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Sakeena Yacoobi, Afghanistan

Fr, Sakena Yacoob, Afghanistan

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World's Children's Prize promotes a more humane world. The program is open for all schools and 57,450 schools with 26.8 million pupils in 102 countries supports it. Every year millions of children learn about the rights of the child, democracy and global friendship through the program. They gain faith in the future and a chance to demand respect for their rights. In the Global Vote, the children decide who receives their prestigious award for their work for the rights of the child. The candidates for the Prize are chosen by a child jury who are experts in the rights of the child through their own experiences. The Prize Laureates become role models for millions of children. The prize money is used to help some of the world's most vulnerable children to a better life. The patrons of the World's Children's Prize include Nelson Mandela, Queen Silvia of Sweden, Aung San Suu Kyi and Graça Machel.

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Sakena Yacoobi

Petite, Sakena Yacoobi est la seule fille de la classe. Elle pense : « Pourquoi les filles ne peuvent pas aller à l’école ? »

Quand la guerre éclate en Afghanistan, Sakena étudie aux États-Unis. Elle veut reve-nir au pays et aider ceux qui sont le plus tou-chés par la guerre, les enfants et les femmes. Et quand c’est interdit pour les filles d’aller à l’école, elle ouvre des écoles clandestines.

Près de 20 ans plus tard, elle continue de se battre pour les enfants d’Afghanistan et plus de 700.000 d’entre eux ont bénéficié de sou-tien scolaire et de soins médicaux de la part de Sakena et de son organisation AIL.

L des années, à Herat qui

est une belle ville ancienne. Le père de Sakena achète et vend des maisons et des

réfrigérateurs et appareils radio de l’étranger. Sa mère est femme au foyer.

Sakena est le premier et pendant longtemps, le seul enfant. C’est pourquoi papa

veut qu’elle soit tout à la fois sa fille et son fils.

Elle n’a que quatre ans quand il la place dans une école religieuse, où un mol-lah, un prêtre musulman, est professeur.

– J’étais la seule fille dans une classe de 15 élèves. Je n’étais pas timide, mais les garçons me taquinaient. Pourquoi une fille devrait-elle aller à l’école ? me demandaient-ils. Je pensais : pourquoi une fille ne devrait-elle pas étudier ? Parfois les garçons me bat-taient. Quand je me plai-gnais auprès du mollah, plu-tôt que de les réprimander, il se mettait en colère contre moi ! Mais j’apprenais facile-ment. À six ans, j’en savais autant que le mollah, raconte Sakena.

NOMINÉE • Pages 70–89

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POURQUOI SAKENA A-T-ELLE ÉTÉ NOMINÉE ?Sakena Yacoobi a été nominée au Prix des Enfants du Monde 2012 pour son long et dange-reux combat afin de donner aux enfants et aux femmes afghans le droit à l’instruction, aux soins médicaux et la possibilité d’apprendre quels sont leurs droits.

Sakena créa son organisa-tion Afghan Institute of Learning (AIL) en 1995, sous l’oppression et en pleine guerre. Le régime des talibans avait interdit l’école aux filles. Mais Sakena ouvrit 80 écoles clandestines, forma des enseignants et créa des bibliothèques mobiles et clandestines. Aujourd’hui, Sakena et l’AIL dirigent des centaines d’écoles, cli-niques et hôpitaux en Afghanistan et au Pakistan et ont formé 19.000 enseignants. Près de 125.000 enfants reçoivent chaque année enseigne-ment et soins médicaux. Les enseignants apprennent de nouvelles méthodologies et ont appris à plus de 4,6 millions d’enfants la réflexion critique. Grâce au travail de Sakena, plus de 5,5 millions d’enfants afghans ont foi en l’avenir et de nouvelles chances, malgré la pauvreté et 30 ans de guerre en Afghanistan.

Une classe, un tableau noir, quelques craies et un enseignant formé. C’est tout ce qu'il faut pour changer la vie des enfants de tout un village, dit Sakena Yacoobi. Ses professeurs enseignent l’informatique aux filles.

’histoire de Sakena commence il y a bien

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Habillée en garçon Petite, Sakena porte un petit voile sur la tête, comme doivent le faire les filles, selon la tradition afghane. Mais parfois le père de Sakena l’ha-bille en garçon.

– Je cachais mes longs che-veux sous une casquette. Et je mettais une chemise et des pantalons. Et me voilà trans-formée en garçon. C’était drôle ! Je pouvais participer aux jeux des garçons. On fai-sait des bras de fer, on luttait et on se battait. J’étais grande et forte pour mon âge et je gagnais souvent.

Papa emmène Sakena partout, en voyages d’affaires, aux déjeuners et fêtes où il n’y a que des hommes. Il veut un autre enfant, de préférence un garçon, mais rien ne se passe.

– Maman était tout le temps enceinte, Mais l’enfant ne survivait pas. Une fois, elle a failli mourir d’une hémor-ragie pendant un accouche-

ment. Les bébés étaient mort-nés. Ou si faibles qu’ils ne vivaient que quelques semaines. C’était affreux de voir maman si triste quand elle perdait un enfant qu’elle avait porté pendant neuf mois. La même chose arriva à d’autres femmes du quartier. J’ai pensé : Pourquoi faut-il que tant de femmes et d’en-fants souffrent ainsi ? Alors, j’ai décidé de changer cela !

Le secret de papa Le père de Sakena est sévère. Après l’école il faut faire les devoirs, pas jouer. Tous les soirs, elle lui montre le cahier où elle a fait ses devoirs, il regarde, fronce le nez et dit : « Tu peux faire mieux ! Refais-le, fais juste ! » Et il faut tout recommencer.

Un jour Sakena, à l’âge de 10 ans, montre ses devoirs, comme d’habitude et la réponse est la même : « Ce n’est pas assez bien ! Refais ! » Mais comme Sakena sait qu’il n’y a pas une seule faute, elle ose dire : « Lis et montre-moi ce qui est faux ! » Et tend à nouveau le cahier à son père. Il la regarde et dit doucement. « Je ne sais pas lire »

– Puis il a détourné le visage. Je l’entendais pleurer.

C’était un choc. Je croyais que papa savait tout, mais il était analphabète. Pendant toutes ces années, il avait fait sem-blant de contrôler mes devoirs. Et il m’avait trom-pée. À partir de ce jour, il ne m’a plus demandé de lui mon-trer mes devoirs. Je ne l’ai jamais dit à personne. C’est devenu notre secret. Papa ne voulait pas qu’on sache qu’il ne savait ni lire, ni écrire.

Refuse les prétendants Sakena entend souvent grand-mère, les tantes et les autres membres de la famille se plaindre que maman ne mette pas au monde des gar-çons. Ils disent que la mère de Sakena est une bonne à rien, que son père devrait prendre une femme plus jeune. C’est

horrible d’entendre cela, pense Sakena. Mais papa ne veut pas d’une nouvelle épouse, il est heureux avec celle qu’il a.

Sakena a 14 ans quand, finalement, un petit frère arrive. Elle est en huitième et s’occupe du travail de bureau dans l’entreprise de son père. Elle est un peu sa secrétaire. À l’école, les autres filles arrêtent les unes après les autres. Elles se marient et s’occupent d’un ménage, bien qu’elles ne soient que des enfants. Le mariage des enfants est commun en Afghanistan. Sakena aussi a des prétendants.

