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SERVICE EAU EXPLOITATIONS ET UTILISATIONS DES EAUX SOUTERRAINES DANS LE MONDE Auteur : Jean MARGAT Co-édition : UNESCO et BRGM 1

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SERVICE EAU

EXPLOITATIONS ET UTILISATIONS DES EAUX SOUTERRAINES DANS LE MONDE

Auteur : Jean MARGAT Co-édition : UNESCO et BRGM

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PREFACE Un « Patrimoine Commun » à Préserver Coûte que Coûte… Elle est souvent là, invisible, inaudible… à couler lentement à 5, 10, 100…mètres sous nos pieds et pourtant elle fait, dans beaucoup de cas, partie de notre vie de tous les jours, directement, quand on ouvre le robinet pour se désaltérer ou se rafraîchir, ou encore indirectement, quand on déguste un fruit qui lui doit en partie sa saveur et son éclat, voire sa survie, pour avoir été arrosé à bon escient durant un été sec et brûlant. L’eau souterraine constitue la plus grande réserve en eau douce liquide de la planète, environ 8 à 10 millions de km3, soit entre 98 et 99 % du total. Son volume annuellement renouvelable par l’infiltration des précipitations est estimé à plus de 10.000 km3. Comparé à l’exploitation annuelle d’environ 800 km3/an effectuée pour satisfaire les besoins du tissu socio-économique mondial, ce volume peut paraître, a priori, largement satisfaisant, affichant même une marge de développement potentiel complémentaire. Ce sentiment peut encore être renforcé du fait que l’eau souterraine représente une des composantes du cycle de l’eau et est, à cet effet, souvent en contact hydraulique avec les eaux de surface sus-jacentes, liant en même temps leur destin et les rendant solidaires. Dans plusieurs régions du monde cependant, la situation est loin d’être aussi idyllique. En milieu aride ou semi-aride par exemple, les rivières sont souvent inexistantes ou rares, ou ne coulent que quelques semaines, au mieux quelques mois dans l’année. Sur le plan local, il peut en plus souvent y avoir une inadéquation entre le développement démographique et plus généralement socio-économique, d’une part, et la disponibilité de la ressource en eau, de l’autre. La situation peut même devenir préoccupante si le raisonnement s’effectue en terme de réserve d’eau souterraine renouvelable. Dans plusieurs parties du monde, en effet, les populations exploitent l’eau souterraine comme elles exploiteraient une mine, c’est-à-dire jusqu’à épuisement de la ressource. Dans ces cas-là, lorsque l’eau souterraine ne suffit plus, la solution consiste souvent à recourir à des transferts coûteux de gros volumes d’eau sur des distances qui peuvent parfois atteindre plusieurs centaines de kilomètres, entraînant des gaspillages d’eau et des surcoûts importants. Et que dire des aspects liés aux impacts de l’activité humaine sur la qualité des ressources en eau et de l’eau souterraine en particulier ? Dans les régions tempérées du monde, la dégradation de la qualité des eaux naturelles par notre mode de vie est devenue une préoccupation majeure des pouvoirs publics. Dans l’élan du développement économique, nous avons tendance à oublier les équilibres de base de la nature. Mais, les ressources en eau et, en particulier, en eau souterraine sont limitées. Leur capacité à digérer la pollution de l’activité humaine aussi. Des solutions existent pour concilier l’ensemble des intérêts des différentes parties en présence dans un contexte donné. Il y a également de nombreux outils qui se mettent en place ; ils peuvent être d’ordre technique, comme des modèles intégrés de gestion des ressources en eau et des schémas d’utilisation plus rationnelle et

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multiple de l’eau ou d’ordre législatif, comme en Europe, la Directive Cadre sur l’Eau d’octobre 2000. Mais au-delà, ce « patrimoine commun » que représentent les eaux souterraines ne pourra véritablement être préservé, que lorsque chacun aura vraiment pris conscience, à tous les niveaux, des enjeux et, notamment, de la fragilité de ce capital et de la portée des conséquences des actions quotidiennes de tous à son égard. La préservation des ressources en eau est l’affaire de tous. Il convient de changer à la fois les mentalités et les comportements, collectifs et individuels. C’est la condition d’un développement durable, soutenable et largement partagé. Réussir cette évolution nécessite notamment d’informer en termes simples, clairs, précis et compréhensibles par tous de ce que sont les eaux souterraines, du potentiel qu’elles représentent, mais aussi de leur fragilité. C’est précisément ce que M. Jean MARGAT arrive à faire, avec succès, à travers ce livre pour les aspects liés à l’exploitation et à l’utilisation de l’eau souterraine à l’échelle du monde. Fort de sa longue expérience dans le domaine des eaux souterraines, il expose de manière chiffrée, objective et éclairée les principales caractéristiques des eaux souterraines, leur utilisation, leur rôle dans l’économie mondiale et leurs relations avec leur environnement. Il réussit la prouesse de donner une certaine cohérence à des chiffres souvent disparates émanant de différents pays, pour proposer une analyse la plus objective possible et peindre le tableau mondial de l’exploitation et de l’utilisation des eaux souterraines. Ce livre est destiné à tous les publics et chacun devrait y trouver une source d’information utile susceptible de faire progresser ses propres connaissances sur les ressources en eau souterraine. C’est en tous cas l’objectif que l’UNESCO-PHI, le seul programme intergouvernemental du système des Nations Unies consacré à l’étude scientifique du cycle hydrologique et à l’élaboration de stratégies et de politiques relatives à la gestion des ressources en eau, et le BRGM, Établissement public français spécialiste des ressources en eaux et, en particulier, en eau souterraine, ont souhaité atteindre avec cet ouvrage.

D. Pennequin A.Aureli Chef du Service Eau Spécialiste de programme BRGM Programme Hydrologique International (PHI)

UNESCO

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EXPLOITATIONS ET UTILISATIONS

DES EAUX SOUTERRAINES DANS LE MONDE

1. L’eau souterraine : une source spécifique et privilégiée d’approvisionnement en eau.

2. Quelles quantités d’eau souterraine exploite-t’on et où en prélève-t’on le plus dans le monde ?

3. Comment les prélèvements d’eau souterraine ont-ils évolué au XXe siècle ?

Tendances contemporaines et perspectives.

4. Quelle est la contribution des «mines d’eau» ?

5. Pour quelles utilisations ?

6. Quelles parts les eaux souterraines prennent-elles aux approvisionnements en eau de l’humanité ?

7. Implications socio-économiques.

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EXPLOITATIONS ET UTILISATIONS DES EAUX SOUTERRAINES DANS LE MONDE

Pour quelles raisons, en quelles quantités, où et par qui, pour quels usages, les eaux souterraines sont-elles exploitées et utilisées ? Quelles tendances suivent les évolutions de leurs prélèvements ? Quelles parts les eaux souterraines prennent-elles aux approvisionnements en eau, suivant les pays et les utilisations ?

Depuis la plus haute antiquité et dans beaucoup de régions du monde, les êtres humains ont su tirer du sous-sol une part notable, parfois majeure, de l’eau nécessaire à leurs besoins. Partout où des eaux souterraines accessibles et exploitables ont été reconnues, il a été compris qu’elles étaient des sources d’approvisionnement plus extensives et plus stables que les eaux de surface – surtout dans les régions du monde où celles-ci sont rares et irrégulières, tout particulièrement en zones aride et semi-aride – et plus à la portée de nombreux usagers. Aussi, l’exploitation et l’utilisation des eaux souterraines ont-elles une forte spécificité dans l’économie de l’eau. Avant de tenter de répondre aux questions formulées en exergue, en se basant sur les statistiques disponibles, il convient de rappeler d’abord les avantages généraux et les contraintes particulières de l’utilisation des eaux souterraines. 1. L’eau souterraine : une source spécifique et privilégiée d’approvisionnement en eau. Quelle que soit la diversité des modalités pratiques d’exploitation des eaux souterraines, des valorisations que leur usage permet et de leurs poids relatifs dans l’économie de l’eau, leur utilisation présente, au plan socio-économique, des caractères distinctifs communs assez généraux par rapport à l’utilisation des eaux superficielles. Ces caractères conditionnent fortement le recours à l’eau souterraine comme source d’approvisionnement. Trois aspects sont à mettre en relief :

a) Une source accessible au grand nombre. En premier lieu, les eaux souterraines sont accessibles à des agents économiques très nombreux. En principe, elles sont accessibles à tous les occupants du sol en domaine aquifère, qui sont beaucoup plus nombreux que les riverains de cours d’eau : ménages, agriculteurs, industriels, collectivités locales et entreprises auxquelles les services d’eau sont délégués, qui ont les moyens et le droit de les exploiter et y trouvent avantage parce que c’est la source d’approvisionnement souvent la moins coûteuse, la plus commode et la plus individuelle. La mobilisation d’eau souterraine est, en effet, non ou peu assujettie à des équipements collectifs, à la différence de celle des eaux de surface qui nécessite des ouvrages de dérivation et souvent de régulation, ainsi que de transport, hors de portée des agents individuels. L’eau souterraine est, par excellence, une ressource de proximité. Ainsi les usagers d’eau souterraine sont, beaucoup plus que ceux d’eau superficielle, directement exploitants : les agents producteurs – distributeurs intermédiaires ont une

