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Fouillée, Alfred (1838-1912). Le mouvement idéaliste et la réaction contre la science positive. 1896. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

FOUILLÉE, Alfred. Le Mouvement Idéaliste Et La Réaction Contre La Science Positive. Paris: Alcan, 1896

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Méta-expression d'un antagonisme philosophique fondamental aux années 1900.

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  • Fouille, Alfred (1838-1912). Le mouvement idaliste et la raction contre la science positive. 1896.

    1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numriques d'oeuvres tombes dans le domaine public provenant des collections de laBnF.Leur rutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n78-753 du 17 juillet 1978 : *La rutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la lgislation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La rutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par rutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produitslabors ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accder aux tarifs et la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la proprit de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code gnral de la proprit des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis un rgime de rutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protgs par un droit d'auteur appartenant un tiers. Ces documents ne peuvent tre rutiliss, sauf dans le cadre de la copie prive, sansl'autorisation pralable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservs dans les bibliothques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signals par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothquemunicipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invit s'informer auprs de ces bibliothques de leurs conditions de rutilisation. 4/ Gallica constitue une base de donnes, dont la BnF est le producteur, protge au sens des articles L341-1 et suivants du code de la proprit intellectuelle. 5/ Les prsentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont rgies par la loi franaise. En cas de rutilisation prvue dans un autre pays, il appartient chaque utilisateurde vrifier la conformit de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage respecter les prsentes conditions d'utilisation ainsi que la lgislation en vigueur, notamment en matire de proprit intellectuelle. En cas de nonrespect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prvue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute dfinition, contacter [email protected].

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  • Le ~CM~~M~~~~M~~~C~~ C~M~ ~C~C~

    ~O~~

    Fouille A.

    F. Alcan

    Paris 1896

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    Texte dtrior reliure dfectueuse

    NF Z 43-120-11

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  • Symboleapplicablepour tout, ou partie

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    MOUVEMENT IDAHSTE 1ET

    LARACTIONCONTRELASCIENCEPOSITIVE

  • OUVRAGES DU MME AUTEUR

    La Philosophie de Platon, 2" dition, revue et augmente(Hachette et C'). Ouvrage couronn par l'Acadmiedes sciences morales et par l'Acadmie franaise.Tome 1' ?7ieor:'edes ides e

  • MOUVEMENT IDEALISTE

    ET LA RACTION

    CONTRELASCIENCEPOSITIVE

    ANCIENNE LiBHAtRI GERMER BAILUREET C'"

    FEUX ALCAN, DITEUR

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    ALFRED FOUtLLE

    DEUXIME DITION

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  • a

    INT RODUCTONLE MOUVEMENTIDALISTEEN FRANCE

    1, t'activit philosophique en France. 't. Origines dumouvement id~-

    liste. tH. L.). rtact.ion contre i'hegemonia de lit science. Ncessite de t& 1

    philosophie. IV. Le progrs philosophiqueet ses divers studes.

    V. Hgmonie morale de la philosophie.VI. Science et croyance.

    'VU. Philosophie de l'action.

    Aprs avoir travers une priode o, selon le mot d'Au-"'uste Comte, l'intelligence tait en insurrection contre lecur, nous entrons dans une autre o le cur est en in-surrection contre l'intelligence. Ce que nous aimons etvoulons n'est pas ce que, sur l'autorit de la science, nousjugions tre la ralit. Nous concevons mieux, nous dsi-rons mieux, alors mme que nous ne pourrions encoreformuler avec prcision l'objet de notre pense et de notredsir. Le rsultat apparent d'un tel tat des esprits, c'estl'anarchie intellectuelle et morale. Pourtant, cette appa-rence n'est-elle point superficielle et trompeuse? Si l'onregarde au fond des choses, ne dcouvre-t-on pas, commersultante de tant de mouvements qui semblent dsordon-ns, une direction prcise et, en somme, un progrs?Quelle est cette direction ? Est-ce en faveur du mysticismequ'a lieu la raction contre les abus de la science posi-tive? Ne prpare-t-elic point une rconciliation de lascience mieux interprte avec la morale mieux comprise,et n'est-ce pas par l'intermdiaire de ia philosophie quecette rconciliation doit se produire? Notre intention estde montrer ici les origines, et le terme probable du mou-

  • 'VI LE MOUVEMENT RALISTE

    vement idaliste. Nous esprons, pour notre part, revenirunjoursurles hautes questions philosophiques inthne-mentilcsla morale et la science sociale; nousn'avons voulu, dans ce livre, que dblayer le terrain.dterminer les rsultats qui nous semblent dsormaisacquis, enfin montrerl'orientation des esprits vers cesbut~-levs qu'on ne fait encore qu'entrevoir, vers ces sommetslumineux qui semblent emerget' d'une mer de nuages.

    1

    L'ACTIVIT PHILOSOPHIQUE EX FRANCE

    R.n'emont en France on assis!;) pareil labeur dos piti-losophcs. Les productions dans l'ordre de la psychologie,de la philosophie gnrate, de l'esthtique, de la sociologie,se succdent sans interruption. Les thses de philosophiesont plus nombreuses que jamais, et il enest pM qui nesoient des ceuvres rema.rquabtes. Aux travaux historiquesqui charme.rent.unemoiti du sicle, on prfre aujour-d'hui les recherches thoriques on sent qu'il faut tournerles yeux. vers l'avenu' plutt que vers le pass. Jamaisl'enseignement philosophiquen'excita chez la jeunesseplus.d'intrt, et, s'il a pudonner lieu quelquesprotestations,c'est prcisment parce que, conscient de sa vitalit, etentran par un certain enthousiasme, il n'a pas toujourssu se tenir au niveau moyen des esprits. En-outre, lebesoin de croyances gnrales a produit une recrudes-cence~parfois exagre.; des spculations mtaphysiques.On est tomb dans le subtil et dans l'abscons, comme !alittrature, la philosophiea eu ses symbolistes et ses dca-dents mais si, sous les exagrations et les dviations, oncherche pntrer le sens du mouvement actuel, on peutdire que, dans le domaine de la philosophie comme danstous les autres, il est idaliste. Quelque chose s'en va,quelque chose vient, et toute cette agitation, qui inquiteles esprits superficiels, n'aura point t vaine. Le scepti-cisme et le dilettantisnien'existent plus quechez quelqueslittrateurs ou critiques qui sont demeurs fidles cer-taines tendances de Renan. Pourceux-l sou'is, c'est unabus vraiment inique de l'intelligence que de l'employer a.

  • f!\TRODUCT!0.\ V

    rechercher la vrit on encore a juger selon !a justice]es hommes et )eurs uvres ".L'inte))igence,se)on eux.s'emploie proprement. ces jeux, pins compliqus que lala mare))e ou les checs, qu'on appelle mtaphysique.thique,esthtique; o elle sert le mieux, c'est saisira et l quelque soupon ou ctart des choses et enjouir (i) Cetteattitude n'est pas celle de la majorit desesprits, qui comprennent de plus en plus le srieux de lavie, de la science, de l'art mme, et la ralit de l'idal.

    Par idalisme, d'ailleurs, nous n'entendons pas lathorie qui veut tout rduire des ides, tout au moinsa de ]a pense, telle que nous ia trouvons en nous, ou quelque pense anatogue. Nous ne dsignons par cemot ni la ngation des objets extrieurs, ni la repr-sentation purement intellectualiste du monde; nous enten-dons la reprsentation de toutes choses sur le type psy-chique, sur le modle des faits de conscience, conuscomme seule rvlation directe de la ralit. Quantau spi-ritualisme proprement dit, ce mot,devenu ambigu, dsigneplutt aujourd'hui la doctrinequi attribue l'esprit une existence plus ou moins spare, plus ou moins substantie)le,indpendante des relations du dehors, de l'espace etmme, selon quelques-uns, du temps. Ainsi reprsent, lespirituel ne semble plus aujourd'hui (comme le matriel)qu'un extrait du fait total, dont on a limin par abstrac-tion les rapports mcaniques, pour en faire une. sortede substance ou d' acte pur H capable de subsisterpar soi, avec les caractres cl' unit , d' indivisi-biiit", de prennit . Une telle conception (vraie oufausse) est une thse mtaphysique cen'estpas le faitpsy-chique de l'exprience, en sa ralit immdiate et concrte.Quelleque soit donc la valeur de cette conception, elle nepeut venir qu'ultrieurement le point de dpart doit trele fait d'exprience interne. Dela, chez les philosophescontemporains, cet idalisme dont le vrai nom seraitplutt le psychisme".

    Ence sens, le mouvement de la pense idaliste est vi-sible pourtous ceux qui parcourent les revues spciale-ment consacres aux questions philosophiques, moralesel sociales. Fonde par M.Ribotet dirige parluiavec unehaute impartialit, la jRe?.'Mcp~o.!o~A!'$'Mpa publi, sur

    (1)A.France,le./a;'

  • yn[ LE MOUVEMENT fALISTE

    toutes les questions et dans tous les sens, une srie debelles tudes qui ont maintenu et maintiennent encore trshaut, l'tranger, le renom de la philosophie franaise.Tout rcemment, une ~efMe de ~s~.y~Me ?HC-?'~ fut fonde par des jeunes gens dont la plupart taienttlevs d'un de nos plus remarquables professeurs deParis: M.Darlu. Incroyable est l'ardeur, incroyables aussile talent, la science et la maturit d'esprit dont toute cette

    jeunesse fait preuve. Elle a l'ivresse sacre de la mtaphy-sique avec ses dangers et son vertige mais elle

    aaussi le vif sentiment des problmes moraux et sociaux quis'imposent de plus en plus notre mditation. Une autrerevue, moins proprementphilosophique, mrite cependantd'tre signale, cause de la transformation sociologiqueque subit de plus en plus la philosophie mme, surtout la

    philosophie morale. LaRevueinternationale de sociologie,fonde par M.R. Worms, n'a pas seulement publi des tra-vaux spciaux; on lui doit des vues d'ensemble d'un hautintrt, par exemple cette de M.Tarde sur les ~OH~~ etla Science sociale. Cette revue contribuera sans doute,pour sa part, tablir les fondements scientifiques de lasociologie,dont le rapport avec la morale est si troitqu'onest all jusqu' vouloir absorber l'une dans l'autre (1).

