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Olivier Ihl : «Hollande joue l'une de ses meilleures cartes» PROPOS RECUEILLIS PAR ROMAIN DAVO EN PRÉSIDANT la panthéonisation de quatre figures de la résistance, François Hollande se retrouve au centre d'une grand-messe républicaine qui croise mé moire et unité nationale. Trois jours plus tard, ce sera au tour de Nicolas Sarkozy de jouer la carte de l'unité ct de la Répu blique, lors du congrès de refondation de l'UMP. Pour Olivier lhl, directeur hono- raire de l'lEP de Grenoble et spèciaUste de la mise en scène du pouvoir, ''l'un et l'autre ont compris qu'en période trouble revendiquer la République pouvait peser lourd». LE FIGARO. - On a l'impression d'assister à Wle lutte des rivaux pour Je concept de « République» , ct ce à grands coups de cérémonies politiques. Olivier lHL. Quelques après les at- tentats de janvier et la marche qui a suivi, il y a une accélération de la compétition pour la République dans un contexte qui est clairement celui d'une campagne pour 2017. D'un côté il y a une cérémonie au Panthéon, de l'autre un grand congrès. Ça se joue dans des arènes diffé rentes, mais l'époque fait le trait d'union En des temps flous, les repères va- cilJent, il est essentiel pour les candidat-; de se revendiquer de la République. Avec les Républicains, NicolasSarkozy anticipe-t-il un second tour UMP /FN en 2 017, cherchant à se positionner comme le seul candidat de la République ? Dans le cadre d'une campagne électorale, ce nom peut mettre ses adversaires en porte-à-faux. Dans l'hypothèse d'une confrontation avec le FN, Nicolas Sarkozy a le souci de s'arroger le droit de parler au nom de la République. Le tradi- tiOJmel duel droite/gauche serait moins favorable à cette tactique, mais pourrait toujours rassurer des fragments de l'élec- torat inquiets sur la sécurité, la laïcité ou face à la mondialisation. En se disputant la République et ses valeurs, François Hollande et Nicolas Sarkozy vont -ils capitaliser pour 2017 ? Olivier lhl : « Il y a une accélération de la compétition pour la République')R Parler de la République, c'est une maniè- re de rappeler sa stature présidentielle et de se mettre au dessus des partis pour rassembler. Avec la panthéonisation, François Hollande joue l'une de ses meilleures cartes, celle du discours com- mémoratif, grâce auquel il revêt enfin cette stature présidentielle qu'il a eu tant de mal a posséder. Il décline une certaine forme de majesté dans un tête-à tête avec l'histoire qui détourne du bilan so cial et économique. Mai'i le Panthéon n'est pas un lieu particulieremcnt vivant, où les Françal' montrent leur capacité à se rasse1pbler. Ce n' e:;t certainement pas ce rendez- vous avec la Republique qui va permettre d'en redéfinir le cours. Au fond, la notion de «valeurs républi- caines» parle-t-elle encore aux Fran- çais? «République>> c'est un mot valise qui demande à être précisé par des adjectifs ou une perspective hi'itorlque. Or, nous sommes victimes du souci de rassembler le plus possible et de definir le moins pos- sible. Sans points d'ancrage, on reste dans une invocation prisonnière d'elle même. Désormais, les Français ne se sa- tisfont plus d'un discours de comices de la me République. !.cs valeurs doivent traduire une réalité tangible, se manifes ter en mesures concrètes, sinon les élec- teurs vont continuer à déserter k'S urnes ou à chercher des alternatives du côté des partis non républicains. •

Figaro 27 Mai 2015 Hollande Joue l'Une de Ses Meilleures Cartes

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Interview donnée au Figaro à l’occasion de la panthéonisation de Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay.

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  • Olivier Ihl : Hollande joue l'une de ses meilleures cartes PROPOS RECUEILLIS PAR ROMAIN DAVO

    EN PRSIDANT la panthonisation de quatre figures de la rsistance, Franois Hollande se retrouve au centre d'une grand-messe rpublicaine qui croise m moire et unit nationale. Trois jours plus tard, ce sera au tour de Nicolas Sarkozy de jouer la carte de l'unit ct de la Rpu blique, lors du congrs de refondation de l'UMP. Pour Olivier lhl, directeur hono-raire de l'lEP de Grenoble et spciaUste de la mise en scne du pouvoir, ''l'un et l'autre ont compris qu'en priode trouble revendiquer la Rpublique pouvait peser lourd.

    LE FIGARO. - On a l'impression d'assister Wle lutte des rivaux pour Je concept de Rpublique, ct ce grands coups de crmonies politiques. Olivier lHL. Quelques mol~ aprs les at-tentats de janvier et la marche qui a suivi, il y a une acclration de la comptition pour la Rpublique dans un contexte qui est clairement celui d'une campagne

    pour 2017. D'un ct il y a une crmonie au Panthon, de l'autre un grand congrs. a se joue dans des arnes diff rentes, mais l'poque fait le trait d'union En des temps flous, o les repres va-cilJent, il est essentiel pour les candidat-; de se revendiquer de la Rpublique.

    Avec les Rpublicains, NicolasSarkozy anticipe-t-il un second tour UMP /FN en 2017, cherchant se positionner comme le seul candidat de la Rpublique ? Dans le cadre d'une campagne lectorale, ce nom peut mettre ses adversaires en porte--faux. Dans l'hypothse d'une confrontation avec le FN, Nicolas Sarkozy a le souci de s'arroger le droit de parler au nom de la Rpublique. Le tradi-tiOJmel duel droite/gauche serait moins favorable cette tactique, mais pourrait toujours rassurer des fragments de l'lec-torat inquiets sur la scurit, la lacit ou face la mondialisation.

    En se disputant la Rpublique et ses valeurs, Franois Hollande et Nicolas Sarkozy vont -ils capitaliser pour 2017 ?

    Olivier lhl : Il y a une acclration de la comptition pour la Rpublique. ')R

    Parler de la Rpublique, c'est une mani-re de rappeler sa stature prsidentielle et de se mettre au dessus des partis pour rassembler. Avec la panthonisation, Franois Hollande joue l'une de ses meilleures cartes, celle du discours com-mmoratif, grce auquel il revt enfin cette stature prsidentielle qu'il a eu tant

    de mal a possder. Il dcline une certaine forme de majest dans un tte- tte avec l'histoire qui dtourne du bilan so cial et conomique. Mai'i le Panthon n'est pas un lieu particulieremcnt vivant, o les Franal' montrent leur capacit se rasse1pbler. Ce n'e:;t certainement pas ce rendez- vous avec la Republique qui va permettre d'en redfinir le cours.

    Au fond, la notion de valeurs rpubli-caines parle- t-elle encore aux Fran-ais? Rpublique >> c'est un mot valise qui demande tre prcis par des adjectifs ou une perspective hi'itorlque. Or, nous sommes victimes du souci de rassembler le plus possible et de definir le moins pos-sible. Sans points d'ancrage, on reste dans une invocation prisonnire d'elle mme. Dsormais, les Franais ne se sa-tisfont plus d'un discours de comices de la me Rpublique. !.cs valeurs doivent traduire une ralit tangible, se manifes ter en mesures concrtes, sinon les lec-teurs vont continuer dserter k'S urnes ou chercher des alternatives du ct des partis non rpublicains.