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Date : 29 AOUT/04 SEPT 16 Périodicité : Hebdomadaire OJD : 26867 Page de l'article : p.56-58 Journaliste : Michaël Moussault Page 1/3 DS3 6545688400505 Tous droits réservés à l'éditeur Analyse MICHAËL MOUSSAULT, avocat associé, DS avocats Intégralité En théorie, l'indemnité perçue par l'exproprié doit lui permettre de racheter un bien identique à celui dont il a été dépossédé, sans Lui faire bénéficier d'un enrichissement sans cause. Critères Le principe d'indemnisation doit répondre, classiquement, à la réunion de trois critères cumulatifs: le préjudice subi doit être matériel, direct et certain. Particularités Contrairement au droit commun de la responsabilité, le code de l'expropriation ne permet pas d'allouer d'indemnité au titre du préjudice moral subi par l'exproprié. Expropriation La délicate evaluation du préjudice du propriétaire V éritable pilier du droit de l'expropriation, l'article L.321-1 (anciennement L.is- 13), situé en tête du titre consacré à la fixation et au paiement des indemnités d'expropriation, dispose que «les indemnités allouées cou- vrent l'intégralité du préjudice direct, maté- riel et certain causé par l'expropriation». Une première idée générale, communé- ment admise par les praticiens, se dégage à la lecture de ces dispositions: le préjudice subi par l'exproprié doit être intégralement réparé et lui permettre de «retrouver une situation identique à celle qu'il avait avant l'expropriation» (i). En d'autres termes, pour le propriétaire exproprié, l'indemnité perçue doit lui per- mettre de racheter un bien identique à celui dont il a été dépossédé et ainsi de se replacer en «même et semblable état» (2), sans toute- fois dépasser le montant du préjudice subi en lui faisant bénéficier d'un enrichissement sans cause (3). Le préjudice est-il véritable- ment réparé dans son intégralité dès lors qu'il n'est indemnisé que s'il revêt un carac- tère matériel, direct et certain? Qu'impli- quent ces notions dans la fixation des indem- nités par le juge de l'expropriation? UN PRÉJUDICE MATÉRIEL Quel que soit le régime de responsabilité engagé, qu'il soit de droit privé ou de droit public, le préjudice doit être certain et direct pour être indemnisé. L'article L.32i-a ne présente, sur ce point, aucune originalité. Plus originale est, en revanche, l'exigence posée par cet article de la seule prise en compte du préjudice matériel. Ainsi, une partie du dommage subi par l'exproprié, celle qui n'entraîne pas de consé- quences matérielles, ne constituerait pas un préju- dice indemnisable. Pour rappel, le dommage désigne la lésion subie (un fait brut et matériel), appré- ciée de façon objective au NOTER Selon le Conseil constitutionnel, l'exclusion de la réparation du préjudice moral ne méconnaît pas la règle du caractère juste de l'indemnisation de l'expropriation pour cause d'utilité publique. siège de cette lésion; tandis que le préjudice est la conséquence juridique et subjective de la lésion (donc un concept juridique) se concrétisant dans les répercussions sub- jectives du dommage sur la personne et/ou sur les biens de la victime (4). Un dommage corporel causé à une personne peut ainsi engendrer des préjudices différents, dont certains sont patrimoniaux (perte de salaires, frais médicaux et d'hospitalisa- tion...) et d'autres extrapatrimoniaux (souf- frances morales, troubles dans les condi- tions d'existence, diminution du bien-être, etc.). Si le dommage une fois advenu est irréversible, le préjudice peut être com- pensé et donc disparaître. Appliqué au droit de l'expropriation, on doit déduire de l'indemnisation du seul préjudice matériel l'exclusion du préjudice extrapatrimonial. Ainsi, contrairement au droit commun de la responsabilité, le code de l'expropriation (G. expro) ne permet pas d'allouer d'indemnité au titre du préjudice moral subi par l'exproprié. Cette limitation de l'indemnité au seul préjudice matériel a fait l'objet d'une ques- tion prioritaire de constitutionnalité portée devant la Cour de cassation. Bien qu'ayant toujours refusé l'indemnisation du préjudice moral sous l'empire du droit contemporain de l'expropriation (5), la hautejuridiction a considéré que cette question présentait un caractère sérieux et méritait un renvoi devant le Conseil constitutionnel. Celui-ci a décidé (6) que «... l'exclusion de la répara- tion du préjudice moral ne méconnaît pas la règle du caractèrejuste de l'indemnisation de l'expropriation pour cause d'utilité publique», rattachant ainsi sa décision à l'exigence de «juste» et «préalable» indem- nité posée par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. 1 Les recours intentés sur le terrain de l'inconvention- nalité de l'article L.13-13 (devenu L.32i-i) n'ont pas eu plus de succès. La Cour de cassation a en effet estimé que cet article n'était pas contraire à l'article i er du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui «n'exige qu'une indemnisa-