– J’étais grosse et pas si jolie, mais beaucoup vou-laient se marier avec moi, car j’avais bonne réputation.

Allah est Dieu

Le pays le plus dange-reux pour les femmes

Dans les textes consa-crés à Sakena et à son travail en faveur des enfants en Afghanistan, on parle parfois d’Allah et parfois de Dieu. Mais, c’est la même chose. Allah veut dire Dieu.

L’Afghanistan est le pays le plus dange-reux au monde pour les femmes. Violences, manque de soins et une grande misère font que les femmes afghanes sont les plus exposées de toutes. Une femme sur onze meurt en mettant au monde un enfant. Quatre filles sur cinq sont données en mariage contre leur gré ou par un mariage arran-gé. Seulement une femme sur dix sait lire et écrire.

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Mais papa me demandait tou-jours : « Sakena, veux-tu épouser cet homme ? » Et je répondais toujours : « Non, papa, je veux aller à l’école ! » Et papa respectait mon choix. C’était un homme bien.

À la maison avec les enfants Sakena est la première de la famille à terminer l’école. Après le gymnase, elle veut étudier, mais, en ce temps-là il n’y a qu’une seule université dans tout le pays. Elle se trouve dans une autre ville, loin de la maison. La solution vient de sa rencontre avec une

famille américaine, en visite en Afghanistan. Ils lui pro-posent de l’emmener avec eux aux États-Unis pour y étu-dier. Sakena veut bien. Papa réfléchit longtemps. Laisser sa fille étudier près de chez eux, est une chose, la laisser partir seule de l’autre côté du globe, c’en est une autre. À la fin, il dit quand même oui. Sakena est si heureuse.

Au moment même où Sakena Yacoobi s’installe aux États-Unis, la guerre éclate en Afghanistan. On bombarde villes et villages, les batailles ont lieu dans les ruelles et dans les montagnes. Les tués et les réfugiés sont nombreux.

La mère, le père et les frères de Sakena, réussissent, après pas mal de difficultés, à se réfugier aux États-Unis. La famille se reconstruit. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais Sakena ne peut pas oublier son pays natal. Elle n’est pas satisfaite de vivre en paix et en sécurité, alors que son peuple souffre. Ils ont besoin d’écoles et d’hôpitaux.

– Mon cœur était avec mon peuple. Je voulais aider tous ceux qui sont frappés par la guerre, surtout les femmes et les enfants. Mes parents n’étaient pas heureux de ma décision. Maman m’a dit : « Tu ne peux pas nous quitter de nouveau. Nous devons res-ter ensemble » Mais mon père était d’accord avec moi. « Si c’est ce que tu veux, alors

L’AfghanistanL’Afghanistan compte 18 millions d’habitants. C’est un pays de hautes mon-tagnes enneigées toute l’année, de vallées pro-fondes, de forêts et de grands déserts. Les étés sont chauds, avec plus de 40 degrés. En hiver il peut faire jusqu’à -20, avec des

tempêtes de neige et de glace. On y cultive du riz, des pommes-de-terre, des grenades, des mangues et des pastèques. On y trouve beaucoup d’animaux sau-vages rares, comme des ours, des aigles, des gazelles et des léopards des neiges. On y élève des

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c’est aussi la volonté de Dieu » dit-il.

Sakena arrive dans les camps de réfugiés afghans, où elle devient la responsable d’un programme de forma-tion pour enseignants. Très vite, elle ouvre une école pour filles. Puis une autre. Et encore une. Quelques années plus tard, 3.000 filles vont dans les écoles de Sakena.

L’année suivante il y en a 27.000. Sakena ouvre aussi des cliniques et des cours de formation pour enseignants. Quand les talibans, qui à ce moment-là dirigent l’Afgha-nistan, interdisent aux filles d’aller à l’école, Sakena ne renonce pas. Elle ouvre des écoles clandestines pour filles. Il y a jusqu’à 80 écoles clandestines. Le temps passe

Le but de Sakena Yacoobi est qu’il n’y ait plus une seule fille en Afghanistan qui n’aille pas à l'école et qui n’apprenne pas à lire.

Les enfants et leur mère attendent dans un des hôpitaux que Sakena Yacoobi et AIL dirigent en Afghanistan.

ovins et des bovins, des che-vaux, des ânes et des cha-meaux comme bêtes de somme ou pour les monter.

La guerre L’Afghanistan est en guerre depuis plus de trente ans, il n’y a que les anciens qui se souviennent de la paix. Parfois ce sont les armées étrangères qui ont occupé le pays, d’autres fois ce sont

divers groupes afghans qui se sont battus. Beaucoup d’innocents sont victimes de la guerre. Chaque Afghan a des membres de sa famille qui ont été tués ou blessés, et beaucoup de familles ont été obligées de quitter leur maison. Aujourd’hui, le gou-vernement se bat avec l’aide des soldats américains et de plusieurs autres pays, contre les talibans et d’autres

groupes rebelles. Personne ne semble pouvoir « gagner » et la guerre continue.

Les talibans Le plus grand groupe de rebelles s’appelle talibans. Avant, ils dirigeaient le pays et les femmes n’avaient pas le droit de travailler et les filles d’aller à l’école. Ils inter-disaient aussi la danse, la musique, les cerfs-volants et

la télé. Ceux qui refusaient d’obéir, étaient tués ou fouet-tés. Les talibans sont un mouvement de musulmans fanatiques. Aujourd’hui, ils se battent pour reprendre le pouvoir. Ils font sauter des bombes, font des embus-cades et tuent beaucoup de gens. Mais les soldats du gouvernement, américains et d’autres pays tuent aussi parfois des civils.

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Apprends le dari et le pashto Il y a plus de trente langues en Afghanistan, mais le dari et le pashto sont les langues officielles.

dari pashtoUn yak yauDeux du duaTrois se dreiQuatre chahar tsalareCinq panj penzaOui/Non Bala/Na Hoo/NaBonjour ! Salam aleikum Salam aleikumSalut ! Khod hafez De kuday pe amanComment tu Nametan chist? Staa num tse t’appelles ? day?Je m’appelle Namam Zama num Muhammed! Muhammed hast! Muhammed deh!

et Sakena travaille jour et nuit. – Je n’ai pas eu d’enfants,

mais je suis fière et heureuse quand je pense à tous ces enfants que j’ai pu aider. Des milliers et des milliers de filles afghanes. Une grande partie de garçons aussi. Je les aime comme mes propres enfants. Ce sont les enfants qui sont l’avenir de l’Afgha-nistan.

Menaces de mort et gardes du corps Sakena reçoit parfois des menaces de mort de la part d’hommes qui pensent que les filles ne devraient pas aller à l’école. Alors, elle est protégée par des gardes du corps. D’autres fois, des groupes armés ferment ses écoles et cliniques. Elle les ouvre de nouveau en cachette. Sakena Yacoobi n’abandonne jamais. Son but est qu’il n’y ait plus une seule fille qui ne puisse

aller à l’école pour apprendre à lire.