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moindre importance relative, sauf dans le cas de la desserte de collectivités en eau potable. L’eau souterraine est le plus souvent en «libre-service». En corollaire, les investissements et les dépenses de fonctionnement de la production d’eau par exploitation de nappe souterraine sont très généralement pris en charge directement par les usagers ou par les intermédiaires distributeurs qui les répercutent sur les «consommateurs», dont surtout par le secteur privé, à la différence des aménagements hydrauliques de maîtrise et de mobilisation des eaux de surface beaucoup plus pris en charge par le secteur public (État ou collectivités territoriales). Par rapport aux eaux superficielles, les eaux souterraines, comme sources d’approvisionnement, offrent différents avantages pratiques, mais imposent aussi des contraintes, résumées dans l’encadré 1. Encadré 1 – Des sources d’approvisionnement avantageuses et contraignantes. Répartition dans l’espace Ressource extensive facilitant les captages proches des lieux

d’utilisation, donc minimisant les coûts d’adduction. Mais, nécessité d’une pluralité de captages, suivant les productivités, pour satisfaire une forte demande locale.

Disponibilité dans le temps Ressource permanente, débit peu variable offrant une ressource plus résistante que l’eau de surface aux aléas climatiques, donc une meilleure sécurité d’approvisionnement. Réserve naturelle ne nécessitant pas d’aménagement régularisateur, facilitant l’ajustement des productions à des demandes variables.

Évaluation de la ressource Ressource invisible dont l’estimation précise peut nécessiter la mise en œuvre de méthodes assez complexes, plus coûteuses mais nécessitant moins de durée que celles des ressources en eau de surface.

Qualités naturelles Qualités constantes ou peu variables, facilitant les traitements de certains défauts pour quelques usages (potabilité, eaux de process) : dureté, teneur en Fe ou Mn. Salinité souvent croissante avec la profondeur des aquifères et l’aridité du climat.

Vulnérabilité aux pollutions Les eaux profondes sont généralement peu vulnérables, sauf par défauts de forage ou injection délibérée. Les eaux de subsurface, «phréatiques», sont plus vulnérables aux pollutions diffuses ou ponctuelles, moins directement mais plus durablement (moindre résilience) que les eaux de surface.

Coût de production Les coûts d’investissement et d’exploitation sont moins élevés, en moyenne, que pour les eaux de surface, mais assez diversifiés en fonction des caractéristiques locales de l’aquifère (profondeur, productivité). Les coûts d’exploitation sont sensibles aux variations des prix de l’énergie (sauf captages gravitaires). Rendement décroissant suivant la croissance du taux d’exploitation globale d’un aquifère.

Souplesse de réalisation Possibilité d’équipement progressif mieux adapté à l’évolution des demandes que les aménagements hydrauliques de surface : rentabilité plus rapide et divisibilité des investissements.

b) Une source sensible aux influences et vulnérable aux pollutions.

Encore plus nombreux que les exploitants, tous les occupants du sol ont le pouvoir d’influencer les eaux souterraines – tout particulièrement les nappes «phréatiques» - leur régime et leurs qualités, par les conséquences de leurs activités : les agriculteurs (par les traitements du sol qui réduisent l’infiltration, par les surplus de fertilisants et de pesticides), les entreprises industrielles ayant des matières dangereuses à stocker (matières premières ou produites) et des déchets à gérer et dont les procès de fabrications sont sujets à des

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risques d’accidents dommageables pour l’environnement, les exploitants de carrières et les entreprises minières devant à la fois, dénoyer le sous-sol (exhaure) et gérer des déchets (terrils, «crassiers»…), les collectivités locales gérant des réseaux d’assainissement (non exempts de fuites) et des décharges de déchets urbains, les transporteurs de matières dangereuses (en site propre ou par voies publiques) exposés aux risques d’accidents ; ce sont aussi les maîtres d’ouvrages publics ou privés de l’urbanisation et d’aménagements hydrauliques transformant les conditions de surface, l’écoulement des eaux et les relations entre cours d’eau et eaux souterraines ; ou encore les occupants du sous-sol (urbanisme souterrain, voies souterraines, stockage souterrain) transformant les structures des aquifères et modifiant le régime d’écoulement souterrain. Dans tous les cas, ces conséquences dommageables sont des «effets externes» des activités des agents qui les déterminent. La réduction ou la prévention de ces impacts exigent des efforts supplémentaires par rapport à ceux strictement nécessaires pour que les objectifs économiques propres à ces agents soient atteints ; aussi, ces efforts ne sont-ils pas spontanés.

c) Une source mal identifiée et mal comprise. Enfin, les acteurs, qu’ils soient exploitants ou facteurs d’impacts, sont, pour la plupart, peu ou non conscients de la communauté de bien, de «patrimoine», formée par la nappe souterraine dont ils sont chacun partie prenante, volontairement ou non, à l’instar des riverains d’une rivière. Ils n’ont, au mieux, qu’une perception parcellaire de la ressource en eau souterraine qu’ils utilisent ou influencent et perturbent, au point parfois d’entrer en conflit d’usage. Aussi, méconnaissent-ils le plus souvent les effets de leur exploitation ou de leurs activités, tant qu’ils n’en subissent pas les contrecoups («rétroactions») et, d’autant plus, lorsque ces effets sont éloignés ou portent sur un autre milieu (cours d’eau, écosystème aquatique, zone humide), ou lorsqu’ils sont différés à plus ou moins long terme, par exemple, en zone littorale, lorsqu’ils provoquent à la longue une invasion d’eau marine. En règle générale, ces acteurs n’ont pas spontanément d’objectif individuel de gestion de la ressource en eau souterraine, qui ne se définit pas à leur échelle, et les mobiles de leurs activités sont d’abord d’ordre micro-économique. En somme, une nappe souterraine est une «copropriété» de fait non reconnue et sans règlement spontané. Aussi, si l’ensemble de l’exploitation d’une nappe détermine des impacts portant préjudice à des tiers, par exemple, aux utilisateurs d’eau de surface subordonnée, aucune responsabilité collective de la communauté des exploitants n’est perçue par ceux-ci. Ces différentes particularités ont naturellement des conséquences sur les objectifs et les modalités de gestion des eaux souterraines, à la fois comme ressource et comme composante du milieu naturel. 2. Quelles quantités d’eau souterraine exploite-t’on et où en prélève-t’on le plus dans le monde ? Dresser un état des exploitations actuelles d’eau souterraine dans le monde, par pays, est le préalable nécessaire à l’analyse de la géographie des prélèvements et des différentes utilisations des eaux prélevées ; nécessaire aussi pour les comparer d’abord aux populations et aux autres sources d’approvisionnement en eau, puis aux ressources en eau souterraine naturelles ou exploitables, afin d’évaluer les pressions exercées sur celles-ci.

