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Extrait de la publication

Extrait de la publication… · 2013. 11. 7. · Je n'en croyais rien, étais incapable de lui rien répondre, ne songeais qu'àrejoindre au plus vite les autres. TI me poussa doucement

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Laura Mendoza

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Chez le même éditeur

L'INVENTION DU CORPS DE SAINT MARC, 1983.L'INNOCENCE, 1984.SEPT PASSIONS SINGULIÈRES, 1985.L'ANGÉLUS, 1988.LA CHAMBRE D'IVOIRE, 1989.ACCOMPAGNEMENT, 1991.

Chez d'autres éditeurs

LE SENTIMENT DE LA LANGUE I, Champ Vallon, 1986.LE PLUS HAUT MIROIR, Fata Morgana, 1986.BEYROUTH, Champ Vallon, 1987.LE SENTIMENT DE LA LANGUE II, Champ Vallon, 1990.

DU MÊME AUTEUR

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Richard Millet

Laura Mendoza

Récit

P.O.L

8, villa d'Alésia, Paris 14e

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@ P.O.L éditeur, 1991ISBN 2-86744-204-4

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Que j'aie été l'élève de Marc Fournol est unévénement sans importance. Je fus silencieuse parmiles plus silencieuses de sa classe et n'ai pas étéétonnée qu'il ne fasse presque pas mention de moidans le bref récit qu'il a donné de quelques épi-sodes d'une année déjà lointaine. Je n'y songeraispeut-être plus si Fournol lui-même n'avait cherchéà me revoir, peu après la publication de LauraMendoza. Les critiques sans appel ou le silence quiaccueillirent ce livre jetèrent l'auteur de la Figuredans l'ivoire dans le désarroi il voulut compren-dre à tout prix pourquoi les critiques reprochaientà ce récit son réalisme, son invraisemblance, soncôté grinçant, déploraient de n'y pas retrouver lestyle de Fournol, en un mot lui signalaient sonerreur.

Je n'y ai pourtant dit que la vérité, Sandra,

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tu le sais, me répétait-il, assis dans l'unique fauteuilde ma chambre d'étudiante.

Je fumais silencieusement, allongée sur un litétroit, près d'une lampe basse, songeant que jen'aimais pas vraiment les livres de Fournol, que jetrouvais trop sombres, trop éloignés de l'image queje gardais de mon professeur.

Est-il possible, ajouta-t-il, que ce qui nous abouleversés à ce point puisse n'intéresser que moi ?

J'avais lu Laura Mendoza, et si je trouvais justescertains des reproches qui lui étaient adressés, je neme sentais pas mieux placée qu'un autre pour enjuger équitablement. Sans doute avais-je encore auxlèvres, ce soir-là, le sourire niais de mes années decollège. Je suis restée timide et réservée, comme ence jour de rentrée où Fournol me trouva seule dansun couloir du collège j'errais à la recherche de notresalle, et il me demanda je n'ai jamais su pourquoi,encore que j'aie aujourd'hui tendance à y voir, nonsans complaisance, quelque signe annonciateur sije n'avais pas peur. Je lui donnai raison.

Je vais les découvrir en même temps que toi,reprit-t-il. J'ai un peu peur, moi aussi.

Je n'en croyais rien, étais incapable de lui rienrépondre, ne songeais qu'à rejoindre au plus vite lesautres. TI me poussa doucement par l'épaule. Je memis à courir dans le couloir.

A présent, je n'étais guère plus à mon aise, maisje ne pouvais me taire et c'est en rougissant que je

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m'entendis lui dire, moi la jeune étudiante soudainredevenue adolescente devant cet écrivain notoire

Croyez-vous que je détienne la vérité ?Fournol me regardait comme si je le tenais en

respect; son visage était celui d'un être prêt à toutentendre et déjà résigné au pire, et sa voix se faisaitsuppliante, enfantine, indigne de l'homme que j'avaiseu pour professeur.

