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FÉLIX-ANTOINE SAVARD LES ACADIENNES · 2018. 4. 13. · Félix-Antoine Savard, et si le temps lui avait été donné de le faire paraître. Ce projet presque achevé ayant été

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La collection « Voix retrouvées » a pour objectif de faire connaître des textes littéraires qui n’ont jamais été publiés ou qui ne l’ont été qu’une seule fois et, de surcroît, il y a de nombreuses années, de telle sorte qu’ils sont aujourd’hui ignorés du public lecteur. Chaque volume comprend une introduction, une chronologie, des notes explicatives et une bibliographie. Les Acadiennes est le dixième titre de la collection.

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COLLECTION « VOIX RETROUVÉES »

Collection fondée par Roger Le Moine † et dirigée par Yvan G. Lepage † de 2005 à 2008.

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Félix-Antoine Savard

LES ACADIENNES

Dossier compilé et présenté par Yvan G. Lepage

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Les Éditions David remercient le Conseil des Arts du Canada, le Secteur franco-ontarien du Conseil des arts de l’Ontario et la Ville d’Ottawa. En outre, nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.

Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération canadienne des sciences humaines de concert avec le Programme d’aide à l’édition savante, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Savard, Félix-Antoine, 1896-1982

Les acadiennes / Félix-Antoine Savard ; dossier compilé et présenté par Yvan G. Lepage.

(Collection Voix retrouvées ; 10) Comprend des réf. bibliogr. ISBN 978-2-89597-122-1

I. Lepage, Yvan G. II. Titre. III. Collection : Collection Voix retrouvées ; 10

PS8537.A92A33 2010 C841’.52 C2010-907322-3

Les Éditions David Téléphone : 613-830-3336 335-B, rue Cumberland Télécopieur : 613-830-2819 Ottawa (Ontario) K1N 7J3 [email protected] www.editionsdavid.com

Tous droits réservés. Imprimé au Canada. Dépôt légal (Québec et Ottawa), 4 e trimestre 2010

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PRÉSENTATION

À son décès, en mai 2008, mon mari, Yvan Lepage, laissait sur sa table de travail le manuscrit des Acadiennes de Félix-Antoine Savard, compilation à laquelle il travaillait depuis plus de deux ans, dans le cadre des recherches prélimi naires qui devaient le conduire à la rédaction d’une biographie de Monseigneur Savard. Il n’est que de consulter l’édition criti-que qu’Yvan avait donnée de Menaud maître-draveur 1 pour se rendre compte combien Félix-Antoine Savard était un auteur exigeant avec lui-même, qui revenait sans cesse sur son idée première afin de parvenir au texte idéal, toujours fuyant. L’écriture inachevée des Acadiennes, les recommen-cements, les repentirs constituent, à l’instar de Louise de Sinigolle 2, un exemple de ce besoin de rigueur et de perfec-tion qui animait l’écrivain.

Considérant que ce « drame lyrique » en gestation per-mettait de pénétrer dans l’atelier de Félix-Antoine Savard et de montrer l’évolution de sa pensée pendant le demi-siècle qu’a duré l’élaboration des Acadiennes, Yvan s’était fixé pour objectif de réunir les fragments épars dans le fonds Savard déposé aux Archives de l’Université Laval, de les

1. Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2004 (Bibliothèque du Nouveau Monde).

2. Félix-Antoine Savard, Louise de Sinigolle, dossier original mis à jour et présenté par Réjean Robidoux, Ottawa, Les Éditions David, 2001 (Voix retrouvées).

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dater dans la mesure du possible, de les regrouper pour leur conférer un maximum de sens et d’en éclairer la genèse.

Le dossier qu’il laissait en mai 2008 se présentait sous forme de « pièces détachées » qu’il suffisait de rassembler pour donner aux chercheurs et aux fervents de littéra-ture accès à une œuvre inédite, qui a hanté Félix-Antoine Savard pendant toute sa vie, mais qu’il n’a jamais menée à bien. Mon travail en tant que légataire intellectuelle a donc consisté à récupérer les diverses parties du dossier, à les réunir et à les lier les unes aux autres pour en faire un livre. Ainsi, j’ai rédigé moi-même, outre cette notice de pré-sentation, la section intitulée « Établissement du texte » en m’inspirant de ce qu’Yvan avait fait pour Menaud maître-draveur, en le plagiant parfois, mais toujours dans le souci de rester aussi proche que possible de son intention pre-mière. J’ai également réaménagé quelque peu l’introduction qui avait d’abord été écrite en tant que communication pré-sentée dans le cadre d’un colloque tenu à l’Université d’Ot-tawa 3. J’ai ajouté des intertitres dans l’introduction, dans la table chronologique et dans le dossier, afin de faciliter la lecture et l’identification des fragments. Ces modifications, on le voit, ne touchent que la présentation du texte et non son contenu 4.

Sans doute cet ouvrage aurait-il été plus parfait si son maître d’œuvre avait pu le relire lui-même à la lumière de la grande connaissance qu’il avait acquise de la vie de Félix-Antoine Savard, et si le temps lui avait été donné de le faire paraître. Ce projet presque achevé ayant été abrup-tement interrompu, il m’aurait semblé regrettable de priver

3. « Les Acadiennes : projet de drame lyrique de Félix-Antoine Savard », communication présentée dans le cadre du colloque « (Se) Raconter des H/histoires. Histoire et histoires dans les littératures francophones du Canada », Université d’Ottawa, 18-21 octobre 2007.

4. Je remercie Madame Nicole Bourbonnais pour son appui et ses judicieux conseils.

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PRÉSENTATION

l’ ensemble des personnes intéressées par l’œuvre de Félix-Antoine Savard de ce témoignage sur son travail d’écrivain. Tout cela pour quelques imperfections qui pourraient rester dans le présent ouvrage…

Françoise Lepage

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REMERCIEMENTS

Il est incontestable qu’Yvan était profondément reconnais-sant à James H. Lambert, archiviste en chef de l’Univer-sité Laval qui, depuis de nombreuses années, a appuyé son travail et facilité de multiples façons son accès au fonds Félix-Antoine-Savard. Je remercie aussi personnellement Monsieur Lambert pour les informations qu’il m’a aima-blement fournies relativement au fonds Savard. Yvan aurait également exprimé sa gratitude envers Michel Prévost, archiviste en chef de l’Université d’Ottawa, qui assurait la liaison avec les Archives de l’Université Laval. Sans la par-ticipation de ces deux archivistes compréhensifs, l’édition des Acadiennes n’aurait pu être terminée.

Françoise Lepage

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INTRODUCTION

Félix-Antoine Savard a porté pendant près de soixante ans le projet d’un drame lyrique inspiré d’un épisode de la Déportation des Acadiens : le retour à Grand-Pré de femmes, d’hommes et d’enfants qui avaient été exilés à Bos-ton en 1755.

