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Frères N° 14 Bien Aimés 12 juin 2003 _________________________________________________________________________ Thème de la réunion: Réflexion sur la phrase du rituel : « Mes S et mes F, nous ne sommes plus dans le monde profane….. » En cette fin d'année scolaire, au moment où les enseignements divers ont été perturbés par des mouvements sociaux, où les étudiants ont dû se soumettre à des épreuves visant à reconnaître s'ils avaient appris (et compris) ce que leurs maîtres s'étaient efforcés de leur inculquer, au moment où ces maîtres étaient écartelés entre la passion et la raison, nous nous sommes posé collectivement une question que chaque Maçon a dû lui-même se poser un jour, peut-être sans y apporter même une réponse personnelle : Où sommes-nous si nous ne sommes plus dans le monde profane ? Nos Maîtres nous ont-ils aidés à trouver une réponse ? Trop souvent, au cours de notre vie maçonnique, il nous a semblé que certaines questions étaient éludées, sous le prétexte que l'on en trouverait la réponse plus tard, ou encore que certains Maçons rejetaient toute discussion sur le Grand Architecte de l'Univers, l'égrégore, l'âme ou le sacré. Si notre objectif est à la fois d'améliorer l'Homme et la Société, ne suffirait-il pas d'enseigner aux apprentis un certain nombre de règles de vie à respecter, un certain nombre de vertus à mettre en pratique ? Mais en quoi la Maçonnerie se distinguerait-elle alors d'un enseignement de type profane ? En réfléchissant sur le thème de ce jour, nous avons partiellement répondu à cette dernière question, en ce sens que les uns et les autres ont tenté de transmettre ce qui les "anime", une sorte de foi, avec ses croyances et ses incertitudes, de prendre par la main ceux qui désirent faire un bout de chemin ensemble sur le sentier de l'initiation, les premiers pas les ayant déjà sortis du monde profane.

FBA 14 Nous ne sommes plus dans le monde profane

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N° 14 Thème de la réunion: Réflexion sur la phrase du rituel : « Mes S  et mes F  , nous ne sommes plus dans le monde profane….. » Où sommes-nous si nous ne sommes plus dans le monde profane ? René Guénon rappelle que sacré (sacratum) et secret (secretum) sont étrangement voisins, synthétisés par « mis à part » (secernere). « Mes S  et mes F  , nous ne sommes plus dans le monde profane….. » Réflexion sur la phrase du rituel :

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Frères N° 14

Bien Aimés

12 juin 2003 _________________________________________________________________________

Thème de la réunion: Réflexion sur la phrase du rituel :

« Mes S et mes F, nous ne sommes plus dans le monde profane….. »

En cette fin d'année scolaire, au moment où les enseignements divers ont été

perturbés par des mouvements sociaux, où les étudiants ont dû se soumettre à

des épreuves visant à reconnaître s'ils avaient appris (et compris) ce que leurs

maîtres s'étaient efforcés de leur inculquer, au moment où ces maîtres étaient

écartelés entre la passion et la raison, nous nous sommes posé collectivement une

question que chaque Maçon a dû lui-même se poser un jour, peut-être sans y

apporter même une réponse personnelle :

Où sommes-nous si nous ne sommes plus dans le monde profane ? Nos Maîtres nous ont-ils aidés à trouver une réponse ?

Trop souvent, au cours de notre vie maçonnique, il nous a semblé que certaines

questions étaient éludées, sous le prétexte que l'on en trouverait la réponse plus

tard, ou encore que certains Maçons rejetaient toute discussion sur le Grand

Architecte de l'Univers, l'égrégore, l'âme ou le sacré.

Si notre objectif est à la fois d'améliorer l'Homme et la Société, ne suffirait-il

pas d'enseigner aux apprentis un certain nombre de règles de vie à respecter, un

certain nombre de vertus à mettre en pratique ?

Mais en quoi la Maçonnerie se distinguerait-elle alors d'un enseignement de type

profane ?

En réfléchissant sur le thème de ce jour, nous avons partiellement répondu à

cette dernière question, en ce sens que les uns et les autres ont tenté de

transmettre ce qui les "anime", une sorte de foi, avec ses croyances et ses

incertitudes, de prendre par la main ceux qui désirent faire un bout de chemin

ensemble sur le sentier de l'initiation, les premiers pas les ayant déjà sortis du

monde profane.

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Réflexion sur la phrase du rituel :

« Mes S et mes F, nous ne sommes plus dans le monde profane….. »

Que le rituel soit de Memphis ou du R.E.A.A, cette phrase a toujours eu pour moi une résonance particulière. En quoi ce lieu où nous nous assemblons relève-t-il soudain d’une dimension au-delà du naturel ? Quelle est l’origine de notre légitimité à l’affirmer ? Quelle incidence cette dimension a-t-elle sur nos travaux ? Ces questions, qui en appelleront d’autres, seront le fil conducteur de cette réflexion, prenant pour postulat que ce qui n’est pas profane est sacré. Pour démarrer, il convient de replacer les éléments dans leur contexte. Selon le dictionnaire « Petit Robert », les définitions sont les suivantes :

. Profane : qui est étranger à la religion (opposé à religieux, sacré)

. Sacré : 1) qui appartient à un domaine séparé, interdit et inviolable, et fait l’objet de référence religieuse

2) qui est digne d’un respect absolu. Etymologiquement : ce qui est séparé et circonscrit.

