148
  FRANCE TELEVISIONS 2020 : LE CHEMIN DE L’AMBIT ION Rapport du groupe de travail sur l’avenir de France Télévisions, coordonné par Marc Schwartz Février 2015

France Télévisions_Rapport de Marc Schwartz

Embed Size (px)

DESCRIPTION

France Télévisions - Rapport de Marc Schwartz - Orientations stratégiques

Citation preview

  • FRANCE TELEVISIONS 2020 : LE CHEMIN DE LAMBITION

    Rapport du groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions, coordonn par Marc Schwartz

    Fvrier 2015

  • 2

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    1

    SOMMAIRE

    INTRODUCTION ........................................................................................................................ 3

    I - LES CHANGEMENTS RADICAUX DE L'ENVIRONNEMENT CREENT DES DEFIS MAJEURS POUR LE GROUPE PUBLIC ................................................................................... 5 A. Une socit qui se transforme profondment .................................................................................. 5 B. Une multiplication des crans, des modes de rception et des usages ....................................... 5 C. Une explosion de l'offre et de services de contenus vido ............................................................ 8 D. Quelles consquences pour les chanes historiques ? ................................................................ 14 E. Un secteur de la cration qui peine atteindre une taille critique mondiale .............................. 20

    II - LES MEDIAS DE SERVICE PUBLIC INTERNATIONAUX : DES MISSIONS CENTRALES REAFFIRMEES, DES TRANSFORMATIONS EN COURS ................................ 27 A. Partout en Europe, les Etats reconnaissent le rle indispensable et la spcificit des

    missions des mdias de service public .......................................................................................... 27 B. La plupart des pays ont fait le choix de bouquets de chanes complmentaires, qui leur ont

    gnralement permis de maintenir leur audience .......................................................................... 33 C. Les mdias de service public se sont adapts lre numrique, des rythmes diffrents ... 36 D. Les mdias de service public font face une rarfaction des ressources publiques et se

    sont engags dans des plans de rduction de leurs charges ...................................................... 37 E. Les effectifs de lensemble de laudiovisuel public franais se rapprochent de ceux la BBC.. 41

    III - LES MISSIONS DE SERVICE PUBLIC DE FRANCE TELEVISIONS : UN IMPERATIF DE SIMPLIFICATION, DE CLARIFICATION ET DE STABILITE ............................................. 43 A. Missions de service public et objectifs assigns par lEtat : une architecture complexe et

    des exigences toujours plus nombreuses ...................................................................................... 43 B. Le contrat dobjectifs et de moyens prcise les engagements rciproques pris entre lEtat

    et lentreprise : objectifs assigns et ressources publiques affectes ....................................... 46 C. Lapprciation de la performance du groupe public : des outils imparfaits ............................... 50 D. Une gouvernance qui a du mal se dtacher de lexercice traditionnel de la tutelle ................ 51 E. Laudiovisuel public franais : des organismes autonomes, un potentiel de synergies

    insuffisamment exploit ................................................................................................................... 53

    IV - FRANCE TELEVISIONS, UNE ENTREPRISE PUBLIQUE A LA CROISEE DES CHEMINS, QUI DOIT RETROUVER CONFIANCE EN ELLE .................................................. 59 A. Le groupe public peut capitaliser sur des atouts dcisifs ............................................................ 59 B. Lentreprise est affaiblie par le manque de lisibilit de sa stratgie et laffaissement de son

    audience ............................................................................................................................................. 63 C. Des efforts dadaptation ont t engags dans le cadre de lentreprise unique ........................ 74 D. Lavenir des rseaux rgionaux et de la filire dite de production ........................................ 82 E. Le modle conomique de France Tlvisions reste fragile ........................................................ 95

    V - FRANCE TELEVISIONS 2020 : LE CHEMIN DE LAMBITION ....................................... 101 A. Des missions de service public fortes et distinctives ................................................................. 102 B. Les enjeux stratgiques identifis par lEtat actionnaire pour le mandat 2015-2020 ............... 103 C. Cadrage conomique 2015-2020 .................................................................................................... 111

    CONCLUSION : FRANCE TELEVISIONS EN 2020 ? ............................................................ 117

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    2

    TABLE DES ANNEXES ......................................................................................................... 119

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    3

    INTRODUCTION

    Dans un contexte de forte mutation du paysage audiovisuel caractrise par la convergence des services de mdias et la transformation des usages, le Gouvernement a confi Marc SCHWARTZ1, la coordination dun groupe de travail interministriel charg de mener une rflexion stratgique sur lavenir du groupe France Tlvisions, horizon 2020.

    Ces travaux sinscrivent dans le contexte de la dsignation du prochain prsident du groupe France Tlvisions par le Conseil suprieur de laudiovisuel, et de la ngociation venir du contrat dobjectifs et de moyens 2015-2020.

    Conformment la lettre de cadrage des Ministres2 le groupe de travail a :

    procd lanalyse de lvolution de lenvironnement dans lequel volue France Tlvisions, qui est marqu par des changements profonds qui crent des dfis majeurs pour le groupe public (1re partie) ;

    replac les enjeux stratgiques de France Tlvisions dans une perspective internationale, en effectuant une comparaison avec les principaux mdias de service public internationaux, dont les missions centrales sont raffirmes et qui connaissent dimportantes transformations (2nde partie) ;

    pass en revue les missions de service public et les objectifs assigns France Tlvisions par les diffrents textes applicables (loi, cahier des charges, contrat dobjectifs et de moyens), qui forment une architecture complexe appelant clarification et simplification (3me partie) ;

    procd une analyse des forces et des faiblesses de France Tlvisions, qui apparat aujourdhui comme une entreprise publique la croise des chemins, qui doit retrouver confiance en elle (4me partie) ;

    et expos ce que pourrait tre la feuille de route du groupe pour le mandat 2015-2020 (missions de service public, enjeux stratgiques, cadrage conomique), qui devrait permettre France Tlvisions de retrouver le chemin de lambition (5me partie).

    Afin de rpondre aux attentes dfinies dans la lettre de cadrage, le groupe de travail interministriel sest runi de manire hebdomadaire entre mi-novembre 2014 et mi-fvrier 2015. Il a rendu compte de ses travaux un comit de pilotage runi mensuellement, prsid par Mme Fleur PELLERIN, Ministre de la culture et de la communication et compos de M. Emmanuel MACRON, Ministre de lconomie, lindustrie et du numrique, M. Michel SAPIN, Ministre des finances et des comptes publics et M. Christian ECKERT, Secrtaire dEtat au budget, ou de leurs reprsentants.

    Au travers dune troite collaboration des diffrentes administrations concernes, que le coordonnateur souhaite souligner et saluer, le groupe de travail a pu expertiser lensemble des questions dont il avait t saisi par les Ministres. Il a ainsi abouti une convergence tendue dans lanalyse et les recommandations mises.

    Le prsent rapport ne reflte donc pas la position de telle ou telle administration, mais bien lanalyse conjointe que les membres du groupe de travail interministriel ont ralise, et les recommandations et propositions quils en tirent. Cette mthode de travail a permis de conduire une vritable rflexion stratgique sur les enjeux lis lavenir de France Tlvisions.

    1 Les opinions exprimes dans ce rapport expriment lanalyse et les recommandations du groupe de travail interministriel, et non celles des institutions pour lesquelles le coordonnateur et les rapporteurs travaillent, notamment la Cour des comptes et lInspection gnrale des finances. 2 Cf. Annexe 1 : Lettre de cadrage de la Ministre de la culture et de la communication, du Ministre des finances et des comptes publics, du Ministre de lconomie, de lindustrie et du numrique, et du secrtaire dEtat au Budget.

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    4

    Sous la coordination de Marc SCHWARTZ, ont contribu ces travaux :

    La direction gnrale des mdias et des industries culturelles

    - Laurence FRANCESCHINI, directeur gnral

    - Ludovic BERTHELOT, sous-directeur de laudiovisuel

    - Romain LALEIX, chef du bureau de laudiovisuel public

    - Domitille DESFORGES, charge de mission

    - Nicolas ORSINI, charg de mission

    La direction du budget

    - Alexandre GROSSE, sous-directeur de la 8me sous-direction

    - Amlie LUMMAUX, chef du bureau de la justice et des mdias

    - Sophie LECOQ, adjointe au chef du bureau de la justice et des mdias

    Lagence des participations de ltat

    - Franoise LOMBARD, directrice de participations adjointe

    - Bruno KOMLY, charg de participations

    Le service du contrle gnral conomique, financier et industriel

    - Franoise MIQUEL, chef de la mission de contrle gnral Mdias-Culture

    - Jean-Charles AUBERNON, Contrleur gnral conomique et financier de France Tlvisions

    Les rapporteurs du groupe de travail

    - Thomas CHALUMEAU, administrateur civil

    - Thibault DELOYE, auditeur la Cour des comptes

    - Cdric GARCIN, inspecteur des finances

    - Guillaume KORDONIAN, charg de mission la DGMIC

    Ont galement contribu au groupe de travail : Guillaume ERNER, sociologue et journaliste, et Pierre PAINAULT, inspecteur des finances.

    Pour mener bien sa mission, le groupe de travail a procd une cinquantaine dauditions et de runions de travail, au cours desquelles il a rencontr une centaine dinterlocuteurs3. Cette dmarche a bnfici dun accueil particulirement favorable des diffrents professionnels rencontrs. Les membres du groupe de travail expriment, ce titre, leur gratitude l'ensemble des professionnels, organisations reprsentatives, associations, entreprises prives et organismes publics qui ont particip aux auditions et aux runions du groupe. Ils remercient les quipes du groupe France Tlvisions, auprs desquelles les rapporteurs ont trouv les informations et analyses ncessaires la conduite de leurs travaux.

    Le groupe de travail tient galement remercier pour leur disponibilit les membres du cabinet du Prsident de la Rpublique, du Premier Ministre, de la Ministre de la culture et de la communication, du Ministre de lconomie, de lindustrie et du numrique, du Ministre des finances et des comptes publics, et du Secrtaire dEtat au Budget.

    3 Cf. Annexe 2 : liste des personnes rencontres.

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    5

    I - LES CHANGEMENTS RADICAUX DE L'ENVIRONNEMENT CREENT DES DEFIS MAJEURS POUR LE GROUPE PUBLIC

    Le paysage dans lequel les tlvisions se sont panouies en France et en Europe depuis une trentaine dannes nest plus. Il se voit boulevers par des mutations technologiques profondes, une transformation des modes de visionnage et une concurrence accrue tant sur le linaire que dans lunivers numrique.

