Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Guéré

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  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    1/202n des i djon

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    2/202

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    3/202

    L VI QUOTI I NN

    NS

    UN

    VILL GE GUR

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    4/202

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    5/202

    lfred s hw rtz

    l

    vie quotidienne

    d ns un vill g gur

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    6/202

    Cette tude est

    un

    condens d une thse de 3

    e

    cycle prpare

    sous

    la

    direction

    du

    Professeur Georges

    Balandier

    et

    soutenue

    en Sorbonne le 28 janvier 1969. Le travail de terrain fut ralis

    sous l gide de l Office de

    la

    Recherche Scientifique

    et

    Technique

    Outre-Mer organisme dont relve l auteur. Le lecteur qui dsi

    rerait en savoir

    davantage

    sur les Gur peut se reporter au

    texte de l ouvrage primitif paru sous le

    titre

    radition

    changements dans la socit gur

    mmoire ORSTOM 52

    Paris 1971.

    Tous droits de reproduction

    d adaptation

    et de traduction

    rservs pour

    tous

    les

    pays.

    INADES 1975.

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    7/202

    TABLE DES MATIRES

    Petit vocabulaire ethno-sociologique

    Avant-propos IS

    INTRODUCTION 2 l

    CHAPITRE

    l - L UNIVERS MATRIEL

    DE

    LA VIE

    QUOTIDIENNE

    . 29

    1 - Le village 29

    l

    Histoire de Ziombli

    29

    a mise

    en

    place des Nidrou

    .

    30

    b Ziombli des origines nos

    jours

    .

    3

    2 - Structure actuelle du village 36

    a

    Population

    .

    36

    b Morphologie 4

    I l - Le terroir

    SI

    l

    L univers conomique traditionnel SI

    a Les types d activit

    SI

    b L organisation de la production. S6

    2 - De l conomie d autosubsistance

    l agriculture commerciale. 60

    a

    Le nouveau systme

    de

    produc-

    tion. 60

    b

    Les limites d u systme actuel. 64

    CHAPITRE 2 -

    L E S GRANDES

    TAPES DE LA V I E 7

    1 - Naissance

    7

    -

    Initiation

    74

    l

    Le droulement des

    oprations

    74

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    8/202

    8 LA V IE Q UO TID IE NN E DANS UN VILLAGE

    GUR

    2 -

    Le sens et

    la porte

    de

    l institu

    tion.

    77

    - Mariage . 79

    1 -

    Monogamie et polygamie 8

    2 -

    Les rgles d exogamie 84

    3 - La sphre des changes

    matrimo

    niaux . 86

    4 La

    dot.

    87

    La nature

    de

    la

    dot

    b

    L origine du paiement 9

    c La signification de la

    dot

    92

    5 - Les diffrentes formes de mariage.

    Les formes classiques .

    b Les formes exceptionnelles

    6 - Le rituel de mariage 2

    7 - Le divorce

    3

    - Mort .

    6

    1 - Les chemins de

    la mort

    6

    2 - Du dcs

    l inhumation 8

    3 -

    L enterrement

    . I IO

    4 - Le deuil .

    5 - Les courants d changes funraires I I 2

    6 -

    L hritage

    I I 4

    CHAPITRE

    3 - L A RGULATION D E L ORDRE

    VILLA

    GEOIS II9

    1 - Les fondements de l ordre. II9

    1 - Le systme des interdits.

    2

    Les interdits

    de

    tribu . 2

    b

    Les interdits de village

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

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    TA B LE

    DES MATIRES

    9

    Les interdits e clan 123

    d

    Les interdits e lignage 124

    e

    Les

    interdits

    e

    personne 124

    2 L organisation du pouvoir .

    2 5

    Les fondements e l autorit 126

    b

    L exercice e l autorit 128

    II La perturbation de l ordre

    3 2

    l La transgression des rgles 3 2

    2 La sorcellerie

    3 3

    Le

    sorcier 133

    b

    L acte e sorcellerie 137

    c

    La porte e la sorcellerie 139

    L E S

    MCANISMES D E

    M AI N TI EN OU

    D E

    RTABLISSEMENT

    DE

    L O R D R E

    4 2

    l

    Le

    systme de prvention

    4 2

    Les protecteurs . 4 2

    b Les rites propitiatoires 147

    wi

    149

    2 Le systme d intervention

    S

    Rglement pacifiq tte es conflits:

    l appareil judiciaire .

    5

    b Rglement es conflits par la

    force: l guerre 154

    c Les thrapeutiques e lutte contre

    le

    mal

    159

    3 Le

    systme

    de rpression 6 3

    L amende 163

    b Le

    chtiment corporel 163

    c Le

    bannissement 164

    CONCLUSION . 6 9

    lments

    de bibliographie

    sur la

    socit gur .

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    10/202

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    11/202

    Agnat

    Avunculolocal

    Agnatique

    Allochtone

    PETIT VOCABULAIRE

    ETHNO-SOCIOLOGIQUE

    Toute

    discipline a son

    vocabulaire.

    Celui

    de

    l ethno-

    sociologie

    est

    parfois

    sotrique.

    Mme en

    simplifiant

    au

    maximum il n est

    pas

    toujours possible

    d viter certains

    termes techniques.

    Ces termes

    nous

    avons

    estim utile

    d en

    donner -

    ou

    d en

    rappeler l

    dfinition.

    A ussi recomman-

    dons nous trs vivement de commencer la lecture

    de

    etouvrage

    p r un examen attentif u vocabulaire ci dessous.

    Il

    est bien

    entendu que seuls les termes utiliss dans le prs ent texte

    sont dfinis. Par

    simple

    commodit et afin

    de permettre

    ventuellement

    au

    lecteur

    de

    retrouver

    facilement

    en c ours

    de lecture

    l un ou l autre

    de

    ces termes

    nous

    les avons

    classs par

    ordre alphabtique.

    : descendant d u ne mme souche mascu

    line.

    : voir patrilinaire.

    : d une origine diffrente de celle de la

    population autochtone, et installe tardi

    vement dans le pays. Synonyme

    d allo-

    gne

    : qualifie le

    statut

    de rsidence auprs de

    l oncle maternel. statut est fonction

    des rgles qui rgissent

    l

    mariage.

    La

    rsidence peut ainsi tre patrilocale chez

    le pre du mari), virilocale chez le mari,

    celui-ci pouvant ne pas

    habiter

    chez son

    pre), uxorilocale chez l pouse), avun

    culolocale chez l oncle maternel) ...

    Chasseur de sorciers: ancien sorcier qui a fait amende hono

    rable

    et

    a dcid de mettre son savoir

    au

    service de la socit. Communment - et

    improprement - appel galement

    fti

    cheur

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    12/202

    1 2

    LA VIE QUOTIDIENNE

    DANS

    UN

    VILLAGE

    GUR

    Clairvoyant

    Clan

    Classificatoire

    Devin

    Exogamie

    Ftiche

    Fticheur

    voir devin.

    groupe constitu

    par

    tous

    les

    individus

    qu i

    se

    rattachent

    soit

    par

    descendance

    agnatique patriclan ,

    soit

    par

    descen

    dance utrine matriclan un anctre

    fondateur lointain, quelquefois mythique.

    Le clan se diffrencie du lignage en ce

    qu il est impossible

    de

    raccorder cet

    anctre

    au

    groupe

    par

    une

    connexion

    gnalogique prcise.

    qualifie

    un e

    nomenclature

    de

    parent qui

    utilise un mme

    terme

    pour dsigner un

    ensemble

    de

    parents

    regroups en

    cat-

    gories ou classes exemple: les frres du

    pre, les cousins

    du

    pre, ainsi

    que

    tous

    les parents de la

    gnration

    du

    pre

    sont

    appels

    pres

    ; par opposition

    au

    pre

    rel

    ces pres sont dits classifi

    catoires La terminologie de parent

    classificatoire permet l existence

    de

    sys

    tmes de parent

    tendus. Elle s oppose

    la

    terminologie

    descriptive, qu i dcrit

    le

    lien

    de

    parent

    par

    combinaison

    de

    termes

    lmentaires exemple :

    l oncle

    maternel est a ppel frre

    de la

    mre

    n

    personne

    c apable de

    dcouvrir ce

    qui est

    cach, de deviner l avenir, par de s

    moyens

    appels techniques

    divina-

    toires et

    relevant

    d une connaissance

    magique. Communment appel gale

    ment clairvoyant ou

    encore fti

    cheur

    n

    obligation

    de

    se marier

    l extrieur

    d un

    groupe

    donn,

    qui

    peut

    tre

    plus

    ou

    moins

    tendu.

    Chez les Gur, l entit

    exogame correspond tantt au clan,

    tantt au lignage, tantt au segment de

    lignage. S op pose endogamie.

    voir

    protecteur.

    voir

    homme-mdecine, devin,

    chasseur

    de sorciers.

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    13/202

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    14/202

    lfred s hw rtz

    l

    vie quotidienne

    d ns un vill g gur

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    15/202

    Cette tude est

    un

    condens d une thse de 3

    e

    cycle prpare

    sous

    la

    direction

    du

    Professeur Georges

    Balandier

    et

    soutenue

    en Sorbonne le 28 janvier 1969. Le travail de terrain fut ralis

    sous l gide de l Office de

    la

    Recherche Scientifique

    et

    Technique

    Outre-Mer organisme dont relve l auteur. Le lecteur qui dsi

    rerait en savoir

    davantage

    sur les Gur peut se reporter au

    texte de l ouvrage primitif paru sous le

    titre

    radition

    changements dans la socit gur

    mmoire ORSTOM 52

    Paris 1971.

    Tous droits de reproduction

    d adaptation

    et de traduction

    rservs pour

    tous

    les

    pays.

    INADES 1975.

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    16/202

    TABLE DES MATIRES

    Petit vocabulaire ethno-sociologique

    Avant-propos IS

    INTRODUCTION 2 l

    CHAPITRE

    l - L UNIVERS MATRIEL

    DE

    LA VIE

    QUOTIDIENNE

    . 29

    1 - Le village 29

    l

    Histoire de Ziombli

    29

    a mise

    en

    place des Nidrou

    .

    30

    b Ziombli des origines nos

    jours

    .