René Guénon rappelle que sacré (sacratum) et secret (secretum) sont étrangement voisins, synthétisés par « mis à part » (secernere). La référence au religieux est possible mais non obligatoire. Cette particularité, qui a tant divisé et divise encore les Maçons, est probablement à l’origine d’une confusion des sens. L’intolérance des athées, des déistes ou des théistes les uns envers les autres, mais aussi et paradoxalement la méconnaissance de certains aspects de la Maçonnerie inhérente au cursus lui-même, que seul le cheminement permet de découvrir, aboutissent à des prises de positions sévères, parfois intolérantes, quand

ce n’est pas d’exclusion, de la part de F ou de S qui ne se comprennent pas, se fondant sur une croyance, fut-elle religieuse ou philosophique, laquelle n’est en rien un « savoir » qui ne saurait relever du plan humain. Au détour de lectures, j’ai trouvé dans le livre de Michel Barat « La conversion du regard » cette phrase qui synthétise mieux que je ne saurais le faire mon propos dans cette opposition entre rationalisme et spiritualité : « Ni la foi ni la science n’ont un accès complet et plein de vérité : quand la foi le prétend, elle devient dogmatisme que la science doit corriger, quand la science le prétend, elle devient scientisme que la foi se doit de rectifier. Cette correction mutuelle de la foi et de la science, est le propre de la démarche maçonnique ». Il ne s’agit pas pour autant d’initialiser une nouvelle polémique stérile, mais de resituer chaque chose pour en extraire des éléments constructifs pour soi-même et peut-être pour d’autres. Pour aborder la notion de « sacré », ou son antonyme, le « profane », trois composantes me semblent indispensables : . la notion de groupe constitué . l’unité de lieu . l’unité de temps

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Depuis la nuit des temps, appliquant l’adage « l’union fait la force », les hommes ont toujours éprouvé le besoin de se regrouper pour faire face à tout ce que leur difficile quotidien leur opposait. Dans cette quête du lendemain, l’homme a associé chaque instant de sa vie à une forme de religiosité. Tout acte individuel ou collectif était en quelque sorte une offrande d’une partie de lui-même à une dimension supérieure, qu’il s’agisse d’une divinité identifiée (Dieu, Krishna, Thot, etc..) ou d’une entité globale comme la Nature au sens large pour les animistes. Une action positive était logiquement perçue bénéfique pour l’individu ou le groupe. A contrario, toute action négative l’était aussi pour son auteur ou à son groupe d’appartenance, lequel pouvait se retourner contre lui. Cet aspect se prolonge à travers les groupes ethniques, clans, puis les guildes, les corporations, qui ont selon toute vraisemblance été à l’origine de notre institution. Dans un contexte de société où la religion sous toutes ses formes était omniprésente et omnipotente, ces hommes des « lumières » avant l’heure, ont su apporter un regard novateur sur la condition humaine en tant que telle, sur la capacité de chacun à disposer de lui-même, sur la liberté de conscience. Comme nous allons le voir maintenant, les maçons ont créé un monde en marge de l’autre, dont la mission est probablement de redonner toute sa valeur à la réflexion et aux choses de l’esprit pour s’opposer au matérialisme ambiant. Définir un lieu comme « sacré » relève soit d’une convention, d’un choix strictement humain, soit d’une manifestation divine indirecte (hiérophanie)…par exemple : l’apparition de l’archange Gabriel à Mahomet, à la Vierge Marie, du buisson ardent sur la montagne à Moïse…, soit d’une manifestation directe de la divinité (théophanie). Comme l’exprime Mircea Eliade, les sociétés traditionnelles définissaient le monde sous deux critères. Il y a d’une part « notre monde » ou « cosmos » où vit le groupe, qui en a consacré le territoire par une rituélie, afin que la divinité veille sur le tout. Ce monde est souvent considéré comme un centre de toutes choses. En outre, certaines ethnies nomades définissaient leur espace sacré par l’érection en son centre, d’un pilier, qualifié d’Axis Mundi, symbolisant le lien quasi-ombilical entre le peuple et sa divinité, et témoignant que les mondes divin et humain sont à l’identique, comme le soulignait Hermes Trismégiste. Cet "axe" suivait les déplacements de ces peuples faute de quoi ils étaient voués à disparaître. Il est à noter que pour les peuples sédentaires, ce pilier pouvait également exister et prendre la forme d’un arbre (arbre à gui), d’une montagne (Mont Sinaï), d’une tour (Babel). Ce symbole peut se retrouver dans certaines Loges où le fil à plomb dresse sa verticalité au-dessus du pavé mosaïque. En dehors de ce tout homogène n’existe d’autre part que le chaos. Il s’agit dès lors d’une terre peuplée d’étrangers, d’êtres immondes, larvaires, de démons, qu’il convient de transcender par une "cosmisation", donc une conquête. Le monde homogène qu’est le profane, fait alors place à une rupture, à une ouverture sur le transcendant, favorisant le lien au divin. Au-delà de la terre « mère », un lieu géographiquement limité peut remplir les mêmes fonctions transcendantales : il s’agit d’une représentation de la divinité, d’un autel, d’un temple, ce qui nous occupe principalement aujourd’hui. Dans ce cas, le