L’idée lui en était venue en 1923, à la lecture de l’Evan-geline de Longfellow, que Pamphile Le May avait traduit en alexandrins, entre 1863 et 1865, et dont la version définitive avait paru en 1912 1.

À cette date — octobre 1923 — Savard, qui avait été ordonné prêtre l’année précédente, enseignait le français et le latin, en classe de rhétorique, au Séminaire de Chicou-timi, où il avait lui-même fait ses études. S’il n’hésite pas à introduire dans son enseignement le roman de Louis Hémon Maria Chapdelaine, dont les voix, confiera-t-il plus tard, l’avaient frappé « au cœur 2 » et qui devaient hanter Menaud, on ne sait s’il initia ses élèves au chef- d’œuvre de Longfellow. Composé à l’apogée du romantisme et portant la marque du nationalisme culturel américain du milieu du xixe siècle, le poème avait de quoi satisfaire les

1. Pamphile Le May, Évangéline et autres poèmes de Longfel-low, Montréal, J.-Alfred Guay, 1912, 211 p. (1re éd. dans Essais poéti-ques, Québec, G.E. Desbarats, 1865, p. 1-107).

2. Félix-Antoine Savard, Carnet du soir intérieur, I, Montréal, Fides, 1978, p. 161.

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aspirations du jeune Savard qui publie toujours, à cette épo-que, des textes en vers et en prose, inspirés de Lamartine et de Chateaubriand, dans L’Alma Mater, journal du Sémi-naire. Évangéline n’était pas au programme, au Séminaire de Chicoutimi, en ces années où Savard y enseignait. La Mireille de Mistral ne l’était pas davantage, mais on sait que Savard la fit découvrir à ses élèves avec le même enthou-siasme que celui qu’il avait mis à leur faire connaître Maria Chapdelaine. Qu’il leur ait aussi fait apprécier le touchant poème de Longfellow reste donc tout à fait vraisemblable. Incarnée en terre d’Amérique, dans une nature encore vierge, évoquant le paradis, cette « histoire d’amour et de séparation 3 », superbement portée par le souffle romantique des alexandrins de Pamphile Le May, avait tout pour plaire à Savard, lui qui aspirait déjà à conjuguer forme classique et matière canadienne.

C’est par ailleurs au début des années 1920, dans la fou-lée du huitième congrès national acadien, réuni en 1921 à Pointe-de-l’Église, que se met en place, à Grand-Pré, le dispositif destiné, comme l’écrit Robert Viau, à « ranimer la combativité de la jeunesse acadienne au moyen de la com-mémoration 4 » de la tragédie de 1755. Sur un terrain qui lui a été cédé par la compagnie ferroviaire Dominion Atlantic Railway, la Société nationale L’Assomption fait ériger, à partir de 1922, une chapelle votive sur le site de l’église de Grand-Pré, incendiée à l’automne 1755 par les troupes du colonel John Winslow. À l’avant-plan s’élève, depuis juillet 1920, une statue d’Évangéline, œuvre du sculpteur Louis-Philippe Hébert.

Symbole pour les Acadiens de la reprise de possession de leur patrie, Grand-Pré devient dès lors un lieu de pèlerinage

3. Claude Beausoleil, « Préface » à Evangeline de Henry Wadsworth Longfellow, traduction de Pamphile LeMay, Moncton, Les Éditions Perce-Neige / Écrits des Forges, 1994, p. ix.

4. Robert Viau, Les Visages d’Évangéline. Du poème au mythe, Beauport, Publications MNH, 1998, p. 119.

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INTRODUCTION

commémoratif, « un véritable mythe identitaire, image d’un événement fondateur de la nouvelle Acadie 5 ». Il y avait déjà plus de soixante ans que l’héroïne de Longfellow attirait les touristes canadiens et américains au « pays d’Évangéline », mais le temps était venu pour les Acadiens d’y reprendre symboliquement pied. Mû par un ardent sentiment nationa-liste attisé par les Henri Bourassa et les Lionel Groulx, les Canadiens français avaient déjà répondu généreusement à l’appel du Comité de l’Église-Souvenir de Moncton, chargé de recueillir des fonds pour la construction de la chapelle votive et l’aménagement du site de Grand-Pré. C’est ainsi qu’au Monument National, à Montréal, une grande « Soi-rée de Grand-Pré » avait été organisée, le 30 mai 1917, par la Société Saint-Jean-Baptiste. Bourassa et Groulx y avaient pris la parole. À partir de 1924, des pèlerinages partent de Montréal pour Grand-Pré, à l’initiative du jour-nal Le Devoir. En cette même année 1924 paraissait une nouvelle traduction d’Evangeline, due cette fois à la plume du poète Paul Morin.

Tout ce battage autour de l’Acadie et de son héroïne nationale a bien dû franchir les murs du Séminaire de Chicoutimi et attirer l’attention du jeune professeur Félix-Antoine Savard. De là, et de sa lecture du poème de Long-fellow, est né le projet des « Acadiennes », dont le dossier comprend une quarantaine de pièces de longueur varia-ble 6. Ces pièces, dont l’écriture s’échelonna de 1923 à 1977, témoignent de l’évolution du projet. En voici la teneur et le parcours.

5. Ibid.

6. Les pièces de ce dossier sont conservées dans le fonds Félix-Antoine-Savard des Archives de l’Université Laval, sous la cote 123-7-19-3 (adresse topographique : BP2112). Voir Jacques Blais, « Répertoire numérique détaillé du fonds Félix-Antoine-Savard et de la série “Félix-Antoine-Savard” du fonds Luc-Lacourcière (Archives de l’Université Laval) », Sainte-Foy, Université Laval, Faculté des lettres, Départe-ment des littératures, 1996, f. 264-267. On trouvera la description du dossier au complet dans la table chronologique (Annexe I, p. 211).

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LES ACADIENNES

Première tentative : influence du poème de Longfellow (1923-1924)

La première pièce, inspirée de toute évidence de la lec-ture de l’Évangéline de Pamphile Le May, se compose de neuf feuillets extraits d’un cahier d’écolier dont la trace a été perdue. Datés du « samedi soir 7 octobre 1923 » (mais sans doute faut-il lire « 6 octobre » ou « nuit du samedi 6 au dimanche 7 octobre »), ces feuillets enregistrent la nais-sance de l’« idée d’un poème sur [l’]Acadie », avec un plan, très simple, en trois parties : « avant — Dispersion — après (espoir) ». Les feuillets 2 et 3 consacrés, comme les trois premiers chants d’Évangéline, aux temps heureux où le hameau de Grand-Pré vivait en harmonie avec la nature, égrènent — conformément à la méthode dont Savard est coutumier — les mots et expressions, puisés dans la tra-duction de Le May, et qui, comme la palette de couleurs de l’artiste, constituent les matériaux de base du tableau idyllique de l’Acadie d’avant le drame. Les trois feuillets suivants reprennent, quant à eux, les moments forts de la convocation des Acadiens à l’église de Grand-Pré et de leur expulsion brutale, épisode qui compose les chants quatre et cinq de la première partie d’Évangéline. Le feuillet 7, qui sert de conclusion au drame de la Dispersion des Acadiens, stigmatise la conduite inqualifiable de l’Angleterre, la per-fide Albion sur laquelle le narrateur appelle la vengeance du Ciel : « Albion, honte à toi ! » Cette dernière doit expier, ajoute-t-il, « pour avoir ignominieusement séparé les mem-bres des familles acadiennes avant de les disperser dans les diverses colonies britanniques d’Amérique, les condamnant ainsi à errer sans fin, « sans amis [ni] foyer ».

