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0 123 Festival AVIGNON 2006 CAHIER DU « MONDE » DATÉ JEUDI 6 JUILLET 2006, N O 19111. NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT Souvenirs. Trois générations de critiques du Monde p. 5 à 10 Découvertes. Stefan Kaegi et Oriza Hirata p. 4 et 11 Entretien. Peter Brook, le théâtre et la vie p. 12 et 13 Le chorégraphe Josef Nadj, artiste associé, donne le ton d’une programmation qui renoue avec le théâtre et les auteurs. Il fait l’ouverture dans la Cour d’honneur, avec Asobu (photo), création d’après l’œuvre d’Henri Michaux. En clôture de cette 60 e édition, qui se tient du 6 au 27 juillet, Olivier Py dirigera, toujours dans la Cour d’honneur, une lecture de textes de Jean Vilar, en hommage au fondateur du Festival. Le Monde se souvient de cette histoire unique et exemplaire.

Festival - Le Monde.frmedias.lemonde.fr/mmpub/edt/doc/20060705/792067_sup_avignon_060705.pdf · J ’aifaitàmonépoquelethéâ-tre de mon temps », disait Jean Vilar. C’est ainsi

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Festival AVIGNON2006

CAHIER DU « MONDE » DATÉ JEUDI 6 JUILLET 2006, NO 19111. NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT

Souvenirs. Trois générations de critiques du Monde p. 5 à 10

Découvertes. Stefan Kaegi et Oriza Hirata p. 4 et 11

Entretien. Peter Brook, le théâtre et la vie p. 12 et 13

Le chorégraphe Josef Nadj, artiste associé, donnele ton d’une programmation qui renoue avec le théâtreet les auteurs. Il fait l’ouverture dans la Cour d’honneur,avec Asobu (photo), création d’après l’œuvred’Henri Michaux. En clôture de cette 60e édition,

qui se tient du 6 au 27 juillet, Olivier Py dirigera,toujours dans la Cour d’honneur, une lecturede textes de Jean Vilar, en hommage au fondateurdu Festival. Le Monde se souvient de cette histoireunique et exemplaire.

J’ai fait à mon époque le théâ-tre de mon temps », disaitJean Vilar. C’est ainsiqu’en 1947 il fondait leFestival d’Avignon. Danscet après-guerre où la Fran-ce était à reconstruire, il

bâtissait à l’ombre du Palais despapes une utopie : du théâtre enprovince, des grands textes enplein air, au servicedu plus grand nom-bre.

En cette année2006, le Festival fêtesa 60e édition, qui alieu du 6 au 27 juillet.Soixante éditions, cesont trois généra-tions de spectateurs,des ruptures et desempoignades, desmoments de grâce etdes souvenirs pour demain. LeMonde avait 2 ans quand le Festi-val est né. L’histoire du Festival,chaque année recommencée, c’estaussi la sienne, chaque jour réécri-te. Trois générations de critiquesen témoignent, à commencer parMichel Cournot, qui était à Avi-gnon en 1947.

Pendant le Festival, cette60e édition – en attendant les60 ans, pour 2007 – sera fêtée parplusieurs événements, dont unelecture de textes de Jean Vilar,sous la direction d’Olivier Py,dans la Cour d’honneur. Ce serale 27 juillet, pour la clôture d’unFestival très attendu, après l’ondede choc de 2005.

En effet, de toutesles crises qu’aconnues Avignon, etelles sont nombreu-ses, celle de la 59e édi-tion fut une des plusvirulentes. Elle estnée de l’invitationlancée à Jan Fabre,artiste associé,autour duquel a étébâtie une program-mation radicale qui a

mis les nerfs à vif, tant du côté cri-tique que public.

La discussion a porté sur lamodernité et ses formes, la placedu théâtre et son enjeu, le pacteartistique et social. Vastes ques-tions, que déjà Jean Vilar affron-ta. Avignon est ainsi fait qu’il serenouvelle dans le débat.

« Comment redéfinir l’enjeuthéâtral ? », se demande JosefNadj. C’est lui l’artiste associé decette 60e édition, qui s’annoncebeaucoup plus calme que la pré-cédente. Le chorégraphe d’origi-ne hongroise présente dans laCour d’honneur Asobu, une créa-tion inspirée par Henri Michaux.Eric Lacascade prend sa suite etfait entrer dans la Cour Les Barba-res, une pièce très peu connue deGorki. Ainsi, le théâtre revientdans le saint des saints, d’où ilétait absent en 2005. De quoiapaiser plus d’un esprit.

Autour de Josef Nadj, il y aurades arts plastiques, avec Barcelo,et beaucoup de musique, en parti-culier du jazz (dont un concertd’Archie Shepp, T. McClung et leDresh Quartet, dans la Cour).Avec Bartabas, il y aura deuxorchestres, un de cordes, l’autrede vents, pour entraîner le grandgalop de Battuta, présenté pen-dant toute la durée du Festival.

Peter Brook lui aussi restetrois semaines à Avignon, avecSizwe Banzi est mort, une piècequi nous emmène à Soweto dansles années de l’Apartheid. On vaainsi beaucoup voyager dans letemps et dans l’espace. DuJapon, où Ozira Hirata cherche lechemin d’un « théâtre calme », à

la Suisse, d’où nous vient StefanKaegi, un jeune metteur en scèneen quête d’un théâtre politique etdocumentaire.

Hirata et Kaegi font partie desnouveaux venus au Festival, avecle Belge Guy Cassiers et les Fran-çais Joël Pommerat et Christo-phe Huysman. Beaucoupd’auteurs les accompagnent, deCopi à Koltès, de MargueriteDuras à Edward Bond.

La danse, elle, se fait plutôt dis-crète, même si sont présentsFrançois Verret, Jan Lauwers,

Alain Platel, Thierry Baë et LeSujet à vif, bien sûr. Mais il y aurabeaucoup de lectures, de débatset de rencontres, en particuliertrois jours pour parler d’« Unehistoire en mouvement », celled’Avignon, et vingt-quatre consa-crées à la décentralisation.

Et puis il y aura ces momentscomme seul le Festival sait enoffrir : une causerie de Pippo Del-bono, ou un Lever de soleil avecBartabas et son cheval, à 5 h 30,à la Carrière Boulbon. a

Brigitte Salino

Le théâtrerevient dans

la Cour d’honneur,

d’où il était absent

en 2005. De quoi

apaiser plus

d’un esprit

Après ThomasOstermeier, en 2004,et Jan Fabre, en 2005,Josef Nadjest l’artiste associéde la 3e éditiondirigée par HortenseArchambaultet Vincent Baudriller

Les présagesd’un horizon

apaisé

Coordination : Brigitte SalinoEdition : Christine ClessiRéalisation : Patricia Gauthieret Nadège RoyerDirection artistique : Marc TouitouIconographie : Laurence LagrangebEn couverture : « Asobu »,mise en scène et chorégraphieJosef Nadj.TRISTAN JEANNE-VALES/CIT’en scène

« Les Barbares », de Maxime Gorki, adaptation et mise en scène Eric Lacascade. PASCAL GÉLY/AGENCE BERNAND

0 123 - Jeudi 6 juillet 2006 - page 2 AVIGNON 2006

Josef Nadj file entre lesdoigts. Appuyé à une tablede café ou replié dans unbureau au Centre chorégra-phique d’Orléans qu’il diri-ge depuis 1995, le chorégra-phe aux grands cernes som-

bres, créateur d’une vingtaine depièces en près de vingt ans, ne sepose que pour mieux s’échapper.

La tête légèrement enfoncéedans les épaules, les mains occu-pées à rouler des cigarettes, il sem-bletoujours jaillird’unrêve,ensus-pend le cours, l’espace d’un ins-tant, pour mieux y replonger.Entre-temps, il aura fait défilerd’une voix sourde ses obsessions etfantasmes avec l’élégance noncha-lante de celui qui est là sans y êtretout à fait. Dans sa bulle, oiseaunoctambule, Josef Nadj veille, tis-sant inlassablement la toile de sagéographie intime.

Le cœur battant de cette spiraleest une petite ville, Kanizsa, situéeen Voïvodine, enclave hongroiseautrefois située en Yougoslavie,aujourd’hui en Serbie. Grâce auchorégraphe (né en 1957) pourlequel vie et œuvre sont inextrica-blement mêlées, cette bourgade de12 000 habitants, en passe dedevenir un mythe, appartientdésormais à l’imaginaire de tousles spectateurs de Josef Nadj.

Kanizsa, coupée en deux par lefleuve Tisza, affluent du Danube,queleshirondellesfrô-lent pendant qu’ons’y baigne. Kanizsaouvrant sur une plai-ne si longue et siimmense que leregard s’y perd. Sansmêmeyêtreallé,Kani-zsa« la ville que tout lemonde rêve de quittersans y réussir », là oùJosef Nadj possèdeune grande partie desa bibliothèque, se dresse, pétried’histoires toutes plus fascinantesles unes que les autres.

Dès 1987, la première pièce deJosef Nadj, présentée au Théâtrede laBastille, ouvre l’album desou-venirs. Sur un ton surréaliste,Canard pékinois recomposait lessouvenirs-éclairsd’ungaminnom-mé Nadj qui s’entraînait aux artsmartiaux dans un théâtre où unetroupe d’acteurs, rêvant de partirpour la Chine, finit par se suicider.

Un an plus tard, Sept peaux derhinocéros évoquait la mort dugrand-pèreduchorégraphe.Etain-si de suite. Les Echelles d’Orphée, en1992, dépliait celles des pompiersde Kanjiza qui gagnèrent le cham-pionnat du monde des pompiers àTurin en 1911 et se livraient parailleurs à des activités théâtrales enamateurs.

Fiction ou réalité ? Impossiblede vérifier et au fond peu importe.Oncroitdurcommeferàcesscéna-rios magiques d’une ville où toutpeut arriver et que Nadj sait incar-ner sur scène. En conteur, en cha-man, avec cette puissance à vifd’unêtrequin’apas lechoix, lecho-régraphe qui « danse sa mémoiresur scène », puise dans les coucheslesplussouterrainesdesonincons-cient pour en rapporter une languespectaculaire unique.

Chaque pièce, en particulier lespremières, socles de l’œuvre àvenir, réactive le passé avec la puis-sance d’un exutoire. Chapitreaprès chapitre, Nadj déploie leroman de la vie d’un Européennomade,filsd’uncharpentier,petit-filsd’unpaysan,qui tousdeuxdési-raient ardemment que Josef suiveleurs traces. Avec détermination, lechorégraphea choiside partirpour

bâtir un monde à la démesure deson décalage, de son désir de liber-té, sans jamais rompre pourtantavec sa famille et ses racines.

Celui qui à 11 ans exposait déjàses premières peintures, commen-ce des études aux Beaux-Arts deNovi Sad, puis à Budapest. Leservice militaire l’éloigne momen-tanément des arts plastiques aveclesquels il renouera en 1996 lorsd’une exposition de sculptures auCarré Saint-Vincent à Orléans.

De retour à Budapest, il décou-vre le théâtre du mouvement et raf-fine sa quête d’un art global, à lafois physique, visuel, musical. Arri-vant à Paris en 1980, il s’initie aumime auprès de Decroux et Mar-ceau, collabore à différents projetsen tant que danseur avec les choré-graphes Catherine Diverrès, MarkTompkins et François Verret.

Cet amalgame de formations,de techniques, consolidé par unesprit viscéralement constructif etfurieusement bosseur, a abouti àun style spectaculaire reconnaissa-bleau premier coupd’œil. Sur fondd’engrenage théâtral ou de scéno-graphiesen trompe-l’œil, lemondeselon Nadj est peuplé d’hommes-pantins habillés tout en noir quis’acharnent à extraire un sensmomentané de l’obscure saga dudestin.

La gestuelle, hachée, butée aus-si, parfois heureusement saisie par

un tourbillon, dessineunepartitionsophisti-quée, féroce, que lesdanseurs sublimenttelle une superbeépreuvedeforce.L’es-prit des arts martiaux,et plus spécialementde la lutte gréco-romaine, noyaute sadanse.

Josef Nadj n’est-iljamais aussi près de

chez lui que sur un plateau ? Parmiles repères scénographiques, latable, par exemple, renvoie à cellede son grand-père qui y dissimu-lait des livres sous un tissu. De cespremières lectures (de Kafka entreautres), Nadj a conservé une pas-sion vorace pour la littérature. Lesécrivains sont ses compagnons detraversée,sesappuismentaux.Kaf-ka donc, mais aussi Büchner dontil a adapté Woyzeck en 1994, BrunoSchulz, Jorge Luis Borges, récem-ment Raymond Roussel pourPoussières de soleil, servent depuisquelques années de ferment à sesspectacles.

De ces confrontations littérai-res, Josef Nadj extrait le jus néces-saire pour relancer sa sarabandesomnambulique, dégager d’autresvoies à son labyrinthe personnel.En cheminant au coude-à-coudeavec ces auteurs, il projette sesmotifs intimes sur l’écran de leursœuvres, déployant les différencesmais surtout les points communsdans un réseau aux multiplesrésonances.

Avec Henri Michaux, point dedépart de la pièce Asobu, pourlequel il développe un intérêt puis-sant depuis de longues années,tant pour ses écrits que pour sesdessins, le voisinage se révèle unemine de correspondances. Tousdeux dessinent, tous deux sont desvoyageurs. Le Japon, ultime desti-nation de Michaux avant la secon-de guerre mondiale, se révèle l’undes pays de prédilection de Nadj.L’Ailleurs de l’un comme celui del’autre n’est jamais qu’un détourpour rentrer chez soi. Partir pourmieux revenir. a

Rosita BoisseauVoir programme Josef Nadj, page 14.

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Thierry Baë, interprê-te et complice de Nadj(Canard pékinois et LesPhilosophes) présenteJournal d’inquiétude, unsolo sur le destin d’undanseur vieillissant.

Miquel Barcelo, pein-tre vivant entre Marjor-que, Paris et le Mali, par-tage ses outils de jeu(boue, sable,...) avecNadj pour Paso Doble,une performance enduo.

AkoshS.,saxophonis-te, né en Hongrie en1966, mêle musiquesethniques et free-jazz. Ila accompagné le groupede rock Noir Désir. Il don-ne deux concerts.

La galaxieNadj

L’homme de Kanizsa, en Voïvodine,recherche un art global physique et musical

Chaque pièce,en particulier

les premières,

réactive

le passé avec

la puissance

d’un exutoire

JosefNadj L’homme qui danse

sa mémoire

Josef Nadj, directeur du Centre chorégraphique national d’Orléans.RAMON SENERA/CIT’en scene

De haut en bas :Thierry Baë,ERIC BOUDET.

Akosh S., DR.