    En dehors des philosophes de profession, littrateurs etcritiques ont subi l'influence de l'idalisme renouvel, etils ont, pour leur part, donn au mouvement une impul-sion plus vive. M. Paul Bourget (comme plus tard M.Rod)a introduit dans le remanies proccupations morales etmme religieuses. Les travaux de M.Brunctiere et sa luttehroque contre le naturalisme n'ont pas besoin d'tre rap-pels. Rcemmentencore, dans une loquente confrence,il tudiait la renaissance de l'idalisme en se plaantsurtout au point de vue de la littrature et des arts. Nonmoins prsents la pense de tous sont les efforts de M~doVogu pour agrandir notre horizon moral et littraire.Grceailui et plusieurs autres, on a demand des inspi-rations Tolsto, Dostoewsky, Tennyson, Browning,IbsenetBjijrnson, Wagner mme, tout ceux quieurent la religion de la souffrance humaine~ SiM.JulesLematre a maintenu plus volontiers dans la critique la

    (1)Citonsencore,parmilesjeunesrevues,~lr

  • t~T]!ODUCT!0~f

    tradition franaise que l'trangre,ii n'a pas cess, sous lesapparences d'une pense nuide et lgrement ironique,de rester trs attach aux plus hautes doctrines moraleset sociales, que M. Faguct, de son ct, a fortement dfen-dues. Quant M. France, est-il aussi sceptique qu'il enfait montre? Nous ne le croyons pas, et nous ne saurionsoublier tant de belles pages o. lui aussi, il ramenait nospenses vers l'idal. It y a quelques annes, on a vu sefonder une Union pour l'action morale sous l'inspira-tion de M.Paul Desjardins, qui, sans tre tui-mme philo-sophe, avait emport de l'Ucoie normale le culte de la phi-losophie idaliste. Onne saurait trop encourager les Unionsde ce genre, qui, peu a peu, agissent sur l'opinion et la ra-mnent an souci des choses srieuses. Moraleetmtaphy-sique ne doivent pas se sparer. Quand nous parlons desquestions suprmes, notre langue est trop imparfaite;certains Indiens, ne pouvantsccomprendre sans les gestes,sont obligs la nuit d'aiumer un feu pour converser ets'entendre: la mtaphysique se comprend mieux jointe ala morale, comme la parole aux actions. Toutefois, on nesaurait oublier que la thorie doit toujours dominer etrgler la pratique. L'Union que prside M. Paul Desjardinsne rapproche ses membres que par la communaut del'Mt/e/t~'oH~o?' non une croyance dtermine.Elle ressemble la Socit thique que M. Adicr a fondeaux tats-Unis, mais elle se montre moins active et moinspratique prive d'une foi prcise, elle n'aboutit pas nonplus a des uvres assez prcises; elle semble ainsi arrtea moiti chemin, dans le domaine un peu trop neutre desbonnes intentions. Or, ce dont nous avons besoin,surtout en France, ouj les ides ont plus d'ascendant quepartout aitleurs, c'est prcisment d'ides nettes sur les-quelles l'entente ait lieu. Une union morale fonde sur lasimple harmonie des bonnes volonts est sans doute pr-cieuse, surtout dans L'ordre social, o on peut s'accordera poursuivre telles et telles amliorations mais l'unionmorale fonde sur une unit de doctrines serait autrementtefficace. C'est par la thorie qu'il faut agir sur la pratique;c'est d'une conviction morale que nous avons besoin, parcela mme d'une doctrine du monde et de l'homme.

    Cette doctrine s'tabore progressivement. On a beaureprsenter la philosophie comme voue aux dissensionsperptuelles, les systmes, a mesure qu'ils sont pousss

  • X LE MOUVEMENT IDAIJSTE

    plus loin, se rapprochentet convergent. Quoi de plus loi-gn, au premier abord, que le positivisme, issu de !a.mta-physique matrialiste, et l'idalisme, issu de la mtaphy~sique spiritualiste ? Cependant, si nous regardons plusloin que les apparences, nous voyons, sous nos propresyeux, le mouvement positiviste et le mouvement idalistetendre vers un mme but, aspirer, pour ainsi dire, auxmmes conclusions. La synthse objective du savoirque poursuivaitle positivisme etia synthse subjectiveque poursuit l'idalisme, doivent elles-mmes s'unir enune synthse universelle (1). U ne saurait y avoir, quoiqu'on en dise, devritable divorce entre les rsultats de lascience positive et ceux de la philosophie.

    11

    LESOMGt~SDUMOUVEMENTIDAUST

    Si nous remontons aux origines du mouvement actuel,nous constatons que le phnomne le plus marquant, dansla premire moiti de notre siecte, avait t l'essor de laphDosophiepositiviste et humanitaire, provoque lui-mmepar l'essor scientiuque et social du sicle prcdent. Lamarcherapide de la science,qui venait d'entrer en posses-sion de ses vritables mthodes,le discrdit parallle de )athologie et de l'ontologie abstraite, semblaient ouvriral'humanit une re o la science aurait l'hgmonie,o se poursuivrait sans limites le progrs des con-naissances et de l'industrie humaines. D'autre part, laRvolution franaise avait t une mise en pratique plusou moins heureuse des conceptions nouvelles, l'ide de la socit Mavait grandi en mme temps que celle de la science il tait donc naturel de concevoir, dans Fave-nir,une application de la science mme la rorganisationde la socit. Ainsi devaient se produire, puis se fondreen une seule les deux conceptions matresses du positi-visme. Descartes, lui, avait dj tendu le domaine de lascience la nature entire, mais non la socit humaine:il avait provisoirement mis dcote, avec la thologie, lessciences morales et politiques. L'extension de ta science

    (1)VoirnotrelivresurleJtJoK~eMM~joos'~MM/e.

  • t~THODUCTfO~ Xt

    a tout ce qu'on avait exclu de son domaine fut la carac-tristique du mouvement positiviste. A cte, la thologie.et l'ontologie subsistrent dans la premire moiti du.sicle, mais sans avoir devant elles le mme avenir.La thologie lutte encore avec les Chateaubriand, lesMaistre, les Bonald, les Lamennais mais son influence vadiminuant. L'action de la mtaphysique, reprsente sur-tout par Victor Cousin et par les clectiques, n'est pas.assez profonde (1). Les doctrines inspires Cousinpar Schellinget Hegelconstituaient, malgr quelques exag-rations, le meilleur de son uvre. Comme les successeursde Kant, Victor Cousin comprit qu'on ne peut s'en tenir J'opposition de la raison spculative et de la raison pra-tique, de l'intelligence et de la volont, de la connaissanceet de la croyance. Pour s'lever au-dessus de cette oppo-sition (dont on abuse tant de nos jours), il faut rendre la raison son universalit, sa valeur objectiveet sa supr-matie. De l cette thorie de la raison imperson-nelle et souveraine , qui est la conscience mme saisis-sant en soi directement le principe universel de touteexistence, la pense identique l'tre. Victor Cousinrpon-dait Kant, non sans force Un principe ne perdpas son autorit parce qu'il apparat dans un sujet; de ce~u'il tombe dans la conscience d'un tre dtermin, il ne~'ensuit pas qu'il devienne relatif cet tre. Malheureu-sement, le rationalisme de Victor Cousin demeura trop.abstrait, parce qu'il resta tout intellectuel. Cousin ne

    (l)Voir:Af.t~'M/orCoM~tM.Saviee< Mc(M'Mp

  • XII LU MOUVEMENT !OAL!STE

    s'aperut pas que la vraie raison universelle est iden-tique au principe mme de tout amour, s'il est vrai que l'a-mour consiste prcisment vivre en autrui et en tous,d'une vie impersonnelle '). C'est que Victor Cousin et soncole s'en sont tenus une mtaphysiqueindividualiste lepoint de vue social ou, pour mieux dire, sociologique est absent de cette philosophie toute tourne vers soi. Dela cette consquence elle n'a pas conscience d'tre unereligionen mme temps qu'une philosophie. Lareligion, eneuet, ne saurait tre individualiste: elle est essentielle-ment sociologique Aussi Victor Cousin, aprs avoird-pass l'antinomie kantienne de la raison pure et dela raisonpratique, ce qui est nos yeuxson principal mrite,ne sut-il pas rsoudre l'apparente opposition de la raisonphilosophique et dusentiment religieux. C'est, selon nous,le grand dfaut de sa doctrine. H dut s'en tenir un com-promis clectique,a unesorte de charte, de trait d'allianceentre les deux surs immortelles o, l'une levant dou-cement l'autre du demi-jour des symboles aux clarts de]a pense pure. Quand il essaya de faire passer cette al-liance dans la pratique en faisant approuversa proprephi-losophie par l'autorit religieuse, sa politique se heurta des impossibilits qu'il aurait dprvoir. Des hauteurs oHse trouvent d'accord toutes les bonnes volonts et toutesles convictions sincres, qui sont vraiment l'glise uni-verselle '), il fallut descendre aux querelles de formules etde textes on se perdit la fin dans la casuistique (1).

    (!)Persuadquelexvin"sicle,en sonmatrialisme,avaitvoulutrelibreavec unemoraled'esclaves Cousinseproposaitde rpandre,p'n'la mondespiritualiste,les idescommunes touteslesgrandesreh-eionsc'estdanscetteintentionqu'ilavaitpuhliesontraitedM~i'

  • INTRODUCTION XHt

    L'cole dont le principal reprsentant fut Victor Cousinconsidrait toujours la p)~i!osophiccom)neune sorted'en'ortindividualiste par lequel un petit nombre d'intelligencesd'lite s'lvent, pour leur propre compte, au grandjour de la rflexion en laissant; la masse dans le crpus-culedes symboles . Ou peut se demander si cette con-

    ception de la philosophie est vraiment la plus haute notre avis, elle n'est ni assez sociale, ni, par cela mme,assez religieuse: ce n'est pas seulement l'alliance ,d'ovons-nous, mais l'unit de la philosophie et de la reli-

    gion que la socit venir doit se proposer comme idal.Et c'est pourquoi les philosophes eux-me.mespeuvent se

    joindre aux croyants clairs, commeLacordaire, pourrejc-ter tout rationalisme concentr en soi et incapable deraYonneruniverselIement. Ledernier mot, crivait Lacor-daire a Cousin, vous ne l'avez pas dit c'est le mot del'me, celui qui achve la gloire, en s'introduisant dans laconscience. La dernire gloire est d'tre aim. Il fautdonner son me au genre humain ou dsesprer d'avoir lasienne.

    Vigny compare le froid rationalismed'alors la lumire

    de la lune qui claire sans chauHer On peut distinguer

    les objets sa clart, mais toute sa forcene produirait pas

    la plus lgre tincelle. La philosophie qui, peu peu,

    tendait devenir dominante, malgr les etibrts de l'cole

    clectique, c'tait un positivisme surmont d'agnosticisme.

    La rduction du transcendant il un inconnaissable, de

    l'immanent l'objet unique de la connaissance,telle fut

    livre du ~a! chf Beau et du Bien, qui nous parait aujourd'hui si inoffen-sif Ne pas piact,r Spinoza parmi les grands philosophes ne pasdonner tant de valeur a ta thorie de Kaut on ne peut tolrer les [og'csaccords a des hommes pervers, a Calvin et autres M, ni les toges exces-

    sifs Port-Royat ni les phrases sur la revocation de i'dit de Nantes')

    l'immortelle Dcoration des droits Enfin la querette finit parrevenir au point mme o elle tait du temps de Pascal, et rien n'est plusinstructif que ta critique minutieui-e du Pure Perrone Page 386, il est

    dit qu'un malheureux qui soutt're, qui va mourir peut-tre, n'a. pasle

    moindre droit sur la moindre partie de votre fortune, qu'il commettrait une

    faute s'il usait de violence pour vous arracher une obote. Certes la violence

    n'est pas permise mais l'enseignement c~un des thologiens est qu'enas de ncessit extrme, prendre a autrui' n'est pas uue faute, qu'il n'y a

    pas d vol. C'est modifier. Victor Cousin ne modifia pasil y eut rup-

    ture. M. Bartheiemy-SaintHdairebia.me Vivement 'son ami d'avoir tent

    t'imnossibte. La philosophie, ajoute-t-it avec raison, se reconnut un

    devoir suprieur a tout autre c'est de conserver son absotuc libert.

  • X[V LEMOUVMKKTtDAL!STE

    l'oeuvrede la premire moiti du sicle. On Unit.par s'entenir aux faits donns et leurs lois spciales tout ce quisemblait irrductible, du point de vue statique ou lessciences d'alors taient presqueexclusivement places, onle renvoyait la sphre de l'inconnaissable X.

