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La TVA chez l'entreprise
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Introduction
Le Maroc a introduit la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) le 1er avril 1986. Elle est
intervenue dans un contexte où les recettes fiscales ne couvraient que 60% en moyenne
des dépenses de l’Etat durant la période allant de 1970 à 1983.
L’idéal en matière de TVA, selon les travaux de l’OCDE depuis les années 1980, est de
mettre en place un système à «base large» et à taux unique. Un tel système «pourrait générer
des revenus importants tout en réduisant les coûts d’administration de la taxe pour les
gouvernements et les coûts de compliance pour les entreprises1».
Toutefois, compte tenu de l’héritage historique de la taxe sur les produits et les
services et à l’instar de nombreux pays notamment ceux de l’Union européenne, le Maroc a
opté pour le modèle à base d’imposition au taux normal dite réduite, qui comprend un taux
normal et des taux réduits. Ce choix est généralement justifié par l’idée de lutter contre la
régressivité de la TVA.
Objet de ce travail est de cerner quelques problèmes d’application de la tva chez l’entreprise.
Méthodologie :
Cette présentation est le résultat d’analyse des entretiens réalisés auprès de
l’administration régionale des impôts d’Oujda, une fiduciaire et auprès de quelques petites
entreprises.
I. Fait générateur et l’exigibilité de la tva
Les notions de fait générateur et d’exigibilité de la TVA répondent à deux questions très
importantes en pratique :
- Quant naît la dette de la tva au profit de l’administration fiscale2?
- A partir de quel moment le trésor peut-il exiger le paiement de la taxe 3?
1) Le fait générateur
1 Alain Charlet, Jeffrey Owens, une perspective internationale sur la TVA, Revue de droit fiscal, N° 39.3 septembre 2010 p. 12.2 Mohamed BELOUCHI, droit fiscal et fiscalité des entreprises, 2011 p.1773 Idem.
Le fait générateur est l’évènement juridique ou matériel qui donne naissance à la tva au profit
de l’Etat.
Deux régimes sont mis en évidence : le régime des encaissements et le régime des débits :
- Régime des encaissements :
C’est le régime de droit commun, cela veut dire pour le redevable ayant opté pour ce
régime, la tva devient exigible dès l’encaissement de la vente, de la livraison, ou de la
prestation. Il s’agit doc de toutes les sommes réellement perçues au titre des opérations
imposables à la TVA, quelle que soit leur nature (prix de marchandise vendues, avances
acomptes, arrhes, règlement des factures antérieures…).
Ne sont donc pris en considération que les montants effectivement réglés par les clients
au comptant sous forme d’espèce ou de chèque honorés et figurant sur les relevés bancaires de
l’entreprise pour les opérations réglés à terme ou payable par effets de commerce .
- Régime des débits :
Les entreprises ayant opté pour le régime des débits doivent déclarer la TVA sur toutes
leurs ventes imposable, quelles soient réglées instantanément par les clients ou ayant fait
l’objet d’un règlement à terme.
Les entreprises Marocaines optent-elles plus pour le régime de l’encaissement ou le
régime du débit ?
Le régime de débit n’est pas économique pour l’entreprise sauf pour les exportateurs.
De ce fait, presque la totalité des entreprises préfèrent le régime des encaissements plus
économique que le régime des débits.
2) Exigibilité
Elle peut être définie comme le droit que le trésor public peut faire valoir à partir d’un
moment donné, auprès du redevable pour obtenir le paiement de la taxe.
L’imposition des entreprises s’effectue soit sous le régime de déclaration mensuelle. Soit sous
celui de la déclaration trimestrielle.
II. Les taux de la TVA
Le Maroc a opté pour le modèle à base d’imposition au taux normal dite réduite, qui
comprend un taux normal (20%) et des taux réduits (7, 10 et 14%). Il s’agit des taux ad-
valorem auxquels s’ajoutent des taux spécifiques :
- 100 DH/hectolitre de boissons alcooliques non consommées Sur place.
- 5 DH/ gramme d’or et de platine et 0,10 DH par gramme d’argent pour les articles (autres
que les outils) composés en tout ou en partie de ces métaux précieux.
Ce choix est généralement justifié par l’idée de lutter contre la régressivité de la TVA.
