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Criminologie EXPOSÉ : Les politiques publiques relatives à l’alcool INTRODUCTION « Le problème de l’alcoolisme est celui à propos duquel l’intérêt général le plus évident s’oppose au plus grand nombre d’intérêts particuliers ». Voici les propos d’un parlementaire en 1911. Cette vision semble malheureusement toujours d’actualité ! Selon la définition du glossaire d’alcoologie du haut comité d’étude et d’information sur l’alcoolisme, « l’alcoolisme est un état pathologique lié à une consommation d’éthanol qui par sa fréquence et / ou son intensité est dangereuse pour l’individu. On distingue généralement trois catégories de personnes : - les buveurs occasionnels - les buveurs excessifs - les alcoolos dépendants La consommation d'alcool en France et en Europe est un phénomène culturel mais aussi un problème majeur de santé publique. Consommé de façon régulière et à haute dose, l'alcool tue plus de 45 000 personnes par an dans l'hexagone. On estime à 5 millions le nombre de personnes ayant des difficultés médicales, psychologiques et sociales liées à leur consommation d'alcool. En France, on consomme en moyenne 15,6 litres d'alcool pur par an et par personne, soit l'équivalent d'environ 173 bouteilles de vin. Selon J.C. Thoenig, « une politique publique se présente sous la forme d’un programme d’action propre à une ou plusieurs autorités publiques ou gouvernementales ». Depuis quelques dizaines d’années, et particulièrement depuis la loi Evin du 10 janvier 1991, les pouvoirs publics s’attachent à lutter contre la consommation excessive d’alcool, 1

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Criminologie

EXPOSÉ : Les politiques publiques relatives à l’alcool

INTRODUCTION

« Le problème de l’alcoolisme est celui à propos duquel l’intérêt général le plus évident s’oppose au plus grand nombre d’intérêts particuliers ». Voici les propos d’un parlementaire en 1911. Cette vision semble malheureusement toujours d’actualité !Selon la définition du glossaire d’alcoologie du haut comité d’étude et d’information sur l’alcoolisme, « l’alcoolisme est un état pathologique lié à une consommation d’éthanol qui par sa fréquence et / ou son intensité est dangereuse pour l’individu.On distingue généralement trois catégories de personnes :

- les buveurs occasionnels- les buveurs excessifs- les alcoolos dépendantsLa consommation d'alcool en France et en Europe est un phénomène culturel mais aussi

un problème majeur de santé publique. Consommé de façon régulière et à haute dose, l'alcool tue plus de 45 000 personnes par an dans l'hexagone.On estime à 5 millions le nombre de personnes ayant des difficultés médicales, psychologiques et sociales liées à leur consommation d'alcool. En France, on consomme en moyenne 15,6 litres d'alcool pur par an et par personne, soit l'équivalent d'environ 173 bouteilles de vin.

Selon J.C. Thoenig, « une politique publique se présente sous la forme d’un programme d’action propre à une ou plusieurs autorités publiques ou gouvernementales ».

Depuis quelques dizaines d’années, et particulièrement depuis la loi Evin du 10 janvier 1991, les pouvoirs publics s’attachent à lutter contre la consommation excessive d’alcool, et ce dans un souci de santé publique. Ses objectifs, repris par les lois ultérieures, sont : l’amélioration de l’information du consommateur, la réduction de l’incitation à la consommation d’alcool, ainsi que de l’offre, et la protection des mineurs.

Néanmoins, malgré leur volonté affichée de mener à bien leur politique, la réalité de cette action apparaît sensiblement différente. En effet, ils doivent faire face à différentes contingences, tant culturelles qu’économiques, qui viennent nécessairement limiter leur action. Ils manquent en outre d’une certaine liberté d’action due particulièrement à certains lobbies, très puissants et très influents dans le domaine de l’alcool. En effet, selon Roland Barthes : « le vin est ressenti par la nation française comme un bien qui lui est propre au même titre que sa culture ». En outre, le marché du vin fait vivre de nombreux petits exploitants pratiquant la monoculture et qui bénéficient pour maintenir leurs exploitations, de salutaires subventions…étatiques! Quant à eux, les lobbies tels que « Entreprise et prévention » (Pernod-Ricard, Louis-Vuitton, Moët-Hennessy, Berger) jouent un double jeu en exerçant d’un côté des pressions sur le gouvernement pour voir assouplir la législation notamment en matière de publicité et de taxes, et d’un autre côté en menant des actions de

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prévention aux côtés des pouvoirs publics, particulièrement auprès des jeunes (action « Soif de vivre »1 inaugurée à Nancy en mai 93).

Cependant, les difficultés que les pouvoirs publics rencontrent à mettre en œuvre une politique publique cohérente et efficace, ne préjugent pas, semble-t-il, de leur mauvaise volonté, en dépit d’une certaine schizophrénie de l’Etat. Malgré les obstacles, ils ont développé différents moyens afin de soutenir leur politique : une réglementation stricte relativement au commerce, à la consommation et aux taxes sur l’alcool (I), des mesures de prévention et de prise en charge des malades (II), ainsi qu’un régime répressif s’appliquant à ceux qui auraient commis un abus de boissons alcoolisées (III).

1 L’action « Soif de vivre » propose un programme complet d’informations et de sensibilisation au risque alcool, à travers les techniques d’animation reconnues et appréciées des 15-25 ans (jeux vidéos, bornes interactives, tests individuels, bandes dessinées, concerts.

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I/ La réglementation de l’alcool : entre rigueur et assouplissement

La réglementation en matière d’alcool balance entre deux objectifs a priori contradictoires : d’un coté un objectif sanitaire de prévention et de lutte contre l’alcoolisme, et de l’autre un objectif économique notamment sous la pression des lobbies.L’équilibre entre les deux est difficile à maintenir.C’est pourquoi on a pu observer différents mouvements : tantôt des mouvements de durcissement de la réglementation, tantôt des mouvements d’assouplissement. Aujourd’hui encore ces deux mouvements et objectifs s’entrechoquent.C’est ce que nous allons voir au travers de trois domaines de la réglementation de l’offre d’alcool.

- les taxes- le commerce d’alcool, notamment les débits de boisson- la publicité en faveur de l’alcool

A/ Les taxes sur les boissons alcoolisées

En France, la fiscalité des boissons alcoolisées, sous l’influence du droit communautaire, est caractérisée par des taxes différenciées selon les produits :

(La réglementation du commerce des boissons alcoolisées repose sur une classification des boissons en 5 groupes (article L 3321-1 du CSP):

1° les boissons sans alcool ;2° les boissons fermentées non distillées (vin, cidre, bière…) ;3° les vins doux naturels autre que ceux appartenant au groupe 2 et ne titrant pas à plus de .18

degrés d’alcool pur ;4° les rhums, tafias… ;5° les autres boissons alcooliques)

Pour mettre fin à l’incohérence de cette répartition, une proposition du rapport de l’Assemblée nationale sur l’alcool et la santé fut présentée par Mme Mignon en juin 1998 :« Pour mettre un terme à un régime fiscal sans cohérence avec le titre alcoolique des boissons et dans la logique d'une taxation inspirée par un souci de santé publique, la mission propose d'adopter un système de taxation proportionnelle au degré alcoolique des  boissons (…)». Un tel système d'augmentation de la pression fiscale aurait un effet très fort sur la consommation sans pour autant diminuer de manière considérable les recettes fiscales. Cependant cette proposition n’a pas été suivie d’effets.