    Dans la seconde moiti du sicle, on cherche rduire l'irrductible en passant du point de vue statique aupoint de vue dynamique , et en intercalant des moyenstermes, des degrs, des phases insensibles entre les termesextrmesqui semblaient a jamaisspars. En cette secondepartie du sicle, c'est surtout la gense des choses et leurdveloppement qui attirent l'attention la plupart des pro-gros ont lieu dans ce sens, qu'il s'agisse des recherchesconcrtes ou des thories abstraites. La conception de La-place se dveloppe; les nbuleuses irrsolubies apparais-sent commedes mondes en formation le prtendu firma-ment a devient une histoire visible, et sa solidit se fondenQuidit Les astres ont des ges divers; toiles et pla-ntes reprsentent les stades successifs des formationscosmiques. Lyell expliquel'histoire de la terre parl'actiondes mmes causes que nous voyonsaujourd'hui l'uvre.Enfin, dans le domaine del vie, Darwin fait procder lesespces les unes des autres. Dans la philosophie commedans la science ne pouvait manquer d'apparatre l'idenouvelle celle de l'volution. Del cequ'on pourrait appe-ler un positivisme dynamique,o les discontinuits qu'Au-guste Comtecroyait dnnitives tendent se changer enune continuit de dveloppement. La seconde moiti denotre sicle est volutionniste.

    Auguste Comteavaitvoulubannir toute hypothse sur lesorigines des choses, sur leur essence, sur les causes pre-mires etles causes finales, sur la rductibilitindnnie desphnomnes, sur la transformation dcsforces. sur la trans-mutation des espces; il n'admettait que la recherche ducomment, non celle dupourquoi; il dclarait que la syn-thse philosophique n'embrasse pas l'unit de la nature enelle-mme, mais qu'elle est seulement une classificationdes proprits irrductibles des tres, dans leur manifes-tation subjective et humaine. L'volutiQhnIsme,au con-traire, admit la possibilit de rsoudre, du moins dansl'ordre phnomnal, les questions d'origine et mmed'es-sence, de rduire les phnomnes, les forces, les espces,

  • [~THODUC'HON XV

    -d'eu expliquer les drivations naturelles en s'levant desphnomnes plus simples et homognes aux plus com-plexes et htrognes.

    Un fait caractristique, dans cette priode, c'est la rduc-tion zro, ou presque, du mouvement thologique quiavait encore t si notable dans la premire partie dusicle. A la thologie succde l'e agnosticisme quijusqu' nouvel ordre, sembla le vrai triomphateur. LeLamennais de la seconde moiti du sicle est Henan, quise horne combiner les souvenirs potiques de sa religieuseenfance avec un hglianisme inconsquent, et qui finitpar rduire Dieu la catgorie de l'idal. Lecatholicismen'inspire plus rien de comparable ce qu'il avait produit.au commencement du sicle. Il ne reste gure, chez laplupart des esprits, que la religion amorphe de l'In-connaissable, dont le grand prtre est Spencer. L'

  • XY[ LE MOUVEMENT JRAUSTE

    devait tre de ccu.\ qui favorisrent le mouvement ida-liste, parce qu'il avait lui-mme prpar la voie dans sonbeau livre de ~7~/e~enee. Il y a sans doute quelqueincohrence dans sa conception du double aspect . Est-ce le mouvement qui fait le fond du sentiment, ou est-ce le sentiment qui fait le fonddu mouvement? Taine flotteentre les deux doctrines, mais c'est en dnnitive laseconde qu'il semb)e s'arrter. Dans sa philosophie gn-rale, il combine le positivisme avec une sorte de rationa-lisme logique et gomtrique le monde est le dveloppe-ment d'un axiome ternel, s'nonant lui-mme dans1 immensit,sorte de/!a< sans bouche pour le prononcerni oreilles pour l'entendre, verbe, abstrait et cependantfcond. Quanta Ernest Renan,le vice intellectuel, on diraitpresque moral, de ce haut esprit fut l'a'eciation d'undilettantisme ironique. Il avait la coquetterie de se contre-dire dans la m~mupage ou, mieux encore, dans la mmephrase. Immdiatement aprs avoir dit En philosophieil faut avoir confiance dans la 60~ infinie et se garderdes vaines impatiences, il ajoutait La vrit est sourdeet /o~. Sachons attendre, il n'y a peut-tre ~e~aubout. Confiance tonnante! Nous aimons l'humanitparce qu'elle produit la science; nous tenons la moralitparce que des races honntes peuvent seules tre scienti-fiques. L'honntet n'est donc que le moyende la science;la science est le but de la vie, et la vrit est le but de lascience; ce qui n'empchait pas Renan d'ajouter que lavrit est peut-tre tristes ou n'est peut tre rien (1)"Pourtant, le scepticisme tait plutt dans la forme quedansle fond de ses ides. Aimant se drober dans le vague,il prfrait a la pleine lumire l'indcision des nuances,tandis que Taine, avec son naturalisme doctrinaire, seplaisait faire saillir des contours nets et des couleurstranches. L'un tait plusdogmatique qu'il ne le paraissait,l'autre l'tait moins. On a dit avec raison que l'un avaittrop d esprit de nnesse, l'autre trop d'esprit de gomtrieni l'un ni l'autre ne donnaient pleine satisfaction aux ten-dances les plus leves du geiue national, qui ne s'accom-mode ni d'un idalisme indfini ni de ralits brutalementdfinies.

    Par son livre hardi sur 7a M~a~Me e~/a~ce~ce,

    (i) FeuillescMac/tfM,x et p. 436.

  • INTRODUCTION XVH

    M. Vacherot avait l'attention sur les grands pro-blmes. Cet ouvrage, dont la premire dition parut en1838, la seconde en 18(i3, rsumait ndlement l'esprit del'poque Dieu rduit une sorte d'idal incompatibleavec l'existence, la ralit conue comme une sorte dedieu immanent. C'tait le panthisme hglien sans lacroyance qu'avait Hegel en la ralit suprme de l'esprit.La ralit et l'abstraction changeaient leurs ples pourHegel, la ralit tait au sommet de la dialectique, dansl'esprit, et l'abstraction tait dans l' tre pur du dbutpour M.Vacherot, c'est la perfection spirituelle qui estabstraite, et c'est l'tre imparfait qui est rel.

    Au-dessous de Renan, de Taine, de M.Vacherot, dont lenaturalisme large renfermait tant de germes d'idalisme,Littr continuait de professer un positivisme rtrci, ma-ci, piteusement rduit a une moiti de lui-mme, a lasynthse purement objective . Comment, ds lors,distinguer un tel systme du matrialisme? Littr avaitbeau invoquer l'Inconnaissable il avait aux mat-rialistes comme aux spiritualistes, montrer du doigtl'ocan pour lequel nous n'avons ni barque ni voiletoute la partie de ses doctrines qui n'tait pas purementngative avait les apparences dit sec athisme reprochpar Saint-Simon Auguste Comte. L'essai de Littr pourfonder la justice et la moraiit sur la considration pure-ment logique de l'identit, qui fait que A = A et que, pourl'entendement, un homme = un homme, ne pouvait, enquelque sorte, justifier la justice mme.

    Les esprits demeuraient donc, pour la plupart, abandon-nonns entre un idalisme sans corps, sans vie, sansaction, et un positivisme forme matrialiste, cons-quences brutales (1).Joignez-y l'action dmoralisante desthories de Darwin, qui, mal interprtes, tendues audel de leurs limites lgitimes, semblaient l'apologie de laforce contre le droit enn les thories pessimistes deSchopenhauer et de Hartmann, qui nenrent qu'augmenterencore le dcouragement universel. La guerre de 1870semblait avoir dfinitivement consacr le triomphede la force sur le droit, du fait sur l'ide. Dans la littra-ture, le ralisme positiviste triomphait avec les Zola et lesConcourt; le pmasse polissait pniblement sa froide orf-

    (1)C'estcequ'ttfaitvoirM.Paulliaudanss(mA'uMMMMAf;/4'

  • X\~t LE MOUVEMENT DAUSTK

    vrerie la peinture se faisait raHste avec Courbetet 1'4anet--L'histoirc abandonnait les vastes synthses pour se perdre,comme les romanciers, dans le document . Enfin a la.politique des ides avait succde la politique positivistedes faits, ou mieux des affaires (1).

    Cependant, les libres continuateurs de Victor Cousin etde Jouffroy, non seulement M. Vacherot, mais MM.Paul'Janet, Jules Simon, de Rmusat, Franck (2), Bartblemy-Saint-Hilaire, Lvque, BouiHier.Caro, Nourrisson, Beaus-sire,n'avaient cess de lutter en faveur de l'idalismeet du spiritualisme. Dans ses beaux livres sur le matria-lisme et sur la crise philosophique, que devaient suivreplus tard des uvres importantes sur la morale et sur lescauses finales, M. Janet avait hardiment, des l'anne 1863,.dirige les effort de sa dialectique contre le positivisme etle matrialisme alors en pleine faveur il avait montr toutce que, sous les noms de forces et de qualits , onintroduisait subrepticement d'lments spirituels dansrincomprhensible ide par laquelle bu se nattait: de toutcomprendre celle mme de matire. En mme temps,M. Janet trouvait beaucoup trop abstrait l'idalisme deM.Vacberot et ne pouvait admettre que l'idal et uneaction ou mme une valeur s'il ne correspondait riend'actifau fond des choses. Il reprochaitM. Vacherotd'en-tonner l'loge de l'idal sous l'trange condition qu'ifne pt tre rel, et depostuler aussi, sans aucune preuve,l'incompatibilit de l'ide avec la ralit. On a pu, di-sait-il, contester aux cartsiens que l'existence ft uneperfection il serait trange pourtant que ce ft une per-fection. tre vaut mieux, aprs tout, que ne pas tre. M. Cournot, de son ct, avait publi des ouvrages ori-ginaux, semi-positivistes et setni-kantiens, sur les fonde-ments de nos connaissances. MM.Renouvier et Ravaissonrtaient parvenus remettre en honneursoit la philosophiede Kant, soit celle d'ristote et de Leibnitz. Dans le der-nier quart du. sicle onvit enfin se produire une ractionmtaphysique et morale contre les abus d'un rationalismeque temprait:mal un idalisme nuageux. Par ses Essais,dont le premier parut en 1854,les autres de 1859 1864,etsurtout, plus tard, par la fondation de la C~~Me p/7o-

    (t)Voirle )i\T?(teM.HenryBrenger,surf/t)'M

  • )yntODUCT[OX XiX

    .~Aif'f/K~o se trouvait soutenu un no-kantisme intran-sigeant, mais de haute inspiration morale et sociale,M. Renouvier, penseur subtil et profond, avait fini parexercer sur les esprits Y)neaction de plus en plus tendue.Obstin en ses ides propres, peu accessible celles d'au-trui, mesurant tout a son systme, critiquant sans mercitout ce qui lui semblait suspect de positivisme, d'volu-tionnismc, de dterminisme, de substantialisme, d'infini-tisme, de panthisme, ce tutteur irrconciliable finit, a forcede rpter les marnes choses toutes les semaines soustoutes les formes et propos dfont, par faire entrer dansbeaucoup de ttes ses doctrines tranches et tranchantes phnomnisme indterministe ,combin avec l' aprio-risme et avec la morale de l' impratif catgoriqueComte, Littr, Cousin, Taine, Renan et Spencer n'eurentpas d'adversaire plus infatigable. Tlaborda toutes les ques-tions avec une comptence universelle et montra partoutla vigueur de sa pense, l'inflexibilit de ses principes, larigidit de sa mthode rectiligne et trop souvent unilat-rale. Son action finit par se faire sentir dans l'Universitmme, & laquelle il tait tranger, qu'il n'aimait gurealors, et o s'taient produites paralllement d'autres in-fluences non moins importantes.

    Le rapport de M. Flix Ravaisson sur PA~o.so~

  • XX LEMOUVEMENTIDAUSTE

    M. Jules Lachelier, par sa profonde thse sur ~K~MC-/

  • nTftODUCTiON XX!

