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F. Lenormant, La Grande Grece. La Calabre, 1881

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FRANÇOIS LENORMANT LA GRANDE-GRÈCE PAYSAGES ET HISTOIRE LA CALABRE II DEUXIÈME ÉDITION PARIS 1881

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#

^

LA GRANDE-GRCE

ANGERS, IMPIUMEUIE BURDIN ET

C^,

RUE

G

ARM EH,

4.

LA

GRANDE -GRCEPAYSAGES ET HISTOIREFRANOIS LENORMAiMMEMBRE bEPROFESSEUR d'aRCHOLOGIEl'i.NSTITLTI'RS

IV lilUl,|MTllkijrK NA TiONALE

TOME

III

PARISA.

LVY, LIBRAIRE-DITEUR-13,

RUE LAFAYETTE, 13I

8 8

'l

CrO(

PRFACE

Dansblieil

la

premire partie de cet ouvrage, puj'ai

y a deux ans,dela

conduit

le lecteur

sur

les ctes

mer Ionienne depuis Tarente

jusqu' Squillace.

Au

del de ce point,

mon

ex-

ploration de 18^7^ tait reste fort incomplte.

Depuis j'ai consacr une tude nouvelle et plusapprofondie l'automne de 1882. C'est l'itinrairele

ce voyage que je suivrai dans la seconde par-

lie

de

mon

livre. J'y

prends pour point de dpart

(atanzaro, dj dcrit dans la premire partie,'t je

procde de

l jusqu'

Reggio

le

long de la

mer Tyrrhnienne,mer

puis je remonte partir dele littoral

Reggio jusqu' Squillace par

de la

Ionienne, en visitant sur la route les siteset

de Locres

de Caulonia, en dcrivant ces deux

IV

PHb:FACb:

villes el

en racontant leur histoire. Un derniertraitant

chapitre,

de Gosenza,

fera

pntrer

dans

le

cur du pays des

Brutliens.cette

La Grande-Grce formera de

manire

deux parties, en quatre volumes. Le derniersuivra prochainement celui-ci. Cet ouvrage ter-

min, avec celui que je viens de faire paratresur l'ApuHe et la Lucanie,il

me

restera encore

traiter de la Fouille maritime et de la Terred'Otrante, pour complter la description de l'ex-

trmit mridionale de ritahe, fruit de plusieurs

annes d'tudes

et

de voyages. J'espre, sans

un trop grand

retard, parvenir accomplir ga-

lement cette dernire partie du programme queje m'tais trac.

Nous avons pieusement conservdusujet que

les

lignes

qui

prcdent. Elles indiquent bien l'tendue

et l'intrL

traiter et

se proposait de coordonn les matriaux dans son esprit sans avoir eu besoin de fixer ses ides par une bauche de rdaction.

M. Franois Lenormantil

dont

avait

PREFACE

V

Le volume que nous publions aujourd'hui terminera donc les tudes que l'auteur avait consacres la Grande-Grce. On y trouvera la relation des prefatal voyage de dans lequel M. Franois Lenormant, atteint par le mal qui devait nous l'enlever quelques mois plus tard, explora avec tant de courage et de sagacit plusieurs des rgions les moins connues de l'Italie mridionale. Le lecteur le suivra depuis Catanzaro jusqu' Mileto, en passant par Nicastro, le Pizzo et Monteleone; il restera priv de la description du littoral de la mer Tyrrhnienne, depuis Mileto jusqu' Reggio, et du littoral de la mer Ionienne depuis

mires journes de ce fructueux et

l'anne 188:2,

l'extrmit mridionale jusqu' Squillace.

mant

Les notes archologiques que M. Franois Lenoravait prises dans son dernier voyage devaientde trois rapports

faire l'objet

M.

le

Ministre de Tins-

Iruclion publique.

Le premier, contenant les observations recueillies depuis Lucera jusqu' Gatanzaro, a t publi dans la Gazette archologique, anne 1883, pp. 11-72 et101-213.

Le second rapport devaitralion du littoral de la

tre consacr l'explora-

mer Tyrrhnienne, depuis Nicastro jusqu' Reggio. Le commencement seul en aimprim dansIl

t

la

Gazette archologique anne 1883,,

pp. 273-^94.

y est question de Nicastro et de l'emplacement des villes de Trina et de Tmsa. Ce second rapport correspond aux -pp. 1-104 du volume que nous publions aujourd'hui.

a

Le mal implacable auquel M. Franois Lenormant succomb le 9 dcembre 1883 ne lui a permis d'-

Yi

PREFACE

erire ni la fin de ce

second rapport, ni le troisime, dans lequel auraient t exposes les recherches excutes Locres, Grotone, dans le val de Tegianoet surtout Velia.

L'ensemble des rsultats obtenus pendantde 1882 GSt indiqu dans deux lettres que

le

voyagela

M.

Franois

Lenormant

a adresses

M.

le

baron de Witte,

premire de Reggio le 12 octobre, la seconde de Naples le 25 du mme mois; toutes les deux furent communiques l'Acadmie des inscriptions etbelleslettres, qui les

a publies dans les

Comptes rendus

des sances de l'anne 1882 (pp. 283-287). Nous en

donnonsentrevoir

lele

texte la fin du volume. Elles laissent

puissant intrt

qu'aurait prsent

la

relation complte et dtaille

du voyage.

L'Editeur.

LA GRANDE-GRGEDEUXIEME I*ARTIE

CHAPITRE PREMIER

NIGASTROI

Par une

belle

bre, ds six heures,

matine du commencement d'octonous montons en voiture sur la

place principale de Catanzaro. Notre vhicule, quiition

ceux-ci

auraient t bien embarrasss de le dloger. Maisil

se

figura qu'il en viendrait bout aussi facileIl

ment que des Napolitains.leur

commit donc

la faute

insigne de descendre en plaine pour attaquer dans

camp les

forces suprieures de sirl'artillerie

John Stuart,bataille se

appuyes parla dfaite

de la

flotte.

La

Jivra le 4 juillet; elle fut courte et se

termina par

des ntres.

En cette

occasion

comme

dans

56

LA GRANDE-GRECEles

'

presque tous

mme poque entreet la prcision

engagements qui eurent lieu la les deux nations, le sang-froidtir

de

des Anglais arrtrent net

l'-

lan des Franais et leur firent subir des pertes

normes pour

le

nombre des gens engags.

C'tait les

la premire fois, depuis bien longtemps,

que

Franais subissaient une dfaite sur terre. Sir JobnStuart en eut tant d'orgueil qu'il descendit insulter les vaincus.la vanit

Jamais,

dit-il

dans son rapport,

de notre prsomptueux ennemi n'a t

plus svrement abaisse, jamais la supriorit des

troupes britanniques plus glorieusement prouve

que dans

les

vnements de

cette

mmorable jouril

ne. Bien que de part et d'autre

n'y et que

bien peu de

monde en

ligne, la bataille eut des

rsultats considrables.

Les Franais y perdirent

pour quelque temps toute la Calabre. Le gnral Reynier se vit oblig de se retirer en dsordre par la valle du Lamato sur Catanzaro, qu'il atteignit grand'peinegeaient pas succs, sirle

lendemain.lui

Heureusement pourle

les

Anglais ne

son-

poursuivre. Se contentant de son

John Stuart ft rembarquer ses soldats au bout de quelques jours, aprs avoir mis terre le matriel ncessaire pour armer une insurrectioncalabraise, la tte de laquelle fut plac leGualtieri,

major

surnomm Pane-di-Grano. C'tait un paysan du hameau forestier de Conflenti dans levoisinage de Martirano;

il

avait dbut par tre

I

MCASTROs'tait

57

engag et avait t sous-officier clans l'arme de Mack. Au licenciement de cette arme, il tait entr dans celle que levait lebrigand, puisroi

cardinal Ruffo, s'y tait distingu et la rentre

dans sa capitale avait reu le titre de major avec une dotation de quarante mille ducats. Dans la campagne malheureuse du mois de mars il tait

du

aide de

camples

des princes royaux, et c'est sur luila

que comptait

nouveautait

cour de Paenne pour soulever de campagnes de son pays. Son nom yet la dfaite

minemment populaire,il

des Fran-

ais exaltant les imaginations,

en moins de quinze

joursquels

eut assembl dix millealla

hommes, avec

les-

il

chercher

le

gnral Reynier Catanla possibilit

zaro. Celui-ci,s'y

ne se sentant pas

de

maintenir au milieu de l'insurrection qui sevenait d'vacuer

gnralisait dans toute la Sila,

la ville et continuait sa retraite vers le nord.tieri

Gual-

imposa une ranon de dix mille ducats il

Catanzaro, moyennant quoises bandes

sut maintenir dans

une exacteil

discipline,

que

le cardinal

Ruffo n'avait jamais cherch obtenir, et traversant la villese

mit la poursuite des Franais.

Ceux-ci cherchaient gagner Cassano le plus rapidement possible, pour aller au devant d'uncorps de six mille

hommes que

le

marchal Massaccagea,

sna conduisait lui-mme leur secours. Reynieravait quitt Catanzaro le 26 juillet;il

pour rpandre

la terreur

dans

le

pays, les villes

58

LA GRANDE-GRCEson passage, Strongoli2 aot^ etle 4il

qu'il rencontrait surjuillet, Corigliano le

le

30

s'arrtait

Cassano. Jusque-l Gualtieri l'avait suivi pas pas,enlevant tous ses tranards; les paysans descendaient en foule des montagnes pour se joindre lui;

comme nombre,

il

avait

une vritable armeil

sous ses ordres, etl'espoir de

un momentla

put se bercer de

recommencer

marche triomphale des

lgions improvises du cardinal Ruffo en 1799.

Mais

s'il

eut cette illusion, elle fut de courte

dure. Les renforts envoysrejoint les dbrisle

de Naples avaientde Reynier, et ds

du

petit corps

10 aot toutes les troupes, montant treize millese trouvaient runies sous les ordres deet Castro villari.

hommes,

Massna, entre Cassano

Quelques

jours aprs elles reprenaient leur

mouvement en

avant, procdant avec une mthodique lenteur la

conqute du pays, qu'elles fouillaient avec soin, et refoulant devant elles les leves irrgulires deGualtieri, qui nulle part ne se montraient capa-

bles de tenir devant les rgiments franais.villeset

Les

taient occupes les unes aprs les autres

Massna, qui savait la possibilit d'y faire des partisans au nouveau rgime, aprs avoir terrifi les vellils de rsistance par l'effroyable exemple du traitement inflig Lauria*, les traitait gn-

1.ville

La Le roi Joseph crivait Napolon le 15 aot 18U6 de Lauria, de sept mille habitants, n'est plus qu un mon:

NIGASTROralement avec assez de douceur. Ainsi, malgrsouvenir du massacre des malades de

59le

l'iipital,

Nicastro fut reue merci sur la prire de ses prin-

cipaux citoyens, qui se rendirent Scigliano pourimplorer la clmence du vainqueur. Massna, ayant

remis les affaires en bon train, quitta bientt Farnie, en laissant

Reynier

le

soin d'achever l'uvre

de la soumission dfinitive de la Calabre. Elle

demanda encore

plusieurs mois, et c'est seulement

dans Tl de 1807 que les deux batailles de Mileto et de Seminara mirent fm h la guerre proprementdite.