Mais certaines boissons sont soumises à une taxation poursuivant des finalités spécifiques de santé publique :

Ces taxes remplissent une double fonction préventive et réparatrice : - Tout d’abord une fonction préventive en ce qu’elles entraînent une hausse des prix de

l’alcool. Par conséquent sa consommation diminue.On en trouve un exemple en 1997, un dispositif visant à surtaxer les boissons dites « premix » avait été adopté. Ce texte a entraîné le doublement du prix de ces boissons et permis de stopper leur émergence.

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Une disposition de la Loi relative à la politique de santé publique (9 août 2004) vise à élargir le dispositif de taxation des « premix2 » aux nouvelles boissons dites « alcopops3 », alcools très prisés des jeunes, de façon à limiter leur consommation.Le député Yves Bur, à l’origine de l’adoption de cette taxe, affirmait en janvier 2006 que « les chiffres disponibles montrent que la progression des ventes est stoppée. Mieux, elles diminuent. Ainsi les volumes sont en baisse de 40 % sur les six derniers mois ».

- Ensuite certaines taxes ont une fonction réparatrice en ce qu’elles participent au financement des dommages causés par l’alcool à l’assurance-maladie. C’est par exemple le cas de la Cotisation sur les boissons alcooliques. (L. 19 janvier 1983 ; Art. L. 245-7 à L. 245-12 C. de la Sécurité sociale)Elle est acquittée au profit de la Caisse nationale d’assurance maladie. Elle participe au financement des dommages causés par l’alcoolisme à l’assurance maladie. Elle s’applique à la livraison aux consommateurs de boissons d’une teneur en alcool supérieure à 25° et est acquittée par les producteurs et marchands en gros.Un autre exemple est celui de l’affectation d’une partie du droit de consommation sur les alcools à l’assurance maladie.(L. de financement de la Sécurité sociale pour 1997)40% des droits de consommation doivent être versés aux régimes obligatoires d’assurance maladie

Ces taxes remplissent donc bien leur objectif avancé de lutte contre l’alcoolisme.

Mais à l’inverse des freins existent, et ils sont nombreux. En voici quelques uns : En France :

- Certains alcools exemptés du droit de la consommation- Les mesures fiscales de soutien aux producteurs de vin et d’alcool- Les franchises fiscales en faveur de certains vins et alcools

Au niveau européen :- L’élimination des barrières fiscales à la libre circulation des alcools- L’extension des avantages fiscaux aux importateurs d’alcool

L’Etat est donc dans une position ambiguë car les buts financiers des taxes s’opposent à leurs objectifs sanitaires. En effet, plus un impôt sur l’alcool est élevé, plus son efficacité est grande, donc plus la consommation diminue ; et moins son rendement est important.

Ainsi il apparaît que le régime fiscal de l’alcool est aujourd’hui davantage un frein qu’un moteur de la lutte contre l’alcoolisme.

B/ La réglementation du commerce des boissons alcoolisées

La lutte contre l’alcoolisme et contre la consommation d’alcool en général passe principalement par une réglementation stricte du commerce de l’alcool. Tout le monde ne peut pas vendre de l’alcool, et de nombreuses conditions et obligations sont à respecter.

2 Premix = Boissons faites d’un mélange de boissons alcoolisées et non alcoolisées, vendues en cannettes ex. : whisky-coca ; gin tonic etc.3 Alcopops = Mélanges de sodas et de boissons fermentées

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Pour illustrer l’orientation sanitaire des politiques publiques relatives à l’alcool, le Code des débits de boisson a été intégré dans le Code de la santé publique en juin 2000. (mesure symbolique très forte)

Concrètement, la réglementation régit les conditions d’ouverture et d’exploitation des débits de boisson où l’on consomme sur place. Elle a institué un système de licences administratives (qui sont au nombre de 4).

- la licence de 1ère catégorie, dite « licence de boissons sans alcool » permet uniquement de vendre des boissons sans alcool ;

- la licence de 2ème catégorie, dite « licence de boissons fermentées » permet de vendre les boissons des 2 premiers groupes ;

- la licence de 3ème catégorie, dite « licence restreinte » permet de vendre les boissons des 3 premiers groupes ;

- et enfin la licence de 4ème catégorie (ou licence IV) permet de vendre toutes les boissons dont la vente est autorisée.

Chaque type de débits est autorisé à vendre les boissons correspondant à sa licence.

Certaines contraintes tiennent aux conditions d’ouverture : restriction à l’ouverture du nombre de débits (proportion d’1 débit pour 450 habitants) ainsi qu’à leurs zones d’implantation :Les débits de boissons alcoolisées à consommer sur place ne peuvent être établis ou transférés à une distance inférieure à 100 mètres des établissements et édifices protégés : édifices culturels, établissements de santé, bâtiments militaires, entreprises publiques de transport.Cette distance est portée à 200 m autour des établissements d’enseignement et des installations sportives.

Des formalités légales doivent également être respectéesDéclaration administrative préalableDéclaration fiscale préalableImmatriculation au registre du commerce et des sociétés

Une nouveauté intéressante : La Loi pour l’égalité des chances du 31 mars 2006 a institué une formation obligatoire pour l’exploitant de débit de boissons à consommer sur place. Parmi les objectifs de cette formation, on trouve en priorité la prévention et la lutte contre l’alcoolisme. Attention : La formation devient obligatoire à partir du 2 avril 2007 pour les personnes déclarant l’ouverture, la mutation, la translation ou le transfert d’un débit de boissons de 2ème, 3ème, 4ème catégorie. Les modalités d'application de cette formation seront fixées ultérieurement par un décret pris en Conseil d'Etat.

D’autres contraintes tiennent aux conditions d’exploitation dont l’irrespect peut entraîner la fermeture des débits.Par exemple, certains horaires, qui varient selon le type de débit, doivent être respectés ; le transfert de ces débits est soumis à conditions …

En outre, la Loi Evin, qui s’était fixé pour objectif de réduire l’offre d’alcool a instauré :- l’interdiction de distributeurs automatiques de boissons alcooliques,- l’interdiction de la vente de boissons alcooliques à emporter, entre 22 h et 6 h, dans les

stations services

Pourtant, cette réglementation stricte, a priori efficace sous peine de fermeture, n’est applicable qu’aux débits de boisson à consommer sur place et donc ne concerne pas les débits de boissons à

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emporter (supermarchés pour l’essentiel). Ils ne sont pas soumis aux restrictions que nous venons d’aborder. Toutefois, il est interdit d'ouvrir de nouveaux débits de boissons à emporter dans les zones super-protégées (hôpitaux, stades, piscines).Pourtant ils sont le moyen le plus facile de se procurer de l’alcool, notamment pour les mineurs, les contrôles étant souvent plus que réduits.

C/ La publicité en faveur de l’alcool

La publicité en faveur de l’alcool, notamment depuis la Loi Evin de 1991, est également strictement réglementée.

Le premier objectif était d’ améliorer l’information du consommateur par l’obligation de faire figurer sur les publicités en faveur de l’alcool un message à caractère sanitaire que tout le monde connaît   : «   l’abus d’alcool est dangereux pour la santé   ».

Le second des 4 objectifs de la loi Evin, qui nous intéresse ici, était de réduire l’incitation à la consommation de boissons alcooliques . Pourtant on va voir que depuis il y a eu quelques assouplissements, notamment sous la pression des lobbies.

Limitation des supports de publicité (directe et indirecte) pour les boissons alcooliquesLa loi Evin s’est voulu beaucoup plus rigoureuse que les textes antérieurs et repose sur le principe selon lequel, en matière de publicité pour les boissons alcooliques, tout ce qui n’est pas expressément autorisé par la loi est prohibé. En cela, elle a opéré un renversement de logique en passant d’un régime d’autorisation générale de la publicité assortie d’interdictions à un régime d’interdiction de toute publicité directe et indirecte pour l’alcool, y compris le parrainage, sauf dans quelques cas strictement réglementés.