    3

    2 - Structure actuelle du village 36

    a

    Population

    .

    36

    b Morphologie 4

    I l - Le terroir

    SI

    l

    L univers conomique traditionnel SI

    a Les types d activit

    SI

    b L organisation de la production. S6

    2 - De l conomie d autosubsistance

    l agriculture commerciale. 60

    a

    Le nouveau systme

    de

    produc-

    tion. 60

    b

    Les limites d u systme actuel. 64

    CHAPITRE 2 -

    L E S GRANDES

    TAPES DE LA V I E 7

    1 - Naissance

    7

    -

    Initiation

    74

    l

    Le droulement des

    oprations

    74

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    17/202

    8 LA V IE Q UO TID IE NN E DANS UN VILLAGE

    GUR

    2 -

    Le sens et

    la porte

    de

    l institu

    tion.

    77

    - Mariage . 79

    1 -

    Monogamie et polygamie 8

    2 -

    Les rgles d exogamie 84

    3 - La sphre des changes

    matrimo

    niaux . 86

    4 La

    dot.

    87

    La nature

    de

    la

    dot

    b

    L origine du paiement 9

    c La signification de la

    dot

    92

    5 - Les diffrentes formes de mariage.

    Les formes classiques .

    b Les formes exceptionnelles

    6 - Le rituel de mariage 2

    7 - Le divorce

    3

    - Mort .

    6

    1 - Les chemins de

    la mort

    6

    2 - Du dcs

    l inhumation 8

    3 -

    L enterrement

    . I IO

    4 - Le deuil .

    5 - Les courants d changes funraires I I 2

    6 -

    L hritage

    I I 4

    CHAPITRE

    3 - L A RGULATION D E L ORDRE

    VILLA

    GEOIS II9

    1 - Les fondements de l ordre. II9

    1 - Le systme des interdits.

    2

    Les interdits

    de

    tribu . 2

    b

    Les interdits de village

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    18/202

    TA B LE

    DES MATIRES

    9

    Les interdits e clan 123

    d

    Les interdits e lignage 124

    e

    Les

    interdits

    e

    personne 124

    2 L organisation du pouvoir .

    2 5

    Les fondements e l autorit 126

    b

    L exercice e l autorit 128

    II La perturbation de l ordre

    3 2

    l La transgression des rgles 3 2

    2 La sorcellerie

    3 3

    Le

    sorcier 133

    b

    L acte e sorcellerie 137

    c

    La porte e la sorcellerie 139

    L E S

    MCANISMES D E

    M AI N TI EN OU

    D E

    RTABLISSEMENT

    DE

    L O R D R E

    4 2

    l

    Le

    systme de prvention

    4 2

    Les protecteurs . 4 2

    b Les rites propitiatoires 147

    wi

    149

    2 Le systme d intervention

    S

    Rglement pacifiq tte es conflits:

    l appareil judiciaire .

    5

    b Rglement es conflits par la

    force: l guerre 154

    c Les thrapeutiques e lutte contre

    le

    mal

    159

    3 Le

    systme

    de rpression 6 3

    L amende 163

    b Le

    chtiment corporel 163

    c Le

    bannissement 164

    CONCLUSION . 6 9

    lments

    de bibliographie

    sur la

    socit gur .

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    19/202

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    20/202

    Agnat

    Avunculolocal

    Agnatique

    Allochtone

    PETIT VOCABULAIRE

    ETHNO-SOCIOLOGIQUE

    Toute

    discipline a son

    vocabulaire.

    Celui

    de

    l ethno-

    sociologie

    est

    parfois

    sotrique.

    Mme en

    simplifiant

    au

    maximum il n est

    pas

    toujours possible

    d viter certains

    termes techniques.

    Ces termes

    nous

    avons

    estim utile

    d en

    donner -

    ou

    d en

    rappeler l

    dfinition.

    A ussi recomman-

    dons nous trs vivement de commencer la lecture

    de

    etouvrage

    p r un examen attentif u vocabulaire ci dessous.

    Il

    est bien

    entendu que seuls les termes utiliss dans le prs ent texte

    sont dfinis. Par

    simple

    commodit et afin

    de permettre

    ventuellement

    au

    lecteur

    de

    retrouver

    facilement

    en c ours

    de lecture

    l un ou l autre

    de

    ces termes

    nous

    les avons

    classs par

    ordre alphabtique.

    : descendant d u ne mme souche mascu

    line.

    : voir patrilinaire.

    : d une origine diffrente de celle de la

    population autochtone, et installe tardi

    vement dans le pays. Synonyme

    d allo-

    gne

    : qualifie le

    statut

    de rsidence auprs de

    l oncle maternel. statut est fonction

    des rgles qui rgissent

    l

    mariage.

    La

    rsidence peut ainsi tre patrilocale chez

    le pre du mari), virilocale chez le mari,

    celui-ci pouvant ne pas

    habiter

    chez son

    pre), uxorilocale chez l pouse), avun

    culolocale chez l oncle maternel) ...

    Chasseur de sorciers: ancien sorcier qui a fait amende hono

    rable

    et

    a dcid de mettre son savoir

    au

    service de la socit. Communment - et

    improprement - appel galement

    fti

    cheur

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    21/202

    1 2

    LA VIE QUOTIDIENNE

    DANS

    UN

    VILLAGE

    GUR

    Clairvoyant

    Clan

    Classificatoire

    Devin

    Exogamie

    Ftiche

    Fticheur

    voir devin.

    groupe constitu

    par

    tous

    les

    individus

    qu i

    se

    rattachent

    soit

    par

    descendance

    agnatique patriclan ,

    soit

    par

    descen

    dance utrine matriclan un anctre

    fondateur lointain, quelquefois mythique.

    Le clan se diffrencie du lignage en ce

    qu il est impossible

    de

    raccorder cet

    anctre

    au

    groupe

    par

    une

    connexion

    gnalogique prcise.

    qualifie

    un e

    nomenclature

    de

    parent qui

    utilise un mme

    terme

    pour dsigner un

    ensemble

    de

    parents

    regroups en

    cat-

    gories ou classes exemple: les frres du

    pre, les cousins

    du

    pre, ainsi

    que

    tous

    les parents de la

    gnration

    du

    pre

    sont

    appels

    pres

    ; par opposition

    au

    pre

    rel

    ces pres sont dits classifi

    catoires La terminologie de parent

    classificatoire permet l existence

    de

    sys

    tmes de parent

    tendus. Elle s oppose

    la

    terminologie

    descriptive, qu i dcrit

    le

    lien

    de

    parent

    par

    combinaison

    de

    termes

    lmentaires exemple :

    l oncle

    maternel est a ppel frre

    de la

    mre

    n

    personne

    c apable de

    dcouvrir ce

    qui est

    cach, de deviner l avenir, par de s

    moyens

    appels techniques

    divina-

    toires et

    relevant

    d une connaissance

    magique. Communment appel gale

    ment clairvoyant ou

    encore fti

    cheur

    n

    obligation

    de

    se marier

    l extrieur

    d un

    groupe

    donn,

    qui

    peut

    tre

    plus

    ou

    moins

    tendu.

    Chez les Gur, l entit

    exogame correspond tantt au clan,

    tantt au lignage, tantt au segment de

    lignage. S op pose endogamie.

    voir

    protecteur.

    voir

    homme-mdecine, devin,

    chasseur

    de sorciers.

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    22/202

    PETIT VOCABULAIRE ETHNO SOCIOLOGIQUE 1 3

    Homme-mdecine

    Interdit

    Lignage

    Ligne

    Matricentrique

    Matriclan

    Matrilignage

    Matrilinaire

    Neveu utrin

    ou maternel)

    Ordalie

    Patriclan

    Patrilignage

    Patrilinaire

    Polyandrie

    Polygamie

    personnage capable de gurir en recou

    rant la fois aux plantes mdicinales

    gurisseur) et

    la

    psychothrapie cha-

    m n

    .

    Prtre

    galement de certains

    cultes. Communment - et impropre

    ment

    - appel

    fticheur n Dans

    la

    vision manichenne du

    monde

    des Gur,

    l homme-mdecine

    est

    par excellence

    l agent du Bien.

    prohibition de type alimentaire interdit

    cultuel) ou social interdit social). Syno

    nyme

    de totem,

    terme

    d origine indienne.

    groupe constitu

    par tous

    les individus

    qui se

    rattachent

    soit

    par

    descendance

    agnatique patrilignage), soit par descen

    dance utrine matrilignage)

    un

    anctre

    fondateur connu. Subdivision du clan.

    enchanement de filiations.

    centr

    sur

    la mre. Caractrise

    la

    cellule

    que constituent da ns

    la

    famille polygy

    nique

    la

    mre et ses enfants.

    voir clan.

    voir lignage.

    caractrise

    une

    filiation qui se fait

    par

    les femmes et

    partir

    d une mme aeule.

    Synonyme d utrin e).

    fils du frre de la mre.

    preuve judiciaire

    dans

    laquelle Dieu est

    cens tre l seul juge.

    voir clan.

    voir lignage.

    caractrise un e filiation qui se fait par

    les hommes et partir d un mme anctre

    mle. Synonyme d agnatique. S oppose

    matrilinaire.

    voir polygamie.

    situation

    d un

    homme

    mari

    plusieurs

    femmes polygynie)

    ou

    d une femme

    marie

    plusieurs hommes polyandrie).

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    23/202

    LA V IE Q UOT ID IE NN E DANS UN VILLAGE GUR

    Polygynie

    Protecteur

    Segment de lignage

    Sorcier

    Totem

    Utrin

    voir polygamie

    objet auquel on reconnat un pouvoir

    magique de protection Communment

    appel ftiche

    subdivision du lignage

    personnage malfique qui agit

    toujours

    de manire occulte Dans la vision

    mani-

    chenne du

    monde

    des Gur le sorcier

    est

    par excellence

    l agent

    du Mal

    voir interdit

    descendant d une mme souche fminine

    Voir aussi matrilinaire

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    24/202

    V NT PROPOS

    Toute

    recherche a

    sa petite

    histoire. L anecdote que je

    rapporte

    ici ne

    fut

    certes pas dcisive

    dans

    le choix de mon

    terrain quand, en 1964, l RST:M m envoya comme socio

    logue en Cte-d voire. Elle y contribua cependant incontes

    tablement.