– Tout le monde a le droit à l’école. C’est aussi important que de manger ou de respirer. Aux États-Unis et en Europe, les enfants ont des ordina-teurs, des jeux vidéo et des téléphones portables. Pourquoi est-ce que les enfants afghans ne pourraient-ils pas au moins aller à l’école ? Il suf-fit de peu. Une classe, un tableau noir, quelques craies et un enseignant formé. C’est tout ce qu’il faut pour changer la vie de tous les enfants d’un village. Moi-même, je ne serai jamais arrivée si loin, si mon père ne m’avait pas fait étu-dier.

Quand elle était petite, Sakena Yacoobi était le seule fille de la classe et elle se disait: « Pourquoi une fille ne pourrait pas aller à l’école ? » Elle a voué sa vie afin de donner aux filles et aux garçons afghans cette possibilité.

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Nouria

Nouria, 14

a suivi une école clandestine

Nouria se fait conduire à l’école. Elle n’a plus besoin d’aller dans une école secrète.

L’orage grondait et la pluie tombait à verses sur les maisons en terre dans le village de Ghani Khel, la nuit où elle naquit il y a 14 ans. Khan Wali, le père de la petite fille, la souleva à la lumière d’une lampe à gaz et jura :

– Tu auras les mêmes chances qu’un garçon, tu iras à l’école et tu apprendras un métier.

On nomma la fille Nouria. En arabe cela veut dire lumière. « Elle sera un modèle pour les autres filles » écrivit son père au dos du coran, le livre sacré de l’islam, la nuit où elle naquit.

L commença dans une

école qui avait été créée par l’AIL, l’organisation de Sakena Yacoobi. Nouria lisait et écrivait bien, mais trouvait les maths difficiles. Elle ado-rait l’école où filles et garçons

se retrouvaient dans la même classe. Mais un jour Nouria arriva à l’école et vit un billet cloué sur la porte par un cou-teau. « L’école est fermée. Nous coupons la gorge à ceux qui envoient leurs enfants ici » disait le billet.

Nouria, qui à l’époque avait

11 ans, comprit. Les talibans avaient fermé l’école ! Elle courut à la maison le dire à son père. Le même jour, les talibans arrivèrent au village. Ils allaient de porte en porte pour annoncer qu’ils avaient pris le village. Personne ne devait discuter leurs ordres.

– Ils avaient de grandes barbes et des turbans noirs. Et beaucoup d’armes... des pistolets, des fusils et des bazookas. J’étais triste et j’avais peur de ce qui pourrait arriver, raconte Nouria.

Ont emporté la nourriture Les talibans s’imposèrent auprès des villageois. Le soir, tard ils frappaient à la porte et exigeaient : « Donnez-nous à manger, sinon on vous tue »

PLAT PRÉFÉRÉ : Douceurs MEILLEURE AMIE : Ma cousine FatimaVEUT ÊTRE : Enseignante AIME : L’école, la poésie, les contes, les douceurs DÉTESTE : La guerre ANIMAUX PRÉFÉRÉS : Tigres et aigles

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es années passèrent, Nouria eut sept ans et

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Comme ils étaient beaucoup et armés, les gens n’osaient pas désobéir. Le père de Nouria pria sa femme Amina de mettre sur la table ce qu’ils avaient. Riz, rôti d’agneau, raisins secs, noix et légumes. Nouria voyait tout à travers une fente du rideau. Elle vit les soldats se goinfrer, puis disparaître dans la nuit. Cela se produisit souvent. La famille avait peu à manger et Nouria s’endormait souvent en ayant faim.

École clandestine L’école resta fermée. Jusqu’au jour où le père de Nouria et les enseignants de l’école de Sakena Yacoobi trouvèrent un plan pour continuer les leçons en secret.

– Nous rassemblions quelques élèves et un ensei-gnant dans une cuisine ou un séjour. On disait qu’on avait une course à faire. On cachait les livres sous notre burqa. Puis on rentrait à la maison, l’une après l’autre, pas en groupe. C’était affreux, mais aussi un peu excitant. On ne se confiait pas à tout le monde dans le village, certains voi-sins étaient du côté des tali-bans et pensaient que les filles ne devaient pas aller à l’école, se souvient Nouria.

Pendant plus d’une année, les talibans occupèrent le vil-

lage et Nouria fréquenta l’école secrète. Puis un jour, on entendit à la radio que le chef des talibans qui terrori-saient le village avait été tué dans un combat. Nouria et les autres enfants furent soula-gés. L’école ouvrit de nouveau dans son bâtiment avec les classes, les bancs et le tableau noir. Les villageois qui avaient soutenu les talibans s’enfuirent.

Rêves d’avenir Il y a deux ans de cela. Nouria a aujourd’hui 14 ans. Elle vient de s’installer chez son grand-père dans la grande ville de Herat pour fréquen-ter une nouvelle école. Dans le village on ne peut aller que jusqu’à la sixième. Nouria rêve de devenir enseignante et d’apprendre aux filles quels sont leurs droits :

– Malheureusement, en Afghanistan les filles n’ont pas les mêmes chances que les garçons. Il ne devrait pas y avoir de différence. Nous sommes égaux. Je l’ai appris à l’école de Sakena Yacoobi. Sans cette école, je n’aurais même pas pu écrire mon nom.

Les parents de Nouria ont envie de la revoir, car elle vit loin de la maison, mais cela en vaut la peine, dit son père.

– Ma fille sera un modèle,

une lumière pour les autres enfants. J’en ai fait le vœu à sa naissance. Alors, elle doit fré-quenter une bonne école, même si on ne se voit pas chaque jour. Comme dit le poète : « Une belle fleur a souvent des épines »

Ma fille sera un modèle, une lumière pour les autres enfants. J’en ai fait le vœux à sa naissance, dit le père de Nouria.

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Fatima, 15

Papa fumait l’opium

Papa nous battait tout le temps. Il me battait, moi, ma mère et mon

petit frère avec les mains, des pierres, bâtons et fouets. Il fumait de l’opium et était dro-gué. Quand il n’avait pas d’argent pour

l’opium, il deve-nait fou. Une fois, j’étais en train d’arroser les légumes, il m’a saisie et s’est mis à

crier : « Qu’est-ce que tu fais ici ?

Rentre ! » Il a pointé un pistolet sur ma tempe et m’a dit qu’il me tue-rait si je n’obéissais pas. Je tremblais de peur, raconte Fatima.

Papa a tout vendu La famille de Fatima vivait dans le village d’une campagne iso-lée, dans une simple maison en terre, entourée de hauts murs. Fatima avait constamment peur et était triste. Elle n’osait raconter à personne comment ils vivaient. Papa la tuerait, lui avait-

il dit. À l’école Fatima ne

disait jamais rien et elle n’avait pas d’amis. Les autres élèves la trouvaient bizarre. La nuit, Fatima avait des cauchemars.

Avant de s’endormir,

elle s’imaginait s’enfuir de la maison. Elle aurait voulu avoir un autre père, un père grand, fort et gentil.

– Papa ne pensait qu’à trou-ver de l’argent pour l’opium. Il a perdu son travail. Alors il a vendu tous nos ustensiles de ménages, casseroles, verres et couteaux. Mon oncle nous a donné un peu à manger, sinon on serait morts de faim. Mais des fois, papa vendait même cette nourriture-là. J’avais mal à la tête à cause de la faim et je n’arrivais pas à me concentrer à l’école.