Elle autorise ainsi la publicité :- dans la presse écrite (sauf presse destinée à la jeunesse) ;- à la radio (dans certaines tranches horaires définies par décret) ;- par voie d’affichage ;- par envoi de circulaires ou brochures commerciales ;- dans les fêtes et foires traditionnelles, les musées, confrérie et stages d’oenologie (dans des conditions définies par décret).Toute publicité pour les boissons alcooliques au cinéma ou à la télévision est donc expressément exclue.La Cour de justice des communautés européennes, a conforté sans ambiguïté par deux arrêts du 13 juillet 20044 la possibilité d’interdictions publicitaires pour les boissons alcooliques en Catalogne et en France, reconnaissant « qu’il est indéniable que la publicité est un encouragement à la consommation ».

Néanmoins, la loi en vigueur ne prévoit pas la publicité sur Internet. Elle est donc a priori exclue du champ de la publicité autorisée pour les boissons alcooliques. En pratique, on constate cependant la création de nombreux sites de promotion des boissons alcoolisées sur Internet, ce qui pose problème.

4 - CJCE, arrêt du 13 juillet 2004, « Commission contre France » Affaire C-262/02* - CJCE, arrêt du 13 juillet 2004, « Bacardi Martini contre TF1 » affaire C-429/02 publicité pour l’alcool lors de retransmission de manifestations sportives se déroulant à l’étranger

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Un cas particulier : celui de la publicité dans les stades : Les dispositions réglementaires contenues dans la loi Évin concernant la publicité et l’offre d’alcool dans les stades ont été, ensuite, progressivement assouplies de telle sorte qu’elles apparaissent aujourd’hui moins sévères que celles en vigueur dans les années 80.

Définition stricte du contenu de la publicité autoriséeL’article L.3323-4 du Code de la santé publique fixe limitativement la liste des mentions pouvant figurer en faveur des boissons alcooliques. Ainsi, la publicité pour les boissons alcoolisées est limitée à l’indication du degré volumique d’alcool, de l’origine, de la dénomination, de la composition, des moyens de production et modes de consommation du produit, du nom et de l’adresse du fabricant.

Cet article a été modifié, sous la pression des lobbies de professionnels, par la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. La disposition introduite permet la description objective du produit, à des fins informatives, au travers de ses trois principales caractéristiques : sa couleur, son goût et son arôme. Elle précise que les publicités pour l’alcool peuvent comporter des références relatives aux appellations d’origine ou aux indications géographiques.

On va ainsi d’assouplissement en assouplissement.

Interdiction du parrainage par les fabricants de boissons alcooliquesL’article L.3323-2 du code de la santé publique interdit de manière générale le parrainage par les marques de boissons alcooliques, si ce parrainage a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité. Seul le mécénat est autorisé.Il s’agissait donc d’éviter que le parrainage d’une manifestation sportive ou culturelle par une marque de boissons alcooliques ne favorise notamment l’assimilation de la consommation d’alcool à l’amélioration de la performance physique ou à la conduite automobile, au luxe, à la réussite sociale, au confort matériel…

Conclusion :

La baisse de consommation d’alcool, plus sensible que celle du tabac, n’en est pas moins une réalité : de vingt quatre litres d'alcool pur par habitant et par an en 1960 à onze litres aujourd'hui. On peut certes mieux faire, mais ces chiffres sont encourageants. Ils montrent qu'il est possible de lutter avec une certaine efficacité contre des drogues aussi culturelles que l'alcool, grâce à une réglementation stricte, sans prohibition. En clair une politique de légalisation contrôlée peut être un instrument efficace pour combattre les toxicomanies. Mais actuellement, l’efficacité de notre réglementation pour satisfaire à l’objectif de santé publique affiché est loin d’être une réalité.On constate de nombreux assouplissements ou incohérences qui vont à l’encontre de cette efficacité, et ce souvent pour des raisons économiques ou sous la pression des alcooliers. Mais d’autres moyens sont utilisés : celui de la prévention et de la prise en charge.

II- Contre la maladie « alcoolisme » : protection et prise en charge

L’apparition du problème de l’alcoolisme tel que nous l’envisageons aujourd’hui date du XIXème siècle. Cela découle de divers éléments, d’abord la découverte de l’alambic par Adam en 1801. Il est désormais possible de distiller tout type de produits de manière peu coûteuse : betterave, pomme de

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terre, canne à sucre, céréales, etc. La production et la consommation d’alcool se répandent ainsi rapidement.On peut donc se procurer des boissons peu chères et l’ouverture des débits de boissons est libre. Par conséquent le marché est florissant, d’autant que la pénibilité du travail ouvrier et le développement de la misère contribuent à valoriser cette consommation d’alcool qui devient vite une habitude sociale.

A partir du milieu du XIXème siècle une certaine prise de conscience du risque « alcool » commence à naître. Cette prise de conscience est publique, dans le sens étatique (exemple : loi de 1873 sur l’ivresse publique, dont nous parlera Camille), mais elle est également privée, de nombreuses associations participent très tôt à cette lutte contre l’alcoolisme.Ces associations sont trop nombreuses pour être toutes citées, mais il convient de parler brièvement de la principale. Créée en 1872, elle était alors nommée l’association contre l’abus des boissons alcooliques. Déclarée d’utilité publique en 1880, elle participe activement dès lors à l’ensemble des politiques publiques liées de près ou de loin à l’alcool et ses dangers. Elle se nomme aujourd’hui Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie (ANPAA).

L’alcoolisme est une maladie, qui contrairement à d’autres et malgré les facteurs de risque, dépend essentiellement de l’hygiène de vie de chacun. C’est pourquoi les pouvoirs publics mettent un fort accent sur la prévention, sans bien entendu oublier l’importance d’une prise en charge spécialisée.

A- La prévention : information et protection

La prévention a deux principaux objectifs : l’information de tous face aux dangers de l’alcool, et la protection des populations exposées.

1- Les campagnes pour TOUS

Différentes actions de communication sont mises en place par le ministère chargé de la Santé et l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (INPES) sous forme, notamment de campagnes audiovisuelles :« Un verre ça va, trois verres…bonjour les dégâts » 1984« Tu t’es vu quand t’as bu » 1991« Et vous avec l’alcool, vous en êtes où ? » 1997-2001Avec des slogans toujours différents, l’on donne les repères d’une consommation modérée d’alcool afin de mobiliser les gens sur leur propre consommation.« L’alcool pas besoin d’être ivre pour en mourir » septembre/octobre 2001On incite ici, sur le fait que trop d’alcool peut tuer, en l’absence même de sensation d’ivresse, qui n’est pas le seul danger. L’accent est mis sur les différentes maladies qu’une consommation excessive d’alcool favorise. On donne, là encore, les repères d’une consommation modérée, pour éviter la multiplication des risques de maladies autre que l’alcoolo dépendance.« Le geste qui sauve » du 14 novembre au 7 décembre 2004 (plus de 1150 spots diffusés sur les chaînes hertziennes, le câble et le satellite).Ce spot télévisé incite les buveurs réguliers excessifs à réduire leur consommation pour diminuer leurs risques de maladie. Ce film montre une succession de gros plans sur des mains effectuant des gestes liés à des examens médicaux (prise de sang…), à la maladie (prise de cachets…). Un carton vient interrompre cette succession de mouvements : " un petit geste peut vous en épargner beaucoup d'autres ". On voit alors un homme dans une situation de consommation ordinaire qui manifeste son refus de boire un verre de plus. Une voix off rappelle les risques et les repères et conclut " Diminuez votre consommation quotidienne, Alcool votre corps se souvient de tout".