Les troupes rgulires de l'arme royale, que

les

vaisseaux anglais avaient transportes Reggio

pour soutenir les insurgs, durent repasser en dsordre dans la Sicile, o elles furent suivies par tous les chefs importants de l'insurrection, parmilesquels Gualtieri.

Mais

la pacification

du pays

n'tait

pas pour

cela ralise. L'insurrection royaliste de 1806, ense dispersant, avait laiss derrire elle

une multi-

tude de petites bandes de partisans qui se cachaient

dans les montagnes, attaquant les dtachementsde l'armefranaise,

interceptant

ses

convois,

massacrant ses courriers, incendiant(le

les proprits

ses

partisans

et,

quand

elles pouvaient, les

enlevant eux-mmes pour les assassiner ou les

les

ceau de ruines flammes.

;

hommes, femmes,

enfants, tout a pri dans

60

LA GRANDE-GRECE

soumettrepolitique,

aune

grosse ranon. Ce furent d'abord

de vritables gurillas d'un caractre avant tout

comme celle de l'Espagne. Mais au bout de quelque temps les cbefs de bandes qu'animait rellement la passion de la cause des Bourbonsse lassrent d'une lutte qui n'amenait pas de rsultat, et les

uns aprs

les autres

gagnrent

la Sicile,

o

ils

trouvaient un asile sr sous la protection

des Anglais. La guerre de partisans dgnra en pur brigandage. Parmi les chefs qui pendant quelques annes infestrent les environs de Nicastro^

Giacomo d'Urso, combattit toujours en se montra cruel envers l'ennemi, ne souilla pourtant ses mains d'aucun acte qui portt atteinte l'honneur. Il avait commenc par tre un des plus ardents en faveur du nouveau rgime etseul,

un

soldat

et, s'il

tait

revtu d'un grade dans la garde nationale

josphiste. Mais ayant t outrag par

un

officieril

franais avec lequelle

il

tait

en

rivalit

d'amour,

tua

et se vit alors

oblig de gagner la montagne,

et poursuivit contre les

compatriotes de son offenle

sang de celui-ci n'avait pas encore assouvie. Les deux autres, Benincasa,de San-Biase,et

seur une vengeance que

Parafante, de Scigliano, taient

des malfaiteurs de la plus abominable espce qui

commirent tous

les crimes.

Paul-Louis Courier dcrit dans ses lettres les pisodes journaliers de cette guerre de partisans, qui avaitfini

par prendre des deux cts un caractre atroce.

NICASTROFigurez-vous,dit-il,

61colline, lele dire,

sur

le

penchant de quelque

long de ces rochers dcors

comme

je viens de

vous

un dtachement d'une centaine de nos gens, en dsordre. On marche l'aventure, on n'a souci de rien. Prendre des prcautions, se garder, quoi bon? Depuis plus de huit jours,il

n'y a point eu de troupes massacres dans ce canton.

Audans

pied de la colline coule un torrent rapide- qu'il faut

passer

pour arriver surl'eau, partie

l'autre

monte

:

partie de la

file

est dj

en de, au del. Tout coup se lvent de diff-

rents cts mille tant paysans que bandits, forats dchans,

dserteurs,tireurs;ciersils

commands par unles

sous-diacre, bien arms, bonsoffi-

font feu sur les ntres avant d'tre vus; les

tombent

premiers; les plus heureux meurent sur la

place; les autres,leurs bourreaux.

durant quelques jours, servent de jouet colonel ou chef, de n'importe quel

Cependant-

le

gnral,

rade, qui a fait partir ceins

dtachement sans songer si

rien,

savoir, la

plupart du temps,la dconfiture, s'en

les

passages

taient

libres,sins,1

inform de

prend aux villages voi-

y envoie un aide-de-camp avec 500 hommes. On pille, viole, on gorge, et ce qui chappe va grossir la bande duil

'M^-diicre.

Ll'S

couleurs ne sont pas charges, et les histoi-

res des cruauts sanstlL'

nom

des partisans arms ou

s

excs de svrit de la rpression, frappant

arpio instant des innocents'les

comme

responsables

faits

de leurs parents ou de leurs amis, sont

ncore vivantes dans toutes les mmoires. Pourtantil

aient laiss en Galabre,

ne faudrait pas croire que ces souvenirs de sangcontre les Franais, des

rancunes populaires pareilles celles qui subsistent encore si vivaces chez le paysan espagnol. OnI

4

62

LA GRANDE-GREGK

y lient pou de compte de la vie humaine, et le meurtre n'y tire pas consquence. Ces massacres qui nous paraissent hideux^ c'tait chez une population encore livre sa frocit native, la

manire

naturelle de faire la guerre.

Chacun l'employaitil

contre ses adversaires, sans ressentir d'indignation

de se la voir appliquer son tour. D'ailleursavait pas

n'y

dans

les Calabres,

sous Napolon, unn'exis-

mouvement de passion

nationale entranant tout,Il

commetait

celui qui s'empara de l'Espagne.

pas proprement parler de nationalit napoli;

taine

des deux cots on se battait pour des princesetle

trangers,n'tait

sentiment abstrait de la patrie

pas chose que comprissent les sauvages

montagnards qu'un clerg aussi ignorant qu'eux fanatisait, non pour la cause d'un roi dont ils se souciaient bien peu, mais pour celle d'un tat ocial auquel ils taient habitus et dont on leurreprsentait la religion comme insparable. Aussi pour les Franais et pour le roi Joseph, plus tard pour Murt, y avait-il dans ces provinces, comme dans tout le royaume de Naples, un parti aussi nombreux, aussi acharn, aussi froce que l'autre, et qui comprenait en gnral les classes claires de la nation. Il ne s'agissait donc pas en ralit d'une guerre d'indpendance nationale, mais d'une vritable guerre sociale et civile, avec toutes les fureurs qui sont propres ce genre de guerres.C'tait la lutte de

l'ancienne et de la nouvelle

NICASTRO

63

socit qui prenait ici le cachet de la frocit calabraise. C'tait aussi celle desvilles et

campagnes contre

les

du proltariat agraire contre

la proprit.

L'administration du roi Joseph avait organis danstout le pays

une nombreuse garde nationale, re-

crute dans la noblesse et la bourgeoisie. C'est elle

que

l'on

employait, prfrablement aux troupesplupart des cruauts inutiles de la

franaises, la poursuite et l'excution des bri-

gands;

et la

rpression doivent tre portes au compte de ses

propres passions. Les lettres de Courrier nous font

encore assister des scnes de ce genre.par exemple,

Il

raconte,

comment

les habitants de

Cassano,

voyant arriver en tte des Franais un bataillonsuisse de l'arme de Joseph, prirent ceux-ciles

pour

Anglais leurs habits rouges

et

coururent audes trophes

devant d'eux en brandissantles

comme

dpouilles des soldats qu'ils avaient assassins

isolment.

Ononla

en tua beaucoup.

On en

prit

cinquante-deux, et

le

soir

les fusilla

sur la place de Cassano. Mais un trait noter de

rage de parti, c'est qu'ils furent expdis par leurs compa-

triotes,

par

les

Calabrais nos amis, les

bons

Calabrais

de

Joseph, qui demandrenti

comme une

faveur d'tre employs

cette boucherie.las

Ils

n'eurent pas de peine l'obtenir; car

nous tions

du massacre de Corigliano.

Cet tat de choses effroyables dura jusqu'en 1810, en s'aggravant plutt qu'il ne diminuait. Les atrocits

de la rpression augmentaient celles du bri-

64

LA GRANDE-GRCEle

gandage, sans

dcourager. Enfin Murt, dans lase

deuxime anne de son rgne,passer en Calabrele

dcida faire

terrible gnral Manhs,

dont l'nergie sans dfaillances, mais aussi sans merci, venait de purger entirement les Abruzzes

duIl

flau de la guerre de partisans et

du brigandage.

dploya les

mmes

qualits militaires, avec la

mme

cruaut, sur ce nouveau terrain, et peu de

mois lui suffirentpourexterminer toutes les bandes. On sait quelle tait sa mthode de rpression. Peine de mort tait porte contre quiconque donnait asile aux brigands ou entretenait des correspondances avec eux, et pour empcher plus srement ces correspondances, leurs parents taient empiisonns jusqu' ce qu'ils fussent pris ou eussent fait leur soumission peine de mort contre quiconque sortait des villages avec des provisions, ft-ce un simpeine de mort contre le culple morceau de pain;;

tivateur qui ne rentrait pas de son travail la nuit;

peine de mort contre le berger qui conduisait son troupeau en dehors d'une certaine zone garde

par

les

troupes et qui ne le ramenait pas le soir

retable.

On faisait ainsi

le

vide dansles campagnes,

et l'on affamait les partisans qui se cachaient

dans

les bois. Puis, une fois qu'on pensait qu'un certain

temps de ce rgime avait dmit^ le

les rduire

l'extr-

commandant

militaire

du

district dirigeait

sur son territoire une battue gnrale laquelletous les habitants, l'exception des maladeset

des

NICASTROvieillards

65

de plus de soixante-dix ans, taientfaisait

obligs de prendre part sous la surveillance des

marcher en armes jusqu'aux mesures singulirement draconiennes, mais que la ncessit expliquait et qui n'avaient rien que d'avouable. Mais dans l'apsoldats.

On y

chanoines.

C'taient des

plication les

militairesils

,

endurcis

par toutes les

horreurs dont

se voyaient

entours^ affams

de vengeance au spectacle de leurs camarades crucifis,

cartels,

brls vifs quand les

brigands

parvenaient s'en emparer, ajoutaient au code de

mort du commandant en chef des cruauts que rien ne pouvait justifier. Le gnral Collelta, un des plus dvous partisans de Murt, affirme avoir vu Lagonegro un homme empal par les ordres d'uncolonel franais qui revenait de Turquie.

On

con-

nat l'horrible histoire de la tour de Castro villari,

que M. Maxime Ducamp a raconte d'une manire>i

frappante.Bien des gens se signent en passant prs des es murs.

On

y avait enferm un si grand nombre de prisonniers qu' peine ils pouvaient remuer. On ne les nourrissait gure. Ils moururent de faim,l'effroyable

d'asphyxie.

Les geliers,plus

reculant

devant

infection,

n'osaient

entrer.