Selon vous, faut-il réduire le nombre des taux de la TVA ?
La loi de finances 2014 a introduit au niveau du CGI un certain nombre de mesures
concernant la réduction du nombre de taux de TVA: l’application du taux de 10% à certains
produits ou services exonérés ou soumis au taux de 7%, l’application du taux de 20% à
certains produits exonérés ou soumis au taux de 14%.
o Les opérations et les produits soumis au taux réduit de 10%
- Restauration fournie par l’entreprise à son personnel salarié
- Bois en grumes
- Aliments destinés au bétail et aux animaux de basse-cour
- Matériels à usage agricole
o Application du taux de 20%
- Raisins secs et figues sèches
- Engins et filets de pêche
- Al Akhawayn d’Ifrane
- Margarines et graisses alimentaires
- Véhicule utilitaires
Que pensez-vous de ces ajustements au niveau de la TVA qui ont concerné plusieurs
produits ?
Ces ajustements vont provoquer une hausse des prix de plusieurs services ou produits de
large consommation, ce qui impactera négativement la consommation. Au lieu de relancer la
consommation, c’est l’inflation qui sera relancée.
III. Crédit TVA
Au fil de son année, l’entreprise collecte et déduit de la TVA sur ses ventes et ses
achats. Il est obligatoire de calculer la TVA due à l’Etat et de lui reverser le cas échéant. Voici
donc les étapes à suivre pour déterminer si on a une TVA à décaisser ou un crédit de TVA.
Toute entreprise exerçant une activité achète des services ou biens : téléphone, électricité,
fournitures, matière premières...Tout cela est facturé et payé par l'entreprise en T.T.C.
- En rassemblant tous ces achats en une colonne, on peut calculer le Montant global de
la TVA payée par l'entreprise : C'est ce qu'on appelle la TVA déductible.
- On prend dans une autre colonne toutes les ventes : et on peut ainsi calculer le
Montant global de la TVA collectée.
Pour calculer le montant à reverser à l’Etat, l’entreprise effectue alors le calcul suivant :
TVA collectée – TVA déductible
o Si le résultat est un chiffre positif, cela signifie que le montant de la TVA collectée est
supérieur au montant de la TVA déductible.
Dans ce cas on a une TVA à décaisser et à reverser à l’Etat.
o Si le résultat est un montant négatif, cela signifie que le montant de la TVA collectée
est inférieur au montant de la TVA déductible.
Dans ce cas, on obtient un crédit de TVA. L’entreprise n’a donc aucune TVA à
reverser à l’Etat. Elle reportera ce crédit de TVA sur la prochaine déclaration de TVA. Elle
peut sous certaines conditions en demander le remboursement.
Mais le crédit TVA peut aussi avoir d’autres raisons comme par exemple les entreprises
exportatrices ou celles soumise à des taux différents, en amont et en aval (Butoir) ou encore
celles qui ont réalisé de gros achats et qui peinent à vendre.
IV. Le remboursement de la TVA :
Les entreprises exonérées et bénéficiant du droit à déduction se trouvent
structurellement dans une situation de crédit de TVA, si elles n’effectuent pas des opérations
imposables capables de supporter l’imputation de la TVA déductible sur la totalité des achats.
Ces entreprises peuvent obtenir sur leur demande le remboursement de la TVA qu’elles ont
acquitté lors de l’acquisition des différents biens et services.
L’opération pouvant donner lieu au remboursement sont au nombre de trois :
- Les opérations exonérées avec droits à déduction
- Les opérations bénéficiant du régime d’achat en suspensions de TVA
- Le cas de la cessation d’activité taxable
La demande de remboursement établie par l’intéressé doit être munie des documents
justifiant du chiffre d’affaire réalisé par l’entreprise et des pièces justificatives des montants
de la taxe à rembourser.
La demande de remboursement est trimestrielle et doit être formulée dans un délai qui
ne peut dépasser un an qui suit le trimestre pour lequel le remboursement est demandé4.
V. Problèmes d’application de la tva chez l’entreprise
Il parait que les délais de remboursements du crédit TVA aux entreprises sont parfois
très longs, pourriez-nous citer quelques causes ?
