgique

Reçu le 17 janvier 2013 ; accepté le 6 avril 2013

Néphrologie & Thérapeutique 9 (2013) 241–245

1. EVOLVE : LES FAITS

L’objectif de l’étude EVOLVE (evaluation of cinacalcethydrochloride therapy to lower cardiovascular events) étaitd’évaluer l’impact du traitement par calcimimétique, lecinacalcet en l’occurrence, sur la mortalité et d’autrescritères de jugements « durs » chez les patients hémodialysés.Cette étude contre placebo a récemment été publiée dansle New England Journal of Medicine. La randomisation peutêtre jugée correcte. En effet, seuls la pression artériellediastolique et les antécédents d’accident ischémique transi-toire étaient légèrement différents (et plus élevés dans le brascinacalcet). Dans cette étude sollicitée et financée parl’industrie (Amgen), les patients ont été exposés aumédicament pendant une durée médiane de 21,2 mois dansle groupe cinacalcet et de 17,5 mois dans le groupe placebo.Le critère de jugement principal était composite etcomprenait le décès ou le premier événement cardiovascu-laire, défini comme un infarctus du myocarde, une hospita-lisation pour angor instable, le développement d’uneinsuffisance cardiaque ou un événement vasculaire péri-phérique. Dans l’analyse en « intention de traiter », lecinacalcet n’a pas montré de bénéfice par rapport au placebosur le critère de jugement principal. De même, aucunedifférence significative n’était retrouvée dans la majorité descritères secondaires comme la survenue d’un infarctus dumyocarde, une hospitalisation pour angor instable, l’appari-tion d’un événement vasculaire périphérique ou cérébral, ouencore la mortalité spécifiquement cardiovasculaire [1].

* Auteur correspondant. Service de dialyse, CHU Sart Tilman, 4000Liege, Belgique.

Adresse e-mail : [email protected] (P. Delanaye).

1769-7255/$ see front matter � 2013 Association Societe de nephrologie. Publie

http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.04.001

2. EVOLVE : ANALYSES STATISTIQUESSECONDAIRES

Les résultats de l’étude EVOLVE sont donc, de prime abord,décevants. Les auteurs ont également présenté leurs résultatsaprès pondération pour les caractéristiques cliniques etbiologiques de départ. Il nous semble cependant que réaliserdes ajustements statistiques sur des données de base qui sont,par ailleurs, présentées comme parfaitement randomisées posequestion, même si ces ajustements étaient bien pré-spécifiésdans le protocole de l’étude. Probablement moins contestableest l’analyse en « lag-censoring », également prévue par leprotocole. Dans cette analyse, les patients qui ont arrêté lemédicament actif pendant l’étude ont été censurés au boutde six mois. L’arrêt de traitement était considéré dans lessituations suivantes : transplantation rénale, parathyroïdecto-mie, ou encore initiation du cinacalcet sous sa formecommerciale (en dehors du schéma de l’étude, donc). Cedernier point « initiation du cinacalcet disponible dans lecommerce » mérite d’être quelque peu commenté. En effet, ilapparaît que 19,8 % des patients du groupe placebo ont reçuune prescription de cinacalcet, en dehors du protocole. Cetteproportion est impressionnante et cette donnée ne peut êtrepassée sous silence [1]. Comme cela est suggéré dans l’éditorialaccompagnant la publication de l’étude, la communauténéphrologique doit probablement réfléchir à cet état deschoses et proposer des solutions pour l’avenir [2]. Enconsidérant le critère de jugement principal mais aprèspondération pour les données de départ, les résultats sontsignificatifs avec une réduction de 12 % ( p = 0,008) desévénements dans le groupe cinacalcet. Il en est de même dansl’analyse « lag-censoring ». Les résultats s’avèrent égalementpositifs avec une réduction de 15 % ( p = 0,003) desévénements [1]. Ces différences significatives doivent cepen-dant être analysées à la lumière de la taille de l’échantillon et du

par Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

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nombre élevé d’événements survenus. Dans cette perspective,nous posons aussi la question du « nombre de patients àtraiter » pour éviter un événement. Ce nombre n’est pasdisponible dans la publication.