    &

    prit saisit le divin, M.Lachelier, cette poque, avait tamen, tout la ibis par son ducation chrtienne et parl'tude de Kant, croire que le principe des choses secache dans une nuit impntrable nos regards, et quenous ne pouvons l'atteindre que par des e/-o:~2)M.Olle-Laprune,la Ce;

  • xxn LE MOUVEMENTIDALtSTE

    En dehors de toute cole, un esprit hardi et indpen-daot, trop tt enlev la philosophie et la littrature,avait grandement intlu, pour sa part., sur l'orientationmorale de la jeunesse. On l'a rpt bien des fois nonseulement en France, mais en Angleterre et en Allemagne,nul philosophe, nul moraliste peut-tre n'a exprim avecplus de sincrit que Guyau ce qu'il y a de meilleur dansl'me contemporaine, sa foi prsente et sa divination deFavenM'. L'Ef~M~se ~'Mne H~~e sans o~ya/!0/ ni.s

  • INTRODUCTION XXtH

    ot essay de montrer que les sciences positives laissentsubsister un fonds d'indtermination radicale chappant la connaissance. Une inspiration analogue s'est retrouvedans le trs remarquable travail, de M. Bergson sur lesDo/m~ x'MM~e

  • XXtV LE MOUVEMENT JDHAHSTK

    core, qui semblait mener plus loin c'tait d'opposer aumcanisme, non plus un dterminisme psychique, ind-finiment perfectible et l'enlisant l'universelle inteliigibiiit,mais un indterminisme psychique (et mme physique),aboutissant placer en tout de l'inintelligible et de l'in-connaissable, comme source profonde et toujours jaillis-sante de la ralit. La philosophie de la contingence asuivi cette seconde voie. Touten rendant justice un effortaussi considrable et certains rsultats qui demeurerontacquis, nous croyons, pour notre part, que jamais la philo-sophie ne pourra s'en tenir l'ide vide de contingence,que la seule mthode lgitime est d'opposer aux dtermi-nations infrieures nonpas l'indtermination, mais des d-terminations suprieures, enveloppant toutes les autreset dplus en plus voisines du monde moral et social.Oui sans doute, il faut respecter la mthode propre dechaque science, avec ses dilfrencos spciuques et carac-tristiques oui sans doute, il faut respecter les principespropres de chaque science, avec leur diversit exprimen-tale; entin il ne faut pas introduire dans la science desgnralisations hasardes et prmatures, o telfait parti-entier, telle loi particulire est rige indment en loiuniverselie. Maisce n'est pas introduire dans la science une co'nceptionintruse et parasite que de poser la non-contradiction et la causalit comme universellement appli-cables tout ce qui est du domaine de la connaissance~cela, c'est la conception et la position de la science mme.Si, comme onl'a soutenu, une logique universelle Mestinconcevable, il n'y a plus de science. Dire que les lois dela logique Miverselle ne sufsent pas expliquer telleralit de fait, qu'il ne sufnt pas de rpter A = A ouZ'OM

  • i~TRonucTiOM xxv

    plus concrte, notre exprience dcouvre du~oM~c~M,du

  • xxvr LE MOUVEMENTIDAUSTE

    les atteindre. Ils ne professaient tant de scepticisme au'dbut que pour tre plus crdules la fin. Ils ont com-mence par affirmer l'existence d'un inconnaissable,puis ils se sont eu'orcsde s'en faire une reprsentation.C'est sur cette affirmation et cette reprsentation de l'in-Gonna.issableque quelques-uns ont voulu appuyer la ftreligieuse, qui, de nos jours, semble tendre un nouveaumysticisme. Encroyant ainsi servir la cause de la morale,on a risqu del compromettre. Les derniers partisansde la contingence nous ont reprsent les lois de la naturecomme de simples formes acquises par le long travaiildes spontanits le phnomne, objet de science, n'obitvraiment, a-t-on dit, qu' des lois qui, en ralit, sontatUiterme de son histoire. De l on a fini par conclure,fart logiquement, que les ides et lois morales sont sim-plement elles-mmes la systmatisation de faits anciens, la vieillessed'anciens actes , cristalliss par la longueurd'u temps, mais autrefois inventions libres comme leprsent d'o il suit que la loi morale n'a pas de droitsuprieur au fait.

    Si on laisse de ct ces exagrations insparables detoute doctrine qui aspire dominer les esprits, on doitre'cQMadtreq;ue les travaux d'inspiration idaliste tmoi-gnent tous d'une'vitalit! etd'u.neforce incontestables dan'sIspMIosop-hie actuelle de notre pays (1).

    Au reste, en mmetemps que l'idalisme, la.philosophieposiMven'acess d'yfait'edes progrs. Nousas&istonsde nos.jours a.la constitution scientiSquedelapsyGho.logieetde lasociOflogi.L'appMca.tiondela mthode positive, danslap~miere de ces,sciences, et l'limination des contMversesnetatphy&iquesy a ptoduit, comme Aanslea autres, un'pegrs.rapid&eaba.n&~tiBroussais avaient d~j faitap'pel a.u

  • !~TMt)L'CT[0~ XXVft

    la psychologie physiologique~ avec MuDer, Weber, Fech-ner, Donders, Hefmhoitz et Wundt. En 1860paraissent lesE~ncM/c

  • XXV)H LE MOUVEMENT!DAH8TE

    caractres, sur les phnomnes affectifs, sur la philosophiede Joseph de Maistre, sur Je nouveau mysticisme.

    En mme temps nous voyons se produire un fait d'impor-tance majeure l'avnement de la sociologie, commen-cement d'une re nouvelle pour la philosophie thoriquecomme pour la morale et les sciences politiques. Tout lemouvement sociologique dont nous sommes tmoins, etqui finira par ramenerles questionssocialcs des questionsscientifiques, procde d'Auguste Comte. La rputationacquise par Stuart Millet surtout par Spencer ne doit pasnous faire oublier que les ides importantes qui ontfait l'honneur de ces philosophes se trouvent dj, sousune forme souvent plus exacte, chez le fondateur du posi-tivisme-. C'est ce dernier qui a tabli des rapports scienti-fiques entre l'organisme collectif et l'organisme individuel,mais en maintenant, avec unesagesse que Spencer n'a paseue, la radicale distinction de la biologie et de la sociologie.C'est encore Auguste Comte qui a pos le principe et leslois de l'volution. C'est lui qui a tabli la fcondedistinc-tion de la statique et de la dynamique sociales. Quand ourelit ses oeuvres, on est tonn de la quantit d'ides,aujourd'hui courantes, faussement attribues l'influenceanglaise ou allemande, et qui se trouvent exprimes avecune justesse suprieure par le philosophe franais (1).

    Aprs tre reste trop longtemps presque stationnairedans le pays o eue avait pris naissance, la sociologievaafait, dans ces derniers temps, des progrs notables. M.Espi-nas a appliqu avec beaucoup de largeur et d'indpen-dance les doctrines du positivisme, del'volutionnisme etdu darwinisme la solution desplus importants problmesdelabiologie et de la sociologie compare. M. Tarde apubliune srie de beaux travaux,minemment sugges-tifs a, o les ides abondent et ou les rapports de la so-ciologie avec la philosophie gnrale sont mis en relief.Nous avons dj parl de la direction sociologique donneparGuyau ses tudes sur la religion, l'art, l'ducation.On pourrait aussi rattacher la sociologie la thse deM. Marionsur la solidarit morale, dont nous avons djparl, ainsi que les travaux de M.Gide sur la solidaritsociale. Enfin M.Durckheim a publi des livres de haute

    (1)Voirnotre)m'e:~AfotM;MM

  • DiTRODUC'HO~ XX)X

    valeur sur la division du travail social et sur la mthodemme de la sociologie. Aprs avoir t longtemps rpa-nage presque exclusif des conomistes et des publicistes,les questions de l'ordre social, scientifiquement consi-dres, commencent passer aux mains des philosophes.

    C'est, en rsum, d'aprs le dveloppement de sessciences et de sa philosophie qu'on peut juger une poqueet un pays, non d'aprs les agitations de surface. Si, l'in-diffrence en matire de religion, tat ordinaire enFrance, nous joignions l'indiffrence en matire de philo-sophie, c'est alors que nous serions vraiment en dcgne-rescence ce ne sont ni les sciences pures ni la pure litt-rature qui nous sauveraient, car elles ne porteraienttremde ni la dispersionintellectuelle ni la dsorganisa-tion morale. Maison a vu combien le mouvement philoso-phique, ainsi que le mouvement scientifique, est intensedans notre pays. Qu'il s'agisse de la philosophie idaliste(principal objet de cette tude) ou de la philosophie posi-tive, qui sera. tudie par nous dans un autre livre,l'Angleterre et l'Allemagne peuvent seules aujourd'huientrer en comparaison avec la France pour l'activit et lavigueur de lu pense; en outre, nous voyons de plus enplus se confondre les deux courants idaliste et natura-liste..

    Ht

    LA RACTION CONTRE L'HGMONIE DE LA SCIENCE.

    NCESSIT ))E LA PHILOSOPHIE

    Le point cardinal de la philosophie kantienne tait que,si la science est une fonction de l'esprit, elle n'est ni laseule ni la plus importante. Il y a des limites entre les-quelles l'explication scientifique est applicable, mais audel reste un vaste champ o nos spculations doivent seguider sur d'autres principes telle tut la pensefondamen-tale du kantisme. C'est, au contraire, sur les donnes cer-taines ou probables del science et de la philosophiequ'AugusteComtevoulut tablircequ'il appelait l'unit,cr-brale du genre humaiti.A quiappartiendra rellement l'h-gmonie intellectuelle? Ce problme, intimement li

  • X\x LE MOUVEMENT tDMAUSTE

    celui de l'idalisme, passionne les esprits, non seulement:en France, mais en Angleterre, en Allemagne, en Am-rique (i). Aprs les philosophes, on a vu les critiques,les romanciers et les potes, puis les savants de pro-fession se proccuper des rapports de la science etde la, croyance. Ces excursions des littrateurs et dessavants sur le domaine philosophique ont eu l'avan-tage d'appeler l'attention sur les grands problmes. L'in-convnient, c'est qu'il n'yaa pas toujours, de part et d'autre.assez d'attention dunir les termes, bienposer les ques-tions, viter les solutions htives. Trop souvent les lit-trateurs s'en tiennent l'idalisme vague dout se conten-tait Renan,les savants spciaux a.u positivisme troit deLittr. Onen a vude rcents exemples dans les discussionsqui, plusieurs reprises, ont eu lieu entre littrateurs etsavants sur la banqueroute de la science a. Ceux qui ontsoutenu cette thse ont employ une tactique habile: ils

    ont place d'un ct les rsultats positifs des sciences parti-culires, ils se sont mmeborns aux sciences physiqueset naturelles puis, de l'autre ct, ils nous ont montr les.religions avec leurs rponses toutes prtes aux problmesdel vie et de la conduite. Les savants, d'autre part, ontvant les bienfaits de la science, ses dcouvertes dans.l'ordre matriel et industriel, comme si la morale tait unequestion de pur bien-tre ou de hygine. On et dit,en vrit, qu'il n'avait jamais exist de philosophie ni de.morale en dehors, soit des thologies et mythologies detoutes sortes, soit de la mathmatique, del physique et dela physiologie. C'tait faire trop bon march de l'histoire;rayer d'un trait de plume les sciences si justementappeles morales, depuislapsychologie eti'thique jusqu',la philosophie premire. Certes, s'il tait vrai que la phy-sique et l'histoire naturelle eussent pris l'engagement denous fournir, comme telles, une doctrine du monde et dela vie, on aurait raison de dire que ces sciences ont fait.banqueroute, s'tant mles de ce qui ne les regardaitpas.Lachimie ferait galementfaillite si elle prtendait expli-quer le mouvement des astres, la prcession des qui-noxes, les clipses de soleil ou de lune. Et la thologie,

    fl) Voir)elivrercentdeB~fonrsurles.Fonc/fMe~

  • !\TMDUCTtO~) XXXt

    ce compte, fit aussi banqueroute lorsqu'elle dcidaque le soleil tourne autour de la terre, Josu ayant jadisarrt sa marche. Toute usurpation d'une science su!'un domaine tranger aboutira ncessairementdes dcon-venues, Ces aventures, il est vrai, sont frquentes de lapart des savants, qui, dans l'orgue!) de leurs dcouvertesspciales,, s'imaginent parfois avoir trouv le secret uni-versel heureusement, les savants ne sont pas la science.Tous les banquiers eussent-ils dpos leur bilan, l'arith-mtique ne dposerait pas le sien. Autant donc il est lgi-time de ramener chaque savant sur son terrain propre,autant il est illgitime de rendre la Science (avec ou sansmajuscule) responsable de ce q.u'ona appel les faux bil-lets signs en son nom . C'est l'ignorance, non lascience,,quia fait et fera toujours faillite. Sur son domaine,la vrit scientifique est digne de notre respect et mme denotre amour,. puisqu'elle contribue notre intellection deschoses et de nous-mmes. Saint Augustin a dit Valde~~a m~~ee~Mm.Ni les portes de l'enfer, ni celles mmesdu paradis ne prvaudront contre l'a science.