Miquel Barcelo,JÉROME CHATIN/L’EXPRESS/

EDITIONGSERVER.COM

2006 AVIGNON page 3 - Jeudi 6 juillet 2006 - 0 123

Ils viennent pourla première fois

Stefan Kaegispécialiste suisse

Ce metteur en scènede 33 ansrenouvellele théâtredocumentaireet politique

De haut en bas :Guy Cassiers, PATRICK DE

SPIEGELAERE. ChristopheHuysman, VINCENT PONTET.

Joël Pommerat, YANNICK

BUTEL

Guy Cassiers. Né en1960 à Anvers (Belgique),où il vient de prendre ladirection du Toneelhuis, ilfait découvrir Rouge décan-té, le récit autobiographi-que d’un auteur flamand,Jeroen Brouwers, qui,enfant, a passé deux ansdans un camp d’interne-ment japonais.

Christophe Huysman.Acteur, auteur et metteuren scène, c’est une têtechercheuse qui explore lesdomaines du cirque et dumultimédia. Il présente à laChartreuse Human, LaCourse au désastre et LesEclaireurs, une pièce pourun haut-parleur.

Joël Pommerat. Lesdeux pièces, Au monde etLes Marchands, qu’il a écri-tes et mises en scène,appartiennent à une trilo-gie qui donne une parole àceux qui n’en ont pas, lesexclus du monde du travail.

illust

ratio

nM

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Dan

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La maman bohême et Médée Dario Fo et FrancaRame / Didier Bezace La Mère Bertolt Brecht / Jean-Louis BenoitChair de ma chair Ilka Schönbein Antigone, Horsla loi Anne Théron Dissident, il va sans dire MichelVinaver / Laurent Hatat May Hanif Kureishi / Didier BezaceSpectacles Jeune public Le Petit Chaperon rouge /un froid de kronos / Petit Navire / La Forme d'une ville...et d'autres spectacles, des lectures, des Dîners, le Festival Ici et là...

Théâtre de la Commune - Direction Didier Bezace - 2 rue Edouard Poisson - 93300 Aubervilliers

Abonnements / Adhésions01 48 33 16 16

theatredelacommune.com

Avignon le découvre :Stefan Kaegi, unSuisse de 33 ansdont la réputationn’est plus à faireoutre-Rhin, surtout

dans la génération des jeunesspectateurs. C’est un garçon à ladrôle de voix, un peu cassée, quiaime s’asseoir dans des endroitsqu’il ne connaît pas pour écouterles gens. Il ne conduit pas, mais ila sillonné l’Europe en camion ouà vélo. Il n’a plus d’adresse depuiscinq ans, mais il va de ville en villeavec un sac de vingt-cinq kilos. Al’intérieur, il y a un ordinateur etdes cartes, ses attributs de géogra-phe de la modernité.

Avec cela, il porte le nom d’unchocolat suisse connu. Mais il n’arien à voir avec. Son père est uningénieur, qui, au moment où lesmontres Swatch sont sorties, tra-vaillait dans une entreprise qui avoulu lancer des téléphones enplastique « super bon marché

mais pop », sur le modèle desmontres. « Ça n’a pas marché dutout. Et c’était lui qui était chargédu projet », dit Stefan Kaegi.Cette histoire l’amuse beaucoup,comme tout ce qui déraille unpeu.

Lui-même a étudié en zig-zag.« J’ai commencé par la philoso-phie, mais je ne me suis pas accom-modé de la rectitude univer-sitaire. » Alors il fait l’école d’artde Zurich, dont il s’échappe avantle diplôme. Il part pour Giessen,en Allemagne, et s’inscrit dansune école de théâtre qui lie la pra-tique et la théorie. A ce moment-là, Stefan Kaegi veut être écrivain.Il rédige de nombreux textes, desnouvelles surtout, qui sont refu-sés par les éditeurs.

« Comme personne ne voulaitles imprimer, je les ai lus devant desgens. Mais je trouvais ça un peuennuyeux. J’ai commencé à utilisertoutes sortes de machines pourdéformer le son de ma voix et intro-

duire d’autres sons. Ça a très bienmarché. Le premier texte racontaitl’histoire d’un homme qui restechez lui, avec une immense carte. Ilveut comprendre comment marchele monde sans sortir de samaison. »

Stefan Kaegi ne termine passes études de théâtre, parce qu’iln’aime « pas trop » lire des piè-ces. Il préfère déjà « lire les jour-naux ou écouter des gens qui ontune raison de parler ». C’est en par-tant de là qu’il signe son premierspectacle, à l’université de Gies-sen : « Giessen est une ville trèsconnue pour son école vétérinaire.Il y a là, au milieu de l’Allemagne,toutes sortes de chameaux et d’ani-maux très étranges. J’ai connu unspécialiste de l’élevage des pouletsqui donnait des conférences pourles jeunes cultivateurs. Je l’ai invitéà venir en faire une, sur la scène del’université. On a dessiné une affi-che sur laquelle était écrit PeterHeller va venir parler de l’élevage

des poulets, avec une date. Lesgens ont cru qu’on allait faire duHandke, à cause de la longueur dutitre. Ils ont été très surpris. »

« Je ne dirai pas que ce PeterHeller… était une œuvre, reconnaîtStéphane Kaegi. Mais c’était uneexpérience qui montrait qu’on peutrecontextualiser la réalité avec lesmoyens du théâtre. » Après, les piè-ces du jeune Suisse sont devenues« beaucoup plus sophistiquées ».D’abord, il y a eu celles qu’il a fai-tes avec Hygiene Heute, sa pre-mière compagnie.

PROTOCOLEDIPLOMATIQUE

Stéphane Kaegi a organisé unCongrès des cochons d’Inde, àVienne, ou un Etat des fourmis,dans une galerie. Dans les deuxcas, il s’agissait de voir commentle comportement animal est unmiroir du comportement social.Puis il est passé à l’observationdirecte quand, avec deux amis, il

a fondé une nouvelle compagnie,Rimini Protokoll, en 2000. (Necherchez pas le sens de Rimini, ilsvoulaient trois « i » pour répon-dre aux « o » de protocole.)

Un de leurs premiers specta-cles concernait le protocole diplo-matique, raconté par des spécia-listes, dont un ambassadeurd’Autriche, invités sur la presti-gieuse scène du Burgtheater deVienne. Un autre les a menés àHanovre, où ils ont ausculté ledésir d’ordre du pouvoir, à tra-vers des caméras de surveillanceinstallées sur la place principalede la ville.

Stéphane Kaegi n’aime pasraconter ses spectacles, parce quecela les rend anecdotiques, quandil revendique une démarche nette-ment politique. « En Allemagne,le fait d’être politique a encore uneconnotation années 1970. La réfé-rence reste celle d’auteurs commePeter Weiss, Rolf Hochhut ou Hei-ner Müller. Je n’ai rien à voir avec

ça. Etre politique aujourd’hui,pour moi, c’est être documentaire.Dans ce domaine, le théâtre a prisbeaucoup de retard sur les artsvisuels. Il s’occupe encore de l’idéolo-gie, alors que, depuis une dizained’années, les arts visuels s’intéres-sent à l’économie. »

C’est ce théâtre-là, politique etsensible, qu’Avignon va décou-vrir, avec deux spectacles : le pre-mier Mnemopark, montre ce quecache la beauté de la Suisse, vuepar des modélistes qui construi-sent des trains. Il se donne dansune salle. Le second, Cargo Sofia-Avignon, emmène les spectateursdans un bus, à la découverte de ceque cache le décor d’Avignon,hors des remparts, sur le réseaudes camions qui sillonnent l’Euro-pe d’aujourd’hui. a

Brigitte Salino

Mnemopark, les 12, 13, 14 juillet, salleBenoît-VII. Cargo Sofia-Avignon, du 20au 25 (relâche le 23).

« Cargo Sofia-Avignon », de Stefan Kaegi. DAVID BALTZER/ZENIT

0 123 - Jeudi 6 juillet 2006 - page 4 AVIGNON 2006

Par Michel Cournot

Agauche du Palais,des marches à mon-ter.Notre-Dame-des-Doms. Puis un jar-din, il ne bouge pas,il est là depuis la pre-

mière année du Festival, et bienavant. Le 17 décembre 1914, PaulClaudel, qui venait d’embrasser sasœur Camille à l’asile de Montde-vergues, passe par Avignon et s’ar-rête dans ce jardin : « Le délicieuxparc. Vue admirable sur le Ventoux,la plus longue, la plus belle, la plusharmonieuse ligne de montagnesque j’aie vue de ma vie. » Il avaitpourtant beaucoup voyagé, déjà.

Dans ce parc, de nos jours, enjuillet, autant dire personne. Etrues et places d’Avignon bondées.En 1946, l’éditeur d’art parisienChristian Zervos décide de créer,dans l’enceinte du Palais, une« Semaine d’Art » : peinture,musique, théâtre. Il propose à JeanVilar de venir jouer dans la grandecour Meurtre dans la cathédrale deT.S. Eliot, une réussite trèsbrillante de Vilar, qui répond :« C’est un lieu informe, je ne parlepas des murs, mais du sol ; techni-

quement, c’est un lieu théâtralimpossible, et c’est aussi un mauvaislieu théâtral parce que l’Histoire yest trop présente. »

Cependant, Vilar est tenté dejouer quelque chose, dans cepalais si beau ; quinze jours deréflexion, et, tranquille, il déclare :« Ce palais est peut-être de tous leslieux du monde le plus apte à noussoutenir dans notre engagement. »Il reste que le sol de la cour, touteen pentes, excavations, talus, est« injouable ».

Intervient l’homme providen-tiel, communiste, grand Résistant,le maire d’Avignon, GeorgesPons : il soutient Zervos et Vilar, etil demande aux soldats du régi-ment du 7e Génie de venir aplanirle redoutable sol. Les militairessont enthousiastes. Vilar vaannexer aussi, de l’autre côté duPalais, le jardin d’Urbain V, uneforêt enchantée, une jungle defleurs et d’insectes. La grande cha-pelle abritera l’exposition d’art,Picasso, Braque, Matisse, Gia-cometti, Léger, Klee…

La « Semaine d’Art » va deve-nir le « Festival d’Avignon ». Ce

qui n’est alors pas prévu, c’estqu’aux quelques œuvres de théâ-tre du Festival officiel viendront segreffer, dans des lieux de fortune,des pièces de fortune, aujourd’huien 2006 elles sont plus de sixcents, et ce sont elles que choisis-sent, venus de la France et de l’Eu-rope entière, les spectateurs engrande majorité (souvent ilslouent d’avance, en supplément,une place pour l’une des chosesjouées dans la grande Cour).

Oublieuse mémoire ! Des cen-taines de chefs-d’œuvre donnéspar le Festival officiel depuis60 ans dans la grande Cour etailleurs, duquel surtout se souve-nir ? Quand Paul Claudel décou-vritdu haut d’Avignon « laplus bel-le ligne de montagnes », il s’écria :« O adorable lumière ! soleil, jen’aime que toi ! »

DE LA PEURÀ L’APAISEMENT

Choisissons l’inverse, les ténè-bres, la nuit, le noir. C’était en1993. Dix-huit aveugles d’Avi-gnon et de la région faisaiententrer, par groupe de dix, les spec-

tateurs, dans une caverne noire,noire absolument. La visite duraittrois quarts d’heure. Les specta-teurs avaient une canne, maisavançaient surtout en portant lesmains en avant ou en tâtant le solavec leurs pieds.

Dans le noir la substance desparois, lisses, rugueuses, spon-gieuses, et celle des sols, durs oumousseux, gravier ou tapis, oumacadam, calment un peu notreangoisse, notre vertige. Ce granitéd’un mur à main gauche, ce sablesous la plante des pieds, nousdisent quelque chose : en un sens,un tout petit sens, nous les« voyons ». Nous allons reconnaî-tre l’écorce d’un arbre, sesaiguilles, les planches et la balus-trade d’un petit pont en dos d’âne,il y a aussi le son puisque nousallons entendre, avant de la tou-cher, l’eau d’une fontaine.

Le sentier tourne, la main palpedes rondeurs, des arêtes, descreux : le visage d’une statue. Desmarches à franchir, le métal d’uncapot de voiture, le bord d’un trot-toir : la ville. Aboiements de chien,motocyclettes, passage d’un avion

assez bas, tables et chaises sur uneterrasse. Puis la proche campa-gne, les faubourgs, un dancing,l’ovale d’une bouteille de Coca oude Perrier, le bord strié d’une piè-ce de monnaie. Un talus abruptpas facile à descendre, une lueurlà devant : c’est la fin !

Le jour. Nous nous regardons,un peu autrement. Ce n’était rien,juste un jeu. Nous sommes passésd’une peur à un apaisement.D’une maladresse entière à unaccommodement. Nous avons« vu », avec les doigts, avec l’ouïe,un tout petit peu de choses. Maisce qui l’emporte, de beaucoup,c’est notre regard sur la guide,vraie aveugle, elle qui a conduitnotre file de dix voyants à l’aveu-glette. Son visage est serein, sou-riant. Nous fixons ses yeux qui nevoient pas.

Cette jeune femme, claire, bel-le, est dans sa nuit. Plus cruelleque nos jours. Je pense à ces motsde René Char, que je ne com-prends pas mais qui me suivent :« Cette part de l’obscur comme unegrande rame plongeant dans leseaux. » a

Notre histoire,c’est celle d’un festival,né en 1947et d’un journal,né en 1945.Trois générationsde critiques du Mondese sont succédéà Avignon.Elles témoignent ici

De haut en bas :

Jean Vilar (1947-1971),AGNÈS VARDA AGENCE ENGUERAND.

Paul Puaux (1971-1979),MARC ENGUERAND.

Alain Crombecque(1985-1992),MARC ENGUERAND.

Bernard Faivre d’Arcier(1980-1984 et 1993-2003),

TRISTAN JEANNE-VALES

AGENCE ENGUERAND.

Hortense Archambaultet Vincent Baudriller

(depuis 2003),MARC ENGUERAND.

