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7/28/2019 Franz Cumont: Mithra Et l'Orphisme http://slidepdf.com/reader/full/franz-cumont-mithra-et-lorphisme 1/12 . v —4: Mithra et l'Orphisme On a découvert récemment à Home via Marmorala, la voie, maintenant élargie, qui passe entre le 'Fibre et la pente escarpée de l'Aventin, trois dédicaces mithiinques dont l'importance dépasse singulièrement la valeur courante des inscriptions votives de ce culte. Elles ont été publiées et commentées par M. Gofïredo Patriarca l qui a noté, remarque féconde, que le lieu de la trouvaille était situé près (le l'Em- porium, vaste entrepôt où les marchands étrangers avaient leurs comptoirs et qui était peuplé d'esclaves asiatiques. C'est dans ce milieu exotique que se seront recrutés les fidèles d'un collège religieux dont la langue - les dédicaces le prouvent - était le grec. Je reproduis ici ces trois textes, conservés aujourd'hui au Musée Capitolin, en y ajoutant quelques éclaircissements pour indiquer brièvement ce qu'ils nous apprennent de neuf. 1 - Stèle h. de 1 in. 58, 1. de 19 à 22 cm. caractères irréguliers et mal gravés. d. 'H?[]q I tcy&?cp j MWp& jxfrrçû xd 'roZç   uw&oç Ocjotç &pov j &vOxcvj ?ôy'ouç xoç ,/jCUç2 ôo TOÇ rc'r[p] j cxl K&iro ui2j[ç]1 kpèç x6p, xd cprO&v'ro{j A. E'rupou E7r6lpoj xcd 1lxroui('tou) I Aôou îrccrpov, Mo[8]&* rou, HpŒ)jou, 'AycO pou, t)txoç, 'Aitxu j- v(ou, KrÀiï&3 j Xs6rrv. 1) G. Patriarca, ïre iscrizioni rebute al culto di j',iilra, dans le Bull. della Comm. Arch. comunale, LX, 1932, PP• 3 S. 2) 'Eiuoç mot nouveau ii six mèches , cf. &woç, Tpu)oç {PaLi'iarnaj. 3) J'ai vérifié la lecture sur la pierre. Cc doit être un nom lutin estropié-, peut- être Calvédius (l-'orcellini, Or,o,n., s. y.  alvus ), et il est possible qu'on lui ait conservé la forme en t du génitif latin, sans qu'il taille compléter K)o&ou. - I: Documen t 111111 il il Ili 111111111 ^ Ili 0000005408757

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. v

—4: Mithra et l'Orphisme

On a découvert récemment à Home via Marmorala, lavoie, maintenant élargie, qui passe entre le 'Fibre et la penteescarpée de l'Aventin, trois dédicaces mithiinques dontl'importance dépasse singulièrement la valeur courante des

inscriptions votivesde ce culte. Elles ont été publiées etcommentées par M. Gofïredo Patriarca l qui a noté, remarque

féconde, que le lieu de la trouvaille était situé près (le l'Em-

porium, vaste entrepôt où les marchands étrangers avaientleurs comptoirs et qui était peuplé d'esclaves asiatiques. C'est

dans ce milieu exotique que se seront recrutés les fidèles d'un

collège religieux dont la langue - les dédicaces le prouvent -

était le grec.Je reproduis ici ces trois textes, conservés aujourd'hui

au Musée Capitolin, en y ajoutant quelques éclaircissementspour indiquer brièvement ce qu'ils nous apprennent de neuf.

1 - Stèle h. de 1 in. 58, 1. de 19 à 22 cm. caractères irréguliers etmal gravés.

d. 'H?[]qI tcy&?cp j MWp &jxfrrçû xd 'roZç                                                            uw&oç

Ocjotç &pov j &vOxcvj ?ôy'ouçxoç,/jCUç2 ôo

TOÇ rc'r[p] jcxl K&iro ui2j[ç]1 kpèçx6p, xd

cprO&v'ro{j A. E'rupou E7r6lpoj xcd 1lxroui('tou) I Aôou

îrccrpov, Mo[8]&* rou, HpŒ)jou, 'AycOpou, t)txoç, 'Aitxu j-

v(ou, KrÀiï&3 j Xs6rrv.

1) G. Patriarca, ïre iscrizioni rebute al culto di j',iilra, dans le Bull. della

Comm. Arch. comunale, LX, 1932, PP• 3 S.2) 'Eiuoç mot nouveau ii six mèches , cf. &woç, Tpu)oç {PaLi'iarnaj.3) J'ai vérifié la lecture sur la pierre. Cc doit être un nom lutin estropié-, peut-

être Calvédius (l-'orcellini, Or,o,n., s. y. alvus ), et il est possible qu'on lui aitconservé la forme en t du génitif latin, sans qu'il taille compléter K)o&ou. -

I : Documen t

111111 il il Ili 111111111 ̂ Ili

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64EVUE 1)E L'HISTOIRE DES RELIGIONS

2ilastre cannelé h. de I m. 89, 1. de 20 cm. L'inscription estdans un champ lisse vers le milieu.

t). 'H Àk M t'O pqtI

&tctx,'r'roç17,-:-pxx K&a'roç

kpç xpc.

3 - Reste de console ornée de feuilles d'acanthe, 1. 51 cm.,

h. 21 cm.