    Dj. il y a quelquesannes, la jeunesse des coles s'taitpartage entre no-idalistes et uo-positivistes. Dans u.uloquent:discours aux tudiants, M.Zola, qui se dclaraitlui-mme un vieux positiviste endurci , s'efforait dedfendre la science A-t-elle promis le bonheur ? demandait-il. Et il rpondait Je ne le crois pas. Elle apromis la vrit, et la question est de savoir si l'on ferajamais du bonheur avec la vrit. Pour s'en contenter un:jour, il faudra beaucoup de sacrifice, l'abngation absoluedu moi, une srnit d'intelligence satisfaite qui semble nepouvoir se rencontrer que chez une lite. Mais, en atten-dant, quel cri dsespr monte de l'humanit souS'rantettComment vivre sans mensonge et sans illusion? M. Zolaconcdait ensuite qu'en littrature l'cole naturaliste avaittrop ferm l'horizon . J'ai personnellement re-grett, ajoutait-il, d'avoir t un sectaire, en voulant quel'art s'en tnt aux vrits prouves, M.Zola n'et-U puconvenir que, dans la philosophie galement, le positi-visme avait trop ferml'horizon ? Et peut-on admettre ladfinition prtendue positive que M.Zola donne de l'ida!,l,lorsqu'il dit L'idal, qu'est-ce autre chose que l'inex-pliqu, ces forces du vaste mondedans lesqu-eHes nousbai-gnons sans les connatre? "Non,l'idal ne sauraitsignifier

  • XXXH M MOUVEMENTIDEALISTE

    simplement l'inconnu il est la direction connaissable, aucc

    moins en partie, de la ralite mme arrivant chez l'homme la conscience de soi. M.Zola terminait en consentantd'oublier le tourment de l'infini ceux qui soull'rcntdu mystre , il conseillait d'occuper leur existence dequelque labeur norme , dont il serait bon mme qu'ilsne vissent pas le bout. Mais, ainsi prsent comme un devoir quotidien, sans aucun principe qui justifie cedevoir, le travail n'est au fond qu'un moyen de s'tourdir,un moyen de divertissement H,comme disait Pascal, plushyginique peut-tre (en gnral) que le jeu et les plaisirs,mais dont le vrai sens moral chappe, faute d'une doctrinephilosophique qui marque la place de l'individu dans la :=:socit humaine et dans la socit universelle.

    Intervenant en cette discussion, M.Alexandre Dumas ne =

    craignit pas de prdire que les hommes, aprs avoir toutexpriment, uniraient. et cela bientt H, par appliquersrieusement la vie la loi de l'amour du prochain/et se-raient mme envahis par la folie, la rage de l'amour .').Ilaffirmavoir dj, parmi les phnomnes qui nous parais-sent si menaants, les indices de ces tendances d'amour quinaissent chez les hommes. Tolsto, penchant vers un opti-misme analogue, dclara son tour que, plus les hommescroiront qu'ils peuvent tre amenspar quelque force ext-rieure, agissant d'elle-mme en dehors de leur volont, auchangement et l'amiioration de leur existence, et plusdifficilementcette amlioration se produira C'taitl, auxyeuxde Tolsto, le principaldfaut du discours de M.Zola. Aucontraire, plus ils croiront a ce que prdit Dumas, quele temps viendra infailliblement et prochainement o leshommes, anims de l'amour du prochain, modifieront de fleur propre volont toute leur existence, etplus vite ce tempsarrivera. Contiantdans la force des ides, Tolsto concluaitque,

  • I?
  • XXXrV LE MOUYE'M'ENTtDAUSTE

    N'en impliqe-t-eUe aucunedans ses principes ou dans sesconclusions C'est ce que les savants ne nous disentpoint (1).

    Dans tout ce dbat, o il s'agissait de savoir si la scienceaura ta direction finale de l'humanit, on n'avait ngligqu'une chose dnnir la science. Or, ce terme a un senslarge et unsens restreint. Une science, au sens le plustendu, ou, tout au moins, une connaissance, c'est unsystme raisonn de faits et d'ides capable d'entraner,sur des points quelconques, la certitude, la probabilit oumme un doute conscient de ses raisons. Connatre qu'onne connat pas, et pourquoi, c'est encore connatre unesolution ngative est, sa manire, une solution. Savoirqu'une chose est possible ou, mieux encore, qu'elle estprobable, en vertu de telles raisons pour et dtelles rai-sons contre, c'est toujours savoir. La croyance fonde surles raisons reu'tre par l dans la science. Celle-ci est donc,enson-acception la plus large, tout produit lgitime del'intelligence s~exerantlibrementavec l'aide dece que lesthologiens appellent la 'lumire naturelle ?. Ainsien-ten-d'ue,la science enveloppe'la phitosopbie gnrale commeiessctences particulires. Seule, la croyance fonde sur'l'autorit d'autrui non contrle ni raiso'nnec, ou sur l'ima-

    ~!)jLema.t,:aditM..t!ichetdttnsune!tresbettetudedela.&fMBSOte~-

  • t~TRODUCTtON XXXV

    'gination, ou sur des sentiments auxquels on attribue uneporte surnaturelle, sort du domaine del connaissance-et de la science, au sens le plus tendu de ces mots.

    Outre l'opposition de la connaissance naturelle et de lafoi surnaturelle, on peut, dans le domaine de la premire,tablir une nouvelle opposition entre les sciences propre-ment dites et la philosophie. La science proprement diteroule sur les rapports des objets entre eux, indpendam-ment de leur rapport au sujet sentant et pensant. Du moins-cedernier rapport est-il sous-entendu. Aux yeux des an-ciens, comme l'a fart voir excellemment M. Boutroax, lascience tait la connaissance de ce qui est, de ce qui sub-siste sous tous les changements. Cequi est, pour eux, c'estla substance, l'essence, l'ide, la forme acheve ou l'acte,c'est la cause efuciente, surtout la cause nnaie. Autant,direque la science tait la philosophie mme. Pour les mo-dernes. la science proprement dite, se sparant del phi-losophie et prenant la forme pa~ue, devient la connais-sance des rapports constants entre les choses, telles qu'ellesnous apparaissent, indpendamment de cequ'elles peuvent'tre en elles-mmes; ce qui permet 1"de prvoir et 2 deraliser l'avenir. La science roule surtout sur les lois dudeveTliret dutchangement, sur les lois la fois tneorique~

    'fconde et productrice d'un chantier on de nouveaux. ouvriers afflueut toustes .fours, dsireux d'apport)' leur pierj'e l'edilice. Ceux qui restent audehors nous regarder faire, spiritualistes, bourgeois dcadents, mystiqueset autres esthtes fin de sicle, incapables par hrdit ou par ducation de

    -comprendre le nouvel tat de .choses qui s'tablit et d'en dduire les cons-quences.phitOMphiquBS et sociologiques; ceux que leurs intrts de castesrattachent encore aux priodes antrieures de l'humanit, tous les arrip.res-et les dgnres peuvent blasphmer contre la science et nier le progrs. Laslection naturelle et la mare montante du socialisme auront tt fait denous dbarrasser de ces vestiges du passe et d'assainir le sol o doivent-voluer'les notM'eiles fut'mes~de t'avenir. M

    AtadeuMude: Que sommes-nous ? '< M. MorseUi s'est conteste de r-pondre:

  • XXXVI LEMOUVEMENTIDALISTE

    et pratiques de la prvision et de la ~'o~Mc~'o~des choses.Bacon s'occupe de la production matrielle quel ph-nomne faut-il poser, en fait, comme antcdent pour faireapparatre tel phnomne consquent et prvu, sans d'ail-leurs qu'on puisse savoir ~oM~MO!l'antcdent entranele consquent? Descartes, lui, prend pour type ce qu'on aappel la production idale des mathmatiques, quirend compte de la manire dont telle consquence est en-veloppe dans tel principe; considrant tout fait empi-rique comme une consquence ou solution eective d'unproblme mathmatique, il tche de remonter aux donnesdu problmepour tablir la ncessit de la consquence.Par l, prvision et production sont fondes sur desraisonsncessau'~s. Quand le moyen de

  • INTRODUCTION XXXVff

    leur maturit qu' une socit ou elles sont dans l'enfance.Les ides scientifiques sont de plus les seules qui, ensomme, soient identiques d'un individu l'autre. Ds qu'ilse mle aux ides une part de croyance, les individualitscommencent se sparer. Quand on fait appel aux senti-ments, qui enveloppent des ides confuses et mal luci-des, en partie inconscientes, on fait appel une forceconsidrable, sans doute, mais qui recouvre certainementune foule de divergences individuelles. Les sentiments cor-rlatifs des ides scientifiques sont ceux qui ont le plusde chance de se fondre en un seul et mme sentiment col-lectif. Le domaine de la paix entre les esprits augmentedonc avec celui de la science, sur )e point prcis o se faitta lumire et quelque divisionqui reste possible par ailleurs.La science n'est autre chose que la connaissance sociale,qui est un des lments essentiels de la conscience sociale.Ce qui est scientifique, c'est ce que personne ne contesteplus, ce qui fait dsormais partie de l'exprience collectiveeet de la raison collective. La gomtrie, par exemple, estune possession sociale dans l'ordre intellectuel, devenuepartie intgrante de l'intelligence commune la socitpense et agit gomtriquement. Sans doute l'individudoit son tour repenser et reconstruire la gomtriepour la comprendre mais, en mme temps que son intel-ligence se met ainsi en harmonie avec la vrit universelle,on peut dire qu'elle s'harmonise aussi avec l'intelligencesociale, en qui cette vrit est dsormais vivante et con-sciente. Onpeut en conclure que toute science socialise lavrit. Enmme temps qu'elle est un pas de plus dans lasynthse objective, elle est un pas de plus vers la synthsesubjective et humaine. Elle contribue la formation del'me commune. Et ce n'est pas seulement l'intelligencesociale qui se trouve la fin plus riche et mieux systma-tique, plus varie et plus vive, c'est aussi la sensibilitsociale et la volont sociale. L'ensemble des ides scienti-fiques de tout ordre engendre, avec des sentiments corr-latifs, des actions corrlatives, non seulement chez l'indi-vidu, mais encore et surtout dans la consciencecommune:chacun participe des modesd'action qui sontia propritde tous. Ainsi les esprits divers, concidant par toutes lesvrits qui leur inspirent des impulsions communes, for-ment un organismespirituel. Sila scienceest un desfacteurs-constitutifs del socit.la socit, son tour, est un des

  • X\X.Vm LE MOUVEMENT IDAHSTE

    facteurs constitutifs del science. Reduitl'isolementind-viduel,- si un tel isolement tait possible, l'hommeserait aussi incapable de science que l'anima] il n'en au-rait qu'un germe imparfaitement dvelopp par une exp-rience restreinte. La science impliqueune socit des cons-ciencesentre elles et avec les choses extrieures c'est unetriple harmonie de chacun avec tous et avec le tout.