Les cinqdirections

maccreteil.com / 01 45 13 19 19

une saison avec nous

,

L’honneurde la mémoire

« Le Soulier de satin », de PaulClaudel, mis en scène par AntoineVitez, dans la Cour d’honneur,en 1987. MARC ENGUERAND

2006 AVIGNON page 5 - Jeudi 6 juillet 2006 - 0 123

0 123 - Jeudi 6 juillet 2006 - page 6 AVIGNON 2006

SAISON 2006 / 2007LE MANUEL D’EPICTETE / Sami FREY

LE SUICIDÉNicolaï ERDMAN / Jacques NICHET - TNTdu 6 au 22 octobre – Première en Ile-de-France

Jazz / Kora Jazz TrioJazz / SixunLa Périchole/Offenbach/Julie Brochen/Création Fest. Aix-en-ProvenceDanse / Carmen / Ballet Antonio GadèsConcert Bal / Caratini Jazz Ensemble et ses invitésRock / Louis Bertignac

IPHIGENIE, SUITE ET FINEURIPIDE et Yannis RITSOS / Guillaume DELAVEAUdu 30 nov. au 17 décembre – Première en Ile-de-France

Premier Prix du Concours “Jazz à La Défense 2006“Jazz / Renaud Garcia-Fons et Sylvain Luc Duo – CréationJazz / Patrice Caratini Jazz Ensemble – Création

RENCONTRES EXCEPTIONNELLESautour du spectacle “Le dialogue improbable”14 et 16 janvier

LE DIALOGUE IMPROBABLEEliane GAUTHIER et Paul-Jean FRANCESCHINI /Patrice KERBRATdu 18 janvier au 4 février - Création

Jazz / Aldo Romano chante

HEDDA GABLERHenrik IBSEN / Thomas OSTERMEIER (Berlin)du 31 janvier au 11 février - Première en France

Jazz / Elisabeth Kontomanou Quartet

CYMBELINESHAKESPEARE / Declan DONNELLAN (Londres)du 7 au 25 mars – Première en France

Jazz / Stéphane Belmondo - Antoine Hervé duo – CréationJazz / Orchestre National de Jazz / Franck Tortiller

LES RENDEZ-VOUS CHOREGRAPHIQUESDE SCEAUX – du 27 avril au 30 maiMaryse Delente, Frédéric Flamand/Dominique Perrault,Abou Lagraa, Angelin Preljocaj,Russell Maliphant (Londres) - Première en France

RufusJazz / Bojan Z Trio

TÉL. 01 46 61 36 67

Juillet 1952. Les vacan-ces… J’avais décidé, sansle dire à personne, d’allerà Avignon, parce quej’avais appris qu’il exis-tait là, depuis cinq ans, unfestival en plein air. Il me

fallait revoir chez lui, au sud, ceJean Vilar qui m’avait tant impres-sionnée deux ans plus tôt dansHenri IV, de Pirandello, à l’Ate-lier, ou en Destin des Portes de lanuit, et qui, lointain successeur deFirmin Gémier, venait d’être nom-mé directeur du Théâtre nationalpopulaire. Avec un Cid inoublia-ble à Chaillot. Une salle souterrai-ne impossible et démesurée de2 800 places que l’ONU venaitseulement de libérer, où l’on arri-vait par un interminable escaliermécanique alors que résonnaientles trompettes de Maurice Jarre.

J’avais 19 ans, et le théâtre étaitpour moi une autre vie, un por-tillon entrouvert sur le monde, surla politique, sur la littérature.J’aurais pu me qualifier de specta-teur professionnel. Je découpaisles critiques de Robert Kemp, deJean-Jacques Gautier et de Jac-ques Lemarchand ! Avant, j’avaisconnu, comme un prolongement

du lycée, les abonnementsclassiques du jeudi de la Comédie-Française, Jean Yonnel et VeraKorène, Horace et Arlequin, lepoint-rencontre près de cette sta-tue d’Alfred de Musset qui adisparu dans le recoin de lacolonnade…

J’avais choisi de faire unmémoire de fin d’études intitulé« Le Théâtre à la recherche de sonpublic », ce qui ne parut passérieux à la direction d’HEC-JF(en ce temps-là, les études haute-ment commerciales n’étaient pasmixtes…). Puis j’avais découvertqu’il existait aussi une autre sortede théâtre : l’avant-garde, disait-on, Ionesco et Adamov, Beckett...

J’avais vu deux fois En atten-dant Godot dans une salle bizarrequi s’ouvrait dans un porche d’im-meuble du boulevard Raspail, oùun homme myope à fines lunettescerclées de fer et en chemise russebrodée qui aurait pu jouer dans lapièce – c’était Jean-Marie Ser-reau – vendait les billets avant lespectacle de Roger Blin, l’hommede théâtre le plus important, selonmoi, de cet après-guerre. AvecJean-Louis Barrault. Et JeanVilar !

Au petit matin, ce fut d’abordpour la première fois, depuis lagare, la marche vers le Palais, queje n’avais jamais vu. Sur les mursde la rue de la République, des affi-ches grises annonçant le « Festi-val d’art dramatique au Palais despapes » balisaient discrètementle chemin ; les trois clés et les let-tres au pochoir de Jacno n’apparaî-traient qu’en 1954, l’année duDon Juan.

C’était le 6e Festival. Avec deuxpièces dont le choix était déjà unmanifeste : Le Prince de Hom-bourg, de Heinrich von Kleist(une reprise de l’an dernier), etune création, Lorenzaccio, d’Al-fred de Musset, mis en scène etinterprété par Gérard Philipedans un rôle qui, après SarahBernhardt, n’avait jamais été jouépar un interprète masculin. Deuxpersonnages romantiques : unpatricien débauché qui aspire àlibérer Florence en assassinant letyran, son cousin Médicis ; et unsomnambule Hohenzollern prêt àaccepter la mort les yeux bandés.

Spectacles inoubliables pourles rares spectateurs qui peuvents’en souvenir. Images iconiquesheureusement conservées grâceaux images immobiles d’AgnèsVarda qui ont nourri la mémoirede générations DéVéDéphages.Sétoise comme la famille Vilar,photographe débutante, Varda fai-sait partie de « la tribu », et elleétait partout, aux spectacles com-me aux répétitions, à l’Auberge deFrance, créant ces photos noir etblanc qui nourrissent la mémoire,même de ceux qui n’étaient pas là.Comme cela ne lui suffisait pas,entre deux festivals, elle s’essayaau cinéma chez elle, près del’étang de Thau, avec des comé-diens de théâtre, Sylvia Montfortet Philippe Noiret ; c’était La Poin-te courte (1955), le premier film dela Nouvelle Vague.

J’avais décidé de revenir tousles ans.

Avignon, c’était la maison defamille que je n’avais pas. Mon« université » selon Gorki. Etu-

diante anonyme (je ne suis venuepour Le Monde qu’après l964), jene connaissais personne, j’ache-tais mes places, je lisais assidu-ment la revue Théâtre populaire(Roland Barthes, Guy Dumur,Morvan Lebesque), j’apercevaisles acteurs de loin dans les rues ousur la place de l’Horloge, je lesapprochais lors des rencontresdans le délicieux Verger d’Ur-bain V ou au bar de la Civette, oùla troupe prenait un café avant lareprésentation.

LA RÈGLEDES TROIS UNITÉS

J’avais trouvé à dormir àl’Auberge de jeunesse, dans l’ilede la Barthelasse – qui disparutbientôt –, puis à la Magnaneraie,une belle demeure familialeau-delà de Villeneuve, où j’allais àvélo. Surtout, j’attendais le soirquand, la nuit tombée, la place del’Horloge se vidait et quand touteune ville marchait vers les rem-parts de cet édifice fabuleux, magi-que, qui était déjà un décor dethéâtre. Je ne peux oublier la pre-mière fois où je suis entrée dans lacour.

La Cour ! C’était avantMalraux. Brut de décoffrage, ellen’avait pas encore subi de ravale-ment et gardait des traces de lacaserne qui l’avait longtempsoccupée. Une gouttière barra éga-

lement pendant longtemps lenoble mur qui, comme dans lethéâtre grec ou romain, était leseul décor avec les drapeauxmulticolores, sans doute uneréférence aux joutes sétoises. Unarbrisseau subsista lontempsprès de la scène, côté jardin. Onsut, un jour, que, pendant unerépétition, Gérard Philipe étaittombé sous le plateau et qu’il yavait là un puits béant. Contusion-né, il fut le soir le prince de Hom-bourg aux côtés de JeanneMoreau. Le mistral ne soufflaitpas trop fort cette nuit-là.

Pendant « mes » années d’Avi-gnon, le Festival avait respectéune règle des trois unités : un« patron », une troupe, un seullieu. Cette rigueur protestantesans bondieuserie me satisfaisait.Deux ou trois spectacles parannée : Macbeth avec une MariaCasarès inoubliable, Dom Juan,Marie Tudor, Mère courage, LesCaprices de Marianne, tantd’autres, jusqu’à Thomas More oul’homme seul, en 1963, la dernièremise en scène de Vilar, qui venaitde quitter la direction du TNP enconservant la direction d’Avi-gnon.

Le deuxième âge du Festivalcommençait. En réaction à la rou-tine avec l’invitation faite àd’autres metteurs en scène (Plan-chon, Lavelli, Bourseiller), l’ouver-

ture à d’autres arts (la danse, avecMaurice Béjart, en 1966, le ciné-ma, avec une unique projectionde La Chinoise, le 3 août 1967),avec d’autres lieux (cloître desCarmes, cloître des Célestins...).

Ce fut au cloître des Carmes,où était programmé le spectacledu Living Theatre, Paradise Now,fin juillet 1968, qu’eut lieu l’alter-cation historique de Julian Beckexigeant de Vilar… la révolution.Le monde avait changé. Le théâ-tre aussi : des guerres d’indépen-dance avaient éclaté, uneIIIe République était morte, uneIVe était née dans la douleur, descentres de recherche et des reven-dications sociales donnaientmatière à des colloques, des étu-diants révoltés contestaient unpeu partout. Le Festival de 1968s’ouvrait dans l’inquiétude. Vilarfut balayé et ne s’en releva pas.

Avec la prise de pouvoir du« off », rendez-vous de compa-gnies de partout, une vitalité nou-velle du théâtre s’était emparée dela ville où les « festivaliers » prisde fringale comme dans un super-marché et les agents français etinternationaux pouvaient auscul-ter des centaines de spectaclespour établir leur programmation.C’était la mondialisaton d’Avi-gnon.

Je ne suis jamais revenue auFestival. a

C’était le tempsde Jean Vilar

1951. LE PRINCE DE HOMBOURGET LE CID. Gérard Philipe jouepour la première fois à Avignon.Jean Vilar lui a proposé le Cid, deCorneille, et Le Prince de Hom-bourg, de Heinrich von Kleist.C’est le triomphe. Gérard Philipedonne une jeunesse éblouissan-te à Corneille et suscite l’émer-veillement. Son prince de Hom-bourg est rêveur et somnambu-le. Aucun de ceux qui l’ont vu n’aoublié sa chemise blanche flot-tant dans le mistral.

1954. MACBETH. Shakespeareest présent depuis le début duFestival. Mais avec Macbeth, ilunit deux visages inoubliables :ceux de Maria Casarès et de JeanVilar, qui jouent Lady Macbeth etMacbeth.Lejeu de MariaCasarèsporte la mise en scène de JeanVilar qui déploie le drame shakes-pearien comme une liturgie.

1967. MESSE POUR LE TEMPSPRÉSENTET LA CHINOISE. Leciné-ma entre pour la première foisdans la Cour d’honneur, avec laprojection en première mondialedu film culte de Jean-Luc Godard.Quant à Béjart, il donne ce qui res-tera une de ses plus grandes cho-régraphies, La Messe pour letemps présent, dont la musiqueest signée de Pierre Henry.

Par Nicole Zand

« Le Cid », de Pierre Corneille, mise en scène Jean Vilar, avec Gérard Philipe et Maria Casarès, 1958.AGNÈS VARDA AGENCE ENGUERAND

ON SE SOUVIENT

2006 AVIGNON page 7 - Jeudi 6 juillet 2006 - 0 123

Et Alain Crombecque est arrivé

Histoired’une

parenthèse1972. RITUEL POUR UN RÊVEMORT. Carolyn Carlson, choré-graphe américaine, est l’enfantchéri des Français depuis queRolf Liebermann lui a confié lamission d’introduire la dansecontemporaine à l’Opéra deParis. A Avignon, elle dansedans la compagnie d’AnneBérenger et tous les specta-teurs ne voient qu’elle.Injuste ? Sa silhouette est sasignature.

1976. EINSTEIN ON THE BEACH.Bob Wilson vient pour la pre-mière et la seule fois àAvignon, avec Einstein on theBeach, classé dans un genreaujourd’hui délaissé : le théâ-tre musical. Phil Glass signe lamusique et Andrew Degroat lachorégraphie de cet « opéra »inoubliable inspiré par une pho-to d’Einstein sur une plage : unvoyage en apnée dans letemps mortellement blanc del’explosion atomique, queWilson travaille en prodigieuxplasticien.

1978. EN ATTENDANT GODOT.Géant au crâne rasé, Tchèqueprivé de son théâtre en sonpays, pour des raisonspolitiques, Otomar Krejcaintroduit un Godot céleste et fra-gile dans la Cour d’honneuravec, pour le servir, Michel Bou-quet, Rufus, Georges Wilson etJosé-Maria Flotats. La fouleapplaudit.

1981. MARIE WOYZECK. Man-fred Karge et MatthiasLanghoff, transfuges de l’Est,ont rebaptisé le Woyzeck deBüchner en Marie Woyzeck :deux individus à la recherched’une improbable liberté,jouets d’une société meurtriè-re de ses enfants. Du théâtrecinglant, terrible et burlesque.

Les armoiries des villesévoquent plus sou-vent des rêves quedes réalités. Au lieudes trois clefs styli-sées qui parlent d’ave-

nir à ouvrir durablement, d’éterni-té, d’absolu, le blason d’Avignondevrait s’inspirer de son fameuxpont coupé, symbole de transi-tion interrompue. Deux datesenferment ce qui n’aura étéqu’une parenthèse, comme surles tombes : 1947-1968. Vingt etun ans : la belle âge pour une uto-pie ! Deux guerres nous ont blin-dés contre le scandale de jeunes-ses saccagées en pleine fleur.

1947. L’ancêtre du TGV – lebien nommé « Mistral » – metdéjà les platanes de Provence etleurs écorces pâles comme desguerriers scythes (dixit Valéry) àsept heures de la gare de Lyon.Sous une photo d’Antibes, sapatrie, Audiberti, crâne debagnard. Son tour viendra d’êtrejoué à la Mecque théâtrale qu’an-nonce le tout nouveau Festival.Pour l’heure, il somnole, pas songenre.

La montée vers la muraille duchâteau prend d’emblée l’allured’un pèlerinage. La pierraille dela Cour d’honneur attire et attiseles ferveurs, comme Chartres,Vézelay ou le Mont-Saint-Michel

aperçus de loin par les croyantsen marche. Le haut lieu a déjà sonarchange Gabriel : GérardPhilipe, blancheur frémissanteque rien n’arrête.

La conviction qui unit scène etsalle vient de loin, dès avant 36.De Michelet à Jaurès, de Gémier àRomain Rolland, Copeau et Dul-lin, il n’a pas manqué de tribunset de comédiens pour rêver de ren-dre le répertoire classique à lamultitude qui l’a suscité (voir l’es-sai récent de Chantal Meyer-Plan-tureux, Théâtre populaire, enjeuxpolitiques. De Jaurès à Malraux,Ed. Complexe). Les classes labo-rieuses ne sont pas vraiment aurendez-vous de 1947, mais ellesne se sentent plus les invitées desbourgeois férus d’adultères enécrins de velours rouge.