Les vivants

dvorrent

les morts; la peste s'y mit. Tous prirent rongs, dcomposs par Thorrible pourriture qui montait autour d'eux.

Lale

tour entire n'tait plus qu'un charnier d'o les corbeaux

sortaient ivres et repus.sentait, et

A

plus de trois lieues l'air

la

ronde on

pendant longtemps

en fut empoisonn.

Le

zle des agents indignes

du gouvernement de

66

LA GRANDE-GRCEles orl'effet

Mural enchrissait encore quelquefois surdres qu'ils recevaient et croyait

en complter

par des actes d'un caractre odieux. Le savant historien de la lutte des Papes et des Empereurs de la

maison de Souabe, M. de Cherrier, m'a plusieursfois contofficier

avec quelle indignation, alors qu'il tait dans ]'arme d'occupation des Calabres, il

avait entendu le commissaire de police napolitain

de la petite ville ofaire fabriquer

il

commandait lui demander de

par les boulangers de sa troupe des

pains mls d'arsenic, que l'on aurait dposs dans

un

endroit dtermin o les gens de la bande la

plus voisine les auraient trouvs et mangs. Ce

commissaire, qui avait pass du service de

l'an-

cien roi celui du nouveau, trouvait tout simple de

proposer un soldat de se faire empoisonneur.

Les moyens mis en uvre par Manhs eurent unplein succs en Calabre

comme

dans l'Abruzze.

Depuis 1811 jusqu'en i815, les employs franais eux-mmes purent circuler dans tout le pays sansescorte et avec la plus entire scurit.C'est en 1811nari,

que

la socit secrte des

Carbo-

destine jouer quelques annes plus tard

unle

rle considrable dans plusieurs pays de l'Eu-

rope, prit naissance ou du moins se dveloppa dans

la vit d'abord

royaume de Naples. Le gouvernement de Murt avec faveur, comme offrant un moyen de groupement et de propagande pour les partisansdes ides nouvelles.Il

laissa

donc

la plupart

de

NTCASTRO^os

67

fonctionnaires civils et des officiers

de son

arme entrer dans les rangs de la Charbonnerie, et il leur donna sous main l'esprance de voir bientt promulguer la constitution librale etdmocratiquedela

dont l'obtention

tait

le

but

final

rent sans

Mais plusieurs annes se passque cette esprance se ralist. Le -;ouvernement, au lieu de relcher les liens de son autorit, semblait cherchera les resserrer mesuresocit.

que

les circonstances

devenaient plus critiques.guerres sansfin

Il

(Hait contraint,

pour

les

auxquel-

les l'entranaient sa(k^.

position de vasselage l'gard

Napolon, de demander au pays des sacrifices

toujours plus grands, qui Tpuisaient.

Une arme

napolitaine toute entire avait t engloutie dansles

neiges de la Russie; les villes maritimes sele

voyaient ruines parnait la flotte anglaise.

blocus

troit qu'entrete-

Le mcontentement grandissait et gagnait ceux qui s'taient le plus compromis en faveur du nouveau rgime. L'difice napolode toutes parts.

nien, auquel tait lie la royaut de Murt, croulait

La cour

de Palerme profita desqu'elle

cir-

constances pour se mettre en rapports avec la Charbonnerie. Elle prit l'engagement,devait

rpudier aprs

le

succs, d'tablir dans lesi

royaumele

de la terre ferme,

Ferdinand remontait surla Sicile ft dote

trne, la constitution parlementaire dont sir William

Bentinck avait exig que

en 1812.

On

tait

au commencement de 1814. Napolon

68

LA GRANDE-GRl^XEen essayant de dfen-

livrait ses dernires batailles

dre contre l'invasion le sol

mme

de la France.

Murt, qui

s'tait

dtach de la cause de son beaucoalise, tait

frre et s'efforait d'obtenir la conservation de sa

couronne de l'Europe

servation sur les bords du

camp en obP avec son arme. Le

royaume

donc presque entirement dgarni de troupes, et l'absence du roi paralysait dans une certaine mesure Faction du gouvernement. Des mouvements bourboniens clatrent dans les Abruzzes, et en Calabre les Carbonari prparrent presque ouvertement une insurrection sous le drase trouvait

peau duhs fut

Ferdinand et de la Constitution. Manaussitt renvoy Cosenza, et il y signalaroi

firent les conspirateurs.

son arrive par des excutions militaires qui terriMais en mars I8I0, aude la rupture de Murt avec l'Autriche, lesroi lgitime.

moment

ventes de Nicastro tentrent de soulever la ville au

nom du

La

tentative avorta et n'eut

d'autre rsultat que le meurtre de l'abb Mileti,vicaire gnralles

membres de

du diocse, accus d'avoir dnonc la socit au gnral Manhs. Lesse dfirent et ne voulurent pas

Bourboniens purss'associer des

hommes

qui les avaient combattus

avec acharnement pendant toute la priode prcdente. D'autre part on vit, chose absolument nouvelle, les habitants des campagnes, au bruit du

mouvement,ville

se lever

en armes

et

marcher surJoachim.

la

pour y rtablir

l'autorit

du

roi

NICASTRO

69

Les choses avaient bien chang depuis 1806. Les atrocits du brigandage, masqu du prtexte de lgitimisme, avaient alin les paysans la causede

Tancienne

dynastie.

'lisiblement amliore sous

Leur condition s'tait un rgime imbu des

principes sociaux de la Rvolution franaise.cruelles annes dela rpression

Aux

du banditisme avaient succd des annes calmes et prospres. L'esprit du campagnard calabrais s'tait ouvert d'autres ides que celles dont il s'tait d'abord laiss aveuglment dominer. Il taitdsormais conquis au libralisme moderne. Aussi depuis que les actes de la Restauration curent prouv qu'il tait impossible d'attendre des Bourbons de Naples un gouvernement de progrs et de libert, la Calabre, o le cardinal Ruio n'avait eu qu' paratre pour entraner les populations a s'armer en faveur du rtablissement de l'ancienrgime, devint, jusqu'au fond de ses villages lesplus arrirs, un foyer d'opposition l'absolutisme

bourbonien. Xicastro, en particulier, eut son rle

dans

les agitations

rvolutionnaires qui finirentet l'unit

par amener l'indpendance

de

l'Italie.

Le

baron Stocco,

le

plus ardent et le plus militant des

patriotes italiens de la Calabre^ celui qui s'y mit

Idujours la tte des

mouvements nationaux,

tait

un des principaux de la noblesse de cette ville. On y montre le palais o il habitait quand il n'tait pas en prison ou en exil, et o il mourut il y a

70

LA GRANDE-r;RI>CE

quelques annes, revtu, en rcompense de sesservices,

du grade de gnral dans l'arme

ita-

lienne. C'est donc de Nicastro que partit deuxfois le signal

de l'insurrection contre les Bourbons,

en 1848,

la

nouvelle des vnements du lo mai le

Naples, et en 1860, quelques jours avant

dbar-

quement Melito de

Garibaldi, auquel les insurgs

prparaient les voies.

YILe tremblement do bouta Nicastro aucunterre de 1638 n'a laiss ddifice ancien.

Pas une glise

qui remonte au del de cette date fatale.

Le ch-

teau lui-mme, jusque-l intact et augment, au

commencement du

xvi*'

sicle, de nouvelles forli-

fications destines recevoir

de

l'artillerie,

s'-

croula partiellement.

Les dommages

qu'il

subit

furent tels qu'on ne put songer le rparer et que

depuis lors

nous

il est demeur dans l'tat de ruine o voyons aujourd'hui. Cette ruine est, du reste, des plus pittoresques, perche sur un mamelon abrupt, en avant duquel s'tagent les maisons

le

du plus ancien quartier de la ville, entre les prcipices o coulent deux torrents qui en rongent incessamment la base. Le chteau tait par derrire domin de fort prs par d'normes escarpementsde rochers presque pic. Mais par rapport ces escarpements il tait plac de folle faon qu'il no

NICASTRO

7i

pouvait en rsulter aucun inconvnient pour la dfense,le

au temps o Ton ne connaissait pas encore

canon. Les ruines sont environnes d'un riche

verger d'arbres fruitiers; on y monte par un sentier couvert de magnifiques treilles, qui tourne plusieurs fois en spirale autour

du mamelon. Tous

les

rochers voisins sont hrisss de cactus, dont laIt'uillo

pineuse en raquette porte sur son bord les

figues d'Inde, rouges, jaunes ouvertes, fort appr-

du pays malgr ce qu'a de fade leur saveur doucetre. Il est facile de reconnatre que la masse de la forteresse, encore au moment de sa destruction, datait d'une poque recule, que c'cies des genstaitle

bien

le

chteau

mme

qui avait reu garnison

chevaliers

normands

et servi

de prison Henri

de Hohenstaufen. Yers ioOO on l'avait seulement entour d'une chemise bastionne, dans les restesde laquelle s'ouvrent encore quelques embrasures.

La vue que

l'on a de l est splendide et

d'une

Jurande tendue. Elle

embrasse

tout l'ensemble

du bassin, en demi-cercle rgulier^ du golfe de -inta-Eufemia, que les collines basses de la rive droite du Lamato partagent assez exactement par le milieu. L'hmicycle des grandes montagnes, aupied desquelles sont San-Biaseet Nicastro,

continue

sa courbe normale par les montagnes que .prcdele jplateau,

lgrement relev et couvert d'oliviers, au fond duquel Maida repose, tale et comme aplatie sur une des premires crtes projetes en

72

LA GRANDE-GREGEle

avant par

Monte Cappari, qui dresse plus en Le cirque se ferme au sud, immdiatement aprs Temboucliure de l'Angitola, o les montagnes rejoignentla mer et vienarrire ses escarpements.

nent baigner leur pied dans ses flots. C'est l que se trouve le Pizzo, sur son rocher qui avance dans

mer. A dater de ce point, la cte tourne l'ouest, borde de montagnes qui s'abaissent graduellela

ment jusqu'

au sud-ouest en pour se terminer, par del Tropea qui semble peine un point blanc,, au Capo Yaticano, tout fait l'extrmit du champ visuel, l o la terre arrive se distinguer peine de la mer. Au large, dans l'ouest de ce cap, le cne fumant du Stromboli merge des eaux et dcoupe sa silhouette estompe par la brume sur l'azur lumineux de l'horizon. Nicastro, malgr ses souvenirs historiques, n^ofre donc que bien peu d'aliment la curiosit de l'archologue. Mais la ville se recommande jiux amaBriatico, puis fuit

devenant de moins en moins

distincte,

teurs de pittoresque,

et le touriste qui visite la

Calabre fera bien de la choisir pour une de sescouches.la contre,

On yune

trouve, en effet, chose rare danspetite

auberge propre

et assez

bien

tenue, qui rappelle nos auberges de campagne. Ses

ville, sorte

une vaste place au bas de la foire o se tient plusieurs foispar semaine un march frquent de nombreux paysans. On y a sous les yeux le taldeau de mursfentres donnent sur

de

champ de

MCASTROpopulairesle

73le

plus anim, le plus vari,

plus

marqu de couleur locale. Ce march de Nicastro st le seul endroit o j'aie vu, servant encore lusag-e, la

mensa ponderaria k

la

manire antique.table de

Au

milieu de la place^ un massif carr de maon-

nerie porte hauteur d'appui

une paisse

pierre, sur la tranche de laquelle est

grave la date

de l'an 1200.