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lieu en question sera une densification du tout avec pour corollaire l’optimisation du lien spirituel. Il sera en outre souvent orienté. Il en est quasiment de même en Maçonnerie. Il n’y a certes pas d’esprit de conquête pour s’approprier un lieu propice à la rituélie, quoique nous ayons parfois à redouter du monde profane. Il s’agit bien d’une convention qui fait dire qu’un lieu est favorable à l’installation d’une Loge, par sa situation, son orientation. Cette convention se transforme en symbolisme par la rituélie d’installation (particulièrement à Memphis Misraïm), quand les murs s’ornent des décors dont il ne faut pas oublier les origines se mêlant et se confondant dans l’histoire des peuples et de leurs croyances religieuses, philosophiques ou pratiques (de métiers). Il ne me semble pas exagéré de parler d’un syncrétisme tant la diversité des origines est patente. A cette notion de groupe et de territoire, s’ajoute la notion de « temps sacré » sous deux formes : il le devient à travers un événement extérieur qui peut se manifester sous la forme d’une hiérophanie (cataclysme, événement interprétatif…), ou via une cérémonie ponctuelle ou répétitive (célébration, solstice, lunaisons…), ce qui nous occupe également. Dans ce cas, le temps d’avant et d’après est profane, alors que pendant, il est sacré. Au final, nous constatons qu’en tout point la structure maçonnique correspond à celle de l’ensemble des sociétés traditionnelles. Nous nous sentons proches des « bâtisseurs » de la haute époque médiévale, mais au-delà, nos racines s’alimentent dans les profondeurs de l’histoire de l’humanité. Comme elle, nous sommes composites et les symboles qui nous animent sont issus de nombreuses religions et philosophies : hébraïsme, christianisme, animisme, celtisme, zoroastrisme, jusqu’à la tradition égyptienne et cette image particulière, celle d’Isis et d’Osiris, qui nous rappelle que nous devons rassembler ce qui est épars. La force qui nous anime en cela, réside dans l’initiation que nous avons reçue au premier jour de notre souffle maçonnique. Ce Passage a marqué notre Re-Naissance. Là commence le sacré, ce qui est digne d’un respect absolu. Cette dimension nouvelle qui s’offre à nous, nous confère par la rituélie, par l’égrégore, par le travail assidu, la tolérance et le respect (les métaux laissés à la porte du Temple), une capacité à tourner notre regard vers toute voie susceptible de nous aider à distancier la croyance pour tendre vers le savoir, ou, à tout le moins, pour oser espérer trouver notre Vérité. Dans la structure générale d’aujourd’hui, la maçonnerie repose sur les « Constitutions d’Anderson », qui nous disait qu’un maçon ne saurait être un athée stupide ou un libertin irréligieux. Cette appréciation est à replacer dans le contexte de l’époque, et tempérée par l’idée que le maçon se doit de pratiquer la religion de son pays, ce qui permet une libre interprétation de l’obligation. Pourtant, dans le rituel du R.E.A.A, nombre de références à une puissance

supérieure sont explicites, à commencer par le GADLU et le travail sur l’évangile de Saint Jean, cher aux Templiers. De toute évidence, les Hauts Grades réservent en la matière beaucoup de surprises ou d ‘émotions. Pour faire court, disons que ceci permet de relativiser la nécessité de l’appartenance à une religion et laisse à chacun, pour sa vie profane, la responsabilité de ses choix. Aussi, ne serait-il pas plus judicieux de réserver notre énergie à la recherche collégiale plutôt qu’à de vaines batailles fratricides dont nul ne pourra se prévaloir d’une victoire?

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Oeuvrons plutôt dans une forme « d’œcumaçonnisme » pour redonner à notre ordre sa place de "chaudron d’idées" dans tous les domaines concourant à la recherche de la vérité. Travailler sur le Sacré est un acte fondateur où chacun peut doser ses ingrédients jusqu’à ce qu’il puisse s’écrier un jour : « Je sais ! ». Orgueil ? Ego surdimensionné ? Sûrement, car si un seul avait déjà pu le clamer, il serait Le Grand Architecte. C’est pourtant l’espoir de la compréhension qui nous anime. Si je devais résumer cette idée, je dirais que le Sacré me paraît s’établir par la Sagesse qui préside à l’édification du Temple intérieur, associant la Force pour mener à bien le travail, pour aboutir à la Beauté qui stimulera le désir de revenir sur le travail. J’ai dit.

D.M.

Mes sœurs et mes FF.', nous ne sommes plus dans le Monde profane...

Questions :

Pourquoi ne sommes-nous plus dans le monde profane, qu'avons nous fait pour cela ?

Y a-t-il plusieurs Mondes ?

Pour quel autre monde avons-nous quitté le monde profane ?

Sommes-nous allés au-delà d'une barrière inconnue des autres ?

Qu'est ce qui nous permet de penser que nous sommes hors du monde dit profane ?

Par quel jeu de l'esprit pouvons-nous penser ou croire que nous sommes hors du temps

et de l'espace ?

Figure d’Abraxas Ŕ reproduite depuis

une amulette gnostique, les piliers en

double Rune Lagur , figurent la lance,

la Rune de Tyr symbolisant l’axe du

monde .

À ses pieds, nous voyons le “serpent du

Monde” (Jormundgrund) qui entoure

les trois “ îles vertes ” du Delta

maglemosien (qu’on retrouve par

ailleurs sous la forme du Trèfle

symbolique).

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Car c'est cela être hors du monde profane ; ne plus être dans notre espace et notre

temps journalier. C'est vivre un moment sacré, personnel et impersonnel, un moment que

seul chacun d'entre nous peut apprécier dans son amplitude universelle.

Sentiment profond de solidarité avec ses Sœurs et FF

Présent dans la chaleur d'une Fraternité quasi palpable dans l'énergie humaine portée

par l'égrégore du lieu.

Des parvis profanes du Temple où se trouvent les marchands nous avons passé la porte

où,comme au jour de notre initiation, nous avons laissé nos métaux. Nous sommes entrés

purs de toute aspérité, prêts à libérer l'être sacré qui séjourne dans notre Temple

intérieur, celui qui n'est que Tolérance et Amour, pour qui la Sou le F assis en face

ou à côté de lui ou d'elle n'est qu'un autre lui-même.

Nous avons quitté le monde profane, est-ce pour autant que nous ayons pénétré le

monde des initiés ?

Un initié se doit de comprendre ses semblables. 11 ne s'agit ni de convertir, ni d'imposer

ses idées. De la compréhension naît la fraternité. Un initié se doit d'être disponible

(le Mse lève lorsque l'élève apparaît ), il doit être calme et serein, et travailler avec

zèle et constance.

L'initié doit avoir le sens de la tradition du symbolisme.