Une nouvelle vie Une fois, le père de Fatima a essayé d’arrêter de fumer l’opium. D’abord tout s’est bien passé. Il a trouvé un tra-vail et gagnait un peu d’ar-gent. Mais très vite, il a de nouveau été licencié. Il était retombé dans la drogue.

– Quelle déception ! Mais le pire c’était de voir mon petit frère qui n’a que cinq ans, imiter papa. Il allumait un roseau et faisait semblant de le fumer, comme si ç’avait été une cigarette d’opium. Alors, j’ai eu peur. Allait-il devenir comme papa ? Est-ce que ça ne finirait jamais ?

La dernière chose que le père de Fatima a faite dans le village, a été d’entrer par effraction chez oncle Khan Walis pour voler de l’argent et un téléphone portable. L’oncle a donné une bonne correction à papa. Puis a pris

Fatima, sa mère et son petit frère chez lui. Papa a été chas-sé du village et une nouvelle vie a pu commencer pour Fatima.

– C’était comme de se réveiller d’un cauchemar. Personne ne nous battait et nous pouvions manger tous les jours à notre faim. J’avais beaucoup à rattraper à l’école et j’ai commencé à étudier l’après-midi au centre de for-mation de l’AIL. C’est là que j’ai appris à lire, écrire et ai vaincu ma timidité. Maman a aussi commencé à étudier. Elle qui était tout le temps triste, était soudain si contente. Maintenant elle informe les autres femmes du village sur la façon de préser-ver leur santé.

Fatima, la cousine de Nouria a grandi dans la peur constante de son père. Il la battait et a vendu tout ce que possédait la famille pour s’acheter de l’opium, une drogue dangereuse. Après avoir reçu l’aide d’un oncle, Fatima aujourd’hui vit bien.

INTÉRÊTS : L’école, la télé, la musique MEILLEURE AMIE : Ma cousine NouriaFRUITS PRÉFÉRÉS : La mangue et le melon VEUT ÊTRE : Avocate DÉTESTE : La drogue et la guerre OBJET PRÉFÉRÉ : Mon nouveau sac d’école IDOLE : Mon oncle Khan Wali, qui dit que les filles doivent étudier

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L’OpiumL’opium est une drogue dangereuse. Elle vient du coquelicot, une belle fleur rouge, cultivée dans de grands champs en Afghanistan. L’opium peut se fumer. Ou on en fait de l’héroïne que l’on s’injecte avec une aiguille. Ceux qui prennent des drogues ne peuvent plus s’en pas-ser et ne pensent plus qu’à s’en procurer, plutôt que de nourrir leur famille. Ce sont surtout les hommes qui se droguent. Les paysans afghans cultivent l’opium parce qu’ils sont pauvres et qu’on les paye bien, non parce qu’ils aiment la drogue.

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Aishaa une pile cardiaque et veut aider les autres enfants

Très jeune, Aisha se retrouva orpheline, ce qui la marqua profondément au point qu’elle refusa de parler. Mais la gentille dame de l’orphelinat et les profs du programme de formation de Sakena Yacoobi, lui donnèrent l’espoir d’un futur. Après une opération, Aisha avec son « cœur à piles » rêve de deve-nir professeur et aider les autres enfants en difficulté.

Aisha ne se souvient pas beaucoup de son père. Mais elle se souvient

que son visage inspirait confiance et qu’il avait une belle barbe noire. Et com-ment elle apprit qu’il avait été tué.

Aisha était en train de man-ger avec sa mère et sa petite sœur, quand un membre de sa famille arriva et raconta une chose horrible. Son père, Said Ahmed avait été abattu par des bandits alors qu’il allait en Iran pour chercher du tra-vail. Makol, sa mère, malgré sa détresse, embrassa ses trois enfants et dit :

– Ne vous en faites pas ! Je suis là! Nous nous en sorti-rons. Je serai votre maman et votre papa. C’est la volonté de Dieu, Dieu donne la vie et Dieu la reprend et nous, nous devons accepter notre sort.

Maman tombe malade Sans père pour entretenir la famille, ce n’était pas facile. Maman Makol faisait des ménages à l’hôpital ou chez les gens riches, mais ne pou-vait pas payer le loyer. La famille fut obligée de quitter la maison et de s’installer dans une chambre avec sol en terre battue et ne se nourris-sait plus que de pain et de thé. Peu de temps après, maman Makol tomba malade.

– Maman avait une malfor-mation cardiaque. Elle ne pouvait pas travailler et devait rester alitée à la mai-son. On a reçu un peu de riz d’une organisation d’entraide et des voisins, mais rien des membres ne notre famille.

On n’avait souvent rien à manger, raconte Aisha.

Maman était de plus en plus faible. Un matin, elle ne se réveilla pas. Elle était morte pendant la nuit. Une voisine trouva les sœurs en pleurs à côté de leur mère.

À l’orphelinat C’est ainsi qu’Aisha arriva à l’orphelinat. Une maison en béton au centre de la ville avec une grande cour intérieure. Là, se trouvaient de nom-breux enfants dans la même situation qui essayèrent de réconforter Aisha.

– Ne pleure pas, ils m’ont dit. On sait ce que tu ressens. Nous n’avons ni père ni mère, mais nous sommes ensemble.

Et c’était vrai. Certains enfants ne savaient pas où étaient leurs parents, d’autres savaient que leurs parents avaient été tués, étaient en prison ou étaient si pauvres qu’ils ne pouvaient pas s’occuper d’eux.

– Nous serons comme des sœurs pour toi, m’ont dit les filles à l’orphelinat et elles m’ont donné des poupées de chiffons, raconte Aisha.

Mais elle était inconsolable.

06h00– Je me lève, je fais mon lit et dis mes prières du matin. Je prie Dieu pour ne pas retomber malade ! Puis, c’est le petit-déjeuner avec œufs, pain et thé.

08h00Les profs de l’AIL viennent à l’orphelinat.

– Nous apprenons l’an-glais, l’informatique et la cou-ture. Mon prof préféré, Seddique enseigne l’anglais et l’informatique et nous apprend beaucoup. Elle commence chaque leçon en nous parlant de la vie et de la société et nous dit que nous aussi, les filles, avons des droits.

11h00Aisha va à l’école de filles qui se trouve à proximité.

– Il y a des enfants qui viennent de l’orphelinat et des enfants qui vivent avec leurs parents. Nous les enfants de l’orphelinat, nous restons ensemble, nous nous sentons en sécurité, surtout quand les autres enfants nous taquinent. L’école c’est amusant, mais les leçons sont bruyantes. Il y a trop d’enfants par prof.

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Aisha, 13

a une pile cardiaque et veut aider les autres enfants – Maman me manquait et

je m’endormais en pleurant chaque nuit. Je n’avais que six ans et je ne comprenais pas vraiment ce que cela voulait dire que maman soit morte. Longtemps j’ai cru qu’elle allait revenir et me retirerait de l’orphelinat.

– Au début, j’étais si triste que je ne parlais plus. Je n’al-lais pas en classe, je me sau-vais et me cachais.

Une gentille dame À l’orphelinat il y avait une gentille dame, Bibi Gul. Elle vit qu’Aisha était très triste et

elle allait vers elle, le soir, pour lui raconter des contes et l’embrasser. Petit à petit, Aisha se remit à parler.

– Tu peux être ma maman? demanda Aisha.

– Tu es en sécurité avec moi, répondit Bibi Gul.