La

surface horizontale de cette table

porte son bord des traits espacs de manire

donner

mesures linaires usites o elle fut faite, et toute circulaires plus ou moins une srie de cavits grandes, jauges de manire servir de types des mesures de capacit jusqu'au demi-boisseau. Chacune de ces cavits est perce au fond d'un trou oblique, qui dbouche au-dessous de la table. Au lieu d'employer une mesure lui, qu'on pourrait le souponner d'avoir falsifi, le vendeur se rend avec son acheteur la menui ponderaria. L il ferme avec un bouchon le trou infrieur de la cavit correspondant la mesure qu'on lui demande de telle ou telle denre. Il remplit cette cavit jusqu'au bord, puis soutire sa marchandise par en bas dans le rcipient de rachetcur, en enlevant le bou~les

diffrentes

ifficiellement l'poque

chon,

et

recommence

l'opration

autant de fois

pour fournir un certain nombre de mesures. C'est l une tradition des usages anqu'il est ncessaire

tiques, qu'il est fort curieux de trouver encore vi-

vante

et

que je

n'ai

jamais rencontre

ni

vu signa-

74

LA GRANDE-GRCEne peut tarder dispaofficiel

le nulle autre part. Elleratre.

L'emploi du systme mtrique est

et obligatoire

dans

le

royaume

d'Italie, et

locales.

remplac presque partout les Quelqu'un de ces jours

y a dj anciennes mesuresle

sous-prfet de

Nicastro s'entendra avec le syndic pour faire enle-

ver la vieille mensa ponderaria du xui sicle etcontraindre employer surle march des mesures conformes aux talons lgaux. Esprons du moins que la pierre qui sert depuis tout l'heure sept sicles ne sera pas brutalement dtruite et qu'on

la transportera

avec soin,

titre

au Municipe, pour y tre conserve de monument historique.

CHAPITRE

II

TRINA ET TEMESA

Ce qui

m'attirait Nicastro n'tait pas la localitje savais

elle-mme, osir

par avance que je ne trou-

verais presque rien pour

mes

tudes; c'tait le d-

en vue d'une des questions restes jusqu'ici les plus obscures dans la topographie des villes grecques de l'Italie mridionale quesd'examinerle terrain,

tion qui a trait

aux environs immdiats de Nicastro.

Dansrina,

ces parages s'levait en effet la ville de T-

dont les monnaies^ bien connues parmi les nu-

mismatistes, comptent auvre les plus parfaits de

nombre des

chefs-d'oEu-

l'art

de la gravure montaire

chez les Hellnes, et attestent par leur nombre, leur

beaut[)rit

et la varit

de leurs coins l'clat et la prosles a fait

de la ville qui

frapper du

commen-

l'menta".

du

v''

sicle

avant Jsus-Christ au milieu du

Trina, tous les tmoignages antiques sont

76

LA GRANDE-GRtlC

d'accord sur ce point, tait une colonie de Crotone.

On nesicle,

prcise pas la date de sa fondation, mais

il

est clair qu'elle dut avoir lieu

dans

le

cours du yi

l'poque o les Crotoniates, suivant l'exem-

ple de leurs frres et rivaux les Sybarites, s'occup-

rent d'tendre la sphre de leur action et de leur

domination au del des limites du versant de la merIonienne.la

Le dveloppement de

la richesse et deles

puissance de leur cit devait ncessairement

conduire dpasser l'arte que l'Apennin prolonge

du nord au sud, dans toute l'extrmit mridionalede la pninsule, et tendre leurs possessions jus-

mer Tyrrhnienne, pour en ouvrir le bassin commerce et doubler les avantages de leur position, en s'asseyant sur deux mers la fois. Dansqu' la leurle

massif de la Sila, qu'ils avaient d'abord occup

en soumettan t les indignes notriens, lapossession

de la valle du Crathis par les Sybarites les empchait d'largir les frontires de leur empire en y en-

globantle versant occidental de ces montagnes. Mais

quand

les

tres de Scylltion et de toute la cte

gens de Crotone se furent rendus madu golfe dese trouvrent

Squillace,

ils

solidement assis sur

l'-

tranglement de l'isthme Scylacien. C'est alors qu'ilsfranchirent les monts Tylsiens, c'est--dire les mon-

tagnes de Soveria

et

de Tiriolo, et qu'ils occuprent

des positions destines leur assurer la souverainet

du

golfe de Santa-Eufemia, alors golfe Trinen,ils

comme

avaient dj celle du golfe de Squillace.

TRINA ET TMSA

77

Naturellement une de ces positions fut celle deTrina, qui donnait au golfe son

nom le

plus usit,

car on l'appelait aussi quelquefois golfe Hipponiate,

du fleuve Lanitos. Les Crotoniates y fondrent une ville, mais auparavant il y avait en cet endroit tout le moins un sanctuaire des habitants indignes. C'est ce qui semble rsulter bien positivement de la faon dont on montrait Trina le tombeau de la Sirne Ligeia.

de la ville d'Hippnion, ou Lamtin,

Pendant la priode oii rgna dans les villes de la Grande-Grce le systme des monnaies dites inciises, c'est--dire dans la seconde moiti du \f sicle, nous ne voyons pas encore d'espces frappes Trina, comme dans sa voisine Tmsa, qui dpendait aussi de Crotone.

La

ville n'existait

donc pas

encore ou

tait

par rapport sa mtropole dans un

grand pour permettre l'autonomie montaire. La numismatique de Trina ne dbute que vers le premier quart du v^ sicle, l'poque de la transition entre le style de l'art archaque et celui de l'art arriv son degr complet de pertat de sujtion trop

fection et de libert. C'est

donc alors que la colonie

de Crotone acquit le degr d'indpendance^qu'attestela fabrication

d'une monnaie son

nom

et le fait

que, peu aprs la fondation de Thurioi, les gens decette dernire cit, sous la conduite

de Clandridas^

dirigrent une attaque contre Trina sans tre pourcela en guerre avec Crotone.

Ce dernier

fait

nous

78

LA GRANDE-GRCE

reporte aux annes finales du v sicle, c^est--dire

au moment o que rina fut

lesle

monuments montaires

attestent

plus florissante. Car la majeure

partie de ses admirables

monnaies d'argent ont

t

certainement frappes de 420 35o, et portent dansleurs types la

marque incontestable de l'influence du

peintre Zeuxis, dont le sjour Crotone pour y peindre V Hlne, regarde comme son chef-d'uvre, est

clbre dans l'histoire de

l'art.

En

356, les bandes d'aventuriers de race sabellila lutte

que lances en avant par les Lucaniens dansles cits grecques,

qu'ils poursuivaient depuis prs d'un sicle contre

cherchant aies dtruire

et

aies

soumettre, se dclarrent indpendantes et se constiturent en nation, l'abri des forts de'la Sila et

dans

la valle

capitale.

du haut Crathis, avec Consentia pour Les Lucaniens, les considrant comme des

rebelles, leur infligrent d'abord le

nom de Brettien^ et

ouBruttiens, qui voulait dire les Gueux,ci,

ceux-

comme

dix-neuf sicles plus tard les

Gueux des

Pays-Bas, se parrent dufaire

nom

dont on voulait leurfirement

une injure

et l'acceptrent

comme

un

titre

d'honneur. Ainsi naquit

le

peuple nouveauguerrier, avide

des Bruttiens, peuple

minemment

de pillage et de conqutes, que de nouvelles bandes,

du Samnium, de laCampanie et de laLucaincessamment recruter. C'taient de rudes batailleurs que ces Bruttiens, quelque chose comme les Suisses du xv'' et du xvi sicle. Car ilssortiesnie, venaient

RINA ET TiMSAne se contenlaient pas de combaltre chez eux

79 et ils

avaient toujours des bandes de mercenaires prtes s'en aller l'tranger servir qui les payait suffisam-

ment,

Ils

levaient leurs enfants, dit Justin d'aprsles Spartiates.

Irogue-Pompe, aussi durement que

Ds que ces enfants avaient atteint Fge de la pubert, on les envoyait faire le mtier de ptres surles

chant sur

montagnes, sans serviteur, presque nus la dure de telle faon que depuis;

et coula pre-

mire jeunesse jusqu' lasaient et grandissaient,

virilit ils

s'endurcis-

trangers aux mollesses

des

villes.;

Ces jeunes ptres se nourrissaient de leurn'avaient d'autre boisson que l'eau deslait

basse

ils

sources et le(ju'ils

de leurs troupeaux. Et c'est ainsi

se formaient

aux fatigues

et

de la guerre. (iemi

Que pouvaient contre

aux privations leurs bandesgrecques,

sauvages

les citoyens des villes

nervs par

le luxe, la

mollesse, les raffinements

d'une socit dj en dcadence, infidles aux traditions de la fortifiante ducation athltique de leurs

pres? Dans toutes les rencontres

ils

taient battusles prit bien

par

les Bruttiens.

Le dcouragementils

vite,Il

et

cessant de ragir

s'enfoncrent de plus

plus dans une vie molle et effmine, qutant

!

Syracuse, en Epire et ailleurs des sauveurs quilulussent bien se battre pour eux, ou bien se r-

signant subir

le

vasselage des barbares.dit,

Les Lucaniens,, nous l'avons

avaient d'abord

n visage les Bruttiens comme des rebelles. Ils ces-

80

LA GRANDE-GRECE

srcnt vite de les mpriser, et la bonne entente ne

tarda pas se rtablir entre l'ancienne et la nouvelle nation, l'une et l'autre de

mme

race,

qui

poursuivaient

le

mmeil

but, l'expulsion des Hel-

lnes du sol ilalique ou tout au moins leur asser-

vissement. Entre eux

s'opra

comme un

partage

l'amiable du territoire de la Grande-Grce, une

dlimitation de la sphre d'action o chaque peuple

poursuivre la lutte contre l'hellnisme. Les Lucaniens s'taient tendus jusqu'au pied de la Sila et du val suprieur du Crathis. Ils y restrent les matres incontests, et concentrrent dsormais leurs efforts contre Tarente,qui seule parvint aiesallait

tenir en respect, Mtaponte, Hracle et Thurioi.