« VILARÉGALE SALAZAR ! »

Les servants du nouveau cultes’appellent Dort, Barthes, et unecertaine Jeanne Laurent, fonction-naire de la Rue de Valois. Et sil’art dramatique devenait une mis-sion de l’Etat, à l’égal de l’instruc-tion ? Il arrivait donc que l’admi-nistration visionne l’avenir ! Com-ment résister au coup de foudre, àl’assaut de la foi nouvelle, quandles troupes, au moment des bra-vos, s’élancent en courant vers la

salle, au risque d’y chuter ! Toutecette confiance illuminée, cepen-dant que le maître des lieux, àl’ombre d’un portant, savoure cetriomphe d’une vie, pasteur d’unemorale ascétique dans son flam-boiement !

1968. Le « Mistral » est en grè-ve. Les pompes à essence sont àsec. Les émeutiers du Quartierlatin cherchent d’ultimes ciblespour leurs « happenings » anti-tout. Une génération a suffi pourque la « nouveauté » du TNP etd’Avignon semble une vieillerie,une ruse du « grand capital »pour désarmer les masses. Lamode s’installe des slogans dontles rimes approximatives tiennentlieu de pensée politique. « Vilarégale Salazar ! » Prétexte au cha-hut : une troupe new-yorkaise, leLiving Theatre, qui prône la révol-te par le nu en montrant ses fessesau Cloître des Carmes. Le proléta-riat attendra ; libérer les sexuali-tés d’abord, sans la médiationvieillotte des grands textes ! Ledroit à n’importe quoi pour tous !

Sur la démagogie de ces provo-cations, Régis Debray a exercéson talent de pamphlétaire (Sur lepont d’Avignon, collection CaféVoltaire, Flammarion). En gros :Kleist et Büchner, Corneille etMusset, ce n’est pas si ringard. Çadit plus de choses que la partouze

importée d’« off Broadway » !L’universalité, camarade ! Et leCharme, la Beauté, que Bourdieun’a peut-être pas eu raison de sus-pecter !

Après le spectacle, les cafés dela place d’Avignon ont perdu leurgaîeté. A l’ombre d’une auberge,Vilar s’interroge, seul. Gérardn’est plus. Les fils du TNP quipoursuivent le rêve en provincen’ont pas bondi au secours de leurinspirateur. Seuls les machinistesCGT ont eu le réflexe de défendrephysiquement le patron. L’amer-tume de ce dernier est visible, onla dirait inguérissable.

De se savoir chahuté, lui et sonidéal, par des fils de famille enmal de criailleries et de rodomon-tades, en attendant de monnayerdans la « com’ » leur pratique dela manipulation, cette impostureen marche le consterne. En quoile slogan de la créativité pour tousdevrait remplacer le Beau ? Lessaluts interminables de la Courd’honneur, n’était-ce doncqu’une survivance, un rite bientôtrisible ?

Vilar allait mourir quelquesmois plus tard, comme si le désa-veu inique de 68 l’avait atteintdans sa chair ! a

ON SE SOUVIENT

Comment ça se passe,Avignon ? », avaitdemandé la critiquedébutante. « C’estsimple, lui avait-onrépondu, tu sors de la

gare, tu franchis les remparts, turemontes la rue de la République,tu arrives place de l’Horloge et tuvas à la Civette. Tu verras, tout lemonde est là. » C’était au débutdes années 1980, et la Civetteétait le bar où les metteurs en scè-ne de la Cour dégrisaient leurinquiétude, où les comédiens croi-saient leurs rôles, où les pariss’ouvraient. Juste à côté, l’Auber-ge de France où Vilar avait eu ses

habitudes, affichait une façaderefaite peu avant, au désespoir denostalgiques qui aimaient s’as-seoir à la table du « Patron ».

Ainsi, de la place où mainte-nant trône un manège dont lemouvement va dans le sensinverse des aiguilles d’une mon-tre, la critique débutante décou-vrait une vie en même tempsqu’une ville : celle du Festival, quidésormais serait un temps horsdu temps dans l’année. Avignondeviendrait l’endroit où, commenulle part ailleurs, on peut pen-ser, ne serait-ce qu’un instant,qu’il n’y a rien de plus importantau monde que le théâtre.

Les années passeraient, le mon-de changerait, mais rien ne vien-drait contredire cette premièreimpression. Si forte d’ailleursqu’elle s’accommode mal des sou-venirs personnels, qui paraissenttoujours inconvenants. Pourtant,ils sont là, dans une nuit souventlumineuse traversée d’amis mortset d’enfants à naître, de ralentis etd’échappées belles. Comme est làcette sensation de la rosée sous lespieds, quand, l’écriture de l’articleterminée, vient le temps béni oùl’on regarde le jour se lever surune terrasse dominant la ville.

A Avignon, tout se confonddans une durée qui n’a qu’unobjet : le théâtre. La ville y perdses repères. Même le Rhône, sibeau quand il est lisse et que lesmurs du Palais se reflètent en lui,joue les figurants fugaces. L’on enviendrait presque à douter que cer-tains jours, on a vu les femmes deprisonniers parler à leurs compa-gnons, elles en haut du jardin desDoms, eux en contrebas, dans lacour de la prison. Elles criaientpour se faire entendre. Des grilla-ges avaient été posés pour qu’ellesne puissent plus envoyer de colis.

UN SILENCECLANDESTIN

La prison est aujourd’hui vide,comme l’endroit qui fut le plusrêveur d’Avignon, le vergerUrbain-V, là où des photos mon-trent Vilar sur une estrade debois, débattant avec le public. Il yavait l’herbe et des arbres, et il estarrivé d’y passer une nuit entièreà écouter un récit de L’Odyssée oùdes poèmes à l’attention deVaclav Havel, une nouvelle foismis en prison pour avoir militépour la liberté en son pays, laTchécoslovaquie.

Voilà qui nous ramène à cesannées 1980. En ce temps-là, unnouveau directeur est arrivé, quiallait donner un cours très parti-culier au Festival : Alain Crombec-que sut introduire un silence clan-destin dans le brouhaha d’Avi-gnon. Il avait toujours un livresous le bras, il écoutait plus qu’ilne parlait. Avec lui, Avignonsignait un pacte avec la littératu-re, plus proche de René Char quede Jean Vilar.

Laissons monter de ce temps-là les souvenirs, serrés comme lafoule entrant dans la Cour. Au pre-mier rang vient celui d’un visage :une vieille dame, merveilleuse etintimidante, à l’ombre d’unfeuillage. C’est Nathalie Sarraute,à laquelle un hommage est rendu.Puis vient un autre visage, impé-rial celui-là : Harold Pinter, quilivre à Avignon sa première piècepolitique. Deux visages dans untemps lumineux qui vit, pour neciter qu’eux, Le Soulier de satinpar Antoine Vitez, Roaratorio parMerce Cuningham, Répons parPierre Boulez.

Et puis, il y a cet après-midi oùnous étions quelques-uns dansune petite cour ombragée. AndréMarcon est arrivé, comme un mar-cheur venu de loin, et il s’est enga-gé dans une lecture qui allait pren-dre la forme d’un corps-à-corps.Il faisait entendre pour la premiè-re fois Pour Louis de Funès, deValère Novarina. Il chantait desmots inouïs. A la fin, il a jeté lesfeuilles au vent, du geste ampled’un semeur. Ce jour-là, commetant d’autres, une voix a été enten-due. Un auteur, un acteur : c’étaitle théâtre dans sa nudité même.Celle qui reste quand rien n’a étéoublié. C’est ainsi que cela se pas-se, à Avignon. a

Par Bertrand Poirot-Delpech

« Paradise now », par le Living Theatre, en 1968. MAURICE COSTA

Par Brigitte Salino

0 123 - Jeudi 6 juillet 2006 - page 8 AVIGNON 2006

Par Fabienne Darge

Au cloître des Carmes sejouaient La Mission et Au Perro-quet vert, marche joyeuse, révolu-tionnaire, vers la mort. MatthiasLanghoff, metteur en scène,porte le génie comme d’autres lechapeau.

Ce petit homme au visagefermé, concentré, mal aimable,traverse la place de l’Horloge surson Solex. Alain Crombecque,directeur du Festival de 1985 à1992, gagne à être connu, sur sesdeux pieds.

Quelques voix de femmesdans Avignon : Marthe Keller,Maria Casarès, Marilù Marini,Anne Alvaro, Ludmila Mikaël,Valérie Dréville, Jeanne Moreau,Isabelle Huppert, Denise Gence,Evelyne Didi, ChristineGagneux, Isabelle Sadoyan,Mireille Mossé, Michèle Oppe-not, Irina Dalle, ElizabethMazev, Yolande Moreau, Domini-que Valadié, Marianne Hoppe,Christine Fersen, MichelleMarquais, Marief Guittier,Christine Murillo, AnoukGrinberg, Norah Krief.

Cet après-midi-là, HeinerMüller parlait. Bien. Mille per-sonnes étaient rassemblées dans

la cour surchauffée de l’ancienarchevêché à l’invitation d’unjournal. Beaucoup dormaient. Lethéâtre ne devrait pas êtreobligatoire.

J’ai vu pour la première foisles Petits contes nègres, de Jean-Luc Courcoult et de son Royal deluxe, dans un village à la frontiè-re du Nigeria et du Cameroun.L’éruption d’un volcan minuscu-le avait fait fuir les villageois. AAvignon, tout le monde est resté.Magie, ici et là.

Il peut faire chaud à Avi-gnon, très chaud, trop chaud. Latempérature était de plus de 40o

dans la Baraque Chabran quanda commencé la première repré-sentation de Shoppen & Ficken,de Mark Ravenhill, dans unemise en scène de ThomasOstermeier. Le lieu a étéraisonnablement abandonnédepuis. Personne n’a oubliéOstermeier.

Quatre heures du matin, aubar de l’Hôtel d’Europe. Théâ-tres fermés, articles expédiés àParis. Un verre de vin, rouge,avec Catherine Clément. L’écri-vaine avait vu ce soir-là le regardbleu d’Œdipe.

Si le festival n’existait pas, ilfaudrait l’inventer pour OlivierPy, ses textes, ses mises en scèneet ses récitals, quand il décide dese travestir en Miss Knife. Cethomme-là sait tous les coups duthéâtre, du plaisir aussi.

« Bernadetje », d’Arne Sie-rens et d’Alain Platel, a définitive-ment ringardisé la plupart desproductions théâtrales, à Avi-gnon et ailleurs.

Les deux spectacles les plusbêtes jamais présentés à Avi-gnon partageaient la tête d’affi-che de la triste édition 2005 :L’Histoire des larmes, de JanFabre, et B.#03 Berlin, de RomeoCastellucci. Je n’en suis pas enco-re totalement remis.

Cela s’appelait Le Bourri-chon, pas folichon pour un titrede pièce. Cela se jouait derrièrele Palais des papes, entre un murimmense et un platane reliés parune guirlande lumineuse multi-colore. Joël Jouanneau s’instal-lait en poète radical sur la scènedu théâtre français.

C’était il y a presquevingt ans, Salle Benoît-XII. Untrès jeune homme jouait O’Neillà l’invitation d’Alain Françon.

Une apparition. Aujourd’hui, onne compte plus les cinéastes quis’arrachent la nouvelle coquelu-che des écrans, Clovis Cornillac.

Cour d’honneur, Platonov.Quoi de plus beau que le feu d’ar-tifice de papier d’Eric Lacascadedans les lumières de PhilippeBerthomé ?

Premier entracte de Vole,mon dragon, d’Hervé Guibert,dans la mise en scène fleuve (etremarquable) de Stanislas Nor-dey à la Chartreuse. Un hommedemande à un autre : « Com-ment ça va ? » L’autre répond :« Comme quelqu’un qui vient deprendre des coups de zézette dansla figure pendant une plombe. »Vraisemblablement s’agissait-ilde l’appendice de Laurent Sauva-ge. Ne jamais s’asseoir au pre-mier rang.

Quelques voix d’hommesdans Avignon : Jean-Paul Rous-sillon, Sami Frey, Lambert Wil-son, Jean-Michel Dupuis, Philip-pe Clévenot, Aurélien Recoing,Jean Bouise, André Marcon,Didier Sandre, Charles Berling,Jean-François Sivadier, PhilippeTorreton, Daniel Znyk, MartinWüttke, Philippe Caubère, Domi-

nique Pinon, Denis Lavant, Mar-cial di Fonzo Bo, Michel Fau, Phi-lippe Demarle, Michel Piccoli,Jean-Quentin Châtelain, RobinRenucci.

Le plus beau couple d’Avi-gnon est incontestablementcelui que forment tous les étés lacomédienne Martine Pascal etnotre confrère Michel Cournot.Eternels amoureux, ils reçoiventà l’ombre du vieux platane de laFerme Jamet, et aussitôt, on sesent bien.

Didier-Georges Gabily futun auteur hors pair. Un jour queje devais écrire sur l’une de sespièces, Enfonçures, je lui aidonné rendez-vous dans lesjardins de la Chartreuse, car jen’avais pas compris toute laportée de ce texte. Nous noussommes expliqués. Tout étaitclair avec lui.

J’ai aimé Le Tartuffe recréépar Ariane Mnouchkine.D’autant plus que beaucoup –les mêmes qui certainement sedéfient ailleurs de toute xénopho-bie – contestaient la dictiond’une Dorine portugaise, JulianaCarneiro da Cunha, que j’ai trou-vée sensationnelle.

Pour avoir animé de nom-breuses Rencontres du Monde auCloître Saint-Louis, les dieux dela scène m’ont récompensé enme permettant de voisinerquelques heures avec l’une desplus belles femmes du monde.Cette année-là, Kristin ScottThomas jouait Bérénice et estvenue en parler avec les lecteursdu journal.

Un après-midi, attablés dansla cour de l’Hôtel d’Europe, Patri-ce Chéreau et Bernard-MarieKoltès trinquaient avec Jacqueli-ne Maillan. Un verre transgenredont il faut regretter qu’il soit sirare.

J’ai pleuré deux fois à Avi-gnon. Quand Ludmila Mikaëlchantait Le Soulier de Satin dansla mise en scène d’Antoine Vitezet lors du finale de Chimère, lechef-d’œuvre de Bartabas et deson cheval noir, Zingaro.