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En complément à ces campagnes audiovisuelles, souvent des annonces dans la presse écrite rappellent ces diffusions. En novembre-décembre 2004, par exemple, le message était " Jour après jour, votre corps enregistre chaque verre que vous buvez ". Le texte rappelait " qu'au delà de trois verres par jour pour les hommes et de deux verres pour les femmes, l'alcool favorise l'apparition de cancers. Alcool votre corps se souvient de tout ".

Au delà des campagnes audiovisuelles, il y a aussi de nombreuses brochures (exemples : « Guide pour faire le point sur votre consommation » (annexe 1), « connaissance des français sur les risques d’alcool pendant la grossesse », « risque d’alcool et santé au travail », « alcool : votre corps se souvient de tout »…), et campagnes d’affichage (celle notamment qui explique qu’il y a la même quantité d’alcool dans un demi de bière, une coupe de champagne, un ballon de vin ou un verre de pastis, (annexe 2).)

Enfin, diverses associations (on peut citer par exemple les Comités Départementaux en Alcoologie et Addictologie) ont pour missions des interventions ponctuelles de prévention qu’elles mènent principalement dans les écoles et les entreprises, à la demande le plus souvent des responsables de ces structures.

2- la prévention-protection des mineurs et des femmes enceintes

a- les mineurs

Pour les premiers, c’est d’abord la loi Evin du 10 janvier 1991, qui interdit la vente de boissons alcoolisées aux mineurs de 16 ans, qui défend à ces mêmes mineurs l’accès aux débits de boissons, s’ils ne sont pas accompagnés. Enfin, et même si ce n’est sans doute pas toujours appliqué, si la vente de boissons alcoolisées est autorisée à un mineur entre 16 et 18, cette consommation est limitée et contrôlée.

Mais au delà de ces éléments qui sont plus de l’ordre de la protection par interdiction, des campagnes d’affichage et de nombreuses brochures sont spécialement dédiées aux jeunes. Les exemples sont nombreux, on peut citer «  Et vous avec l’alcool vous en êtes où ? ». Cette campagne présente quatre affiches qui montrent les dangers de l’alcool : les malaises des lendemains d’ivresse, la prise de risques sexuels, les risques d’accident de la circulation, les risques de violence, (annexe 3).

b- les femmes enceintes

Pour les femmes enceintes, c’est la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004 qui met en œuvre les premières campagnes de prévention. Ce sont des campagnes d’information tout public d’abord, sur le syndrome d’alcoolisation fœtale et les moyens de le prévenir. Des annonces ont été diffusées au mois de décembre 2004 et en février-mars 2005 dans la presse féminine, ainsi qu’en septembre 2006 dans la presse quotidienne nationale et régionale, ainsi que dans une vingtaine de magazines féminins. Elles ont pour objectif d'inciter les femmes enceintes à s'abstenir de boire de l'alcool pendant leur grossesse à travers un message simple : " Zéro alcool pendant la grossesse ".Les créateurs jouent sur des codes familiers de la femme enceinte, en utilisant un univers graphique propre aux faire-part et aux carnets de naissance. Ils placent le " 0 Alcool " au cœur des habitudes et recommandations liées à la grossesse (annexe 4).

Mais, c’est avec la loi du 11 février 2005 que la prévention devient omniprésente, avec l’obligation sur chaque unité de conditionnement d’inscrire un « message à caractère sanitaire

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préconisant l'absence de consommation d'alcool par les femmes enceintes. » (Extrait de l’art L3322-2 du code de la santé5).On peut se poser la question de la nécessité d’un tel étiquetage, est-ce parce que les campagnes d’information sont réellement insuffisantes ou est-ce une façon de se déresponsabiliser de la part de l’Etat. Cela changera-t-il le comportement des femmes enceintes ? question à débattre…

Enfin la plupart des campagnes, qu’elles s’adressent à tous ou à une population plus spécifique ont leur « pendant spécial praticiens ». Il a en effet était constaté un manque d’information des professionnels. Il convient donc d’y remédier, une meilleure formation des praticiens de la santé ne peut que favoriser une meilleure prévention globale.

B- La prise en charge : les CCAA cœur du dispositif

1- Naissance de la prise en charge

C’est au tournant des années 1950 que l’on commence à prendre en compte la pathologie alcoolique pour ce qu’elle est, à savoir une maladie. La loi du gouvernement Mendès France du 15 avril 1954 est de ce point de vue révolutionnaire, elle ne s’intéresse pas à l’alcoolique malade mental ou personne troublant l’ordre public, comme l’avaient fait les précédentes lois, mais elle s’intéresse à l’alcoolique en tant que personne malade. L’alcoolisme devient un problème sanitaire.Cette loi est essentiellement préventive, et ne résout pas tous les problèmes, elle est pourtant le tournant important. Reconnue comme une maladie l’alcoolo dépendance va être prise en charge à ce titre. Elle sera notamment prise en charge par la sécurité sociale (au moins en partie), et puis vont se développer différentes structures. Il y a d’une part les structures « classique » qui l’on va retrouver pour d’autres maladies, toxicomanes ou pas. Comme par exemple, les unités en alcoologie des hôpitaux publics, les soins hospitaliers ou encore les centres de cure ou de post-cure.

2- Le cœur du système   : les Centres de Cure Ambulatoire en Alcoologie

Mais il y a surtout, d’autre part ce qui est appelé le dispositif spécial alcool :Ce sont des circulaires qui dans les années 1970/1980 ont progressivement mis en place les centres d’hygiène alimentaire (CHA), puis les centres d’hygiène alimentaire et alcoologie (CHAA) dans lesquels l’accent est mis sur l’accueil, les soins et la prévention. Les objectifs se multiplient très vite, mais les budgets restent précaires, d’autant que c’est à la même époque que se développent les unités hospitalières notamment.Afin de remédier à ce problème de financement en 1998 sont créés les Centres de Cure Ambulatoire en Alcoologie (CCAA), dont le financement dépend à présent des organismes de la sécurité sociale (ONDAM6 médico-social, enveloppe handicap, enveloppe FNPEIS7), ce qui permet des ressources plus stables et pérennes. Ce qui n’est bien sûr pas sans importance dans la mesure où plus de 60 % de ces CCAA sont gérés par des structures privées, essentiellement des associations et principalement l’ANPAA.Pour les 40 % restant, les CCAA sont le plus souvent au sein des hôpitaux publics, mais peuvent aussi parfois être gérés par les services communaux ou la DDASS.5 Extrait de l’article L3322-2 du code de la santé publique : « (…) Il est interdit d'y joindre aucune qualification ni aucun commentaire tendant à présenter la boisson comme possédant une valeur hygiénique ou médicale.   Toutes les unités de conditionnement des boissons alcoolisées portent, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la santé, un message à caractère sanitaire préconisant l'absence de consommation d'alcool par les femmes enceintes. »6 ONDAM : Objectif national de dépense d’assurance maladie7 FNPEIS : Fond national de Prévention d’Education et d’information sanitaire

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Il n’y a donc pas d’unité de statut entre l’ensemble des CCAA, ni même d’unité d’action, il n’y a aucune directive globale.

Cependant, ces structures sont le plus souvent des unités simples, ouvertes (c’est à dire qu’elles ne possèdent pas de lits), et à taille restreinte. Elles sont composées de quatre à huit personnes, dont deux ou trois sont toujours de permanence.