Ainsi, toutes les nuits, Aisha allait retrouver Bibi Gul, se couchait près d’elle et s’endormait. Bibi Gul ne la renvoyait jamais, bien qu’elle fût fatiguée après une longue journée de travail. Elle atten-dait qu’Aisha s’endorme et la portait ensuite dans son lit à l’étage.

Peu à peu, Aisha se sentit plus en sécurité et moins triste. Elle commença l’école. Et elle alla aussi aux leçons tenues par des enseignantes de l’AIL. Elles apprenaient aux filles la couture, l’anglais et à utiliser les ordinateurs. Un monde nouveau s’ouvrit pour Aisha.

– Avant, je ne savais rien. Je ne savais pas que l’« anglais » était une langue. Je n’avais jamais vu un ordinateur. Et je ne savais même pas écrire mon nom ! Maintenant, je sais tant de choses, et j’ap-prends tout le temps, raconte

Aisha, qui aime énormément Seddique, son prof de l’AIL.

A une pile cardiaque Les années passèrent et un matin Aisha se réveilla avec une douleur dans la poitrine. Elle avait onze ans.

– C’était comme si j’avais eu un couteau dans le cœur. Un couteau qu’on tournait lentement, un tour après l’autre, dit Aisha.

Elle avait, comme sa mère, une malformation cardiaque. Son cœur était faible et n’ar-rivait pas à pomper le sang dans tout le corps. Aisha

AIME : Ma sœur Fariba.DÉTESTE : La maladie et la guerre.RESSENT LE MANQUE DE : Ma mère qui est morte. ADMIRE : Mon enseignante Seddique. DÉSIRE : Avoir un cœur sain !AIME BIEN : L’anglais, l’ordinateur.

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devait se faire opérer, sinon elle risquait de mourir, raconte le médecin qui l’aus-culta.

Mais on ne pouvait pas faire d’opération cardiaque en Afghanistan. Alors le person-nel de l’orphelinat a organisé un concert, avec chanteurs et musiciens qui se produisirent gratuitement. Avec le prix des billets on envoya Aisha en Iran, dans un hôpital moderne pour enfants.

– J’étais la seule qui n’était pas accompagnée par ses parents. Mais les autres enfants et leur père et mère étaient gentils. Ils m’ont don-né un livre où ils ont écrit des

salutations et fait des dessins et ils ont prié Dieu pour moi, pour que tout se passe bien, raconte Aisha.

Pendant l’opération, elle était endormie.

– Quand j’ai ouvert les yeux, après l’opération, j’étais toute seule dans une chambre blanche. D’abord j’ai cru que j’étais morte, mais un méde-

cin est arrivé. Il m’a dit qu’ils avaient mis une pile dans mon cœur, une petite machine qui aidait mon cœur à battre. J’ai une cicatrice après l’intervention, dit Aisha.

Veut aider les autres De retour à l’orphelinat, Aisha se sentait mieux. Mais il lui arrive encore de sentir des lancées dans la poitrine. Ce qu’on dit

d’Aisha

Elle ne pense qu’à dessiner « Quand Aisha était plus petite, elle adorait ses poupées, elle ne se lassait jamais de jouer avec elles. Mais aujourd’hui ce n’est plus aussi important. À présent, son occupation favorite c’est le dessin. Dès qu’elle a une minute, elle court, sort crayons et papier et commence à dessiner. Nous dessinons ensemble. Des princesses, des chevaux et de beaux châteaux. Et des familles avec mamans, papas et enfants »L’amie Foziya, 12 ans

Seules pour le Nouvel-An « Aisha est ma sœur. Nous nous soutenons quoi qu’il arrive, parce que nous n’avons personne d’autre au monde. Par exemple, pendant le Nowrooz, le nouvel an afghan, les familles de tous les autres enfants sont venues les chercher, pour qu’ils participent à la fête de fin d’année, mais personne n’est venu nous chercher, nous. Nous croyions que notre oncle viendrait et nous avons attendu toute la journée, mais il n’est pas venu. Nous étions très déçues. L’orphelinat était vide, car le personnel avait congé. Il n’y avait que moi, Aisha et Bibi Gul. Malgré tout, nous avons eu un bon Nouvel-An, Bibi Gul nous a raconté des contes et nous nous sommes endormies » Sa sœur Fariba, 10 ans

13h00– Pour le déjeuner, il y a du riz et des haricots presque chaque jour. Parfois seule-ment du riz. Mais quelques rares fois, il y a des spaghet-tis et de la viande hachée, mon plat préféré. J’en ai un peu assez du riz.

Quand son père et sa mère moururent, Aisha s'arrêta de parler. Les enseignants de l’AIL l’ont aidée et à présent, elle veut deve-nir enseignante pour pouvoir aider les enfants en difficulté.

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– Des fois je me réveille la nuit et je sens des picotements au cœur. Ça fait si mal. Alors je pense à la mort et que je ne veux pas mourir. Il y a telle-ment de choses que je veux faire, dit Aisha.

Malgré son cœur à piles, Aisha ne peut pas courir aussi vite que les autres enfants. Elle s’essouffle et se fatigue facilement.

– Je me demande des fois pourquoi Dieu m’a fait un cœur si faible. Et je prie pour guérir complètement. Je ne veux qu’une chose, être comme les autres enfants, dit Aisha.

Mais à l’école, c’est une bonne élève.

– J’aime tellement les leçons de l’AIL. C’est beaucoup mieux que l’école habituelle. Ma prof Seddique a changé ma vie. Maintenant je sais ce que je veux, j’ai une idée pour le futur. Je veux pouvoir un jour parler l’anglais aussi bien que ma prof. Et savoir autant qu’elle sur le monde ! Alors, je veux aussi devenir prof, pour aider les enfants qui ont des problèmes. C’est mon rêve dit Aisha.

Elle est si appliquée « Aisha est une de mes élèves préférées, elle est si gaie, si appliquée et si gentille. Et elle apprend si vite ! Mais je suis un peu inquiète pour son avenir. À 18 ans les filles sont adultes et ne peuvent plus rester à l’orphelinat. Certaines ont un travail, d’autres sont données en mariage à des parents éloi-gnés. Mais d’autres s’en vont simplement et nous ne savons pas ce qui leur arrive ! »Seddique, 25 ans, enseignante

Tout le corps rit « Je ne peux pas être la maman d’Aisha, je dois m’occuper de tant d’enfants, mais j’essaie ! Elle a besoin d’amour et sa vie n’a pas été facile. Elle est si adorable et quand elle rit, c’est avec tout son corps. Je suis si heureuse de la voir rire »

Bibi Gul, 64 ans, qui s’occupe des enfants de l’orphelinat.

À l’orphelinat, dans la ville de Herat, il y a des centaines de filles entre trois et dix-huit ans. Il y a aussi 25 garçons, mais vers l’âge de dix ans, on les envoie dans un autre orphelinat.

Les enfants de l’orphelinat dorment dans des lits superposés et prennent leur repas dans un réfectoire. Une dizaine de femmes s’occupent d’eux. Dans le jardin, il y a une place de jeux avec balançoires et toboggans, à l’intérieur il y a la télé et les salles de classe.

C’est le gouvernement d’Afghanistan qui dirige l’orphelinat, mais six jours par semaine, un enseignant vient de Sakena Yacoobis Afghan Institute of Learning (AIL) pour instruire les enfants.

