Exils et Résistance, éléments d'histoire du Salvadorby Patricia BLEEKER MASSARD

Presses Universitaires du Mirail

Exils et Résistance, éléments d'histoire du Salvador by Patricia BLEEKER MASSARDReview by: Michel BERTRANDCaravelle (1988-), No. 66 (1996), pp. 220-221Published by: Presses Universitaires du MirailStable URL: http://www.jstor.org/stable/40852572 .

Accessed: 16/06/2014 21:08

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220 CM. H. LB. Caravelle

qu'ouvrage de référence sur cette période et sur ce pays, mais aussi en tant qu'ouvrage de synthèse, et par conséquent de référence, que les bibliographies accompagnant les différentes contributions n'aient pas été regroupées en fin de volume afin d'en faciliter la consultation. Il reste que la publication de cet ouvrage comble indiscutablement un vide dans l'historiographie française sur le Chili contemporain. Comme tel, il est appelé à figurer sans nul doute sur les étagères des bibliothèques universitaires ainsi que dans les répertoires des spécialistes de la question.

Frédérique LANGUE

Patricia BLEEKER MASSARD.- Exils et Résistance, éléments d'histoire du Salvador-. Paris, CETRI / CETIM / L'Harmattan, Recherches et Documents, Amériques Latines, 1995. - 334 p. Utile ouvrage que celui publié par P. Bleeker Massard sur le passé

récent du Salvador. Utile car, il faut bien le reconnaître, maintenant que la guerre ouverte a déserté cette contrée, les médias se font bien avares en informations ou reportages. A croire que la Bosnie des années 90 a efficacement remplacé dans notre géographie des malheurs du temps le Salvador des années 80... Or si les armes se sont tues à San Salvador, à Chalatenango ou sur les pentes du volcan San Vicente, est-ce à dire que les problèmes qui ont été la cause d'une guerre civile sanglante et les responsables de 75 000 morts sont aujourd'hui réglés ? Les accords signés le 31 décembre 1991 sous l'égide de l'ONU et parachevés quelques semaines plus tard à Chapultepec ont certes mis fin à douze longues années de guerre civile mais l'ampleur des difficultés à surmonter en a vite révélé les limites. Aussi, alors que le Salvador a disparu de nos écrans, si ce n'est de nos mémoires, P. Bleeker Massard vient-elle nous rappeler l'importance des enjeux d'aujourd'hui.

De fait, l'un des tous premiers mérites de ce livre n'est autre que sa volonté de mettre en perspective les événements de ces quinze dernières années. Procédant à la manière d'un cinéaste qui, à partir d'un plan large rétrécit progressivement son champ de vision en centrant son objectif pour finir sur un gros plan, l'auteur remonte à l'Indépendance avant de s'attaquer à ce qui fait l'objet de son travail. Les deux premiers chapitres permettent ainsi de reconstituer l'enchaînement d'une logique qui déboucha en moins de deux siècles sur la crise des années 1980. Dans cette vaste « finca de café » qu'était devenu le Salvador au cours du XIXème siècle, les transformations économiques postérieures à la seconde

guerre mondiale ne remirent pas grand chose en question. Surtout, lors de la victoire des Sandinistes dans le Nicaragua voisin, la logique de guerre



Notes de lecture 221

civile était déjà en marche depuis une bonne dizaine d'années comme le montre P. Bleeker Massard : le contexte, régional et international, vint donc accélérer un processus engagé depuis longtemps.

Un autre des mérites du livre de P. Bleeker Massard se trouve résumé dans le sous-titre choisi. Ces « éléments d'histoire », ce sont d'abord des témoignages recueillis ou exprimés par l'auteur dont la connaissance pratique et directe du sujet apparaît manifeste. Car c'est en femme de terrain et d'engagement que l'auteur s'exprime ici autant qu'en témoin. Elle ne fait d'ailleurs pas mystère de ses sympathies à l'égard de ces mouvements populaires qu'elle côtoie depuis longtemps et pour lesquels elle veut être en quelque sorte un porte-parole loyal bien que critique et parfois même sévère. Ce sont aussi de très nombreux rapports et articles de presse dont l'auteur restitue, souvent par le biais de longues citations, le contenu et le climat qui les produisit.

Cette démarche s'accompagne d'une reconstitution strictement chronologique des événements. Elle permet de réaliser une reconstitution précise des étapes, des caractéristiques et des enjeux de ces 15 dernières années d'histoire salvadorienne dans cinq chapitres particulièrement denses. Les « éléments d'histoire » qui sont alors fournis au lecteur fourmillent de données et de précisions relayant les analyses des mouvements d'opposition au gouvernement militaire.

Le parti adopté par l'auteur a certes ses limites. Dans sa volonté de s'appuyer d'abord et avant tout sur les positions des mouvements populaires, elle en oublie les nombreux rapports des O.N.G. sur la situation salvadorienne, à commencer par ceux d' Amnesty International dont la qualité est reconnue par tous. Dans sa volonté de convaincre de la légitimité du combat mené par les mouvements populaires elle reste bien souvent prisonnière de schémas, de concepts ou d'un langage dont la valeur opératoire peut être parfois mise en doute. C'est ainsi par exemple que le pessimisme qui jaillit de l'analyse finale relève plus de la déception personnelle que d'une véritable analyse des obstacles à surmonter pour faire triompher la paix. Dans sa volonté enfin de coller aux événements, elle néglige sans doute le recul qu'imposerait une véritable démarche critique si ce n'est historique. On reste parfois surpris de la vision certes généreuse mais naïve, sinon simpliste, de l'histoire du Salvador depuis son accès à l'Indépendance. Reconnaissons cependant que cette dernière observation n'a de sens que si l'auteur avait réellement voulu faire oeuvre d'historienne. Or c'est plus un récit richement illustré qu'une véritable analyse historique qui nous est proposé ici. Et de ce point de vue, l'auteur remplit pleinement son contrat avec son lecteur.

Michel BERTRAND