Expropriation La délicate evaluation du préjudice

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Page 1: Expropriation La délicate evaluation du préjudice

Date : 29 AOUT/04 SEPT 16

Périodicité : HebdomadaireOJD : 26867

Page de l'article : p.56-58Journaliste : Michaël Moussault

Page 1/3

DS3 6545688400505Tous droits réservés à l'éditeur

Analyse

MICHAËL MOUSSAULT,avocat associé,DS avocats

IntégralitéEn théorie, l'indemnitéperçue par l'expropriédoit lui permettrede racheter un bienidentique à celui dontil a été dépossédé,sans Lui faire bénéficierd'un enrichissementsans cause.

CritèresLe principed'indemnisationdoit répondre,classiquement,à la réunion de troiscritères cumulatifs:le préjudice subidoit être matériel,direct et certain.

ParticularitésContrairement au droitcommun de laresponsabilité, le codede l'expropriationne permet pas d'allouerd'indemnité au titredu préjudice moralsubi par l'exproprié.

ExpropriationLa délicate evaluationdu préjudicedu propriétaire

Véritable pilier du droit del'expropriation, l'articleL.321-1 (anciennement L.is-13), situé en tête du titreconsacré à la fixation et au

paiement des indemnités d'expropriation,dispose que «les indemnités allouées cou-vrent l'intégralité du préjudice direct, maté-riel et certain causé par l'expropriation».

Une première idée générale, communé-ment admise par les praticiens, se dégageà la lecture de ces dispositions: le préjudicesubi par l'exproprié doit être intégralementréparé et lui permettre de «retrouver unesituation identique à celle qu'il avait avantl'expropriation» (i).

En d'autres termes, pour le propriétaireexproprié, l'indemnité perçue doit lui per-mettre de racheter un bien identique à celuidont il a été dépossédé et ainsi de se replaceren «même et semblable état» (2), sans toute-fois dépasser le montant du préjudice subien lui faisant bénéficier d'un enrichissementsans cause (3). Le préjudice est-il véritable-ment réparé dans son intégralité dès lors

qu'il n'est indemnisé que s'il revêt un carac-tère matériel, direct et certain? Qu'impli-quent ces notions dans la fixation des indem-nités par le juge de l'expropriation?

UN PRÉJUDICE MATÉRIELQuel que soit le régime de responsabilitéengagé, qu'il soit de droit privé ou de droitpublic, le préjudice doit être certain et directpour être indemnisé. L'article L.32i-a neprésente, sur ce point, aucune originalité.

Plus originale est, en revanche, l'exigenceposée par cet article de laseule prise en compte dupréjudice matériel. Ainsi,une partie du dommage subipar l'exproprié, celle quin'entraîne pas de consé-quences matérielles, neconstituerait pas un préju-dice indemnisable.

Pour rappel, le dommagedésigne la lésion subie (unfait brut et matériel), appré-ciée de façon objective au

NOTERSelon le Conseilconstitutionnel,l'exclusion de laréparation du préjudicemoral ne méconnaît pasla règle du caractère justede l'indemnisation del'expropriation pour caused'utilité publique.

siège de cette lésion; tandis que le préjudiceest la conséquence juridique et subjectivede la lésion (donc un concept juridique) seconcrétisant dans les répercussions sub-jectives du dommage sur la personne et/ousur les biens de la victime (4). Un dommagecorporel causé à une personne peut ainsiengendrer des préjudices différents, dontcertains sont patrimoniaux (perte desalaires, frais médicaux et d'hospitalisa-tion...) et d'autres extrapatrimoniaux (souf-frances morales, troubles dans les condi-tions d'existence, diminution du bien-être,etc.). Si le dommage une fois advenu estirréversible, le préjudice peut être com-pensé et donc disparaître.

Appliqué au droit de l'expropriation, ondoit déduire de l'indemnisation du seulpréjudice matériel l'exclusion du préjudiceextrapatrimonial. Ainsi, contrairement audroit commun de la responsabilité, le codede l'expropriation (G. expro) ne permet pasd'allouer d'indemnité au titre du préjudicemoral subi par l'exproprié.