    Nous sommes en aot 1959. j accompagne une quipe de

    gographes, dirige

    par

    le Professeur

    Tricart,

    et

    charge

    d tablir

    un

    bilan des problmes de

    transport sur

    l ensemble

    du

    territoire ivoirien. C est mon

    premier

    contact avec

    l Afrique. Nous sillonnons mthodiquement le pays, compul

    sons systmatiquement les rapports conomiques des chefs

    lieux de cercle

    et

    de subdivision, enqutons auprs des

    planteurs, des commerants, des

    transporteurs

    ...

    Il

    fait

    particulirement

    chaud en cette fin d aprs-midi de

    septem

    bre

    sur

    les berges

    du

    Cavally.

    En attendant

    l arrive

    du

    bac,

    j arpente,

    torse nu, les abords du dbarcadre de

    Sahibli,

    petit

    village une dizaine de kilomtres l est de

    Toulpleu. Le passage d une voiture est encore un vne

    ment

    en cette rgion recule de l Ouest. Les commentaires

    vont bon train, quand, brusquement, je vois arriver moi

    Dominique, mon chauffeur, visiblement mu:

    Patron,

    eux dire toi bon gros, bon gras, eux vouloir manger toi.

    Le

    propos me laisse pantois.

    Eux

    ce

    sont

    les Gur.

    Quand, cinq ans plus tard, le Professeur Balandier, alors

    patron des sociologues de l ORST:M,

    me

    propose de

    faire un travail de sociologie rurale en Cte-d voire, sur

    un

    terrain

    dfinir par moi-mme, l incident du bac de

    Sahibli me revient instantanment

    la

    mmoire. onchoix

    est fait: je retournerai

    sur

    les bords

    du

    Cavally, chez les

    Gur, et je chercherai en savoir davantage

    sur

    le bien

    fond de leur

    rputation

    d anthropophages.

    acuriosit faillit

    tre

    satisfaite ds la premire nuit

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    25/202

    1 6 LA V IE Q UO TI DI EN NE

    DANS

    UN

    VILLAGE

    GUR

    passe au village

    dans

    lequel j avais choisi de m tablir

    le village de Ziombli - quelques kilomtres seulement en

    a val de

    Sahibli

    dont

    le

    bac avait entre-temps t

    remplac

    par un magnifique

    pont.

    Le chef

    m avait

    install dans

    l unique case toit de tle de

    la

    localit. J avais

    comme

    voisin un

    vieux

    q ui s av ra

    par la

    suite

    tre

    l un

    des

    principaux

    hommes-mdecine de la

    communaut.

    Il tait

    miraculeusement sorti indemne quelques jours aupara

    vant d un

    grave accident de voiture.

    Une

    trs forte mi

    graine l assaillait depuis tous les soirs et l e mp c ha it d e

    dormir.

    Je

    lui offris quelques

    comprims

    d aspirine

    avant

    de mettre fin notre premire veille.

    Il

    tait

    tard

    et

    je

    m endormis r apidement.

    Je

    n ai

    pas

    l habitude

    de me

    rveiller

    en

    pleine

    nuit.

    Aussi crus-je

    tout

    d abord rver.

    Le tam-tam

    appelait

    trs ostensiblement

    la

    fte. Des bruits

    lointains de chants t de danses lui rpondaient.

    Un

    cortge

    semblait

    se former

    qui

    parcourut d abord le village puis

    se

    rapprocha.

    Quand il se mit tourner frntiquement

    autour

    de

    ma

    case

    je

    compris

    que

    je

    ne

    rvais pas.

    J allumai

    ma lampe-torche

    pour consulter ma

    montre:

    il tait

    2

    h

    du

    matin. J avoue que pendant

    quelques instants il

    n y eut

    aucun doute

    d ans m on esprit

    sur l enjeu

    de la fte.

    J essayais

    vainement de chasser de ma

    tte

    une image o bsd an te d e

    chaudron

    en

    train de bouillir. Je me trouvais misrable sur

    mon petit lit de camp sous une

    immense

    moustiquaire.

    J tais

    ce point paralys par la peur

    que

    pendant tout le

    temps infini

    que

    dura

    cette

    ronde

    je restai

    fig

    sur mon

    lit.

    Quand j entendis enfin le cortge s loigner et progressive

    ment se disloquer

    je

    me remis respirer.

    Je

    pris aussi

    conscience de tout

    le

    ridicule de mon

    comportement.

    Il

    tait 4 h. Je ne refermai pas l il

    du

    reste de la

    nuit.

    Le

    jour

    tait peine lev

    que

    je

    me prcipitai

    chez

    mon

    voisin

    p ou r m e nq ur ir d u

    sens de

    l trange

    crmonie

    dont

    j avais

    t

    gratifi.

    Il

    m expliqua que

    mon mdicament

    lui

    avait

    fait

    un

    tel bien que

    pour

    me remercier il

    avait

    song

    bon de convier sur-le-champ tout le village la danse ...

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    26/202

    V NT PROPOS

    Quatre

    ans plus

    tard au moment

    de quitter dfinitive

    ment Ziombli, mon dpart fut peru comme un dcs,

    celui de l arrire-petit-fils

    du

    fondateur

    du

    village,

    dont

    j tais la

    rincarnation blanche

    Je

    vcus mes propres

    funrailles: elles se droulrent selon le modle traditionnel,

    durrent

    quatre jours

    et furent l occasion de festivits

    mouvantes.

    Sur

    les pratiques anthro pop hag ique s de mes htes, je

    n avais, entre-temps, appris que

    peu

    de chose. Suffisam

    ment

    cependant

    pour

    comprendre

    sur

    quoi

    tait

    fonde

    leur rputation.

    Une premire explication peut tre fournie par l existence

    effective d une forme d anthropophagie rituelle, jadis pra-

    tique l issue d engagements

    militaires entre groupe

    ments ennemis.

    Sur

    l adversaire tu, le

    vainqueur

    prlevait

    le cur

    et les parties gnitales.

    s

    organes taient consom

    ms rituellement pour acqurir du guerrier dfunt la force,

    le courage, la gnrosit dont le cur est le sige, la virilit

    dont

    les

    parties

    gnitales

    sont

    les

    attributs.

    Jamais

    il

    n tait

    touch

    au

    reste

    du

    corps, que l on

    enterrait

    dans une termi-

    tire... En fait, la littrature ethnographique nous apprend

    que de telles pratiques taient autre fo is courantes chez de

    nombreux peuples.

    Une seconde explication rside

    dans

    l ambigut

    du

    terme

    gur

    di qui

    signifie

    m nger

    la fois

    au

    sens propre

    et au

    sens figur. Ainsi dit-on du sorcier qu il mange sa victime.

    En

    fait, ce

    n est

    que

    l me

    qu i l mange -

    en

    d autres termes

    qu il s approprie -

    dans

    son acte malfique, provoquant

    ainsi la

    mort

    de

    sa

    victime. Comme les agissements en

    sorcellerie

    sont

    frquents, il

    n est

    effectivement pas

    tonnant

    que les mangeurs d mes - et partant

    d

    h o m m e s -

    soient nom breux en pays gur...

    Une troisime explication, enfin, repose

    sur

    un prjug

    tenace

    qui veut

    que l homme soit

    un

    peu

    l image

    du

    milieu

    naturel

    dans lequel il volue.

    La

    nature

    qui sert

    de support l existence quotidienne du

    paysan

    gur est

    2

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    27/202

    I8 LA

    VIE

    QUOTIDIENNE DANS UN VILLAGE

    GUR

    incontestablement hostile. C est le domaine de

    la

    grande

    fort, difficile pntrer, encore plus difficile matriser.

    Une

    fort peuple

    d animaux

    redoutables,

    qui

    constituent

    un

    danger permanent. Un tel milieu fait d emble peur

    et

    ne peut servir de refuge qu des tres pas

    tout

    fait comme

    tout

    le monde, aux

    murs

    barbares, aux pratiques inhu

    maines. Or quoi de plus in-humain que de

    manger

    de

    l humain?

    Il est d ailleurs significatif, cet gard, de cons

    tater que tous les habitants de la grande fort de l Ouest

    et du

    Sud-Ouest ivoiriens sont galement taxs - moins que

    les Gur

    il

    est vrai - d anthropophages ...

    Ces explications n ont bien sr, aucune valeur de

    preuves. Il est cependant un domaine de l anthropophagie,

    la ncrophagie

    ne reproche-t-on pas aussi

    aux

    Gur de

    n avoir pas de cimetires ? o l accusation

    est

    en parfaite

    contradiction avec la

    pratique

    sociale. Le rituel fun

    raire gur exige que ce soient les parents maternels

    du

    dfunt - plus prcisment les

    neveux -

    qui procdent

    toutes

    les oprations matrielles de

    l inhumation:

    toilette

    funbre, creusement de

    la

    tombe, enterrement. En d autres

    termes, une fois le dcs constat,

    part

    les neveux utrins

    plus personne

    n a

    le droit de toucher

    au

    corps. Les seuls qui

    seraient donc, ventuellement, susceptibles de se livrer

    la

    ncrophagie seraient ces neveux, c est--dire les enfants de

    la propre

    sur

    du dfunt. Cela parat absolument impossible

    quand

    on sait l importance que r evt dan s la socit gur

    la

    prohibition

    l inceste.

    Manger le frre de

    sa

    mre qui

    vau drait, e n effet, non seulement manger sa propre mre,

    puisque tous

    deux

    sont issus

    du

    mme ventre, mais aussi

    coucher

    avec celle-ci, le mme terme,

    di

    signifiant manger

    et copuler. On peut certainement reprocher beaucoup de

    choses aux Gur, mais srement

    pas

    d entretenir avec

    leurs mres des relations coupables. L inceste est ce qu il

    a

    de pire.

    troitement

    associ la sorcellerie, il symbolise

    le mal,

    partant

    la

    mort.

    Les pages qui suivent ne fournissent nullement une image

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    28/202

    V NT PROPOS

    idalise de la socit gur. Elles

    cherchent

    simplement

    montrer

    comment vit un peuple travers les grandes pr-

    occupations de son existence quotidienne. Existence faite,

    comme partout, d vnements heureux et malheureux,

    souvent

    profondment rythme encore par la

    tradition,

    quelquefois fortement empreinte

    dj

    de changemenP.