4 Mohamed BELOUCHI, Droit fiscal et fiscalité des entreprises, 2011, p.195
Quand la TVA collectée dépasse la TVA payée, les entreprises doivent obligatoirement
régler la différence à la Trésorerie générale du royaume. Les règles du jeu sont ainsi faites.
Mais quand c’est le contraire, l’Etat ne rembourse tout simplement pas, obligeant les firmes à
reporter ce crédit d’impôt sur les futures déclarations, générant des délais qui peuvent durer
des mois, voire des années...
Pour le contribuable, le compteur tourne dès le dépôt du dossier au guichet du fisc. Pour
l’administration, c’est à partir du moment où le dossier est jugé complet. Or, entre les deux, il
peut se passer des mois. Résultat: le délai de trois mois inscrit dans la loi reste théorique, et il
n’est jamais respecté y compris lorsque le dossier ne présente aucun problème de fond.
Une autre cause responsable du retard, c’est le sous effectif de l’administration fiscale.
Quel est l’impact d’un crédit tva qui tarde à être remboursé ?
Le problème du retard du remboursement du crédit TVA a un impact négatif sur les
trésoreries des entreprises, en effet pour mesurer un peu les effets de ceci on peut citer le cas
de certaines sociétés ici au Maroc qui sont soumise à ce problème ainsi on note : 8.5 milliards
de crédit de TVA pour 5 entreprises publiques. Avec des programmes d'investissement
colossaux et répétitifs, ONCF, ADM, ONE, ONDA ou encore Marsa Maroc se retrouvent
avec plus de TVA à collecter qu'à payer.
Le crédit TVA peut avoir plusieurs raisons parmi elles le «butoir», pourriez-vous nous
expliquer ce mécanisme et en donner un exemple?
En pratique, le butoir est le décalage entre la TVA en amont, qui peut être de 20 ou 14%, et en
aval, et qui peut être de 7%, par exemple. Le différentiel étant à la charge de l’entreprise.
Le règlement du butoir dès cette année est déduit sur cinq ans, à raison de 20% chaque année
dudit montant.
Toutefois, les entreprises dont le montant de TVA déductible est inférieur à 30.000 dirhams
ont la possibilité de déduire la totalité sans étalement5.
Un exemple du butoir est celui de l’eau et de l’électricité dont les achats intermédiaires sont
soumis à un taux de 20% et le prix de vente à des taux respectifs de 7 et 14%.5 Note circulaire n° 722 relative aux dispositions fiscales de la loi de finances pour l’année budgétaire 2014, p.24
En plus du remboursement du butoir, le budget 2014 prévoit également la suppression
de la règle du décalage, en quoi consiste-t-elle, a-t-elle un effet inverse sur les
entreprises ?
Dans la pratique, le montant de la TVA relative aux factures réglées par les entreprises
durant le mois de décembre de chaque année pouvait être récupéré lors des déclarations du
mois de février de l’année suivante. Ainsi, la TVA récupérable de décembre était déduite de
celle facturée en janvier. Avant le 20 février 2014, les entreprises marocaines devront
rembourser au fisc la TVA facturée du mois de janvier, après déduction de la TVA payée
durant le même mois, et non celle payée le mois d’avant comme ce qui se faisait jusque-là.
Dans ce cas de figure, il est impossible pour l’entreprise de récupérer la TVA payée sur les
factures des fournisseurs durant le mois de décembre 2013.
VI. Le problème lié à la facturation :
En principe, l'obligation de facturation s'impose aux assujettis à la TVA, c'est-à-dire aux
personnes qui réalisent une activité économique à titre indépendant. Mais dans la pratique on
trouve que beaucoup d’entreprises ici au Maroc ne facturent pas leurs produits aux clients. Ce
qui crée des difficultés avec l’administration fiscale.
Sachant que beaucoup d’entreprises au Maroc, vendent sans facture quels sont les
problèmes soulevés à ce niveau ?
Avec la campagne de lutte anti-contrebande, les factures sont devenues plus
fréquemment exigées, non pas uniquement des commerçants, mais également des particuliers.
En principe, la facture doit être délivrée par le vendeur et acceptée par l'acheteur.
L'acceptation se fait par plusieurs moyens: règlement, bon de réception.