De

ce ct, vers le nord, les Bruttiens n'avaient

rien faire, et

ils ne tentrent pas de s'agrandir aux dpens des Lucaniens. C'est vers le sud qu'ils tse tournrent; ils entreprirent et en soixante-dix ans ralisrent la conqute du pays depuis le fleuve Laos et le haut Crathis jusqu'au dtroit qui spare

l'Italie

de la Sicile.cette direction^ lesqu'ils

Dans

deux premires

villes

grecques

devaient rencontrei- sur la route

taient Trina et sa voisine

Tmsa.

Crotone,, leur

mtropole, crase pendant douze ans par la domination tyrannique de Denys de Syracuse aprsd'irrparables dsastres militaires^ tait

tombe dans

un

tel tat

de dcadence qu^elle ne pouvait plus

leur fournir

un appui

efficace,

La mort d'Archytas

TRTNA ET TMSA

^

81

italique,

Xarente avait virtuellement dissous la ligue grcorforme par ses soins, et les cits hellniques oubliaient la solidarit qui devait les unir

troitement entre elles sous peine de la perte deleur

indpendance. Trinales

et

Tmsa

restrent

abandonnes. Ds 333raient,villes faire

Bruttiens s'en empaet foraient ces

y mettaient garnison

deux

dsormais partie de leur confdration

dans une position subordonne. Sous ce rgimeelles

devinrent rapidement mixo-barbares. Les crivains anciens, tout en parlant frquemles Grecs,

ment des guerres des Bruttiens contre

puis contre les Romains, ne nous ont pas laiss

un

seul renseignement sur l'organisation politique de

ce peuple.

Nous savons seulement que Consentiaotait

(aujourd'hui Cosenza) tait sa mtropole, c'est-dire la ville oii sigeait le conseil fdral et

probablementMaisla

install l'atelier

montaire commun.entrevoir que

numismatique nous

laisseil

parmi

les confdrs bruttiens:

ditions bien distinctes

celle des

y avait deux concantons ruraux,

qui formaient le

noyau de

la nation et qui taient

assez fortement centraliss, n'ayant, par exemple,

au point de vue montaire, que la monnaie com-

mune

et

point de

monnaies

locales,

mme

de

cuivre; celle des villes, en gnral

population

mixte, grco-bruttienne, qui possdaient, tout en

dpendant de la confdration^ une assez largepart d'autonomie

municipale, se

traduisant par5.

.

82

LA GRANDE-GRCE

une fabrication propre d'espces d'appoint, tandis que les deux mtaux nobles, l'argent et For, se frappaient exclusivement au nom du peuple desBruttiens.

La

condition politique de ces villes,

si-

tues sur les ctes ou dans leur proche voisinage,

comme

Nuceria (Nocera)d'origine

et

Cossa (Gassano),tait

et

gnralement

mme

donc la que celle des villes dites allies ou fdres Fgard de Rome. Ce fut celle de Trina dategrecque,de 353.Il

n'est plus ensuite question de cette ville jus-

qu' la seconde guerre Punique, car je n'admets

pas

(j'en ai dit ailleurs les motifs) la correction

dule

texte de Tite-Live d'aprs laquelle on a cru en re-

trouver une mention parmi les villes que pritroi d'pire,

Alexandreavait

le

Molosse. Quant Pyrrhos,se

comme

il

besoin de l'appui des Bruttiensil

aussi bien que des Grecs, contre les Romains,

serait bien gard de se brouiller avec eux, en enle-

vant une ville leur suprmatie par pure chevalerie et

amourla

Hannibal eut vaincu

commeclara

Quand Romains Gannes, Trina, plupart des villes du Bruitium, se ddsintress de Thellnisme.les

pour

les Garthaginois et

dut leur fournir des

Lorsque

contingents arms pour la continuation de la guerre celle-ci toucha sa fin, Hannibal, contraintde se concentrer dans ses positions autour de Gro-

tone, ne se jugea plus enrina;

mais

il

mesure de dfendre Tne voulut pas laisser aux Romains la

TERINA ET TMSApossibilit de s'y tablir.Il

*

83

rasa donc la ville et

emmena

ses habitants.

Tmsa ou Tempsa eut en

temps un sort semblable; mais aprs la Romains la rtablirent, en 194 av. J.-C, jtour y installer une colonie de citoyens. Trina n'eut pas la mme fortune. Pourtant il semble rsulter des expressions de Strabon et de Pline que de leur temps il y avait sur son emplacement une petite ville, mais sans importance^ ou peut-tre tout simplement une bourgade qui sa renomme historique a valu de leur part une mention. En tous:^uerre lescas, aprs le i" sicle

mme

de l're chrtienne, on n'a

plus trace de la continuation de l'existence de Trina.

Les Itinraires

la

passent sous silence et nous

ne la voyons

nomme

dans aucune inscription. Car

depuis longtemps la critique a tabli le caractre

absolument apocryphe de celle oii Trina aurait figur, en compagnie d'autres villes que l'on saitpositivement dtruites alors depuis plusieurs sicles,

dans une

liste

de cits ayant contribu souselle

Trajan la construction d'une voie laquellen'tait

nullement intresse^ puisque cette

voie

suivait le littoral oppos, celui de la

mer Ionienne.

II

Il

est positif

de la mer, puisqu'elle donnait son

que Trina se trouvait tout auprs nom au golfe, et

entre les deux fleuves qui portent actuellement les

84

LA GRANDE-GRCEde Savuto et de Lamato. Sur ceci aucun doute

noms

gographes sont d'accord. Mais dans le canton ainsi dtermin quel tait son site prcis? C'est ici que commence l'obscurit et que les rudits qui se sont occups de la question sont en complet dsaccord, chacun indiquant unen'est possible; tous les

position diffrente.

La plupart,

visit les lieux et n'ont

mme

il est vrai, n'ont pas eu leur disposition

que des cartes trs imparfaites. J'esprais arriver quelque chose de plus prcis en allant tudier le

problme surplace. Mais je dois dire avant tout que le premier coup d'il des lieux me l'a montr plus difficile encore que je ne m'y attendais; tel point que je ne crois pas que sans des fouilles on puisse parvenir jamais une certitude absolue. J'esprais pouvoir tre fix pour la dtermination topographique par des ruines apparentes au-dessus du sol. Mais dans la plaine infrieure, au milieu des marais qui garnissent le bord de la mer de l'embouchure du Lamato jusqu'au cap Suvero, il ne subsiste rien de semblable. La masse des terres qu'apportent chaquecrue, par suite des pluies de l'hiver, les torrents

descendant des montagnes pour se jeter dans

la

mer, est si considrable que non seulement le rivage a trs considrablement avanc depuis les temps antiques, mais que de plus la ligne anciennede la cte et tout son voisinage sont couverts pardes couches trs paisses d'alluvions rcentes^ qui

TRINA ET TMSA

85

ont enseveli tout ce qui pouvait y exister de ruines. Nulle part on n'y voit de dbris antiques la superficie

du

terrain.

Et

si

sur certains points, en ou-

vrant la terre, on en a rencontr, rien ne permet dedireest

que ce

soit l

seulement qu'elle en recle.

Il

certain, par exemple,

comme

je le

montrerai

tout l'heure^ qu'une localit antique a exist l

o

Robert Guiscard btit l'abbaye de Santa-Eufemia, et que parmi celles que l'on connat c'est le pointqui remplit le

mieux

les

conditions ncessaires

mais on ne saurait que cette probabilit. Car il n'y aurait rien d'impossible ce que les ruines de la colonie de Crotone fussent caches en un autre point

pour

tre identifi Trina;

aller plus loin

peu distant sous le manteau des alluvions, sans que rien les rvlt extrieurement jusqu'au jour ou des fouilles conduites une certaine profondeurles

rendraient la lumire.

Il

en est autrement dans

la contre

qui

commence au cap Suvero pour

montueuse finir au fleuveIci

Savuto, sur une tendue de quelques lieues.

des

alluvions n^ont pas chang la superficie du sol, et

dans cet espace restreint, assez prs l'un de l'autre, on rencontre deux emplacements qui offrent assezde ruines pour tre reconnus avec certitude

commemes

ceuxde villesantiques. C'est d'abord Nocera, encoreaujourd'hui petite ville d'environ trois mille

de population, situe une assez grande hauteur sur un promontoire entre deux torrents, un peu

8

LA GRANDE-GRCE

plus de deux kilomtres vol d'oiseau de la rive

gauche du Savuto. On ne sait rien de son histoire pendant le moyen ge, mais on y voit des restes de remparts construits la mode hellnique, en grands blocs de pierre la forme de paralllogrammes rguliers appareills sans ciment, des pans de maonneries romaines et d'autres restes d'antiquits.C'est ensuite le lieu dit

ch de la mer de

trois

kilomtres

Le Mattonate, plus rapproet demi et situ

tout auprs de laTorre del Casale, sur le petit pla-

teau qui couronne la falaise dominant la plage dePietra-la-Nave.

Le nom de

cet endroit aujourd'hui

dsert provient de la quantit de fragments de bri-

ques qui y jonchent

le terrain et

des restes de cons-

tructions en briques que l'on y voit. Ces vestiges

de constructions et tous les dbris que l'on observe

aux Mattonate sont de l'poque impriale romaine mais dans les travaux de la culture on y recueille frquemment des mdailles grecques, surtout de Trina et de Tmsa. Comme les deux emplacements que je viens d'indiquer sont, dans toute la rgion, ceux o l'existence de centres de population d'une certaine importance dans les temps antiques se montre le plus;

manifeste, la plupart des rudits calabrais ont cher-

ch Trina dans l'un ou dans l'autre. Barrio, quitravaillait sous les

yeux

et sous l'inspiration

du

c-

lbre cardinal Sirleto, et n'a peut-tre t que son

prte-nom, place

la ville

grecque Nocera;

et c'est

TERINA ET TEMESA'

87

systme qu'adopte aussi notre Cluvier. Sur ces

autorits, lorsque le

gouvernement

italien,

il

y a se

quelques annes, invitales villesafinlit

homonymes

disting-uer entre elles par l'adoption de

de faciliter

le

service des postes^ la

surnoms, municipa-

de la Nocera de Calabre a dcid que la villele

prendrait dsormais

nom

officiel

de Nocera- Tiri-

nese, et c'est ainsi qu'elle est dsigne sur la carte

dtat-major.

Il

estpourtant absolument impossibleait

d'admettre que Trina

t il

Nocera. Ds

le

temps de Barrio

et

de Cluvier

tait dj facile

de

rfuter leur opinion par cette seule remarque que Nocera est trop loin de la mer, plus de six kilomtres du rivag-e actuel, cinq du rivage antique, et que, de plus, tant situe dans le bassin du Savuto, elle se trouve au nord du cap Suvero, c'est-dire en dehors du bassin du golfe auquel Trina

donnait son nom.