Carrière de Boulbon. Lanuit est tombée. Pierre Boulezrejoint son pupitre à la tête del’Ensemble Intercontemporain.De la main, il chasse unpapillon et ouvre la partition deRépons. Comme par enchan-tement. a

« Marie Woyzeck », de Büchner, mise en scène de Karge et Langhoff, 1981. AGENCE ENGUERAND/BERNAND

1981. KONTAKTHOF. Pina Bau-sch a tout compris. Exactementle genre de spectacle qu’onattendait et qui n’était pas pré-vu. Meryl Tankard et Jo AnnEndicott für immer. DominiqueMercy, Malou Airaudo, Mechtil-de Grossmann. Après la mortde Rolf Borzick, Peter Pabst apris en main la scénographie.La costumière Marion Cito vafaire de la robe Pina Bausch uneicône de mode.

1982. RICHARD II. Ariane Mnou-chkine inaugure une Courd’honneur refaite avec un Sha-kespeare placé sous le signedes samouraïs. Les chevaliersdu royaume d’Angleterre sontfrères des guerriers de Kage-musha. La force du rite magni-fie la splendeur des images.

1984. RICHARD III. Un soleil noirenvoûte laCour : Ariel Garcia Val-dès joue Richard III, dans la miseen scène noir flamboyant deGeorges Lavaudant. Du roi nabotet assassin il fait un homme enmal d’absolu, un enfant enivré delui-même.Sa séduction vénéneu-se signe la rencontre légendaired’un acteur et d’un rôle.

1985. ROARATORIO ET LEMAHABHARATA. Merce Cunnin-gham et John Cage s’invitentdans la tête et les textes deJames Joyce. Des musicienstraditionnels accompagnent cenocturne irlandais. On tanguecomme dans un pub. Commetoujours la moitié du public crieson désarroi. C’est l’inventionpermanente. Merce en fauneétourdissant.Peter Brook voulait un endroitpour réinventer le monde. Il adécouvert la carrière Boulbon, àjamais liée à la création du Maha-bharata. Cette immense fresqueinspirée du poème épique indiense déploie dans une nuit d’or oùle langage en sa simplicité est roi.

ON SE SOUVIENT

(0,34¤/mn)

Avec Olivier Pydans son voyageau bout de la nuit

Impressionsentre émotionet sortilège

Avignon 1995, OlivierPy, un iconoclaste de30 ans que l’on neconnaît pas, présenteLa Servante au Gym-nase Aubanel. Vingt-

quatre heures de théâtre ! On est unpetit groupe – c’était avant d’être« critique », et quelque chose est nélà, c’est sûr –, on n’a pas 30 ans, ou àpeine, on se dit : « On y va, ensem-ble », comme on aurait décidé d’al-ler ensemble à la mer ou au bout dumonde. On va voir ce qu’il a à nousdire, ce garçon qui a le même âgeque nous et se permet de faire vingt-quatre heures de théâtre en bouclependant 7 jours : cinq pièces etdivers dramaticules, pendant septjours,danscemêmeGymnaseAuba-nel où déjà, en 1993, Dark/Noirnous avait décrassé le regard ennous plongeant dans la nuit.

On y va sans savoir si l’on ira aubout du voyage : on a pris desplaces pour les deux premièrespièces, comme on aurait pris unbillet de car pour Salamanque ensachant qu’on pousserait peut-être,on verra, on ne veut pas décider àl’avance, jusqu’aux pueblos brûlésd’Andalousie.

Et comme dans tout voyage, cer-tains partiraient en cours de route,s’arrêteraient à Salamanque ou àTolède, et d’autres iraient au boutde la route, jusqu’à la mer, jusqu’aumatin – était-ce bien le matin ? Etcomme dans tout voyage, pour ceuxqui iraient jusqu’à la fin de cette his-toire sans fin, il y aurait les haltes etles pauses : les dramaticules où l’onsort manger un sandwich, les flotte-ments. Et les moments où la tête sefait lourde, où l’on se cale au mieuxdans son fauteuil, où l’on s’endortet on rêve.

Qu’a-t-on entendu de La Servan-te dans ce sommeil, dans ces rêves ?

On dit toujours qu’il ne faut pasdormir au théâtre. Rester attentif.Mais songez : ce dont on se sou-vient d’un voyage, n’est-ce pas deces moments où, par exemple, vousêtes dans un village d’Espagne, àl’heure où il n’y a plus dans les ruesqu’un vieux chien pelé, et vousvous sentez totalement absent àvous-même, vacant, aveuglé par lalumière éblouissante ? Et c’est plustard que vous savez que vous avezvécu là quelque chose. Quelque cho-se de bien plus fort que, au hasard,la visite de l’Alhambra de Grenade– et pourtant, c’est très beau,l’Alhambra.

On serait bien incapable, aujour-d’hui, de raconter l’histoire de LaServante. Mais ce dont on se sou-vient avec un sentiment très précis,c’est de ces acteurs qui nousavaient menés jusqu’au bout de lanuit, dans un jour renaissant. Etparmi ceux-là, les acteurs, il y enavait trois – pourquoi ces trois-là,c’est injuste, oui, ou alors c’est letalent – que l’on retrouverait onzeans plus tard, quand l’illusion comi-que d’Olivier Py serait passée aupluriel : Michel Fau, PhilippeGirard, Elisabeth Mazev. Il y avaitaussi la chienne Flipotte, qui entre-temps aurait été remplacée par lechien Concept, mais cela, c’est uneautre histoire, un diverticule quel’on explorera dans un autrepapier, un autre voyage.

Ce petit-matin-là, on le saitmaintenant, ces trois acteurs-là,hâves et heureux comme nousl’étions à l’issue de cette odysséeaccomplie ensemble, oui, ces trois-là nous avaient appris quelque cho-se. Quelque chose sur la vie, qu’onne regarde peut-être jamais si bienque dans la nuit du théâtre, dumoment que dans cette nuit brilleune servante. a

Par Olivier Schmitt

2006 AVIGNON page 9 - Jeudi 6 juillet 2006 - 0 123

1987. LE SOULIER DE SATIN.S’il n’en reste qu’un, pour beau-coup de spectateurs, c’est cesouvenir-là : la création de l’in-tégrale du Soulier de satin, dePaul Claudel, mis en scène parAntoine Vitez dans la Courd’honneur. Douze heures despectacle, une inoubliabletraversée de la nuit, avecRodrigue (Didier Sandre) etProuhèze (Ludmila Mikaël), lesamants déchirés d’un théâtre àson zénith.

1988. RÉPONS. La CarrièreBoulbon n’avait jamais vucela : un ordinateur monstre etdes batteries de haut-parleurs, associés aux musi-ciens de l’Ensemble intercon-temporain. C’était pour la créa-tion de Répons, de et dirigéepar Pierre Boulez : une mécani-que céleste dans un cadre derêve.

1994. VOLE MON DRAGON. Unjeune homme et un homme,unis par un amour raconté parHervé Guibert, dans les années1980. Le metteur en scèneStanislas Nordey a confié letexte à des acteurs sourds etd’autres qui ne le sont pas.Ensemble, ils font le voyage decet amour, qui dure le tempsd’une nuit de théâtre. Unmoment comme seul Avignonsait en offrir : neuf heures d’oùl’on ressort perclus d’émo-tions.

1996. LA RÉSISTIBLE ASCEN-SION D’ARTURO UI. C’est ladernière mise en scène signéepar Heiner Müller avant samort, en 1995. Un spectaclehistorique. Müller fait de lapièce de Brecht – une méta-phore sur la montée du na-zisme – une opérette sanglan-te, une farce poussée à sonextrême. Tout Avignon devientfou d’un acteur d’exception :Martin Wuttke, dans le rôled’Arturo Ui.

ON SE SOUVIENT

Avignon, c’est lanuit. Même le jour,c’est la nuit. De dixheures du matin àdix heures du soir,on plonge dans des

salles obscures. Si bien qu’entreles spectacles, on se sent zombie,asséché par la lumière trop blan-che du Sud. Pas seulement parcequ’on se couche tard. Pas seule-ment parce que parfois le soleiltape dur. Non, il s’agit d’un toutautre phénomène.

A force d’entrer sans interrup-tion dans l’imaginaire et l’in-conscient des auteurs de théâtreet des chorégraphes, de partageravec les acteurs et les danseurs lepoids et les drames des personna-ges auxquels ils donnent vie, onpénètre dans des zones d’ombrequi sont aussi les nôtres ou qui ledeviennent. Avignon squattenos têtes et nos rêves. Il faut êtrerésistant.

Avignon, c’est la jeunesse. Cel-le d’une première fois. D’ungroupe d’amis qui se retrouvedans une location, rue Victor-Hugo, à l’ombre des remparts.C’est Fritz qui descend à bicyclet-te de Paris, après un détour parSaint-Claude, où il achète despipes (qui ont fait la renomméede la ville). Il les revendra aumarché hippy et paiera ainsi sonséjour. Tout est possible. Letemps explose. La vie jusqu’oùbout de la nuit, avec ce plaisirenfantin d’assister auxpremières lueurs du jour. Il fautavoir 20 ans.

Avignon, c’est une drogue.Une dure. De celle qui vous har-ponne dès la première prise. Etqui ne vous lâche plus. C’est lasilhouette de Carolyn Carlsonqui hante le mur du fond de laCour d’honneur dans Onirocri, lethéâtre musical vu par AntoineBourseiller.

Essayez aujourd’hui de pro-grammer ce genre d’ovni à Avi-gnon ! De surcroît dans le saintdes saints. On n’y supportemême plus le talent d’un JanFabre. Quelque part au « off »,peut-être était-ce au Théâtre duChapeau-Rouge, les danseursLila Green et Mark Tompkinsdonnaient l’illusion de se battresur un ring de boxe. On décou-vrait la danse-contact…

C’est l’allégresse d’un coup demassue. Celui reçu par le Kon-takthof de Pina Bausch. Le corpset l’esprit en lévitation, l’événe-ment arrosé comme il conve-nait : c’est-à-dire toute la nuit.Et encore le lendemain. Et tousles autres jours. C’est qu’il fallait

s’en remettre – à l’époque, on nejurait que par les Américains,la trinité Merce-Trisha-Lucinda.

Vingt-cinq ans après, « sonsens du suspense qui ne sert à rienqu’à énerver », comme l’écrivaitsi justement François Weyer-gans dans Le Monde, Pina noustient toujours sous sa coupe. Etplus que jamais avec cet éclatantRough Cuts qu’elle présentait, enjuin, au Théâtre de la Ville, àParis. Il y a ceux qui aiment PinaBausch. Et les autres.

Puis, un jour, vient l’écriture.Ecrire tout de suite en sortantdes spectacles pour être « dansle journal » dès le lendemain.Etre critique. Rendre compte.Pas grave, croyait-on, puisqu’onétait déjà rodé à dormir si peu.L’adrénaline de la nuit. Le corpsvidé par la fatigue. L’aubeencore. Le désordre des tassesde café. L’impression d’être sousacide.

UNE VIEEN « JET LAG »

Mais ceci est une autre histoi-re. Une vie en jet lag permanent.Probablement la seule façond’aimer, peut-être même de sup-porter, ce trop-plein de specta-cles. N’allez jamais à Avignonavec un compagnon, ou une com-pagne, qui dort la nuit. Ou quidéprime. Tant de passion envi-ronnante achèvera de l’anéantir.

Avignon grossit et exagèretous les états, toutes les émo-tions. C’est l’AustralienneJo-Ann Endicott qui dans le phé-noménal Walzer de Pina Bauschse goinfre tout en détaillant lesparties d’un corps qu’elle détes-te. Les 2 293 bruits répertoriéspar John Cage dans leFinnegan’s Wake de James Joyceque le compositeur est allé collec-ter à Dublin pour écrire lapartition de Roaratorio, une desmultiples splendeurs de MerceCunningham.

La parade nocturne, inquié-tante de Zingaro, Bartabas tour-noyant dans la ville sur son che-val cabré. La chevelure blanchede l’impérieuse Chandralekha,chorégraphe rebelle de Madras.Le Mahabharata étoilé de PeterBrook et Jean-Claude Carrière.Les rêves morts des hommesmonochromes, de Lloyd New-son, toutes les folies Jan Fabre, ycompris celles qui choquent lebobo, la fugue japonaise deSusan Buirge, le Ram Dam deMaguy Marin, l’Adieu deFrançois Raffinot…

Mais laissons là l’exercice desbest-sellers. Car un paradoxe

s’impose avec le recul : Avignon,c’est moins des spectacles que lesouvenir des chemins parcourusdans la ville pour se rendre d’unthéâtre à un autre. C’est la super-position en mille-feuille desvivants et des morts. L’émotionde penser que dans chaquehangar transformé en théâtre secache sûrement un étonnanttalent.

C’est se sentir parfois commeces touristes qui dans la Cité despapes ne vont jamais au specta-cle, et qui pourtant diront : « Cetété je suis allé au Festival d’Avi-gnon ». Ils ne mentent pas. Lethéâtre s’infiltre jusque dans lesveines de ceux qui ne font quepasser. Avignon peut être unepossession. Qui a à voir avec lesesprits des artistes, leur souffle,la chimie des mots et des corps,le mistral. Tant de mystères etd’impostures. Tant de courageet de fulgurance.

Le Festival est un jeu de pis-tes. Le temple de la rumeur et dubouche-à-oreille. Telle pièce est« à chier », telle autre « la seulechose à voir ». Il y a ceux qui onttout vu avant tout le monde, etqui affirment, y compris à ceux

qui s’en contrefichent, que« c’était bien mieux à Berlin » ouà New York. Foire aux vanités àlaquelle chacun participe à samanière. Certains plus qued’autres. C’est ceux-là qu’il fautfuir.

On se dit parfois, mais c’estune utopie, que le Festival d’Avi-gnon devrait être réservé aupublic et vivement déconseillé à

ceux qui forment ce qu’on appel-le « le milieu » du spectaclevivant, et qui fréquentent à titreprofessionnel les théâtres tout lereste de l’année. Les programma-tions gagneraient en concision.Festival ne voudrait plus direcatalogue mais choix essentiels.

Avignon, c’est le temps inter-calaire. Un mois de juillet auquelon aurait rajouté des jours.

Quand, dans ce temps entreparenthèses, surgit, brutale, laréalité de la grève des intermit-tents de juillet 2003, le Festival,qui repose sur un contrat tacitecensé unir la grande famille duspectacle, s’effondre sur lui-même, trop âgé, trop colossal, etne s’en remet pas. Avignon estune fiction. Qu’il faut réinventerd’urgence. a

« Nelken », chorégraphie de Pina Bausch, 1983. MARC ENGUERAND

Lostin Avignon

Par Dominique Frétard

0 123 - Jeudi 6 juillet 2006 - page 10 AVIGNON 2006

La Cour,un défi uniqueau monde

2000.MY MOVEMENTS ARE ALO-NE LIKE STREETSDOGS. ErnaOmarsdottir, Islandaise à fairefondre la banquise, mise en scè-ne et en solo par Jan Fabre dans.Chiens empaillés, motte de beur-re à tout faire, Léo Ferré à pleu-rer. Du Jan Fabre sublimé parune interprète jusqu’au-boutiste.