    Pour autant, lusage de la tlvision reste des niveaux historiquement hauts, loffre na jamais t aussi profonde, les efforts dinnovation aussi importants. Et la mission de service public tre la tlvision de tous na jamais connu une actualit aussi intense, en ces moments de doute sur la cohsion sociale.

    Lenjeu de la tlvision est de se rinventer continuellement pour se mettre au diapason dune socit qui se transforme, et capter les opportunits de ce nouvel environnement foisonnant, dont cette premire partie du rapport vise analyser les tendances marquantes.

    A. Une socit qui se transforme profondment

    Les socits europennes se transforment en vieillissant (23% de plus de 50 ans en 2020 contre 21% en 2013) et en devenant plus urbaines. Les familles sont en moyenne plus petites (2,46 individus par foyer en 2020, contre 2,67 en 2005) et plus multiculturelles (19,2% des familles europennes auront leurs deux parents originaires de pays extrieurs lUnion europenne en 2020 contre 14,8% en 2011)4. La crise exacerbe les tensions sociales et le chmage de masse saccompagne dune fragmentation sociale, avec laccroissement des ingalits et des carts de revenus.

    Les jeunes gnrations (Gnration Y et Gnration Z ou Millenials) ont grandi avec le numrique dont ils matrisent parfaitement les codes et les usages. Elles entretiennent un rapport trs diffrent au monde de lentreprise, aux loisirs, aux rseaux relationnels. Lmergence des rseaux sociaux est le symbole de cette volution, porteuse dune volont de partage, de participation et dempathie.

    Ces volutions crent des dfis particuliers pour les mdias gnralistes, et notamment pour les mdias de service public, qui ont vocation rassembler le plus grand nombre et crer du lien social.

    B. Une multiplication des crans, des modes de rception et des usages

    1. Des crans de plus en plus nombreux et connects

    Les crans se sont multiplis dans les foyers franais, pour atteindre une moyenne de 6,4 crans par foyer en 2014 (contre 5,3 en 2007)5. Le multi-crans se gnralise : 76,1% des foyers sont quips de trois crans (TV, ordinateur, tablette ou mobile) et 32% de quatre crans.

    Le taux dquipement en crans connects permet aux nouveaux services numriques de toucher une part significative des franais. Un tlviseur sur deux est ainsi connect Internet6 (via les box des oprateurs ou en OTT7).

    4 Source: IHS Electronics & Media, from country national statistics, EBU based on UN data / Eurostat data. 5 Source : Mdiamtrie Home Devices Septembre / Octobre 2014 Ensemble des foyers. 6 Source : Mdiamtrie Observatoire de lquipement numrique des foyers 2nd semestre 2013. 7 Over the top : la distribution des services audiovisuels ne passe plus par les oprateurs tlcoms mais touche directement lutilisateur par une rception Internet.

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    6

    Lquipement des Franais en smartphones (59,3%8) connat de forts taux de croissance, et slve mme 81% chez les 15-24 ans. En 2020, selon IHS Electronics & Media, les smartphones reprsenteraient 49% des crans connects dans lEurope des 28. Lacclration de lquipement en appareils mobiles (smartphones, tablettes et phablets ) constitue le phnomne le plus marquant des dernires annes et emporte des effets durables sur le visionnage des programmes, particulirement dans les jeunes gnrations. Pour celles-ci, le second cran est dores et dj devenu le premier.

    2. LADSL fait jeu gal avec la diffusion hertzienne pour la rception de la tlvision

    Les deux tiers des foyers franais sont abonns des offres ADSL, satellite ou cble et peuvent ainsi accder aux offres largies des bouquets TNT et des chanes de complment dune part, mais aussi aux services de tlvision de rattrapage et de vido la demande dautre part. La trs forte progression de lADSL ces dernires annes (41% de taux dquipement en 2013) en fait aujourdhui le premier mode de rception de la tlvision devant le mode hertzien (du fait du multi-quipement des foyers, seuls 31% des foyers ne reoivent la tlvision que par voie hertzienne).

    3. Une volution des dbits Internet et mobile propice lexplosion de la vido sur Internet

    Lvolution des rseaux et dbits Internet (fixe et mobile) permet aujourdhui de consommer de la vido avec des vitesses de tlchargement et une qualit de visionnage qui ne peuvent plus tre perues comme un handicap par rapport la diffusion tlvisuelle traditionnelle. En mobilit, l o il fallait plus de deux heures pour tlcharger un film en HD de 5Go sur les rseaux 3G+, la 4G le

    permet en seulement dix-sept minutes9 . Couple la dmultiplication dcrans toujours plus performants, les dbits Internet permettent mme davoir une qualit dimage parfois meilleure que celle propose par les oprateurs depuis leur box . Pour la premire fois, des innovations technologiques majeures en termes de qualit de diffusion (4K10) se dveloppent dabord sur le numrique (en particulier sur Amazon, Netflix et YouTube) sans que les diffuseurs hertziens puissent ncessairement la proposer court terme, la diffusion HD sur la TNT ntant ce jour toujours pas gnralise lensemble des chanes publiques et prives.

    8 Au 2me trimestre 2014 selon Mdiamtrie Observatoire de lquipement audiovisuel des foyers. 9 Source : Orange, sur la base de dbits 3G+ et 4G allant respectivement jusqu 14,4 Mbit/s et 150 Mbit/s. 10 La 4K ou Ultra HD (3840x2160 pixels) a une dfinition dimage quatre fois plus prcise que la norme Full HD (1920x1080 pixels).

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    7

    4. LInternet mobile, prochaine rvolution dusage

    LInternet mobile se dveloppe trs fortement, aussi bien en termes dusages quen termes de montisation : le mobile reprsente 40% du trafic Internet en France. Facebook tire dj les deux tiers de ses revenus publicitaires des visionnages sur mobile. Le visionnage de vidos sur les mobiles est en explosion, comme en tmoigne le mdia Internet BuzzFeed qui est pass de 60 millions de vidos vues mensuelles dans le monde sur les mobiles en 2013 500 millions en 201411. A terme, certains analystes considrent que lInternet mobile devrait reprsenter 80% du trafic Internet, avec une majorit de ce trafic qui serait ralis au sein dapplications ddies.

    5. Vers des expriences utilisateur multi-crans et personnalises

    Ces dernires annes ont vu soprer une acclration du basculement des pratiques tlvisuelles des foyers, dune offre linaire distribue par des rseaux encadrs (hertzien, cble, satellite, ADSL) vers un usage individuel et personnalis, via une multitude de canaux, notamment via des rseaux ouverts (web, OTT).

    Lvolution des technologies permet aux utilisateurs qui le souhaitent de disposer facilement des programmes de manire transparente, quels que soient lheure, le lieu ou lcran sur lesquels ils sont consomms. Plus quun phnomne de cannibalisation, on assiste une juxtaposition des usages, dicts par des pratiques diffrentes selon les crans :

    les usages sur smartphones se font en grande partie en mobilit, et sont dmultiplis auprs des 15-34 ans ; linverse, les tablettes sont consommes en premier lieu domicile et les publics sont plus gs que ceux des smartphones ;

    les heures de grande coute se situent diffrents moments de la journe entre tablettes (le soir), ordinateurs (aux heures de bureau,) et mobiles (tout au long de la journe) ;

    enfin, on observe une tendance lourde lusage de plusieurs crans simultanment, en particulier entre lcran de tlvision dune part, et les smartphones ou tablettes dautre part.

    Le principe dit ATAWAD ( anytime, anywhere, any device 12) simpose dsormais pour satisfaire lutilisateur. Pour la tlvision, cela pose la problmatique de linteroprabilit technique, en collaboration avec les constructeurs de terminaux et les oprateurs de rseaux dans un contexte de distribution multi-canal des contenus.

    Ces usages diffrencis ne se dveloppent pas au mme rythme pour tous les consommateurs : les jeunes ont des usages sur mobile, une utilisation des services dlinariss et une multiplication des pratiques multi-crans.

    6. Une acclration de ladoption des technologies et des nouveaux services

    Les mdias font face une acclration de lmergence de nouvelles technologies et de mises sur le march de services numriques innovants pouvant reprsenter trs rapidement des usages massifs. Cette acclration numrique implique pour les groupes audiovisuels, de raliser une veille permanente et de mener des exprimentations pour dtecter le plus en amont possible les signaux faibles dvolution du march et ne pas se faire distancer par des structures plus souples et ractives.

    Les briques technologiques qui feront la rvolution de demain se mettent en place : algorithmes de recommandation, big data, ergonomie intuitive, exprience utilisateur personnalise des interfaces, technologies lies la mobilit, Internet des objets. Cela entrane aussi une volution de la publicit en ligne : enchres en temps rel (real-time bidding), ciblage comportemental, retargeting, etc.

    11 Source : BuzzFeed Insight - YouTube analytics, Facebook, Syndication Partners. 12 ATAWAD renvoie la notion de disponibilit dun service en tout lieu, tout moment, sur tous les terminaux existants.

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    8

    Il rsulte de ces volutions un besoin de nouvelles comptences techniques et des cots de dveloppement levs. Un enjeu majeur des diffuseurs rside en leur capacit se doter de ces technologies et de ces comptences, dont ils ne disposent pas ncessairement en interne.

    ENJEUX CLES POUR LES DIFFUSEURS

    - Dvelopper des services multi-crans et interoprables, notamment en proposant une offre adapte aux usages de lInternet mobile, en pleine explosion

    - Raliser une veille et des exprimentations permanentes, et se doter des comptences ncessaires pour relever les enjeux technologiques de demain

    C. Une explosion de l'offre et de services de contenus vido

    1. Loffre de tlvision gratuite a t multiplie par cinq en dix ans

    Avec la numrisation de la diffusion, loffre de tlvision hertzienne est passe en dix ans dun univers de raret (six chanes, dont cinq gratuites) lge de labondance, avec un bouquet de 25 chanes disponibles gratuitement sur la TNT. Cette volution sest matrialise par une explosion de loffre de contenus (prs de 200 000 heures de programmes par an), couvrant tous les genres de programmes et visant tous les publics.