Les deux derniers feuillets de cette première pièce du dossier des « Acadiennes » ont été rédigés un an plus tard, en novembre 1924. Ce n’est plus à un poème que Savard songe alors, mais à une « tragédie ». Et déjà se font entendre parallèlement, dans les quelques lignes qui nous en sont restées, les lamentations des victimes et les apostrophes

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INTRODUCTION

indignées de cette voix encore indéfinie qui sera, à partir de 1937, celle du chœur.

Une tragédie antique à contenu canadien (1927-1937)

L’idée de faire intervenir dans sa tragédie cette instance nar-rative classique qu’est le chœur paraît être venue à Savard à l’époque où, selon sa propre expression, il « refai[sait] ses humanités », profitant des moments de loisir que lui laissait son ministère, au presbytère de Sainte-Agnès en Charle-voix, à l’automne de 1927, puis à La Malbaie, à partir du printemps 1928. La lecture d’Eschyle lui révèle en effet la puissance extraordinaire de ce « personnage » à la fois humain et divin qu’est le chœur antique, appelé à commen-ter l’action et à en dévoiler le sens profond. Rien ne pouvait mieux correspondre à la conception que Savard se faisait de l’homme et de l’univers, régis par les desseins impénétrables de la Providence, que la tragédie antique, chargée d’illustrer le rôle de la divinité dans la destinée humaine. Aux yeux de l’écrivain, influencé en cela par Bossuet et sa vision de l’histoire, le drame du peuple acadien a été voulu par Dieu. Les épreuves qui l’ont frappé, et dont les Anglais ont été les instruments, ont servi à le grandir, en lui garantissant une prospérité à laquelle il n’aurait pu accéder sans les souf-frances qui ont contribué à l’endurcir et à lui faire prendre conscience de son destin 7.

La deuxième pièce du dossier, égarée en quelque sorte dans le dernier cahier de la seconde version manuscrite de Menaud maître-draveur (cahier daté du 11 avril 1937), témoigne on ne peut plus clairement de cette vision du

7. Robert de Roquebrune paraît partager cette vision providen-tielle, lui qui écrit, en conclusion à son article de la Revue des deux mondes (1er juillet 1956) sur « Le Grand Dérangement » : « Cest à eux [Lawrence et Winslow] que les Acadiens doivent d’être encore un peuple de Français. C’est [le Grand Dérangement qui] a fait des habi-tants d’Acadie une race dont la vitalité est remarquable, le caractère extraordinaire. » (p. 66)

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monde : « la haute destinée ne va pas sans l’épreuve », clame le chœur, qui ajoute : « Rien de grand sans la souffrance ». Constitué de trois éléments (dont deux seulement sont nommés : le peuple acadien et les « sauvages »), le chœur reçoit son unité du chorège qui en assure l’organisation et en assume les frais.

Les Acadiennes de 1943

Quand Savard renoue avec son projet de tragédie, en 1943, c’est précisément au chœur qu’il confie le soin de rappeler le bonheur dans lequel a vécu l’Acadie avant les terribles épreuves que Dieu lui réservait : « Béni soit notre Dieu qui nous donne ce pays », chante le peuple acadien, par la voix du chœur, avant que ce dernier n’ajoute, se faisant alors, à l’instar du prêtre, le porte-parole de la divinité :

Par des fourrés épais s’en vont les voies de la pensée divinepar des ombres épaissess’en vont-elles et nul mortel ne saurait les pénétrer.

Les peuples qu’il aime sont dans la main de Dieu […].

Déjà, Savard recourt aux vers libres, tantôt isolés, tantôt regroupés dans des strophes de longueur variable, allant de deux à huit ou neuf vers. La rédaction procède par à-coups, difficilement sans doute, en tout cas sans lien, bien souvent, entre les fragments qui composent cette pièce. On note par ailleurs, entrelacées aux vers de Savard, d’assez nom breuses références au théâtre d’Eschyle, qu’il relit parallèlement à la rédaction de sa tragédie. Les passages cités proviennent des Suppliantes, des Perses et de Prométhée enchaîné.

Le dernier feuillet contient des notes de lecture de la première édition d’Un pèlerinage au pays d’Évangéline

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INTRODUCTION

que l’abbé Henri-Raymond Casgrain avait publié en 1887 8 et dont Savard a pu prendre connaissance en cette année 1943. Ce journal de voyage évoque successivement, à l’ins-tar de l’Evangeline de Longfellow, le Grand-Pré édénique d’avant 1755 et l’état dans lequel Casgrain a trouvé ces lieux chargés d’histoire cent trente-deux ans plus tard. Savard était d’autant mieux en mesure d’apprécier ce « pèlerinage » qu’il en avait lui-même effectué un — son premier —, en compagnie de Luc Lacourcière, deux ans plus tôt. Le seul témoignage qu’il nous reste de ce « retour aux sources » est une carte postale de Louisbourg, postée à Moncton le 25 juin 1941, et adressée par Savard à son ami Jean-Marie Gauvreau, directeur de l’École du meuble 9, à Montréal. On peut par ailleurs suivre l’itinéraire approximatif des deux amis grâce aux notes que Félix-Antoine Savard a laissées à ce sujet dans un cahier d’écolier 10. Neuf années s’écou-lèrent avant que Savard et Lacourcière ne retournent en Acadie, plus précisément dans la péninsule acadienne, afin d’y mener des enquêtes folkloriques. Ils devaient ensuite y retourner régulièrement, durant les années cinquante, seuls ou en compagnie de l’ethnomusicologue Roger Matton.

8. Henri-Raymond Casgrain, Pèlerinage au pays d’Évangéline, Québec, Imprimerie de L.-J. Demers & frère, 1887, 500 p.

9. Carte postale (« Interior View of Museum Fortress of Louis-bourg, N.S., Canada »). Archives nationales du Québec à Montréal, fonds Jean-Marie-Gauvreau, MSS-2, 2-4-4 : correspondance Félix-Antoine Savard–Jean-Marie Gauvreau, lettre 18. En voici le texte : « Mon cher Jean-Marie, M. Lacourcière + moi faisons le tour des souvenirs français de l’Acadie. Nous ne t’oublions pas. Affection à Mme Gauvreau. FASavard ptre. »

10. Félix-Antoine Savard, « Notes sur l’Acadie », cahier d’écolier à couverture noire, 16 f., conservé dans le fonds Félix-Antoine-Savard des Archives de l’Université Laval, sous la cote 123-7-19-3, cinquième dossier, pièce 3 : « Les Acadiennes ». Voir J. Blais, op. cit., p. 267. Le f. 7 est daté du samedi 21 juin, ce qui correspond bien à l’année 1941, tout en étant parfaitement cohérent par rapport à la date de la carte postale adressée à Jean-Marie Gauvreau.