2002. IL SILENZIO. Où l’on décou-vre l’Italien Pippo Delbono, avectrois spectacles, dont ce Silenceinspiréparceluiquisuit lestremble-ments de terre. La mort n’a jamaisétéaussi vibrante,et vivante,qu’ici.

2003. MAISON DE POUPÉE. Tho-mas Ostermeier, artiste associé,fait de Nora, l’héroïne d’Ibsen, unejeune femme, prise dans uneimparable mécanique de la révol-te et de la désillusion. Du théâtrepour aujourd’hui.

Par Colette Godard

Souvenirs ? D’aborddes images de nuit, deciel, de murailles : laCour d’honneur.Inoubliable magie del’immense espace

entièrement offert aux fleurs parPina Bausch : Nelken, « LesŒillets », en 1983. Et puis l’étran-ge cosmos intemporel où OtomarKrjeka envoyait les « clochardsmétaphysiques » de Beckett atten-dre Godot, en 1978. Fragiles sil-houettes en perdition, menacéespar une sorte de lune blanche,oblique, naufragée.

Parfois, c’est la religion du« peu » qui met en valeur la déme-sure du lieu. Sinon, les tentativespour atteindre le niveau peuvent,à grand renfort de savants éclaira-ges, trouvailles compliquées,décors ajoutés, aboutir à de lour-des acrobaties scéniques.D’autant plus aléatoires que lemistral est toujours possible.Auquel cas, devant la foule grelot-tante, tels des marins au cœur dela tempête, comédiens ou dan-

seurs n’ont d’autre préoccupationque lutter pour tenir jusqu’aubout du voyage. Beauté du risque.

Quoi qu’il en soit, la Courd’honneur propose un défi scéno-graphique, historique, mythique,sans doute unique au monde. Etqui, par une sorte de sortilègeimprévisible, peut magnifier unspectacle : Nelken, ici, a trouvéune dimension sauvage qu’aucu-ne salle n’a pu lui donner. Et leRichard II pour lequel ArianeMnouchkine s’est inspirée duthéâtre traditionnel japonais,dans tous ses décalages de codes,d’époques, d’environnement, agagné la violence d’un soufflebaroque magnifiquement shakes-pearien.

Le spectacle inaugurait une« nouvelle » Cour d’honneur, en1982. Régulièrement, on essaiede la moderniser. Pourtant, est-ce que l’essentiel ne serait pas lehors temps du mur, de ses ogives,de ses fantômes ?

Shakespeare, c’est vrai, y estcomme chez lui. En tout cas, bien

des metteurs en scène l’y ont cher-ché. Certains l’ont rencontré :Georges Lavaudant, en 1984,quand il a monté Richard III etconfié le rôle du roi boiteux à ArielGarcia-Valdès, tout jeune,régnant sur la Cour comme surun terrain de jeux, jouant de soncharme d’enfant despote. Unautre charmeur a marqué le per-sonnage du méchant Richard :Marcial di Fonzo Bo, et il est cetteannée au lycée Mistral avec Copi.

UN MONDEDÉVASTÉ

A priori, rien à voir. En fait,deux façons de renverser la norma-lité sens dessus dessous. Car Sha-kespeare était trituré par MatthiasLanghoff, qui le faisait parler d’unmonde déchiqueté. Cela se passaiten 1995 dans l’espace confiné desPénitents-Blancs, inauguré, long-temps occupé par les « mises enespace » de Théâtre Ouvert. Letitre entier était Gloucester-maté-riau-Shakespeare-Richard III, lemot « matériau » paraissant le

plus adapté au travail de décons-truction opéré sur le texte origi-nel. Pratique courante chez lesmetteurs en scène allemands.

Ainsi a-t-on vu la Nora d’Ibsen,parfaite incarnation de la« bobo » berlinoise dans sa Mai-son de poupée, abattre son mari aulieu de s’en aller. C’était la versionThomas Ostermeier, premier artis-te associé désigné par la nouvelledirection, en 2004. Presque unhabitué du Festival, parlant fran-çais, à l’aise partout, et dans l’in-contournable Cour d’honneur, oùson passionnant Woyzeck, inter-prétation racaille et rappeurs d’unhéros quasi shakespearien aubord du gouffre, en a scandaliséplus d’un, en 2004. En 1981, Lan-ghoff, en compagnie de ManfredKarge, avait lui aussi secoué entoute rudesse la pièce en frag-ments de Büchner : Marie Woy-zeck au cloître des Carmes, autrelieu enchanté, le plus harmonieuxde tous peut-être, où a été créé en1969 Orden (Bourgeade-Arrigo,Lavelli), premier essai de « théâ-

tre musical », genre qui finale-ment a pris ses quartiers entre lesdeux arbres antiques du cloîtredes Carmes.

Quelle ville offre une telle diver-sité d’espaces ouverts, vibrants,vivants ? La cour du lycée Saint-Joseph a engagé dans une dimen-sion de tragédie les déchirementsdu transsexuel fassbinderienCharles Berling (L’Année des treizelunes, par Martinelli, en 1995), afait régner sur les Pièces de guerre(Bond-Françon à nouveau réunis,en 1994) la désolation et la fureurd’un monde dévasté.

Dans la cour de l’école Saint-Jean, les fanfares de Pippo Delbo-no (Silenzio, Guerra, La Rabbia,en 2002) ont arraché les cœurs,ramené les émotions brutes d’unthéâtre éternel. Elles ont mêmeinvesti l’immensité de la CarrièreBoulbon (Urlo). C’est sans ellesqu’il revient cette année, auMusée Calvet. A quand la Courd’honneur ? A lui seul, il pourraitla tenir pendant des heures enhaleine. a

« Richard III », de William Shakespeare, mise en scène Georges Lavaudant, en 1984. BRIGITTE ENGUERAND

ON SE SOUVIENT

D’abord, il y a sonprénom, Oriza, unprénom qui peutsonner étrange-ment à nos oreillesoccidentales, mais

qui semble tout autant étrange àdes Japonais, car O-ri-za est untakatana, c’est-à-dire une trans-cription d’un mot étranger.« Riz », en latin, tout simple-ment. En lui donnant ce prénom,les parents d’Oriza Hirata, ontvoulu dès sa naissance, en 1962, ledistinguer des autres et manifes-ter une ouverture sur le monde,rare, dans un pays encore refermésur son insularité. Ils ne croyaientsans doute pas si bien faire.

Car ensuite, il y a ce voyage ini-tiatique, à l’âge de 16 ans et demi,tout seul et à bicyclette, de quel-que 20 000 kilomètres à traversl’Europe. Un voyage difficile àenvisager pour un gamin de cetâge, non seulement en raisond’éventuels périls, mais surtoutparce que cela signifiait qu’il sor-tait du système scolaire, s’ex-cluant ainsi de l’université.

« Quand j’avais 13 ans, racon-te-t-il, je rêvais de découvrir le mon-de entier. C’était fondamental, bienplus que d’aller au lycée. Au débutmes parents ne me prenaient pas ausérieux. Mais quand je leur ai mon-tré les billets d’avion que j’avais puacheter en faisant des petits boulots,ils ne pouvaient plus rien dire. » Dece périple, il tirera son premierlivre en 1981.

En souriant, il explique que cevoyage n’a rien changé à sa visiondu monde, parce que, à cet âge, iln’en avait pas. En revanche, dit-il« tout m’a influencé. J’ai appristrès jeune que les valeurs de la viepeuvent être très variées, j’ai étéenrichi par l’histoire européenne oupar l’art occidental, même si c’étaitassez conservateur ».

Comme son prénom, il y a sou-vent dans ses textes (une trentai-

ne à ce jour) des réminiscencesvenues de cet ailleurs : La Monta-gne magique ou Les Buddenbrook,de Thomas Mann pour Nouvellesdu plateau S et Tokyo Notes ; lefilm d’Ozu, Voyage à Tokyo, pourGens de Séoul, la seule où lesacteurs portent des kimonos.

A son retour, il intègre l’Inter-national Christian University, àTokyo, découvre le théâtre, écritsa première pièce, fonde sa compa-gnie, Seinendan. Puis, doté d’unebourse, il va poursuivre ses étudesen Corée, autre fait rare pour quel-qu’un de sa génération.

A 25 ans, il commence à mettreen scène et en 1988, développe sa« méthode théâtrale », qu’il expli-que, « décrire la vie quotidienneavec des personnages ordinaires,que rien ne se passe, que le décor nechange pas, que la lumière ne chan-ge pas, qu’il n’y ait pas de musique,pas de coups de théâtre ». Ce quel’on qualifiera de « théâtre cal-me ». Il ajoute : « Je savais quej’avais découvert une nouvelleméthode, mais je ne savais pas com-ment l’appliquer. Je perdais desspectateurs, personne ne compre-nait ce que je voulais faire. »

LE CRIMEDE BONNE FOI

Il fait son voyage de noces enFrance, en 1989, dix ans après sonpremier séjour, et c’est dans leTGV qui va à Avignon qu’il al’idée de ce qui va devenir Gens deSéoul, « mais je ne pensais pas quece serait un jour présenté au Festi-val. » Lors de la création, une seu-le critique paraît dans la pressedisant en substance, « cette piècen’a aucun sens. » Depuis, il s’estimposé, a écrit une suite, Gens deSéoul 1919 et travaille à une troisiè-me, Gens de Séoul 1929.

Le thème de la pièce (l’occupa-tion de la Corée par le Japon, audébut du siècle) est dérangeantpour ses compatriotes, mais letraitement qu’en donne OrizaHirata est encore plus troublant.Il met en scène une famille japo-naise banale, établie en Corée, quiselon ses propres termes, « sourittout le temps et parle pendant uneheure de l’occupation. » Certains yvoient une pièce antiraciste,d’autres au contraire une justifica-tion du colonialisme japonais,« cela me fait plaisir que les réac-tions soient aussi variées, dit-il. L’es-sentiel, c’était de montrer que lacolonisation, ce sont des gens quioccupent et des gens qui sont occu-

pés. La question était donc, com-ment décrire le crime de bonne foi(comme les Américains convaincusdu bien-fondé de l’invasion del’Irak) commis par des gensordinaires. »

Comme le dit sa traductrice,Rose-Marie Makino Fayolle,« l’air de rien, il arrive à faire rirede choses très graves, et en riant,sans s’en rendre compte, on passe del’autre côté ». Mais au-delà de la« méthode Hirata », il y a aussi lesoin méticuleux qu’il apporte auxdidascalies.

Frédéric Fisbach qui avait misen scène Tokyo Notes en 2000,avec lui – et qui monte cette foisGens de Séoul – raconte qu’il tra-vaillait à cette époque « sur laquestion d’un texte qui se présente-rait sous la forme d’une partitionpour l’interprète. C’est-à-dire quiposerait à l’acteur des questionsd’exécution – le rapport à la formedu texte, sa rythmique, l’articula-tion, le souffle – avant même de pen-ser à l’interprétation. Et je meretrouvais devant un texte qui se pré-sentait non seulement sous la formed’une partition pour la parole, maisaussi pour les corps. »

Mme Makino-Fayolle, elle,n’avait « jamais vu ça ! Le japo-nais s’écrit de droite à gauche et defaçon verticale, or chaque page estcoupée en deux, en haut un dialo-gue et en dessous, un autre dialo-gue, et partout des petits dessins,des numéros… » Il numérote parexemple chaque chaise et indiquecombien de temps un acteur s’yasseoit. Il y a, dit Frédéric Fis-bach, « un aspect choral », lesphrases courtes sont entrecou-pées de oh ! de ah ! de eh !, quimontrent que l’interlocuteurécoute, d’autres personnagespoursuivent en même temps uneconversation différente… Unevingtaine de comédiens entrent etsortent, un nombre imposant,c’est que « l’Asie est très peuplée »,s’excuse-t-il.

Si, au Japon, les acteurs appar-tiennent à une compagnie et netravaillent que pour leur directeur-metteur en scène, lui, ouvre sonthéâtre aux autres et accepte queses acteurs jouent ailleurs. Mais illes connaît bien et écrit en fonc-tion de chacun, remaniant ses tex-tes avec eux, encore et toujours.Toujours sur la brèche, toujoursen mouvement, il est devenu éga-lement professeur, mais pas dethéâtre…. de communication. a

Martine Silber

Gens de Séoul, du 21 au 26(relâche le 24), lycée Mistral.Les pièces d’ Oriza Hirata sont publiéesaux éditions des Solitaires intempestifs

D’autres auteursau programme

Bernard-Marie Koltès.On entendra en anglaisson Combat de nègres etde chiens (Black Battleswith Dogs) qu’ArthurNauzyciel a créé, en 2002,à Chicago avec desacteurs américains.

Edward Bond, un desplus grands dramaturgesbritanniques contempo-rains, auteur d’un théâtrepolitique radical et pros-pectif. Depuis 1992, AlainFrançon crée ses piècesen France. Il en présentetrois (Naître, Chaise et Sice n’est toi).

Marguerite Duras.Dans Pluie d’été à Hiroshi-ma, le metteur en scèneEric Vignier croise deux tex-tes qui explorent l’intime etle spirituel La Pluie d’été etHiroshima mon amour, lescénario que MargueriteDuras a écrit en 1960 pourAlain Resnais.

« Gens de Séoul », d’Oriza Hirata, mis en scène par Frédéric Fisbach. KATSU MITYAUCHI

Dans « Gens de Séoul », l’auteur nippon,né en 1962, met en scène une famille banalependant l’occupation de la Corée par le Japon

Le « théâtre calme »d’OrizaHirata

De haut en bas :Bernard-Marie Koltes,MARC ENGUERAND. EdwardBond, MARC ENGUERAND.

Marguerite Duras,JEAN-FRANÇOIS RAULT AGENCE

ENGUERAND.

2006 AVIGNON page 11 - Jeudi 6 juillet 2006 - 0 123

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verte de la vie dans ce qu’elle ade plus divers : une esthétiquede la pluralité, une éthique de lacuriosité et de l’ouverture quil’amènent à monter une nouvel-le fois ce « théâtre destownships » sud-africain avecSizwe Banzi est mort, d’AtholFugard, John Kani et WinstonNtshona. Entretien.

Enfant, vous étiez surtoutpassionné par la photogra-phie et le cinéma. Et c’estle théâtre qui vous a happé.Comment l’analysez-vous ?

A partir du moment où j’aicommencé à ouvrir les yeux surle monde autour de moi, j’ai trou-vé tout ce que je voyais fasci-

nant. Je suis rentré dans la vie –et suis resté longtemps – aveccette fascination du voyageur,de l’aventurier : tout ce qui pas-sait par les yeux était pour moila nourriture de la vie. Mais sivous regardez la vie de cettemanière, vous êtes dans une for-me de solitude. Comme dans cet-te célèbre chanson anglaise :I’m a Camera.