    Par

    souci

    de

    simplification, nous

    n avons pas

    recouru

    un

    alphabet

    phontique

    spcial

    pour

    transcrire

    les

    termes

    gur. Ces

    termes se prononcent donc selon les rgles de

    la

    prononciation

    du

    franais.

    Le g

    est

    cependant

    toujours

    dur

    gare , sauf quand il

    est suivi d un n, auquel cas il se nasalise agneau ; le

    se prononce

    toujours

    y yeux ; le u se prononce ou genou . Les n om s p ro pr es

    lieux, pe rso nne s ou a ut re s sont

    purement et

    simplement

    trans-

    crits selon l orthographe en u sa ge d an s

    l administration

    ivoirienne.

    Au seuil de

    cet

    ouvrage, je

    tiens

    remercier tout particulire-

    ment

    R. Deniel, qui a

    contribu

    la correction d u m an us cr it .

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    29/202

    L S ROUP M NTS

    W N T IVOIRE

    i l l ge de iom l i

    z

    t

    o

    o

    z

    7

    R

    8

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    1:;

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    O

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    30/202

    INTRO U TION

    Le voyageur qui se serait

    aventur

    dans

    la

    grande fort

    de

    l Ouest

    ivoirien

    dans

    la premire dcennie de ce sicle

    n aurait

    eu que trs peu de chances de rencontrer de vrais

    J

    Gur. Ceux-ci ne constituaient alors, sous le nom de ua

    qu une toute

    petite

    partie du

    vaste complexe humain auquel

    ils allaient donner

    leur

    nom, l ensemble w ou wnian les

    hommes

    qui

    pardonnent

    facilement

    es

    Guo

    habitaient

    la

    rive gauche

    du l une

    des frontires naturelles

    entre

    le pays

    dan

    au nord

    et

    le p ay s

    w

    au sud. Or, ce fut

    par cette

    frontire,

    p ar ti r d u

    poste de Logoual, cr

    en 9I I

    que

    se fit

    la

    pntration militaire du pays w. Quand, parvenu

    sur

    les bords

    du

    l officier commandant l unit de paci

    fication s enquit

    du nom

    des poplliations habitant de

    l autre

    ct de

    la

    rivire il lui fut rpondu qu il s agissait

    des umin

    terme

    par

    lequel les

    Dan

    dsignaient leurs

    voisins Guo. Pensant

    que

    ce terme s appliquait l ensemble

    des poplliations au

    sud

    des Dan, et ignorant

    jusqu

    l exis

    tence du terme W le capitaine Laurent, alors administra

    teur du

    cercle

    du

    Haut-Cavally,

    retint

    officiellement pour

    dsigner ces mmes poplliations

    la dnomination

    Gur l,

    corruption de Gumin, les hommes de Guo

    Les poplliations w les plus septentrionales, conquises

    la

    mme poque mais

    par

    un

    autre

    itinraire,

    furent

    un pe u

    plus heureuses J

    en

    ce qui concerne

    la

    prservation de

    leur nom. A l officier qui voulut s avo ir

    comment

    s appe

    laient

    les poplliations chez lesquelles il allait pntrer,

    l interprte rpondit

    en

    dioula

    1

    :

    W-b.

    L-bas? e

    Le terme dioula dsigne communment, en Cte-d Ivoire, les

    ressortissants du

    groupe

    culturel

    dit

    mand du nord

    ou manding

    tabli au n or d- ou es t d u

    pays. Par le

    biais de

    l activit commer

    c ia le, les Manding

    ont

    diffus progressivement leur parler sur l en

    semble

    du

    territoire.

    Ce

    parler,

    le

    dioula

    est a uj ou rd h ui l a

    langue

    vhiculaire pa r excellence

    de la

    Cte-d Ivoire.

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    31/202

    2 2 LA VIE QUOTIDIENNE

    DANS

    UN VILLAGE GUR

    sont

    les W. W-b

    donna

    Wob... L usage administratif

    allait faire le reste pour consacrer la terminologie nouvelle,

    alors que

    l u n e t

    l autre

    termes dsignent incontestablement

    une seule

    et

    mme

    entit

    humaine,

    l entit

    w. Au

    fil

    des

    annes, les intresss devinrent eux-mmes plus royalistes

    que le roi, le Gur se disant bien Gur et le

    Wob

    bien

    Wob, les W

    n existant

    plus que dans

    la

    mmoire des vieux.

    Les W relvent aujourd hui des dpartements

    de

    Guiglo

    et

    de Man: les Gur, des sous-prfectures de Toulpleu,

    , Blolequin, Guiglo, Ta, Dukou, Bangolo et

    Logoual;

    les Wob, des sous-prfectures de

    Kouibly

    et

    de

    Fakobly.

    Les premiers comptent quelque I3 ressortissants, les

    seconds

    5 pour un

    territoire

    de I 4 km

    2

    environ.

    La densit du peuplement est cependant trs ingale

    d un

    bout

    l autre

    de ce

    territoire:

    forte

    en

    pays wob, au nord,

    et sur l interfluve Nuon-Cavally, l ouest, - 4 habitants

    au km

    2

    elle

    est plutt

    faible

    dans la

    majeure

    partie

    de

    l immense bloc forestier qui constitue, du Cavally au

    Sassandra, le

    cur

    du

    pays gur - moins de

    IO

    habitants

    au

    km

    2

    La fort, dense, chaude et humide, la grande fort

    guinenne est en effet l lment fon dam en ta l

    du

    milieu

    naturel dans lequel vivent les W. La temprature relati

    vement constante,

    s y

    situe autour de 25 oC tandis qu e la

    moyenne

    annuelle des prcipitations est presque

    partout

    suprieure l 7 mm. Les pluies, qu accompagne une trs

    forte nbulosit,

    sont

    souvent prcdes de tornades

    et

    d orages particulirement violents. Leur rgime, qui rythme

    la vie agricole, dtermine en gros

    quatre saisons:

    grande

    saison sche de novembre fvrier, petite saison des pluies

    de mars juillet,

    petite

    saison sche de fin juillet fin aot,

    grande saison des pluies de septembre

    novembre.

    \ Les W appartiennent au groupe culturel

    dit

    rou qui

    --

    s tend

    presque galit de part et

    d autre

    de la frontire

    ivoiro-librienne. Les

    Krahn du

    Libria

    - au nombre de

    5 environ - ne sont d ailleurs que le prolonge men t

    vers le sud-ouest des Gur de Cte-d Ivoire. Nous

    ne

    savons

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    32/202

    INTRODUCTION

    que peu de chose de l histoire de la mise en place des popu

    lations krou. Tout ce que

    l on p eut

    avancer, c est que d une

    part

    le peuplement actuel

    est

    issu

    d un

    fond incontestable

    ment

    autochtone - en tmoignent les plus anciens crits

    que nous connaissions sur la cte, ainsi que les donnes

    de la tradition orale

    d autre part le territoire jadis

    occup

    par

    ces populations autochtones s tendait beau

    coup plus au nord

    et

    au nord-est - en tmoignent les tra-

    ditions d origine de

    nombreux

    clans,

    notamment

    de clans

    w, qui font venir leurs anctres de la savane. Les Krou

    auraient

    donc

    subi

    un

    rtrcissement progressif de leur

    espace traditionnel,

    partant

    un

    tassement dans la fort,

    contre le littoral. Comment expliquer ce tassement ?

    Trois sries de pressions, trs nettement distinctes,

    semblent avoir prsid la mise en place du peuplement

    actuel: la

    pousse

    mand

    au

    nord,

    l attrait

    de

    la

    cte

    au sud, l clatement du royaume ashanti l est. Ce que

    les historiens appellent

    la

    pousse

    mand

    provoqua de

    nombreux dplacements

    du

    nord vers le

    sud

    - dplace

    ments qui n ont jamais eu l allure

    d une

    vritable migra

    tion, mais se

    traduisaient

    par de simples dparts

    de

    micro

    units, voire d individus isols lis essentiellement aux

    politiques imprialistes des

    tats qui

    se succdrent, du

    e

    au IS e sicle,

    sur

    les bords du Niger invasions,

    contraintes

    militaires, assujettissements de toutes sortes...).

    Cette pousse amena vers la fort les populations krou les

    plus septentrionales - les

    W

    en particulier

    apparem

    ment

    dj

    allergiques toute forme de coercition, et sans

    doute aussi des lments mand. Le mouvement s accentua

    partir de

    la

    fin du

    IS e

    sicle, quand les caravelles prirent

    la relve des caravanes, avec l attrait de plus en plus fort

    que le commerce ctier se mit exercer sur l intrieur.

    L clatement, partir du I

    e

    sicle, du royaume ashanti

    -

    dont

    le berceau est

    l actuel

    Ghana

    suivi

    de

    l arrive

    en Cte-d Ivoire,

    au

    dbut

    du

    ISe

    sicle, des Agni

    et

    des

    Baoul, qui refoulrent vers l ouest des groupements moins

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    33/202

    24 LA V IE Q UO TID IE NN E

    DANS UN

    VILLAGE GUR

    puissants contribua enfin peupler directement

    ou

    indi

    rectement soit par

    apport

    de populations nouvelles soit

    par

    refoulement de populations autochtones les marches

    krou orientales.

    Le pays

    w

    se subdivisait jadis en territoires l l bloa

    groupements socio-politiques

    rsultant

    de l alliance des

    fins la fois matrimoniales et militaires de

    deux ou

    de

    plusieurs patriclans tk Le bloa se dfinissait

    avant

    tout

    comme une aire privilgie d change matrimonial pouvant

    le cas chant se transformer en groupement de guerre

    quand

    l un

    quelconque des

    patriclans

    le composant se

    trouvait en difficult.

    La

    taille de ces groupements

    tait

    trs variable. Les plus simples taient issus d une alliance

    directe entre patriclans.

    D autres instauraient

    une alliance

    un

    second niveau

    entre

    groupements de patriclans dj

    allis. Les plus complexes enfin tablissaient un troisime

    niveau d alliance entre les units prcdentes et abou

    tissaient de vritables confdrations d alliance entits

    particulirement redoutables en cas de guerre.