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La base de données constituée à cette fin en s’appuyant sur différentes sources statistiques nationales ou internationales( )1 disponibles, n’est ni entièrement complète et actualisée, ni parfaitement homogène (cf. encadré 2). Les organismes de l’ONU sont eux-mêmes en manque de données fiables en certains pays. Un aperçu de l’état des informations disponibles est illustré par la carte de la Figure 1. Les régions où les données sur les prélèvements d’eau souterraine font le plus défaut sont : l’Afrique intertropicale, les pays andins en Amérique du Sud et Centrale, et une partie de l’Asie du Sud-Est. Toutefois, il s’agit surtout, remarquons-le, de pays à ressources pluviales et en eau de surface très abondantes, sans irrigation ou presque, où les prélèvements d’eau souterraine doivent être minimes. Par ailleurs, des défauts d’actualité des statistiques (données d’âge > 10 ans) sont assez nombreux. Néanmoins, les historiques disponibles en quelques pays révèlent que les évolutions des prélèvements sont relativement lentes, ce qui atténue cet inconvénient. Le tableau 1 présente un extrait de la base de données pour une sélection de pays fortement exploitants d’eau souterraine dans le monde, aux dates les plus récentes. Une vision très approximative des prélèvements d’eau souterraine dans le monde peut ainsi être seulement esquissée. Encadré 2 – Les prélèvements d’eau souterraine sont-ils assez bien connus ?

Séparer eaux souterraines et eaux de surface est, en règle générale, plus clair et plus facile au niveau des sources d’approvisionnement et des prélèvements qu’à celui de la définition des ressources. Cependant, inventorier et chiffrer les prélèvements d’eau souterraine ne sont nulle part chose facile, en raison du grand nombre des exploitants et des variabilités de certaines exploitations, telles que celles opérées pour les irrigations de complément. L’effort périodique nécessaire à cette fin est inégalement entrepris suivant les pays. Aussi, les statistiques disponibles ne sont pas sans défaut.

- Les «prélèvements» d’eau souterraine ne sont pas définis dans tous les pays de manière homogène. Les captages de source sont compris dans certains pays et exclus en d’autres, de même que les captages riverains de cours d’eau qui induisent la réalimentation des aquifères, ou encore l’exhaure des mines et carrières, pourtant souvent très important. - Les quantités prélevées ne sont pas estimées avec une égale validité ; en particulier, les prélèvements des agriculteurs sont estimés avec le plus d’incertitude. Certaines statistiques proviennent de comptages et d’inventaires assez complets, d’autres procèdent d’estimations indirectes. - Les prélèvements sur les ressources renouvelables ne sont pas toujours clairement séparés de ceux sur les ressources non renouvelables dans les pays où les deux existent. - Les dates de valeur ne sont pas synchrones et les historiques de prélèvements d’assez longue durée sont rares. - Les répartitions des prélèvements par secteur d’utilisation ne sont pas toujours comparables. Les secteurs de l’industrie et des collectivités sont souvent confondus.

1 Notamment : BRGM, EUROSTAT, FAO/AQUASTAT, IWMI, OCDE, PLAN BLEU, UNESCO/IGRAC, UNWWAP, WRI.

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Tableau 1 – Prélèvements et utilisations d’eau souterraine dans une sélection de pays fortement exploitants dans le monde (d’après des sources nationales ou internationales).

Utilisations (% des prélèvements totaux d’eau souterraine)

Pays

Date de valeur

Prélèvement total en eau souterraine

km3/an

Part des

prélèvements en eaux totaux

%

Prélèvement moyen par

habitant m3/an

Alimentation en eau

potable des collectivités

Agriculture (irrigation

avec élevage)

Industrie (avec mines et énergie)

AFRIQUE Algérie Égypte Libye Maroc Tunisie Afrique Sud

1989 1998 1998 1998 2000 2000

2,85 5,14 4,28 2,70 1,85 2,84

61 8

95 24 79 19

115 77

808 90

195 860

45 25 7

16 9

11

49 60 91 84 86 83

6

15 2 0 5 6

AMÉRIQUE NORD Canada Mexique USA

1990 1995 2000

1,00 25,10

114,95

2 32 24

36 268 54

43 13 23

43 64 70

14 23 7

AMÉRIQUE SUD Argentine Brésil Pérou Vénézuela

1975 1987 1973

-

4,20 8,00 2,00 1,40

15 15 -

17

162 56 - -

12 38 25 60

79 38 60 10

9 24 15 30

ASIE Arabie Saoudite Bangladesh Chine Corée (s) Émirats Arabes Unis Inde Indonésie Iran Israël Japon Kazakhstan Ouzbékistan Pakistan Philippines Syrie Tadjikistan Turquie Yemen

2000

1990 1997 1995 1995

1990 2004 1995 1999 1998 1993 1994 1991 1994 1993 1994 2001 1985

21,00

10,70 96,80 2,50 1,60

190,00 12,50 53,00 1,20

13,20 2,40 7,40

55,00 5,86 1,80 2,30 6,23 2,20

93

73 18 10 76

29 15 57 70 14 7

12 35 10 12 19 16 33

1030

100 78 56

840

223 59

788 200 104 140 325 450 87

122 377 93

230

10

13 20 83 0

9 93 30 18 29 21 32 11 36 13 31 31 10

90

86 54 17 80

89 2

59 80 23 71 57 89 0

83 39 60 89

0

1 26 0

20

2 5

11 2

48 8

11 0

64 4

30 9 1

AUSTRALIE 1999 4,96 21 260 47 52 1 EUROPE Allemagne Espagne France Grèce Italie Pologne Portugal Roumanie Royaume Uni Russie Ukraine

2001 2001 2001 1997 1998 2002 1999 2002 2000

1996 1989

6,20 5,02 6,32 3,56

10,40 2,66 6,29 0,86 2,35

14,60 4,22

16 13 19 41 25 23 57 12 15

19 14

75

126 107 336 181 69

629 38 40

100 82

65 26 59 12 39 54 8

76 77

79 30

2

71 18 97 58 39 67 6 9

3 52

33 3

23 1 3 7

25 18 14

18 18

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Dans le monde entier, ces prélèvements doivent être à présent de l’ordre de 800 km3/an( )2 . De toutes les matières premières extraites du sous-sol, le plus fort tonnage est ainsi, sans contexte et de beaucoup, celui de l’eau souterraine. Ces prélèvements sont toutefois très inégalement répartis dans le monde. D’abord par continent (en chiffres ronds) :

Afrique Amérique du Nord et Centrale Amérique du Sud Asie Australasie et Océanie Europe( )3

35 km3/an 150 - 25 - 500 - 10 - 80 -

Et plus encore par pays, suivant une gamme immense, allant de quelques millions de m3/an à 190 km3/an, comme le montre, mieux qu’une table, la carte par classe présentée en Figure 2. Pour neutraliser, dans cette représentation cartographique, les biais liés aux différences de taille des pays, un essai d’anamorphose a été tenté pour les prélèvements de chaque pays, malgré quelques lacunes : la Figure 3 la présente. Selon les statistiques rassemblées (cf. Tableau 1), les dix pays les plus préleveurs d’eau souterraine sont actuellement, par ordre d’importance (cf. Figure 4) :

Inde (1990) États-Unis (2000) Chine (1997) Pakistan (1991) Iran (1995) Mexique (1995) Arabie Saoudite (2000) Japon (1998) Indonésie (2004) Russie (1999)

190 km3/an 115 - 97 - 55 - 53 - 25 - 21 - 13,2 - 12,5 - 11,6 -

Ensemble, ces dix pays groupent près des ¾ (74 %) des prélèvements d’eau souterraine mondiaux présumés. Malgré son caractère apparemment extensif, l’exploitation d’eau souterraine est, en fait, fortement concentrée au plan mondial et particulièrement en Asie, tandis qu’elle est relativement modeste en Afrique (où seule l’Égypte prélève plus de 5 km3/an) et en Amérique du Sud (sauf au Brésil). Plusieurs facteurs conjugués ou séparés expliquent cette répartition contrastée et cette concentration d’une grande partie des prélèvements d’eau souterraine, en sus des effets inhérents à la base des statistiques (différences de taille des pays) : la prédominance des eaux souterraines dans les ressources en eau totales en certains pays, notamment en zone aride ; le poids des populations, dont l’alimentation en eau est généralement tributaire en majeure partie de l’eau souterraine ; l’irrigation intensive pratiquée dans certains pays, notamment en l’absence d’eau de surface abondante et accessible ou lorsque l’eau souterraine est la source disponible la plus avantageuse. L’inégalité des connaissances sur

2 Autre estimation globale : 900 à 1000 km3/an, pour T. Shah (IWMI, 2004). 3 Avec Russie entière (dont Union Européenne (25 pays) : 50).