Donc, d’une certaine maniè-re, c’est cela que je suis : unappareil photo. Pour moi, fairedu cinéma, c’était vraiment met-tre cet œil de la caméra person-nelle derrière celui de l’objectif,pour pénétrer le monde avec.Mais si je suis un appareil pho-to, cela veut dire qu’il n’y aqu’une seule personne qui estau centre, celle qui est derrièrel’objectif. Quand j’ai commencéà travailler dans le cinéma, enAngleterre, dans les années1940, je n’étais pas du tout anti-

social, j’avais beaucoup de rela-tions, mais c’était un chemin devie purement individualiste.

C’est ce constatqui vous a mené au théâtre ?

Dans l’Angleterre extrême-ment fermée et grise de cesannées-là, je me suis d’abordintéressé au théâtre à cause del’ambiance qui y régnait : unecertaine énergie, une certaineexcitation. Le théâtre lui-mêmeétait d’un ennui mortel, mais, àl’intérieur de cette forme artifi-cielle, il y avait une grande vitali-té. Je me suis donc rapproché dece monde, j’ai commencé à mon-ter des pièces, et là, en tra-vaillant avec des acteurs, dans larelation entre le groupe d’ac-teurs et un groupe plus grandqui est le public, j’ai découvertplus que la joie, la vérité d’êtredans un travail collectif. La satis-faction profonde d’accomplir,

de partager quelque chose, dupremier jour au moment telle-ment important et délicat desreprésentations.

Je compare souvent le théâtreet la cuisine : les répétitions,c’est une préparation en vue dumoment où le repas va être goû-té ensemble avec les specta-teurs. Et ce moment doit, à cha-que fois, être totalement respec-té. J’ai toujours pensé que touttravail théâtral qui méprise lepublic n’est pas du théâtre.

Vous employez souventdes métaphores photogra-phiques pour parler de votretravail. Et vous faitessouvent référenceà Henri Cartier-Bresson…

En travaillant, j’ai appris quece dont on doit se méfier le plus,c’est de la tentation d’imposerune forme sur une pièce. Pourmoi, le travail théâtral doit per-

mettre à la forme naturelle de lavie, qui est toujours cachée, demonter à la surface. Je trouve ter-rible d’arriver, en tant que met-teur en scène qui va monterHamlet ou n’importe quelleautre grande pièce, avec uneidée déjà très fortement prépa-rée : « ma » lecture de la pièce.Je n’ai pas le droit d’avoir unelecture à moi d’une telle pièce.Mais, en même temps, lire la piè-ce à haute voix ne suffit pas pourque sa vraie vie cachée monte àla surface.

Tout le travail est là pour queces courants invisibles – quivont former les moments de véri-té – puissent apparaître, avecnotre aide, mais sans que ce soitquelque chose que nous avonsdécidé a priori, que nous impo-sons.

C’est cela qui rejoint letravail de Cartier-Bresson ?

Ce qui est extraordinaire,chez Cartier-Bresson, c’est qu’ilavait développé une choseau-delà de la sensibilité : uneforme de perception qui rendaitnaturel le fait que, étant là, sonappareil à la main, avec des mil-liers et des milliers de formes devie qui passaient à chaque secon-de devant ses yeux, il pouvaitsentir une milliseconde à l’avan-ce qu’il allait y avoir un de cesmoments où tous les élémentsdevant lui seraient liés d’une cer-taine manière.

Un de ces moments où tousces liens qui sont toujours là,souterrains, seraient subite-ment visibles. Et cette intuitionlui donnait le temps de lever l’ap-pareil, d’appuyer sur le déclic etde saisir ce qu’il appelait lemoment juste, le momentvivant.

Comment ce typede démarche peut-ilse traduire au théâtre ?

Nous avons souvent, en répé-tition, utilisé des photos pourque les acteurs puissent s’appro-cher d’une vie quileur était lointaine,en se laissant enva-hir par ces images. Apartir de là, un peucomme Cartier-Bres-son, l’acteur doit sen-tir, trouver ce quiprécède ce momentet ce qui vient après.On part de la recher-che d’un momentjuste, pour qu’il n’yait pas qu’unmoment juste, mais des mouve-ments justes, pour que ce soit lavie qui coule à travers cela.

Qu’est-ce que ça veut dire,finalement, le travail de l’ac-teur ? C’est mettre en relief cequi normalement passe inaper-çu : les impulsions, les réac-tions, tout ce qui chez l’êtrehumain est caché.

Habib Dembele, qui jouedans Sizwe Banzi, est un acteurqui regarde la vie comme Car-tier-Bresson, avec un sens del’observation et un humourincroyablemt aigus. Et quand iljoue, parce qu’il a développé uncorps qui répond à cela, toutecette observation, cette énergie,et en même temps ces senti-ments de joie devant l’absurditédes choses, tout cela s’exprime,se met en relief. C’est bien plusque de l’expression corporelle,ce n’est pas de l’expression per-sonnelle : il ne parle pas que delui en faisant cela, il parle dequelqu’un d’autre.

Vous dites toujours quece qui est important, au théâ-tre, c’est la vie : pour cela, lamise en scène ne peut êtrequ’un processus organique ?

Absolument.

Pour vous, il y a troissommets dans le théâtre :les Grecs, Shakespeareet Tchekhov…

Beckett, aussi…

Mais si Shakespeare estune colonne vertébraledans votre parcours, vousavez finalement peu montéles Grecs, Tchekhovet Beckett…

Etre metteur en scène n’ajamais été pour moi un but ensoi. Je n’ai pas cherché à faireune carrière, avec des étapesobligées dans un parcours, etc.J’ai cherché à vivre d’une certai-ne manière, avec cette aide extra-ordinaire qu’est le fait d’œuvrerdans un champ aussi riche etmerveilleux que le théâtre. Cequi m’a toujours intéressé, c’estde découvrir, de suivre et dedévelopper certaines lignes, cequi est très différent de « mon-ter » des pièces.

Vous avez néanmoinsmis en scène Shakespeareà de nombreuses reprises…

La raison pour laquelle j’aimetellement Shakespeare, c’estqu’il n’a pas de point de vue. Per-sonne ne peut dire, sur une deses phrases : « Ah, là, on entendla voix de l’auteur, c’est celaqu’il a voulu dire... » Alors quechez la plupart des auteurs, àchaque instant on entend la voixet l’autorité du dramaturge, quiutilise cette forme collectivecomme un instrument person-nel pour parler au monde.Quand j’ai monté Don Giovanni,de Mozart, je n’avais pas du toutl’impression que c’était un mon-de clos venant du cerveau, del’esprit, d’un certain composi-teur, non, c’était un matérielvivant, exactemt comme ce quiest derrière ce moment deCartier-Bresson.

La merveille de Shakespeare,c’est que cet homme ait pu trèsrapidement absorber toutes lesimpressions de la vie autour de

lui, y compris ce quiétait loin de lui,venant de classessociales qu’iln’avait jamaiscôtoyées. Tout cequ’il entendait, ill’enregistrait, ettout cela nourris-sait cette extraordi-naire ouverture quilui a permis d’absor-ber la vie. Et puis,au moment de l’écri-

ture, qui apparemment chez luiétait d’une rapidité extraordi-naire, toute la vie repassait à tra-vers lui, avec les supports néces-saires : parce qu’il faut des his-toires, il faut des personnages.Et ils étaient illuminés d’unemanière extraordinaire parcette créativité absolue, venantd’un homme qui ne voulait pass’imposer pour empêcher quel-que chose au-delà de lui d’appa-raître. Shakespeare, c’est un phé-nomène.

Et Tchekhov ?Tchekhov aussi est un phéno-

mène : un très grand écrivain,dont ce n’était pas le premiermétier. En tant que médecin,tous les jours, tout le temps, ilétait en position d’observateur.Il était là, il absorbait la vie degens de tous milieux sociaux.Mais c’est un observateurconcerné, engagé, profondé-ment touché par la souffrancehumaine : il est allé à Sakhalinepour faire ce grand livre sur cecamp de relégation, par exem-ple… Mais il était engagé et déta-ché en même temps, et, dans lesmoments de détachement, ilvoyait l’absurdité de la vie. Pourlui, la tragédie, la tristesse, l’en-

Il est très rareque l’on considère

l’Afrique

comme

une civilisation

réellement

riche et profonde

Le metteur en scène présente « Sizwe Banzi est mort », d’Athol Fugard, John Kani et Winston Ntshona

Peter Brook : « Je suis un appareil photo »

0 123 - Jeudi 6 juillet 2006 - page 12 AVIGNON 2006

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nui étaient omniprésents, maispourtant il y a dans ses pièces, àl’intérieur même du petit uni-vers qu’il décrit (c’est beaucoupplus limité que Shakespeare), lemême intérêt que chez l’auteurd’Hamlet pour l’inconnu de lavie. C’est une vraie forme degénérosité : laisser tomber cequ’on veut dire pour accueillirles autres…

Comment passe-t-onde cela à Beckett ?

Beckett, c’est tout à fait extra-ordinaire. D’abord parce qu’il aeu une originalité réelle, unemanière de regarder la vie et lethéâtre avec des formes qui sonttotalement de sa création. Desimages, comme dans Oh lesbeaux jours ou comme l’arbred’En attendant Godot. Et cesimages en même temps sontinséparables d’un sens, de lamusicalité qui lie la parole et lesilence.

Avec sa distance et sonhumour, avec ce refus de laisserla personnalité et l’émotion del’acteur submerger son proprepropos, avec ce combat doulou-reux pour que chaque phrase soitjuste, il est entré profondémentdans ce qui se passe continuelle-ment à l’intérieur de cette boîteinconnue qu’est l’être humain.

S’il ne voyait que misère et tragé-die, c’est parce que nous sommestous, à chaque instant, complète-ment prisonniers de notre passé.

Regardez une pièce comme LaDernière Bande : il s’agit de quel-qu’un qui, quels que soient sesefforts, ne peut pas sortir du faitque toute sa vie derrière lui estenregistrée et ne cesse de reve-nir. Et du coup il ne peut plusjamais être dans le présent : tou-jours, toujours, le présent c’estde retrouver la vieille bande.

Vous voyez Beckettcomme un pur tragique ?

En montant Oh les beaux jours– je viens de le mettre en scèneen allemand, à Berlin –, j’étaisprofondément touché par le faitqu’il ait décidé que le personna-ge central était une femme. Aumilieu de toutes ces piècesterribles, remplies de clochards,il y a des choses beaucoup plusféminines, comme Berceuse, etpuis cette grande pièce où l’hom-me a un rôle assez obscur et misé-rable. Mais la femme est aussi tra-gique : elle est tellement prison-nière de sa petite bande à elle,qu’elle rejoue tout le temps,tellement prisonnière de labanalité…

En même temps – et c’est cequi rend cette pièce tellement

importante –, cette femme totale-ment engoncée dans le monde,dans la terre où elle s’enfonce, aaussi le désir d’être comme unoiseau, de monter vers le haut etde ne pas être absorbée par la ter-re. Derrière le bavardage de cettefemme, des fissures s’ouvrentsur l’inconnu – et à ces moments-là on sent la grandeur de cettepièce, qui nous met devant l’into-lérable, l’impossible, et puis il y aces petits trous… C’est l’effettragique qu’il y a dans les tragé-dies grecques, où, dans les piresmoments, le public estsubitement mis devant quelquechose d’au-delà de la misèrehumaine, d’au-delà de lacruauté, de la bestialité.

Quel rôle joue l’Afriquedans votre théâtre ?

A l’origine de la création duCentre international, il y avaitcette conviction que notre petiteculture arrogante et fermée avaittout à apprendre des autres. L’in-térêt pour l’Afrique n’était pasplus grand que l’intérêt pour leJapon ou l’Inde, mais c’étaitmoins connu. Je trouvais, et jetrouve de plus en plus, les ima-ges de l’Afrique extrêmementpartielles, même chez beaucoupde ceux qui disent aimer laculture africaine. Il est très rare

que l’on considère l’Afrique com-me une civilisation réellementriche et profonde. Et pour des rai-sons personnelles et humaines,mais aussi sociales, c’est une cho-se importante pour moi : le racis-me tel que nous le connaissonsaujourd’hui est une réalité qu’ilfaut combattre. Par l’exemple –parce que les déclarations, celane sert à rien.

Mais ce n’est pas seulementcela. C’est aussi la conscienced’une richesse extraordinaire :l’Afrique, c’est l’humain. Et sivous voulez, dans votre théâtre,dire quelque chose sur l’humani-té, vous ne pouvez pas le fairesans cet apport-là. C’est aussisimple que cela. C’est pourquoij’ai fait La Tempête avec SotiguiKouyaté dans le rôle deProspero.

C’est aussi lié pour vousà cette relation que l’Afriquenoire entretient avec le récit,avec le conte ?

Quand il s’agit de théâtre, latradition orale, qui est d’ailleursen train de disparaître, et quel’on retrouve dans ce théâtre destownships auquel appartientSizwe Banzi, est toujours impor-tante. C’est d’ailleurs un clichéde notre travail que de dire que legroupe d’acteurs, et tous ceux

qui ont travaillé sur la pièce, sontun conteur à têtes multiples. Lebon acteur africain – tout le mon-de n’est pas fait pour être acteur,y compris en Afrique ! – est d’em-blée organique. Il n’a pas besoinpour cela d’un apprentissage,d’étudier le mime ou la comme-dia dell’arte : il a cette capacitéde faire passer ses images inté-rieures dans son corps, sans tech-nique particulière. Cette techni-que que les grands acteurs occi-dentaux travaillent parfois pen-dant des années… Cela donneaux acteurs africains un trèsgrand naturel, qui ne s’est pasperdu dans ce travail sur latechnique.

Est-ce vrai qu’une de vosdevises est cette phrase deHamlet : « The readiness isall » – que l’on peut traduirepar : « Le tout, c’est d’êtreprêt » ?

Vous voyez, nous avons bou-clé la boucle : on revient àCartier-Bresson. Si tout le mon-de ne fait pas des photos commeles siennes, c’est parce que luiétait à chaque instant « rea-dy » : ouvert, prêt. a

Propos recueillis parFabienne Darge

Sizwe Banzi est mort, du 9 au 27(relâche les 11, 14, 18 et 25),à l’Ecole de la Trillade.