    La diversit de loffre repose notamment sur la constitution par les groupes audiovisuels de bouquets de chanes mini gnralistes sadressant des cibles complmentaires de lantenne historique (en particulier la cible jeunes adultes des 15-34 ans), concomitamment au lancement de chanes ddies des thmatiques prcises : Gulli sur la jeunesse, D17 sur la musique, LEquipe 21 sur linformation sportive, le ple TV de NextRadioTV ddi linformation (BFM TV) et aux documentaires (RMC Dcouverte).

    Pour spectaculaire quil soit, cet accroissement quantitatif de loffre, qui semble avoir touch globalement tous les genres de programmes, doit toutefois tre nuanc.

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    9

    Le sport bascule de loffre gratuite vers les chanes payantes. Les droits sportifs pour des comptitions majeures nationales et internationales connaissent une forte inflation. Dans un contexte de fragilisation des revenus publicitaires et de recherche damlioration de leur marge, les chanes gratuites ont fait le choix de ne pas reconduire la diffusion de certaines comptitions historiquement diffuses sur leurs antennes. Ce fut le cas en 2013 pour la Formule 1 qui tait diffuse sur TF1 et bascule lavenir sur Canal Plus. Le cot de grille des sports de TF1 atteint le niveau historiquement bas de 60 M en 2013 (contre une moyenne de 195 M sur la priode 2006-2009). Au-del des comptitions majeures, on observe une marginalisation progressive des retransmissions sportives sur les chanes gratuites. Le sport ne reprsentait plus que 0,4% de loffre totale des chanes prives de la TNT gratuite en 2013, contre 1,4% en 2003. Seules France Tlvisions prserve sa position.

    Les nouvelles chanes de la TNT salimentent majoritairement au march secondaire des programmes. Lanalyse des programmes diffuss sur les chanes prives de la TNT gratuite lances en 2005 et en 2012 fait apparatre un taux de diffusion de programmes indits et de production propre plus faible que sur les chanes historiques, ainsi quun relatif dsintrt pour certains genres de programmes jugs trop coteux ou pas assez porteurs daudience (ex. fiction

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    10

    franaise indite, captation de spectacles vivants). Les chanes de la TNT se portent surtout acqureuses de programmes de catalogue (march secondaire des programmes, prfinancs par les chanes historiques) ; elles limitent leur niveau de production propre et de prfinancement de la cration pour rester dans une pure budgtaire en ligne avec leurs audiences. En 2013, la part des chanes prives de la TNT dans le financement de la cration audiovisuelle franaise ntait que de 3,3% (soit 28 M sur un total de 838 M, selon le CNC).

    Aussi le tlspectateur peut-il avoir le sentiment que la tlvision gratuite, malgr ses 25 chanes, ne propose pas une offre suffisante de programmes indits et diffrencis et peut-il considrer que cette offre na gure fait progresser la diversit et la qualit des programmes. Cest dans ce contexte de marginalisation de certains genres ou sous-genres de programmes sur les chanes prives gratuites (au niveau de la diffusion et du prfinancement des uvres) que doit se poser la question de la position de la tlvision publique et de la diffrenciation de son offre.

    2. La tlvision de rattrapage, prolongement naturel de la tlvision linaire

    La tlvision de rattrapage est devenue en quelques annes seulement un service indispensable, en complment de la tlvision linaire, en raison de plusieurs facteurs :

    dabord disponibles sur ordinateur, ces services se sont progressivement tendus aux crans mobiles et lcran de tlvision, o les habitudes demeurent les plus fortes ;

    la standardisation des principes de la tlvision de rattrapage (disponibilit de 7 jours, gratuit des droits en prolongement des droits de diffusion linaires) a permis de rendre accessible environ 90% des programmes diffuss sur les antennes historiques ( lexception notable du cinma) et la moiti de loffre de programmes des chanes de la TNT lances en 2005.

    Au-del de la flexibilit permettant chacun de regarder un programme qui na pu tre vu lors de son passage TV, la tlvision de rattrapage a permis une dmultiplication temporelle de loffre de programmes audiovisuels : en moyenne, ce sont plus de 15 000 heures de programmes qui sont ainsi proposes chaque mois gratuitement13.

    Labondance de loffre (qualifie parfois dhyper-offre ) rend indispensable la constitution de propositions ditoriales autour de marques fortes, couples de la recommandation de programmes pour guider lutilisateur :

    13 Selon le baromtre de la tlvision de rattrapage publi par le CNC novembre 2014.

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    11

    le nouvel environnement TNT largi renforce, pour une chane de tlvision linaire, la ncessit de disposer dune ligne ditoriale claire pour gagner en lisibilit auprs du public. Cela doit saccompagner de la construction dun univers de marques fortes, que ce soit au niveau de la chane, des cases de programmation, des programmes ou des personnalits qui les incarnent, afin de faire vivre les contenus sur les diffrents supports linaires et numriques ;

    concernant les services dlinariss, lhyper-offre de programmes couple la fragmentation des audiences ncessite de dvelopper la prescription et la recommandation de programmes et, dautre part, de fluidifier lexprience utilisateur par des interfaces intuitives lui permettant de plonger dans ces immenses catalogues de programmes.

    3. La vido la demande par abonnement, une concurrence dune nature diffrente

    La vido la demande par abonnement (ou S-VOD) consiste en la possibilit de consommer en illimit un catalogue de programmes, au travers dun abonnement payant. A linverse de la vido la demande lacte (ou VOD) dont les consommations portent aux trois quarts sur le cinma, la S-VOD propose plutt des catalogues de programmes plus anciens, articule en premier lieu autour dune offre de sries (facilitant le binge watching consistant regarder la suite plusieurs pisodes voire la saison complte dune srie). Aussi la vido la demande lacte se rapproche-t-elle plus, en termes dusage, de la sortie en salle de cinma ou de lachat dun DVD, tandis que lusage de la S-VOD est plus proche de celui de la tlvision traditionnelle et de la tlvision de rattrapage. En ce sens cette dernire porte en elle un facteur de rupture potentiellement trs puissant.

    Encore relativement peu dvelopps en France (les trois premiers services CanalPlay, Netflix et FilmoTV devant reprsenter moins dun million dabonns), les usages sont devenus massifs aux Etats-Unis : 38% des foyers amricains taient abonns Netflix fin 2014, 13% des foyers Amazon Prime Instant Video en 201314. Avec prs de 40 millions dabonns aux Etats-Unis, Netflix dpasse dsormais largement la chane payante HBO (30 millions de foyers).

    Lapptence du public pour ces services est porte par la promesse dun accs illimit un large catalogue de programmes pour un cot raisonnable : moins de 10 par mois. Selon une analyse mene par Digital Home Rvolution en octobre 2014, les catalogues de Netflix et de CanalPlay stablissaient respectivement 7 306 et 10 659 programmes, avec 40% de sries, 13% de films de cinma et une offre jeunesse significative (respectivement 48% et 38% des catalogues).

    Le dveloppement de ces offres marque selon certains le basculement des usages du tlchargement vers le streaming (tendance galement observe sur la musique en ligne) et la prfrence pour labonnement illimit sur lachat lacte. Enfin, le dveloppement de la S-VOD risque de cannibaliser le march des chanes payantes par cble et par satellite ; on observe dj aux Etats-Unis une baisse des abonnements au cble.

    4. Lmergence de plateformes thmatiques et des multi channel networks (MCN)

    Les volutions en termes dusages sur le numrique laissent entrevoir quil est dores et dj ncessaire de dpasser la simple rexposition de programmes originellement diffuss la tlvision, et de dvelopper des plateformes numriques disposant doffres de programmes enrichies, en partie exclusives, ciblant des thmatiques ou des communauts dutilisateurs prcises. Deux catgories doffres numriques complmentaires et organises en verticales se distinguent :

    des plateformes thmatiques disposant de sites de destination, limage de Francetv info sur linformation, Culturebox et Arte Concert sur la culture, Vice Media au niveau mondial ;

    14 Source : Netflix, Letter to Shareholders, Janvier 2015 et Nielsen, septembre 2013.

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    12

    des channels sur les sites de partage de vidos (YouTube, Dailymotion) ciblant une thmatique ou une cible trs prcise, par exemple, StudioBagel au sein du groupe Canal+ ou Golden Moustache du groupe M6, ciblant lhumour avec de la production exclusive Internet ralise par des jeunes talents. Les chanes YouTube parmi les plus populaires en France sont celles de Cyprien et de Norman et comptabilisent respectivement 6,7 et 5,6 millions dabonns pour 747 et 634 millions de vidos vues cumules.

    Ces services participent la professionnalisation des vidos diffuses sur Internet et peuvent gnrer des audiences importantes auprs de communauts fidles, par la logique dabonnement sur les sites de partage et les rseaux sociaux. Facebook touche maintenant plus de jeunes aux Etats-Unis (63% des 18-24 ans en 201315) que les quatre principaux rseaux TV amricains (58%) ; le rseau social a considrablement accru la diffusion de vidos, avec un volume suprieur 1 milliard de vidos vues en septembre 2014, atteignant ainsi des niveaux comparables ceux de YouTube.

    Les programmes spcifiquement conus pour Internet et qui connaissent un fort succs daudience se concentrent encore aujourdhui sur quelques rares thmatiques autour du divertissement (musique, humour, jeux vido), mais des services commencent couvrir dautres thmatiques avec succs : Vice Media, de plus en plus prsent sur le reportage dinformation, revendique plus de 20 millions de visiteurs uniques en 2014 (dont 76% de 18-34 ans) et 500 millions de vidos vues dans le monde, largement distribus et partags par des partenariats forts avec YouTube, Facebook et Twitter.

    Si le modle conomique de ces plateformes et le financement des webproductions napparaissent pas encore stabiliss, la trs forte audience laisse prsager une montisation possible sur le moyen ou long terme ; linitiative de YouTube de prfinancer certains producteurs de channels entre 500 K et 1 M par an (sous forme davances sur recettes publicitaires) participe cette recherche dun modle conomique prenne.