    L'ide positiviste d'une organisation par la sciencefonde sur ce que la science est en elle-mme organique,-individuellement et socialement organique, ne mritedonc que l'assentiment des idalistes, puisque, nous ve-nons de le voir, toute dcouverte scientique, nouveaupoint de rencontre entre les consciences individuelles, estun largissement de la conscience sociale et, du mmecoup, de la sympathie sociale et de la synergie sociale.

    Reste examiner si les sciences particulires suffisent achever la vritable unit crbrale du genre humain.Nous avons vu que la science de la nature porte sur lesrapports mutuels des objets, indpendamment de leur rela-tion: 1 un sujet sentant et pensant, 3au tout de l'exis-tence. Du moins ce double rapport n'est-il posqu'une foispour toutes; aprs quoi, tant donns les phnomnes telsquels, la science s'efforce de dterminer leurs relationsobjectives, en liminant autant que possible le sujet mme,comme tel, pour lequelils existent et par lequel ils sontconnus. Les sciences psychologiques et sociologiqueselles-mmes, dans leur partie positive, ne s'occupent quedesfaitset des lois, indpendamment du sujet commetel et indpen-damment de l'univers dont il fait partie. Or un tel pointde vueest partiel et abstrait, puisqu'il n'est pas adquat autout de la ralit. La realit, c'est ce qui est la foisobjec-tif et subjectif, c'est l'unit des choses avec l'esprit qui lesconnait et avec l'univers dont elles sont solidaires. Lessciences proprement dites sont encore partielles d'uneautre manire mme dans la sphre des faits et de leursrapports, elles se bornent des espces dterminesd'ob-jets et descatgories dtermines derapports. Aprsavoirfait abstraction du sujet pensant, elles font encore abs-traction de tous les objets autres que celui qu'elles consi-drent le mathmaticien se dsintresse de tous rapportsautres que ceux de grandeur et d'tendue; le mcanicien,de tous rapports autres que ceux de mouvement, et ainsi.de suite. La science, telle que les modernes l'entendent,

  • IXTMRUCTfOX XX\fX

    se plaant ainsi a un point de vue particulier, ses ~M!Mlui sont essentielles. C'est ces limites mmes qu'elle doitsa parfaite certitude, car elle prend ait dbut quelque chosepour accorde sans remonter plus haut, et elle s'arrte toiles conclusions actuellement obtenues, sans tre obliged'anticiper le reste. Del aussi sa mthode rigoureuse qui,s'exerant entre des bornes fixes, n'a plus que des liensgnraux trouver entre desfaitsparticuliers ou des notionsparticulires. Les sciences considrent ainsi de simples aspects ou de simples phases jamais des touts.Aussi Comtea-t-il remarqu que, pour expliquerle moindreobjet d'une explication toujours incomplte le savantdoit faire appel une multitude de sciences; la mcaniquerendra compted'un premier aspect, la physique d'un second,la chimie d'un troisime, etc. s'i) s'agit de l'homme, il nefaudra rien moins que la totalit des sciences. Il est donctrs vrai de dire que la science positive, satisfaite de tracerla relation des choses unies aux choses finies, ne trouvejamais ncessaire d'embrasser l'infini du tout. Pour elle, temonde demeure un miroir bris.

    La philosophie, rapprochant les fragments, s'efforced'entrevoir la grande image. Philosophie et science posi-tive sont deux espces de savoir galement lgitimes.La philosophie est la connaissance, certaine sur quelquespoints, incertaine ou probable sur d'autres, de l'universlui-mme en son ensemble et,du sujet qui le conoit. Ellen'est donc pas seulement, comme l'a cru Comte, la sys-tmatisation des sciences; elle est aussi, comme l'a vuKant, leur critique! leur dlimitation; elle est surtout,comme Hegel l'a particulirement compris, le complmentdes sciences au moyen d'ides qui elles-mmes forment unsystme plus vaste, et par lesquelles on s'eubrce de repr-senter l'unit relle du tout. Runissez les rsultats lesplus gnraux des sciences de manire exprimerle mieuxpossible les grandes lois du monde, vous n'aurez encoreque la synthse objective a laquelle le positivisme veuts'en tenir. et qui n'est cependant que la premire partiede la philosophie gnrale. Auguste Comte, il est vrai, d-clare qu'il faut y ajouterune synthse subjective, mais iln'entend pas par l le rtablissement du rapport universeldes objets au sujet sentant et pensant, ce qui entraneraitdu mme coup le rtablissement du psychique comme fac-teur essentiel de toute science et, par extension, de toute

  • XL LE MOUVEMENT IDALISTE

    existence. Non,Auguste Comtea banni la psychologie et tepoint de vue psychologique, pour ne laisser subsister quela biologie, science objective, et la sociologie, science en-core objective ses yeux. Qu'est-ce donc alors que safameuse synthse subjective? Unesimple rorganisationdes sciences par rapport l'utilit humaine et sociale, uneorientation utilitaire des connaissances en vue du biencollectif. En ralit, la conscience n'a pas de place dans cesystme: tous les rapports des objets entre eux y sontplus ou moins fidlement reprsentes, mais il y manquele rapport sans lequel tous les autres ne seraient pasconus ou mme n'existeraient pas sous la forme de rap-ports, je veux dire la relation au sujet pensant. Or, aupoint de vuede la connaissance, tout objet ne suppose-t-ilpas un sujet qui le pense selon sa propre nature? Pointtd'objet sans sujet , aimait rpter Schopenhauer. Aupoint de vue de l'existence, n'est-ce pas le sujet seul quisaisit en lui-mme l'existence relle et concrte, sousforme de sensation, de pense, de vouloir? et n'est-ce pasl le seul type d'aprs lequel i! peut se reprsenter touteautre existence? Maisces deux points de vue, le coM~a~ceti'c~'e, ne sont plus celui de l sciencepositive, qui, en-core une fois, roule sur de simples rapports entre des ob-jets tels qu'ils apparaissent. Comment donc les chosespeuvent-elles tre eo?mM~? Comment existent-elles? Voilles deux grands problmes philosophiques. Si donc lasciencepoursuit la dtermination des objets les uns par lesautres, la philosophie poursuit la dtermination des objetsparlesujet sentant, pensant et voulant, qui les condi-tionne au point de vue de la connaissance et de l'existence.Comte a dit lui-mme que les abstractions et les simpli-fications prliminaires , sans lesquelles il n'y aurait riende tel qu'une scienceau vrai sens du mot, exigent toujoursun processus correspondant de recomposition, puisqu'ils'agit d'atteindre la prvision du fait dans son actualitnous sommes bien obligs, pour prvoir, de rtablir l'unitconcrte de la nature. Mais que fait la philosophie, sinonun pas de plus dans la mme voie? Elle corrige l'abstrac-tion qu'on a faite du sujet pensant, elle rtablit l'unitde la nature et de la pense. Onl'a remarqu avec rai-son(1), quandla sciencebrisel'unit dumonde objectif,c'est

    (1)VoirCaird,SocialP/t~osop~of Comte.

  • I~TRODHCTtON XU

    gnralement avec conscience; au CDnt.raire,l'abstractionque la philosophie cherche corriger est gnralementinconsciente. Le gomtre sait bien que l'ellipse n'puisepas les conditions d'existence d'une plante; en revanche,il s'imaginera volontiers que l'on peut poser les lois dumonde intetligible sans jamais tenir compte de la nces-saire retation de ce monde l'intelligence i) s'imaginera.que les thormes de la gomtrie subsisteraient tout en-tiers quand il n'y aurait aucune espce de pense au fonddu rel. Au philosophe il appartient d'examiner jusqu'quel point le rel est ainsi possible sans l'intellectuel. Lapsychologie purement empirique isole elle-mme l'espritdu monde et le traite comme un objet parmi les objetsqu'il doit observer la philosophie, au contraire, regardel'esprit comme une partie de tout ce qu'il connat , c'est--dire comme conditionnant ce qu'il connat en mmetemps qu'il en est conditionn. La philosophie premiren'est donc plus, comme la science, une pure abstraction,mais plutt le rtablissement intgral du roHC?'e

  • XUI LE MOUVEMENT JDALfSTE

    tement vriuables, puisqu'elle s'efforce de concevoir lainarche de l'humanit et celle mme du monde. Elle aaussi sa production, en ce sens qu'elle devient, par laralisation de ses ides directrices, la morale mme touteconception de l'homme, du monde et de l'existence seprojette dans les actes et y produit des ralits conformes l'ide. Toutefois, ici encore, la vrication compltechappe qui est-ce qui se trompe, du voluptueux ou dusage, de l'goste ou du gnreux ? C'est ce qu'on ne peutconstater comme on constate une erreur physique. En s'-tendant l'univers, l'horizon philosophique a ncessaire-ment ses contours baignes dans un lointain mystrieux.Mais, pour n'tre pas positive au mme sens que les con-naissances particulires, la philosophie n'est pas pour celaarbitraire. Etant une conception de l'ensemble des choses,fonde sur l'ensemble mme des sciences, elle a d'une partses Mee~ de l'autre ses certitudes et ses probabilits.Les ncessits a qu'elle renferme sont celles qui driventde la constitution mme de l'esprit. La critique des prin-cipes de la connaissance et de la conduite aboutit mon-trer que certains modes de penser, de sentir, de vouloir sontinhrents notre structure mentale, en mme temps quevrius parle succs de leur application au monde objec-tif: de l un ensemble de notions ncessaires. Quant auxcertitudes, elles sont les rsultats des certitudes mmes dela science, auxquelles le philosophe ajoute, par une sortede prolongement des lignes, les probabilits. Celles-civontdcroissant mesure de leur loignement de l'exprience-scientinque.La philosophie n'en demeure pas moins unecoMM~M~~ee~M~~M~'Met, en quelque sorte, unemta-:science.

    v

    LEPROGRSPHILOSOPHIQUEETSESDIVERSSTADES

    En d~pit de ceux qui la reprsetitent comme toujours &recommencer, la phtiosophie gnrale a une partie acquise,et stable, une partie mobile et progressive. Nous ne par-aons pas seulement ici des sciences philosophiques parti-~ulires, comme la psychologie, la logique, l'esthtique, la

  • IKTRODUCTtON XU!t

    'morale, o les rsultats se sont accumules, comme dansdes antres sciences, et forment aujourd'hui xn fonds deplus en plus riche. Nous parlons mme de la philosophiegnrale. Il s'est fait dans ce domaine des travaux d'ana-lyse et de critique dont les rsultats sont dsormais incon-testables. S'imagine-t-on que rien ne reste des analyses deDescartes, de Leibnitz. de Hume. de Kant? Croit-on que lesnotions de phnomne,par exemple, de substance, de cau-salit, soientaujourd'hui au mme point que du temps dePlaton ? Que les limites et l'tendue de la connaissancepossible ne soient pas mieux dtermines, que l'anciennemythologie pourrait renatre, que les ides de l'me de Dieu?, de la matire '), n'aient subi aucune laborationet se prsentent toujours sous le mme aspect ? La partiemme la plus difficile et, de sa nature, toujours plus oumoins provisoire, je veux dire la synthse des connais-sances en une vue de l'univers, a fait elle-mme,et de nosjours, des progrs qu'on ne peut nier. On a dit, non sansvrit, que l'orgueilleux difice des sciences positives, luiaussi, a t lev avec les colonnes brises des anciennesthories l'difice n'en est pas moins solide, et monte tou

    jours plus haut dans les airs. Il en est de mme pour laphilosophie elle a profit du progrs mme des sciences.et, avec elles, a vu s'agrandir ses perspectives sur lemonde, en mme temps que sur l'homme.