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LES ACADIENNES

Mais si l’on revient un peu en arrière, on voit que Savard n’avait pas oublié son projet des « Acadiennes » entre 1937 et 1943. Une note de son Journal inédit nous en fournit la preuve. On y lit en effet : « L’Orestie. Reçu de Luc [Lacour-cière] les Choéphores et les Euménides de Claudel. / Est revenue l’obsession des Acadiennes, longtemps hier soir, ont roulé les chœurs et battu les sanglots […] 11 ». Et il cite, en grec, les vers 469-470 des Choéphores d’Eschyle, que Paul Mazon traduit ainsi : « Hélas ! intolérables et gémissan-tes angoisses ! hélas ! souffrances sans terme ! 12 » On notera aussi, par ailleurs, que « Les Acadiennes » sont annoncées comme « à paraître », en décembre 1943, dans la première édition de L’Abatis, tout comme « Louise de Sinigolle » du reste (déjà annoncée en 1937, dans la première édition de Menaud). Annonce téméraire, et que Savard regrettera, puisque aucune de ces deux œuvres ne verra le jour.

De quoi devaient être faites ces « Acadiennes » de 1943 ? D’un chant de grâce du chœur, d’une déploration et d’une prophétie : « Du germe de douleur naîtra une race puis-sante », ainsi qu’on l’a vu précédemment. Mais ce schéma un peu trop général, Savard va essayer — sans trop de suc-cès, il faut bien le dire — de lui donner un peu plus de consis-tance en novembre de la même année 1943. Il consigne en effet, sur les sept premiers feuillets d’un cahier d’écolier, quelques notes destinées à alimenter les trois actes de sa

11. Félix-Antoine Savard, « Journal [inédit], Archives de l’Univer-sité Laval, fonds Félix-Antoine-Savard, 16 janvier [1940]. Ce Journal, conservé sous la cote 123-8 (adresse topographique : BP2115), couvre les années 1938 à 1982, mais seule la période allant de 1938 à 1970 est actuellement accessible, les douze dernières années étant fermées à la consultation jusqu’en août 2012. Voir Jacques Blais, op. cit., f. 276-300. Félix-Antoine Savard a abondamment puisé dans les années 1961 à 1964 de son Journal au moment où il préparait les deux tomes de Journal et souvenirs, publiés respectivement en 1973 et 1975.

12. Eschyle, t. II : Agamemnon — Les Choéphores — Les Eumé-nides, texte établi et traduit par Paul Mazon, 7e éd., Paris, Les Belles Lettres, 1961, p. 98.

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INTRODUCTION

tragédie :  la noce, d’abord, avec ses scènes de réjouissan-ces populaires,  troublée par l’inquiétude que suscitent  les « menaces anglaises » ; la Déportation et la séparation des époux, ensuite ; puis, pour finir, le désir de vengeance d’un fils, que sa mère, par la voix du chœur, exhorte au pardon. Cette mère est sans doute la jeune épouse du premier acte et le fils, qui occupera désormais une place centrale dans les nombreuses esquisses à venir, prendra divers noms  : Duncan, Malcolm, Yvan, François,  jusqu’à ce que Savard fixe enfin son choix sur Malcolm. La mère, pour sa part, portera en 1948 le nom d’Évangéline Hébert (pièce 13  : novembre 1948), puis celui de Rachel Leblanc (pièce 9  : mars 1948), de Geneviève (pièce 12 : avril 1948), ou encore de Marie Dugast  (pièces 21 et 22  : 1952 ?) ou de Made-leine Hébert (pièce 33 : 1960), avant de reprendre — et on peut y voir le poids de la tradition — le nom d’Évangéline (pièce 40 : octobre 1977).

Les deux poèmes : Savard, lecteur d’Émile Lauvrière et de Pascal Poirier (1950-1977)

Quand trente-quatre ans plus tard, en 1977, Savard reprend ce cahier de 1943, il  l’annote ainsi  : « 1er  texte qui m’était venu à  l’esprit en 1943. Mais en 1977,  le drame est  tout autre. » Et il ajoute, au haut du troisième feuillet : « J’en ai conçu un tout autre fondé sur des textes du Sénateur Poi-rier. » (pièce 40 : octobre 1977)

Savard fait ici allusion à l’article intitulé « Des Acadiens déportés à Boston en 1755. Un épisode du Grand Déran-gement », que Pascal Poirier avait publié, en 1908, dans les Mémoires de la Société royale du Canada 13 et qu’il semble avoir découvert en 1948. Dans la genèse des « Acadiennes », cet article est capital, « séminal », dirait-on en anglais. Avec 

13.  Pascal Poirier, « Des Acadiens déportés à Boston en 1755. Un épisode du Grand Dérangement », Mémoires de la Société royale du Canada, vol. II, section I, 1908, p. 125-180.

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LES ACADIENNES

les deux gros volumes de La Tragédie d’un peuple d’Émile Lauvrière 14 (1923), il a en effet inspiré la seule version des « Acadiennes » qui soit, pour ainsi dire, « aboutie » : le poème d’août 1950, remanié en août 1977.

En quelle année Savard se procura-t-il la « troisième édition » de La Tragédie d’un peuple de Lauvrière ? Les deux tomes, signés « F. Ant. Savard ptre » sur les pages de faux-titre, et dont avait hérité son neveu Roger Le Moine, sont assez abondamment annotés en certaines de leurs par-ties (premiers et derniers chapitres du tome premier et les 170 premières pages du tome second). Le très mauvais état dans lequel ces deux tomes se trouvent aujourd’hui tendrait du reste à montrer que Savard les a beaucoup fréquentés, si nous n’en avions par ailleurs la preuve, grâce aux trois cahiers d’écolier à couverture noire, intitulés respective-ment « Les Acadiennes / Notes, plan, etc. », « Les Acadien-nes / Bibliographie » et « Les Acadiennes / Les noms », qui constituent les pièces 11, 13 et 14 de notre dossier. Ces cahiers — le second en particulier — comportent des notes extraites de Lauvrière (f. 1 à 4 du premier cahier, 1 à 55 du deuxième et 1 à 8 du troisième) témoignant d’une lec-ture attentive de l’ensemble des deux tomes de La Tragé-die d’un peuple. Au milieu du f. 7 du premier cahier, on lit : « Recommencé à travailler les Acadiennes < le 12 avril 1948 ». Les premiers feuillets, où Savard a consigné des notes de lecture de Lauvrière, sont vraisemblablement de peu antérieurs à cette date. Le deuxième cahier a dû être commencé à la même époque, mais la prise de notes a pu s’étendre sur la seconde moitié de l’année 1948 et déborder sur l’année 1949 15. Une note du Journal inédit, en date du 25 juillet 1949, nous en fournit un indice : « Lire Lauvrière

14. Émile Lauvrière, La Tragédie d’un peuple. Histoire du peuple acadien de ses origines à nos jours, 3e éd., 2 tomes, Paris, Éditions Bossard, 1923, t. I, xvi, 513 p. ; t. II, 597 p.