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les potentialités en eau souterraine, comme des moyens techniques appropriés et les différences de traditions contribuent aussi à expliquer cette diversité. De très grandes différences de prélèvement d’eau souterraine en moyenne par habitant, suivant les pays, en résultent : de plus de 1000 m3/an en Arabie Saoudite à quelques m3/an dans la plupart des pays d’Afrique intertropicale (minimums observés : moins de 2 m3/an au Gabon, à Madagascar et en Somalie) (Figure 5). Les pays qui utilisent le plus d’eau souterraine par habitant sont ceux de la zone aride pauvre en eau superficielle (du moins assez régulière) et où les irrigations sont très développées : pays de la péninsule arabique, Iran, Pakistan, Libye, Afrique du Sud.

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Figure 1 – États et dates de valeur des données sur les prélèvements d’eau souterraine par pays, issues de la compilation des statistiques disponibles.

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Figure 2 – Prélèvements actuels totaux d’eau souterraine par pays.

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Figure 3 – Essai d’anamorphose cartographique représentant chaque pays en fonction de ses prélèvements d’eau souterraine.

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Figure 4 – Prélèvements totaux des dix plus gros préleveurs mondiaux actuels.

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Figure 5 – Pays classés suivant les prélèvements d’eau souterraine actuels par habitant.

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3. Comment les prélèvements d’eau souterraine ont-ils évolué au XXe siècle ? Tendances contemporaines et perspectives. Les informations disponibles ne permettent qu’une connaissance partielle des évolutions des prélèvements d’eau souterraine dans le monde, dont les historiques se limitent généralement aux dernières décennies du XXe siècle. Aussi, est-il difficile de dégager des tendances assez significatives. Les évolutions connues dans les pays les plus exploitants sont présentées graphiquement en Figure 6. Cette figure fait apparaître en même temps l’état inégal des connaissances. À première vue, ces évolutions, au cours de la seconde moitié et plus généralement du dernier quart du XXe siècle, paraissent assez similaires à celles des prélèvements d’eau totaux. C’est dans les pays où les prélèvements présents sont les plus élevés que les croissances ont été les plus fortes, avec des déphasages : USA (1950-1970), Inde (1960-1990), Chine (1980-2000). Dans les pays développés, à des croissances plus ou moins fortes en premières phases ont succédé des tendances au fléchissement ou à la stabilisation. L’exemple le plus caractéristique (et le plus sûr) est l’évolution aux Etats-Unis : + 144 % en 30 ans, entre 1950 et 1980, suivi de diminutions temporaires et d’une stabilisation en moyenne entre 1980 et 2000 (Figure 7). C’est le cas aussi au Japon où les prélèvements auraient cru de 60 % en 30 ans (1965-1995) avant de diminuer de 13 % entre 1995 et 1999. Des croissances ont été également caractérisées en différents pays d’Europe, même à moindres niveaux d’exploitation : + 54 % en 25 ans (1950-1975) au Royaume Uni, + 70 % en 7 ans (1970-1977) au Danemark, + 15 % en 10 ans en Espagne et en ex-URSS, + 12 % en 5 ans (1971-1976) aux Pays-Bas ; ainsi qu’en Australie où les prélèvements ont presque triplé en 30 ans (1970-2000). Au contraire, de relatives stabilités sont manifestes en Allemagne, Belgique, France et Suède, ainsi qu’au Canada. Dans les pays en développement, la croissance des prélèvements identifiés a été généralement forte à partir des années 70-80, surtout dans les pays à forte croissance démographique et économique et à grande expansion des irrigations, particulièrement en Inde et en Chine, les plus gros préleveurs. Les croissances les plus fortes se situent surtout dans des pays de la zone aride ou semi-aride dont les revenus pétroliers ont favorisé le développement de l’exploitation des eaux souterraines profondes (y compris non renouvelables) pour l’irrigation. Les prélèvements d’eau souterraine ont été multipliés :

- par 11 en Libye entre 1970 et 2000 - par 10 en Arabie Saoudite entre 1975 et 2000 - par 6 en Égypte entre 1972 et 2000 - par 3,3 en Iran entre 1965 et 1995 - par 3,2 en Tunisie entre 1977 et 2000

(cf. Figure 6). La part des prélèvements d’eau souterraine rapportés aux prélèvements d’eau totaux a elle-même été souvent croissante, même en période où ces prélèvements totaux tendent à se stabiliser. Aux Etats-Unis, par exemple, cette part est passée de 20 à 24 % entre 1950 et 2000 (Figure 7).

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L’intensification explosive de l’exploitation d’eau souterraine en Asie et en différents pays de la zone aride et semi-aride, essentiellement pour l’irrigation, est ainsi une tendance majeure contemporaine et une véritable «révolution silencieuse», selon l’expression de R. Llamas et P. Martinez-Santos (Octobre 2005), lourde de conséquences. Cette tendance n’est, toutefois, extrapolable qu’à court ou moyen terme et ne peut être durable, en raison de limites physiques ou socio-économiques.

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Pakistan

Chine

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IndeChinePakistanIranMexiqueArabie SaouditeJaponUSARussieFrance

Sources Nationales:trait continu

Estimation de T. Shah,IWMI - 2004:

trait discontinu

Prélèvements en km3/an

Figure 6 – Évolution des prélèvements totaux d’eau souterraine dans les pays les plus exploitants durant la seconde moitié du XXe siècle.

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Prélèvements d'eau souterraine en % des prélèvements en eau douce totaux

Figure 7 – Évolution des prélèvements totaux d’eau souterraine douce aux Etats-Unis de 1950 à 2000. Source : USGS, Estimated Use of Water in the United States in 2000. USGS Circular 1268, 2004, Washington.

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Perspectives Les projections nationales de demandes en eau et de prélèvements en conséquence ne sont jamais détaillées par source d’approvisionnement. Aussi, une prospective séparée des mobilisations d’eau souterraine est surtout conjecturelle. Le prolongement des tendances contemporaines assez contrastées durant les prochaines décennies est le plus probable, d’autant plus là où la part des eaux souterraines dans les sources d’approvisionnement est élevée : stabilité ou légère décroissance des prélèvements dans la plupart des pays développés, croissance plus ou moins forte mais plutôt décélérée dans les pays à la fois en croissance économique et démographique et où l’irrigation utilise largement les eaux souterraines, particulièrement en Asie (Inde, Chine…). Avec quelques variantes possibles toutefois :

- Stabilisation ou même décroissance des prélèvements dans les pays où des efforts pour stopper les surexploitations seraient entrepris et efficaces suivant une politique de développement durable affirmée. De même, dans les pays où les exploitations minières de ressources non renouvelables se réduiront par nécessité (coûts croissants, risques de salinisation, épuisement des réserves), notamment en différents pays arabes.

- Accroissement, au contraire, dans des régions où les potentiels en eau souterraine

sont encore peu exploités alors que les possibilités de mobilisation des eaux de surface irrégulières risquent de se restreindre (envasement des retenues, effets du changement de climat…).

Quoiqu’il en soit, c’est l’évolution des prélèvements dans les pays «poids lourds» de l’utilisation actuelle des eaux souterraines, mentionnés plus haut (Inde, Etats-Unis, Chine…), qui restera déterminante à l’échelle mondiale. 4. Quelle est la contribution des «mines d’eau» ?