Enfin il y a une constante, les CCAA ont tous trois missions principales : - les soins- l’intervention sociale- la prévention

Je ne détaille pas l’ensemble des soins, ils sont médicaux et thérapeutiques, il s’agit de consultations générales (médecins généralistes) ou plus spécifiques avec des spécialistes (notamment des gastro-entérologues), et il y a bien entendu des suivis psychologiques. Pour la prévention, il s’agit à nouveau d’information, de sensibilisation, de formation et de conseil. C’est ici que les campagnes adressées au professionnels prennent toute leur importance.Enfin, pour les intervenants sociaux, l’alcoolisme est souvent analysé comme une pathologie de la relation, de la communication. C’est pourquoi dans les CCAA une grande place est donnée à l’écoute et la parole. Le rôle des travailleurs sociaux est principalement l’accompagnement lors des premiers entretiens, puis une aide psychosociale, c’est à dire notamment être un lien entre le buveur et l’administration. Leur action en matière de réinsertion sociale est fondamentale, la plupart des liens doivent être retissés autour du malade, et il doit notamment réussir à se faire accepter comme abstinent dans une société où cette position est loin d’être la règle.

C’est une des raisons principales d’ailleurs qui fait qu’après par exemple une cure dite fermée (contrairement au CCAA), les malades repassent par cette structure du CCAA. Ces centres travaillent donc le plus souvent en amont et en aval des autres structures vers lesquels ils aiguillent les patients.

Ces CCAA peuvent aussi assurer des soins ambulatoires (diagnostics, orientation et prise en charge thérapeutique) dans le milieu carcéral. Ils peuvent, en outre, mener des actions d’accompagnement social et de réinsertion en faveur de détenu présentant une consommation à risque ou une dépendance alcoolique. Ils interviennent alors comme partenaire extérieur, mais malheureusement, si la possibilité existe, dans la réalité ceci est très peu répandu. Une meilleure prise en charge dans le milieu pénitentiaire dépend des antennes en alcoologie que l’on trouve parfois (exemple à la Santé) ou encore des unités qui se chargent de l’ensemble des problèmes toxicomanes des détenus (UCSA8, SMPR9 ou les CSST10 ).

Les CCAA devraient prochainement changer de formes et entrer dans un ensemble plus vaste que seront les Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). Créés en 2002, ces structures ne sont pas encore en place faute de moyen, mais le plan « La prise en charge et la Prévention des addictions 2007-2011 » prévoit un budget et par conséquent la véritable naissance de ces CSAPA pour le premier semestre 2007.

Si donc la maladie « alcoolisme » est traitée comme nous venons de le voir en amont et en aval, certains autres dangers liés à l’alcool tombent dans certaines circonstances sous le coup de « prévention-répression » de la part des autorités publiques.

8 Unité de consultation et de soins ambulatoires9 Service médico-psychologique régional10 Centre de soins spécialisés dans la toxicomanie

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III/ La répression de l’abus de boissons alcoolisées comme moyen de prévention des dangers liés à l’alcool

De nombreuses études statistiques ont établi un fort lien de corrélation entre l’ivresse et la commission d’autres infractions11 (notamment les délits sexuels et les mauvais traitements à enfants, ainsi, particulièrement, que la délinquance des mineurs12). L’ivresse présente donc un grave danger pour la sécurité publique.

Ainsi les pouvoirs publics, par l’entremise du législateur ont-ils fait de la lutte contre l’alcoolisme, au sens premier du terme, un moyen de politique criminelle. Cet objectif « préventico-répressif » trouve une illustration parfaite sur le terrain de la répression de l’alcool au volant. En effet, des agents postés de façon ostentatoire à un carrefour et soumettant aléatoirement les conducteurs à un alcootest se placent-ils plutôt sur le terrain de la répression ou sur celui de la prévention ? Il s’agit sans nul doute d’un peu des deux.

On pourrait opposer à cette vision préventive de la répression, la vieille incrimination de l’ivresse publique. En effet, cette infraction poursuit l’unique objectif d’éviter aux passants le « spectacle » d’élucubrations alcooliques. Néanmoins, la vertu préventive de la répression a été restaurée lors de l’extension récente de cette incrimination aux enceintes sportives, afin de prémunir les stades de tout débordement de violence, encouragé par l’imprégnation alcoolique des supporters.

En outre, les pouvoirs publics ont tenu à déplacer le curseur de la prévention au niveau des rapports de famille et de travail. La personne alcoolique est en effet insupportable pour son entourage. Il leur est donc apparu nécessaire de protéger ses proches et les tiers. La sanction dans un but préventif n’intervient donc pas exclusivement sur le terrain pénal :

1. Dans les rapports de famille :L’abus d’alcool peut être une cause de divorce ou de séparation de corps, de destitution de l’autorité parentale ou, en cas d’éthylisme altérant les facultés mentales, d’annulation du testament. Concernant le divorce, il est intéressant de noter que la Cour de cassation rend fréquemment des arrêts relatifs à l’alcoolisme féminin, alors que celui-ci est nettement moins répandu que celui des hommes. Et quand bien même la Cour tend aujourd’hui à infléchir sa position, elle traite plus sévèrement les femmes que leurs maris.La consommation d’alcool a de plus été proscrite dans les établissements scolaires pour les enfants de moins de 14 ans, et très strictement limitée pour les autres (Circ. 6 mars 1968).

2. Dans les rapports de travail :L’abus d’alcool peut être une cause de licenciement, de sanction, ou de rétrogradation administrative, et, lorsque l’employé est victime de ses propres excès, d’accident du travail. Si la jurisprudence est sévère envers les salariés en matière de licenciement, elle l’est moins concernant les accidents du travail (le souci de protection sociale l’emporte ici sur la volonté de lutte contre l’alcoolisme).

Avant toute réflexion sur le terrain de la répression de l’abus de boissons, que ce soit dans un espace public comme la rue ou les stades (B), ou au volant (C), il faut s’interroger sur la pertinence qu’il y a à engager la responsabilité pénale d’un individu dans un état de forte imprégnation alcoolique (A).

11 Certains auteurs ont cependant prouvé que cette relation causale entre délinquance et alcool n’est pas systématique cf. Mme Perez-Diaz.12 La commission d’enquête parlementaire du Sénat relative à la délinquance des mineurs a déposé un rapport en juin 2002 qui fait état d’une enquête épidémiologique menée par Marie Choquet et Sylvie Ledoux. Selon cette enquête, parmi les jeunes violents, 21 % ont une consommation régulière d’alcool (contre 7 % des « non-violents »).

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A/ L’ivresse, cause d’irresponsabilité pénale ?

Un débat doctrinal oppose en effet encore certains auteurs sur la question de savoir si l’ivresse peut constituer, ou non, une cause d’irresponsabilité pénale au sens de l’Art. 122-1 du Code pénal.Art.122-1 C.pén. «  N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable : toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime. »

1- Les Arguments avancés

OUI car l’ivresse se traduit parfois par une perte de discernement ou de contrôle de ses actes. L’individu dans un état de forte imprégnation alcoolique devrait donc pouvoir jouir de l’irresponsabilité pour démence, au sens de l’Art. 122-1 du Code pénal.

NON car vu le danger que présente l’ivresse pour la sécurité publique, il convient plutôt d’en faire une circonstance aggravante d’autres délits, en raison de la vertu nécessairement préventive de la loi.