    Ce

    sont

    ces

    groupements de type bloa au

    nombre

    d une cinquantaine

    pour l ensemble du

    pays

    w

    que nous qualifierons de

    tribus ll

    Nous avons vu que le bloa

    tait

    toujours dans

    un

    pre

    mier temps le rsultat de l alliance de deux ou de plusieurs

    patriclans tk Que sont ces patriclans Le tk peut se

    dfinir comme un groupe de descendance constitu par

    l ensemble des

    individus

    se rfrant

    en

    ligne

    agnatique

    un

    mme anctre. Le patriclan constituait autrefois l unit

    organique de la socit

    w

    Il s identifiait

    au

    village ulo

    qui fonctionnait par consquent plus comme

    un

    groupe de

    parent que comme une communaut de rsidence. Village

    et

    patriclan

    taient

    en fait confondus.

    Ce modle d organisation sociale ne rsista cependant ni

    aux vicissitudes des luttes tribales qui l branlrent dj

    srieusement bien avant la pntration franaise ni la

    mise en place de l appareil colonial qui fut avant tout

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    34/202

    INTRODUCTION

    5

    synonyme d clatement des cadres traditionnels. C est de

    9 II 1913 que se fit

    la

    conqute

    du

    pays w selon la

    mthode

    d action l ent e

    dite de

    la

    tache d huile

    prconise

    par

    le go uve rn eur An goulvant. Cette mthode

    consistait tablir des postes fixes

    partir

    desquels des

    units mobiles et lgres rayonnaient. Furent ainsi successi

    vement

    crs en

    9II

    les postes de Bou Dukou

    et

    Smien

    en

    1912 les postes de Guiglo Dieya

    et

    Kouibly

    en

    1913

    le po ste de Toulpleu. La rsistance si elle fut orga

    nise partout

    ne fut nulle

    part

    trs

    importante.

    L occupa

    tion

    du

    pays

    w

    donna

    lieu

    en

    effet

    beaucoup

    moins d effu

    sion de sang que celle de

    la

    plupart des autres rgions de

    Cte-d Ivoire. Cette relative facilit de pntration n em-

    pcha

    cependant pas

    la

    mise en uvre

    d une

    politique

    parti-

    culirement coercitive de regroupement des villages.

    La

    consquence la plus directe en fut un important exode de

    populations vers le Libria pays alors sous aucune domi

    nation trangre et

    libre par dfinition. Rares

    furent

    les

    tk

    qui

    parvinrent

    conserver

    leur

    intgrit

    physique.

    La plupart se fra ctionn rent e n units plus petites uu u

    qui se dispersrent gographiquement.

    Ce

    sont ces units

    disparates que nous appellerons

    lign ges

    qui constituent

    la

    base des villages w d aujourd hui.

    Du point de vue de leur organisation sociale les W

    apparaissent premire vue comme

    trs

    peu diffrents de

    leurs voisins patrilinaires de la fort ouest-ivoirienne

    qu ils soient krou comme les Bt ou les Dida tudis

    par

    D.

    Paulme

    et

    Terray

    ou mand comme

    les Gouro

    connus

    grce

    aux travaux

    d A. Deluz et Cl. Meillassoux.

    Ce

    qui

    caractrise cependant plus particulirement le pays w

    c est l ext rme isolement da ns lequel resta plonge

    cette

    contre de

    par sa

    position gographiquement marginale

    et

    les difficults de pntration qui en rsultrent jusqu une

    poque toute rcente. Mme l accession de

    la

    Cte-d Ivoire

    l indpendance nationale

    n a

    pas rduit

    l cart

    qui se

    creuse de plus

    en

    plus profondment

    entre

    zones proches de

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    35/202

    26 LA

    VIE

    QUOTIDIENNE

    DANS

    UN VILLAGE GUR

    la capitale bnficiant

    du

    ple privilgi de croissance

    qu est Abidjan

    et

    zones loignes qui ne

    subissent que

    plus

    lentement

    les

    gnrateurs

    de

    changement.

    Si les

    W

    russirent

    donc

    mieux

    protger

    leur patrimoine

    culturel

    que

    leurs voisins de l est

    et

    du sud-est le mouve me nt de

    transformation qui par le biais de la diffusion de l conomie

    montaire branle l heure actuelle l Afrique tradition-

    nelle n a pas manqu d affecter

    galement

    leurs struc-

    tures

    sociales les plus fondamentales.

    C est

    l impact de

    cette confrontation que nous nous proposons de mesurer

    ici

    partir

    de

    l approche de

    la

    vie

    quotidienne dans un

    village

    la

    fois dans

    une optique statique

    de reconsti

    tution du pass de recherche des invariants

    et

    dans

    une perspective

    dynamique

    d analyse des processus de

    changement.

    Le village

    dont

    nous avons partag la vie pendant prs

    de

    4 ans - de janvier 1965 octobre 1968 - se situe dans

    la

    sous-prfecture de Toulpleu

    l extrmit

    ouest

    du

    pays

    gur

    aux

    confins

    du

    Libria.

    Il porte

    le

    nom

    de

    iombli

    chez Zion Zion en tant le fondateur

    et

    la dsinence

    bli que l on retrouve dans de nombreux

    noms

    de localits

    rappelant bien qu l origine le village s identifiait

    au

    patriclan reprsent par

    son

    ain. Le village

    est

    implant

    sur la rive droite du Cavally 3 km envir on du fleuve

    qui

    trace la l imite orientale de

    son

    terroir. Ziombli

    est

    6 km

    au

    sud de la

    route

    Guiglo-Toulpleu laquelle une piste

    plus ou moins carrossable relie le village depuis 1962 et

    km

    par cette

    piste - 5 seulement

    par

    un

    sentier

    de

    brousse -

    du

    chef-lieu de sous-prfecture Toulpleu.

    L actuel village

    est

    issu du

    regroupement

    de trois localits

    plus petites : l ancien Ziombli Guiriambli - install

    Ziombli

    depuis

    1961 - et Klabo

    en

    cours

    d installation

    lorsque nous commencions notre

    enqute. La population

    des trois villages regroups s levait au 1

    er

    mars 1965

    736 personnes rparties

    en huit

    lignages ou segments de

    lignages d ingale

    impor tance. Sept

    de ces

    huit

    lignages

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    36/202

    INTRODUCTION

    le huitime tant d implantation rcente appar-

    tie nn en t au

    lo ni rou

    De

    la

    vie

    quotidienne

    Ziombli

    nous

    brosserons

    tout

    d abord le cadre matriel:

    prsentation

    du village

    et

    de son

    terroir. Nous suivrons ensuite l individu

    dans

    les

    tapes

    dcisives de son

    existence:

    naissance initiation mariage

    mort. Nous

    essaierons

    enfin

    de pntrer les ressorts la fois

    politiques

    et

    magico religieux

    sous jacents

    la rgulation

    de l ordre villageois.

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    37/202

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    38/202

    h pitre

    L UNIVERS MATRIEL

    E

    LA

    v

    QUOTI IENNE

    a

    littrature

    ethnographique en

    accordant

    la vie

    rituelle une place

    souvent

    dmesure donne volontiers

    l image d un

    paysan

    africain plus proccup de spirituel que

    de temporel.

    Mre Afrique

    ne facilite pourtant pas

    l existence de ses enfants. Le

    rite

    est effectivement

    important pour

    qui

    veut s attirer

    les bonnes grces des divi

    nits mais le

    paysan

    sait bien que sans recours

    l

    outil

    les greniers resteront dsesprment vides.

    r mum

    viv r Aussi commencerons-nous

    par

    prsenter

    l univers matriel

    du p ay san

    gur : le village

    tout

    d abord

    cadre privilgi de

    sa

    vie sociale le

    terroir

    ensuite

    support

    principal de son activit conomique.

    1 - LE

    VILL GE

    1

    Histoire

    de Ziombll

    Un village c est d abord une histoire. Celle de Ziombli

    est

    particulirement significative

    de

    la manire dont sont

    ns

    la

    plupart

    des villages gur. Voici quelles

    en

    furent

    les grandes tapes.

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    39/202

    LA VIE QUOTIDIENNE

    DANS

    UN VILLAGE GUR

    mise en place des Nidrou

    Rappelons

    que

    Ziombli

    a pp ar ti en t a u

    traditionnel

    grou

    pement - ou bloa - nidrou. L histoire

    du

    village com

    mence donc avec l implantation des Nidrou sur les berges

    du Cavally vnement

    que nous

    situons d aprs les

    donnes gnalogiques vers le milieu

    du

    I8

    e

    sicle.

    Selon une

    premire

    version les tk

    qui

    c on st it ue nt a u

    dpart le lo nidrou seraient

    partis

    de

    l actuel

    pays wob

    o ils occupaient la frange forestire

    l est

    de Man. Certains

    d entre

    eux

    en

    qute

    de gibier

    avaient l habitude

    de

    s en

    foncer trs profondment dans la fort en

    direction

    du

    sud et

    du

    sud-ouest. C est ainsi que des hommes du clan

    guiro au nombre de cinq atteignirent le Cavally. Sur les

    bords

    du

    fleuve ils r enco ntr rent une

    p op ula ti on aut o

    chtone

    les Fan Baon agriculteurs sdentaires avec qui

    ils pratiqurent pendant un certain temps une sorte de troc

    la muette

    : le

    nouvel arrivant puisait

    dans

    les

    r n i r ~

    des

    Fan-Baon

    le

    mas dont

    se

    nourrissait

    et en

    retour

    dposait devant

    leurs

    cases du gibier. Ces changes

    qu i

    ne

    se faisaient jamais en prsence

    des

    intresss se poursui

    virent sans accroc

    jusqu au j ou r o

    une famille autochtone

    s estimant lse en profita

    pour

    attaquer

    l tranger: un

    chasseur guiro

    fut

    tu mais les

    quatre

    autres

    parvinrent

    s chapper et s en furent donner

    l alerte

    dans leur pays

    d origine. Les

    autres

    clans se

    dclarrent

    solidaires des

    Guiro et

    pour venger

    le chasseur

    tu

    s rigrent

    en

    grou-

    pement

    de

    guerre sous l gide d un guerrier clbre Ki

    Bosran

    titulaire

    de ni koinhi littralement

    mdicament

    de l eau

    >J

    Ce ftiche

    >J

    qui tait t remp

    dans

    l eau

    chaque

    matin

    avait

    une double fonction :

    port

    par le chef de

    guerre indiquait

    la

    direction de

    l ennemi;

    parvenu

    proximit

    de celui-ci

    djouait sa

    surveillance

    en

    dclen

    chant u ne pluie diluvienne ce

    qui p erm ett ait

    de le sur

    prendre

    et

    de l craser. Conduits

    par

    ni koinhi

    les hommes

    de Ki-Bosran parvinrent ainsi jusqu au pays des Fan-Baon.