Que s'est-il vraiment passé ?Mais rien que vous n'ayez raconté.Je me suis pourtant trompé sur l'essentiel,

n'est-ce pas ?Je souriais je redoutais ce qui allait suivre

pouvais-je lui dire tout de go qu'il avait fait de lalittérature avec ce qui restait un ensemble d'épisodesépars, peut-être inconciliables, souvent injustifia-bles ? En même temps, par mon sourire, je venais deme livrer à lui je ne pouvais en rester là j'éprouvaismoi aussi le besoin de me délivrer de ce que je savais.Je vouais à Laura, que je ne reverrais probablementjamais, un souvenir aussi fervent que celui qui avaitpoussé Fournol à écrire ce qu'il appelait leur histoireet dont il me faudrait désormais donner ma version,selon l'étrange contrat que nous conclûmes ce soir-làet qui ramena Fournol pendant quatre nuits entièresdans ma chambre pour m'écouter parler. Je n'avaisplus devant moi le personnage au regard dominateur,au sourire ironique et mordant que nous découvrî-mes en ce lointain jour de rentrée, mais un homme

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acculé à lui-même, solitaire, qui se souvenait aveceffroi de l'adolescent qu'il avait cessé d'être, quipleura tel un enfant, la dernière nuit, avant dem'embrasser au front et de murmurer que cettehistoire n'appartenait à personne.

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Le couloir qui menait à la salle de français étaitétroit, obscur, sonore. On y respirait déjà cette odeurde poussière de craie, de friandises, de sueur, devêtements et de cheveux humides qui se confondraitlongtemps pour moi avec celle de l'automne. Nousnous pressions les uns contre les autres nous atten-dions Fournol que nous ne connaissions que de vuenous étions excités, anxieux, nous nous sentions à

l'étroit dans nos corps. Si nous parvenions à gardernotre calme, c'était que nous autres, élèves de troi-sième, nous nous prenions très au sérieux nouspouvions enfin, devant les élèves des classes inférieu-res, affecter un air lointain, presque méprisant, alorsque les plus jeunes d'entre nous n'avaient que qua-torze ans et que quelques autres tiraient de leurs seizeprintemps une gloire douteuse.

Nous ne l'avons pas vu arriver. Une voix un

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peu sèche nous fit d'instinct baisser la tête. Fournoldemandait si nous étions bien les troisièmes F. Ma-

rie Dumont, une redoublante, lui répondit crâne-ment qu'il ne se trompait point; ce point et lesourire franc de Marie firent passer entre nous,comme un frisson de fièvre, un rire bref. Fournolouvrit la porte nous nous retrouvâmes dans unesalle que la plupart d'entre nous connaissaient. Lesmurs, d'un blanc cassé, étaient nus, à l'exceptionde celui de gauche, sur lequel étaient affichés, dansun petit cadre rouge, le règlement du collège, ainsique deux photographies aux couleurs passées, re-présentant l'île de la Cité et le théâtre antiqued'Orange. Dans le fond, une armoire vitrée et vide,près de laquelle nous nous sommes assises, Lauraet moi. Chacun s'installa dans un désordre feint

qui ne trompa point Fournol il ne tarda pas àséparer d'un autre élève ce grand et beau métisà l'élégance outrancière et aux gestes lents quidéclina avec superbe un nom singulier SylvainPoint-du-Jour. Fournol le plaça devant lui, seul, àcette table que les élèves ont coutume de laisservide quand ils ne connaissent pas ou n'aiment pasun professeur.

La classe avait trouvé son architecture vive,mystérieuse, bruissante. Nous nous taisions, obser-vions le tableau, le bout de nos doigts, le dos de nosvoisins, dessinions sur les tables de minuscules

motifs géométriques ou bien d'étranges fleurs qui

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prolongeaient nos songes. On entendait la pluie deseptembre ruisseler sur les grandes vitres.