2- Les solutions jurisprudentielles et légales

a. Pour les infractions volontaires 

L’ivresse semble atténuer la mise en cause de la responsabilité pénale selon les cas d’espèces (cf. Art. 122-1 al.2)Jurisprudence : Si dans un premier temps la Cour de cassation faisait preuve d’une grande sévérité13, elle a infléchi ses décisions, allant même jusqu’à considérer que la question de l’influence de l’ivresse sur la responsabilité pénale était une question de pur fait laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond14. Néanmoins, la Cour de cassation n’a pas hésité à casser une décision des juges du fond qui avaient tenu compte de l’ivresse du prévenu pour disqualifier l’infraction15. Elle a même décidé, à propos d’un conducteur ivre, que « son état alcoolique n’était pas de nature à lui faire perdre conscience de ses actes »16.Doctrine : Certains auteurs considèrent l’ivresse comme une cause d’abolition du discernement, qui devrait conduire à ne pas engager la responsabilité pénale de l’individu. (cf. J. Pradel, notamment).

b. Pour les infractions involontaires 

L’ivresse est une cause d’aggravation de la responsabilité pénale. En effet, l’alcoolisme constitue alors une imprudence supplémentaire. En 1954 est votée la première loi faisant de l’ivresse une circonstance aggravante. Une loi de 1958 fait à son tour de l’ivresse une circonstance aggravante en cas d’homicide ou de blessures involontaires, notamment concernant les délits routiers.

13 Crim. 29 janvier 1921 : Un marin incarcéré pour ivresse publique qui n’a pas pu rejoindre à temps son bâtiment, a été considéré comme déserteur.14 Crim. 15 novembre 192415 Crim. 15 décembre 198016 Crim. 12 juillet 1972

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Cette question passe en second plan lorsque l’on aborde la contravention d’ivresse publique, qui réprime l’imprégnation alcoolique, en elle-même. Sa répression tend néanmoins à devenir quasi-anecdotique.

B/ La répression de l’ivresse publique

Il s’agit de la plus ancienne manifestation du droit pénal en la matière. Le Code pénal de 1810 ne réprimait pas l’ivresse en tant que telle au risque sinon de porter atteinte à la liberté individuelle. Ainsi l’individu en état d’ébriété ne pouvait voir sa responsabilité pénale engagée qu’en cas de troubles à l’ordre public.Néanmoins, la loi du 23 janvier 1873 a permis pour la première fois de punir pénalement « quiconque sera trouvé en état d’ivresse manifeste dans les rues, chemins, places, cafés, cabarets ou autres lieux publics ». L’article R. 3353 du Code de Santé publique (CSP) renvoyant à l’Art. L. 3341-1 CSP, en a repris les mêmes termes pour définir et réprimer la contravention d’ivresse publique.

1- La contravention d’ivresse publique

a. Définition de l’ivresse publique

La loi réprime « l’ivresse scandaleuse » susceptible de choquer ou d’inquiéter par son seul spectacle. Deux conditions sont nécessaires pour que l’infraction soit constituée.

i. Caractère manifeste Il doit être établi un « fait matériel qui se produit à tous les yeux et peut être constaté par tout le monde, sans qu’il soit nécessaire que le procès-verbal qui l’atteste relate des signes particuliers » (Crim. 12 mars 1875).La simple constatation du dépassement d’un taux d’alcoolémie n’est cependant pas suffisante, car l’ « ivresse publique » nécessite, par définition, un minimum de publicité (Crim. 6 novembre 1958).

ii. Caractère public Celle-ci doit se produire dans un lieu accessible au public : lieux publics par nature (voies publiques, routes, places, etc.), lieux publics par destination (bâtiments publics, église, stade, théâtre, gare, etc.), lieux ouverts au public par vocation (cafés, cabarets, etc.). Ainsi il existe pour tous les membres de la société, même les mineurs, un droit à l’ivresse. La pratique de l’alcool-défonce n’est donc pas réprimée lorsqu’elle est pratiquée en privé, dans la limite cependant de la non-assistance à personne en danger ou de l’homicide par imprudence qui seraient commis par compagnon de beuverie sur l’un de ses congénères.

b. Sanction

La répression de l’ivresse publique s’est adoucie avec l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal en 1994 (suppression de la récidive pour les contraventions des 4 premières classes), et avec la suppression des contraventions d’alcoolisme du Casier spécial, créé en 1860 pour faciliter la preuve en cas de récidive. Ainsi, désormais, la contravention d’ivresse publique est une simple contravention de 2ème classe punie d’une peine d’amende forfaitaire qui peut être assortie d’une

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mesure de sûreté : la conduite au poste de police le plus proche jusqu’à ce que la personne aie retrouvé la raison (Art. L. 3813-47 CSP).

Aujourd’hui, la condamnation pour simple ivresse publique est rarissime : le plus souvent elle n’est réprimée que lorsqu’elle accompagne une autre infraction. Cependant, une nouvelle incrimination a tristement du voir le jour en raison des problèmes latents de violence dans les stades, entraînés par l’ivresse des supporters.

3- Aggravation de la répression dans un contexte de manifestation sportive

La loi Alliot-Marie du 6 décembre 1993 relative à la sécurité dans les manifestations sportives crée un nouveau délit : l’accès à une enceinte sportive en état d’ivresse. Les termes de cette loi sont largement repris par les règlements intérieurs des stades de football.

a. Objectifs poursuivis

Cette loi recèle en toile de fond la crainte du « hooliganisme», par les parlementaires. Elle illustre leur volonté de pacifier les stades. En effet, cette nouvelle disposition a été votée dans un contexte de violences parfois meurtrières, suite aux nombreux incidents qui ont éclaté au Parc des Princes, et quelques années après le drame du Heysel qui a secoué l’Europe dans les années 8017.

b. Caractéristiques du délit d’accès à une enceinte sportive en état d’ivresse

Conditions de constitution de l’infraction : Enceinte sportive :

- Il ne s’agit pas seulement des « enceintes sportives homologuées » au sens du D. 27 mars 1993 : « établissements recevant du public dont l’accès est susceptible en permanence d’être contrôlé, et qui comportent des tribunes fixes ; ou établissements dans lesquels peuvent être installées des tribunes provisoires »

- Ce peuvent être des enceintes sportives au sens strict (stades, terrains, gymnases, salles, etc.), comme tout lieu de retransmission publique (parcs, théâtres, cinémas, etc.). En effet, la loi vise les faits qui se produisent « lors du déroulement ou de la retransmission en public d’une manifestation sportive ».

Etat d’ivresse : La loi ne vise pas expressément le caractère manifeste de l’ivresse mais cette condition est sous-entendue. Il s’agit donc bien d’une nouvelle mouture circonstanciée de la vieille contravention d’ivresse publique.

Circonstance aggravante : Entrée par fraude ou par force.Sanctions : Sans circonstance aggravante : 7500 € d’amende (Art. 332-4 al.1 Code du sport)

Avec circonstance aggravante : 150 000 € + 1 an d’emprisonnement (Art. 332-4 al.2 Code du sport, pour les violences en état d’ivresse ayant provoqué une I.T.T. inférieure ou égale à 8 jours ; Art. 332-5 du même Code pour l’entrée par fraude ou par force)

Le dernier exemple de répression dans un but de prévention des dangers, parfois mortels, liés à l’alcool, concerne tout particulièrement l’ivresse au volant. Il en est certainement l’exemple le plus significatif.

17 Le 29 mai 1985, un mouvement de panique entraîné par un déchaînement de violences de supporters hooligans, a provoqué le décès de 39 personnes et fait plusieurs centaines de blessés lors de la finale des clubs champions de football se déroulant dans le stade du Heysel en Belgique.

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C/ La répression de la conduite en état alcoolique

Alcool et accidents de la route : En 2005, il y a eu 5318 tués sur la route parmi lesquels 1355 personnes sont décédées dans des accidents « avec alcool »18, ce qui représente 25,4 % de décès sur les routes « attribuables »19 à l’alcool. Il faut noter en outre qu’il y a davantage d’accidents nocturnes mortels le week-end que la semaine (1194 pour 1187). Le pourcentage de tués dans les accidents avec alcool le week-end est de 53,7 %. Pour schématiser grossièrement : si l’on prend la voiture le week-end en ayant bu et qu’il s’en suit un accident, on a plus d’une chance sur deux d’en mourir ! La conduite en état d’ivresse n’est de plus pas égale selon les départements. Les départements où la proportion d’accidents mortels avec alcool est la plus importante sont le Grand-Ouest (dont la Loire-Atlantique), le Sud-Est, les départements des Alpes et le Nord.C’est pourquoi la conduite en état alcoolique donne lieu à une répression sévère. Cette sévérité ne cesse de croître depuis 1958.