(Exploitations «d’eau fossile») Pour l’essentiel, et même en totalité dans la plupart des pays, les exploitations d’eau souterraine captent des ressources renouvelables. Toutefois, une fraction minime au plan mondial, mais notable en quelques pays, de ces prélèvements correspond à des exploitations minières de ressources non renouvelables. Quelle quantité d’eau est actuellement produite dans le monde par ces exploitations minières ? Sur la base des statistiques disponibles, sans doute incomplètes, l’exploitation minière d’eau souterraine atteindrait actuellement environ 32 km3/an dans le monde (cf. Tableau 2). Le tonnage de ces extractions minières d’eau souterraine s’élève ainsi à près de 10 fois celui des hydrocarbures dans le monde (suivant les données de 2001). Quelle part ces productions représentent-elles par rapport aux exploitations totales d’eau souterraine ? Si on les compare à l’estimation globale précédente, d’environ 800 km3/an, leur part ne s’élèverait qu’à 4 % au plan mondial ; mais, elle est plus forte et parfois majeure dans les pays les plus exploitants de ces «eaux fossiles».

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Quels sont les pays producteurs ? L’exploitation minière d’eau souterraine est relativement concentrée (cf. Tableau 2 et Figure 8) : les trois pays les plus grands producteurs, l’Arabie Saoudite, la Libye et l’Algérie, cumuleraient près de 85 % du total mondial estimé. Il est à remarquer qu’il s’agit de pays dont l’économie est en majeure partie minière (hydrocarbures), pour qui la valorisation des ressources non renouvelables est familière et normale, même s’agissant de l’eau… L’exploitation minière de l’eau est ainsi une spécialité de la zone aride et hyper-aride : la quasi-totalité des extractions (98,5 %) se situe dans les pays arabes. Dans les pays les plus producteurs, l’extraction des ressources non renouvelables est une source d’approvisionnement notable, souvent dominante, voire la seule ; elle couvre une partie majeure des demandes en eau totales, dont l’eau d’irrigation forme la plus grande part : 86 % en Arabie Saoudite 83 % en Oman 74 % dans les Émirats Arabes Unis 71 % en Libye 35 % en Algérie (~ 100 % au Sahara) (Figure 9). Ces exploitations minières de ressources en eau non renouvelables sont des facteurs de développement appréciable à court et moyen terme, mais, à l’évidence, non durable à long terme.

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Tableau 4.2 – Exploitations minières des ressources en eau souterraine non renouvelables dans le monde. Productions contemporaines d’après les statistiques nationales disponibles.

Pays Date de valeur

Extraction en km3/an

Aquifères exploités Références

Arabie Saoudite 2000 20,47 Arabian Multilayered Aquifer System

W. Abderrahman UNESCO 2002

Libye 1999-2000

3,2 Nubian Sandstone Aquifer SASS, Murzuk

M. Bakhbakhi 2002 OSS 2003

Algérie 2000 1,68 SASS OSS 2003

Émirats Arabes Unis 1995-96 1,57 Arabian Multilayered Aquifer System

ESCWA 1999

Oman 1998 1,09 ESCWA 1999

Égypte 2002 0,9 Nubian Sandstone Aquifer

ESCWA 1999

Yémen 2005 0,9 Tihama Auifer & al. Al Asbahl 2005 (IWC – Env.)

Tunisie 2000 0,46 SASS OSS 2003

Jordanie 1998 0,35 Disi Aquifer ESCWA 1999

Koweit 1998 0,25 Arabian Multilayered Aquifer System

ESCWA 1999

Mali 2000 0,2 Bassin de Taoudeni OSS 2005

Sénégal 2003 0,18 Maestrichtien OSS 2005

Bahrain 1995-96 0,16 Arabian Multilayered Aquifer System

ESCWA 1999

Qatar 1995-96 0,15 Arabian Multilayered Aquifer System

ESCWA 1999

Afrique du Sud - ~ 0,10 Karoo Aquifer

Mauritanie 2003 0,09 Maestrichtien OSS 2005

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Figure 8 – Exploitations minières de ressources en eau souterraine non renouvelables dans le monde.

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Figure 9 – Part des demandes en eau totales actuelles (1995-2000) couverte par exploitation minière de ressources en eau souterraine non renouvelables.

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5. Pour quelles utilisations ? L’irrigation et l’alimentation en eau potable des collectivités sont les utilisations très prédominantes. Globalement, suivant les informations collectées :

- les 2/3 des quantités d’eau souterraine prélevées dans le monde, au moins 500 km3/an( )4 , servent à l’irrigation ;

- 1/4, environ 200 km3/an, contribue aux alimentations en eau potable ;

- 1/10, une centaine de km3/an, est utilisé par les industries non desservies ou est

extrait par les mines. Ces proportions varient toutefois sensiblement suivant les parties du monde (cf. Figure 10) :

- en Europe plus de 50 % des eaux souterraines prélevées servent aux alimentations en eau potable, mais seulement 20 à 25 % en Amérique du Nord et en Afrique et moins de 20 % en Asie ;

- en Afrique plus de 75 % des eaux souterraines prélevées servent à l’irrigation et

presque autant en Asie et en Amérique du Nord (70 %). Ces répartitions entre les secteurs d’utilisation majeurs sont davantage diversifiées par pays (cf. Tableau 1), comme on le verra plus loin.

4 Jusqu’à 800 km3/an selon l’estimation de l’IWMI (2005).

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Figure 10 – Prélèvements actuels d’eau souterraine répartis par secteur d’utilisation dans chaque partie du monde (totaux en km3/an).

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Un classement de nombreux pays du monde suivant l’utilisation dominante des eaux souterraines prélevées est ainsi possible et présenté en Figure 11.

Figure 11 – Secteurs d’utilisation d’eau souterraine dominants dans chaque pays à présent.

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Le secteur agricole est, souvent de beaucoup, le principal preneur et utilisateur d’eau souterraine aussi bien dans les pays développés où l’agriculture irriguée est le secteur d’utilisation d’eau prédominant (certains pays méditerranéens : Espagne, Grèce, Italie ainsi que l’Australie et les USA) que dans presque tous les pays en développement (hors de la zone intertropicale humide) : 87 % en Grèce, 71 % en Espagne, 70 % aux USA, 57 % en Italie et en Australie ; 90 % en Arabie Saoudite et en Libye, 89 % en Inde, 86 % au Bangladesh ; 85 % en Tunisie, 84 % en Afrique du Sud, 79 % en Argentine, 60 % en Turquie ; 64 % au Mexique, 54 % en Chine… (cf. Tableau 1). L’utilisation agricole d’eau souterraine est en fait très concentrée en quelques pays, comme le montre la géographie des aires irriguées par eau souterraine dans le monde (infra, Figure 20). Selon la FAO (Aquastat 2003), cinq pays, dont quatre en Asie, cumulent les 4/5 des superficies irriguées par eau souterraine (cf. Tableau 3) :

- L’Inde 38,6 % du total mondial - Les USA 15,8 % - - La Chine 12,3 % - - Le Pakistan 7,1 % - - L’Iran 5,3 % -

La part prédominante va le plus souvent aux collectivités dans les pays développés d’Europe (Russie comprise) sauf en région méditerranéenne, au Canada et dans la plupart des pays d’Afrique intertropicale ou du Sud-Est asiatique. Le secteur industriel n’est le premier exploitant et utilisateur d’eau souterraine que dans quelques pays industrialisés (Japon, Pays-Bas, Norvège ; ce fut le cas de l’URSS jusqu’en 1980) et il est le second en d’autres (Allemagne, Belgique, France, Royaume-Uni, République Tchèque). La géographie par pays des quantités d’eau souterraine prélevée et utilisée dans chaque secteur – irrigation, alimentation des collectivités, usages industriels – aux dates les plus récentes où elles sont inventoriées, suivant les données disponibles, est illustrée par les cartes des Figures 12, 13 et 14.

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Figure 12 – Prélèvements actuels d’eau souterraine pour l’irrigation dans chaque pays.

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Figure 13 – Prélèvements actuels d’eau souterraine pour l’alimentation en eau potable des collectivités dans chaque pays.

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Figure 14 – Prélèvements d’eau souterraine pour les utilisations par les industries non desservies dans chaque pays.

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Une représentation plus analytique de la composition des prélèvements d’eau souterraine suivant les utilisations est donnée en Figure 15, établie par l’IGRAC (Institut de l’UNESCO et de l’OMM) pour le «WWDR 2» (2004). Figure 15 – Prélèvements d’eau souterraine suivant les utilisations (proportions) (IGRAC, 2004).