La plupart des enfants, mais pas tous, vont aussi dans une école toute proche.

Le prof de Sakena enseigne à l’orphelinat

15h00– Je retourne à l’orpheli-nat et je me repose, je joue et fais mes devoirs. Quand je suis fatiguée d’étudier, je dessine. Ou alors je vais chez Bibi Gul et parle avec elle. Puis nous regardons une émis-sion avec chansons et musique à la télé.

18h30– Pour le dîner, nous man-geons les restes du déjeuner. Puis nous faisons ce que nous voulons. J’étudie un peu, je prie et je vais dans ma chambre pour parler avec ma sœur Fariba et pour dessiner.

22h00Coucher.

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Qu’est-ce que tu portes ? Burqa, voile ou foulard ?

– Je n’aime pas la burqa, le voile c’est suffisant. La bur-qa, c’est lugubre. J’ai des voiles de toutes les couleurs, aujourd’hui j’en ai un rouge. C’est une couleur gaie, dit Zarafshan, 16 ans, étudiante et enseignante à l’AIL.

– Je porte le tchador, parce que selon notre tradition et notre religion ce n’est pas décent qu’une femme montre ses cheveux et son visage aux étrangers. À la maison, je n’ai qu’un foulard, explique Makhfi, 14 ans, qui apprend la couture à l’AIL.

– C’est maman qui m’a donné ce beau voile. Mais je ne peux le mettre qu’ici, au centre. À l’extérieur, je porte le tchador. C’est dangereux d’attirer l’attention, on peut nous enlever, dit Fatima, 15 ans, qui apprend l’anglais à l’AIL.

– J’ai un voile blanc, qu’on m’a donné à l’or-phelinat. Il est beau, pense Malalai, 7 ans qui suit les cours d’une enseignante de l’AIL.

– Je porte la burqa depuis l’âge de 14 ans. Toutes les femmes de mon vil-lage l’ont. C’est notre tradition et notre culture et nous sommes fières de nos burqas. Dans la burqa, je me sens en sécurité, raconte Freista, 20 ans, maman de trois enfants en visite au cabinet médical de l’AIL.

Selon l’islam, une femme doit se couvrir les cheveux, mais rien dans la religion dit qu’elle doit se couvrir tout le visage ou les yeux. Pourtant, la tradition veut que la plupart des femmes en Afghanistan portent la burqa, un vête-ment qui couvre tout le corps, quand elles sortent de chez elles. D’autres portent le tchador, une grande pièce d’étoffe et une minorité, seulement un petit foulard.

Foulard Le foulard sur la tête n’est pas plus encom-brant qu’un chapeau ou une casquette. Il est porté par les filles et les femmes appar-tenant aux familles modernes et instruites des villes.

TchadorUne pièce d’étoffe qui couvre tout le corps, mais laisse visible le visage et les yeux. On le tient ensemble par-devant. La couleur la plus fréquente est le noir.

BurqaCouvre tout le corps et la tête. Un filet en tissu permet à la femme de voir. Les burqas sont souvent bleu ciel, mais aus-si blanches, brunes ou vertes. Il est dif-ficile de bouger dans une burqa et l’été il fait chaud sous le tissu.

Quand est-ce que les filles commencent à porter le voile ? Quand elles sont bébés, les filles ne portent aucun voile. Jusqu’à l’âge de six, sept ans les filles portent des jupes, des blouses de couleurs gaies et parfois un voile de couleur pastel. De sept à douze ans, la plupart des filles portent un voile blanc ou noir. Vers l’âge de 13-15 ans, quand les filles commencent à avoir des formes féminines, c’est le moment de la burqa. Les femmes de plus de 60 ans, ne se préoccupent parfois plus de por-ter la burqa.

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Farid

Qu’est-ce que tu portes ?

aime le foot et apprendre l’anglais

La burqa protège et opprimeBeaucoup de filles et de femmes en Afghanistan sont opprimées. Les hommes décident et la burqa est un moyen de réduire la liberté des filles et des femmes. Selon la tradition afghane, les femmes doivent rester à la maison et ne pas se montrer à l’extérieur, alors que les hommes sont dans la société.

Mais toutes les femmes qui portent la burqa ne sont pas impuissantes. Elles ont souvent droit à la parole à la maison, en ce

qui concerne le ménage, le mariage et l’éducation. Elles

peuvent aussi porter la burqa sur le chemin du travail,

mais l’enlever pendant qu’elles travaillent. La

burqa c’est une sorte de protection.

Farid vit avec sa mère, son père et huit frères et sœurs dans une petite maison de trois chambres.

– Papa est enseignant. Il travaille aussi comme réparateur de vélo, mais a des difficultés à nourrir sa famille. Parfois, des parents nous donnent un peu d’argent et papa achète de la nour-riture ou des vêtements, raconte Farid.

Même si la famille de Farid n’a pas beaucoup d’argent, tous les enfants, y compris les filles, vont à l’école. Papa sait à quel point c’est important de s’instruire. Mais il est aussi sévère et a mauvais caractère. Parfois il bat Farid.

Le matin, Farid fréquente l’école publique, l’après-midi, il apprend l’an-glais au centre de formation AIL, l’école de Sakena Yacoobi. C’est ce qu’il aime le mieux. À part le foot.

– Mon rêve est d’apprendre l’anglais couramment, puis je veux faire des études d’ingénieur. J’aimerais construire des gratte-ciel modernes, tous pareils, pour loger les gens. Chaque appartement aurait beaucoup de pièces, pour qu’on n’ait pas à s’en-tasser les uns sur les autres. Mais c’est difficile d’être ingénieur. Je vais peut-être devenir enseignant.

Farid ne perd jamais un match de foot avec les garçons du voisinage ou une leçon d’anglais au centre de formation AIL.

Vêtements scolaires – Pour aller à l’école, il faut mettre de beaux vêtements propres, mais pas trop délicats. Il me faut une heure pour aller à l’école par des chemins poussié-reux et d’étroites ruelles. S’il y a du soleil et il faut chaud, la poussière voltige partout, s’il pleut, il y a plein de boue et d’énormes flaques d’eau.

Vêtements de fête – C’est important d’être élégant pour les mariages. Ces vêtements-ci, je les ai eus quand mon cousin s’est marié. Il y a eu une grande fête dans le village, le repas était très bon et il y avait au moins mille invités. Les hommes participaient à la fête entre eux et les femmes entre elles. C’est notre tradition.

Vêtements de sport – J’adore le foot ! Dès que j’ai un moment, je joue dans la cour. Avec les enfants des voisins, nous avons une équipe de foot et il faut donc avoir des vêtements de foot. Malheureusement, je n’ai pas de chaussures de foot, mais papa m’a promis que j’en aurai dès qu’il pourra. C’est mon plus grand désir !

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Le garçon boulanger s’est sauvé et est devenu le deuxième de la classe Muhammed a sept ans et travaille de quatre heures du matin jusqu’à six heures du soir dans la chaleur du four de la boulangerie. Parfois il se brûle et il est battu. S’il lui arrive de brûler toute une plaque rem-plie de pain, il se sauve et ne revient plus...

Le rêve d’aller à l’école se réalise et bientôt Muhammed, avec l’aide des enseignants du centre de formation de Sakena Yacoobi, est le deuxième de la classe.