1- Définition

De 1954 à 1970 les juges ne disposaient d’aucun critère de définition. La loi du 9 juillet 1970 a élaboré une distinction fondée sur le taux d’alcool dans le sang (contravention entre 0,8 et 1,2g d’alcool, délit au-delà). La répression de l’alcool s’est donc faite, à compter de cette date, à partir d’un taux légal d’alcoolémie. Cependant la doctrine restait critique à l’égard de cette loi en raison de la faiblesse des sanctions encourues. La loi du 8 décembre 1983 fait de la conduite en état alcoolique un délit, dès le dépassement du taux de 0,8g. La loi du 11 juillet 1994 en revanche, considère que dépasser ce taux ne constitue qu’une contravention. La loi du 29 août 1994 abaisse ce seuil à 0,5 g . La loi du 12 juillet 1978 inaugure quant à elle le dépistage préventif de l’état alcoolique par alcootest.

a. Détection de l’état alcoolique

La Cour de cassation considère que cette détection peut s’opérer visuellement, en cas d’ivresse manifeste (Crim. 24 janvier 1973). L’article L. 234-5 du Code de la route prévoie un dépistage biologique par alcootest.

Cas de dépistage Il est important de noter qu’il n’existe pas encore de dépistage généralisé.

- Dépistage obligatoire (Art. L. 234-3 al.1 Code de la route)Il s’applique à tout conducteur impliqué dans un accident ayant entraîné un dommage corporel (crime, délit ou accident ayant entraîné la mort), et au conducteur qui est l’auteur présumé de certaines infractions au Code de la route, au nombre desquelles figure la conduite en état alcoolique (c’est le flair du gendarme qui constitue alors la présomption d’état alcoolique lui permettant de pratiquer un dépistage!: mauvaise haleine, discours incohérent, etc.) N.B. : L’Art. L. 3354-1 CSP prévoie également le dépistage obligatoire en cas de crime, de délit ou d’accidents routiers mortels.

18 Selon la sécurité routière, un accident « avec alcool » est un accident impliquant pour le conducteur un taux d’alcoolémie supérieur au taux légal.19 Un accident « attribuable » à l’alcool est un accident qui aurait pu être évité si le conducteur avait respecté la limite légale d’alcoolisme.

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- Dépistage facultatif (Art. L. 234-6 Code de la route)Il est possible de soumettre à un dépistage le conducteur en état d’ivresse manifeste, ou le conducteur impliqué dans un accident de la circulation n’ayant provoqué que des dégâts matériels.

- Dépistage préventif/aléatoire (L.12 juillet 1978)Il peut être procédé à un dépistage du taux d’alcoolémie, même en l’absence d’infraction ou d’accident, s’il en est donné l’ordre par le procureur de la République, indiquant la date à laquelle va s’opérer le contrôle et les voies concernées.Rq : On observe un développement de ce mode de dépistage, ainsi que des incitations à l’autocontrôle sous le slogan « autotestez-vous ».

Effets du dépistage - Dépistage négatif : Le conducteur ne peut pas voir sa responsabilité pénale

engagée pour conduite en état d’ivresse. Cependant des vérifications médicales complémentaires sont encore possibles à titre facultatif.

- Dépistage positif : Il entraîne des vérifications médicales obligatoires et l’interdiction de conduire le temps de l’oxydation de l’alcool absorbé. L’APJ peut en outre procéder à la rétention de plein droit du permis de conduire, ou encore décider de l’immobilisation du véhicule. La loi du 17 janvier 1986 instaure un droit de rétention automatique du permis de conduire pendant 72 heures. Si pendant cette période de temps est établie la preuve de l’état alcoolique, le Préfet peut alors décider de suspendre le permis pendant une durée de 6 mois maximum.

b. Preuve de l’état alcoolique

L’arrêt de la chambre criminelle du 10 avril 1975 admet la preuve par TOUT MOYEN (ex. :dépistage positif, refus de dépistage accompagné d’indices d’imprégnation alcoolique, etc.).

La loi de 1978 a cependant créé deux modes de preuves alternatifs : l’utilisation d’un éthylomètre, et en cas d’impossibilité physique de se soumettre à un tel mode de preuve, la vérification par analyse de sang et examen médical.

Analyse de l’air expiré par éthylomètre On a beaucoup reproché aux pouvoirs publics, qui arguaient alors de contraintes budgétaires, la lenteur de la mise en œuvre de ce mode de preuve. Il ne faut en effet pas faire de confusion entre l’alcootest, appelé encore éthylotest, et l’éthylomètre, grâce auquel on peut lire quasi-instantanément sur un cadran le taux d’alcoolémie. L’éthylomètre a nécessité un décret d’homologation, pris en 1985. L’OPJ ou l’APJ, effectuant le contrôle doit immédiatement notifier le résultat au conducteur, et doit l’informer de sa possibilité de demander un second contrôle.

Prélèvement sanguin Au départ, il a fait l’objet de vives critiques en raison de l’atteinte à l’intégrité physique qu’il impose. En réalité, il s’inscrit dans une phase en trois temps décrite par l’Art. R. 3354-3 CSP : une phase d’examen clinique médical avec prise de sang, qui doit être lancée dans les 6 heures suivant l’accident (Art. R. 3354-6 CSP), une phase d’analyse de sang, et une phase d’interprétation médicale des résultats. Il existe en outre trois éléments de vérifications médicales ou « fiches » :

- Fiche A = Fiche d’examen de comportement- Fiche B = Fiche d’examen clinique médical

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- Fiche C = Fiche d’analyse de sang (étape principale)Conditions : Elle doit être établie par un médecin (une prise de sang effectuée par une infirmière ou une aide soignante entraînerait la nullité de la procédure)

En présence d’un OPJEst transmis sous pli recommandé et timbre confidentiel au procureur

de la République compétent, et à un laboratoire public ou à un biologiste expert (Art. R. 3354-16 CSP).

Le rapport et la fiche sont communicables à l’intéressé qui jouit alors d’un droit de contestation.

Remarques : Les juges doivent mentionner expressément le taux d’alcoolémie.Le refus de se soumettre à un prélèvement constitue un délit (Ord. 7 janvier

1959 à l’Art. L.3354-2 du Code de la santé publique).Le refus de se soumettre à un prélèvement est assimilé au délit de conduite en

état alcoolique, et est de ce fait puni des mêmes peines (Art. L. 234-8 I du Code de la route).Le fait de refuser de se soumettre à un dépistage par alcootest ne constitue

pas en soi une infraction pénale (Crim. 17 janvier 1976, Bull. crim. n° 31)

Qu’en est il de la force probante de ces deux modes de preuve ? Ces deux modes de preuve bénéficient de la même force probante (Crim. 9 février 2000).Selon la jurisprudence, un taux d’alcoolémie supérieur au taux légal suffit à établir

l’infraction de conduite en état alcoolique. Ainsi, lorsque le taux mesuré est inférieur au taux légal, le conducteur n’engage pas sa responsabilité pénale.