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D’autres utilisations d’eau souterraine plus secondaires et minimes en quantité sont généralement absentes des statistiques nationales, bien qu’elles soient parfois non négligeables localement et au plan économique :

- Le thermalisme et la production d’eau minérale ou «d’eau de table» embouteillée : l’eau souterraine est la matière première d’une activité de service tertiaire à la croisée de la thérapeutique et du tourisme, dont l’importance est indéniable et souvent croissante dans beaucoup de pays.

- La géothermie utilise, d’abord en «très basse énergie», l’eau souterraine peu

profonde (non exclusivement toutefois : elle utilise aussi la température du sous-sol par circuit de circulation) comme source froide pour les pompes à chaleur servant au chauffage individuel ou collectif, en essor en nombreux pays d’Europe (355 pompes à chaleur recensées en 2002 dans l’Union Européenne exploitent, sans doute, 1 à 2 km3/an), aux Etats-Unis, au Canada, au Japon. Cette utilisation est cependant non consommatrice, l’eau souterraine pompée étant généralement réinjectée.

En «basse énergie», c’est l’eau assez chaude (30° à 90°) d’aquifères profonds qui est utilisée, directement pour le chauffage (immeubles, chauffage urbain, serres, pisciculture, balnéothérapie…), surtout par des doublets de forages (pompage et réinjection), donc, là encore, sans consommation finale appréciable. Cette utilisation est notable en différents pays riches en eau géothermale : Islande, Hongrie, Japon, Nouvelle-Zélande ; en Allemagne, 14 hm3/an d’eau géothermale étaient utilisés en 2004 ; en Chine, 10 hm3/an d’eau géothermale sont exploités à Beijing, 12 à Tianjin, 18 dans la province de Fujian. Elle se développe aussi dans des régions à eaux souterraines assez profondes normalement chaudes, par exemple dans le Bassin de Paris, en France, où une trentaine de doublets de forages traitant près de 8000 m3/h sont en service depuis 20 ans. En «moyenne et haute énergie», des centrales géothermiques exploitent des eaux très chaudes (> 90°) profondes, généralement salées et inutilisables à d’autres fins, ou des gisements de vapeur, notamment en régions volcaniques, pour la production d’électricité dans plusieurs pays : Allemagne, Italie, Islande, Russie, Mexique, USA (Californie), Indonésie, Philippines, Japon, Australie, Papouasie-Nouvelle Guinée, Nouvelle-Zélande, Antilles Françaises (Guadeloupe). Actuellement, 350 installations géothermiques dans le monde totalisent une puissance d’environ 8 GW, soit seulement 0,2 % de la puissance mondiale de production d’électricité, mais son développement est prévisible parmi les sources d’énergie renouvelable sans impact nuisible.

La doctrine d’une «gestion intégrée des ressources en eau» (IWRM), aujourd’hui largement préconisée, conduit à ne plus exclure des utilisations d’eau souterraine, leur utilisation indirecte : on entend par là l’utilisation des eaux superficielles régulières – à commencer par les eaux de source – dont elles sont génératrices. Ce rôle des eaux souterraines n’est cependant pris en compte qu’en peu de pays encore. En Espagne, par exemple, «l’Utilizacion de las descargas naturales de las aguas subterráneas»( )5 , chiffrées à 14 km3/an en moyenne, est explicitement considérée. Par ailleurs, faut-il rappeler que les eaux souterraines ne sont pas seulement bénéfiques pour l’humanité ? En contribuant très largement à la permanence des écoulements de surface, dont elles constituent l’essentiel des «débits de base», et de beaucoup de zones humides qui dépendent de leurs émergences ou de leur potentiel, les eaux souterraines sont 5 «Libro blanco de las aguas subterráneas», 1994.

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un facteur primordial de pérennité des écosystèmes aquatiques, dont la conservation peut être aussi un choix de société. La préservation de cette fonction naturelle des eaux souterraines se traduit généralement par certaines restrictions d’exploitabilité, donc au niveau de l’évaluation des ressources utilisables. Mais, elle peut aussi conduire à définir une «demande environnementale» à joindre et à concilier avec les différentes utilisations économiques qui sollicitent les eaux souterraines. Ainsi, par exemple, en Espagne encore, le «Plan Hidrologico Nacional» (1993) évaluait à 2 km3/an les «Demandas ambiental» à ajouter aux quelques 5 km3/an d’utilisation directe d’eau souterraine. 6. Quelles parts les eaux souterraines prennent-elles aux approvisionnements en eau de l’humanité ? Les parts prises par les eaux souterraines aux approvisionnements en eau dans chaque secteur d’utilisation sont un bon indicateur de leur importance économique et sociale. Les poids relatifs de l’exploitation et de l’utilisation des eaux souterraines sont certes très variés suivant les régions du monde et les pays. Ils sont toutefois notables dans beaucoup de pays et majeurs en quelques-uns où les eaux souterraines sont la source d’approvisionnement prédominante. L’exploitation des eaux souterraines couvre environ 1/5 des besoins en eau mondiaux actuels, pour toutes utilisations (estimés en 2000 à 3700 km3/an – I. Shiklomanov, UNESCO, 2003), mais cette proportion varie beaucoup suivant les pays et les secteurs d’utilisation. La contribution des eaux souterraines est naturellement prédominante dans la plupart des pays de la zone aride ne bénéficiant pas de cours d’eau allogène, notamment lorsqu’il s’agit de ressources non renouvelables (Arabie Saoudite, Libye, Algérie), ou lorsque les ressources en eau superficielle locales ou même externes (exemples : Bangladesh, Botswana, Congo) sont difficilement maîtrisables, ou encore lorsqu’elle procède d’une priorité voulue, comme au Danemark, en Géorgie, en Croatie… Cette contribution n’est cependant pas négligeable dans les pays tempérés ou tropicaux à ressources en eau souterraine notables, où elle couvre une partie appréciable des demandes en eau dispersées : alimentation rurale en majorité, irrigation individuelle. Rien qu’en Inde, par exemple, 170 km3/an d’eau souterraine sont prélevés actuellement pour irriguer : 35 % de tout le volume d’eau d’irrigation de ce pays, record du monde de l’exploitation d’eau souterraine. Dans la majorité des pays, les prélèvements d’eau souterraine dépassent le cinquième et souvent le tiers des prélèvements en eaux totaux pour toutes utilisations (y compris le refroidissement des centrales thermoélectriques). (Figure 16).

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Figure 16 – Proportions des prélèvements d’eau souterraine dans les prélèvements totaux d’eau douce actuels de chaque pays.

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En proportion des sources d’approvisionnement de chaque secteur, l’eau souterraine tient des places variées mais rarement négligeables et souvent dominantes, tout particulièrement pour l’alimentation en eau potable des collectivités urbaines et rurales. Au plan mondial, l’exploitation des eaux souterraines couvre, approximativement : 50 % des demandes en eau potable (alimentation des collectivités : ménages, services publics, activités desservies), 20 % des demandes en eau d’irrigation, 15 % des demandes des industries non desservies, ces proportions étant très variées suivant les pays. La contribution de l’eau souterraine n’est négligeable que dans le secteur de l’énergie (refroidissement), à l’exception du cas particulier de la géothermie (qui n’utilise que des eaux inutilisables à d’autres fins) ou de l’usage comme source froide par les pompes à chaleur qui commencent à se développer dans quelques pays (chauffage collectif surtout ou individuel). L’eau potable Dans la plupart des pays développés et dans beaucoup de pays en développement, l’eau souterraine, y compris celle des sources captées, est la source d’approvisionnement en eau potable principale et parfois quasi exclusive. Cette part s’élève, par exemple, à près de 100 % en Autriche et au Danemark, plus de 90 % en Italie et en Hongrie, 84 % en Suisse, 79 % en Russie, 74 % en Allemagne, 66 % en Pologne, plus de 60 % en Belgique, en France et aux Pays-Bas ; elle approche 70 % en moyenne pour l’ensemble de l’Union Européenne. Elle s’élève à 100 % au Pakistan, à 64 % en Inde ; elle est également forte dans beaucoup de pays africains (cf. Figure 17).