Àsept ans, Muhammed vend du chewing-gum et des cartes de télé-

phone au marché. Mais il ne gagne presque rien.

Un soir, son père rentre avec un étranger.

– C’est Hamid, le boulan-ger. Tu seras son aide. C’est un bon travail, dit le père de Muhammed.

Le boulanger regarde Muhammed avec gentillesse et lui dit :

– Il y a beaucoup de garçons qui veulent travailler chez moi, tu peux être content d’avoir la chance d’apprendre un métier. Tu commenceras demain matin à quatre heures.

Chaud et dangereux Cette nuit-là Muhammed ne peut pas dormir. Il est content d’avoir un travail, mais il est aussi nerveux. Il ne connaît rien au pain et aux fours. La boulangerie est loin de la maison de Muhammed et il doit se lever déjà à trois heures du matin. Il fait encore nuit quand il se met en route pour son nouveau travail.

Les choses ne sont pas comme Muhammed les ima-ginait. Il doit enfourner et défourner le pain d’un grand four en pierre. C’est chaud et dangereux. Déjà le premier jour, il se brûle et se met à pleurer.

– Arrête de pleurnicher, sois reconnaissant, sinon je te renvoie, dit le boulanger en levant la main. Soudain il frappe lourdement Muhammed en plein visage.

Muhammed refoule les pleurs. « Peut-être c’est mieux si je travaille plus » pense-t-il. Après six heures de travail, c’est la pause pour la prière et le déjeuner, pain et eau. Puis, Muhammed conti-nue à travailler jusqu’à six heures du soir.

Quand Muhammed rentre, il est si fatigué qu’il s’éva-nouit presque. Il a son salaire dans un sac en plastique, quelques pains secs. Mais il ne se plaint pas devant son père et sa mère.

Se sauve et retourne à la maison Ainsi passent les jours, les semaines et les mois. Avec le dur labeur, les sévices et le travail dangereux près des fours chauds. À l’heure du déjeuner, Muhammed quitte la boulangerie, s’assied tout seul sous un arbre et grignote son pain.

Il y a une école dans le voi-sinage et Muhammed regarde avec envie les garçons qui retournent à la maison après les leçons de l’après-midi. Ils rient en balançant leur sac d’école. « Je veux aussi aller à l’école » pense Muhammed.

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05h00Le réveil sonne et Muhammed se réveille. Il s’étire quelques minutes avant de réveiller ses frères, Arif et Amin. Le petit frère Yahya et leur mère sont déjà debout.

05h15 Depuis la mos-quée, le muezzin appelle à la prière. Muhammed tombe à genoux tourné vers la Mecque, la ville sacrée des musulmans et fait la prière du Fajr, celle du matin.

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Muhammed, 12

Le garçon boulanger s’est sauvé et est devenu le deuxième de la classe

Après sept mois de cette vie, Muhammed en a assez. Un matin, il brûle toute une plaque de pain, il a si peur de la punition du boulanger qu’il court à la maison. Le soir, il raconte à son père, Atiq que c’est horrible à la boulangerie, qu’on le bat et

comme c’est facile de se brû-ler. Il pleure et dit qu’il veut aller à l’école, apprendre à lire et à écrire et non travailler toute la journée. D’abord, papa est furieux, puis il se calme.

– Tu es désobéissant. Mais tu es aussi courageux. Tu iras à l’école, mais à une condi-tion, que tu ne manques pas une seule leçon, dit papa Atiq.

– Merci, papa, qu’Allah soit avec toi, dit Muhammed.

L’emploi du temps rigide de papa Juste à ce moment-là, le père de Muhammed trouve un tra-vail en tant que soldat gou-vernemental et a un salaire. La famille a les moyens de faire étudier Muhammed et ses deux grands frères. Mais papa est sévère. Il écrit un emploi du temps sur un papier qu’il épingle dans l’en-trée de la petite maison en terre.

– Il faut mettre à profit chaque heure du jour. Pas une minute de perdue, dit papa.

Sur l’emploi du temps papa a écrit ce que Muhammed et ses frères doivent faire, heure après heure. Le matin, Muhammed va à l’école et après le déjeuner, il continue à étudier au centre

IDOLES : Le chanteur Zahir Shah, papa AtiqINTÉRÊTS : Le taekwondo, le football, la télé VEUT ÊTRE : Soldat ou maître des sports de combat PLAT PRÉFÉRÉ : Spaghetti DÉTESTE : Le travail des enfants

06h00 Pour le petit-déjeuner ce sera du thé et du pain.

06h45 Muhammed court à l’école, il ne veut pas être en retard !

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de formation de Sakena Yacoobi. Cet emploi du temps rigide a donné des résultats. Muhammed est maintenant en cinquième et est presque le meilleur de la classe.

– Quand j’ai commencé l’école j’étais en retard. Sans les cours au centre de forma-tion de Sakena Yacoobi, je n’aurais jamais pu suivre. L’enseignement au centre est bien mieux qu’à l’école. Les

Inquiet pour papa Même si le père de Muhammed a un travail, ils ne sont pas riches. Pour gagner un peu plus, les enfants nouent des tapis à la maison, de beaux tapis déco-

rés qu’ils vendent. Il faut trois mois pour faire un tapis et il faut travailler plusieurs heures par jour.

Mais tout n’est pas que tra-vail et devoirs, cinq jours par semaine Muhammed s’en-traîne dans un club avec ses grands frères au taekwondo, le sport de combat coréen. Ils ont reçu des vêtements d’en-traînement et ont participé à des compétitions. Une fois, Muhammed a gagné la

enseignants sont plus gentils, savent plus de choses et sur-tout s’occupent mieux des élèves. À l’école d’état c’est si bruyant. Et là on se moque un peu de moi parce que je suis bon élève.

11h15 Muhammed étudie l’anglais dans le centre de formation de Sakena Yacoobi. Le prof, Zahra Alipour, qui a 18 ans, l’aide.

– Muhammed est bon élève, mais sa famille n’a pas d’autres parents ici pour les aider. Ils ont peu d’argent et Muhammed porte les mêmes chaussures, été comme hiver. Il fait froid quand il neige. Mais je crois qu’il s’en sortira, il a beaucoup d’amis et il est consciencieux, dit Zahra.

13h30 Muhammed et ses frères prennent place à tour de rôle devant le métier à tisser.

– Je suis si habitué à nouer des tapis que j’installe un livre sur le métier et fais mes devoirs en même temps, raconte Muhammed.

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médaille de bronze. Aujourd’hui Muhammed

est content de sa vie. Il n’y a qu’une chose qui l’inquiète. La guerre.

– Papa est soldat. Il fait la guerre aux talibans. La plu-part du temps, il travaille en ville. Il surveille les bâti-ments officiels et les barrages routiers, mais parfois il est dans les provinces avec son unité. Il est parfois absent plusieurs semaines. Je prie alors plusieurs fois par jour pour qu’il ne soit pas tué, dit Muhammed.

Quand papa revient de la guerre, il ne dit rien de ce qui s’est passé, ni à sa femme, ni à ses enfants. Il boit simple-

ment son thé en silence. Et prie très longtemps. Des fois, Muhammed parle avec lui de ce qu’il veut faire plus tard.