3. EVOLVE : QUAND LA MÉTHODOLOGIESNOBE QUELQUE PEU LA PHYSIOLOGIE

Plusieurs études non randomisées avaient auparavantsuggéré un bénéfice du cinacalcet sur la mortalité, particuliè-rement la mortalité cardiovasculaire du patient hémodialysé[3,4]. L’effet positif sur la morbi-mortalité cardiovasculairedécoulerait du rôle bénéfique du cinacalcet sur la survenue et/ou la progression des calcifications vasculaires qui sontassociées au risque de mortalité chez le sujet hémodialysé[5–12]. Dans ce contexte, nous discuterons souvent dans cetarticle de l’étude ADVANCE qui a effectivement testé l’effet ducinacalcet sur le développement des calcifications vasculaires (arandomized study to evaluate the effect of cinalcalcet plus low-dosevitamin D on vascular calcifications in subjects with chronic kidneydisease receiving haemodialysis). Un certain parallélisme est, eneffet, à faire entre ces deux études. L’« abstract » de l’étudeADVANCE renseigne des résultats clairement positifs.Cependant, en y regardant de plus près, on constatera quel’analyse principale en « intention de traiter » est, comme dansEVOLVE, non significative. Les résultats dans ADVANCE sontcertes positifs mais seulement en analyse de sous-groupes et/ouaprès pondérations statistiques pré-spécifiées [5].

Dans ce paragraphe, nous voudrions évoquer une possiblelimitation méthodologique commune à ces deux études. Cetteréflexion se base sur des arguments physiologiques. Lecinacalcet augmente la sensibilité du récepteur au calciumextracellulaire, ce qui conduit à une diminution dose-dépendante non seulement de la concentration de PTH, maisaussi de la concentration plasmatique en calcium [13–17]. Parconséquent, le « set-point » du calcium, défini comme laconcentration de calcium associée à la moitié de la stimulationmaximale de PTH, décroît et la courbe classique « calcium-PTH » est décalée vers la gauche. Ce phénomène a été très bienétudié et illustré dans deux publications en 2008 [18,19]. End’autres termes, la concentration nécessaire en calcium pouractiver le récepteur et inhiber la sécrétion de PTH est plusbasse chez le sujet traité [19]. Par conséquent, nous nousinterrogeons sur la définition de l’hypocalcémie chez un sujettraité par cinacalcet. L’hypocalcémie est définie à un niveau decalcium sérique inférieur à 8,4 mg/dL ou 2,1 mmol/L dansEVOLVE, alors que l’hypocalcémie sévère conduisant àl’interruption de l’étude est définie pour une concentrationinférieure à 7,5 mg/dL [1]. Nous pensons que cette hypo-calcémie, ou à tout le moins cette baisse du calcium sérique,doit être considérée plus comme une réponse physiologique autraitement (voire comme une preuve de compliance autraitement) que comme un effet secondaire indésirable. Onconstatera d’ailleurs que, dans les premières études notam-ment pharmacologiques, cette « hypocalcémie » est rarementsymptomatique et, par exemple, les crampes musculaires ne