    Dans la philosophie gnrale, le signe de la vrit n'estplus simplement, comme dans les sciences, la relationlogique et mcanique d'une partie une partie, maisl'unit organique du tout. C'est la synthse complte,idal'qu'on ne pourra jamais atteindre, mais dont on pourrareconnatre qu'on approche de plus prs. On le recon-natra ce que l'unit sera de plus en plus parfaite, la-diversit de plus en plus riche L'unit la plus grande dansla plusgrande varit, c'est--dire la conciliation, voil lecritrium. De tontes les philosophies, laquelle reste ?tAucune, rpondait Schiller, mais la philosophie elle-mmerestera toujours. Elle aussi doit mourir pour revivre. Iln'y aura pas plus, a-t-on dit encore, de dernire philoso-phie que de dernier pote. Mais il n'en rsulte pas quephilosophie soit posie. On a voulu parfois identifier la.philosophie avec l'art, parce que son histoire, comme celle-des arts, nous montre des apparitions abruptes d'uvres~gniales,dont aucune n'est dfinitive. On ne peut, a-t'-ou

  • XL!V LE MOUVEMENT DAUSTE

    dit, donner la gnalogie des poefes on ne peut discernerla loi de succession de Chaucer Spenser, Shakspeare, Milton, ni d'Aristote Descartes et Kant. Un pom&commenc par l'un ne peut recevoir sa perfection de lamain d'un autre; il y a des fragments laisss par les.potes quidemeurerontfragments jusqu' la fin des sicles.De mme pour les uvres d'art Ton grand campanileest encore terminer. HC'estqu'on peutbienrelier ensembledes parties, mais non des touts l'oeuvre d'art est un tout.ne procde pas par voie d'addition, mais par unesrie de crations nouvelles (1). My a dans cette assimila-tion de la philosophie l'art l'exagration d'une vrit.Certes, l'oeuvrede la philosophie premire a, comme l'oeu-vre d'art, l'harmonie et l'unit pour loi; mais, dans l'une,c'est une unit subjective, qui est de notre fait; dans l'au-tre, une unit objective. Il est inexact, en outre, de mcon-natre un dveloppement rationne) de la pense quand on

    passe de Socrate Platon, dePlaton Aristote,de Descartes Kant, Schelling, Hegel, Schopenhauer.

    A notre poque, le mouvement del philosophie noussemble avoir parcouru trois stades, dont chacun tait un

    progrs dans la voie de l'idalisme.Le premier est la rduction de l'inconnaissable un rle

    neutre, indiFrent et nul: sublime sincure. Les chosesdonnes notre conscience sous une forme quelconque,ou cellesqui pourraient lui tre donnes,voil tout ce qu'au-jourd'hui on met en ligne de compte, soit dans le domainede la connaissance, soit dans le domaine de la pratique.La limite de l'exprience possible, de la conscience pos-sible, est aussi la limite de l'existence concevable.Quant l'inconnaissable transcendant, nous montreronsdans ce livre que ni la science ni la morale n'ont s'en

    inquiter. Nous devons penser et agir en prsencedes

    objets connus selon les lois immanentes du connaissable,Pour rabaisser l'orgueil de notre science humaine et ne

    pastomberdans le dogmatisme outr deHegel, il est suffi-sant de songer tout l'inconnu qui enveloppe notrescience. Celle-ci sera toujours suffisamment humilie parsa comparaison avec l'idal d'une science parfaite. Quant

    (1)Voirdansle MM~(t.XV)l'tudede M.Jonessur la ~a~'e etlesFins~ela philosophie,et, eucontraste,eeUedeM.JamesWardsurleJPro~'Mde

  • INTRODUCTION Xf.V

    omettre encore en suspicion cette science idale elle-mmeet son objet, quant douter de l'universelle intelligibilit,c'est ce qui restera toujours possible; seulement, par l,on aboutit aussi bien une sorte de matrialisme qu'aumysticisme. L'inconnaissable, l'inconscient,peut aussi bienet mme mieux tre un abme de nuit qu'un abme delumire il peut tre la volont illogique place parSchopenhauer l'origine du pire des mondes, aussi bienque le Pre insondable, mais prtendu adorable, desmystiques. En ralit, on n'adore pas l'absolu inintelligible,on ne se met genoux que devant quelque chose deconcevable et de partiellement connaissable, on ne divi-nise que ce qui, par quelque ct, est humain.

    Au reste, le besoin de l'inconnaissable s'est fait de moinsen moins sentir mesure que le phnomnisme triom-phait, non seulement,chez les positivistes, mais mme chezles criticistes. C'est prcismentparce que l'volutionnismeavait cherch dans le mcanisme le lien universel.qu'il setrouvait oblig, avec Spencer, de maintenir un Inconnais-sable o pour rendre compte (ngativement) de ce qui taitirrductible au mcanisme, c'est--dire, ensomme, de toutle rel. Mais, dans ce dernier quart de sicle, on devaits'apercevoir que, au lieu d'invoquer l'inconnaissable, iltait plus logique de se reprsenter le connaissable sousune forme suprieure au mcanisme, et dont le mcanismemme ne serait plus qu'un extrait ou un abstrait. C'tait lasubstitution l'volutionnisme mcaniste d'un volution-nisme psychique, o la force et l'influence du mental taitrtablie. Ds lors, il n'est plus besoin d'admettre deuxmondes, l'un de ralits, l'autre dereflets mentaux. L'exis-tence est une. Notre conscience n'est pas une sorte de ri-vage d'o nous essaierions vainement de prendre notrelan, commele baigneur, pour plonger dans le rel; nousnageons en pleine mer, et nous n'avons aucun saut fairepour atteindre la vague de l'tre qui nous soulve.

    L'unit de composition tant ainsi admise pourl'univers,il restait savoir si cette unit tait physique ou psy-chique. Or, quand on a admis que toutes les ralits con-naissables sont des phnomnes dans la conscience, il fautfaire un pas de plus et dire toutes les ralits connais-sables sont en elles-mmes des phnomnes de conscienceou de subconscience. Lephysique est rductible au mental.,Ce mouvement s'accomplit sous nos yeux. Le second stade

  • -XLVI LE MOUVEMENT IDALISTE

    ~t~< ~'tt. ~h~~crtt~il /n~mnnT'a~l~ n ~tf~ ~rAf.TS~'l.atteint par la philosophie contemporaine a t prcismentla rduction de tous les phnomnes au type psychique,offrant des degrs de conscience infinis, jamais l'ine-ons-cience absolue. Tout est dans tout, disait Anaxagore.Dansl'harmonie musicale, cette grande loi devient sensible.Chaque note retentit dans les autres tonique, mdiante etdominante rsonnent dans l'accord parfait; inversement,raccord rsonne dans chaque note, et ce que nous prenonspour un son isol est un concert. Cette loi de l'harmoniergle non seulement les sons simultans, mais les sons suc-cessifs les accordsqui se suivent doivent tre lis de tellesorte que le premier se prolonge dans le dernier; c'est cequi, au sein de la multiplicit mme, fai t l'unit.Telle est laNature. La sensation est un accord dont noussommes pourainsi dire la tonique, dont nos organes intermdiaires sontla mdiante, dont les tres extrieurs sont la dominante.l'accord retentit partout des degrs divers, et la sensa-tion elle-mme rsonne dj, lointain cho, dans les l-ments des choses, pour s'enfler et s'exalter dans notreconscience. Aprs avoir instinctivement, aux premiersges, projet sa personnalit dans les choses, l'homme,,par la science positive, s'est abstrait ds choses, les a d-pouilles de lui-mme et ne leur a laiss qu'un mcanismevide mais, par la philosophie,il rend aujourd'hui touteschoses vie, sensation, volont.

    L'idalisme a doncgain de cause, et le vieux matria-lisme ne peut plus se soutenir. De fait, parmi les philo-sophes de quelque valeur, o sont les matrialistes ? C'est:une espce disparue. Les derniers survivants no se ren-contrent plus que chez quelques savantsde profession peuau courant du progrs philosophique. Le matrialismesupposait, chose prodigieuse, que nous connaissonsla matire telle qu'elle est et l'esprit seulement tel qu'il.apparat, ou mmeque nous ne le connaissons en aucunemanire 1 Lamatire est en elle-mrnece que nous la con-cevons par les sciences physiques l'esprit n'est pas enlui-mme ce qu'il. se voit: il se ramne des atomes decorps simples, tels que la chimie les suppose! La con-science ne nous fait saisir en nous que des fantmes, etles vraies ralits sont matrielles. Le matrialisme esp-rait ainsi rendre la nature intelligible, en laissant de ctl'intelligence il esprait saisir l'existence sur le fait et la.comprendre en dehors du pouvoir constitutif de la pense.

  • !?iTHODDCT)0~ XLVH

    11s'en tenait au point de vue de la conscience vulgaire.qui, s'oubliant elle-mme dans la contemplation de sesobjets, s'imagine qu'un monde int.e)Iigib!e peut existersans aucune participation lintelligence. La pense n'-tait donc plus qu'un phnomne de surcrot, une sorte dereflet surrogatoire. Cet piphnomne curieux et, commeon disait, singulier , commenait sans prcdents, unis-sait sans laisser de traces avec telle espce particulirede mouvement dans telle espce de matire. Le matria-lisme prtendait assigner ainsi a la conscience, la pense,'une origine extrieure et une fin extrieure, tche que lepositivisme mme a reconnue impossible. Aujourd'hui,non seulement les choses en soi de l'ancienne ontologieetmme les noumnes de Kant ont t ramens desfaits de conscience, seules ralits connaissables, maisencore les faits dits matriels ont t galement ramens des tats lmentaires de conscience ou desubconscience.La matire s'abme donc dans l'inconnaissable, qui lui--mmes'abme dans le nant.

    Ce progrs de la pense en annonce un autre, qui djse dessine et que verra le sicle prochain. Une fois rtabli.l'lment psychique au cur mmede la ralit, le besoind'un monde transcendant et inconnaissable ne se faisantplus sentir, la ralit tout entire sera conue comme ho-'mogne et une, soit dans seslments.qui sont psychiques,soit dans ses lois, qui, une extrmit, sont mcaniques, l'autre, sociologiques. A l'avenir restera la tche demieux dterminer, grce au progrs croissant des sciences,et de la philosophie, la nature ultime de cette unit laquelle la pense vient aboutir et surtout de concilierl'universel avec la multiplicit des consciences indivi-duelles. Ainsi se posera le grand problme du monadisme,qui admet que la pluralit des tres est fondamentale,et du monisme, qui admet leur essentielle unit (i). Or ilsemble que le monadisme, avec sa multiplicit non rsolue,nepuisse fonder, lui seul, ni une doctrine de la connais-sance ni une doctrine de l'existence. Si la diversit destres tait vraiment foncire, il y aurait entre eux unesparation qui rendrait impossibletoute vraieconnaissance

    (t.)C'estcequ'abienvuM.E.Bou'acdanssa thsercontesur /'Me'edePhnomne(Paris,A)can,18!)5),ola dialectiquela plussuhtiteest au-.servicedela raisonlaptnsferme.