    ENJEUX CLES POUR LES DIFFUSEURS

    - Proposer une distribution des programmes la plus large possible, tout en guidant mieux lutilisateur dans les catalogues de contenus, par des interfaces plus ergonomiques

    - Gagner en lisibilit par des positionnements ditoriaux clairs des plateformes numriques (thmatiques, cibles), la mise en valeur de marques de rfrence, et le dploiement dune stratgie de promotion et dexposition des programmes sur YouTube, Dailymotion et Facebook

    - Conforter les programmes qui resteront emblmatiques de la tlvision linaire en direct : information, sport, grands vnements fdrateurs

    5. Un univers concurrentiel qui ne cesse de s'largir et fait voluer les chanes de valeur

    a. La nouvelle concurrence dacteurs internationaux aux moyens considrables

    Larrive sur le march franais des GAFA (Google/YouTube, Apple, Facebook, Amazon) et de Netflix prfigure des volutions profondes dans le rapport de force entre les acteurs du secteur, tant la puissance financire de ces gants du net est considrable : les GAFA cumulent 316 Mds$ de chiffre daffaires en 2013, en croissance de 12% sur un an, et plus 123 Mds$ de trsorerie disponible16. En 2012 pour la premire fois, les revenus de Google aux Etats-Unis ont dpass ceux de lensemble de la presse amricaine17.

    15 Source : Nielsen, janvier 2013. 16 Source : Fabernovel, tude GAFAnomics informations socits. 17 Source : Business Insider.

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    13

    En 2014, Netflix comptait plus de 57 millions de foyers abonns (+ 13 millions en un an), la croissance tant particulirement vive linternational (18 millions dabonns, +70% en un an) alors quelle a tendance ralentir aux Etats-Unis (39,1 millions dabonns, +17% en un an). La stratgie du groupe amricain, dont le chiffre daffaires atteint 5,5 Mds$ en 2014 (+26%) et le rsultat oprationnel 400 M$ (+75%) est dsormais clairement oriente vers la conqute de parts de marchs linternational.

    b. Ces acteurs peuvent aisment se soustraire la rglementation franaise

    La tlvision connecte facilite laccs au march pour des acteurs franais ou internationaux, mme de sadresser leurs clients sans intermdiation. La facilit et la fluidit de lexprience utilisateur, issues du monde de lInternet, saccompagnent dune disponibilit simultane sur tous les crans, la maison ou en mobilit. Pour les acteurs trangers, il sagit dune opportunit indite de pntrer le march franais en se soustrayant la rglementation nationale, quelle soit fiscale ou culturelle. Larrive sur le march franais des GAFA et de Netflix pose ainsi la question du respect des rgles de la concurrence, pour ce qui relve de leur contribution au financement de la cration franaise et europenne, mais aussi sur la structuration de leur offre (engagements de diffusion).

    c. et cherchent remonter dans la chane de valeur

    Se soustrayant la rglementation franaise, ces acteurs, forts de leur base dabonns, se positionnent diffremment sur la chane de valeur, cherchant, en amont de celle-ci, crer des programmes diffrenciants, dont ils dtiennent lintgralit des droits. Ces gants dInternet ont acquis en quelques annes des positions fortes sur la distribution. Fort de positions dominantes en aval de la chane de valeur et dune stratgie globalise, ces acteurs remontent maintenant vers lamont de la chane pour se positionner sur les actifs stratgiques que sont les contenus :

    ils investissent dans la production duvres, en particulier sur des sries, pour sassurer des exclusivits. Netflix a ouvert la voie avec House of Cards, suivie par Amazon Studios. Les investissements consentis nont rien envier aux acteurs traditionnels : le budget de la srie Marco Polo sest lev prs de 10 M$ par pisode, tandis que la srie franaise Marseille aurait un budget proche de celui des fictions franaises (entre 700 K et 1 M par pisode) ;

    le succs critique de ces sries a t couronn de prix prestigieux, avec deux Golden Globes en 2015 pour la srie Transparent dAmazon, ainsi que deux Golden Globes pour Netflix pour House of Cards et Orange is the new Black. Cette reconnaissance a permis ces nouveaux acteurs de se forger une lgitimit Hollywood et de travailler avec les plus grands talents : David Fincher et Kevin Spacey pour House of Cards, les frres Weinstein la production de Marco Polo, Woody Allen avec la prochaine srie dAmazon.

    Nagure diffuse exclusivement par voie hertzienne, la tlvision de demain sera massivement distribue par Internet. Ainsi, lunivers concurrentiel de la tlvision sest-il considrablement largi, et compte aujourdhui des acteurs mondiaux, venus dInternet, et capables de distribuer leurs programmes directement sur tous les crans : tlviseur, ordinateur, tablette, smartphone. Les volutions au sein de la chane de valeur fragilisent le modle conomique des diffuseurs. Le risque de basculement vers un march dacquisition de droits de diffusion mondiaux par cette nouvelle concurrence peut entraner terme un problme daccessibilit des programmes trangers les plus ambitieux aux diffuseurs franais, qui ne sont actifs que sur le territoire national.

    ENJEUX CLES POUR LES DIFFUSEURS

    - Adopter un positionnement stratgique face aux services de S-VOD et aux nouveaux acteurs

    - Rflchir aux impacts potentiels de linternationalisation du march des droits de diffusion, alors que les acteurs franais ne sont ce jour que marginalement prsents ltranger

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    14

    D. Quelles consquences pour les chanes historiques ?

    1. La tlvision linaire souffre de la fragmentation des usages et du vieillissement de son public

    a. Lusage de la tlvision linaire reste encore trs majoritaire, mais certains signaux laissent prsager des changements importants

    La tlvision reste le mdia le plus consomm et rsiste plutt bien aux nouveaux services numriques, si lon considre que la dure dcoute quotidienne par individu ne baisse que depuis deux ans, et de seulement 9 minutes, tout en restant, 3h41, un niveau historiquement lev.

    Pour autant, cette baisse de la dure dcoute, galement observe dans les principaux pays europens, semble structurelle et touche pour la premire fois toutes les catgories dge lexception des plus de 50 ans. Elle est plus marque chez les enfants (4-14 ans) et les jeunes adultes (15-34 ans) qui ont perdu prs 15% de dure dcoute quotidienne en deux ans. La question se pose ds lors de savoir si cette lgre baisse enregistre depuis deux ans constitue ce que certains observateurs considrent comme un rel point dinflexion, signe de bouleversements durables en termes de pratiques tlvisuelles.

    De fait, en septembre 2014, 71,3% des Franais dclaraient avoir visionn des programmes en tlvision de rattrapage au cours des douze derniers mois, et 47,9% indiquaient la consommer au moins une fois par semaine18. Si lusage quotidien de tlvision dlinarise nest globalement que 9 minutes par jour, comparer 4h08 en 2014 sur lcran de tlvision (base : 42 millions de foyers), auprs de la population qui lutilise rellement (8,4 millions dindividus) elle slve 55 minutes par jour et mme 1h11 par jour pour les utilisateurs sur ordinateurs, smartphones et tablettes19.

    A titre dexemple, la srie Broadchurch diffuse sur France 2 a totalis plus de 1,1 million de vidos vues en tlvision de rattrapage pour ses 8 pisodes. La saison 2013-2014 de Plus Belle la Vie

    a cumul 36,6 millions de vues20. La part du dlinaris peut mme reprsenter plus de 40 45% de laudience TV sur certains programmes. La saison 7 de Fais pas ci Fais pas a, lautomne 2014, a totalis un million de vues en tlvision de rattrapage, pour quatre millions de tlspectateurs en linaire, soit 20% de laudience totale.

    18 Source : CNC baromtre de la tlvision de rattrapage septembre 2014. 19 Source : Mdiamtrie Mdiamat, nov. 2014, 15+ sur poste TV Global TV, vague 13 (14 avril-29juin 2014), 15+ sur les autres crans. 20 Source : Mdiamtrie eStat Streaming Orange, Bouygues, Samsung.

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    15

    b. Des adoptions plus ou moins rapides selon le genre de programmes et le public

    Lanalyse des consommateurs des services dlinariss montre que certaines populations utilisent massivement les nouveaux services dlinariss et risquent ainsi de se dtourner terme plus ou moins proche de la tlvision linaire. Selon le CNC, la moiti du public de la tlvision de rattrapage a entre 15 et 34 ans21.

    De mme, la tlvision dlinarise est devenue un service de complment massivement utilis sur certaines catgories de programmes, notamment les programmes jeunesse. Ce sont ainsi parmi les programmes qui sont le plus visionns en TV de rattrapage (Pluzz) pour France 5 ; les programmes jeunesse alimentent plus de 40% des catalogues S-VOD de CanalPlay et Netflix. En 2014, 60% des foyers franais avec enfants sont quips dune tablette et, pour environ 25% de ces foyers, lenfant en est le propritaire22. Les usages se dveloppent ainsi rapidement par la conjonction de taux dquipements levs sur les cibles vises et de services performants aussi bien en termes de catalogues de programmes que dergonomie simple des interfaces utilisateur.

    Linformation se consomme galement de plus en plus sur le numrique : selon un sondage men aux Etats-Unis en 2012, le numrique tait devenu la 2me source daccs linformation des amricains (39% citaient ce support), devant la radio (33%) et la presse (29%) ; si la tlvision restait encore la source principale dinformation (55%), le mdia TV tait bien moins rfrent sur les jeunes de 18 29 ans (34% en baisse de 15 points par rapport lanne prcdente)23. Linformation par les rseaux sociaux est aussi en trs fort dveloppement.

    c. La tlvision traditionnelle subit un vieillissement proccupant

    Le vieillissement des tlspectateurs est un enjeu majeur des groupes audiovisuels publics comme privs, lge moyen tant de 50 ans en 2014 (contre 48,2 ans en 2011, soit une progression annuelle moyenne de 6 mois en 3 ans), contre 42,5 ans pour la population franaise de 4 ans et plus. Les chanes ciblant les 15-34 ans participent au rajeunissement des bouquets des groupes audiovisuels, mais dans une proportion limite dans la mesure o leur moyenne dge se situe autour de 40 ans. Ce phnomne touche toutefois davantage les chanes publiques, qui, lexception de France 4 et de France , ont un auditoire dont la moyenne dge se rapproche de 60 ans.

    Ltude de la rpartition des temps de loisirs chez les 13-24 ans fait apparatre une sous-reprsentation des mdias traditionnels (-17 points par rapport celle des 13 ans et plus) et des usages plus soutenus sur les mobiles (+16 points) et dans une moindre mesure sur Internet (+ 4 points). Les plateformes numriques complmentaires aux antennes linaires apparaissent ds lors comme le moyen le plus efficace pour toucher les publics jeunes.

    A titre dillustration, lge moyen des tlspectateurs de France Tlvisions stablit 58 ans en 2014, alors que celui des internautes fixes et mobiles du groupe sont respectivement de 46,3 ans et 38,4 ans, ce qui indique que la reconqute des jeunes passera notamment par le numrique.