Cette limitation de l'indemnité au seulpréjudice matériel a fait l'objet d'une ques-tion prioritaire de constitutionnalité portéedevant la Cour de cassation. Bien qu'ayanttoujours refusé l'indemnisation du préjudicemoral sous l'empire du droit contemporainde l'expropriation (5), la hautejuridiction aconsidéré que cette question présentait uncaractère sérieux et méritait un renvoidevant le Conseil constitutionnel. Celui-cia décidé (6) que «... l'exclusion de la répara-tion du préjudice moral ne méconnaît pasla règle du caractèrejuste de l'indemnisationde l'expropriation pour cause d'utilitépublique», rattachant ainsi sa décision àl'exigence de «juste» et «préalable» indem-nité posée par l'article 17 de la Déclarationdes droits de l'homme et du citoyen de 1789.

1 Les recours intentés sur leterrain de l'inconvention-nalité de l'article L.13-13(devenu L.32i-i) n'ont pas euplus de succès. La Cour decassation a en effet estiméque cet article n'était pascontraire à l'article ier duprotocole additionnel à laConvention de sauvegardedes droits de l'homme et deslibertés fondamentales, qui«n'exige qu'une indemnisa-

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lion raisonnablement en rapport avec lavaleur des biens expropriés» (7). La Coureuropéenne des droits de l'homme n'a,quant à elle, jamais été saisie de cettequestion, et il est difficile de prédire quelleserait sa position.

A ce jour, le préjudice moral n'est doncpas indemnisable, même s'il reste possibled'obtenir une indemnisation au titre dutrouble apporté par l'expropriation auxconditions de vie de l'exproprié - maiscelui-ci devra alors se placer sur le terraindu préjudice matériel (8) et justifier d'unlien de causalité suffisant avec la procéduremenée par l'autorité expropriante.

UN PRÉJUDICE DIRECTPour qu'un préjudice puisse être pris encompte dans le cadre d'une expropriation,il est nécessaire qu'il y ait une «emprise»,c'est-à-dire une dépossession de tout oupartie d'un bien. Toutefois, seuls sontindemnisables par les juridictions del'expropriation les préjudices qui décou-lent directement de la dépossession du bienexproprié, indépendamment du préjudicecausé par la construction, la présence oule fonctionnement de l'ouvrage réalisé parl'expropriant, fut-il public.

Le terme «direct» est important, puisqu'ilexclut de facto la réparation de préjudicesdont le lien ne serait pas suffisamment étroitavec l'expropriation. Or ce lien est difficileà mesurer, tant les frontières avec l'expro-priation peuvent parfois être poreuses.

Si la jurisprudence a vite admis le prin-cipe d'une distinction entre dommagedirect et dommage indirect, sa mise enapplication peut soulever des difficultés,notamment quant à la détermination de lajuridiction compétente ou la prise encompte de la demande par le juge del'expropriation.

C'est ainsi que les préjudices induits,mais qui ne trouvent pas directement leurcause dans l'expropriation, ne sont pasindemnisables:

- l'impôt sur la plus-value de cession,perçue à l'occasion de la cession, n'est pasla conséquence directe de l'expropriation,mais de l'augmentation du bien (g);

- l'indemnité due par l'emprunteur pourrésiliation anticipée d'un prêt (lo);

- l'obligation de remise en état de l'exploi-tant d'une installation classée pour la

REFERENCES

• Code de l'expropriation (C. expro),art. L.321-1.

protection de l'environnement avec lescoûts de dépollution qui en résultent, n'estpas une conséquence directe de l'expro-priation, mais de l'article L.SII-I du codede l'environnement, même si cet exploitanta dû cesser son activité de manière antici-pée, en raison de la procédure d'expropria-tion dont il fait l'objet (ii).

En revanche, en cas d'emprise partielle,la partie non expropriée dont la valeur setrouverait réduite par l'effet de l'expropria-tion constitue un préjudice direct, de sorteque la moins-value qui en résulterait seraitindemnisable au titre d'une indemnité ditede «dépréciation du surplus». Dans cettehypothèse, le propriétaire exproprié est endroit de réclamer, en sus de l'indemnitéprincipale (calculée d'après la valeur vénaleproprement dite de l'emprise), et del'indemnité de remploi, une indemnitésupplémentaire destinée à compenser lamoins-value causée par l'emprise ausurplus de sa propriété (12).

Plus étroite encore est la frontière avecles dommages de travaux publics dontl'appréciation relève de la compétenceexclusive du juge administratif. Ces dom-mages peuvent en effet être consécutifs àune procédure d'expropriation. Le préjudicen'est alors pas directement lié à cette pro-cédure, puisqu'il ne résulte pas de l'emprise,mais de la présence ou de la réalisation d'unouvrage public; le juge de l'expropriationn'est, dès lors, pas compétent pour connaîtrele montant de son indemnisation.