15. On trouve par ailleurs d’autres renvois à Lauvrière dans des pièces des années 1952 (pièce 19) et 1954-1956 (pièce 25).

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INTRODUCTION

— (IIe [tome]) sur les Acadiens. Le drame me poursuit. » Les f. 56 à 73 contiennent pour leur part une assez impor-tante bibliographie consacrée à l’Acadie, ce qui montre que Savard s’est sérieusement documenté afin d’alimenter ses « Acadiennes ». On y trouve, entre autres, quelques ren-vois à l’article de Pascal Poirier, lequel, on l’a vu, a servi de déclencheur à la première version du Poème d’août 1950 sur l’exode des Acadiens de Boston. Le Journal inédit y fait allusion à trois reprises. Le 5 décembre 1949, d’abord :

Temps gris. Il a neigé, un peu, cette nuit. J’ai mal dormi, réveillé à toute heure par les Acadiennes (qui me travaillaient depuis hier). L’histoire de cet exode si tragi-que (celui de 1766) est assez facile à établir — et les lieux, encore plus. Mais il me répugne d’écrire un roman ( ! !) là-dessus. La tragédie à laquelle j’avais pensé d’abord est morte et ne chante plus. Tout ce qui semblerait arrange-ment, composition, jeu de l’esprit me paraît indigne. Ce qu’il faut : quelque chose de simple, de sacré — une sorte de prose biblique rythmée par un long sanglot. Que Dieu me soit en aide ! Cette idée m’est venue après la messe de ce matin. Mais contentons-nous, pour le moment, de placer cela parmi les choses à peser.

Savard joue ici, comme à son habitude, sur le doublet éty-mologique de pensare, d’où sont issus les verbes « penser » et « peser ». Quant à la « prose biblique rythmée » à laquelle il songe, c’est effectivement à elle qu’il recourra dans son Poème d’août 1950, formé de strophes de longueur variable, constituées pour l’essentiel de vers de 5 à 10 syllabes.

Ce long poème, qui occupe quarante-huit feuillets dans sa version de 1977, se présente sous la forme d’un récit fait, comme dans la tragédie antique, par un chœur qui évo-que, plus qu’il ne raconte, tout en exhalant sa douleur et sa réprobation, le drame des exilés acadiens de Boston. Citons, à titre d’exemple, la deuxième strophe :

Oh ! tandis que dans le dernier soir (9)brûlaient les terres et les maisons (8/9)de l’heureuse Acadie… (6)

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LES ACADIENNES

Dieu détournait sa face (6)et les anges errant sur les grèves rouges (10/11)pleuraient et disaient (5)les hommes sont cruels. (6)

Ou encore, la strophe 42, évoquant « la marche du retour » :

Ah ! lourde et lente était la marche (8)et empêtrés les pas (6)par la pensée des vieillards (7/8)et des infirmes (4)restés pour mourir (5)dans la cruelle terre étrangère. (8/9)

La strophe 3 dessine en d’amples vers libres l’hostile ville-prison de Boston :

C’étaient de sévères, soucieuses maisons de briques rouges (14)à la dure face triste et fermée (10)oui, de dures maisons (6)mais entourées d’ormes protecteurs (9)de murs, de pelouses interdites (9)et jalousement séparées de la rue (11)où passe parfois (5)la choquante, guenilleuse et discordante misère. (14)

Cette ville puritaine, si peu charitable, Savard la connaissait-il au moment où il rédigea ce poème, à l’été de 1950 ? Une note de son Journal, à la date du 10 décem-bre 1949, pourrait le laisser croire : « C’est la question des Acadiennes qui me préoccupe. Nous avons décidé, Luc et moi, de faire les lieux (de Boston à Baie Ste-Marie) au prin-temps prochain. » Mais faute de journal pour cette période du printemps 1950, nous n’avons pas confirmation de ce voyage, qu’il devait cependant faire deux ans plus tard, en novembre 1952, quand il fut invité à donner une confé-rence devant les membres de la Société historique franco- américaine. On sait en revanche qu’il passa quelques semaines dans la péninsule acadienne avec Lacourcière en

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INTRODUCTION

juillet 1950 16. C’est d’ailleurs vraisemblablement à Shippa-gan, dans le chalet que le docteur Dominique Gauthier avait mis à leur disposition, que l’auteur de Menaud, peut-être encore tout imprégné du souvenir de Boston et baignant dans l’atmosphère acadienne, conçut le nouveau projet des « Aca diennes » dont il commença la rédaction au début du mois d’août. La première strophe s’accompagne en effet de la mention : « Ce soir, août 50 », date confirmée, deux fois plutôt qu’une, d’abord au f. 10 du Poème : « (brouillonné écrit ce soir du 4 août, 1950) », puis, à la même date, dans le Journal :

Poème sur la sortie des Acadiens de Boston, vers 1765… (ce soir du 4 août, 1950) / cf. Des Acadiens déportés à Boston vers 1755 (Un épisode du Grand Dérangement) par Pascal Poirier […]. / À tous ceux qui sont révoltés à bon droit contre… […] à quelques vieux anglo-saxons vertueux, oublieux, cet ancien récit qu’il faut oublier — […].

Les f. 12, 16-18 et 21 du Poème comportent eux aussi des renvois explicites à l’article de Pascal Poirier.

Le dernier feuillet du cahier « Les Acadiennes / Biblio-graphie » énumère d’autres ouvrages consacrés à l’Acadie, dont le récit de l’abbé Henri-Raymond Casgrain, que Savard connaissait depuis au moins 1943. La lecture de Lauvrière, comme celle de Poirier, paraît remonter, elle, à 1948. Ce sont là les principales sources des « Acadiennes ».

