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FOCUS INDUSTRIE Crise financière, engouement excessif des ménages pour les placements réputés sûrs comme les comptes sur livret, dépôts bancaires et contrats d’assurance- vie en euros, rien n’y fait : le nombre de sociétés de gestion ne cesse d’augmenter. 10 sociétés de gestion en devenir DOSSIER RÉALISÉ PAR PIERRE GÉLIS ET CATHERINE REKIK Funds n° 71 - Juillet-Août 2014 18

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FOCUS INDUSTRIE

Crise financière, engouement excessif des ménages pour les placements réputés sûrs comme les comptes sur livret, dépôts bancaires et contrats d’assurance-vie en euros, rien n’y fait : le nombre de sociétés de gestion ne cesse d’augmenter.

10 sociétés de gestion en devenir

DOSSIER RÉALISÉ PAR PIERRE GÉLIS ET CATHERINE REKIK

Funds n° 71 - Juillet-Août 2014

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fin décembre 2013, l’AMF recensait pas moins de 613 sociétés de gestion de portefeuille, nouveau record his-torique, 38 nouvelles sociétés ayant reçu l’agrément de l’autorité de tu-telle. Cette augmentation est d’au-tant plus remarquable que l’AFG, l’Association française de la gestion financière, observe que «la période se caractérise en parallèle par un

mouvement de consolidation, de réorganisation et de fusions-absorptions de sociétés de gestion qui devrait se poursuivre en 2014». Bien que le métier soit très concurrentiel, beaucoup de gérants veulent créer leur propre structure au lieu de rejoindre une ancienne. Ils veulent tenter leur chance alors qu’il n’y a pas assez d’actifs en France pour que chaque gestionnaire puisse capter un encours suffisant.Les créateurs de ces sociétés de gestion n’hésitent pas à prendre beaucoup de risques pour affronter les difficul-tés inhérentes à tout entrepreneuriat. Le foisonnement des techniques de gestion le montre amplement. «La motivation la plus forte est que je me sens plus à mon aise à mettre en œuvre mes propres idées plutôt que celles des autres. Il y a aussi l’attrait de l’aventure humaine de création d’une équipe», avoue Pierre Filippi, président de Fideas. «Notre ambition est d’être perçus comme étant les spécialistes de la sélection d’entreprises, à travers une approche originale, maîtrisée et pragmatique de l’investissement socialement res-ponsable. Il n’y a pas d’antagonisme entre extra-financier et financier mais, au contraire, tout concourt à construire de la performance dans la durée, explique Stéphane Prévost, di-recteur général de La Financière Responsable. En effet, les données extra-financières servent à identifier la stratégie et apprécier sa mise en œuvre pour l’entreprise dans laquelle nous envisageons d’investir. Le financier nous permet de vé-rifier qu’elle a bien la capacité à financer son développement

et que la rentabilité obtenue évoluera dans le bon sens dans un avenir proche.»Spécialisé sur le segment des fonds offrant un avantage fiscal au regard de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur la fortune, Inocap a lancé l’année dernière son premier fonds d’actions cotées. «Nous avons une approche très transversale, car Inocap a la prétention d’être présente sur toute la chaîne de création de valeur de sociétés innovantes en France. Le PEA PME nous permet de mettre en lumière notre savoir-faire et de diversifier notre activité historique de la gestion de FCPI et FIP», avance Olivier Bourdelas, directeur général d’Inocap.

Sortir des frontières devient une nécessitéLe défi des créateurs de sociétés de gestion ne se limite pas à trou-ver une idée originale ou un thème susceptible d’attirer l’intérêt des investisseurs. «La technique de gestion ne suffit pas à assurer le succès. Pour l’obtenir, le management de la société de gestion doit également faire preuve d’innovation en matière de marke-ting et de ciblage de clientèle. Certains gestionnaires réussissent très bien, parce qu’ils vont vendre également leurs produits en dehors de France, là où elles trouvent des clients. Non seule-ment en Europe, mais parfois aussi aux Etats-Unis et de plus en plus en Asie», explique Carlos Pardo, directeur des études éco-nomiques à l’AFG. Effectivement, compte tenu du faible appétit pour les actions décrites sans nuance en France comme risquées, les gestionnaires entrepreneuriaux tentent volontiers l’aventure de la commercialisation hors de frontières. Ainsi, actuellement, les clients non résidents représentent environ 40 % des actifs gérés par les SGE de taille moyenne et grande. Atteindre, puis dépasser le point mort n’est pas chose aisée, surtout pour les sociétés de gestion créées au début de la décennie.

La réactivité pour parer à l’adversité«La crise a été le premier défi, car nous avons lancé la société en janvier 2011, précise Bernard Delattre, président d’Altimeo Asset Management. Le deuxième a été de se réinventer dans la

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Nb de SGP Encours (Me)

Les encours englobent les mandats, les OPC de droit fran-çais et les OPC de droit étranger.