Onville

connat d'ailleurs aujourd'hui, parles

monu-

ments numismatiquesdansle

la vritable appellation de

antique qui s'est conserve peine altre

nom

de Nocera. C'est Nucria,

nom qui

se

lit

>ur des monnaies de cuivre ayant la plus troite

ressemblance avec celles de Trina, monnaies frappes manifestement, d'aprs leur style d'art, entrele

milieu du

iv^ sicle et

l'poque o les Romainsl'I-

substiturent dans l'extrmit mridionale detalie le

systme montaire de

l'as

aux anciens sysla for-

tmes d'origine grecque, c'est--dire entre

88

LA GRANDE-GRCE

mation du peuple des Brutliens etla seconde guerre Punique. Les pices de Nucria sont donc contemporaines des dernires espces de cuivre frappes Trina sous la domination bruttienne, ce qui ne permet pas d'admettre, comme quelques-uns Font cru un moment, que les deux noms aient pu dsigner en des temps diffrents une seule et mme ville. Etienne deByzance avait d'ailleurs relev chez l'historien Philistos

de Syracuse

le

nom

de Nucria

comme

celui d'une ville de Tyrrhnie, ce qu'il fautici

entendre

comme

la

cte de la

mer Tyrrh-

nienne.Lenomde Nucria n'est ni plasgiqueni grec, il appartient aux idiomes sabelliques. Nous retrouvons une Nucria ou Nuceria dans la Campanie etaujourd'hui Nocera. Et

deux appeles que dans le voisinage de la Nocera calabraise il y a un village de Falerna, dont le nom reporte galement la Campanie, en rappelant celui de Y ge?' Falernus, si fameux par ses vins. Nucria devait donc tre une ville dont la fondation avait eu lieu postrieurement l'tablissement des peuples sabelliques dans l'acienne notrie, c'est--dire au plus tt dans le cours du v sicle. Mais si c'est bien elle dontil tait fait mention par Philistos, nous devrions en conclure qu'elle existait avant la date o les Bmttiens se rendirent indpendants^ que par conune Nuceria dans rOmbrie, toutesil

les

est curieux de noter

squent

elle tait

fonde aiors qu'ils dpendaient

encore des Lucaniens, entre 400 environ et 356

TRINA ET TMSANoceraainsi carte des localits qui

89

peuvent

prtendre tre identifies avec Trina, puisque

nous venons de voir qu'ellet'tait

s'appelait Nucria et

une

ville diffrente, reste

examiner les titres

(les

Mattonate la

mme prtention. Mettreun mmoire encore

en cet

endroit Trina est le systme qu'adopterincola-Pistoja dans

M. Ma-

indit qu'il

a lu l'Acadmie de Catanzaro et qu'il a bien voulu

me communiquer. Je ne puis ytonate est plus voisin de lacera,

souscrire plus qu'au

systme de Barrio et de Cluvier.

Le

site

des Mat-

mer que celui de Nomais par rapport au cap Suvero et au golfeil

Trinen

est

dans

les

mmes

conditions, sur le

au cap qui rele Savuto, et par suite en dehors du golfe. De plus, ce site ne touche aucun cours d'eau, quelque faible que ce soit, et c'est l, nous le verrons tout l'heure, une condition que doit prsenler remplacement de Trina. Les ruines des Matse rattachant

imers des hauteursgarde

lonate sont pourtant

celles

d'une

ville

antique;

mais je crois que l'on peut arriver y appliquer avec certitude un tout autre nom.

La Table de Peutinger donnelocalits places le long de

les distances des

lamerTyrrhnienne, et,^ en procdant du nord au sud, compte quarante milles de Cerillae Clampetia, dix de Clampetia Tempsa. La position de Cerillae est connue d'une manire certaine, car cette ancienne ville a conserv son nom; c'est Cire] la Vecchia, un peu au

90

LA GRANDE-GRCEle

Laos des anciens. En compon arrive prcisment Amanlea, qui sans aucun doute possiblesud du fleuve Lao,tant de l quarante milles romains,

occupe l'emplacement d'une localit antique. Prenant cette ville pour point de dpart^ si nous mesurons encore surle terrain

ou sur

la carte

de

l'-

tat-major italien dix autres milles dans la direction

du sud, nous sommes amens avec une exactitude mathmatique aux Mattonale. D'autre part, il rsulte de VJti?i7mre d'Antonin que Tempsa, sur la voie qui venait de Consentia, se rencontrait deuxmilles aprs qu'on avait franchi le fleuve Sabbatus,le

Savuto d'aujourd'hui. Cette nouvelle indication de distance nous porte prcisment au mme point que la prcdente. Tmsa ou Tempsa (la premire forme parait

avoir t celle dont se servaient les Grecs de labelle poque, la seconde est celle qu'adoptrent les

Romains) tait la ville la plus antique de la rgion o elle se trouvait place. On en attribuait la fondation aux Ausoniens, on prtendait qu'Ulysse y avait abord dans ses voyages et donn la spulture un de ses compagnons, Polits, enfin qu'entre les bandes gares dans le retour de Troie, lesEtoliens conduits par Thoas ou bien les Phocidiens autrefois commands par les petits-fils de Naubolos, Schdios et pistrophos, taient venus s'y ta-

A ct de leur ville, les gens de Tmsa montraient un bois sacr avec un hron de Poblir.

TRINA ET TMSAlits.

91

Suivant eux,

le

compagnon d'Ulysse

avait t

tu en essayant de faire violence une

femme du

pays.

Longtemps

aprs, son spectre affam de ven-

geance sortait de son tombeau, attaquait tous ceuxqu'il rencontrait et les mettait

mort.

pendant, un fameux athlte de Locres,

Un jour cenomm Eu-

thymos, vint Tmsa; ayant appris ce qui sepassait,il

eut l'audace de lutter avec le spectre de

Polits, le vainquit et dlivra le

pays de ses ravaville

ges.

Il

est question

dans V Odysse d'une

de

Tmsa, renomme pour ses mines de cuivre. Ouelle tait-elle? Les critiques de l'antiquit se divisaient sur cette question. Les uns croyaient que V passage homrique devait tre appliqu Tamasns, dans File de Cypre, qui possdait de trs riches'xploitations de ce mtal; les autres, et Strabontait

du nombre, entendaient

les expressions

du

pote

comme

se rapportant la

Tmsa du Brut-

tium, qui possdait des exploitations dugenre.existe des

mme

monnaies d'argent incuses qui poreut d'un ct en relief le trpied, symbole de Crotone, avec l'inscription du nom de cette cit, deIlI

l'autre en

creux

le

casque qui estfait

le

type montaire

de Tmsa, et quiI

allusion la grande fabrica-

ion d'armes alimente par ses mines, dont Strabon

nous dit qu'elles taient abandonnes de son temps, mais que jadis elles avaient t fort productives.

La mme

association de types se continue sur des

92

LA GRANDE-GRGErelief sur les

monnaies d'argent,^endontles

deux faces, quiet

appartiennent la premire moiti du v^ sicle

unes portent la lgende de Crotone,Cesfaits

les

autres celle de Tmsa.

numismatiques

prouvent que Tmsa tait tombe au pouvoir de Crotone ds le vf sicle et y demeura pendant unepartie

dules

sicle suivant, et c'est ainsi

que

s'expli-

quent

expressions contournes de Lycophron,

disant des Grecs tablis

Tmsa

qu'ils

.

labou-

rent des sillons crotoniates. Plus tard les

Lo-

criens s'en rendirent matres. Strabon, qui relatele fait, ne dit pas quelle poque il se produisit; mais ce ne put tre qu' l'poque o Denys de Sy-

racuse, alli des Locriens, abattit la puissance de

Crotone

et tendit le

territoire

de Locres jusqu'

l'isthme Scylacien^ au del duquel

Tmsa

n'taitle

qu' trs peu de distance. Ainsi que je viens dedire tout l'heiu^e^ ds les premires

annes de

la

ville

nouveau des Bruttiens, la tomba en leur pouvoir avec sa voisine Trina. Elle cessa de cette manire d'tre purement grecque pour devenir graduellement demi barbare. Pendant la seconde guerre Punique, Tmsa ouconstitution du peuple

Tempsa embrassa le parti d'Hannibal et finit par tre du nombre des cits qu'il ruina quand il ne put plus les dfendre, afin d'empcher les Romains des'y tablir. Ceux-ci,

en 194 av. J.-C, aprs la

fin

de la guerre, la reconstruisirent en y fixant une colonie de citoyens, laquelle resta toujours assez

TRINA ET TEMESAobscureet

93

n'acquit aucune importance. Aprs la

arande insurrection servile de Spartacus, la dfaite la mort de ce chef hardi dans les environs del

Ptlia,

quelquesbandes d'esclaves rvolts, chap-

pes au dsastre gnral de leurs compagnons, sejetrent dans les

montagnes

et s'tant

un peu

re-

formes s'y

l'abri

des forts de la Sila, fondirent sur

Tempsa, dont

elles s'emparrent. Elleset

parvinrent

maintenir quelque temps,

Cicron en parle

dans ses Verrines. Dlivre enfin de ces matres

incommodes, Tempsa vgta pendant toutePausaniasla

la

du-

re de l'Empire. Pline vante la qualit de ses vins;

mentionne comme une ville habite de son temps; les Itinraires en enregistrent le nom. Elle ne disparat de la gographie qu' l'poque des invasions barbares.Cette prolongationd'existence

sous l'Empire,

que nous ne constatons pas pour Trina, s'accorde parfaitement avec le caractre des dbris visibles aux Mattonate, et nous trouvons ici un nouvel ar-

gument en faveur de

l'assimilation

du

site ainsi

dnommsi

celui de Tmsa, confirmant le rsultat

prcis que

distances des Itinraires. Dj,

nous ont dj donn du

les chiffres

de

reste, tous les

crivains qui font autorit en matire de gogra-

phie antique ont plac la cit grecque aux mines

de cuivre dans les environs immdiats de ce point, rjuvier et le duc de Luynes la Torre

Loppa ou

Torre dei Lupi, d'Anville

la

Torre San-Giovanni

94

LA GRANDE-GRECEla

ou

Torre

di

Savuto, Romanelli la Torre delle voit,

Casale. C'est,tait le plus

comme onle vrai.

ce dernier qui

dans

L'imperfection des cartes

tait

dont disposaient ces divers rudits ne leur permetpas d'arriver une prcision absolue pour lafacile aujourd'hui

mesure des distances, devenue

grce la belle carte de l'tat-major.