La magistrale leçon de modestie qui l'entraîne à ne prendre la parole que lorsqu'elle lui

est donnée et seulement s'il a quelque chose de précis à apporter à la discussion, le

mène à écouter tous les points de vue en présence, tous les arguments, et à apprendre

par ce biais ce qu'est la tolérance. 11 doit avoir à cœur de s'améliorer en permanence,

de se modifier et de se bonifier, évoluer en permanence, harmonieusement sur le chemin

qui conduit à la lumière.

Mais pour s'améliorer, encore faut-il bien se connaître et accepter de se remettre

en question. Le fameux «Connais-toi toi-même» de Socrate doit sans cesse être

présent à son esprit. Car c'est en acquérant la maîtrise de soi-même que l'on peut

ensuite essayer de faire évoluer son entourage.

Ce travail sur soi-même demande beaucoup d'humilité et d'honnêteté, et ce n'est que le

regard des autres sur nous qui pourra nous dire si nous avons réussi.

L'initiation est un long chemin souvent semé d'obstacles, qui dure parfois toute une vie.

Alors cela est vrai, si nous avons un tant soit peu de cette parcelle de lumière qui nous a

été transmise à la sortie de la matrice terrestre où nous avons été enfermés après

avoir frappé à la porte du Temple (Frappe et l'on t'ouvrira) et ensuite été purifiés par

les éléments, nous ne sommes plus dans le monde profane.

C'est extraordinairement agréable et stimulant de faire fonctionner ses méninges par

humanisme et non par matérialisme !

Tout faire pour s'améliorer et essayer de donner aux autres autant que l'on reçoit

d'eux.

Apprendre l'harmonie, le calme, la tolérance, une certaine rigueur et une certaine

modestie, car nous ne sommes que sur le chemin.

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Notre sortie de l'espace-temps profane nous entraîne à un exercice spatio-temporel

infiniment personnel et spiritualiste.

Nous sommes seuls aptes à entrer dans cet autre espace-temps que nous ouvre le

rituel. Il n'y a que nous-mêmes pour le faire et le réussir.

Ce n'est qu'en s'impliquant dans son déroulement, en devenant participante, que notre

personnalité va dériver de l'être au non-être : du Moi au Soi.

Car passer du MOI au SOI implique de laisser non seulement ses métaux à la porte du

Temple, mais aussi notre personne matérialiste, qu'il faut abandonner pour ne laisser

entrer que l'être spirituel que nous avons en nous.

Nous sommes hors de l'espace et du temps, trop peu d'entre nous parfois s'en

souviennent.

Les montres font partie des métaux et devraient rester à la porte du Temple : nous

sommes hors de l'espace et du temps. C'est cela aussi être hors du Monde profane.

Si la leçon du « Cabinet de Réflexion » n'a pas été perdue, car c'est de là que nous

quittons le monde profane, l'initié sait qu'avant tout il doit faire mourir le « vieil

homme ». Avant toute chose, il doit se dépouiller de sa personnalité passée qui n'était

qu'une matérialité illusoire et impropre à lui permettre d'accéder à des modes

supérieurs de pensée.

Grillot de Givry disait dans son traité d'alchimie spirituelle « le Grand Œuvre » :

« Coordonne toutes tes actions et toutes tes impressions afin d'en former un

ensemble harmonique parfait. Efforce-toi d'acquérir l'extrême lucidité de ton

entendement. Détourne-toi de ce qui salit la vue, n'écoute pas ce qui pollue l'ouie. Exalte

en toi le sentiment de ta personnalité, pour t'efforcer ensuite d'absorber celle-ci dans

le sein de l'Absolu. » Sic.

A l'instar de nos prédécesseurs opératifs, nous nous devons d'être des constructeurs

spéculatifs. Mais pour bâtir, il convient d'abord de dégager le lieu destiné à devenir

chantier. Il faut défricher, émonder, en un mot détruire certaines formes et modes de

vie, obstacles à l'édifice futur. Toutes les manifestations de la personnalité ne sont pas

nécessairement bonnes ou souhaitables. Il est des impulsions ou des activités qui doivent

demeurer dans leur habitat naturel : les profondeurs. C'est par une discipline de tous

les instants que se justifie la véritable maîtrise, qui est avant tout une maîtrise de

soi. C'est cette surveillance intérieure de chaque instant, ce self-contrôle permanent de

lui-même en toutes ses activités, qui constitue le « Vitriol Philosophique ».

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On sait en effet que, dans la Voie Humide de l'Alchimie opérative, c'est par un acide

spécial, qui est déjà un secret de l'Art par lui-même, que l'alchimiste attaque la Prima

Materia. Il en est de même dans l'Alchimie spéculative.

Corrosif des écorces physiques et psychiques, cet acide, pour abstrait qu'il soit, n'en

conserve pas moins les mêmes effets douloureux qu'un acide matériel. On ne renonce

pas facilement à ces stupéfiants que sont nos passions habituelles et très humaines, ni à

ces chaînes que sont les accoutumances.

L'ancien Compagnonnage médiéval connaissait son « Tour de France », effectué en

séjournant dans 27 villes différentes, d'étape et de séjour, où l'Aspirant se

perfectionnait comme Apprenti avant de devenir Compagnon.

Ce nombre de 27 est aussi celui des 27 stations de la Lune au cours de son périple

mensuel. C'est également 27 années, le temps que met Saturne ( un des 3

chronocrateurs célestes), pour parcourir le Zodiaque : et chacune des stations

journalières lunaires équivaut à un séjour annuel de Saturne. C'est pourquoi les

Ecritures affirment que le jour est comme un an.

Lorsque nous avons passé la porte de l'Espace et du Temps en entrant dans le Rituel :

mes sœurs et mes frères nous ne sommes plus dans le Monde profane.

J.F.