sont nullement considérées comme un effet secondaireclassique chez les patients traités par cinacalcet [13–15,20].Il faut aussi noter que la définition de l’hypocalcémie estquelque peu différente selon les études [1,14,15,20,21]. Enoutre, ces dernières considèrent toujours la concentrationcorrigée de calcium total, au lieu du calcium ionisé, ce qui peutêtre trompeur chez les patients dialysés [22]. Dans EVOLVE,on constate également une diminution des concentrations encalcium à l’initiation du traitement (voir Figure S4, B dans lessuppléments [1]). Encore une fois, il nous semble qu’unequestion importante est de savoir si cette « hypocalcémie »reflète vraiment le manque de calcium disponible pour sonrécepteur ou tout simplement l’action physiologique dutraitement. Nous pensons donc que la normalisation desconcentrations en calcium (à savoir une concentration égale ousupérieure à 2,1 mmol/L) telle que recommandé dans EVOLVEet basée sur les recommandations américaines (NKF/K-DOQITM) est discutable [1]. Dans l’étude EVOLVE, les effortsvisant à normaliser rapidement le calcium ont été réaliséscomme en atteste la Figure S4, B [1]. Contrairement aux étudesprécédentes [5,14,20], il est moins aisé, dans EVOLVE, decomprendre quelles stratégies ont effectivement été utiliséespour augmenter ce calcium sérique [1]. Les possibilités sontcependant bien connues : augmentation du calcium dans lesbains de dialyse, prescription de calcium per os ou prescriptionde vitamine D, le plus souvent active [20,23,24]. Dans leprotocole d’EVOLVE, le choix était laissé à la discrétion dunéphrologue. Dans les études d’intervention et d’observationpubliées avec le cinacalcet avant l’étude EVOLVE, la dose deschélateurs à base de calcium ou la concentration de calcium dudialysat ont été augmentées. Dans EVOLVE, la concentrationen calcium du dialysat devait rester constante mais, dans lesrésultats publiés, aucune donnée ne le prouve. Pour ce qui estdu traitement par chélateurs calciques, seul le pourcentage depatients traités est disponible dans les résultats. Ce pour-centage était plus élevé dans le bras du cinacalcet mais est restéconstant au cours de l’étude. Ce résultat n’exclut cependantabsolument pas le fait que les doses de chélateurs aient pu êtreaugmentées chez ces patients [1]. La prescription de vitamine Dactive est sans doute l’un des moyens les plus utilisés pouraugmenter la concentration sérique en calcium chez le patienthémodialysé traité par cinacalcet [5,23–25]. Dans l’étudeEVOLVE, nous avons, de nouveau, relativement peu dedonnées disponibles à ce jour. Seul le pourcentage de patientstraités par vitamine D active (ou analogues) sous formeinjectable est renseigné. Il existe un doute quant à l’utilisationde la vitamine native qui était probablement très faible (voirpage 32 des suppléments) [1]. En ce qui concerne la dose devitamine D active, seules les doses hebdomadaires administréespar voie intraveineuse sont données [1] et cela alors que, dansde nombreux pays, la forme per os est encore fréquemmentutilisée, quand elle n’est pas la seule disponible [24]. Dans lamême réflexion, rappelons que le protocole de l’étudeADVANCE recommandait, dans le bras cinacalcet, l’utilisationde faibles doses de vitamine D active (doses inférieures àl’équivalent de 2 mg de paricalcitol par dialyse). Il est intéressantde noter que la prescription de vitamine D active est cependant

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restée en permanence au-dessus de ces doses imposées par leprotocole. En effet, la dose moyenne équivalente à 6 mg/semaine de paricalcitol a effectivement été prescrite dans legroupe cinacalcet, ce qui correspond à une dose journalière decalcitriol de 0,75 mg [5]. Récemment, il a en outre étédémontré, dans une sous-analyse de l’étude ADVANCE, que laprogression des calcifications vasculaires était atténuée chez lespatients traités par cinacalcet qui étaient, effectivement, traitéspar de faibles doses de vitamine D [26].

Nous émettons l’hypothèse que l’augmentation du calciumdans le dialysat, l’augmentation de la prise de calcium per os et/ou l’augmentation de la prescription de vitamine D active ait puse traduire par une balance calcique positive [27,28]. Laphysiologie et le concept de balance calcique ne sont pastoujours aisés à appréhender mais le lecteur pourra se référer àd’autres articles intéressants sur le sujet [27,28]. Commerappelé récemment dans un article du Professeur Houillier dansce journal, la concentration sérique en calcium n’estabsolument pas un reflet de cette balance [29]. Nous pensonségalement qu’il y a peu de doute quant à l’existence d’unebalance franchement positive si des efforts, tels que ceux quenous venons de décrire, sont réalisés pour corrigerl’« hypocalcémie », elle-même remise en doute, des patientshémodialysés traités par cinacalcet. Le solde positif en calciumpourrait, quant à lui, promouvoir ou accélérer le développe-ment des calcifications vasculaires, masquant ainsi un effetprotecteur potentiel du cinacalcet chez ces patients[7,27,28,30–33].

Plusieurs publications ont également bien souligné le lienexistant entre la concentration plasmatique en phosphore etla gravité des calcifications vasculaires [34,35]. Les cliniciensutilisant le cinacalcet connaissent l’effet positif de cemédicament sur les concentrations en phosphore, effetindépendant de tout changement éventuel dans le traitementchélateur [14]. Cet effet hypophosphatémiant du cinacalcet estégalement illustré dans de nombreuses études [13,14,24].Dans ce contexte, nous aimerions souligner la différenceobservée ici entre les résultats d’EVOLVE et d’ADVANCE. Eneffet, dans l’étude ADVANCE, on constate une diminution desconcentrations de phosphate dans le groupe cinacalcet parrapport au placebo, après 52 semaines de traitement [5].Dans l’étude EVOLVE, aucune différence n’était observéeentre les deux groupes à la fin du suivi [1]. La prescription dedoses élevées de vitamine D active (en ce compris lesnouveaux analogues) pourrait également être une explication àcette absence d’effet hypophosphatémiant observé dansEVOLVE [23,36,37].