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    40/202

    L UNIVERS MATRIEL

    D E LA

    VIE QUOTIDIENNE

    Selon certains informateurs,

    la

    guerre n clata pas tout

    de suite. Les Fan-Baon ayant fait amende honorable, il fut

    conv enu que

    les

    Nigri

    c est

    ainsi

    que

    les

    Fan-Baon

    appelrent les adeptes de

    ni koinhi

    - dirigeraient le pays,

    et qu en signe d allgeance les premiers prsenteraient au

    chef du clan guiro offens toute bte noble tue

    par eux

    la chasse lphant, panthre buffle). En gage d alliance

    et

    d ami ti , le chef des Guiro donna mme une de ses filles

    en mariage au chef des Fan-Baon. Mais ces derniers ne

    tardrent pas violer le pacte. Les Nigri les sommrent

    alors de

    quitter

    le pays, sous peine de guerre. Les

    Fan-Baon

    ne se firent pas prier et se rfugirent derrire la rivire

    Nuon actuelle frontire entre Cte-d Ivoire et Libria).

    Selon d autres informateurs,

    la

    guerre clata

    tout

    de

    suite. Elle fut rude et longue. Les Nigri

    remport rent l a

    victoire et refoulrent les

    Fan-Baon

    derrire le Nuon.

    Un e seconde version de

    la

    migration nidrou

    veut

    que les

    clans

    du futur bloa

    aient

    t

    chasss par un envahisseur

    d un

    pays

    qu ils

    situent

    en

    savane.

    La

    crainte

    d tre

    pour

    suivis les

    aurait

    fait fuir dans la fort, vers le sud-ouest,

    jusqu au

    Cavally. L ils se heurtrent aux Fan-Baon, qu ils

    vainquirent et refoulrent de

    l autre

    ct du Nuon.

    A l issue des hostilits, les Nigri -

    dont

    l administration

    coloniale fera plus tard

    par

    erreur de transcription, les

    Nidrou

    -

    s ta blir en t s ur l espace conquis

    et

    commen

    crent l organiser. Le gr oup ement de guerre, son rle

    termin, se dissolut de lui-mme, mais l alliance

    entre

    les

    familles se maintint en permanence par le biais de l change

    matrimonial.

    b

    Ziombli des origines nos jours

    La

    priode prcoloniale

    :

    village lignage

    Au terme

    de cette guerre victorieuse, les clans nidrou

    organisent leur territoire de faon quasi militaire.

    L unit

    de base de

    cette

    organisation est le tk chaque clan difiant

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    41/202

    32

    LA

    VIE

    QUOTIDIENNE DANS UN VILLAGE

    GUR

    son village en fonction des possibilits stratgiques du

    territoire dont il a la responsabilit. Ainsi les premiers

    tablissements s difient-ils tous

    sur

    des

    hauteurs

    faciles

    dfendre. Les guerriers les plus valeureux installent leurs

    campements en

    postes avancs

    face aux quatre points

    cardinaux. Leur mission est de

    prmunir

    le groupe

    contre

    toute

    attaque

    surprise. Le gros des effectifs se

    rpartit

    le

    long du fleuve. Chaque clan est investi d une fonction

    spciale: dfense extrieure clan de guerriers), fabrication

    de l armement et des instruments aratoires clan de forge

    rons), fourniture de l approvisionnement clans de pcheurs

    et d agriculteurs) ... Les sept clans nidrou dont les lignages

    sont prsents dans l actuel Ziombli s implantent en sept

    emplacements diffrents. Village

    et

    lignage, c est--dire

    groupe de rsidence

    et

    groupe de descendance,

    sont

    ce

    niveau, parfaitement confondus.

    Ds

    la

    priode prcoloniale

    cependant

    se pr odui sent des

    clatements de

    tk

    Les raisons en sont multiples: abandon

    du

    village

    au

    dcs de l anctre

    fondateur

    ou

    d un

    parent

    proche, dissensions

    entre

    branches ane et cadette, dcou

    verte

    d un site

    stratgiquement

    plus facile dfendre,

    excution des recommandations

    d un devin conseillant de

    s tablir ailleurs, puisement des terres, etc. Trs souvent

    les segments dissidents,

    uunu

    se regroupent avec

    d autres

    lignages ou segments de lignages,

    pour

    former des commu

    nauts

    de rsidence qui ne sont

    dj

    plus fondes

    sur

    la

    seule parent.

    En

    1913,

    anne de

    conqute du

    pays nidrou,

    les sept lignages de notre village n occupent plus que cinq

    emplacements.

    priode coloniale: clatements regroupements

    La pntration franaise en pays gur ne suscite

    que

    des rsistances

    sporadiques: devan t la

    puissance de feu de

    l envahisseur, l ancien jeu des alliances militaires reste

    inoprant.

    La

    premire raction de

    la

    population est de

    chercher refuge

    dans

    les profondeurs de la fort et

    d chap-

    Vieux Kla chef

    de

    Ziombli

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    42/202

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    . .

    .

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    L UNIVERS MATRIEL D E LA

    V IE Q UO TID IEN NE

    33

    per

    aux militaires par

    une

    dispersion extrme. Le lignage

    clate et donne naissance des

    units

    plus lgres plus

    mobiles centres sur

    la

    famille lmentaire tablies dans

    des

    campements

    de

    fortune

    aux endroits les plus reculs

    et prtes s vanouir dans la nature la moindre

    alerte.

    L implantation

    coloniale marque galement le

    dbut

    d un

    vritable exode vers le Libria : il suffit de franchir le

    Cavally pour tre tranquille n

    La

    frontire

    est

    des plus

    permables

    et

    les

    autorits

    libriennes encouragent mme

    le

    mouvement.

    Des familles isoles des segments de lignages

    quelquefois des villages entiers traversent le fleuve. De

    1914 1918 le recrutement de tirailleurs

    pour

    la guerre

    en Europe acclre encore les dparts. Cet exode

    durera

    une dizaine d annes et mme par la suite ne pourra

    jamais tre totalement enray.

    L organisation administrative qui accompagne l occupa-

    tion

    coloniale est

    l origine de

    nouveaux

    clatements.

    Le

    canton

    base

    du

    dcoupage territorial essaie de se calquer

    sur

    l ancien

    blo

    mais

    par

    suite de

    l extrme

    dispersion des

    lignages

    n y

    russit

    qu imparfaitement. Par

    ailleurs

    la

    mise en place de chefs

    qui

    ne sont pas

    toujours

    admis

    par

    la

    totalit

    de la population constitue souvent un sujet de

    mcontentement

    qui peut aller jusqu au dpart de familles

    entires hors du canton. L individu choisit

    plus qu il

    n accepte l autorit par laquelle va tre rgi: il fuit la

    tutelle de tel chef

    trop

    zl pour se rfugier

    auprs

    de tel

    autre plus complaisant. Ceci entrane une remise en ques-

    tion

    du vieux

    groupement

    d alliance

    et

    avec la disparition

    de ses frontires

    n

    une dispersion gographique encore plus

    prononce des segments de lignages.

    Aprs le mouvement d parpillement gnral suscit

    par

    l arrive du colonisateur le calme se rtablit peu peu.

    Mais

    comment

    contrler une poussire de

    campements

    dissmins travers

    la

    fort?

    L autorit

    militaire essaie de

    constituer des entits administrativement viables Elle

    Vieux Bassahon chef de lignage

    3

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    45/202

    34

    LA VIE QUOTIDIENNE

    DANS

    UN

    VILLAGE GUR

    incite les campements regrouper. Quelques villages se

    reforment mais sur des bases

    entirement

    nouvelles. Les

    liens de

    parent

    et

    les affinits d alliance qui

    prvalaient

    dans la constitution

    du

    groupement de rsidence tradi-

    tionnel cdent le pas aux

    motifs

    de

    l administration.

    Un

    type

    nouveau de village apparat

    et disparat

    aussi

    rapidement: l village regroupement

    Les multiples ten-

    tatives

    des administrateurs coloniaux pour regrouper les

    populations aboutissent

    pratiquement

    toutes l chec. Elles

    ont

    mme tendance acclrer le mouvement de disper

    sion chaque dplacement

    tant

    accompagn

    d une

    srie

    d clatements du lignage.

    Un

    tel part s installer avec sa

    famille dans un campement en pleine fort o chappera

    tout contrle de l administration - le but du regroupe

    ment tant prcisment de faciliter la tche administra-

    tive un tel prfre rejoindre un village

    plutt qu un

    autre etc.

    Le cadre villageois traditionnel constitu par le lignage

    se dsagrge ainsi progressivement

    et

    cde le

    pas

    une

    unit de rsidence base de

    segments

    de lignages dispa

    rates. En

    1960

    lorsque la Cte-d Ivoire accde l indpen

    dance les

    sept

    lignages nidrou de notre village auxquels

    tait venu se joindre en 1928

    un

    lignage d un

    bloa

    voisin

    n occupent dj plus que trois emplacements : Ziombli

    Guiriambli Klabo.

    priode post coloniale

    :

    stabilisation t fixation

    Au lendemain de l indpendance

    la

    politique de regrou

    pement des villages est immdiatement reprise par les

    autorits

    ivoiriennes. Le but

    est

    de constituer des entits

    villageoises

    peuplement

    optimum

    de manire

    justifier

    les amnagements collectifs lmentaires dont toute com

    munaut

    devrait

    tre

    pourvue:

    cole dispensaire piste

    carrossable qui en permette l accs en toute saison etc.