Relèvent donc des juridictions adminis-tratives les questions liées à la perte d'accèsà la voie publique dont bénéficiait lapropriété, qui devra être désenclavée parune voie de desserte à construire (13), ladifficulté d'accès à la partie non expro-priée (14), l'allongement de parcours (15), etplus généralement, les nuisances ou la perted'un environnement favorable tels que lesbruits causés par le passage de trains (16)ou l'aménagement d'un carrefour (17).

Les indemnités peuvent aussi se cumulerlorsqu'est avérée l'existence d'un dommageanormal et spécial consécutif à la réalisation

d'un ouvrage public considéré commedistinct et indépendant de l'expropriation,alors que l'exproprié a déjà perçu uneindemnité pour dépréciation du surplus,dans le cadre de la procédure en fixationd'indemnités menée devant le juge del'expropriation (18).

La difficulté est alors de démontrer quenon seulement la dépréciation, par naturematérielle, résulte directement de l'expro-priation, mais qu'elle est certaine.

UN PRÉJUDICE CERTAINLe préjudice certain est le troisième etdernier critère posé par l'article L.321-1. Sile dommage doit être intégralement réparé,seul le dommage effectivement survenu oudont le juge est sûr qu'il surviendra, peutêtre réparé. Cette exigence de certitudeinterdit la prise en compte du préjudice«simplement» éventuel. Ainsi, ont étérejetées les demandes relatives à:

- la prise en compte de l'évolution futuredes résultats d'une entreprise (19) ;

- la flétrissure et le dessèchement d'unepartie de secteur arboré d'une parcellesituée hors emprise, en raison de la modi-fication du système hydraulique qu'entraî-neraient les travaux projetés (20);

- la présence d'un gisement si le sous-soln'est ni exploité ni exploitable (21), tandisque si, à la date portant transfert de pro-priété, le gisement est exploitable, on doitconsidérer qu'il confère une plus-value autènement exproprié (22);

- la perte de chance de réaliser une opé-ration projetée avant l'expropriation (23).

En revanche, le dommage peut ne pasexister au jour où le juge statue, dès lorsqu'il a la certitude de sa survenance. Il fau-dra toutefois que ce préjudice futur puisseêtre estimé immédiatement. Dans le cascontraire, le juge peut ordonner un sursisà statuer dans l'attente que soit justifié ducaractère certain du préjudice invoqué etqu'il puisse être déterminé. Telle est pré-cisément l'option qui a été choisie au termed'une jurisprudence abondante rendue enmatière d'indemnités de licenciement.

Dans un premier temps, les juridictionsde l'expropriation ont systématiquementrefusé l'indemnisation pouvant résulter dupaiement par un commerçant évincéd'indemnités de licenciement à ses salariés,aux motifs que ce préjudice était

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incertain au jour de ladecision de première ins-tance (24). Puis, à compterd'un premier arrêt de lachambre des expropriationsde la cour d'appel de Parisdu 2 décembre 1976 (25) etd'un arrêt de la Cour decassation du 8 mai 1978 (26),la jurisprudence adopte, demanière constante, la solu-tion du sursis à statuer dans ' —l'attente du paiement effectifde ces indemnités de licenciement dans lerespect de la législation du travail et de lavérification que ces licenciements sont laconséquence directe de l'expropriation.

Cette solution du sursis à statuer pourraitégalement être transposée à la question del'indemnisation de la perte de revenus loca-tifs subie par l'exproprié, dont l'évaluationest souvent problématique à la date àlaquelle le juge doit rendre sa décision.Rappelons à cet égard que, depuis les arrêts

ANOTER

Au jour du jugementde première instance,l'existence du préjudicen'est pas avérée et lequantum de l'indemnitéà fixer par lejuge n'est,en tout etat de cause,pas chiffrable.

rendus par la Cour de cassa-tion le 2 juillet 2003 (27), lajurisprudence majoritairereconnaît le principe d'undroit à indemnité au titred'une perte de revenus loca-tifs au profit du propriétaireexproprié, lorsque son bienétait loué à la date de l'ordon-nance d'expropriation.