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Figure 17 – Part des prélèvements d’eau souterraine sur les prélèvements d’eau totaux pour l’alimentation en eau potable des collectivités dans chaque pays.

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La moitié au moins de la population mondiale doit ainsi être actuellement alimentée en eau potable d’origine souterraine. Non seulement, les populations rurales pour lesquelles les eaux souterraines sont le plus souvent les sources d’approvisionnement locales les plus appropriées, mais aussi une part notable des populations urbaines. De nombreuses grandes villes du monde sont alimentées en eau exclusivement ou en majeure partie par des captages d’eau souterraine (cf. carte de la Figure 18). L’eau souterraine est, en particulier, de beaucoup la source la plus utilisée pour couvrir les besoins domestiques de l’habitat dispersé, non desservi. Aux USA, par exemple, 98 % de ces besoins domestiques (qui s’élèvent au total à 4,95 km3/an en 2000, soit 8 % de la demande nationale en eau potable) sont satisfaits par prélèvements individuels d’eau souterraine, qui s’ajoutent aux 22 km3/an d’eau souterraine prélevés pour les dessertes des collectivités.

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Figure 18 – Principales grandes villes du monde alimentées exclusivement ou en majeure partie en eau souterraine.

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L’irrigation L’eau souterraine est souvent la source d’eau la plus facilement et individuellement accessible, la moins coûteuse à mobiliser – par puits ou forages (tube-wells), pompage et desserte en énergie (électricité) – et la plus souple d’emploi pour beaucoup d’agriculteurs irrigants. Aussi, en proportion moindre que pour l’alimentation en eau potable, mais souvent significative, elle concourt largement à couvrir les besoins en eau d’irrigation de l’agriculture : en majeure partie, naturellement, en quelques pays situés en zone aride (100 % en Libye, 86 % en Arabie Saoudite, 73 % au Yémen, 63 % en Israël, 70 % en Argentine) ou à ressources en eau superficielle mal maîtrisable (73 % au Bangladesh) et, notablement en d’autres, même en domaine moins aride (47 % en Iran, 46 % en Australie, 42 % aux USA, 41 % en Grèce, 35 % en Inde, 20 à 30 % en France, en Italie, au Mexique) (cf. Figure 19). En régions plus humides où l’agriculture pluviale est dominante et où l’irrigation est seulement un complément, celle-ci fait de plus en plus appel à l’eau souterraine pour se plier aux contraintes croissantes de régularité de production, en quantité, qualité et date, imposées par le marché. L’eau souterraine est aussi, le plus souvent, notamment en zones aride et semi-aride, la ressource en eau essentielle pour l’élevage extensif. Elle est encore une source appréciable utilisée pour l’aquaculture en différents pays : par exemple 29 % (1,46 km3/an) des demandes de l’aquaculture aux USA, en 2000.

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Figure 19 – Part des prélèvements d’eau souterraine sur les prélèvements d’eau totaux pour l’irrigation de chaque pays.

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Le tableau 3 présente les données disponibles sur les irrigations par eau souterraine dans le monde. Quelques lacunes statistiques ne permettent pas de chiffrer complètement les superficies irriguées par d’eau d’origine souterraine, qui doivent dépasser mondialement 80 millions d’hectares( )6 , 20 à 25 % de l’aire irriguée totale mondiale, dont une cinquantaine de millions en Asie et près de 13 millions en Amérique du Nord. C’est en Inde que les aires irriguées par eau souterraine sont le plus étendues : 26,5 millions d’hectares, plus de la moitié de l’aire irriguée totale dans ce pays et près de 30 % du total mondial (Figure 20). L’importance des irrigations par eau souterraine serait encore accrue si l’on comptait aussi l’utilisation des eaux de source, ancestrale et appréciable dans beaucoup de pays, notamment en zone semi-aride. L’irrigation par eau souterraine est donc un facteur notable de la production agricole mondiale et, par conséquent, de la sécurité alimentaire, d’autant plus que l’efficience de cette irrigation est nettement supérieure à celle des irrigations par eau de surface, comme cela est généralement reconnu.

6 89 millions d’ha «under groundwater control» selon la FAO (J.J. Burke, 2003), soit 23 % de toute la surface irriguée mondiale.

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Tableau 3 – Irrigations par eau souterraine. Données sur une sélection de pays où l’irrigation est très développée.

Aire irriguée par eau souterraine

Pays

Date de valeur

1000 ha

% de l’aire irriguée totale

Prélèvements d’eau souterraine

pour l’irrigation hm3/an

Part des prélèvements totaux d’eau

souterraine %

Part des prélèvements

totaux d’eau pour l’irrigation %

Références

Afrique du Sud 2002 2000

127 8 ~ 2 350

84

25

FAO 2005 IGRAC 2005

Algérie 2001 1989

355 69 1 400

49

56

FAO 2005 Conf. Rome 1992/Garadi

Égypte 1993 1998

361 10,6 3 100

60

6

FAO 2005 WRI 2004

Libye 1992 1990

470 100 4 100

91

95

FAO 1995 GWA 1992

Maroc ~ 2000 1998

430 29 2 268

84

22

FAO 2005 WRI 2000

Soudan 1997 1985

75 4 263

94

2

FAO 2005 IGRAC 2005

AFRIQUE

Tunisie 2002 1995

225 65 1 400

86

75

FAO 2005 DGRE 1996

Mexique 1997 1995

1 689 27 16 064

64

~ 26

FAO 2000 WRI 2000, 2004

USA conterminous

1992 2000

10 835 45,5 79 628

70

42

FAO 2005 USGS 2004

AMÉRIQUE NORD

Cuba 1997 393 45,1 FAO 2005

Argentine 1988

2000 ? 403 26

4 750

79

25 FAO 2000 GEF/STAP 2004

AMÉRIQUE SUD

Brésil 1998 1987

545 19 3 040

38

9

FAO 2000 WRI 2000, 2004

Afghanistan 1967 367 15,4 FAO 2001

Arabie Saoudite 1992 1990

1 537 96 13 050

90

85

FAO 1997, 1999 WRI 2000

Bangladesh 1995 1990

2 596 69 9 200

86

73

FAO 1997, 1999 WRI 2000

Chine 1997 1997

8 462 18 52 560

54

13,4

China Water Vision 2003 Zektser 2004/XCWV

ASIE

Corée Sud ~ 2000 1995

200 13,7 425

17

3

FAO 2005 WRI 2000

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Tableau 3 – Irrigations par eau souterraine (suite).

Aire irriguée par eau souterraine

Pays

Date de valeur 1000 ha % de l’aire irriguée totale

Prélèvements d’eau

souterraine pour l’irrigation hm3/an

Part des prélèvements totaux d’eau

souterraine %

Part des prélèvements

totaux d’eau pour l’irrigation %

Références

Inde 1993 1990

26 553 53 169 100

89

53*

FAO 1997, 1999 IGRAC 2005/FAO 1999 * GEF 2004

Irak ~ 2000 1985

219 6,2 20

10

0,005

FAO 2005 WRI 2000

Iran 1993 1993

3 639 50 ~ 30 000

59

~ 47

FAO 1997, 1999 FAO 1995, IGRAC 2005

Israël 1996-99 960 80 63 WRI 2000, Water Com. 2002

Japon 1993 1998

500 16 3 100

23

6

FAO 2001 Water Res. Japan 2001

Kazakhstan 1994 1993

178 5 5

1 700

71

6

FAO 1999 WRI 2000

Pakistan 1990 1991

4 871 34 48 950

89

~ 32

FAO 1997, 1999 WRI 2000

Syrie 1993 1993-97

610 60 ~ 1 500

83

~ 20

FAO 1997,1999 World Bank 1997 WRI 2000

Turquie 1994 1990-92

672 16,5 3 700

~ 50

17

FAO 1997, 1999 DSI 1998 – Eurostat 2001

Uzbekistan 1994 1994

257 6 4 200

57

~ 8

FAO 1997, 1999 WRI 2000

ASIE

Yémen ~ 2000 1985

383 79,6 1 960

89

73

FAO 2005 IGRAC 2005

AUSTRALASIE Australie ~ 2000 1985

300 12,5 1 270

57

46

IWMI 2005 Austr. WRC 1987

Espagne 1987 2000

700 34 965

46

4,5

MOP 1994 Eurostat 2003

France 2001 1 110 18 18 IFEN 2004 Grèce 1990 1 160 87 20 Conf. Rome 1992

WRI 2000 Italie ~ 2000

1990 865 27,2

8 000

58

29 IWMI 2005 Conf. Dublin 1992

EUROPE

Portugal 1995 1 365 39 39 WRI 2000

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Figure 20 – Aires irriguées par eau souterraine dans chaque pays.