EVOLUTION DE LA POPULATION DES SGP EN FRANCE ET DE LEURS ENCOURS

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crise en nous concentrant sur nos principales compétences et notamment les fusions-acquisitions sur les marchés européens et américains dans lesquelles Cyrille Pichot et moi-même avons une forte expérience. Pour répondre aux attentes dans un marché très volatil, nous avons créé un fonds qui a une performance régulière et décorrélée des indices des marchés.» Pour autant, les performances financières ne suffisent pas à assurer le succès commercial. «Le défi consiste à convaincre les investisseurs que malgré notre petite taille, nous obtenons des performances aussi bonnes, voire meilleures que les grands établissements de la place, énonce Olivier Bourdelas. Sur le deuxième métier que nous avons lancé en 2013, nous sommes confrontés aux mêmes objections que lors du lancement du premier : vous êtes jeunes, le fonds est trop petit et vous n’avez pas assez d’historique. C’est frustrant, mais nous repartons de l’avant en faisant tomber les barrières une à une.»A la différence des filiales de gestion des banques et des com-pagnies d’assurances, les sociétés de gestion entrepreneuriales ne disposent pas de l’appui d’un réseau d’agences. A l’excep-tion des SGE qui optent pour un modèle de développement restreint à une clientèle patrimoniale de proximité, celles qui souhaitent s’étendre plus largement optent pour les canaux de distribution tiers. Ainsi, les gestionnaires entrepreneuriaux spécialisés sur les actions représentent 60 % de la distribution tierce en France. «Notre propos reste d’associer le service et la gestion. Nous finalisons une offre de service à destination d’une clientèle de conseillers qui s’appuie sur notre capacité à construire des portefeuilles multigérants de fonds diversifiés,» précise Pierre Filippi.

Le capital humain, toujours plus essentiel«Beaucoup de sociétés entrepreneuriales, notamment celles bien capitalisées et pouvant réaliser les investissements néces-

saires, ont pu atteindre leur point mort assez vite et se dévelop-per à l’étranger, via la conception d’un modèle économique bien réfléchi, tant en termes techniques, que commercial. La très bonne réputation des dirigeants s’avère tout aussi fon-damentale. La clé de la réussite semble être l’investissement dans le capital humain, l’innovation et le marketing. C’est le véritable nerf de la guerre», estime Carlos Pardo. Ce capital humain est bien souvent intéressé au développement de l’en-treprise. A cet égard, l’arrivée de Nicolas Duban à la direc-tion générale de Convictions AM illustre parfaitement cette évolution. En charge de la stratégie de développement, il a pris une participation significative dans la société de gestion, aux côtés de Philippe Delienne qui assure la présidence et la direction de la gestion d’actifs en Europe. Parallèlement, le groupe La Française conserve sa participation de 30 % dans le capital de Convictions AM. «Nous avons associé l’ensemble des salariés au capital, ce qui a contribué à fidéliser l’équipe,» précise ainsi Olivier Bourdelas. La passion pour leur métier et la confiance dans leur capacité à relever les défis font partie des traits dominants de ces managers.«Nous avons une courbe d’apprentissage importante de-vant nous dans la mesure où nous touchons au qualitatif. Il nous permet d’apprécier non seulement une action cotée en Bourse, mais l’entreprise qui évolue dans l’économie réelle. Et cette logique, ce savoir-faire que nous développons améliore la qualité de la performance», souligne Stéphane Prévost. Et puis cette passion se trouve parfois récompensée par les re-lations nouées au fil du temps par les gestionnaires avec leurs clients. «Ma plus grande satisfaction vient de la reconnaissance de l’effort fourni par toute l’équipe d’Altimeo. Nous recevons régulièrement des encouragements des investisseurs qui nous ont fait confiance dès la création de la société de gestion,» af-firme Bernard Delattre. n Pierre Gélis

ALTIMEO ASSET MANAGEMENT

Au cœur des fusions-acquisitions

Bernard Delattre nourrit d’importantes ambitions pour Altimeo Asset Mana-gement qu’il a créé en 2011 avec Cyrille Pichot et Eric de Sparre. Pragma-

tiques, après avoir lancé Altimeo Investissement, FCP actions assez classique, ils créent Altimeo Optimum en 2012, qui est un fonds spécialisé sur une stratégie d’arbitrage en fusions-acquisitions. Leur bonne connaissance des marchés amé-ricain et européen leur permet de multiplier les opérations en évitant le plus possible les offres qui échouent, ce qui permet d’extérioriser une performance annualisée largement supérieure à 10 % (14,7 % annualisée depuis la création au 6 juin) tout en limitant la volatilité aux alentours de 5 %. En outre, pour capi-taliser sur la bonne connaissance des dossiers de fusions-acquisitions, le manage-ment a décidé de faire évoluer la politique de gestion d’Altimeo Investissement vers une stratégie de situations spéciales. Pour l’instant, l’encours sous gestion s’élève à 70 millions d’euros, mais Bernard Delattre souhaite atteindre les 200 millions d’ici la fin de l’année, ce qui n’a rien d’extravagant dans la mesure où la part des investisseurs internationaux s’élève à 17 % (10 % d’institutions européennes et 7 % d’investisseurs américains).

Bernard Delattre, président et Cyrille Pichot, associé gérant

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