16. « En 1950, nos enquêtes ont principalement porté sur le folk-lore acadien de la région de Shippagan […]. Nous y avons fait deux séjours, le premier de six semaines, en juillet et août, et le second, de dix jours, au mois de novembre. Le nombre des informateurs ren-contrés se chiffre par plus d’une centaine. Les informations et notes recueillies à la main ou sous forme d’enregistrement furent aussi abon-dantes qu’on pouvait l’espérer en une région où nous allions pour la première fois. » (Luc Lacourcière et Félix-Antoine Savard, « Le folk-lore acadien », National Museum of Canada (Annual Report), année fiscale 1950-1951, bulletin no 126, Ottawa, ministère des Ressources et du Développement, 1952, p. 99)

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LES ACADIENNES

L’influence d’Émile Lauvrière, quoique prépondérante dans l’ensemble des pièces qui constituent le dossier des « Acadiennes », reste diffuse et implicite, alors que celle de Pascal Poirier, nommément reconnue — et plus d’une fois — s’exerce essentiellement sur le Poème de 1950, consacré précisément à la sortie de Boston. Trop vaste, l’ouvrage de Lauvrière ne suscite chez Savard que des projets drama-tiques vagues et épars, continuellement repris et toujours abandonnés. Pascal Poirier, en revanche, qui se concentre sur un épisode précis du drame des Acadiens, lui inspire un texte lyrique d’une seule coulée, parfaitement cohérent des points de vue thématique et formel. Pour se mettre en branle, la faculté créatrice de Félix-Antoine Savard a besoin d’être sollicitée par une image à la fois précise et forte : Boston, ville qu’il a visitée avec Luc Lacourcière en 1952 (sinon dès 1950) et dont les rues sont toujours hantées par le souvenir douloureux des Acadiens, cristallise cette image d’où émergent les personnages fantomatiques du Poème.

* * *

Parmi les personnages clés de la tragédie avec chœur à laquelle Félix-Antoine Savard a travaillé sans relâche, il en est un dont le rôle est de garder, en raison de son grand âge, le souvenir de la Déportation. Et bien qu’il appartienne au clan des Anglais, il s’en distingue par son esprit de charité et par la commisération dont il a su faire preuve au moment de la Dispersion à l’égard du héros acadien, devenu orphe-lin à la mort de son malheureux père. Ce « vieux fou », ainsi que l’appellent les soldats anglais chargés de barrer la route aux exilés acadiens cherchant à rentrer à Grand-Pré, est hanté par le sort tragique de ces derniers et par l’injustice dont ils ont été l’objet. Et c’est à lui qu’est dévolue la tâche de révéler sa véritable identité au jeune héros du drame.

Quant apparaît ce personnage d’intermédiaire entre les bourreaux et les victimes, vers 1948, il porte le nom de Scott (pièce 7). Mais dès la pièce suivante (14 mars 1948),

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INTRODUCTION

il devient, d’abord « le vieux Henry » (f. 28), puis « le vieux John » (f. 31), c’est-à-dire « John Pownall » (f. 44), plus tard rebaptisé « John Knox », dans l’« argument » de 1958, scéna-rio dont il est temps que nous parlions.

L’Argument de 1958

On en possède deux versions : un brouillon manuscrit de cinq pages, daté du 23 juin, mais sans indication d’année, et une copie dactylographiée, non datée. Dans son réper-toire du fonds Félix-Antoine-Savard, Jacques Blais situe le brouillon en 1958 17, date sujette à caution. Tout indique qu’il a été rédigé environ deux ans plus tôt, au moment où Savard déposait un dossier de demande de bourse Guggen-heim. Deux fois en juillet 1956 et une fois en janvier 1957, il note dans son Journal qu’il travaille à ses « Acadiennes ». Le 8 mai 1957 lui parvient la mauvaise nouvelle : « Reçu ce matin la liste des boursiers Guggenheim. Pas un Canadien. Et voilà une affaire cuite et réglée, et beaucoup d’illusions dissipées. C’est un échec que j’accepte sans surprise et sans amertume. Mais il fait revivre mon poème sur la sortie des Acadiens de Boston. » Quelques jours plus tard, le 21 mai, renversement de situation : « Grande nouvelle qu’une bourse Guggenheim m’est accordée à partir de juillet. Encore une bonté de Dieu. » Juillet 1957 marquait la fin du mandat de Savard à titre de doyen de la Faculté des lettres.

Il est de nouveau question des « Acadiennes » en sep-tembre 1958, janvier 1959, mars et novembre 1960, puis septembre 1962. Ainsi, le 13 mars 1960, Savard note :

Jonglé à mon programme [de travail] pour 60-61. Je ne veux point faire de cours. J’essayerai de finir des choses commencées : a) la Folle (théâtre) ; b) les Aca-diennes (théâtre) ; c) Les Rois Mages + l’Enfant prodigue ; d) Divers poèmes ; e) Un roman ; f) Un volume de souve-nirs. Ouf !

17. Jacques Blais, op. cit., p. 266.

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LES ACADIENNES

Le sort ne lui sera pas favorable et il devra se résigner à donner trois cours, en 1960-1961, l’un sur Villon, l’autre sur La Fontaine et le troisième sur l’Art et la poésie 18. Alors, dans l’espoir de trouver enfin les loisirs qui lui manquent pour mener à bon terme son vaste programme d’écriture, et en particulier son projet des « Acadiennes », il adresse une demande de bourse au Conseil des Arts du Canada. Robert Yergeau a résumé les pièces de ce dossier dans son récent essai consacré au Mécénat d’État 19. Quand la réponse lui parvient, en mars 1962, elle est négative. Sa déception est profonde, ainsi qu’en témoigne son Journal et souvenirs, à l’entrée du 11 mars 1962 :

Le Conseil des Arts du Canada a refusé de considérer un plan de tragédie que je lui avais soumis avec une cer-taine confiance ou… naïveté. Ainsi les Acadiennes, qui devaient être le drame de la pitié, du pardon, de la ten-dresse, mourront peut-être d’inanition. Pour le moment, c’est : Rideau 20.

Il ressasse cet échec, le 31 janvier 1963, au moment où il est plongé dans la rédaction de La Dalle-des-Morts 21 :

Aussi, par moments, un peu triste, déçu, songeur, je pense à cette tragédie Les Acadiennes que le Conseil des Arts n’a point daigné considérer. Le sujet, dégagé de toute violence historique, m’apparaissait très grand ; et même si les circonstances étaient du passé, ce drame, où reve-nait, comme un leitmotiv, la plainte tragique des exilés et

18. Voir Sœur Thérèse-du-Carmel, Bibliographie analytique de l’œuvre de Félix-Antoine Savard, Montréal, Fides, 1967, p. 54.

19. Robert Yergeau, Art, argent, arrangement. Le mécénat d’État, essai, Ottawa, Éditions David, 2004, p. 588.

20. Félix-Antoine Savard, Journal et souvenirs, I : 1961-1962, Montréal, Fides, 1973, p. 149.

21. Félix-Antoine Savard, La Dalle-des-Morts, drame en trois actes, Montréal, Fides, 1965, 155 p.

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INTRODUCTION

qu’animait la tendresse humaine, était de tous les temps et même du nôtre d’aujourd’hui 22.

Comme le précise Robert Yergeau, le ministère des Affai-res culturelles du Québec se montrera plus généreux à l’égard de Savard en lui accordant trois bourses entre 1964 et 1968. En 1968, c’est une bourse de 7 000 $ qu’il obtient « […] pour un secrétariat, l’achat d’un dictionnaire et des déplacements en Gaspésie pour l’une des ses œuvres : “Les Acadiennes” 23. » Peut-être sied-il d’ajouter que Savard venait d’être auréolé du prestigieux prix David. Quoi qu’il en soit, il bénéficiera de deux autres bourses du ministère des Affaires culturelles, en 1975 et en 1978. Le Conseil des Arts aura lui aussi reconnu les mérites de l’écrivain en lui accordant deux bourses de travail libre, en 1973 et 1975, puis une bourse de courte durée, en 1977 24.