Le plus souvent, faute de facture, l'Administration procède à l'évaluation de l'impôt
selon ses propres critères. Et le propriétaire risque d'être surtaxé.
Le problème de non facturation au-delà de son aspect fiscal touche plus précisément le
client car il s’agit d’un document de preuve pour ce dernier pouvant le protéger en cas d’abus.
Pour les entreprises, "la facture est une pièce essentielle pour des raisons comptables et
fiscales". L'article 60 du dahir du 12 août 1913 relatif au code du commerce.
VII. Solutions proposées pour remédier aux différents problèmes quant à l’application de la
tva :
Concernant les délais de remboursement quelles sont les mesures prises par l'Etat pour
apurer ce crédit TVA ?
Nul ne peut ignorer les efforts déployés par l'Etat pour procéder à l'apurement des dus
des contribuables concernés. Seulement, devant la loi des grands nombres et la donne
économique, la cadence de l'apurement n'est pas régulière. Dans le cadre de pousser les
entreprises à la transparence, l'Etat a introduit la notion de la catégorisation. Celle-ci repose
sur un système de notation qui permet aux entreprises de bénéficier d'un système de
traitement préférentiel. En effet, une entreprise remplissant les conditions requises verra ses
demandes de remboursement traitées dans les meilleurs délais et son crédit remboursé sans
retard conséquent. Seulement, les conditions exigées ne sont pas à la portée de plusieurs
operateurs et le processus de la catégorisation ne profitera qu'à une petite poignée
d'entreprises.
Comment la titrisation du crédit TVA peut-elle concourir à la résolution des
problèmes de trésorerie des entreprises ?
Cette disposition a été annoncée lors des dernières Assises nationales sur la fiscalité.
Elle consiste à transformer les arriérés en matière de crédit TVA en des titres de créances
négociables. La démarche veut que les dus soient transformés en des titres, des bons du Trésor
par exemple, remboursables sur une période déterminée et sur la base d'un taux préférentiel. A
travers cette opération, les créances des opérateurs économiques deviendront liquides et
permettront de parer les difficultés de trésorerie qui marquent les années en cours. Reste que
les modalités pratiques ne sont pas encore dévoilées.
Quelles mesures demandent La Confédération générale des entreprises du Maroc ?
CGEM demande d’autres mesures telles que la suppression du butoir. Bref, la
Confédération patronale demande que la TVA soit neutre et supportée en définitive par le
consommateur final.
Conclusion
LA réforme de la TVA au Maroc doit, être fondée au moins sur quatre conditions
essentielles :
La réforme doit d’abord être mise en œuvre de manière progressive en s’orientant
résolument vers la réduction des taux et la limitation au strict minimum des exonérations6.
La réforme de la TVA doit ensuite procéder d’une vision globale qui prend en
considération toutes les composantes des finances publiques notamment la dépense, pour ne
plus continuer à focaliser le débat uniquement sur la fiscalité, avec des mesures économiques
et sociales compensatoires devant permettre d’atténuer les éventuels impacts de la réforme.
La réforme de la TVA doit enfin limiter dans la mesure du possible, la différenciation
entre secteurs d’activité économique afin de ne pas favoriser la fraude fiscale.
Il faut assurer la neutralité de la TVA pour l’entreprise, pour se faire, il faudrait que
chaque mois le solde entre TVA payée et TVA collectée soit réglé. L’entreprise paye à l’Etat
le solde quand il est à sa charge, l’Etat s’engageant en contrepartie à payer le solde quand il
est bénéficiaire à l’entreprise dans un délai fixé par la loi en prévoyant d’appliquer pour les
retards de paiement un intérêt identique à celui retenu pour les retards de paiement pour les
créances commerciales.
6 Le thème a fait l’objet de son exposé le jeudi 10 avril 21014 à Paris au colloque organisé par la FONDAFIP (Association pour la fondation internationale des finances publiques) et la Direction française de la législation fiscale
Bibliographie
- Alain Charlet, Jeffrey Owens, une perspective internationale sur la TVA, Revue de droit fiscal, N° 39. 3 septembre 2010 p. 12.
- Mohamed BELOUCHI, droit fiscal et fiscalité des entreprises, 2011
- Note circulaire n° 722 relative aux dispossitions fiscales de la loi de finances pour l’année budgétaire 2014