La Création

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VENERABLE MAÎTRE

-Mes (Sœurs (ou, et) Frères), nous ne sommes plus dans le monde profane.

Que nos Travaux reprennent Force et Vigueur, demeurons conformes à l'Harmonie Universelle,

et qu'ils n'aient d'autres buts que la Gloire de l'Architecte Eternel, la Pérennité de la Vraie

Maçonnerie et le Bonheur de tous les Etres…

Quittez l'Ordre, mes (Sœurs (ou, et) Frères) et prenez place !

Nous étions dans l'attente, comme figés dans un instant immuable, et tout à

coup, à l'annonce d'une invitation libératrice, nous tirons d'un revers de main le

voile invisible qui nous séparait encore de l'indicible.

Un passage, si simple et si profond, où nos yeux dessillés entr'aperçoivent un

monde à peine différent de celui que nous venons de quitter, un monde où

semblent dominer le silence, la quiétude et l'harmonie.

Se peut-il que cela soit si simple ? Mais qu'est ce "cela" ?

Quel est ce monde qui n'est plus profane? Pourquoi ne l'est-il plus ?

Quelles paroles, quels gestes nous ont permis ce transfert en un lieu situé hors

de l'espace et du temps ?

Si ce lieu a changé de dimensions, suis-je moi-même transformé ?

Vers quoi suis-je en marche ? Vers quoi ou vers qui ?

Il y a donc un monde, dit profane, qui se situe "hors du temple". S'agit-il du

"mundus" latin, qui signifiait "univers", ou du "monde" de l'ancien français qui

désignait "les gens"?

A l'intérieur du Temple, évoluons-nous dans un autre univers, ou dans la partie

cachée de l'univers, c'est-à-dire en un lieu sacré, ou encore devenons-nous

autres, capables de prendre connaissance du sacré, comme le dit Mircéa Eliade, " parce que celui-ci se manifeste, se montre comme quelque chose de tout à fait différent du profane." ?

C'est, dit-il encore, toujours le même acte mystérieux: la manifestation de quelque chose de "tout autre", d'une réalité qui n'appartient pas à notre monde, dans des objets qui font partie intégrante de notre monde "naturel", "profane".

La pierre sacrée ou l'arbre sacré que semblent vénérer certains êtres humains

ne sont pas adorés en tant que tels, en eux-mêmes, ils ne le sont que parce qu'ils "montrent" quelque chose qui n'est plus ni pierre ni arbre, mais le sacré.

Le Temple matériel, terrestre, où nous nous réunissons, n'est que la projection

du Temple Universel. Il nous lie au passé au travers de sa structure, de sa

disposition, de ses ornements, de ses colonnes, de son pavé, il est la transposition

des Temples de Memphis qui précédèrent celui de Salomon.

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Mais le sacré ne se montre qu'à celui qui le cherche, qui le sent insaisissable bien

qu'à portée de main, tel un oiseau qui apparaîtrait au sifflement d'un appeau, et

qui disparaîtrait avant qu'on ne puisse l'attraper.

Je peux me référer au passé, histoire du monde profane, mais ne puis connaître

demain, et ce mystère me pousse à croire en la Manifestation Initiale d'un Être

qui aurait pu dire: " Je suis la source des existences et de tous les Êtres, je suis hier et je connais demain, je suis l'Eternité, le Monde, le Temps, le Devenir, j'ai pour essence le Bien, le Beau, le Bon, le Véridique ".

C'est au travers de textes anciens se référant eux-mêmes à d'autres traités

plus anciens, que l'on peut approcher cette idée du sacré sous jacent à l'ordre

des choses.

Dans le Manuscrit Cooke (daté entre 1400 et 1410), l'un des plus anciens

documents connus des Old Charges de la Maçonnerie, il est tout d'abord fait

état des grâces qui doivent être rendues à Dieu, " créateur du ciel et de la terre et de toute chose qui s'y trouve de ce qu'il ait voulu engager sa glorieuse divinité dans la création de tant de choses utiles à l'humanité."

En cette création, figurent notamment les sept sciences libérales, dont celle qui

en est la base est la géométrie, qui " enseigne toutes les dimensions et mesures, et le calcul des poids de toutes sortes. "

Le fondateur en serait " Jabel (qui) fut le premier à inventer la géométrie et la maçonnerie. Et il construisit des maisons et son nom se trouve dans la Bible : il est appelé le père de ceux qui habitent sous des tentes, c'est-à-dire des maisons d'habitation. "

Il fut le maître Maçon de Caïn et construisit la ville d'Henoch.

" bien d'autres disent qu'il fut le premier à partager le sol afin que tout homme pût savoir quel était son terrain personnel et y travailler comme à son propre bien."

Il ne s'agit pas là d'une simple répartition des terres entre les hommes, mais

bien l'établissement d'un lien physique entre la terre, création de Dieu, et

l'Homme, créature de Dieu. Un lieu pour les hommes, un espace pour les oiseaux,

plus libres que l'homme, le ciel étant autant leur domaine que la terre et ses

arbres.

Ce ciel devint un rêve.

Tubal-Caïn, fils de Lamech, frère de Jabel, " fut l'inventeur de l'art du forgeron et des autres arts des métaux, c'est-à-dire, du fer de l'acier, de l'or et de l'argent selon certains docteurs. Quant à sa soeur Naama elle inventa le tissage, car auparavant on ne tissait pas mais on filait et maillait les tissus et on se faisait les habits qu'on pouvait. Naama inventa l'art de tisser…"

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Comme nous le verrons plus loin, quelques Anges s'étant dénaturés en

s'accouplant avec des femmes, naquirent de ces unions des enfants géants qui

semèrent la violence sur Terre.