– Je veux aussi être soldat, mais papa ne veut pas. Il dit que c’est un métier où on n’apprend qu’à obéir et à tuer. Moi je trouve que c’est exci-tant. Et le salaire est bon. Papa veut que je devienne professeur ou homme d’af-faires. On verra, dit Muhammed.

L’emploi du temps de MuhammedRéveil De 5 à 7 Réveil, prière du matin et

petit-déjeuner. De 7 à 10 Leçons à l’école. De 10 à 11 Leçon de lecture. De 11 à 12 Leçons au centre de

formation AIL. De 12 à 13 Déjeuner et prière. De 13 à 16 Tissage de tapis. De 16 à 19 Entraînement taekwondo. De 19 à 20 Dîner et prière. De 20 à 22 Devoirs. 22 h Coucher !

Celui qui ne respecte pas l’emploi du temps fera ses leçons 6 fois !

16h30 Aujourd’hui il n’y a pas d’entraînement taekwondo, l’entraîneur est absent. Muhammed et ses frères s’entraînent dans le jardin. Ils font des pompes et des assouplissements.

20h00 Muhammed fait ses devoirs jusqu’à ce que les yeux brûlent. Papa surveille qu’il ne triche pas.

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Zarafshan blogue sur l’Afghanistan

Récit du blog de Zarafshan Il y a quelques semaines, Ismet, 19 ans et Haja-tullah, 20 ans, n’avaient jamais entendu parler de l’Internet. Mais une jeune fille leur a appris à l’utiliser et depuis, ils surfent librement sur les sites avec les nouvelles de sport et de politique.

Zarafshan, 16 ans, une jeune fille avec un voile

rouge, est enseignante en informatique au centre de formation de Sakena Yacoobi, à Herat. Elle n’est jamais allée à l’étranger, mais a des amis partout dans le monde. Zarahshan est en fait une blogueuse. Dans son journal des blogs, elle écrit en anglais comment est la vie en Afghanistan.

– Je raconte des histoires tristes et vraies sur le mariage des enfants, la guerre, et la maltraitance. De ce que j’ai entendu à la maison, au marché ou à la radio. C’est important de dire la vérité sur notre pays. C’est un premier pas pour changer et améliorer les conditions des femmes et des enfants, dit-elle.

L’Internet au centre de formation est gratuit pour

les enseignants comme pour les élèves, à la diffé-rence des cafés internet où il faut payer, ce qui est diffi-cile pour les habitants des quartiers pauvres. Grâce à la connexion internet, le centre est devenu un point d’observation du reste du monde.

– Grâce au blog, j’ai connu beaucoup d’étran-gers. Nous communiquons par mail et nous parlons de notre vie. J’ai appris tant de choses, raconte Zarafshan.

Mais elle n’a plus le temps de parler. Ismet et Hajatullah ont besoin d’aide. Ils viennent de créer leur adresse électronique, mais n’ont personne à qui écrire. Avec l’aide de l’ensei-gnante, Ismet envoie son premier mail. À son cousin Hajatullah, assis à côté de lui.

Où sont mes enfants ? « On m’a donnée en mariage quand j’avais 14 ans, à un homme âgé. Une année après le mariage, la guerre a éclaté et mon mari a perdu son travail. C’était dur. Nous avons eu trois enfants, deux filles et un garçon. Un jour, j’ai envoyé mon fils au marché pour vendre des cigarettes, mais il n’est plus reve-nu. J’étais couchée priant Allah, le tout puissant, quand un ami de mon fils est arrivé. Il m’a raconté que mon fils avait été tué par une bombe. J’étais bouleversée, mais je suis allée sur place. L’explosion avait été si forte que je n’ai pas trouvé le corps de mon fils. Ça a été le pire jour de ma vie. Une année après, mon mari est tombé malade et est mort. J’étais enceinte et j’ai mis au monde des jumelles. Je ne pouvais pas les nourrir, alors je les ai laissées chez une femme qui ne pou-vait pas avoir d’enfants. Je me demande souvent ce qui leur est arrivé. Où sont-elles aujourd’hui ? Où sont mes enfants ? »

Zarafshan vient d’apprendre aux cousins Ismet et Hajatullah à envoyer des mails.

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Ahmed

Ahmed Muktar, 12

Récit du blog de Zarafshan

Ahmed Muktar jouit d’une certaine renom-mée dans l’ouest de l’Afghanistan. Il est sou-vent à la télé, à la radio ou dans les journaux où il parle du livre qu’il a écrit. Un livre pour et sur les enfants.

– Les profs ne doivent pas battre les enfants, ils doivent les écouter, dit Ahmed.

J’avais huit ans quand mon père m’a mis dans une école

religieuse. Les enseignants étaient très sévères et battaient les élèves, raconte Ahmed.

Ahmed fut souvent battu. Il n’arrivait pas à se concentrer et à se souvenir des leçons. Même s’il avait fait ses devoirs, il avait si peur de ne pas savoir quoi répondre qu’il ne disait rien. Alors, le prof

lui frappait le dos avec un bâton.

– Une fois, le prof m’a lié les pieds avec une corde. Il m’a enlevé les chaussures et m’a frappé sur la plante des pieds. Ça faisait très mal, raconte Ahmed.

À l’école de Sakena C’est vrai, le silence régnait pendant les leçons, mais le prof d’Ahmed était incompé-tent. Il y avait trop d’élèves dans la classe et celui qui ne pouvait pas suivre était livré à lui-même. À la fin, Ahmed avait si peur d’aller à l’école qu’il refusa d’y aller, malgré les menaces ou les promesses de ses parents. Alors son père comprit que l’école n’était pas bien. Il mit son fils dans l’une des écoles de Sakena Yacoobi, qui avait bonne réputation. Ce fut tout autre chose.

– Les profs étaient gentils, attentionnés et compétents. Et c’était interdit de battre les

et l’écrire. Ahmed trouva cela si amusant qu’il ne put plus s’arrêter d’écrire. Ce qui don-na un livre que le père d’Ah-med fit publier.

– Je voulais être un exemple pour les autres enfants. Et montrer qu’il y a des enfants afghans qui font de belles choses et peuvent écrire des livres, raconte Ahmed.

Le livre parlait de la vie d’un garçon en Afghanistan et de la différence entre les bons et les mauvais profes-seurs. Ainsi Ahmed devint le plus jeune écrivain en Afghanistan. On l’invita à la télé, à la radio et dans les jour-naux et on lui demanda de parler de son livre.

– C’était important de faire les devoirs et de s’appliquer. Mais c’est tout aussi impor-tant que les profs ne soient pas si sévères. Ils ne doivent pas battre les enfants. Ils doivent écouter les enfants, dit Ahmed.

élèves. Il me tardait d’aller à l’école, il y avait tellement de choses à apprendre, raconte Ahmed.

On ne doit pas battre les enfants Dans la nouvelle école, Ahmed eut de meilleures notes et sa confiance augmen-ta. Un jour, tous les élèves durent inventer une histoire

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a été battu et a écrit un livre

SES IDOLES : Papa et grand-papa.VEUT ÊTRE : Chef d’une organisa-tion d’entraide ou un écrivain célèbreAIME : Lire des livres et trouver des histoiresDÉTESTE : Les adultes qui battent les enfantsRÊVE DE : La paix en AfghanistanPLAT PRÉFÉRÉ : Ragoût