Il n'avait pas éclairé la salle. Dans ce demi-jourmatinal, nous étions les seules, Dolores, Carla, Lauraet moi, à sourire comme tous ceux qui étaient venus

très jeunes d'Amérique du Sud, nous gardions lesouvenir de grandes pluies à Montevideo, BuenosAires, Santiago ou Lima, auxquelles nous aimionsabandonner nos visages, nos chevelures, nos épauleset nos bras nus. Nous ne regardions pas Fournolcomme les autres, nous nous croyions heureusesd'enfin pouvoir afficher cette attitude lasse et cesregards absents qui nous convainquaient de notresupériorité et exaspéraient les professeurs. Notrevanité était sans bornes, notre naïveté aussi. Nous

vivions repliés sur nous-mêmes, avions hâte que toutpassât, soupirions après l'âge mûr, haïssions la vieil-lesse, étions la proie de paradoxes que nous necherchions même pas à nous expliquer, qui nousfaisaient rire ou nous tiraient des larmes.

Je ne garde pas mémoire des premiers mots queprononça Fournol. Sans doute resta-t-il quelquesinstants sans rien dire, debout, les mains appuyéessur le bureau, à nous dévisager l'un après l'autre,nous forçant à relever la tête, à nous nommer, àouvrir nos visages, à répondre à son regard tour àtour doux et froid, prompt à l'attendrissement ou àla colère, voire à la cruauté, avide parfois jusqu'à ladétresse.

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Il donna enfin de la lumière, s'assit sur le rebord

du bureau. La classe respira. Nous remplîmes distrai-tement des fiches de renseignements. Nous étions unpeu déçus que pouvions-nous cependant attendrede cet homme grand, au visage étroit, à l'allure jeune,vêtu, comme beaucoup d'entre nous, d'un blouson etd'un pantalon en jean ? Ce n'était après tout qu'unprofesseur, c'est-à-dire quelqu'un qui existait àpeine.

Laura ni moi ne disions jamais le prof mais leprofesseur ou Monsieur Fournol. Est-ce l'exil quinous inclinait à cette politesse, ou bien voulions-nous, comme nous le reprochaient les autres, nousrendre intéressantes ?Nous étions un peu plus âgéesqu'eux. Laura venait d'Argentine et moi de l'Uru-guay. Nous apprîmes le français en cinq années etavions en commun avec les autres étrangers de laclasse le respect de cette langue que nous finissionspar aimer comme on aime les rêves lents et lumineux,le ciel après un orage d'été, les fleuves sur lesquelspenchent de vieux arbres en fleurs, le sourire de nospetites bonnes, le visage de nos mères qui, ayantéteint la lampe du chevet, murmuraient dans l'ombretiède des prières que nos pères ne devaient pasentendre.

Fournol se dit heureux de découvrir des visagesnouveaux. Le sien gardait pourtant quelque chose defroid, comme s'il était mécontent de ne pouvoir selaisser aller à sa joie de prendre possession de nos

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figures comment dire autrement l'espèce d'acuité,de ténacité, de jubilation retenue avec quoi, pendantles premières heures, il nous regarda ? Il lui faudraitplusieurs semaines (précisément quand nous serionsen train d'étudier le Jeu de l'amour et du hasard)pour qu'il s'exclamât qu'il avait enfin trouvé, oui,qu'il nous connaissait déjà pour la plupart, qu'il serappelait nous avoir vus, l'année précédente, dans lehall d'entrée, sur des tréteaux nous jouions lesPrécieuses ridicules. Dès lors il laissa chaque visagese rapporter au grimage qu'il avait dans la pièce deMolière, ou inversement, s'en défaire, revoyant de lasorte Dolores Moreno en Cathos et Sarah Dupin enMagdelon, Point-du-Jour en Gorgibus, et bien d'au-tres encore qui n'avaient eu que des bouts de rôleset, nous écoutant lire Marivaux, il retrouvait parfoisune émotion semblable à celle qui l'avait saisi quandil nous avait vus jouer nos voix lui tiraient deslarmes par le seul fait qu'elles faisaient sonner avecinnocence, nous dit-il, un état magnifique de lalangue française.