Ayant appris qu'Adonaï voulait se venger du péché soit par l'eau ou par le feu,

" Ils demandèrent à leur frère aîné Jabel de faire deux piliers de (ces) deux pierres à savoir de marbre et de lacerus et d'inscrire sur ces deux piliers toutes les sciences et techniques qu'ils avaient inventées. Il fit ainsi et acheva tout avant le Déluge." Les colonnes d'Hénoch sont certainement à l'origine des colonnes de nos

temples.

Dans le livre d'Enoch, contenant les fragments araméens provenant de la caverne

4 de Qumran, il est dit au chapitre 105-2 et 105-3:

" 2. (la femme de Lamech), devenue enceinte, mit au monde un enfant dont la chair était blanche comme la neige, et rouge comme une rose; dont les cheveux étaient blancs et longs comme de la laine, et les yeux de toute beauté. A peine les eut-il ouverts, qu'il inonda de lumière toute la maison. Comme de l'éclat même du soleil. 3.Et à peine fut-il reçu des mains de la sage-femme, qu'il ouvrit la bouche en racontant les merveilles d'Adonaï." Cet enfant était Noé. "qui devait être la consolation de la terre après la grande catastrophe"…bien qu'après le déluge, raconte Enoch :

107-1 :" J'ai vu ce qui y est écrit: les générations iront en empirant, [G et cela je

l'ai vu, jusqu'à ce que se lèvent les générations de justice. Le crime et l'iniquité cesseront,

l'injustice sera bannie de la terre,] jusqu'à ce que tous participent à la justice. "

En ces temps là, le sacré semblait plutôt consister en un rapport de forces entre

les Hommes et Dieu, les premiers ayant délibérément enfreint une loi divine,

encore qu'il semble que ce soient certains messagers (des anges) s'étant

accouplés avec des femmes et ayant appris aux hommes les secrets du ciel qui

l'aient enfreinte.

Ces secrets du ciel, nous rapporte Enoch, étaient les drogues, la sorcellerie, les

enchantements, et les propriétés des racines et des arbres (la botanique), la

fabrication des bracelets et des ornements, l'usage de la peinture, l'art de se

peindre les sourcils, d'employer les pierres précieuses, et toute espèce de

teintures, l'art de faire des épées, des couteaux, des boucliers, des cuirasses et

des miroirs, les exorcismes, la magie, la sorcellerie et les tours, l'astrologie, les

signes des étoiles, l'astronomie, les signes de la terre, les signes du soleil , les

signes de la lune… Michael et Sariel, Raphaël, Gabriel et Uriel, intervinrent auprès d'Adonaï et ce

fut Uriel qui fut chargé de prévenir Noé du grand cataclysme qui devait arriver.

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Mais ce ne sont point ces sciences qui furent gravées sur les colonnes d'Hénoch,

mais bien celles qu'avaient inventées Jabel et ses frère et sœur. Le Manuscrit

Cooke précise: " Certains disent qu'ils gravèrent les sept sciences sur les pierres, sachant qu'allait venir un châtiment."

On nous dit que les deux colonnes furent retrouvées après le Déluge, l'une par

Hermès, l'autre par Pythagore, et qu'ils nous révélèrent toutes les sciences et

les techniques qui y avaient été gravées.

On nous dit aussi comment les instructions du métier de maçon furent inventées

et transmises à 3000 maçons par Nemrod qui les envoya auprès de son cousin

Assur pour l'aider à construire la cité de Ninive; comment Euclide inventa la

géométrie, l'enseigna à ceux qui désormais s'appelèrent mutuellement

compagnons et désigneraient le plus expert comme maître; comment à l'occasion

de la construction du Temple de Salomon, ce dernier leur confirma les

instructions que le roi David , son père, leur avait données, et leur enseigna les

coutumes.

La suite du Manuscrit nous mène à la règle qui fut établie par le roi Athelstan,

qui fut jadis roi d'Angleterre, et qui fixe en neuf points les principes, les devoirs

que devront respecter, maîtres et compagnons maçons.

Dans tout cela, rien de très sacré, l'objet du manuscrit étant visiblement de

justifier la règle. Mais si nous nous référons à des textes plus récents, nous

pouvons y constater une sorte de glissement.

Le manuscrit Regius (1390) indiquait que c'était le roi Nemrod, constructeur de

la Tour de Babel, qui aurait été "notre premier et très excellent Grand Maître",

et c'est lui, et non le roi Salomon, qui aurait donné aux maçons opératifs leur

première règle de conduite.

En 1756, le manuscrit Thistle développe la narration du Régius, et ajoute que

Nemrod "fit des maçons…leur donna des signes et des mots de manière qu'ils fussent à même de se distinguer du reste de l'humanité…".

Toutefois, en 1726, le manuscrit Graham est déjà fortement teinté de ce

rapport de la maçonnerie à la gloire de Dieu: " - Nous voulons dire que nous rejetons l'hypocrisie (le pharisaïsme) et sommes différents de ces gens de Babel qui prétendaient construire jusqu'au ciel ; mais nous prions la Sainte Trinité qu'elle nous permette de construire d'aplomb et d'équerre afin qu'elle reçoive la louange qui lui est due. " Il semble que c'est vers la fin du 18ème siècle que la Légende du Métier, telle

qu'elle figure dans les Old Charges, cesse d'être centrée sur l'art de bâtir et

sur les origines de ce dernier, pour faire place à un récit empreint de morale

doublé d'une interprétation spirituelle.

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Si les colonnes J et B ont remplacé les colonnes d'Hénoch, il n'en reste pas

moins que la Maçonnerie, selon la formule de René Guénon " est l'Arche conçue et construite selon l'Archétype divin pour conserver ce qu'elle a reçu «from time immemorial» et le transmettre non seulement au bénéfice des initiés mais aussi pour le cycle futur qui procédera du nôtre pour une part."