De

plus^ au-

cun d'eux n'avait pu tudier le terrain par luimme et par consquent se rendre compte du lieu prcis o se trouvaient des vestiges antiques, lesquels font dfaut sur les positions indiques par

Cluvier et par d'Anville.Je trouve encore une confirmation du site quej'assigne

Tmsa dans

les

expressions qu'em-

ploient son gard les vers de Lycophron, toujours

contourns et singulirement obscurs, mais toujours aussi rvlant une connaissance profonde des

moindrestalie. l

dtails de la topographie

du midi de

l'I-

Ce pote dit en effet que Tmsa est situe o le Lampte tend dan^ la mer la rude corne des hauteurs Hipponiennes. Le Lampte ne peut tre que la montagne qui donnait son nom la ville de Lampeteia ou Clampetia, que nous avons vu correspondre^ d'aprs les indications des Itinraires, l'actuelle Amantea; c'est donc la crte culminante de l'Apennin calabrais, qui court du nord au sud en plongeant directement son pied dans la mer depuis Cetraro jusqu' la naissance du cap Suvero, et dans laquelle s'ouvre la gorge

TRINA ET TEMESA

95

par o passe leSavuto, descendu de la grande Sila.

Les hauteurs Hipponiennes ne peuvent tre que celles qui dessinent un cirque autour du golfe de Santa-Eufemia ou golfe Hipponiate et oii la villed'IIippnion (aujourd'hui Monteleone), tait htie l'une des extrmits de l'hmicycle, faisant face

La corne avance que la dsigne le pote en termes entortills, est donc le cap qui fait saillie au point de jonction de ces deux systmes de montagnes, le cap Suvero et ce ne peut tre absolument que lui, puisque la cte depuis Cetraro jusqu' Monteleone, la terminaison du Lampte.

dans la mer,

telle

;

sur un parcours de plus de vingt lieues, n'en prsente pas

un

seul autre. Ainsi

Tmsa

tait situe

sur une des hauteurs se rattachant aux versants

du cap Suvero, ce qui oblige Savuto,et cette

la placer

au sud du

condition est encore remplie de la

manire

la plus exacte

parlapositiondesMattonate.

Enfinronadj signal depuis longtemps les vestiges considrables d'anciennes exploitations mini-

res qui subsistent tout auprs de la Torre del Gasale,c'est--dire aussi des Mattonate, tandis qu'on n'ob-

serve rien de semblable sur aucun autre point de lacte voisine. C'est encore

placer en cet

une raison dcisive de endroit la ville de Tmsa.III

Jai pu dterminer d'une faon que je crois sre

96les

LA GRANDE-GRCE

noms antiques des deux localits qui, dans le canton montueux entre le cap Suvero et le Savuto,attestent par la prsence de ruines leur ancienne

qualit de villes, Nucria pour Nocera et

Tmsa

pour

le

Mattonate. Ces deux emplacements tant

dans la recherche de celui de Trina, nous sommes forcment restreints pour la suite deainsi carts

nos investigations Biase laet

la plaine

au-dessous de SanTheure,n'y

de Nicastro, dans la partie o elle toucheje l'ai dit tout il

mer. Ainsi que

a l qu'un seul point qui, dans l'tat actuel, offre

des vestiges incontestables d'habitation dans l'antiquit; c'est

Santa-Eufemia.ici

Je ne parle pas

du bourg" de Santa-Eufemia

tel qu'il s'est rebti

la suite du tremblement de

terre de 1638, huit hilomtres de Nicastro et trois

du rivage

actuel.

Ce bourg misrable, que

la

mal'aria rend inhabitable et qui tend chaque jour

davantage tre compltement abandonn dans mois d't, fut construit au x vu sicle un peu plus d'un kilomtre de distance de l'ancienneles

Santa-Eufemia, qui

tait plus

rapproche de

la

mer

et

que

la

commotion du

sol avait

entirement

On avait cru le mettre dans une position moins expose aux influences qui produisent lesruine.fivres paludennes, etil

est certain que, faute de

travaux de drainage. et de desschement, l'insalubrit

du

lieu a

beaucoup augment depuis deuxa eu quelque

centsans.

La Santa-Eufemia nouvelle

TRINA ET TMSA

97

prosprit dans les premiers temps aprs sa fondation, et

depuis un sicle on pourrait suivre pas

pas les tapes de sa mort lente.

L'ancien bourg de cel'abri

nom

s'tait

dvelopp

de la vaste abbaye de Bndictins fonde

par Robert Guiscard en 1062 sur l'emplacementd'un plus ancien monastre de Basiliens, consacr la vierge martyre de Chalcdoine dont le cultes'tait,

sous la domination

byzantine, implant

dans plusieurs localits detre grec,

la Calabre.

Le monas-

nommles

Parrigiani, avait t dtruit

l'poque o les incursionstaient

des Sarrasins dvasl'Italie

toutes

ctes de

mridionale.

L'abbaye bndictine de Santa-Eufemia fut unedes principales fondations religieuses de Robert,

pour lesquelles il montra toujours le Le duc de Fouille la dota trs richement, y fit construire une magnifique glise et des btiments conventuels somptueux; enfin il fit venir de Normandie, pour en tre le premier abb, le clbre abb de Saint-Evroult, Robert de

une de

celles

plus de prdilection.

Grentemesnil, dont la sur, la belle Judith, fut la

premire femme du grand comte Roger de

Sicile.

L'abbaye resta florissante jusqu'au commencement

du xviF

sicle;

mais

elle disparut

sans laisser de

vestiges dans le tremblement de terre de 1638. Elle

ne fut pas seulement renverse par la secousse;car on n'en voit plus au-(Jessus

du

sol

un

seul

pan

de mur, niI

mme une

seule pierre.

La

terre en

6

98

LA GRANDE-GRCE

s'entr'ouvrantrengioutit en unses moines, et

moment

avec tous

un marais fangeux occupe depuis

plus de deux sicles le sitejadis.

mme o

elle s'levail

La disparition de ce monastre, qui tait un monument fort considrable, est un des effets lesplus frappants qu'aient jamais produits les tremble-

ments de

terre dont les Calabres sont priodique-

ment

dvastes. Ses biens passrent aprs sa des-

truction Tordre de Malte.

On

ne voit pas dans

l'tat actuel,

sur l'emplace-

ment de l'ancienne Santa-Eufemia, plus de ruinesd'une ville antique que de l'abbaye normande. Maisla charte

de fondation de l'abbaye par Robert Guisla vtus civitas

card parle de

dont on y voyait lesag-ri-

vestiges au xi sicle. D'ailleurs les travaux

colesqui s'excutent aux environs amnent, toutesles fois

que l'on creuse

le sol

une certaine prola

fondeur pour ouvrir un foss,

dcouverte de

tombes antiques de l'poque grecque. La plus importante trouvaille de ce genre dont on ait connaissance eut lieu le 8 avril 1865. Des paysans mirent dcouvert un tombeau d'o ils tirrent un grand nombre de monnaies de bronze, des vases briss et de magnifiques bijoux d'or. La plupart de ces objets ont t malheureusement disperss avant que le propritaire du terrain n'enft averti, et ont pass par le creuset

du fondeur.

Cependant

le propritaire

n question, M. Pasquale

Francica, a pu recouvrer une partie des bijoux,

TRINA ET TMSAqu'ilI

99

conserve chez

lui

Rome

;

ces

le

figures au repouss et crornements d'une

joyaux dcors extrmel'art grec.

lgance, trs finement excuts au cordel, appartiennent la meilleure poque de

On

les tenir pour postrieurs au iv*' sicle ou au plus aux premires annes du m^ Celles des monnaies trouves dans le tombeau que l'on a pu examiner sont des cuivres d'Ag-athocle, roi de Syracuse prcisment l'poque qui vient d'tre

ne peuttout

indique

comme

celle laquelle

reporte le style

des bijoux.

Maintenant l'ancienne Santa-Eufemia n'est passeulement l'uniquelocalit de la plaine entre leoii l'on ait

Lamato

et le

cap Suvero

pu constater

des vestiges de ce genre. J'ai indiququi font que ceci

moi-mme

plus haut les raisons tires de l'tat actuel des lieux,

ne

suffirait

pas d'une manire

absolue y fixer avec une entire confiance le site de ville antique que nous cherchons. Mais d'autrescirconstances

me

semblent prouver avec plus de

certitude que c'est bien lSi l'on

que se trouvait Trina.di Malta,

observe quelle distance spare aujourd'huila

de la

mer

orre del Bastione

tour de

garde btie aurivage

commencement du

xvi sicle sur le

mme

en avant de Santa-Eufemia, de com-

bien donc ce rivage a avanc depuis la constructionde la tour, grce aux alluvions successives, on arrive cette conviction

que dans l'antiquit le site o Robert Guiscard btit son abbaye devait ton-

100

LA GRANDE-GRCE

cher la plage, ce qui est une condition ncessaire pour l'emplacement d'une ville qui donnait son nom au golfe et o Ton plaait, comme Naples, le tombeau d'une Sirne. De plus, Lycophron dit deux fois que Trina se trouvait dans le voisinage d'un fleuve, l'Ocinaros, distinct du Lamtos (le Lamato), que mentionne le mme pote, et du Sabbatus (le Savuto), dont nous connaissons le nom par V Itinraire d'Antonin. Pour celui qui tudie la question de loin, sur les cartes, cette indica-

tion n'a rien de dcisif, car elle semble pouvoir

s'appliquer galement bien tous les petits torrents descendus des montagnes^ qui sillonnent la

plaine au bas de Nicastro. 11 n'en est pas de

mme

quand on est sur les lieux. Le Fiume di San-Biase ou Fiume dei Bagni prend une telle importancedans l'aspect du pays, il se distingue si bien de tous les autres par la formidable trane grise desables,

de galets et de quartiers de roches que

laisse sonqu'il n'y

passage l'poque des pluies d'hiver,

a pas

moyen

de douter que ce ne soit lui

qui ait trouv place dans une description potique.Or, c'est prcisment, de tous ces torrents, celuiqui passe le plus prs de Santa-Eufemia Tancienne.

Un

des types principaux de la numismatique dele

Trina,

plus remarquable de tous au point de

vue de

l'art,

reprsente la Victoire assise auprselle reoit dans une hydrie une bouche en mufle de lion. Ce

d'une fontaine, dontl'eau verse par

TRINA ET TMSAtype montaire fait

101

certainement allusion une

fontaine sacre, et probablement doue de vertus

mdicinales, qui devait exister auprs de Trina.