La première heure touchait à sa fin. Il ramassales fiches de renseignements, lut à voix haute chaquenom, lentement, s'attachant à découvrir la figure quilui correspondait, son visage s'éclairant ou se refer-mant selon que le nom désignait un visage gracieux,ou que la belle simplicité d'un autre jurait avec unefigure sans charme. Ne nous laisserait-il pas enten-dre, plus tard, que ses amours obéissaient autant à

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la musique des patronymes et des prénoms qu'àl'architecture des visages et des corps ? Mais, en cejour de rentrée, que pesaient les noms de SarahDupin, de Christelle Verrier ou de Noël Morand, àcôté de ceux de Marthe Malumba,hautaine caryatidenoire, ou de toutes les « chicas », comme il nousappellerait bientôt, et qui relevèrent l'une aprèsl'autre la tête Dolores Moreno, Carla Valdez Ri-beira, Laura Mendoza et Sandra Ruiz ? Nous avions

toutes, à ce moment, quelque chose de fier et derésigné, d'un peu triste aussi, surtout Laura, queFournol regarda longuement avec un sourire obstiné,et qui soutint vaillamment son regard, les sourcilslégèrement relevés, étonnée, irritée d'être l'objetd'une pareille attention.

Ainsi, commença ce que, dans son récit, Four-nol appelle leur histoire. Je me demande aujourd'huisi nous n'avons pas tous été, peu ou prou, la proiede nos songes. L'amour seul peut-il expliquer nosactes, nos regards, nos silences, nos rires, la proxi-mité fugitive des êtres et leur éloignement ? Avons-nous été rien d'autre pour Fournol que d'exotiques,de mélancoliques et secrètes jeunes filles exilées dansun triste paysage de tours, de bâtiments d'acier et deverre, de pavillons vieillots et de petits vergers quele brouillard nous dérobait souvent ? A-t-il jamaiscessé de se croire le maître du jeu (un jeu dontlui-même avoue combien les règles furent aléatoires)et prêté l'oreille à ce qui frémissait en nous pour

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entendre le murmure de tout ce que nous lui adres-sions en espagnol, dans la nuit de nos corps, etcomprendre pourquoi nous avions si souvent l'air derêvasser? Il nous suffisait de fermer les yeux pournous croire ailleurs, n'importe où, hors du monde(pour reprendre une formule qu'il chérissait), maisplus volontiers dans nos contrées natales, chacune surune rive du fleuve qui sépare nos deux pays et quenous nous rappelions large comme une mer. Nosvoix, notre espagnol, nos gestes même avaient desinflexions différentes. Nous étions étrangères l'une àl'autre. J'aimais pourtant penser que, tout enfants,nous nous étions allongées sur ses rives et avionscontemplé, aux mêmes heures, un ciel dans lequelvenaient mourir les vents tombés des Andes.

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III

Laura faisait partie, à Fontanges-au-Bois, dupetit clan de Latino-Américaines dont les parentsavaient fui les dictatures, les guerres civiles, l'ennuide sous-préfectures andines, ou d'hestancias per-dues. C'est à peine si nous avions eu le temps denous faire une idée bien nette des villes où nous

naquîmes nous avions l'impression d'être des amné-siques et souffrions parfois, comme Dolores, Chi-lienne née à La Havane, de ne nous sentir de nullepart. Mais que nous fussions nées à Mar del Plata,Montevideo ou Santiago, nous avions toutes apprisà être étrangères, pauvres, respectueuses, à nous

taire, à être dignes.Je n'ai pas le dessein de parler de moi. Je vivais

dans l'ombre de Laura. Je n'ai jamais rien eu deremarquable, sauf mes lourds cheveux noirs et desyeux très grands. Fournol m'a dit, un jour que nous

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