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actualités | rétrovirus 6 OptionBio | Lundi 2 mai 2011 | n° 454 I l a été largement démontré que plus on contrôle tôt la charge virale chez les femmes enceintes infec- tées par le VIH, plus le taux de trans- mission à l’enfant est bas. Il existe toutefois une toxicité des traitements pour la mère comme pour le fœtus, ainsi qu’un risque de prématurité (mais pas de prématurité sévère). Une antiprotéase seule ou combinée au traitement conventionnel L’essai ANRS 135 Primeva a com- paré chez 105 femmes enceintes infectées par le VIH-1, ne requérant pas pour elles-mêmes un traite- ment antirétroviral, les effets d’une monothérapie par une antiprotéase (le lopinavir boosté par le ritonavir) utilisée seule ou combinée au trai- tement conventionnel (zidovudine/ lamivudine) chez 36 femmes. Ces deux traitements, qui avaient pour but de bloquer la transmission du VIH-1 de la mère à l’enfant, ont été administrés de 26 semaines de terme à l’accouchement, le bébé bénéficiant d’un traitement préventif AZT à la naissance. Une bonne efficacité antivirale en monothérapie La monothérapie par antiprotéase a montré une très bonne efficacité antivirale avec un très bon contrôle de la charge virale lors de l’accou- chement (91,3 % des femmes ayant moins de 200 copies/mL). Le pourcentage de femmes avec moins de 50 copies/mL du VIH-1 à l’accouchement était plus faible dans le bras monothérapie (79,7 %) que dans le bras conventionnel (97,2 %), mais il n’est pas certain qu’il soit nécessaire de baisser autant la charge virale pour prévenir la transmission du virus. Aucune transmission n’a été relevée chez les femmes traitées par mono- thérapie (un cas de transmission dans le bras conventionnel). Le pourcentage de césariennes et de prématurités a été équivalent dans les deux groupes. Limiter les effets secondaires toxiques chez l’enfant Grâce à une meilleure tolérance, le pourcentage de changements de traitement a été nettement moins important sous monothérapie par antiprotéase que sous traite- ment conventionnel (1,4 % versus 11,1 %). Ces résultats laissent penser qu’il est possible, dans le cas où la femme enceinte conserve un bon statut immunitaire (au moins 300 CD4/mm³) et n’a pas de charge virale élevée (< 30 000 copies/mL) d’utiliser une monothérapie par antiprotéase pour limiter le risque de transmission du virus à l’en- fant. Ceci pourrait limiter les effets secondaires toxiques d’ordre mito- chondrial rapportés chez certains enfants avec l’AZT ou la combinai- son AZT/3TC (troubles neurologi- ques, anémie, neutropénie). Les enfants de cette étude vont bénéficier d’un suivi sur deux ans afin d’analyser, à plus long terme, les différences en termes d’ef- fets secondaires liés à l’exposi- tion du fœtus aux deux stratégies thérapeutiques. | CHANTAL BERTHOLOM professeur de microbiologie École nationale de physique-chimie-biologie, Paris (75) [email protected] L es facteurs influençant la transmission du virus de l’im- munodéficience humaine (VIH) de type 1 restent mal élucidés chez l’homme. On sait que le prépuce joue un rôle important dans l’acquisition de l’infection et que la circoncision permet une diminution du taux d’ac- quisition dans une proportion de 50 à 60 %. Pourtant, même circoncis, 45 à 50 % des hommes peuvent toujours s’infecter. L’urètre moyen plus sensible Une étude (Yonathan Ganor), pré- sentée à la 18 e Conférence sur les rétrovirus et les infections oppor- tunistes (CROI), suggère que l’urè- tre joue un rôle déterminant dans l’infection. L’étude a été effectuée, grâce à une collaboration avec le service de chirurgie plastique et réparatrice du Pr Marc Revol (hôpital Saint-Louis, Paris), sur des cellules isolées de la muqueuse urétrale humaine saine ou des morceaux d’urètre masculin, reconstruits au laboratoire. Après mise en contact de ces élé- ments avec le VIH de type 1 durant une heure, il a été montré qu’une zone de l’urètre moyen, située à environ 2 à 3 cm du gland, est par- ticulièrement sensible à l’infection, alors que le VIH de type 1 ne parvient pas à pénétrer au niveau du méat urétral ou du gland. Le VIH de type 1 pourrait disséminer dans l’orga- nisme via l’urètre comme pour les autres germes responsables d’IST (gonocoque). Infection des macrophages par des cellules infectées et non par le virus L’épaisseur plus faible de la muqueuse de l’urètre moyen et sa structure simple non kératinisée favoriseraient le passage du virus à l’intérieur des cellules macropha- giques, nombreuses en cette région de l’urètre. Cette étude montre également, comme cela a déjà été démon- tré pour le prépuce, que le virus infecte les macrophages de l’urètre lorsqu’il est transmis par le biais de cellules infectées présentes dans le sperme et le liquide séminal alors que le virus libre est peu ou pas infectieux. Il faudra tenir compte de cette découverte pour la mise au point des stratégies antivirales à venir, comme pour celle des nouvelles substances virucides. | C. B. L’urètre, nouvelle porte d’entrée du VIH-1 ? Femmes enceintes : nouvelle stratégie de traitement par antiprotéase Source Étude présentée par M. Bomsel lors de la 18 e Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) et communiquée à la confé- rence de presse de l’ANRS, Paris, mars 2011. Source Étude présentée par R. Tubiana lors de la 18 e Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) et communiquée à la confé- rence de presse de l’ANRS, Paris, mars 2011. © Fotolia.com/Sebastian Kaulitzki

Femmes enceintes: nouvelle stratégie de traitement par antiprotéase

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6 OptionBio | Lundi 2 mai 2011 | n° 454

I l a été largement démontré que plus on contrôle tôt la charge virale chez les femmes enceintes infec-

tées par le VIH, plus le taux de trans-mission à l’enfant est bas. Il existe toutefois une toxicité des traitements pour la mère comme pour le fœtus, ainsi qu’un risque de prématurité (mais pas de prématurité sévère).