    ENJEUX CLES POUR LES DIFFUSEURS

    - Rpondre au vieillissement de laudience, en pensant les offres numriques comme des opportunits de rajeunissement

    - Sinterroger sur le moment o il deviendra possible de basculer intgralement certaines offres de service public de la tlvision linaire vers les supports numriques

    - Identifier les fonctionnalits cls pour des offres spcifiquement ddies lInternet mobile

    21 Source : CNC - baromtre de la tlvision de rattrapage, septembre 2013. 22 Source : Mdiamtrie / France Tlvisions. 23 Source : Pew Research Center 2012 News Consumption Survey. R2ponse la question Where did you get news yesterday ? .

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    16

    2. Laudience des chanes historiques a subi un affaissement structurel

    a. Les nouvelles chanes de la TNT gratuite reprsentent prs dun quart de laudience

    Les chanes historiques ont perdu entre 16% (M6) et 41% (France 3) de leur audience en dix ans alors que, dans le mme temps, les chanes de la TNT ont progress fortement jusqu atteindre 23,6% de part de march en 2013 (et 35% avec les chanes du cble et du satellite).

    Toutefois, les audiences des chanes de la TNT se sont stabilises depuis 2011 (extinction de lanalogique), ntant plus portes par la progression mcanique lie au dploiement de la couverture TNT sur le territoire franais. Ce palier daudience tendrait montrer que, pour prendre de nouvelles parts de march, ces chanes doivent enrichir leurs offres ditoriales par des investissements supplmentaires en programmes.

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    17

    Cest dans cette dmarche que sest inscrite la chane D8 depuis son rachat par le groupe Canal+ en 2013 : le choix de multiplier le cot de grille des programmes par trois entre 2012 et 2015 sest accompagn dune hausse notable de laudience (de 2,3% en 2012 3,2% en 2013) et une hausse des recettes publicitaires de 76% ( 97 M en 2013, selon BFM Business).

    Dbut 2015, le groupe NRJ a quant lui annonc une hausse de 30 40% du cot de grille de ses chanes NRJ 12 et Chrie 25 en 2015 avec comme objectif de passer de 2,2% daudience consolide en 2014 3,6% en 2015.

    b. Les chanes historiques cherchent compenser la baisse de leur audience par la constitution de bouquets

    Les groupes audiovisuels ont constitu des bouquets de chanes sur la TNT, afin de compenser la baisse daudience de leur chane historique, de raliser des conomies dchelle sur les droits de diffusion des programmes et de rajeunir leur public par le positionnement dau moins une de leurs nouvelles chanes sur la cible des jeunes adultes (15-34 ans).

    Ils ont ainsi particip ces dernires annes un mouvement de concentration du secteur, autour de quatre principaux groupes de tlvision historiques (TF1, M6, France Tlvisions, Canal+). Cette structuration du secteur permet de limiter leffet de la fragmentation des audiences sur la montisation des espaces publicitaires par les rgies de ces groupes (par exemple avec la commercialisation par le groupe M6 dcrans publicitaires simultans sur W9 et 6Ter).

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    18

    Cette stratgie de bouquet a bien fonctionn au cours des dernires annes pour les groupes privs, qui ont russi compenser la baisse daudience de leurs antennes historiques par la progression de leurs chanes nouvelles. Le bouquet de chanes publiques a subi en revanche une rosion continue de son audience, jusquen 2013 et na pu la stabiliser quen 2014, avec 28,8% de part daudience, contre 28,6% en 2013, en raison de la prise en compte des audiences de France et de la lgre remonte de France 2.

    ENJEUX CLES POUR LES DIFFUSEURS

    - Renforcer les lignes ditoriales pour disposer dun bouquet de chanes cohrent permettant de stabiliser laudience consolide

    - Anticiper le besoin croissant dinvestissement en programmes des chanes de la TNT pour progresser en audience

    3. Le march publicitaire demeure structurellement fragile

    a. Le march publicitaire a connu dimportants transferts, au dtriment principalement de la presse

    Le march publicitaire plurimdia a connu une relative stabilit depuis dix ans autour de 10,5 Mds24 en euros courants, correspondant une baisse de lordre de 12% en euros constants sur la priode.

    Depuis 2005, la part de la publicit Internet a trs sensiblement augment (de 2 22%) essentiellement au dtriment des recettes de la presse (de 46% 28% reprsentant une chute de 1,8 Md en huit ans). La part de la tlvision est quant elle reste relativement stable : elle tait de 31% en 2013, contre 32% en 2005.

    24 Source : IREP (chiffres nets).

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    19

    b. Une baisse du march publicitaire qui fragilise le modle de la tlvision gratuite

    Le march de la publicit tlvisuelle stablit 3,2 Md en 201325, en baisse de 2,8% en euros courants (et 5,5% en euros constants) par rapport 2005. Entre 2007 (dernier point haut prcdant la crise de 2008) et 2013-2014, le march a perdu environ 400 M, soit une baisse de 11% en euros courants.

    Cette baisse fragilise dautant plus le modle des chanes gratuites que sest opre dans le mme temps une fragmentation des audiences sous leffet de la multiplication du nombre de chanes de la TNT. Au sein de lunivers TV, les parts de march des groupes audiovisuels ont sensiblement volu, sous le double effet du dveloppement de laudience des chanes de la TNT et de la consolidation du secteur dune part, et de la suppression de la publicit en soire sur France Tlvisions en 2009 dautre part.

    25 Source : IREP (chiffres nets).

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    20

    Les parts de march des rgies publicitaires des groupes audiovisuels ont fortement volu ces dernires annes : la rgie du groupe TF1 reste la plus puissante 32% au 1er trimestre 2014 (hors rgie de NT1 et TMC 7,7% qui est indpendante de celle de TF1), devant la rgie de M6 (26,8%), celle du groupe Canal Plus (11,3%) et la rgie de France Tlvisions en quatrime position (9,5%)26.

    Aux Etats-Unis, la publicit sur Internet a dpass pour la premire fois en 2012 la tlvision, avec 42,6% de part de march (contre 38,9% pour la tlvision27). Sur le march franais, la publicit Internet pourrait devancer celle de la tlvision horizon de quelques annes. De plus, le passage de six vingt-quatre chanes gratuites a fragment le march et affaiblit la prime la puissance de la tlvision par rapport aux autres mdias.

    Un alignement des parts de march publicitaires sur les parts de consommation des diffrents mdias pourrait ainsi entraner un transfert de valeur de la publicit tlvisuelle vers celle dInternet. A titre dexemple, le groupe Mondelez International a dclar vouloir consacrer 50% de ses investissements mdia mondiaux sur le numrique en 2016, contre 25% en 2014. Certains observateurs estiment que ces transferts pourraient soprer prochainement entre tlvision traditionnelle et supports Internet et mobile, et que la rapidit du basculement pourrait tre comparable ce que la presse amricaine a connu au cours des annes 200028.

    Enfin, la pression la baisse sur les prix reste forte, dans un contexte daccroissement important des espaces disponibles. Alors que les inventaires ont fortement progress depuis 2007 (le nombre de points de contacts publicitaires ou GRP a augment de 16%), le prix unitaire des espaces publicitaires (ou cot GRP net ) aurait baiss denviron 20%. Enfin, on observe une tendance la concentration des investissements sur les grands carrefours daudience, en particulier sur les heures de grande coute (qui rassemblent 55% des budgets bruts en 2014 contre 49% en 201129), ainsi quune concentration des budgets sur un nombre limit de rgies.

    E. Un secteur de la cration qui peine atteindre une taille critique mondiale

    1. Un risque de baisse tendancielle du financement de la cration

    a. Une volution mcaniquement lie laffaissement des recettes des diffuseurs

    Si les investissements dans la cration ont connu une croissance de 36% ces dernires annes pour stablir 1,5 Md en 2013, le risque de baisse est rel dans les annes venir, en raison du ralentissement de plusieurs de ses sources de financement.

    En effet, les obligations de production des diffuseurs sont indexes sur leur chiffre daffaires de lanne prcdente : pour les chanes prives, entre 12,5% et 15% dans la cration audiovisuelle et 3,2% dans le cinma ; et respectivement 20% et 3,5% pour France Tlvisions. Quant la chane payante Canal+, ses obligations s'lvent 12,5% du chiffre d'affaires de rfrence pour la production cinmatographique et 3,6% pour la production audiovisuelle

    Or, comme le souligne le CSA, lensemble des oprateurs traverse une priode de stagnation voire de baisse de leurs ressources () : aprs une lgre reprise de lactivit en 2011 et 2012, lassiette des obligations de lexercice 2013 amorce une baisse de 2,3% par rapport lanne

    26 Source : Mdiamtrie, Traitement Popcorn (y compris FTV Cinep & Canal+ Temporis) - Parts de GRP par chane Mnagres de moins de 50 ans 1er janvier au 2 mars 2014 hors Jeux Olympiques. 27 Source : Business Insider. 28 Cf. Dont mean to be alarmist, but the TV business may be starting to collapse, Henry Blodget, Business Insider, Juin 2012. 29 Source : Kantar Media, analyse France Tlvisions Publicit.

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    21

    prcdente30 . Ce risque est dautant plus grand que le secteur accrot sa dpendance au financement des diffuseurs TV qui reprsentent dsormais 56% du total, contre 40% en 1993.

    b. Labsence de relais significatif de financement par les chanes de la TNT et le numrique

    Les chanes historiques restent les principaux contributeurs au financement de la cration audiovisuelle, hauteur de 88%31 des investissements totaux des diffuseurs, les chanes de la TNT et les nouveaux services numriques sadressant essentiellement au march secondaire :

    le financement de la cration par les chanes de la TNT porte sur des montants limits, dont une partie importante est consacre de lachat de programmes et non de la production indite ;

    de mme, la capacit dinvestissements dans la cration originale des acteurs du numrique reste encore limite, aucune plateforme numrique gratuite nayant dvelopp ce stade doffre ambitieuse duvres indites ; seules les plateformes de S-VOD (Netflix, Amazon) commencent le faire sur un nombre limit de projets forte visibilit, et qui profitent pour lheure essentiellement aux productions hollywoodiennes.

    c. Des exportations de programmes audiovisuels qui ne progressent pas

    Les exportations de programmes audiovisuels franais ltranger ont connu une progression nulle entre 2000 (129 M) et 2012 (127 M), aprs une forte hausse au cours de la dcennie prcdente (44 M en 1991)32. Lanimation est le genre de programmes qui sexporte le mieux (34% du volume total en 2012). A linverse, la fiction franaise ne reprsente que 18% des exportations en 2012 (contre 23% en 2000), alors que dautres filires europennes de fiction sexportent trs bien : Royaume-Uni, Allemagne, Danemark, etc.