Dans les années 1960, en Afri-que du Sud, un certain nombrede Blancs comme l’auteurAthol Fugard (photo du centre)viennent travailler dans lestownships – notamment àSoweto, le grand ghetto noir deJohannesburg – où s’est déve-loppé un théâtre directementissu de la réalité de l’apartheid,de la violence et de l’oppres-sion. Ainsi naissent des piècesécrites et jouées en commun –clandestinement, puisqueNoirs et Blancs n’ont pas ledroit de travailler ensemble.C’est ce théâtre que PeterBrook a fortement contribué àfaire connaître en France, enorganisant d’abord une saisonsud-africaine au Théâtre desBouffes-du-Nord en 1999 : onavait pu y découvrir Le Costu-me, de Mothobi Mutloatse, TheIsland et Sizwe Banzi est mort,d’Athol Fugard, John Kani (pho-to du haut) et Winston Ntshona(photo du bas). Sizwe Banzi,dont Peter Brook livre aujour-d’hui une nouvelle mise en scè-ne portée par le formidableacteur malien Habib Dembélé.

TROIS AUTEURSSUD-AFRICAINS

Peter Brook et Abdou Ouologuem (qui signe le décor) en répétition de « Sizwe Banzi est mort ». PASCAL GELLY AGENCE BERNAND

Photos : DR

2006 AVIGNON page 13 - Jeudi 6 juillet 2006 - 0 123

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ARTISTE ASSOCIÉ

JOSEF NADJAsobu. Théâtre-danse-musique.Chorégraphie et scénographie :Josef Nadj.Cour d’honneur du Palais des papes.Du 7 au 13, à 22 heures. Durée : 1 h 30.Photographies. Exposition de photosde Josef Nadj. Ecole d’art, du 7 au 27,de 12 heures à 18 heures.Dernier paysage. Film de Josef Nadj.Cinéma Utopia-Manutention, les 10 et21, à 14 heures.Les Miniatures. Exposition de dessinsà l’encre de Chine de Josef Nadj.Lieu et dates à préciser.Exposition. Vidéos et photographiesretraçant le parcours personnelet artistique de Josef Nadj.Maison Jean-Vilar. Du 4 au 27,de 10 h 30 à 18 heures.Publications. Les Tombeaux de JosefNadj, par Myriam Blœdé, éd. L’Œil d’or(sortie en juillet).Un numéro spécial de la revueAlternatives théâtrales.Exposition d’Alexandre Hollan.Peintre né à Budapest en 1933.Ecole d’art, du 7 au 27,de 12 heures à 18 heures.Lecture par Valérie Dréville de poè-mes d’Otto Tolnai. Poète de languehongroise, né à Kanizasa en 1940.Musée Calvet, le 9 à 11 heures.Cycle de lectures d’auteursdes pays de l’ex-Yougoslavie.Sous la direction d’Hubert Colas.Jardin de la rue de Mons.Du 8 au 12, à 11 heures.Jazz et musique improviséede Hongrie et d’ailleurs.Phil Minton et Sophie Agnel.Gymnase du lycée Saint-Joseph,le 10, à 19 heures.György Szabados,Théâtre municipal, le 12, à 18 heures.Akosh S. et Gildas Etenard,Gymnase du lycée Saint-Joseph,le 18, à 19 heures.Archie Shepp, Tom McClunget le Mihaly Dresch Quartet,Cour d’honneur, le 19, à 23 heures.Akosh S. et Joëlle Léandre,avec Szilard Mezei, Gymnase du lycéeSaint-Joseph, le 21, à 19 heures.

MIQUEL BARCELO ET JOSEF NADJPaso Doble. Performance - arts plasti-ques. Conception : Miquel Barcelo,Josef Nadj. Eglise des Célestins.Du 16 au 27 (relâche les 19 et 24),à 18 heures. Durée : 1 heure.Expositions Miquel Barcelo : à l’églisedes Célestins, du 8 au 27, de 11 heuresà 16 heures ; à la Collection Lambert,du 8 juillet au 1er octobre, de 11 heuresà 19 heures.

Battuta, par le Théâtre équestreZingaro. Conception : Bartabas.Chapiteau domaine de Roberty, du 6au 27 (relâche les 9, 13, 17, 21 et 24),à 22 heures. Durée : 1 h 30.Lever de soleil, par Bartabas. Carrièrede Boulbon, du 22 au 27 (relâche le 24),à 5 h 30. Durée : 1 heure.

COUR D’HONNEURLes Barbares, de Maxime Gorki.Mise en scène : Eric Lacascade. Courd’honneur, du 17 au 25 (relâche le 19),à 22 heures. Durée : 3 h 30.

EDWARD BONDQuatre pièces de l’auteur britanniqueEdward Bond dont trois mises en scènepar Alain Françon : Naître, Cour dulycée Saint-Joseph, du 10 au 16 (relâchele 14), à 22 heures. Durée : 2 h 15. Chai-se, Salle Benoît-XII, les 18, 19, 22, 24 et26 à 19 heures, les 21, 23 et 25 à 15 heu-res. Durée : 1 h 30. Si ce n’est toi, SalleBenoît-XII, les 19, 22, 24 et 26 à1 heure, les 21, 23 et 25 à 19 heures.Durée : 1 h 05. Le Numéro d’équilibre,mis en scène par Jérôme Hankins.Salle Franchet du lycée Saint-Joseph,du 9 au 13, à 15 heures. Durée : 1 h 45

ANATOLI VASSILIEVMozart et Salieri. Requiem. Mise enscène : Anatoli Vassiliev. Musique :Vladimir Martynov. Carrière de Boulbon,les 8, 9 et 10, à 22 heures.Durée : 2 h 20.Les Funérailles de Patrocle. Les Jeux,d’Homère. Composition collective. Miseen scène : Anatoli Vassiliev. Carrière deBoulbon, les 14, 16 et 17, à 22 heures.Durée : 2 h 40.Photokynèse. Exposition de photosd’Anatoli Vassiliev. Hôtel de la Mirande,du 7 au 27, de 10 heures à 20 heures.

COPI/MARCIAL DI FONZO BOTrois mises en scène de pièces de Copipar Marcial Di Fonzo Bo.La Tour de la Défense, Lycée Mistral,du 9 au 16 (relâche le 14), à 19 heures.Durée : 1 h 20.Les poulets n’ont pas dechaises/Loretta Strong, Cour du lycéeMistral, du 9 au 16 (relâche le 14), à22 h 30. Durée : 2 heures.Eva Peron, Rond-point de la Barthelas-se, le 19, à 22 heures. Durée : 1 heure.

JAN LAUWERS § NEEDCOMPANYLe Bazar du Homard. Texte et miseen scène : Jan Lauwers. Cloître desCélestins, du 9 au 15 (relâche le 14),à 22 heures. Durée : 2 heures.

La Poursuite du vent,de Claire Goll. Par Viviane de Muynck.Théâtre municipal. Du 8 au 15,à 18 heures (le 14, à 15 heures).Durée : 1 h 15.

JOËL POMMERATQuatre spectacles écrits et misen scène par Joël Pommerat :Les Marchands, Théâtre municipal,du 20 au 25 (relâche le 23),à 19 heures. Durée : 2 heures.Au monde, Théâtre municipal,du 21 au 25 (relâche le 23), à 15 heures.Durée : 2 h 05. Le Petit chaperonrouge, Salle Benoît-XII, les 6, 7 et 8,à 11 heures et 18 heures.Durée : 45 minutes. Cet enfant,Rond-point de la Barthelasse,le 16, à 22 heures. Durée : 1 heure.

CHRISTOPHE HUYSMANTrois spectacles écrits et mis en scènepar Christophe Huysman :Human (articulations),Tinel de la Chartreuse, du 8 au 22(relâche les 12, 17, 18 et 19),à 18 heures. Durée : 1 h 15.La Course au désartre, Tinel de la Char-treuse, les 18 et 19, à 16 heureset 18 heures. Durée : 40 minutes.Les Eclaireurs, Abside de l’église, Char-treuse, du 7 au 22, à 9 heures et 18 h 30.

PETER BROOKSizwe Banzi est mort, d’Athol Fugard,John Kani et Winston Ntshona.Mise en scène : Peter Brook.Ecole de la Trillade, du 8 au 27(relâche les 14, 18 et 25),à 22 heures, et le 14 à 23 heures.Pitcho, concert de Pitcho WombaKonga, acteur de Sizwe Banziest mort, et musicien de rap.Gymnase du lycée Saint-Joseph,le 25, à 19 heures.

STEFAN KAEGIDeux spectacles conçus par Stefan Kae-gi : Mnemopark, Salle Benoît-XII, les 12,13 et 14, à 15 heures. Durée : 1 h 40 (enfrançais et allemand surtitré).Cargo Sofia-Avignon,spectacle itinérant, départ devantla grande poste, dun 20 au 25(relâche le 23), à 11 heureset à 15 heures. Durée : 1 h 50.

AUTRES SPECTACLESPluie d’été à Hiroshima, d’aprèsLa Pluie d’été et Hiroshima mon amour.Mise en scène : Eric Vigner.Cloître des Carmes, du 11 au 24(relâche les 14 et 20), à 21 h 30.Durée : 3 h 30.Gens de Séoul, d’Oriza Hirata.Mise en scène : Frédéric Fisbach.Lycée Mistral, du 21 au 26 (relâchele 24), à 18 heures. Durée : 2 heures.

Rouge décanté, d’après JeroenBrouwers. Mise en scène : Guy Cassiers.Cloître des Célestins, du 19 au 24(relâche le 21), à 22 heures.Durée : 1 h 30.Combat de nègre et de chiens,de Bernard-Marie Koltès. Mise enscène : Arthur Nauzyciel. GymnaseAubanel, du 9 au 14 (relâche le 11),à 18 heures. Durée : 2 h 30(en anglais surtitré)Depuis hier. Quatre habitants,de et par Michel Laubu. Jardinde la rue de Mons, du 15 au 23(relâche le 19), à 22 heures.Durée : 1 h 10.Récits de juin, de et par PippoDelbono. Musée Calvet, du 17 au 20,à 19 heures. Durée : 1 h 30.

Faut qu’on parle ! Spectacleconçu par Hamid Ben Nahiet Guy Alloucherie. Chapelledes Pénitents-Blancs,du 9 au 13 (relâche le 12), à 15 heures,et le 14, à 15 heures et à 20 heures.Durée : 1 heure. Le 20,Hamid ben Nahi présente Sekel,au Rond-point de la Barthelasse,à 23 heures. Durée : 1 heure.Journal d’inquiétude. Conception,interprétation et musique :Thierry Baë. Chapelle des Pénitents-Blancs, du 17 au 20, à 15 heures.Durée : 1 h 30.Sans retour. Spectacle interdisciplinai-re mis en scène par François Verret.Gymnase Aubanel, du 18 au 25 (relâchele 22), à 18 heures. Durée : 1 h 10.vsprs, conçu et mis en scènepar Alain Platel. Cour du lycéeSaint-Joseph, du 20 au 26 (relâchele 23), à 22 heures. Durée : 1 h 35.Le Sujet à vif. Quatre spectacles nésd’une rencontre entre un chorégrapheet des danseurs et artistes.Jardin de la Vierge du lycéeSaint-Joseph, du 17 au 25.A 11 heures : Contigo, par JoaoPereira dos Santos et Rui Horta ;Nunakt, par Karine Pointiès et NicoleMossoux ; à 18 heures : Copyright,par Olivier Dubois et Claire Denis ;Mones, Monde, Junaid Jemal Sendiet Franck Micheletti.L’Eté des Hivernales, organisépar Les Hivernales, centrede développement chorégraphiqued’Avignon. Programmmesur www.hivernales-avignon.comou tél. : 04-90-82-33-12

Le Dernier Caravansérail (Odyssées),film réalisé par Ariane Mnouchkined’après le spectacle du Théâtre duSoleil. Projection dans la Courd’honneur, le 10, à 22 heures (5 h 15).

Cycle de musiques sacrées,du 7 au 27, à Avignon et dans la région.

Lune, exposition d’Hiroyuki Nakajima.Chapelle Saint-Charles, du 9 au 21(relâche le 15), de 12 heuresà 16 heures. Avec une performanceà 17 heures (environ 30 minutes)Métamorphoses du public.Maison Jean-Vilar, du 4 au 29,de 10 h 30 à 18 heures.Mémoire de scène, les costumesdu Festival 1947-1963. Palais despapes, toute la durée du Festival,de 9 heures à 20 heures.Le Paradoxe du comédien,les figures de l’acteur. CollectionLambert en Avignon, jusqu’au1er octobre, de 11 heures à 19 heures.Les Maîtres du Nord. Musée Calvet,toute la durée du Festival, de 10 heuresà 13 heures et de 14 heures à 18 heures.

Une journée particulière : 24 heurespour célébrer soixante annéesde décentralisation. Le 17,au Verger Urbain-V.Une histoire en mouvementTrois journées consacrées àl’histoire du Festival, GymnaseSaint-Joseph, les 13, 14 et 15.Les leçons de l’université d’Avignon,avec Bartabas, le 12 ; Edward Bond,le 15 ; Anatoli Vassiliev, le 19.Université d’Avignon, à 11 heures.Le théâtre des idées. Rencontresavec des philosophes, des intellectuelset des scientifiques. Gymnasedu lycée Saint-Joseph, les 8, 9, 11, 16, 19,20 et 22.

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RENCONTRES

THÉÂTRE ÉQUESTRE

THÉÂTRE

PRATIQUE

MÉMENTODu 6 au 27 juillet.Places numérotées : Courd’honneur, Cour du lycéeSaint-Joseph, Théâtre municpal(cat. 1), Chapiteau Domaine deRoberty. Placement libre danstous les autres lieux. Ouverturedes portes de 15 à 30 minutesavant le début des spectacles.Cour d’honneur : de 13 ¤ à 36 ¤.Théâtre municipal : de 13 ¤ à25 ¤. De 13 ¤ à 25 ¤ pour lagrande majorité des spectacles.

RÉSERVATIONSPar téléphone : 04-90-14-14-14(de 9 heures à 13 heureset de 14 heures à 17 heures).Au bureau de location à Avignon :Cloître Saint-Louis, 20, rue duPortail-Bocquier, tous les joursde 11 heures à 19 h 30 (pourles spectacles du jour même,la location s’arrête trois heuresavant le début de chaquereprésentation ; la ventereprend, dans la limitedes places disponibles,à l’entrée des lieux de spectacle,45 minutes avant le débutde la représentation).Par Internet (frais de location :1,60 ¤ par billet) :www.festival-avignon.com.Dans les Fnac (frais de location :1,60 ¤ par billet).Paris : Bastille, Etoile, Forum,Micro, Italiens, Montparnasse,Saint-Lazare, Italie II,Champs-Elysées.Région parisienne : Créteil, Cergy,La Défense, Evry, Noisy, Parly II,Parinor, Vélizy, Boulogne,Rosny II, Val d’Europe.Province : toutes les Fnac.Etranger : Fnac en Suisseet en Belgique.

NUMÉROS UTILESFestival d’Avignon,renseignements :04-90-14-14-60.Chartreuse de Villeneuves-lès-Avignon : 04-90-15-24-24.Office de tourisme d’Avignon :04-32-74-32-74.Taxis (24h/24) : 04-90-82-20-20.

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