La preuve contraire est-elle néanmoins possible ? Malgré une mesure du taux d’alcoolémie inférieur au taux légal quelques heures après l’accident, l’analyse par les experts de la courbe d’alcoolémie peut en effet leur permettre d’établir qu’au moment de l’accident, le conducteur était en état d’ivresse infractionnel. A l’inverse, les conducteurs peuvent s’exonérer de toute responsabilité s’ils démontrent qu’ils ont absorbé une grande quantité d’alcool après l’accident.

2- Sanctions

Lorsque l’on conduit en état d’ivresse, la première des sanctions est, bien entendu et malheureusement, l’accident en lui-même, si accident il y a. Le législateur et les pouvoirs publics ont prévu deux types de sanction : une sanction administrative, consistant en le retrait de points du permis de conduire, et des sanctions pénales. Cependant la conduite en état alcoolique peut également avoir des incidences sur le terrain de la responsabilité civile et sur celui des droits d’assurance automobile.

a. Responsabilité civile : L’absorption d’alcool est considérée comme une faute, au sens de l’Art.1382 du Code civil. De plus, la jurisprudence fait preuve de sévérité à l’égard des conducteurs sous l’emprise de l’alcool au moment de la réalisation du dommage, et elle admet rarement le partage de responsabilité avec l’autre conducteur impliqué dans l’accident.

b. Droit des assurances : Etablissement dans le contrat d’assurance d’une clause de déchéance pour conduite en état d’ivresse. Cette clause a cependant été interdite pour l’assurance automobile obligatoire par la loi du 9 juillet 1970. Elle reste néanmoins valable dans les contrats d’assurance facultative (tout-risque, etc.).

a. Sanctions administratives :

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Les suspensions du permis de conduireLeur objectif est d’évincer les conducteurs dangereux des voies de circulation.Elles ne peuvent être prononcées que pour durée maximale de 6 mois (Avant la loi de 1975 : 3 ans). Cette limite de temps est cependant d’1 an en cas de conduite en état alcoolique. L’APJ ou l’OPJ peut en outre user d’un droit de rétention du permis de conduire de 72 heures maximum et décider de l’immobilisation du véhicule. Si preuve est faite de l’état alcoolique pendant ce laps de temps, le Préfet a la faculté de prendre une décision de suspension du permis de conduire pour une durée de 6 mois maximum (le conducteur sanctionné jouit d’une faculté de contestation). En revanche, si le permis est restitué dans les 72 heures, il existe deux procédures de suspension possibles :

Procédure d’urgence (suspension inférieure ou égale à 2 mois) qui nécessite un simple avis individuel.

Procédure normale (suspension inférieure ou égale à 1 an) qui nécessite quant à elle l’avis d’une Commission spéciale.

Le Conseil d’Etat a compétence pour le contrôle de légalité des mesures de suspension. Il a néanmoins circonscrit son contrôle aux motifs invoqués et à la procédure suivie. Il se refuse donc àexercer un contrôle sur la gravité de la sanction prononcée.

b. Sanctions pénales

Elles sont prononcées par les tribunaux correctionnels, et dans une moindre mesure, par les tribunaux de police. Depuis la loi du 10 juillet 1987, la tendance est celle d’une plus grande sévérité dans la répression.

I. Peines principales :2 ans d’emprisonnement et 4500 € d’amende (Art. L. 234-1 Code de la route)La conduite en état alcoolique est considérée comme une infraction matérielle : dès lors que le taux d’alcoolémie dépasse le taux légal, le délit est constitué.En cas d’accident corporel, cet état constitue une circonstance aggravante d’autres infractions. Il y a alors triplement des peines, en cas d’homicide involontaire (Art. 221-6-1 al.2 2° C.pén. : 7ans d’emprisonnement et 100000€ d’amende), ou de blessures involontaires (Art. 222-19-1 al.2 2° C.pén. : 5 ans d’emprisonnement et 75000€ d’amende pour une ITT supérieure à 3mois). Il est à noter que la jurisprudence fait preuve de sévérité et admet souvent le cumul d’infractions. Cependant, en vertu du principe non bis in idem, les juges ont l’obligation de faire un choix : retenir la circonstance aggravante ou condamner pour conduite en état alcoolique.

II. Peines complémentaires : Suspension judiciaire de permis de conduire pendant 3 ans maximum (pas de sursis

possible)En cas d’homicide involontaire : suspension pendant 5 ans maximum « sans sursis, même partiel, et sans limitation possible à la conduite en dehors de l’activité professionnelle » (Art. 5 L. 12 juin 2003).

Annulation du permis de conduire pendant 3 ans maximumCette annulation peut être obligatoire (si le juge condamne pour homicide ou blessures involontaires avec circonstance aggravante), ou facultative, si le juge a retenu le délit de conduite en état alcoolique. Confiscation du véhicule qui a servi à commettre l’infraction

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Immobilisation du véhicule jusqu’à 1 an, en cas d’homicide ou de blessures involontaires, ou en cas de récidive.

Peines de substitution : TIG, jour-amende

Il est à noter que ce délit ne tombe généralement pas sous le coup des lois d’amnistie.

III. Retrait automatique de pointsLa loi du 10 juillet 1989 a instauré le permis à points. Le délit de conduite en état d’ivresse expose le contrevenant à une perte de 6 points ; la contravention à une perte de 3 points. Cette sanction appliquée par le Ministre de l’intérieur résulte d’une décision judiciaire. Il s’agit de ce fait d’une sanction hybride : mi-administrative, mi-pénale. Cependant la Cour européenne la considère comme une véritable peine, relevant de la matière pénale (C.E.D.H. « Malige c/ France » 23 septembre 1998).

Existe-t-il un intérêt à la multiplication et à l’aggravation des sanctions ?Si les peines de substitution revêtent un intérêt certain, il ne semble pas qu’il en soit de même de l’augmentation des durées d’emprisonnement. En effet, les juges ont déjà des difficultés à appliquer les peines existantes (la durée moyenne des peines d’emprisonnement prononcées est de 6 mois seulement !). Pour MM. Caballero et Bisiou, il conviendrait plutôt de multiplier les suspensions et annulations et d’instituer un retrait de permis à vie pour les alcooliques chroniques. Certaines associations voudraient voir le délit d’imprudence requalifié en délit de mise en danger délibérée de la vie d’autrui, en cas de conduite en état d’ivresse. Une telle requalification permettrait de punir d’un an d’emprisonnement et de 15000 € d’amende le conducteur ivre, en l’absence de tout dommage, par le « fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement » (Art. 223-1 C.pén.)

Observation finale   : La répression comme moyen de prévention de l’alcool au volant est-elle efficace ? La sécurité routière, dans son analyse des statistiques de l’année 2005, note une baisse sensible des décès « attribuables à l’alcool ». Ils passent en effet de 27,8 % des accidents de la circulation, à 25,4 %. Cependant elle ne relève pas de changement dans les comportements, puisque l’alcoolémie des conducteurs circulants reste constante (2,42 % des conducteurs en 2004 sont « contrôlés positifs » ; 2,46 % en 2005). Pour résoudre ce paradoxe, elle avance que la baisse non négligeable des décès dus à l’alcool serait la conséquence d’une moindre vitesse de conduite. Les effets néfastes de l’alcool auraient selon elle tendance à s’amenuiser quand la vitesse diminue. (Référence : www.securite-routiere.gouv.fr : rapport 2005)

L’obstacle socioculturel serait-il si fort, qu’en dépit des efforts répressifs gouvernementaux, les Français ne parviennent pas à modifier leurs comportements, même lorsque leur vie est en jeu ? Cette interrogation nous amène directement à nous questionner sur la véritable efficacité d’une politique répressive d’aggravation des sanctions, mais au-delà, sur l’effectivité des politiques publiques relatives à l’alcool, dans tous leurs aspects.

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