Cette aide généreuse lui aura certes permis de rédiger les quatre volumes de ses mémoires et souvenirs, intitulés Jour-nal et souvenirs (deux volumes) et Carnet du soir intérieur (deux volumes), mais « Les Acadiennes », ce projet auquel il avait consacré tant d’énergie, devait malheureusement faire naufrage. Faut-il le regretter ? Probablement pas, des nombreux fragments épars qu’il en reste, aucun ne dépasse le stade de l’ébauche, sauf peut-être le Poème de 1950, revu en 1977, qui ne manque pas de souffle, mais qui est resté à l’état de promesse.

22. Félix-Antoine Savard, Journal et souvenirs, II : 1963-1964, Montréal, Fides, 1975, p. 25.

23. Robert Yergeau, op. cit., p. 462.

24. Robert Yergeau, op. cit., p. 75-77, 462 et 588.

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ÉTABLISSEMENT DU TEXTE

Les fragments des Acadiennes rassemblés dans ce recueil proviennent du fonds Félix-Antoine-Savard conservé aux Archives de l’Université Laval (fonds P123). Ce fonds, qui comprend près de onze mètres de documents textuels et quatre cents documents iconographiques, a été en grande partie remis aux Archives par monseigneur Savard lui-même, entre 1979 et 1982. Le reste a été déposé par la suc-cession après le décès du romancier survenu en août 1982.

Bien que des notes sur l’Acadie et Les Acadiennes soient disséminées dans diverses séries à l’intérieur du fonds 1, c’est surtout la série 7, sous-série 19 : « Œuvres et travaux inédits (s.d. : 1957-1981), qui renferme le plus grand nombre de cahiers relatifs aux Acadiennes 2.

L’écriture des Acadiennes s’est étendue sur plus d’un demi-siècle, de 1923 à la fin des années 1970. Les brouillons fragmentés et dispersés dans les papiers de Félix-Antoine Savard constituent les avant-textes d’une œuvre jamais

1. Voir Répertoire numérique détaillé du fonds Félix-Antoine-Savard et de la série « Félix-Antoine-Savard » du fonds Luc- Lacourcière, établi par Jacques Blais d’après les répertoires des archivistes Marîse Thivierge, Yves Beauregard, Jean Coulombe, James H. Lambert et Céline Savard, Sainte-Foy, Université Laval, Faculté des lettres, Département des littératures, 1996, p. 264 s.

2. Microfilmés pour la consultation publique, ces documents se trouvent dans la bobine 9.

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LES ACADIENNES

menée à terme. La critique génétique nous a appris à res-pecter le caractère propre des avant-textes. Inachevés et parfois incohérents, mais riches en virtualités, ils montrent l’écrivain au travail, le développement d’une œuvre en ges-tation, hésitant entre plusieurs possibles. Cette nature vola-tile doit être respectée.

La table chronologique, que l’on trouvera à l’annexe I 3, permet de suivre l’évolution de la pensée de l’auteur et de son projet. Selon les principes généraux de l’édition de texte, la dernière version de la main de l’auteur constitue générale-ment le texte de base de l’œuvre à éditer. Pour cette raison, le poème en « prose biblique rythmée » de 1977 (dénommé ici : poème, deuxième version), remaniement de celui d’août 1950 (poème, première version), figure en premier lieu. Par la suite, ce tableau récapitulatif suit l’ordre chronologique selon lequel les textes ont été écrits, depuis les fragments de 1923-1924 jusqu’aux ajouts et ébauches qui se sont succédé au cours des années 1950 à 1977. Cette gerbe de textes plus ou moins aboutis constitue la genèse de l’œuvre.

Bon nombre de fragments des Acadiennes ne sont pas datés et le transfert des documents aux archives a pro-bablement accru le désordre dans lequel ils nous ont été transmis. Yvan Lepage a procédé à un délicat travail de datation, d’une part en fonction d’indices plus ou moins explicites fournis par l’auteur lui-même dans des passages inédits de son journal, parvenus jusqu’à nous grâce au fonds d’archives légué à l’Université Laval, d’autre part, en tenant compte de la logique interne des épisodes. Certains frag-ments, cependant, n’ont pu être datés avec exactitude 4.

3. Ci-après, p. 211.

4. La section intitulée « Genèse des Acadiennes d’après le jour-nal inédit de Félix-Antoine Savard », que l’on trouvera ci-après à l’an-nexe II, permet de suivre schématiquement l’évolution du projet dans l’esprit de l’auteur. Elle s’est révélée très utile dans le travail de data-tion. La graphie de l’original avec ses erreurs, ses repentirs, ses mots erronément soudés les uns aux autres, a été respectée.

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ÉTABLISSEMENT DU TEXTE

Devant l’impossibilité de laisser au lecteur le soin d’in-terpréter un brouillon et de mettre l’imprimeur au défi d’en respecter scrupuleusement la disposition graphique, avec ses ratures, ses substitutions et ses additions interli-néaires et marginales, l’éditeur de ces textes a opté pour un système de transcription aussi simple et aussi efficace que possible, susceptible d’assurer un maximum de lisibilité aux fragments textuels. Il a donc eu recours à un minimum de symboles, inspirés de ceux que Jacques Blais a mis au point, avec ses étudiants, pour sa transcription génétique du manuscrit de la « Mort de Joson ». Ces symboles ont été choisis pour leur valeur sémiologique afin d’en faciliter le décodage :

ratures les mots raturés dans le manuscrit sont égale-ment rayés dans la présente édition.

↑      ↑ les flèches verticales pointant vers le haut encadrent les ajouts interlinéaires, au-dessus de la ligne principale.

↓      ↓ les flèches verticales pointant vers le bas dési-gnent les ajouts interlinéaires, au-dessous de la ligne principale.

→ la f lèche horizontale symbolise un trait conduisant à un mot ou groupe de mots.

[illisible] indique un mot illisible sous la rature ; dans le cas où le mot indéchiffrable n’est pas raturé, « illisible » est en romain : « [illisible] ».

La ponctuation et les graphies de F.-A. Savard sont tou-jours respectées, même quand elles ne sont pas conformes à l’usage. De nombreux mots sont écrits en abrégé, par exem-ple, la conjonction de coordination et est le plus souvent rendue par le signe + ; « la caravane » devient « la cara. », « en particulier » apparaît comme « en partic. », « Acad. »

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LES ACADIENNES

désigne les Acadiens ou les Acadiennes. Ces abréviations sont conservées, le contexte permettant de les comprendre. En outre, il arrive que des mots ne soient pas séparés ou que l’orthographe soit quelque peu malmenée, quand la pensée de l’auteur va plus vite que sa main. Ces imperfections n’ont été ni soulignées ni corrigées.