    L emplacement

    du

    nouveau village est fix

    par

    l autorit

    administrative le lotissement est obligatoire et les mesures

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    46/202

    L UNIVERS

    MATRIEL

    DE LA VI E Q UOT ID IEN NE

    35

    mises

    en uvre

    pour

    assurer

    le succs de

    l opration

    sont

    radicales.

    La

    dcision de

    regrouper

    les

    trois

    villages de Guiri

    ambli Klabo et

    Ziombli - les distances

    qui

    sparent

    Guiriambli

    et Klabo

    de Ziombli

    tant

    r es pectivement de

    2 et 3 km sur le

    site

    de Ziombli

    est

    prise

    en

    1961.

    Guiriambli effectue le

    dplacement l anne

    mme.

    Il en

    va

    tout autrement de Klabo dont

    l a p op ul at io n oppose une

    passivit

    extraordinaire aux

    i nj onc ti ons de

    l administra-

    tion

    et pratique jusqu en

    1965 une

    politique

    de

    tempori-

    sation

    jouant

    sur

    le

    changement

    des

    administrateurs

    et

    sur les priodes de

    flottement

    qui

    en

    rsulte nt pour

    gagner

    du temps

    et

    esprer

    voir le

    projet

    abandonn

    dfinitivement.

    Au dbut

    de 1965

    personne n a

    encore boug.

    L administra-

    tion

    se fait

    menaante

    et

    l preuve

    de force est

    imminente.

    Le chef de

    Klabo dtruit

    alors

    symboliquement

    sa

    case

    et

    vient

    s installer Ziombli avec

    sa

    famille.

    Le

    sous-prfet

    adresse u n u ltim atu m la p op ul at io n: la

    date

    limite est

    fixe

    au

    30

    avril.

    Il

    reste 15

    jours

    peine

    pour

    dmnager.

    Le

    village

    s agite

    fivreusement et le

    dplacement

    commence.

    A

    la

    fin

    du

    mois

    la

    destruction

    s avre inutile.

    L adminis-

    tration

    triomphe:

    les

    trois

    villages sont

    enfin

    regroups.

    Ds 1966

    cependant mettant

    profit les

    incitations

    la

    modration

    prnes

    en matire

    de

    politique

    de

    regroupe

    ment par le Prsident de

    la

    Rpublique lui-mme

    une

    partie des

    dguerpis

    se rinstalle

    sur

    le

    site

    de

    l ancien

    village.

    Sur

    les 23 chefs de mnage originaires de Klabo

    n en

    reste

    plus que

    12

    en

    1968 Ziombli.

    E n

    1974

    le

    village est

    quasiment reconstitu

    dans sa

    totalit.

    C omme nt c arac t ri se r

    la lumire

    de

    l histoire

    de

    Ziombli le village

    gur actuel? Il

    ne se mbl e pas possible

    ici de

    parler

    de

    communaut

    villageoise :

    une commu-

    naut suppose l existence d une unit d une cohsion d une

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    47/202

    36 LA

    VIE QUOTIDIENNE

    DANS UN VILLAGE

    GUR

    homognit interne. L htrognit des groupes en pr

    sence est telle qu il serait plus

    exact

    de dfinir

    un

    tel

    village comme

    un

    agglomrat de lignages

    ou

    segments de

    lignages juxtaposs, ayant chacun son autonomie propre

    Cette juxtaposition est,

    par

    ailleurs,

    purement

    artificielle:

    le plus souvent r s ul ta t d un e

    intervention administrative

    coercitive, le manque d unit

    du

    village s en t rouve encore

    accru.

    2

    tructure ctuelle

    du

    vill ge

    Comment le village

    de

    Ziombli se prsente-t-il aujour-

    d hui?

    Quelle est sa population? Quelle est sa morpho-

    logie ?

    opulation

    partition par units lignagres

    Ziombli compte,

    au

    1

    mars 1965, 736

    habitants.

    5 seule

    ment sont allochtones : 2 Dioula, installs

    au

    village

    depuis une dizaine d annes 3 Dan le

    matre

    de l cole,

    sa

    femme et leur

    petite

    fille). Les 731 autochtones se

    parta-

    gent entre 8 lignages ou segments de lignages, dont l im-

    portance

    respective est,

    par

    ordre dcroissant,

    la suivante:

    Glao

    Doueyakon

    Kpao

    Kpahon

    Souandi

    Zaha

    Dakon

    Welao

    211

    2 0 0

    II3

    1 0

    4

    44

    27

    19

    13

    Ainsi les de ux

    premiers

    lignages dominent-ils

    t r s n et te-

    ment

    les autres.

    Un

    tel dsquilibre, qui reflte tout fait

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    48/202

    L UNIVERS MATRIEL DE

    LA

    V IE QUOTIDIENNE 37

    les conditions dans lesquelles s est constitu le village, n est

    pas sans consquences sur sa gestion interne.

    tructure

    p r

    sexe

    p r

    ge

    Les femmes sont sensiblement plus nombreuses Ziombli

    que les hommes: 386

    contre

    350. Cet excdent des effectifs

    fminins s explique uniquement par l existence

    d un

    important mouvement migratoire qui attire les adultes,

    entre

    5 et

    40

    ans, vers

    la

    Basse-Cte-d Ivoire (Abidjan,

    Sassandra,

    plus

    rcemment

    San

    Pedro), et mme

    la

    cte

    librienne (Monrovia).

    Le

    migrant laisse

    en

    effet toujours,

    dans un premier temps, sa - ou ses - femme(s) au village,

    en attendant

    que sa

    situation se

    stabilise.

    Ce

    n est que

    beaucoup

    plus

    tard

    qu il en

    fait venir une -

    rarement

    plus - auprs de lui.

    La structure

    par ge est,

    quant

    elle, celle

    d une popula-

    tion jeune 46,1 de moins de 5 ans, 3,6 seulement de

    plus de

    65

    ans. Elle est caractristique de

    cette

    dmographie

    galopante

    que connaissent

    aujourd hui

    la

    plupart

    des

    socits africaines.

    ctivit

    A Ziombli,

    tout

    individu capable

    de

    travailler participe

    en fonction de son ge, de son tat physique de son statut

    social au systme de production. L enfant est intgr

    l appareil

    avant

    l ge de 5

    ans: pour

    les garons, travaux

    de dbroussement des

    champs

    de riz, dsherbage des

    cafires, confection des

    cases;

    pour les filles, semis,

    surveillance et rcolte

    du

    riz. Quant aux personnes ges,

    elles

    ne

    se

    retirent du

    systme que

    lorsque

    les forces physi-

    ques ne leur permettent plus d aller aux champs.

    Encore

    continuent-elles alors de

    vaquer

    au village de multiples

    tches productives.

    Dans

    la

    socit traditionnelle,

    la

    population

    active

    correspond

    donc

    en gros

    la

    population

    susceptible de

    travailler

    l s

    seuls empchements

    tant

    lis

    l infirmit

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    49/202

    38 LA

    VIE

    QUOTIDIENNE DANS UN

    VILLAGE

    GUR

    ou

    l extrme vieillesse. Il n en est

    cependant

    plus tout

    fait ainsi depuis

    l introduction

    de

    la

    scolarisation. Le poten

    tiel productif se trouve

    en

    effet

    amput

    non

    seulement de

    tous les jeunes d ge scolaire qui vont

    l cole, mais aussi

    de tous ceux qui, aprs

    l ge

    de 5 ans - ge thorique

    limite de

    la

    scolarit primaire ne l ont

    pas

    encore quitte.

    A Ziombli, ils ne

    s on t p as

    moins de

    26

    jeunes tre

    dans

    ce

    dernier cas -

    dont

    4 seulement

    dans

    l enseignement

    secondaire

    soit 15,3

    du

    potentiel

    productif

    masculin

    thorique.

    En

    quoi consiste

    l activit

    du

    paysan

    gur

    ?

    Les femmes

    s adonnent

    exclusivement au travail agricole; quelques

    unes seulement se livrent, en plus, une

    activit

    commer

    ciale : achat-revente de riz, sel, vin, ptrole, savon, tabac

    en poudre. L actif masculin, pour sa part exerce souvent,

    paralllement

    son activit principale, une activit secon

    daire, correspondant quelquefois une

    formation

    profes

    sionnelle acquise par le pass,

    la

    connaissance d un mtier,

    qui n est

    pas (ou plus) exerc.

    L activit prin ip le

    des 134 actifs masculins de Ziombli

    se ventile comme suit :

    - 88

    planteurs

    chefs d exploitation indpendants

    p ra ti qu an t a u moins

    une

    culture prenne - caf

    ou

    cacao - en plus

    de

    la

    culture

    vivrire

    tradi

    tionnelle;

    - 35 aides familiaux)l, jeunes gens

    n ayant

    pas encore

    acquis leur

    autonomie;

    5

    cultivateurs

    ,

    chefs d exploitation ne

    produisant

    que du vivrier;

    2

    moniteurs d enseignement,

    instituteurs

    de

    l cole clandestine

    2 maons;

    1

    manuvre agricole,

    l un

    des deux Dioula installs

    au

    village;

    1 trafiquant

    de

    diamants.

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    50/202

    L UNIVERS

    MATRIEL

    DE LA

    VIE QUOTIDIENNE 39

    22 de ces

    actifs

    exercent en plus, occasionnellement, une

    activit secondaire

    : 5

    sont

    chasseurs, 3

    chauffeurs

    ou

    apprentis-chauffeurs,

    3 employs

    de

    maison,

    2

    gurisseurs,

    2 cordonniers, l commerant, l

    maon,

    l forgeron, l

    vannier

    l

    pcheur,

    l cultivateur, l manuvre agricole. A cette

    catgorie

    bnficiant de revenus d appoint, rguliers ou

    sporadiques,

    peuvent

    enfin

    tre

    rattachs 3

    militaires

    retraits, qui touchent, chaque trimestre, une

    substantielle

    pension

    d ancien combattant.

    L agriculture

    continue

    donc occuper la quasi-totalit

    des actifs

    du

    village:

    IOO

    des femmes, 96

    des

    hommes.