Or au jour du jugement depremière instance, l'exis-tence du préjudice n'est pas

avérée et le quantum de l'indemnité à fixerpar lejuge n'est, en tout état de cause, paschiffrable, car:

- d'une part, aucun texte ne fait obliga-tion à l'exproprié d'acheter un nouvelimmeuble à la suite de son expropriation.Il peut parfaitement conserver l'indemnitéqui lui a été octroyée, sans la réinvestir dansune acquisition immobilière;

- d'autre part, à supposer qu'il prennecette décision à la date où lejuge doit rendre

son jugement, celui-ci n'a aucune certitudequant à la location de cet hypothétiquenouvel immeuble, et, de même, rien ne luipermet d'estimer la durée pendant laquellel'exproprié demeurera sans revenu locatif.

En raison de ces incertitudes, certainesjuridictions de l'expropriation ont refuséd'indemniser ce type de préjudice (28).Notamment, la cour d'appel de Versaillesa considéré qu'il appartenait à l'expropriéde démontrer à la fois l'existence du préju-dice invoqué et le montant de l'indemnitésollicitée (29).

Pourquoi, dans ces conditions, ne pasordonner un sursis à statuer sur ce postede préjudice, dans l'attente de la démons-tration par l'exproprié d'avoir effectivementacquis un nouvel immeuble puis de l'avoirmis en location? A défaut d'apporter cesjustificatifs, l'indemnité dite «perte deloyers» lui sera refusée, et, dans le cascontraire, il sera aisé de la calculer (30). Lepréjudice indemnisé est alors matériel,direct et certain.»

(1) CA de Toulouse, 17 decembre 2001,Junsdatan0 2001-170729

(2) CA de Lyon, 12 mars 1987, «Epx Karkatchanancl syndicat intercommunal des eaux de Givors»

(3) Paris, ch expr, 3 fevrier 1978, «Noèl e/ dpt Essonne»(4) M leTourneau, Répertoire de droit civil

(5) Gass, ¥ civ, 22 octobre 1965, n°64-70164 et 64-70166,30 mai 1972, n°71-70206,17 octobre 1972, n°71-70212

(6) Decision n°2010-87, QPC, 21janvier2011

(7) Cass, 3' civ, 16 mars 2011, n°09-69544

(8) Cf arret précité du 16 mars 2011

(9) Cass, 3' civ, ll avril 1973, n° 72 70-205,ll fevrier 1998, n° 97 70018

(10) CA de Pans, expro, ISjanvier 1980, JCP1980, IV 227

(11) Cass 3eciv, 22septembre2010, n°09-69050

(12) Cf notamment Cass, 3« civ, 23 mars 1988, n°86-70319

(13) Cass, 3e civ, 23 fevrier 1983, «Perrin e/ commune deClara-Villerach»

(14) Cass, 3e civ, 19 octobre 1976, bull civ 1976, lll, n°357, p 271

(15)Cass,3'civ,5juilletl989,bull civ 1989,lll,n°157,p 86

(16) CA de Pans, expro, 9 novembre 1978, «SNCF e/ Locatelli »

(17) Cass, 3' civ, 14 mars 1979, JCP 1979, IV, 177

(15) CAA de Bordeaux, 22jum 1998, «dpt de la Haute-Garonne e/ Mme IMedjar», AJDI1999, p 232, CE, 4 octobre2000, dpt de la Haute-Garonne, AJDI 2001, p 451

(19) Cass, 3' civ, 4 decembre 1996, AJPI1997, p 212

(20) Cass, 3' civ, ll mai 2000, n°96 70123(21) Cf notamment cass, 3« av, 18 decembre 1991, bull civ1991, lll, n°0326,15 decembre 1999, AJDI 2000, p 619

(22) CA ae Reims, 25janvier 2012 Junsdata n°2012-003506

(23) Cass e, 24 octobre 1978, Gaz Pal 1979,panor21

(24)Cass,3-civ, 13 mars 1967,bull civ Vn°18 Pguillet1971, AJPI 1972, p 416, CA de Pans, 22 mars 1974,«Société Davoise e/ ville de Paris»

(25) CA de Pans, 2 decembre 1976, AJPI 1977, p 163(26) Cass, V civ, 8 mai 1978, JCP 1978, IV, 211

(27) Cass, 3e civ, 2juillet 2003, «Commune de Toulousee/M X», n°02 70079

(28) A titre d'illustration TGI de Pontoise, I" mars 2006,RG n°05/93, CA d'Agen, 17 decembre 2007, RG n°07/014,CA de Versailles, 18 septembre 2007, RG n°06/03180

(29) CA de Versailles, 12 janvier 2010, RG n°09/01416(30) Récemment, plusieursjundictions de l'expropriationont statue en ce sens TGI de Nanterre, 27 octobre 2010,RG n°10/100, TGI de Bobigny, ISjum 2011, RG n°10/00132;TGI de Tours, 19juillet 2011, RG n°ll/00010