Une antiprotéase seule ou combinée au traitement conventionnelL’essai ANRS 135 Primeva a com-paré chez 105 femmes enceintes infectées par le VIH-1, ne requérant pas pour elles-mêmes un traite-ment antirétroviral, les effets d’une monothérapie par une antiprotéase (le lopinavir boosté par le ritonavir) utilisée seule ou combinée au trai-tement conventionnel (zidovudine/lamivudine) chez 36 femmes.Ces deux traitements, qui avaient pour but de bloquer la transmission du VIH-1 de la mère à l’enfant, ont été administrés de 26 semaines de terme à l’accouchement, le bébé bénéficiant d’un traitement préventif AZT à la naissance.

Une bonne efficacité antivirale en monothérapieLa monothérapie par antiprotéase a montré une très bonne efficacité antivirale avec un très bon contrôle de la charge virale lors de l’accou-chement (91,3 % des femmes ayant moins de 200 copies/mL).Le pourcentage de femmes avec moins de 50 copies/mL du VIH-1 à l’accouchement était plus faible dans le bras monothérapie (79,7 %) que dans le bras conventionnel (97,2 %), mais il n’est pas certain qu’il soit nécessaire de baisser autant la charge virale pour prévenir la transmission du virus.

Aucune transmission n’a été relevée chez les femmes traitées par mono-thérapie (un cas de transmission dans le bras conventionnel).Le pourcentage de césariennes et de prématurités a été équivalent dans les deux groupes.

Limiter les effets secondaires toxiques chez l’enfantGrâce à une meilleure tolérance, le pourcentage de changements de traitement a été nettement moins important sous monothérapie par antiprotéase que sous traite-ment conventionnel (1,4 % versus 11,1 %).Ces résultats laissent penser qu’il est possible, dans le cas où la femme enceinte conserve un bon statut immunitaire (au moins 300 CD4/mm³) et n’a pas de charge virale élevée (< 30 000 copies/mL) d’utiliser une monothérapie par antiprotéase pour limiter le risque de transmission du virus à l’en-fant. Ceci pourrait limiter les effets secondaires toxiques d’ordre mito-chondrial rapportés chez certains enfants avec l’AZT ou la combinai-son AZT/3TC (troubles neurologi-ques, anémie, neutropénie).Les enfants de cette étude vont bénéficier d’un suivi sur deux ans afin d’analyser, à plus long terme, les différences en termes d’ef-fets secondaires liés à l’exposi-tion du fœtus aux deux stratégies thérapeutiques. |

CHANTAL BERTHOLOM

professeur de microbiologie

École nationale de physique-chimie-biologie,

Paris (75)

[email protected]

Les facteurs influençant la transmission du virus de l’im-munodéficience humaine (VIH)

de type 1 restent mal élucidés chez l’homme. On sait que le prépuce joue un rôle important dans l’acquisition de l’infection et que la circoncision permet une diminution du taux d’ac-quisition dans une proportion de 50 à 60 %. Pourtant, même circoncis, 45 à 50 % des hommes peuvent toujours s’infecter.

L’urètre moyen plus sensibleUne étude (Yonathan Ganor), pré-sentée à la 18e Conférence sur les rétrovirus et les infections oppor-tunistes (CROI), suggère que l’urè-tre joue un rôle déterminant dans l’infection.L’étude a été effectuée, grâce à une collaboration avec le service de chirurgie plastique et réparatrice du Pr Marc Revol (hôpital Saint-Louis, Paris), sur des cellules isolées de la muqueuse urétrale humaine saine ou des morceaux d’urètre masculin, reconstruits au laboratoire.Après mise en contact de ces élé-ments avec le VIH de type 1 durant une heure, il a été montré qu’une zone de l’urètre moyen, située à environ 2 à 3 cm du gland, est par-ticulièrement sensible à l’infection, alors que le VIH de type 1 ne parvient

pas à pénétrer au niveau du méat urétral ou du gland. Le VIH de type 1 pourrait disséminer dans l’orga-nisme via l’urètre comme pour les autres germes responsables d’IST (gonocoque).

Infection des macrophages par des cellules infectées et non par le virusL’épaisseur plus faible de la muqueuse de l’urètre moyen et sa structure simple non kératinisée favoriseraient le passage du virus à l’intérieur des cellules macropha-giques, nombreuses en cette région de l’urètre.Cette étude montre également, comme cela a déjà été démon-tré pour le prépuce, que le virus infecte les macrophages de l’urètre lorsqu’il est transmis par le biais de cellules infectées présentes dans le sperme et le liquide séminal alors que le virus libre est peu ou pas infectieux.Il faudra tenir compte de cette découverte pour la mise au point des stratégies antivirales à venir, comme pour celle des nouvelles substances virucides. |

C. B.

L’urètre, nouvelle porte d’entrée du VIH-1 ?

Femmes enceintes : nouvelle stratégie de traitement par antiprotéase

SourceÉtude présentée par M. Bomsel lors de la 18e Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) et communiquée à la confé-rence de presse de l’ANRS, Paris, mars 2011.

SourceÉtude présentée par R. Tubiana lors de la 18e Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) et communiquée à la confé-rence de presse de l’ANRS, Paris, mars 2011.

© Fotolia.com/Sebastian Kaulitzki