Il y a l'Arche, avec le dépôt initiatique d'une multitude de filiations spirituelles,

aux symbolismes particuliers et aux structures méthodiques puissantes: Origine

préchrétienne de l'Ordre, intégration de l'hermétisme, "mots sacrés"

hébraïques venus se greffer par la nécessité de l'usage méthodique d'une langue

sacrée dans la démarche initiatique, ésotérisme chrétien véhiculé par la filiation

spirituelle templière dans ses composantes rosicrucienne et chevaleresque,

héritage enfin du Saint Empire, résorbé dans la Maçonnerie Ecossaise.

Comme le dit Denys Roman,

L'Ordre maçonnique " a été constamment "élu" pour devenir l'"Arche" où s'est produit l'"entassement" de tout ce qu'il y a eu de vraiment initiatique dans le monde occidental ".

(Denys Roman, «René Guénon et les Destins de la Franc-maçonnerie»,

Avant-propos)

Il y a l'Arche, et il y a l'espace qui l'entoure. Il n'y a d'espace sacré possible que

par rapport à un espace profane. Plus, il n'y a d'expérience de l'espace sacré que

parce que s'y oppose l'expérience de l'espace profane (Mircea Eliade).

La notion de temple intervenue tardivement en Maçonnerie n'était pas

indispensable pour que surgisse le sacré. Le marin qui regarde le soleil

disparaître à l'horizon peut soudain se sentir seul au monde, l'espace d'un

instant, accrocher son regard à l'étoile du soir, prendre conscience de ce qu'il

représente au sein de l'univers, se souvenir d'un visage, celui du Père ou de la

Mère de son enfance, projeter cette image et ressentir au plus profond de lui

une présence paisible qui s'écoule comme un fleuve tranquille, l'emplissant de

chaleur, de lumière, à tel point qu'il lui semble se dissoudre dans cet air qui

l'entoure. Il n'a pas choisi cet instant, ce lieu, et c'est comme si la Nature venait

de lui faire un signe mystérieux. Et il se dit que ce moment, ce lieu font partie de

la réalité, qu'ils ne sont pas pure illusion, et qu'il ne dépend que de lui que chaque

instant, chaque lieu puisse devenir aussi exceptionnel. Tout monde peut devenir

pour lui un monde sacré. Un monde où il prend conscience de sa totale intégration

à la Nature, et qui par conséquent, provient de la même source que tout ce qui a

été généré.

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Désirant prolonger cette expérience, il va tenter de recréer les conditions qui lui

ont permis de s'échapper du monde profane, et pour ce faire, pour sortir du

chaos de son univers quotidien, il va bâtir son monde, découvrir les lois qui

président à la création, celles qui régissent tout système, s'astreindre à un

rituel qu'il pourra vivre seul, mais pour lequel il ressentira rapidement la

nécessité de le partager, comme d'aucuns aiment partager leurs émotions à la

vue d'un coucher de soleil flamboyant.

Il lui faut pour cela reconnaître ses pairs, s'assurer qu'ils sont là pour "ériger

des autels à la Vertu et creuser un tombeau pour les vices ".

Quelle est cette Vertu, sinon celle qui englobe la Justice et la Vérité:

…J'ai vu ce qui y est écrit: les générations iront en empirant, jusqu'à ce que tous participent à la justice… ( Livre d'Enoch )

- Qu'avez-vous vu dans la loge quand vous avez regardé? - J'ai vu la vérité, le monde et la justice et l'amour fraternel. - Où ? - Devant moi. (Manuscrit Graham)

Il lui faut aussi apporter la Lumière, faire descendre en ce lieu cette lumière du

ciel qui viendra éclairer les esprits et réchauffer les cœurs, montrer et disposer

les trois Outils qui permettront aux trois Symboles de se manifester. Il lui faut

enfin ouvrir rituellement les travaux en s'unissant à ses pairs par un signe, et

qu'il le fasse ou non à la Gloire du Grand Architecte de l'Univers, il accomplit en

se signant un geste qui lui ouvre la porte du monde sacré, le faisant participer à

la re-création du Temps originel, au moment de la première seconde de l'Univers,

là où tous les possibles émergent du Chaos.

Se mettent en place les planètes, les métaux et les couleurs en un temps qui ne

coule pas mais semble se mouvoir en un éternel présent.

Vogue donc l'Arche sur les flots du Temps, immobile telle un bouchon sur les

ondes tumultueuses, dépositaire des savoirs du monde, avec pour objectif un

retour au réel, c'est-à-dire au sacré, au pur, à l'initial, au temps de la Sagesse,

de la Force et de la Beauté .

Le corbeau, la colombe dessinent de leurs ailes une mosaïque mouvante au gré du

vent, et nous rappellent que le réel quotidien est là, présent, à portée de main,

des yeux, des sens.

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Mais lorsque le goéland prend son vol, lourd et majestueux en ses premiers

battements, l'homme envieux aimerait lui aussi pouvoir battre des ailes et mille

anges en lui exacerbent son esprit. Quelques instants plus tard, tel un mirage

fugace, l'oiseau a disparu, évanescente flèche d'or. Seul le soleil semble se

suspendre au temps. Instants sacrés où plus un bruit n'existe, où l'homme-chair

est là et son esprit volatilisé.

Rêve d'éternité, d'un univers sans limite, d'un temps que l'on voudrait parfois

réversible, à la recherche du Bien, du Beau, du Vrai.

Un rêve où serait abolie la mort, un rêve où faisant corps avec le sol on aimerait

à la fois se fondre dans la terre et redevenir poussière, mais aussi se sentir

relevé, entouré, pour repartir sur un autre chemin, plus juste, plus vrai.