    Cette

    conclusion

    n a rien

    de

    surprenant puisqu il

    s agit

    d un

    village situ

    au

    fin

    fond

    de

    la fort

    ouest-ivoirienne : elle

    confirme simplement

    l isolement de Ziombli, encore

    trs

    largement cart

    de toute forme

    d

    urbanisation

    en

    1965.

    omposition t ille du mn ge

    Par mn ge nous entendons

    l entit forme

    par

    un

    homme

    mari,

    sa

    (ou ses) femme(s), ses

    enfants et,

    ventuellement,

    ses

    dpendants. C est

    le groupe ainsi dfini

    qui

    semble

    l heure actuelle constituer l unit de base

    de la socit

    gur.

    72 mnages sur les 102 que

    compte

    Ziombli se rduisent

    la

    famille conjugale, mono- ou

    polygynique. 30

    chefs de

    mnage

    seulement ont donc, en plus de

    leur propre

    famille,

    des

    dpendants.

    Ces derniers, au

    nombre

    de 60, soit 2

    en

    moyenne

    par

    mnage, se

    situent

    comme

    suit

    par

    rapport au

    chef de famille :

    20 ascendants: pres et mres rels ou classificatoires;

    37 collatraux : 15 frres et surs rels ou classifi-

    catoires, 21 neveux

    ou

    nices

    patrilatraux,

    neveu utrin

    ;

    3 allis.

    La

    taille

    moyenne

    de

    la

    famille

    conjugale

    s tablit

    ainsi

    6,5 personnes, celle du mnage 7 2

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    51/202

    40 LA VIE QUOTIDIENNE DANS UN VILLAGE GUR

    lph btis tion

    En

    1965, le village de Ziombli

    ne

    possde encore

    qu une

    cole clandestine - l tablissement officiel

    n ouvrira

    ses portes qu en 1967. Les coles clandestines thorique

    ment

    interdites

    par

    les autorits, mais tolres dans la

    pratique, runissent alors

    couramment,

    dans les villages

    o

    n existe

    pas

    d cole reconnue, une centaine d lves,

    rassembls sous un abri de

    fortune

    et enseigns

    par un

    (1 matre

    recrut

    et

    pay

    par

    les villageois eux-mmes.

    Pour qu

    cette

    poque une cole soit reconnue

    et

    bnficie

    d instituteurs

    rmunrs

    par

    le Ministre de

    l ducation

    Nationale, des conditions draconiennes

    sont

    exiges:

    bti-

    ment en dur, difi selon

    un

    plan rglementaire, ainsi que

    des logements, conformes galement des normes fixes,

    pour le directeur et les

    matres

    adjoints. La ralisation

    d un

    tel complexe

    demandait

    de

    la

    part des villageois

    un

    investissement minimum de 1,5 million de francs CFA.

    En

    1965, Ziombli compte 167 enfants

    d ge

    scolaire

    6

    14 ans) : 89 garons

    et

    78 filles.

    Sur

    ces effectifs, 99

    vont l cole, soit un

    taux

    de scolarisation de prs de 60

    64 frquentent l cole (1

    clandestine

    du village,

    qui

    assure

    alors les CPI, Cpz et

    CEr.

    35 sont inscrits

    extrieur

    :

    9 Toulpleu, 8

    dans

    les coles d autres villages

    de

    la sous

    prfecture, 18 un

    peu

    partout en Cte-d Ivoire -

    dont

    4 seulement

    dans

    des tablissements secondaires

    souvent

    au

    gr de l affectation

    d un

    parent

    fonction

    naire. Pour

    importante

    qu elle soit pour l poque, cette

    scolarisation reste encore 70 le privilge

    du

    sexe

    masculin.

    Sur les 405 adultes

    5

    ans

    et

    plus) du village, 36 seule

    ment savent lire et crire, dont une seule femme. Sur cet

    effectif, z7

    sont

    encore en cours de scolarit, dont 4 dans le

    secondaire. Le

    taux d alphabtisation

    des adultes n atteint

    donc que 8,2

    ,

    ce qui est faible. 43 hommes

    p rlent

    en

    plus le franais, ce qui porte 79 le

    total

    des hommes,

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    52/202

    L UNIVERS MATRIEL DE LA VIE QUOTIDIENNE

    soit 45 sachant s exprimer dans cette langue. Si ce

    rsultat

    est

    encore modeste la

    langue

    franaise

    l emporte

    cependant

    notoirement

    sur

    la langue vhiculaire ivoirienne

    le dioula parl

    par

    moins de 70 adultes

    du

    village. Ce

    dernier

    trait

    est par ailleurs significatif de la faible perma

    bilit

    du

    Gur au monde de l Islam.

    ppartenance confessionnelle

    Les religions universalistes -

    Islam et

    Christianisme

    malgr un tr s long contact avec les colporteurs dioula

    et

    une

    trentaine

    d annes de prsence missionnaire

    n ont

    encore que

    trs

    faiblement

    pntr la

    socit gur. A

    Ziombli deux hommes seulement

    ont

    t baptiss selon

    le rite catholique -

    l un au

    cours

    de

    son service militaire

    en France l autre au cours d un sjour prolong sur la

    Basse-Cte

    mais

    ont

    abandonn depuis longtemps

    toute

    pratique. Cela n empche pas personnes de se dire

    catholiques

    et

    protestantes. Quant

    l Islam

    nous

    n avons no t

    qu un

    seul cas de

    conversion:

    il

    s agit

    d un

    apprenti-chauffeur qui aprs avoir vcu plusieurs annes

    au voisinage permanent de son

    employeur

    dioula a fini

    par embrasser la confession de celui-ci.

    Morphologie

    Deux questions

    retiendront

    ici notre

    attention:

    comment

    la population

    de Ziombli se projette-t-elle

    dans

    l espace ?

    Comment conoit-elle son habitat?

    Occupation

    l espace

    t

    structure lignagre

    L histoire prcoloniale de Ziombli a mis en vidence

    l existence quasi gnralise

    du

    village-lignage. Le regrou

    pement coercitif des populations

    qui

    suivit la conqute

    militaire

    donna

    naissance une double occupation

    de

    l espace:

    ct des villages de regroupement imposs

    par

    l administration et runissant des lignages souvent htro-

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    53/202

    42

    LA V IE Q UO TID IE NN E DANS UN VILLAGE GUR

    clites, se multiplirent les campements,

    groupements

    homo

    gnes

    et

    fonctionnels, fonds

    sur la

    seule

    parent.

    Nous

    examinerons ici successivement les

    rapports

    entre

    occupa

    tion de l espace et structure lignagre au niveau du village

    d une

    part, au niveau du campement d autre

    part.

    Village

    et

    lignage

    Nous avons dfini ci-dessus le village actuel comme un

    agglomrat de communauts claniques juxtaposes. L occu

    pation de l espace villageois reflte-t-elle cette htro

    gnit

    ?

    Prcisons

    tout

    d abord que la plupart des villages gur

    ont fait l objet, ces dernires annes, d oprations de lotisse

    ment. L intervention, qui poursuivait un but d assainisse

    ment, consista essentiellement

    tracer des axes se coupant

    angle droit

    et

    faisant office de rues,

    et

    dlimiter, de

    part

    et d autre de ces voies, des carrs de

    40

    mtres de ct.

    C est sur ces lots )l , rpartis

    entre

    les chefs de mnage, en

    fonction de leurs besoins, que

    s est

    re constitu le nouvel

    habitat.

    La topographie actuelle de Ziombli, loti en 1964, ne

    traduit donc plus une occupation

    spontane

    de l espace.

    La

    structure

    de la

    communaut

    est le rsultat direct des

    oprations de regroupement qui, dep uis 1961, affectent les

    diffrents lignages qui la constituent. Le village est form

    de trois quartiers nettement distincts: Ziombli, Guiriambli,

    Klabo, les

    deux

    derniers

    s tant

    simplement

    juxtaposs,

    comme nous

    l avons

    vu, l un en 1961, l autre en 1965,

    l ancien Ziombli. Ces trois

    qua rtie rs c ontinuent

    tre

    perus par

    la population

    comme des villages diffrents et,

    tout en reconnaissant

    thoriquement

    un chef unique,

    conservent dans la

    pratique

    une

    totale

    autonomie. Cela se

    traduit notamment, sur le plan politique moderne, par

    l existence de trois comits

    du

    PDCI-RDA

    Parti

    Dmocra

    tique

    de Cte-d Ivoire, Section ivoirienne

    du

    Rassemble

    ment

    Dmocratique

    Africain ,

    dont l action

    est

    souvent

  • 8/9/2019 Schwartz Alfred - La Vie Quotidienne Dans Un Village Gur

    54/202

    L UNIVERS MATRIEL

    DE LA V IE

    QUOTIDIENNE 43

    loin d tre concerte, ce

    qui

    a pour consquence comme

    nous le verrons plus loin)

    de

    rendre la gestion du village,

    sinon impossible,

    du

    moins particulirement difficile.

    En

    juin 1968, le quartier Klabo n avait pratiquement plus

    d existence officielle,

    la

    moiti

    environ de la population,

    le chef en tte,

    s tant

    rinstalle

    sur

    l ancien site.

    L examen

    de la structure interne du

    qua rtie r perm et d e

    faire les remarques suivantes:

    - le quartier, village l origine,

    est

    le rsultat

    d une

    conjoncture historique donne. Si, pas plus que le village,

    il ne se caractrise

    par

    l h omognit des groupes e n

    pr-

    sence, ceux-ci ont en revanche

    et

    de faon gnrale toujours

    librement choisi de vivre

    ensemble;

    - le quartier s articule autour

    d un

    lignage-leader, fonda

    teur de l ancien

    village:

    Glao pour Ziombli, Kpahon

    pour

    Guiriambli, Doueyakon pour Klabo. Dans l orbite de ces

    noyaux

    gravitent

    les segments de lignages que le groupe

    ment

    dominant

    a attirs

    lui au

    cours

    de

    l histoire. Parfois

    ceux-ci lui

    ont

    t

    imposs. Mais,

    de toute

    faon, ces

    segments cont inue nt de conserver une totale autonomie,

    sauf en ce qui concerne l administration

    du

    quartier;

    - le dcoupage interne

    du

    quartier s effectue grosso modo

    sur la base

    du

    segment de lignage gbowon . Mais cette

    rgle