4. EVOLVE : NE JETONS LE BÉBÉ AVEC L’EAUDU BAIN

Les cliniciens que nous sommes prescrivent le cinacalcetdans le but de mieux contrôler l’hyperparathyroïdie qui est unphénomène délétère. Personne ne peut discuter le fait quecette thérapie ait été tout à fait innovante. L’efficacité ducinacalcet pour contrôler l’hyperparathyroïdie n’est plus non

plus à prouver [13,14,20,24,38]. EVOLVE ne fait queconfirmer cette efficacité. Le niveau de PTH est mieuxcontrôlé dans le groupe traité et l’effet est aussi clairementpositif sur le critère de jugement « parathyroïdectomie » [1].Nous pensons que cette efficacité du cinacalcet, connue descliniciens, pourrait, dans le cadre de l’étude, expliquer, dumoins en partie, le pourcentage élevé (près de 20 %) de sujetsayant reçu du cinacalcet alors qu’ils se trouvaient dans legroupe placebo.

Enfin, même en analyse en « intention de traiter », tous lesrésultats de l’étude ne sont pas négatifs [1]. En effet, il existe unsous-groupe de patients, ceux âgés de plus de 65 ans, où lecinacalcet a eu un effet positif sur le critère de jugementprincipal (Figure S2 [2]). Ce point est relativement peu discutédans l’article original, mais il s’agit d’un résultat qui nous sembleimportant à souligner. En effet, ces patients plus âgésreprésentent une proportion importante des sujets dialysésen France comme en Europe d’ailleurs [39]. Il est intéressant denoter qu’un résultat similaire, à savoir un gain sur la mortalitédans le sous-groupe des patients plus âgés a été démontré dansune autre étude interventionnelle randomisée comparant lesevelamer et les chélateurs du phosphate à base de calcium[40]. Un autre résultat positif en « intention de traiter » dansEVOLVE concerne le risque de développer une insuffisancecardiaque congestive, qui est significativement moindre dans legroupe cinacalcet (0,82, p = 0,03) (Figure 3 [1]). Un effetdélétère de la PTH sur le cœur avait déjà été évoqué par lepassé [41]. Enfin, bien que le nombre d’événements soit faible,la cinacalcet a aussi entraîné une diminution significative durisque de calciphylaxie [1].

5. CONCLUSIONS : ET MAINTENANT QUEVAIS-JE FAIRE ?

Les résultats de l’étude EVOLVE n’ont globalement pasconfirmé les espoirs mis dans cette thérapeutique. Dans cetarticle « d’opinion », nous avons tenté d’en proposer desexplications en soulevant une question méthodologiquecruciale. Nous pensons que des études supplémentairescomparant cinacalcet avec ou sans vitamine D active et/oudes études avec d’autres objectifs en termes de concentrationen calcium (entre 1,88 et 2 mmol/L) sont nécessaires.

Si les résultats d’EVOLVE sont jugés relativement décevantspar de nombreux praticiens, ce sentiment de déception ne doitpas être exagéré. Si déception il doit y avoir, elle concernenos patients dialysés. En effet, le cinacalcet s’ajoute à la listedes traitements ou stratégies thérapeutiques qui se sontrévélés insuffisantes pour espérer un gain franc en termes demortalité [42–45]. À ce stade, on pourrait se poser la question,inquiétante, suivante : quelle société pharmaceutique prendraencore le risque de réaliser des études coûteuses dans une tellepopulation ? Plus que jamais, il nous semble important dedévelopper et de comparer scientifiquement des stratégiesthérapeutiques multiples et multiciblées (contre la PTH, lephosphore, l’anémie, la dyslipémie, etc.) chez nos patientsdialysés à haut risque cardiovasculaire.

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DÉCLARATION D’INTÉRÊTS

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

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