  • XLVH[ LE MOUVEMENT IDALISTE

    de l'un par l'autre impossible galement serait l'actionmutuelle. Il est donc vrai de dire que le monisme, tantla condition de toute certitude, doit avoir par cela mmela suprme certitude. Lepoint de vue de la multiplicit esttoujours provisoire l'esprit ne se repose que dans l'unit,mais dans une unit capable d'envelopper la varit inu-nie. C'est la conciliation du monisme avec le pluralismequi s'impose.

    Selon nous, aucune conscience n'tant isole, sinon parabstraction, et le moi enveloppant autrui, c'est dans l'unitfondamentale des consciences qu'on devra chercher lelien universel. On aboutira a concevoir ce qu'on appelleaujourd'hui matire, tout le M~cne/du monde, sous laforme biologique, comme vivant, et tout le mental, sous laforme psycbo-sociologique, comme sentant, dsirant ettendant l'union avec autrui. Ennn,le mental tant dsor-mais accept comme le vrai contenu de la ralit dont lematriel n'est qu'une forme, la philosophie, parvenue son dernier stade, considrera l'ide de la socit univer-selle des consciences comme le fond de ce qu'on appelaitautrefois )a Nature.

    C'est donc,croyons-nous,la plus rcente et la plus jeunedes sciences, la sociologie, qui fournira ainsi le meilleurtype de synthse universelle . Nous pouvons redireaujourd'hui ce que nous avons dj dit il y a vingt ans,quand nous recherchions les fondements et les conclu-sions de la science sociale

  • INTRODUCTION XL!X

    v

    HGMONIE MORALE DE LA pmLOSOt'HIE

    Quelque incomplte que soit encore actuellement notreconception philosophique du monde et de la vie, c'estcependant la philosophie que doit appartenir ['hg-monie intellectuelle dans l'ordre pratique, parce que lesfondements rationnels de la morale dpendent, non dessciences positives ni des croyances religieuses, mais de la

    philosophie mme.La morale est une uvre collective et sociale elle pro-

    gresse par consquent avec la socit mme. Le tout dessciences, y compris la philosophie, le tout de la pratique,y compris la morale applique, le droit et la politique,aboutissent une exprience humaine de plus en pluslarge et, du mme coup, une modification de l'idal hu-main. L'idal, en en'et, est une sorte de foyer ou viennentconverger les ides et dsirs d'une socit c'est le pro-longement anticip des directions que cette socit prenden vertu de son volution mme. L'idal d'un Europen duxixsicle n'est plus celui d'un Europen du x il n'estpas non plus celui d'un Asiatique. La grande force motricedans la vie est un idal plus ou moins conscient que cha-cun possde, qui dtermine pour lui le sens de l'univers,et vers lequel il fait effort, soit aveuglment, soit les yeuxouverts (1). Cet idal prend conscience de soi dans lascience et dans la philosophie. Un homme simple, voyantun arc-en-ciel sur ses arbres fruits, s'imaginait que cettelumire y allait mettre le feu; quelques esprits ont peurde la philosophie et de la science comme si leur clartallait incendier tous les fruits de la vie en ralit, )amorale n'a rien craindre de la science et dela philosophie,qui peuvent, au contraire, lui donner un fondement lafois rel et idal.

    Ce qui est vrai, c'est que les sciences particulires, elles seules, ne sauraient tablir la morale sur sa vraie etdernire base. La morale ne peut pas trefonde exclusi-vement sur les rapports des objets entre eux; car elle

    (1)VoirPaulen,EtM~

  • L LE MOUVEMENT tDAUSTE

    repose sur ride mme qu'on se fait du rapportde tous

    les objets, quels qu'ils soient, au sujet pensant et voulant,du rang et du rle qui appartiennent dans le monde laconscience. L'oubli systmatique de cette essentieie rela-tion tait, nous l'avons vu, le vice interne du positivisme,qui devait tre inadquat la vraie morale par cela mme

    qu'il tait inadquat la vraie philosophie. De l larac-

    tion actuelle contre l'esprit positiviste. Au lieu de deman-der uniquement notre rgle moraie a la science proprementdite, entendue comme science objective, on a comprisqu'il faUait la demander une philosophie assez largepour rtablir ensa dignit suprieure le sujetconscient, enface et au-dessus des objets au milieu desquels il se dve-

    loppe. C'est cette philosophie, o le point de vue psychiqueet social est dominateur, qui peut seule fonder une moraledigne de ce nom.

    Dans les sciences positives, le monde dsintrts finis,comme celui desobjets finis, s'est distribue en touts spareset artificiels en chacun, l'homme de science se fortifie et.vit~eeM~Msae~e~MS deos, comme disait Hegel, dansl'indpendance de l'infini . Aussi l'espritde la science est-il essentiellement particulariste et sculier . Ds lors,ne faut-il pas que la philosophie vienne rtablir dans laconscience morale de l'homme l'unit du monde o il vit,monde inu.nio.parcet'a mme qu'il le pense, il a desintrts ian.nis.su.prieurs sapersonnalitetembrassant lasocit universelle? La morale, en son principe suprme,.c'est la philosophie et, rciproquement, la philosophie nepeut interprter l'univers sans interprter du mme coupla vie humaine, la place et la fonction d.e l'individu ou dela socit dans le tout. Agir moralement, c'est agir philo-sophiquement; c'est donner ses actes une porte visantle rel, non pas seulement, comme dans le domaine de lascience, des apparences bien lies. Avez-vousjamais cru l'existence des choses? demande Flaubert. Est-ce quetout n'est pas illusion'? Il n'y a de vrai que les rapports,c'est--dire ta faon dont nous percevons les objets. Non,tout n'est pas illusion: nous croyons l'existence relle,sinon des choses , du moins des consciences et des per-sonnes sans quoiil n'y aurait plus de morate.

    Thoriquement, on n'est sans doute pas oblig de phi-losopher on peut s'en tenir au point de vue abstrait de lascience et dire Tous les mouvements sont soumis a

  • ~THODUCTfON Lf

    telles et telles lois, qui se formulent de telle et telle ma-nire symbolique ce qui se meut, je t'ignore pourquoi etcomment, je l'ignore. On ressemble alors quelqu'unqui, en face des autres hommes et des animaux, dirait:Quand je donne un coup i ces tonnes tendues et mobiles,j'en reois un autre en change, qui me fait mal qu'y a-t-il derrire les formes qui mersistent? Je l'ignore. Pour-quoi me frappent-elles quand je les frappe? Je l'ignore.Mes coups leur causeraient-ils quelque chose comme ladouleur que j'prouve? Je ne veux pas le savoir.La situation du positiviste pur en face de la natureest analogue il ne veut pas se demander s'il y a, der-rire les mouvements des tres appels 6n< quelquechose d'analogue ce qu'il y a derrire les mouvementsdes autres tres appels ~'M~ et des tres appelshommes. Libre a lui. Il n'est pas forc de spculer sur lesconditions relles des phnomnes, ~s?~ a~M?Mo

  • LII LE MOUVEMENT IDALISTE

    sensation et impulsion sont dj, sous des formesmoins dveloppes et plus donnantes, d'abord chez lesvgtaux, puis chez les minraux et, gnralement parlant,dans toutes les molcules, dont les animaux eux-mmesne sont que des combinaisons plus complexes.

    En d'autres termes, dans le domaine de la science posi-tive, on se contente de ce genre d'induction, excellemmentdcrit par Clifford,qui consiste infrer une apparenced'une autre apparence, un rapport d'un autre rapport.sans se proccuper de la ralit qui peut tre au-dessousou au del. Pour la science positive, cette proposition que la pierre est pesante ne signifie nullement que la pierrefasse un effort quelconque ou renferme en soi une /'o~ecomme celle dont j'ai le sentiment; elle exprime simple-ment un rapport rgulier entre des s/~ay'~e~ poM?*M/!

  • I;STRODUCT[0?< LHJ

    sophiquement et non plus scientifiquemen). je suis obiigde t'anima)', de le spirituauser en quelque sorte, comnu'je vous anime et vous spiritualise pour vous concevoir/

  • ~tV LE MOUVEMENT IDAUSTE

    Chezun tre pensant, capable de science et de philoso-phie, la morale ne peut plus tre purement animale .La conscience de soi, qui appartient cet tre et qui enve-

    loppe indivisiblement l'ide de tous les autres tres, l'lveau rang d'un tre MM:eM:e?~oci!6!~e, par cela mmejnoral. Car telle est, nos yeux, la dfinitionde la moralit.Pour trouver l'universel, l'individu n'a pas a sortirde soi, iln'a qu' rentrer en soi; la socit est au fond de la person-'tialit cogito, e~/o -SMM,et es, et 6'M~.Par une loi de relati-vit et desolidarit qui lui est essentielle, la consciencene se:pose qu'en posant les autres consciences, elle ne, se saisit.qu'en socit avec elles elle est essentiellement socialeet sociable. Partant de l, nous avons soutenu jadis et.nous soutenons de nouveau qu'il existe dans la constitu-4ion mme de l'intelligence une sorte d'altruisme, lequelexplique, justifie, 'entrane rationnellement l'altruismedans la conduite. Il y a un dsintressement intellectuelqui fait que nous ne pouvonspasne pas~e/M~' les autres,.ne pas nous mettre leur place, nous mettre en eux par.la pense. La conscience se trouve ainsi, par son fond-mme,relie aux autres et au tout, au moyen d'une !

  • ~TRODUCTMK LV

    Tiepeut pas concevoir, ne pas dsirer cet idal. Encorefaut-il, dira-t-on, pour y conforme!' sa conduite, avoirl'me bien dispose . Sans doute, mais tous les sys-'temes en sont l les uns s'adressent au libre arbitre, lesautres la grce, les autres la nature tous ont besoinque la conscience soit dispose il s'ouvrir pour autrui. D-velopper cette disposition en faisant s'tever les intelli-gences et les curs jusqu' la pense et au sentiment dela socit infinie, tel est l'objet de ta morale. Ainsiconue,la moralit est essentiellement le point de vue philoso-phique de l'universel arrivant dominer, dans la pratique,le point de vue positif des sciences particulires et impri-mant ainsi une direction suprieure i l'humanit. EdmondScherer, dans de belles pages consacres notre critiquedes systmes de morale contemporains, nous disait Laconscience est comme le cur; il lui faut un au-del. Oui, mais cet au-del est dans l'inunit des autres con-sciences il est immanent, non transcendant. Le devoirn'est rien s'il n'est sublime oui, mais le sublime est dansLiaconscience mme concevant le ~OM~. La vie devientfrivole si elle n'implique des relations terneHesa nousdirions plus volontiers des relations universelles, qui d'ail-leurs ce titre enveloppent quelque ternit. En un mot,:nous faisons descendre dans la conscience mmecette transcendance laquelle la morale aspire; lasphre naturelle de l'me M n'est pas pour nous,comme pour Scherer, le surnaturel , mais elleest la nature universelle, par consquent la socit uni-verselle dont le nom encore humain de Dieu exprime lefond et le ressort. Aventure! Quand ce serait, Pla-ton l'a dit Noble aventure, xc~oxMuw. L'incertainvaut mieux moralement que le certain et fonde cetteabngation sans laquelle il n'y a point de vraie vertu.Mais l'incertitude n'est point aussi complte que le sou-tiennent les sceptiques. Si le monde tait uniquement'compos de la matire brute imagine par les matrialis-tes, c'est alors que la moralit serait un contre-sens hu-main au sein de l'aveugle nature. Mais. nous l'avons vu,l'uvre de l'idalisme at prcismentde montrer partout.avecle psychique, le germe mme du social etdu moral. Lamoralit n'est doncpasen contradiction, elle est en harmo-nie avec le vrai fond des choses loin d'tre une simple-

  • LVt LKMOUVEMENTID~ADST

    tre, de