Et prcisment tout ct de l'emplacement del'abbaye de Santa-Eufemia nous trouvons la source

sulfureuse appele I Bagni, la seule fontaine ther-

male du canton. C'est la source rappele par les mdailles que Lycophron avait en vue, quand,aprsavoir parl des tourbillons deil

l'Ocinaros

voisins de Trina,ses

ajoute que l'Ars y lave de

eaux

purificatrices le

tombeau de

la

jeune

fille

aux pieds d'oiseau, la sirne Ligeia.archologue anglais Millingen a misnieuseconjecture que, dansle

Le savantdu potela fon-

la trs ing-

textele

alexandrin, la leon

APHS

pour

nom de

taine devait tre fautive et qu'il fallait

y substituerest crit sur

AFH,

d'aprs une

monnaie oiice nom

la pierre

o

la Victoire se tient assise

auprs de la

fontaine. Je crois trouver la confirmation de cettecorrection, et par suite de la situation

que j'assigne

la fontaine

Ag,

ainsi qu' la ville de Trina^

dans

les Itinraires.

On

comptait cinquante-sept-

milles romains pour aller de Consentia (Gosenza)

Yibo Valentia (Monteleone), ce qui est une dis-

lance exacte

si

l'on trace la

premire partie de

la

route en remontant la valle du Basento jusqu'

son origine et descendant ensuite lamer par celle

du torrent Oliva. Par

cette voie,

il

y a bien dix(le

huit milles de Consentia au passage

du Sabbatus

102

LA GRANDE-GRECE

Savuto), ovlY Itinraire

marque la premire

station.

Deux milles

aprs, c'est --dire la vingtime borne,;

on rencontrait Tempsa c'est exactement le site des Maltonate. Onze milles encore de plus (trente-etunime borne), et le voyageur touchait aux Aqu A?ig, que ces chiffres font correspondre la source des Bagni. De l pour atteindre la traverse dufleuve Angitula (l'Angitola),il

fallait

encore dix-

huit milles (quarante-neuvime borne). Les

Angae sont bien videmment les

Aqi mmes que la

source Ag de la mdaille de rina, et si dans la Table de Peutinger et le gographe de Ravenne c'est la source thermale qui se trouve enregistre

au lieu de la ville voisine, il est plus que probable que la cause en est que Trina ne subsistait plus Fpoque de la rdaction de ces documents.

Ce qui

parait avoir port les rudits calabrais elle

chercher Trina dans des lieux o

ne pouvaitils

pas tre, en fermant les yeux sur sa vraie situation Santa-Eufemia, c'est que depuis Barriotent tous de confianceil

rp-

que dans ce dernier endroitgrecque, celle de

y avait une autre

ville

Lam-

tia.

Remarquons d'abord que ce nom est inexact. La ville qu'Etienne de Byzance cite d'aprs Hcatelit

comme dpendant de Crotone, s'appelait en raLamtinoi^ nom dont la forme est analogue de Lontinoi de Sicile. Lycophronfait

celle

aussi

allusion cette ville, mais en employant des ter-

TRINA ET TMSA

103

mes qui indiquent que bien avant son temps unecatastrophe l'avait dtruite.pri dans

Peut-tre avait-elle

une des premires incursions des Lucaniens. En tous cas, on n'en trouve pas de mention

postrieure; car l'inscription qui l'aurait

nomme

du temps de TrajanLig'orio.

est

une imposture de Pirroelle existait,

La

ville

des Lamtinoi, au temps o

ne pouvait pas tre Santa-Eufemia, dont la situa-

du fleuve auquel elle avait emprunt son nom. C'est sur ce fleuve mme et trs probablement son embouchure qu'il faut la placer, bien qu'on n'y voie plus aucun vestige de son existence. Il y avait l, du reste, au xi^ sicle de notre re un port qui est mentionn dans lation est trop loigne

harte de fondation de l'abbaye de Santa-Eufemia,

portus

Amati flmninisdi

^

et

dont il n'y a pas non plusjen'ai pas

de ruines visibles. Cependant on m'a affirm quela

Torre

Lamato, que

pu

visiter,taille

Hait construite

en partie avec des pierres de

antique, qui pourraient provenir de la ville dtruite

des Lamtinoi, avec laquelle sondoit concider

emplacement

peu de choseil

prs.

y a quelque probabilit que du temps de l'Empire romain il devait subsister encore des ruines de cette ancienne ville, peut-tre une partie des remparts avec leurs tours. En effet, V Itinraire d'Antonin note entre le fleuve Sabbatus et letous cas,fleuve

En

Angitulaune station qu'ilappelle

Ad Tiirres,

104

LA GRANDE-GRCEelle tait

Comme

au trente-sixime mille partir dele

Consentia,

au dix-huitime aprs

passage du

Sabbatus, elle devait ncessairement se trouver surle

Lamtos, quelle que

ft celle de ses rives

o

elle ft place.

Voil bien de la topographie archologique. Jecrains d'en avoir abus et d'avoir quelque peu lassla patience

laquelle

du lecteur. Cependant la recherche nous nous sommes livrs nous a fourni l'occasion de passer en revue quelques faits historiques qui ne sont pas sans intrt. D'ailleurs,

quand

il

s'agit de ces

pays classiques,

la

recherche

des souvenirs antiques et l'examen des problmesqu'ils soulvent tient

ncessairement

la

premire

place dans les proccupations du voyageur, sur-

quand ce voyageur est archologue de son Le plus indiffrent finit par devenir dans une certaine mesure antiquaire quand il visite l'Italie. Il me semble que celui qui se met lire un voyage dans la mme contre doit prouver djtout

mtier.

quelque chose de cet

effet.

CHAPITRE

III

LE PIZZOI

Nous partons de Nicastro ds la pointe du jour, le sud. Le soleil, cach par les hautes montagnes de l'Apennin, n'est pas encore lev pour nous; mais dj il nuance au large de reflets ross le gris perle des flots. Les montagnes au pied desquelles nous cheminons et la plaine qu'elles enferment sont encore baignes du demi-jour verdtre et froid du premier matin. Le brouillard de la mal'aria, que les rayons du soleil dissiperont bienen nous dirig-eant verstt,

trane sur les

marais voisins de

la cte.

Biensurface

tt la

cime des montagnes se revt de teintes lumila

neuses, et tout coup un rayon d'or court le

la terre

et

de la mer, clairant tous les objetssubite

l'une

vive etla

lumire.

Il

est

dsormaiset

arand jour,

brume des fonds s'vanouit

la

!0

flottille

avec

hommes arms,

tous anciens soldats prouvs

-

130

LA GHANDE-GRFXE

sur les champs do batailles de l'Empire.

Au moment

o

il

allait

mettre la voile arrivaMaceroni, porteur

des rponses de l'empereur d'Autriche et du prince

de Metternich aux demandes de l'ex-roi de Naples.

L'empereur et son ministre offraient Joachim un refuge dans les tats de la monarchie autrichienne,oii

sa

femme

avait t dj reue, sous lale

condition de cesser de porter

titre

royal,

de

prendre

de comte de Lipona et d'tre intern dans une ville de Bohme ou de la Hautele

nom

Autriche, dont

le

choix lui tait laiss. Le com-

mandant deune frgateet

la station

navale anglaise dans les eaux

de la Corse et de la Sardaigne avait ordre de mettreTrieste, sa disposition pour le transporler . Maceroni tait muni des passeports ncessaires au voyage. 11 est maintenant trop tard pour accepter ces

propositions,({

dit

Le d

est jet; j'ai

Murt son envoy. attendu pendantje

trois

mois

la

dcision des puissances allies. Aujourd'huivais

rsolution est prise:

reconqurir

ma mon

royaume.point

Ma malheureuse campagne d'Italie n'a dtruit ma souverainet, reconnue par toute

l'Europe. Les rois se font la guerre; mais en per-

dant leur royaume, ils ne perdent point leurs titres la couronne: ils conservent toujours le droit deretourner conqurirle

trne qu'ils ont perdu,

s'ils

en trouventJ'ai

le

moyen.

tenu citer ces paroles, que l'on connat

LE PIZZOpar Maceroni lui-mme, afm de montrer

131

comment

Murt envisageait le caractre de son entreprise au point de vue du droit public. Il ne pouvait pas admettre qu'un roi qui revendiquait le principe de lalgitimit ne senttpasquel intrttoutes lesliiesil

monar-

avaient, au lendemain de tant de rvolutions,

respecter dans celui qui avait t reconnu par

tous les autres souverains

comme

roi,

un carac-

tre inamissible, qui rendait sa personne inviolable.

On

avait

vu des rvolutions populaires

faire

tomber des ttes de monarques, celle de Charles I" t celle de Louis XYI, mais depuis l'excution deroi n'avait

Conradin par l'ordre de Charles d'Anjou, aucun prtendu juger et faire mettre mortroi,

un

mme quandJoachim

il

contestait ses titres la

couronne.

considrait

donc

que,

s'il

chouait dans sa tentative, on devait

le traiter

en

prisonnier de guerre et on ne pouvait pas

le traiter

autrement. Et d'aprsgens,il

les principes

du

droit des

avait raison.

Sa

flottille

mit Il

la voile

dans

la nuit

du 28 au

29 septembre.

avait le projet de

dbarquer

Salerne, d'occuper cette ville et de runir sous son

tendard les nombreux dpts d'ofliciers et de soldats de son ancienne arme, qu'on tait en train

de rorganiser.Il

comptait ensuite poursuivre sans retard saet

marche sur Avellino

parcourir une grande partie

132

LA GRANDE-GRCE

des provinces duaurait eu

royaume sans

s'arrter,

en recru-

tant de nouvelles forces sur sa route. Enfin,il

quand gagn quelques journes d'avance sur

Tarme autrichienne, lance sa poursuite, il se serait rabattu par une marche force sur Naples dgarnie de troupes, oii le roi Ferdinand n'aurait eu rien de plus press que de s'embarquer, comme il l'avait fait toutes les fois qu'il s'tait vu menac d'un danger. Le plan tait habilement conu etpouvaitrussir,si

la trahison

qui

environnait

Murt de tous cts n'en avait pas rvl d'avanceles dtails la police napolitaine.

Partout les in-

tendants des provinces et les commandants militaires avaient

reu les instructions en prvision

du dbarquement de Murt, et l'ordre de s'emparer de sa personne tout prix. Les lments eux-mmes conspiraient contre le beau-frre de Napolon. Une violente tempte dispersa la flottille et porta le btiment de Murt surles ctes

de la Calabre.il

Le

7 octobre

tait

en vue de Paola, o une

seule de ses barques l'avait rejoint; elle portait cinquante soldats avec le commandant Courrand, qui depuis sept ans avait servi dans la garde du roi do

Naples. Joachim ne voulut pas encore renoncer

son entreprise,

et

comme

le

vent ne permettait pas

de remonter vers Salerne, il ordonna de se diriger vers Monteleone, dont il savait la population toutentire passionnment dvoue sa cause et prte

LE PIZZO

133

se soulever en sa faveur. Mais dans la nuit, le

commandant Courrand, ne voulant paschance des dangersqu'il prvoyait,fit

courir lal'a-

couper

marre attachant sa barque la remorque de celle du roi e