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L’industrie Dans beaucoup de pays industrialisés, l’eau souterraine couvre une part souvent notable des besoins des industries non desservies : 40 % au Japon, 27 % en Inde, 23 % en France, 21 % aux USA. Cette part s’élevait à 15 % dans l’ancienne URSS. Elle peut être très forte et approcher 100 % dans des pays arides, tels que la Libye, le Mexique ou le Pakistan (cf. Figure 21).

Figure 21 – Part des prélèvements d’eau souterraine sur les prélèvements d’eau totaux pour les utilisations industrielles dans chaque pays.

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Autres utilités L’utilité économique des aquifères ne se limite pas aux utilisations des eaux souterraines prélevées. Elle s’élargit à d’autres utilisations des réservoirs aquifères :

- D’abord, leur utilisation comme régulateur, en complément ou substituts aux barrages de retenue en surface, moins vulnérables à l’envasement et aux pertes par évaporation, qui impliquent des stratégies d’exploitation plus actives que le seul captage, combinées éventuellement avec la recharge artificielle et, parfois, avec l’augmentation du réservoir par barrage souterrain.

- Utilisation aussi comme purificateur, en particulier, dans les filières de réutilisation

d’eau usée.

- Utilisation encore pour le stockage souterrain d’autres fluides utiles (gaz…) – évoqué ici seulement pour mémoire – sous différentes contraintes environnementales pour prévenir des impacts indésirables sur les ressources et pratiquée dans divers pays industrialisés (Europe, Etats-Unis).

- Utilisation, également, pour l’enfouissement de certains déchets liquides ultimes en

grande profondeur, dans des conditions de sécurité assurée et très contrôlée.

En particulier, la séquestration du dioxyde de carbone (CO2) en aquifère profond (> 800 m pour favoriser le passage à l’état supercritique du CO2) salin, à eau inutilisable et bien isolée, revient à créer des gisements artificiels de CO2, similaires aux gisements naturels reconnus dans le monde ou à remplacer des gisements d’hydrocarbures épuisés. Les capacités mondiales dans les grands bassins sédimentaires sont énormes, elles seraient de l’ordre de 10 000 milliards de tonnes de CO2 (800 milliards en Europe), soit l’équivalent de plusieurs siècles d’émissions mondiales… Cette solution apparaît comme une contribution de premier ordre à la mise en œuvre du Protocole de Kyoto pour la réduction de l’effet de serre additionnel. Elle est envisagée et déjà expérimentée en plusieurs pays : Danemark et Norvège (Mer du Nord), Royaume-Uni, Allemagne, Canada, et elle fait l’objet de plusieurs groupements d’études en Europe et aux Etats-Unis.

7. Implications socio-économiques. Quels sont et où sont les principaux exploitants d’eau souterraine ? En règle générale, l’auto-approvisionnement en eau – qu’il s’agisse d’eau potable, d’eau d’irrigation ou d’eau industrielle – fait appel à l’eau souterraine (ressource de proximité), beaucoup plus souvent qu’à l’eau de surface. Le nombre et la situation des agents économiques exploitants d’eau souterraine découlent donc d’abord du poids de l’auto-approvisionnement dans chaque secteur d’utilisation. C’est, sans conteste, dans le secteur de l’agriculture irriguée que les agents qui s’auto-approvisionnent par exploitation individuelle d’eau souterraine sont beaucoup plus nombreux que les prélèvements de l’eau de surface, les irrigants par eau de surface dérivée étant, pour la plupart, desservis par des réseaux collectifs ou publics. Les agriculteurs irrigants sont ainsi, de beaucoup, les exploitants d’eau souterraine les plus nombreux et ceux qui se sont le plus multipliés aux époques récentes dans le monde : ils se chiffrent, à présent, par millions dans les pays où l’utilisation d’eau souterraine pour l’irrigation est massive : l’Inde en tête, puis la Chine, le Pakistan, le Bangladesh… ainsi que les Etats-Unis.

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Viennent ensuite les collectivités urbaines ou rurales assurant (ou déléguant) le service de production-distribution d’eau potable. Celles qui exploitent à cette fin l’eau souterraine, ou captent des sources, sont sensiblement plus nombreuses dans beaucoup de pays que celles qui exploitent des eaux de surface, y compris les communautés rurales qui se bornent à créer des «points d’eau» (cf. l’exemple du développement de «l’hydraulique villageoise» en Afrique sahélo-soudanienne dans les années 80-90, avec la réalisation de plusieurs dizaines de milliers de puits ou forages). Aspects économiques spécifiques La variété des utilisations de l’eau souterraine se traduit par de sensibles différences de valeur d’usage, de même que la diversité des parts de l’eau souterraine comme source d’approvisionnement différencie les importances relatives des agents économiques concernés.

- Le secteur de l’alimentation en eau potable correspond à des utilisations de grande valeur économique – en même temps que sociale –, à un service public et, généralement, marchand, à la prédominance des agents intermédiaires producteurs-distributeurs répartis de manière très variée suivant les pays et les situations locales entre agents publics (État, municipalités, syndicats…) et privés (gestion déléguée). La prépondérance fréquente de ce secteur dans l’exploitation et l’utilisation des eaux souterraines grossit globalement la part et la valeur marchande des eaux souterraines.

- Dans le secteur industriel non desservi, les exploitants d’eau souterraine sont des

entreprises (privées, voire publiques) directement utilisatrices et l’eau n’est pas marchande. Ses prélèvements peuvent seulement être soumis à des redevances.

- Dans le secteur de l’irrigation par eau souterraine, prédominent aussi très largement

les exploitants individuels directement usagers (agriculteurs irrigants) qui ne prennent en charge que les coûts directs d’exploitation (plus souvent subventionnés que sujets à imposition...) et opèrent, généralement, en vertu de droits d’eau attachés à la propriété du sol, mais les prélèvements peuvent aussi être soumis à des redevances.

En conséquence, l’utilisation de l’eau souterraine pour l’irrigation est généralement plus économe et plus valorisante que l’usage d’eau de surface distribuée par des réseaux collectifs. Comme l’a montré R. Llamas dans l’exemple de l’Espagne : l’irrigation par eau souterraine serait cinq fois plus productive – en terme de rendement économique : valeur de production par m3 d’eau utilisé – que l’irrigation par eau de surface, tant du fait d’une efficience en moyenne très supérieure qui permet de réduire les demandes en eau par hectare (en moyenne 5 000 m3/an avec l’eau souterraine au lieu de 10 000 m3/an avec l’eau de surface), que du fait des choix de spéculations agricoles à plus forte valeur ajoutée. L’irrigation par eau souterraine fournit 30 à 40 % de la production totale de l’agriculture irriguée alors qu’elle n’utilise que 20 % du volume total d’eau d’irrigation (R. Llamas, 1996). Selon l’IWMI (2005), la valeur de la production de l’agriculture irriguée par eau souterraine dans le monde serait de l’ordre de 150 à 170 milliards d’US $, ce qui correspondrait à une productivité moyenne de 0,2 $ par m3 d’eau utilisée. Ainsi, dans l’ensemble, l’utilisation d’eau souterraine, qui relève plus du secteur privé que du secteur public de l’économie de l’eau, a une valeur économique nettement plus forte que la seule proportion des volumes d’eau en jeu.

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On peut en conclure que l’eau souterraine prélevée est généralement mieux utilisée que l’eau de surface et que l’eau souterraine constitue généralement la part des ressources en eau qui a la plus grande valeur économique. Aussi, la conservation de sa reproduction et la préservation de ses qualités doivent être un objectif prioritaire de la gestion des ressources en eau.

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