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Félix-Antoine Savard

LES ACADIENNES

[Archives de l’Université Laval, bobine 9]

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TABLE DES MATIÈRES

PRÉSENTATION ......................................................................... 7

REMERCIEMENTS ..................................................................11

INTRODUCTION ......................................................................13

Première tentative : influence du poème de Longfellow (1923-1924) .................................................................................16

Une tragédie antique à contenu canadien (1927-1937) .... 17

Les Acadiennes de 1943 ..........................................................18

Les deux poèmes : Savard, lecteur d’Émile Lauvrière et de Pascal Poirier (1950-1977) ............................................21

L’Argument de 1958 ..................................................................27

ÉTABLISSEMENT DU TEXTE ...........................................31

Félix-Antoine SavardLES ACADIENNES

POÈMESPoème, deuxième version, sans date : 1977 ? .....................37

Poème : première version (août 1950) .................................54

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GENÈSE (1923-1978)Première esquisse (1923-1924) ..............................................73

1937 ..............................................................................................77

1943 ..............................................................................................78

Sans date : 1948 ? ......................................................................85

1948 ..............................................................................................87

Sans date : 1948 ? ....................................................................100

Sans date : 1948 ? ....................................................................101

Sans date : 1948 ? ....................................................................102

Sans date : 1948-1949 ? .........................................................112

Sans date : 1948-1949 ? .........................................................119

1949 ........................................................................................... 123

Sans date : 1950 ? ................................................................... 129

1951 ............................................................................................130

Sans date : 1952 ? ....................................................................134

Sans date : 1953 ? ....................................................................138

1954 ............................................................................................143

1956 ............................................................................................146

Sans date : 1956-1957 ? .........................................................157

Argument (brouillon) : 1958 ................................................158

Argument (2e version, dactylographiée) : 1958-1959 ? ..160

1960 ............................................................................................163

Sans date : 1960 ? ....................................................................164

Sans date, postérieur à 1964 ................................................168

1967 ............................................................................................169

Sans date : 1967 ? ....................................................................170

1967 ............................................................................................171

Sans date : 1967 ? ....................................................................172

1967 ............................................................................................173

1977 ............................................................................................174

Sans date : 1977 ? ....................................................................179

1978 ............................................................................................181

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APPENDICESEsquisse de drame moderne sur l’Acadie, 1953 ? ............185Quelques notes pour Les Acadiennes, 1953 ? ................. 203Acadia, 1954-1956 ? ............................................................... 208

ANNEXES

ANNEXE I

TABLE CHRONOLOGIQUE DES ACADIENNES .......211

ANNEXE II

GENÈSE DES ACADIENNESd’après le journal inédit de Félix-Antoine Savard ...........219

ANNEXE III

CHRONOLOGIE DE FÉLIX-ANTOINE SAVARD ..... 227

BIBLIOGRAPHIE ....................................................................241

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COLLECTION « VOIX RETROUVÉES »

1. Louise-Amélie Panet, Quelques traits particuliers Aux Saisons du Bas Canada et aux Mœurs De l’habitant de ses Campagnes Il y a quelques quarante ans, Mis en vers, 2000, LIV, 82 p.

Texte édité par Roger Le Moine.

2. Régis Roy, Choix de nouvelles et de contes, 2001, 284 p.

Édition préparée par Mariel O’Neill-Karch et Pierre Karch.

3. Félix-Antoine Savard, Louise de Sinigolle, 2001, 250 p.

Dossier original mis à jour et présenté par Réjean Robidoux.

4. Augustin Laperrière (1829-1903), Les pauvres de Paris; Une partie de plaisir à la caverne de Wakefield ou un monsieur dans une position critique et Monsieur Toupet ou Jean Bellegueule, 2002, 215 p.

Édition préparée par Mariel O’Neill-Karch et Pierre Karch.

5. Marius Barbeau, Le pays des gourganes, et Le chanteur aveugle, 2003, 161 p.

Textes présentés par Jean des Gagniers.

6. Virginie Dussault, Amour vainqueur, 2003, 242 p.

Édition préparée par Micheline Tremblay.

7. Conversation poétique. Correspondance littéraire entre Harry Bernard et Alfred DesRochers, 2005, 378 p.

Textes établis, présentés et annotés par Micheline Trem-blay et Guy Gaudreau.

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8. Théâtre comique de Régis Roy (1864-1944),2006,360p.

Édition préparée par Mariel O’Neill-Karch et PierreKarch.

9. En dépit des frontières linguistiques. Correspondance littéraire entre Germaine Guèvremont et William Arthur Deacon (1946-1956),2007,210p.

Préfaced’YvanG.Lepage.ÉditionpréparéeparMarielO’Neill-Karch.

10. Félix-AntoineSavard,Les Acadiennes,2010,250p.

DossiercompiléetprésentéparYvanG.Lepage.

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Imprimé sur papier Rolland opaque 50 50 % postconsommation et

50 % de fibres vierges certifiées FSC, accrédité Éco-Logo et fait à partir de biogaz.

Mise en pages : Anne-Marie Berthiaume

Dépôt légal, 4e trimestre 2010ISBN 978-2-89597-122-1

Achevé d’imprimer en décembre 2010 par le Caïus du Livre

Montréal (Québec) Canada

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Professeur émérite au Département de français de l’Université d’Ottawa, membre de la Société royale du Canada, Yvan G. Lepage (1944-2008) est l’auteur de plusieurs éditions critiques de textes du Moyen Âge et d’œuvres québécoises, dont Menaud maître-draveur de Félix-Antoine Savard (PUM) ainsi que Le Survenant et Marie-Didace de Germaine Guèvremont. Il a aussi consacré à cette dernière une étude d’ensemble intitulée Germaine Guèvremont : la tentation autobiographique (1998).

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Durant une grande partie de sa vie, de 1923 à sa mort, Félix-Antoine Savard a été hanté par une œuvre qu’il n’aura finalement jamais achevée. Inspirées par la lecture de l’Evangeline de Longfellow, Les Acadiennes ont d’abord été conçues par l’auteur de Menaud maître-draveur comme un long poème épique, avant d’évoluer, avec l’introduction d’un chœur, vers une forme de tragédie ou de drame lyrique.

Passionné par l’œuvre de Félix-Antoine Savard, dont il avait déjà signé une édition critique de Menaud maître-draveur, Yvan Lepage a voulu retracer la genèse de cette œuvre en reconstituant patiemment les différents fragments laissés par son auteur. Décédé en mai 2008 avant d’avoir pu publier ce travail, il confiait à son épouse, Françoise Lepage, le soin de mettre en forme le manuscrit laissé sur sa table de travail.

Françoise Lepage réunit donc dans le présent ouvrage les divers éléments du dossier auxquels elle apporte quelques précisions utiles à la présentation du texte et non à son contenu. Ce livre éclaire la genèse des Acadiennes tout en soulignant le souci de rigueur et de perfection qui animait l’écrivain.

30 $CAN