    30 CSA, Avis n2014-18 du 2 dcembre 2014 relatif au projet de dcret portant modification du rgime de contribution la production duvres audiovisuelles des services de tlvision. 31 Source : CNC, donne cumulant les apports de France Tlvisions, Arte, TF1, M6 et Canal+. 32 Source : CNC, TV France International.

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    22

    2. Une fiction franaise aux performances dcevantes

    Alors que la fiction franaise bnficie de 46% des investissements dans la cration en 2013 (711 M), et en dpit de succs rcents qui sont souligner - certains interlocuteurs du groupe de travail voquant un rebond ou un retour en force de la fiction franaise-, les audiences tlvisuelles se sont dgrades au profit des sries trangres, et les exportations stagnent.

    La Cour des comptes pointe dans son rapport de 201433 le fait que la France dtient le record europen dexposition et daudience de sries amricaines en premire partie de soire (respectivement 94%, 61% et 39% des sries diffuses sur M6, TF1 et France 2 aux heures de grande coute en 2012). Les fictions franaises sont minoritaires parmi les dix meilleures audiences de fiction la tlvision, contrairement au Royaume-Uni, lAllemagne, lItalie et lEspagne o les fictions nationales occupent les premires places du classement. Enfin, les exportations de fiction restent faibles (23 M en 2013), loin derrire les exportations danimation (44 M) et de documentaires (30 M).

    Ce constat critique peut sexpliquer par de nombreux facteurs, culturels et linguistiques, mais aussi conomiques et industriels, qui ont t analyss notamment dans le rapport du snateur Plancade34, le rapport de Laurent Vallet35 et le rapport de la Cour des comptes prcit : faiblesse des stades dcriture et de dveloppement ; formats inadapts la demande internationale (sries longues dau moins dix pisodes de 52 minutes) ; devis financs presque exclusivement par le diffuseur tlvisuel et les aides publiques, renvoyant les apports des producteurs36 des niveaux faibles et nincitant pas rechercher de financements diversifis ; manque daudace ditoriale ; relatif dsintrt pour lexploitation des marchs secondaires et trangers par les chanes, qui se proccupent en premier lieu de satisfaire leur audience domestique en primo-diffusion, ntant pas dtentrices de droits patrimoniaux sur les programmes quelles financent.

    33 Cour des comptes, Les soutiens la production audiovisuelle et cinmatographique : des changements ncessaires, avril 2014. 34 Production audiovisuelle : pour une politique industrielle au service de l'exception culturelle, Rapport d'information de M. Jean-Pierre Plancade, fait au nom de la commission de la culture, de l'ducation et de la communication, 30 mai 2013. 35 Laurent Vallet, Adapter les obligations de financement de la production audiovisuelle pour garantir leur avenir, 17 dcembre 2013. 36 La Cour des comptes pointe galement la faiblesse des apports des producteurs franais dans les devis de fiction : 9% contre 15,8% pour les documentaires et 20,7% pour lanimation.

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    23

    A linverse de la fiction, le secteur de lanimation est plus dynamique, moins dpendant des diffuseurs franais dans son financement, structure autour dun nombre plus resserr de socits de production et ralise de bonnes performances lexport.

    3. Une filire fragmente, confronte un enjeu de consolidation

    a. Un tissu fragment de socits de production, dans un contexte de mondialisation du march et dmergence de leaders internationaux

    Alors que le secteur des diffuseurs tlvisuels sest concentr ces dernires annes, autour de quatre principaux groupes (TF1, France Tlvisions, M6, Canal+), le secteur de la production reste trs atomis. Le CNC dnombre ainsi 843 socits actives (cest dire ayant bnfici dau moins une aide au cours de lanne) sur la production de programmes de stock en 2013, contre 497 et 1996. A titre de comparaison, le rapport de la Cour des comptes indique que lAllemagne compterait 300 entreprises37. Lmergence de nouveaux acteurs audiovisuels franais de taille importante (Banijay, Newen) et le lancement dactivits de production tlvisuelle au sein de socits cinmatographiques comme Gaumont ou EuropaCorp doivent toutefois tre souligne.

    Seulement trois acteurs franais figurent dans le palmars 2013 des quinze principales socits europennes de production audiovisuelle38 : Banijay (6me), Lagardre (11me) et Newen (13me). Le cumul de leur chiffre daffaires reste infrieur celui dITV Studios (en 3me position du classement). Nombre de socits de ce classement sont des filiales de diffuseurs tlvisuels, limage de FremantleMedia (2me) et dITV Studios (3me) respectivement filiales des diffuseurs allemand RTL Group et britannique ITV.

    La politique de commande de France Tlvisions est caractrise par une forte dispersion, le groupe public ayant dclar avoir financ les projets de 343 producteurs en 2013 au titre de ses obligations de financement de la production39, dont 29 en animation, 235 en documentaire, 66 en fiction et 50 en spectacle vivant. Prs la moiti des producteurs ont France Tlvisions comme seul client (ce qui les place de facto dans une situation de dpendance conomique).

    b. Une consolidation ncessaire, dans laquelle France Tlvisions doit jouer son rle

    La rglementation franaise en la matire rpond un double objectif culturel et conomique : promouvoir la cration franaise sur nos crans, mais aussi faire vivre un secteur de la production qui

    37 Source : Ambassade de France en Allemagne. 38 Source : Les Echos - en volume de chiffre daffaires ralis. 39 Source : CSA, Bilan quadriennal des rsultats de la socit France Tlvisions, dcembre 2014.

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    24

    en est le soutien. Le souci dorganiser un march indpendant de la production aprs lclatement de lORTF, et de prserver les producteurs dun rapport de force historiquement favorable aux diffuseurs ont guid les politiques publiques de soutien la cration depuis trente ans. En complment de la mission de soutien au secteur de production audiovisuelle et cinmatographique assure par le Centre national du cinma et de limage anime (CNC), les politiques publiques sappuient sur trois instruments applicables aux chanes de tlvision : les quotas de diffusion, les obligations de production et la part de production dpendante ouverte aux chanes.

    La multiplication des crans, services et fentres dexploitation des programmes dans un environnement ouvert et mondialis fragilise tant les producteurs que les diffuseurs, confronts une taille critique et une empreinte internationale insuffisantes.

    Lexplosion des modes de diffusion confre aux droits dexploitation de luvre, dans un univers numrique, une valeur essentielle. La perte de puissance de la primo-diffusion par voie hertzienne se traduit pour les diffuseurs par un moindre retour sur investissement ds lors quils ne peuvent largement les exploiter sur lensemble de la vie de luvre (fentres secondaires, supports numriques). Dans ce contexte, et alors que la concurrence des gants dInternet issus du monde de la distribution est devenue aujourdhui une ralit, des questions sont poses :

    limpossibilit de ngocier de gr gr les dures et fentres de droits en tlvision et sur le numrique pour proposer au public un continuum dexposition dun programme (sauf basculer le financement en part dpendante ) freine la capacit des acteurs se positionner au mieux au sein de la chane de valeur ;

    la difficult de constituer des actifs valorisables (catalogues de programmes) alors que les obligations de production atteignent des niveaux significatifs et que la part de prfinancement du diffuseur dans le devis du programme dpasse souvent 50%, voire 70% en fiction ;

    la difficult de dvelopper une production interne de programmes de stock, le recours la production indpendante tant par exemple fix 95% pour France Tlvisions, en raison dun accord sign par le groupe en 2008.

    Cette organisation de march repose sur la volont constante des pouvoirs publics de soutenir le dveloppement de la production indpendante, comme gage de cration et dinnovation. Ce choix a t plac au cur des politiques publiques de soutien la cration audiovisuelle et cinmatographique, qui se trouvent toutefois confrontes aujourdhui un enjeu de renouvellement.

    Les groupes britanniques BBC et ITV tirent environ un quart de leurs revenus de leurs activits de vente de programmes dans le monde, avec des succs internationaux comme les sries Les Tudors et Rome. Lorganisation britannique du secteur est diffrente de celle de la France, en ce quelle permet davantage aux diffuseurs de dtenir et dexploiter un portefeuille de droits patrimoniaux et de produire eux-mmes les programmes quils mettent lantenne. La BBC produit ainsi 60 70% de ses programmes en interne, les 30 40% restant tant coproduits avec des producteurs indpendants, la BBC bnficiant alors de parts de coproduction lui garantissant des revenus substantiels sur lexploitation de ces programmes.

    La Ministre de la culture et de la communication a indiqu rcemment quil fallait repenser nos outils en prservant les principes fondateurs de notre modle de financement de la cration et sest dclare favorable ce que le secteur audiovisuel poursuive sa structuration, sans aller jusqu un oligopole40 . Compte tenu de la place dterminante quoccupe France Tlvisions dans le financement de la cration audiovisuelle (50% des obligations de production lui incombent), le groupe public aura un rle important jouer dans ce mouvement.

    40 Fleur Pellerin : La situation actuelle de laudiovisuel nest pas un bon statu quo , Les Echos, 30 janvier 2015.

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    25

    Sil nentre pas dans le rle du groupe de travail dmettre des recommandations gnrales sur la question de lorganisation du secteur et des relations entre producteurs et diffuseurs, il considre quelle est centrale pour lavenir de la tlvision publique, ce quun certain nombre dinterlocuteurs auditionns ont soulign41.

    Dabord parce que, dans lunivers numrique, la fluidit de la circulation des uvres sur les diffrents supports et la mobilit au sein de la chane de valeur sont des facteurs cls de la diffrenciation des offres et de la comptitivit des entreprises de mdias. Ensuite parce quune prsence accrue dans le mtier de la production, dans le cadre dune relation partenariale avec les producteurs indpendants, ne peut que favoriser linnovation, la prise de risque conjointe et lalignement des intrts des acteurs. Enfin parce que le dveloppement de ses recettes commerciales est ncessaire pour contribuer la stabilisation du modle conomique de France Tlvisions et au redressement durable de sa situation financire.

    Aussi le groupe de travail estime-t-il ncessaire de souligner lenjeu qui sattache, au regard de lavenir de France Tlvisions, donner ce dernier une plus grande souplesse dans le financement de la cration. Il rejoint notamment la recommandation mise par le CSA sur labaissement du taux de recours la production indpendante au sein des obligations de contribution au financement des uvres audiovisuelles ce sujet tant dvelopp dans la partie 5 du rapport.