Enfantement cosmique au sommet d'une montagne, là où le Ciel et la Terre se

rejoignent pour y faire l'Amour. Et l'homme relevé devient axe du Monde, et son

corps devient Temple. Corps dressé, bras tendus en Y, s'engouffre en lui comme

en un trou noir le maelström des forces et des énergies de l'Univers. En un

instant, il a la vision des secrets du ciel, de tous ceux que les anges du livre

d'Enoch avaient dévoilés aux hommes. Mais il sait maintenant qu'il ne doit s'en

servir que pour créer un courant d'amour universel et y participer.

Eliminer en soi toute trace de violence et de haine, éliminer en soi et dans

l'esprit des autres, tout en respectant leur différence.

Au parvis de l'Homme, entre les colonnes du temps et de l'espace, il convient

d'avancer de trois pas, de s'arrêter, et de saluer en lui:

celui que symbolise la perpendiculaire

Ne t'arrête pas à mon aspect extérieur, frère. Je suis symbole aussi pour

toi et pénètres-en le sens caché. Apprends-moi, comprends-moi.

celui que symbolise le niveau

Gardien de la discipline, je respecterai ta règle, tes usages, tes coutumes.

celui que symbolise l'équerre

Parce que tu représentes pour moi la sagesse, accepte-moi comme je

t'accepte, et reconnais en moi ton semblable, ton égal, ton frère, homme

libre, Axe du Monde.

Puis se taire, écouter, habituer ses yeux à la pénombre et découvrir petit à

petit le monde de ses symboles.

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Apprendre à reconnaître :

celui qui à sa droite enregistrera vos paroles et lui sert de mémoire

celui qui à sa gauche est le gardien de ses règles et lui sert de conscience

Sans eux, il ne saurait être éclairé.

Puis découvrir à sa main gauche celui qui reçoit les dons, et à sa main droite,

celui qui aide et redistribue.

Sans eux, il ne saurait être juste et parfait

Puis ne plus voir en lui que les trois grandes lumières:

l'équerre, symbole de son corps

le compas, symbole de son âme

et le volume de la loi sacrée, symbole de son esprit

Indissociables et fusionnés en l'unité de l'être.

Prendre la mesure de son pavé mosaïque, observer sa marche à égale distance

du juste et de l'injuste, à égale distance de toutes dualités, et comprendre où

se trouve pour lui, le réel, le centre de la vie.

C'est ainsi que passé du parvis dans sa loge, vous pourrez espérer entrer dans

sa chambre du milieu. Il est midi, l'heure où le soleil ne s'élève plus et ne

descend pas encore. L'heure du "non temps". L'heure où tous les mystères

peuvent commencer, l'heure du partage du sacré, où les rituels mutuels vont

pouvoir s'interpénétrer, se confondre, s'enrichir de leurs différences.

Mais en ce lieu hors de l'espace, je sais que ce sol que je foule n'est que

simple illusion. C'est mon besoin d'agir qui me pousse vers lui. C'est mon désir

de mesurer les limites de mes passions qui me tient à distance respectable, à

distance sociale de lui.

Je ne saurais descendre dans la crypte de son temple, de même que je ne

saurais accéder au sommet de sa coupole.

Et pourtant, il me faut échapper à l'état d'inertie et d'obscurité de mon

cabinet de réflexion. Il me faut comprendre mes propres erreurs, ma propre

confusion. Il me faut comprendre mes incompréhensions. C'est au Nadir de

mon être que se trouve enfoui le germe de la Connaissance.

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Vaincre mes passions et mes peurs, c'est d'abord accepter l'involution, la

descente aux Enfers. C'est maîtriser la peur de l'obscurité, les yeux fixés

sur la flamme vacillante de l'Espoir, et ces yeux, peu à peu, s'habituant à la

pénombre, comprendre les symboles de la terre et de l'eau, et de l'air et du

feu.

Terre de mon corps, glaise pétrie avec l'eau pure de ma conscience, séchée

par l'air ubiquitaire de mon esprit et durcie par le feu de mon âme.

Je puis alors, avec volonté, frapper à la porte de mon propre temple, car

descendu en moi-même, j'ai appris à connaître et à combattre l'adversaire qui

est en moi.

Il faut savoir, mais aussi vouloir revenir au jour, renaître, franchir avec

humilité le seuil de ce temple intérieur où va se forger une communion avec

mes frères.

Mais saurai-je agir pour autant sans tenter de m'élever vers cette lumière

qui brille au-dessus de moi ?

Mes jambes fléchissent, mon corps boîte et trébuche. J'imagine cette

lumière dans le temps et l'espace, mais je sais que je ne m'y plongerai qu'hors

du temps et hors de l'espace.

Faible, j'ai besoin d'un père qui guide ma conscience. Je sais maintenant que

je ne puis me baigner dans la lumière sans mon frère.

Encore faut-il qu'après cette prise de conscience de l'état de connaissance,

lieu d'état d'équilibre et d'harmonie, je sache redescendre et reconnaître

mes frères. La tentation de vivre seul au Zénith de notre être est grande.

Me mouvant en esprit du sol à la crypte et de la crypte au sol et du sol à la

voûte et de la voûte au sol, j'accomplis en moi-même le cycle incessant et

tourbillonnant des atomes et des astres, et suis tout à la fois Monde et Axe

du Monde.

Initiation

G.H.

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Notre prochaine réunion aura lieu le jeudi 4 septembre à 21 heures, chez

Alain, s'il peut nous accueillir. Le thème en sera : " Les Luminaires ".

Cette réunion sera précédée du passage sous le bandeau de la profane

Michèle Tou, qui a frappé à la porte de notre Grande Loge des Rites

Confédérés. Tous ceux qui désirent y participer rituellement sont les

bienvenus. La tenue commencera vers 20 heures.

Pour information, l'initiation de cette future Sœur se fera à Chamarande

(près de Paris) le lundi 15 septembre, grâce au concours de notre Sœur

Liliana. Un "voiturage" est prévu pour ceux qui pourraient se libérer ce jour là.