    Les intrts des acteurs en prsence doivent mieux converger : producteurs, diffuseurs et distributeurs profiteront conjointement dun secteur de la cration franaise plus dynamique, plus innovant et produisant des succs lantenne et lexport. Il ny a donc gure de raisons de penser que lon ne puisse pas envisager une nouvelle relation partenariale, mutuellement bnfique, soucieuse des enjeux des diffrentes parties, et respectant les principes fondateurs de notre modle, au premier rang desquels figure lexistence dune production indpendante forte et innovante.

    *

    En quelques annes sopre un changement de paradigme du secteur de laudiovisuel sous leffet dune transformation profonde du march :

    dune offre de programmes rare et distribue par un nombre rduit dacteurs (cinq chanes gratuites) une abondance de loffre, distribue au sein dun bouquet de chanes linaires largi vingt-cinq chanes gratuites et sur les multiples services numriques ;

    dun usage passif par foyer, depuis le poste de tlvision et dpendant des grilles de programmes une pratique individuelle, multi-crans, en tout lieu, toute heure ;

    dune diffusion par des canaux ferms (raret de la frquence hertzienne, seul mode de rception de la tlvision) et protgs (autorisation dmettre dlivre par lEtat) une diffusion multiple permettant de distribuer les contenus via Internet et des rseaux ouverts et largement drguls (OTT) ;

    dun march compos dacteurs nationaux, soumis un compromis rglementaire (gratuit de la frquence hertzienne en change dobligations de financement et de diffusion de la cration) et des rgles anti concentration une ouverture des frontires, avec lmergence de concurrents mondiaux puissants et qui se soustraient la rglementation nationale ;

    dun march en croissance rgulire (publicit, abonnements et redevance) un essoufflement des sources traditionnelles de revenu, fragilisant les modles conomiques.

    41 Les auditions effectues par le groupe de travail nont toutefois pas fait apparatre un consensus sur cette question, notamment au sein des producteurs.

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    26

    Cest dans ce contexte subissant des changements profonds, et entranant un affaiblissement structurel du modle conomique des diffuseurs, que sinscrit la rflexion stratgique sur lavenir de France Tlvisions lhorizon 2020.

    Le groupe de travail, sil est conscient de limportance de ces changements en cours, est aussi convaincu que la tlvision, si elle sait tirer profit de ces transformations pour renouveler le contrat de confiance quelle entretient avec ses tlspectateurs, dispose dun bel avenir.

    Sil est trs vraisemblable que les nouveaux modes de consommation continuent crotre dans lavenir, ce dploiement numrique ne signifie pas la fin de lambition pour la tlvision linaire. Les usages se juxtaposant, cest justement la combinaison du linaire et du non-linaire, du classique et du numrique, qui est fconde et qui constitue un atout dterminant de la tlvision.

    Le groupe de travail est galement convaincu que la tlvision publique est plus que jamais ncessaire dans cet environnement fragment, clat, mondialis. Sa pertinence et son utilit paraissent au contraire renforces dans un univers o la crise conomique et les tensions internationales branlent la cohsion sociale.

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    27

    II - LES MEDIAS DE SERVICE PUBLIC INTERNATIONAUX : DES MISSIONS CENTRALES REAFFIRMEES, DES TRANSFORMATIONS EN COURS

    En menant un exercice de comparaison internationale, le groupe de travail a cherch :

    comparer le rle, les missions et loffre de France Tlvisions ceux des autres groupes audiovisuels publics ;

    identifier les stratgies retenues par ces groupes pour rpondre aux volutions de lenvironnement, notamment en matire doffres numriques ;

    analyser le budget et lorganisation de ces groupes.

    Cette comparaison internationale a port titre principal sur sept groupes : la British Broadcasting Corporation (BBC, Royaume-Uni), la Zweites Deutsches Fernsehen (ZDF, Allemagne), lArbeitsgemeinschaft der ffentlich-rechtlichen Rundfunkanstalten der Bundesrepublik Deutschland (ARD, Allemagne), la Radiotelevisione Italiana (RAI, Italie), Danmarks Radio (DR, Danemark), la Corporacin Radio Televisin Espaola (RTVE, Espagne), la Canadian Broadcast Corporation (CBC, Canada). Le groupe de travail sest appuy sur les rapports annuels des groupes, sur les changes quil a eus avec les attachs audiovisuels des pays dans lesquels sont implants ces groupes, et sur les informations mises sa disposition par lUnion europenne de radio-tlvision (UER).

    A. Partout en Europe, les Etats reconnaissent le rle indispensable et la spcificit des

    missions des mdias de service public

    1. Le rle indispensable des mdias de service public

    Lexplosion du nombre de chanes de tlvision et de loffre de programmes disponibles sur les rseaux numriques pose la question du rle des mdias gnralistes, et particulirement de celui des mdias de service public, dont disposent tous les pays europens.

    Alors que les socits se transforment et que la fragmentation caractrise le secteur des mdias lre numrique, la prsence de mdias de service public (MSP) parat plus que jamais ncessaire. LUER souligne que, si des dbats sur le rle, le financement et la programmation des MSP existent dans tous les pays europens, aucun de ces dbats ne remet en cause le rle crucial et bnfique de ces organisations : favoriser le lien et la cohsion sociales, apporter une information indpendante et impartiale, stimuler linnovation et la cration audiovisuelles, proposer des programmes de qualit42.

    Les MSP poursuivent des objectifs et sont garants de valeurs que ne portent pas ncessairement leurs homologues privs, dont lobjectif, qui nait de leur mode de financement par la publicit ou par labonnement, est de maximiser laudience et/ou de cibler des catgories particulires de la population. Or les mdias de service public ont pour vocation premire de sadresser lensemble des citoyens. Cest cette vocation qui justifie et rend acceptable le financement collectif des mdias de service public.

    Lensemble des organismes des 56 pays membres de lUER ont rappel solennellement ces principes dans une dclaration de 2012 : nous avons cur dinclure tous les individus et duvrer lpanouissement de toutes les communauts qui composent nos socits. Nous avons vocation satisfaire les besoins dmocratiques, sociaux et culturels de lEurope. Mettant gratuitement nos

    42 Audition de M. Guillaume Klossa, directeur des tudes et de la stratgie de lUER.

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    28

    services la disposition des utilisateurs, nous nous engageons servir le public dans son ensemble. Nous souhaitons jouer un rle fondateur dans les efforts dploys pour garantir la libert dexpression et la pluralit des opinions. Nous croyons un monde de la communication transparent et ouvert, nagissant pas seulement pour des motivations financires mais uvrant pour la cause commune. Nous nous efforons de nous conformer des critres de qualit levs43.

    Dans cette dclaration, les mdias de service public ont rappel les valeurs fondamentales quils partagent : universalit (sadresser tous) ; indpendance (base de la confiance du public) ; diversit (approche pluraliste) ; excellence ; obligation de rendre compte aux citoyens ; innovation (pour favoriser la cration). Ces valeurs partages forgent lidentit des MSP, constituent un atout diffrenciant et sont la base de la relation de confiance qui les unit leur public.

    Bien que la dfinition des missions de service public ne soit pas norme au plan international, lensemble des MSP partagent un cur commun de missions (cf. infra). Dans un environnement mdiatique fragment, un monde marqu par la monte des tensions internationales, et des socits prouves par la persistance de la crise conomique, le rle des mdias de service public est jug, plus que jamais, indispensable44.

    2. La spcificit des missions des mdias de service public est partout reconnue par la loi et des contrats de service public

    Les missions assures par les groupes publics de tlvision sont dans la quasi-totalit des cas inscrites dans une loi et prcises ou compltes dans un contrat de service public sign entre le groupe public et ltat (par exemple le ministre du Trsor en Italie ou celui de la Culture au Royaume-Uni) ou les collectivits locales (cest le cas de lARD en Allemagne). Ces contrats doivent parfois recueillir lassentiment du Parlement. De manire plus rsiduelle, les missions ou le financement des groupes publics de tlvision peuvent tre inscrits dans une norme diffrente : quil sagisse dune norme suprieure, comme la Constitution (pour la ZDF et lARD ou la Royal Charter pour la BBC), dune autre loi, notamment lorsquil est question de lobligation de financement de la cration pour le diffuseur public, ou enfin dun document interne dclinant les modalits de mise en uvre des missions de service public.

    Lexemple de Danmarks Radio

    Au Danemark, la loi fixe quatre missions au mdia de service public Danmarks Radio :

    1) Diffuser des programmes et des services comprenant de l'information, de l'ducation, de l'art et du divertissement

    2) Soumettre aux exigences de qualit et de diversit les programmes diffuss et faire de l'information objective et impartiale

    3) Permettre l'accs du public aux informations importantes et aux dbats sociaux et socitaux. Une attention particulire devant tre porte aux programmes en danois et aux programmes culturels

    4) Reflter la diversit culturelle de la socit danoise

    Ces missions sont dclines en treize objectifs et autant dindicateurs dans un contrat quadriennal de service public. Les rsultats du groupe DR dans la conduite de ses missions de service public font lobjet dun rapport annuel spcifique.

    43 UER, Au service de la socit Dclaration relative aux valeurs fondamentales des mdias de service public, 2012. 44 Le rle irremplaable des mdias gnralistes, particulirement des mdias de service public, dans un univers fragment a t mis en avant prcocement par Dominique Wolton (Penser la communication, Flammarion, 1997).

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    29

    3. Les missions confies aux groupes publics sont similaires celles de France Tlvisions

    Bien quaucune norme internationale ou europenne nexiste en la matire, les grandes missions confies aux diffuseurs publics sont similaires, y compris au Canada o la tlvision publique na pas la mme place quen Europe. Ainsi, les missions de chacun des groupes publics de lchantillon comparatif vont-elles au-del du triptyque traditionnel informer, duquer, divertir et peuvent tre regroupes en six catgories, rcapitules ci-dessous. Le primtre des missions de service public fait toutefois lobjet, comme en France, de rflexions. Cest notamment le cas au Danemark o le contrat de service public en cours, qui couvre la priode 2015-2018 prvoit la mise en place dun comit dexperts dont le rle sera de dfinir le rle et les missions dun mdia de service public.

    Lensemble des mdias de service public tudis partagent six mmes grandes missions, qui peuvent tre rsumes ainsi : informer, cultiver, fournir des programmes de qualit, remplir des missions citoyennes, financer directement ou indirectement la cration et reflter la diversit rgionale, ou communautaire, de la socit. Le champ et le contenu de ces missions peut nanmoins lgrement varier dun pays lautre, comme le montrent les trois exemples de missions suivants.

    EXEMPLE DE DCLINAISON DE LA MISSION REFLTER LA DIVERSIT RGIONALE ET COMMUNAUTAIRE

    Contenu de la mission

    BBC Reprsenter le Royaume-Uni, ses nations, rgions et communauts

    ARD/ZDF Cette mission est remplie par les canaux de lARD

    DR Reflter la diversit culturelle de la socit danoise

    RAI Diffuser en italien mais aussi en ladin et en allemand (pour les provinces

    de Bolzano et de Trente) en slovne (Frioul) et en franais (Valle

    dAoste)

    RTVE Sensibiliser la diversit linguistique et culturelle de lEspagne

    CBC Reflter le caractre multiculturel du Canada et la place particulire des

    peuples autochtones

    Reflter les diffrentes rgions du Canada et adapter les programmes

    leurs besoins spcifiques

    Source : groupe de travail, daprs textes rglementaires, contrats de service public et rponses des attachs audiovisuels

    EXEMPLE DE DCLINAISON DE LA MISSION FOURNIR DES PROGRAMMES DE QUALIT

    Contenu de la mission

    BBC Diffuser des programmes de haute qualit, originaux, novateurs et

    attrayants.

    ARD/ZDF Se distinguer de celle des chanes prives, viter dutiliser la trivialit et

    sabstenir de diffuser des contenus dits de boulevard .

    DR Soumettre aux exigences de qualit et de diversit les programmes

    diffuss.

    RAI Crer une offre complte de programmes de qualit, tre en ligne avec

    l'identit italienne, ses valeurs et ses idaux, ainsi quavec les sensibilits

    du public et l'intrt des mineurs, tre respectueux des femmes et de la

    dignit de tous.

    RTVE Toucher le public le plus large possible tout en sengageant offrir des

    programmes varis, de qualit, innovants et thiques.

    CBC Fournir des programmes de haute qualit.

    Source : groupe de travail, daprs textes rglementaires, contrats de service public et rponses des attachs audiovisuels

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    30

    Le financement de la cration prend galement des formes diverses et peut-tre direct (financement duvres) ou indirect (obligation de diffusion de programmes de producteurs indpendants). Le systme franais, qui combine des obligations de diffusion et des obligations de production dfinies la fois en valeur absolue (montant en euros) et en valeur relative (pourcentage du chiffre daffaires), est plus dvelopp que celui des autres pays tudis.

    Panorama des obligations de financement de la cration45

    1) En Espagne et en Italie, le diffuseur public finance directement la cration

    En Espagne, larticle 5.3 de la Ley general de la comunicacin audiovisual prvoit que la RTVE doit consacrer 6% de ses revenus au financement duvres europennes :

    - 75% de ces fonds doivent tre ddis au financement duvres cinmatographiques, parmi lesquels 60% doivent tre consacrs la production dans une des langues officielles de lEspagne et 50% des productions indpendantes.

    - les 25% restants peuvent financer des films, des sries ou des minisries. Au moins 50% de ces fonds doivent tre destins des programmes pour la tlvision.

    En Italie, larticle 44 du Testo Unico prvoit des obligations renforces de financement de la cration pour le diffuseur public, dcline dans le contrat de service public. La RAI doit ainsi consacrer 15% de ses revenus la production europenne manant de producteurs indpendants et diffuser au moins 20% de programmes europens produits au cours des cinq dernires annes. Larticle 14 du contrat de service public prvoit par ailleurs des obligations de financement par genre de programme (films, uvres danimation, documentaires, etc.).

    2) En Allemagne et au Canada, les mdias de service public financent indirectement la cration

    En Allemagne, il ny a pas dobligation dinvestissements dans les uvres cinmatographiques. En revanche, les chanes publiques doivent reverser 2,5% de leurs cots de diffusion de films au Filmfrdemngsanstalt, lorganisme du financement du cinma.

    Le systme est un peu diffrent au Canada, o chacun des radiodiffuseurs doit verser 5% des revenus bruts de son activit de radiodiffusion au Fonds des mdias du Canada (FMC). Celui-ci redistribue les fonds au moyen denveloppes de rendement . Les diffuseurs reoivent ainsi en dbut danne une lettre dallocation du FMC

    45 Il convient au pralable de rappeler que le financement de la production audiovisuelle en Europe est tout dabord encadr par la directive sur les mdias audiovisuels. Celle-ci impose une diffusion majoritaire duvres europennes et prvoit lintroduction dun quota de production indpendante (10% du temps dantenne ou 10% de leur budget de programmation).

    EXEMPLE DE DCLINAISON DE LA MISSION CITOYENNET

    Contenu de la mission

    BBC Dvelopper la citoyennet.

    ARD/ZDF Ces missions sont assures par les conseils de radiodiffusion

    (Rundfunkrat).

    DR Permettre l'accs du public aux informations importantes et aux dbats

    sociaux et socitaux.

    RAI Diffuser les messages du Prsident de la Rpublique et du Prsident du

    conseil. Permettre lexpression des groupes politiques reprsents dans

    les assembles locales ou nationales et des autres groupes de la socit

    civile (syndicats, associations, mouvements religieux, etc.).

    RTVE Favoriser la connaissance et la diffusion des principes constitutionnels et

    des valeurs civiques .

    CBC Contribuer dvelopper un sentiment commun dappartenance et une

    identit commune.

    Source : groupe de travail, daprs textes rglementaires, contrats de service public et rponses des attachs audiovisuels

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    31

    leur indiquant les montants dont ils disposent pour investir dans chacun des genres de programme soutenus par le FMC. Les fonds ne sont pas verss aux radiodiffuseurs mais directement aux producteurs. Les programmes financs doivent au pralable tre approuvs par le FMC pour tre ligibles. Il ny a pas de lien entre les fonds verss par les diffuseurs au FMC et les fonds reus.

    3) Le Danemark cumule les deux types de financement

    Au Danemark, les obligations de DR sont triples. En effet, le contrat de service public sign entre DR, le ministre de la culture et le Parlement fixe le montant des obligations annuelles de production de fictions et de documentaires confies des producteurs indpendants (30,4 millions deuros en 2013). DR doit par ailleurs financer des productions de films danois (8 millions deuros en 2013) et cotiser un dispositif de soutien aux courts mtrages et aux documentaires (1,4 million deuros en 2013), DR pouvant toutefois choisir les programmes quil soutient.

    4) Le Royaume-Uni impose une contrainte plus souple

    Au Royaume-Uni, la BBC na pas dobligation de financement des uvres cinmatographiques. En revanche, 25% des uvres quelle diffuse doivent tre produites par des producteurs indpendants.

    Sources : groupe de travail, daprs attachs audiovisuels, rapports annuels et textes rglementaires

    4. Les plans stratgiques des mdias de service public sont structurs autour dun nombre restreint dobjectifs et dindicateurs

    Afin de dcliner les missions de service public qui leurs sont confies en objectifs stratgiques, les groupes tudis disposent dun plan stratgique, valid par leur organe de gouvernance (conseil dadministration, conseil de surveillance). Ces plans se caractrisent par un nombre limit dobjectifs.

    Cest ainsi le cas en Grande-Bretagne o la gouvernance de la BBC est structure autour du BBC Trust, compos dun prsident et de onze membres, choisis par le gouvernement et nomms par la Couronne. Leur rle est dabord de sassurer du bon emploi des fonds issus de la redevance mais aussi de valider et de faire voluer si ncessaire le plan stratgique et aussi de valider la nomination du directeur gnral de la BBC. La direction de lentreprise (BBC Executive) dfinit les modalits de mise en uvre de la stratgie.

    La gouvernance de la RAI est assure par un conseil dadministration compos dun prsident et de huit membres, nomms par le Parlement et le Ministre de lconomie et des finances. Le conseil, qui sassure du respect par la RAI de ses obligations de service public, dfinit la stratgie du groupe et nomme le directeur gnral. Ce dernier sassure de la cohrence de la programmation avec les lignes ditoriales et la stratgie fixes par le Conseil.

    Le plan stratgique de CBC a lui aussi t adopt par le conseil dadministration du diffuseur. Organis autour dun prsident et de onze membres nomms par le gouvernement, le conseil est notamment charg de superviser les activits de CBC et dapprouver le Plan dentreprise et les plans de gestion ainsi que lorientation stratgique de CBC. Le directeur gnral de CBC est membre de ce conseil.

    Les plans stratgiques des groupes sont articuls autour dun nombre rduit dobjectifs stratgiques.

    A ces objectifs sont associs des indicateurs, dont le suivi est assur dans le rapport annuel. Ils sont ventuellement rajusts en fonction de lvolution du contexte conomique ou de laudience. Ces indicateurs sont la fois qualitatifs et quantitatifs et permettent de mesurer tant limpact du service que son efficience.

  • Groupe de travail sur lavenir de France Tlvisions

    32

    Les indicateurs des plans stratgiques de la BBC et de CBC

    Les quatre orientations stratgiques de la BBC rappeles supra se dclinent en 11 indicateurs tous suivis dans le

    rapport annuel. Ceux-ci sont dabord des indicateurs de rsultat (volume dconomies ralises, taux de

    dpenses en dehors de Londres, cart entre la rmunration du directeur gnral et la mdiane des

    rmunrations des membres du staff, etc.). Le deuxime groupe dindicateurs mesure limpact des

    programmes et services de la BBC en sappuyant sur des enqutes internes la BBC, qui permettent de

    dterminer le pourcentage de foyers ayant regard la BBC, le taux de satisfaction du public pour les

    programmes linaires mais aussi les services en ligne, etc. ; et sur des sondeurs ou des cabinets externes. Ipsos

    mne ainsi une enqute annuelle sur la perception de limpartialit de la BBC et un cabinet mesure la

    perception par le public de la bonne utilisation de la redevance. Dautres indicateurs mesurent lefficience de

    laction mene, comme le cot de lheure de tlspectateurs.

    Ces onze indicateurs spcifiquement suivis dans le cadre du plan stratgique sont complts par des

    indicateurs qui varient dune anne sur lautre. Ceux-ci dclinent nanmoins pour