ALI 'H ?                                                                                  W pIrt1pnc xcd irscrpIBcvoiiaTo

GÙV

'roL

rp&tç OE Oi3 &véO (xv)Ces inscriptions sont consacrées Ioules trois à Zeus-Flélios-

Mithras. En latin, nous ne connaissons qu'une seule dédicaceJo(i'i) S(oli) Invi(clo) ; elle est gravée sur un bas-relief deSacidava en Dacie'. Mais à Rome même sur une petite basedécouverte dans le mithréum des thermes de Caracalla, laquelle

portait primitivement la formule Etç Zç &prt "FIXtoçxxp.top &vcx'roç, le nom MITPAI a été inscrit en sur-charge sur celui de Sarapis martelé 2 et sur le revers du même

marbre est gravée la dédicace d 'H)(r.&ac'rpuo36r6q cipy&r &vdrq MOp xa'iptov

- L'identification de Mithra et de Zeus paraît donc êtretardive et s'être produite sous l'Empire à l'imitation de cellede Sarapis, qui l'avait précédée. Elle fournit une nouvellepreuve de l'adoption par les mystères de Mithra de cette

théologie solaire qui s'imposa à tout le paganisme romain3.Faisant du soleil moteur des autres astres, l'auteur de tous lesphénomènes de la nature et le maître de la destinée deshommes, elle l'éleva au rang de dieu suprême. Il n'en étaitpas de même dans le mithraïsme ancien, qui, resté plus fidèle

M. Vogliano, à qui j'ai communiqué mon doute, incline à supposer un génitifCeloedi, d'un nom Cel,s(lrzs, ou mieux Cc1a./us Oit trouve en effet Cetaedus CIL, XII,3862, oit il ne faut pas suppléer Celuedo(ni), et CeladiaCIL, VI, 33206.

1) (:1L, III, S. 7729; cf. Mon. Mqsi .Mithra, Inser. n° 256; Monum. n" 191.'2) Comme l'a reconnu M. Louis Cartet ; et. Comptes rendus Acad. Inscr., 1019,p. 313 se. La pierre est aujourd'hui au musée des Thermes de Dioclétien, - Surla formule Etç Zeiç Edcp 7. 7 r L ç. très souvent employée et à laquelle on substitue par-foisEç Z"FDLoet \Veinreich, Neuc Urkunden zur Sarapïsreligion,1919, p. 24 Se., qui en collectionné, tic nombreux exemples et les observations,d'Erich Peterson, El; 0c6ç, Gôttingen, 1926, pp. 227 es., qui traite (p. 239) del'inscription des Thermes do Caracalla.

3) Cf. mon étude sur la Théologie solaire, dans Mém. eau. élr. Acad. des Inscr.,XII, 1909.

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I3ITIIRA ET L'ORPHISME5au mazdéisme iranien, plaçait à la tête du panthéon Zeus-Oromasdès, le substitut d'Ahoura-Mazda, considéré par lesmages comme supérieur à tous les autres dieux.

Si nos trois dédicaces nous donnent ainsi une indicationprécieuse sur la théologie des mystères romains de Mithra,deux d'entre elles nous apprennent, un détail intéressant deleur rituel. Elles mentionnent des «Serviteur','- » (tp&r), qui

ont pris part à la consécration des offrandes faites au dieu. Lemot ne s'était pas encore rencontré dans les inscriptionsmithriaques, bien qu'on le trouve dans divers collèges reli-gieux'. Mais dans un passage du De Absiinenlia (IV, 16),Porphyre rapporte que les « Participants » (covç) des

mystères qui nous occupent s'appelaient Lions et les « Ser-vants » ( pctovrç) Corbeaux. Il semble donc diviser lesmystes en deux catégories, dont la plus haute, celle des Par-

ticipants, commençait au grade de Lion, tandis que les degrésinférieurs de la hiérarchie sacrée jusqu'au degré le plus bas,qui est celui de Corbeau, formaient les « Servants ». N osdédicaces prouvent qu'il n'en était rien, au moins dans lacommunauté de lAventin, puisque nous voyons (01) desPères et des Lions remplir le rôle de p&rt. L'emploi reli-gieux de ce terme paraît être né de la cérémonie essentielle(le la liturgie mithriaque, le repas sacré. Le bas-relief de

Konjica, qui le représente 2 , nous montre deux des mystes.étendus sur une couche devant une table chargée des painsrituels, et. autour d'eux, debout, d'autres mystes, avec lesdéguisements propres à leur grade, parmi lesquels le Perseapportant un rhyton. Les premiers sont évidemment les « Par-ticipants » au banquet liturgique, les autres, qui les servent,sont les De cette cérémonie, le nom se sera étendu

aux acolytes qui assistaient l'officiant dans la célébration desautres rites, même si c'étaient de hauts dignitdires du collège.Mais la découverte de la via Marinoralanous a appris un

oland, Gseh. des Grje.ch. Vereinsu'esens, 1901), p. 391,'Ion. Mys. Mithra, I, p. 175.

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r

66IEVUE DE L'FIISTOTlIE DES RELIGIONS 4

fait plus considérable. La troisième dédicace FIXkaMOv

nous apporte pour la première fois la preuve certaine de l'in-t.roduction de doctrines orphiques dans les mystères du dieuperse. Mithra a été identifié avec Plianés et cette confusion esi.

intéressante û ]a fois pOUI' l'histoire dli mithraïsme et pour

celle de l'orphisme. 11 est. possible (1. 1 0 celui-ci, à une daterelativement reculée, ail subi l'influence de la théologie (les

mages zei'vanistes et que le K?vo'Ay'pŒo de la théogonie

selon Hellanikos 1 , ne soit autre, connue on l'a soutenu, que

le Zervan-Akarana des Perses 2 . Dans ce cas, les mithriastes

auraient été fondés (,ilesure à retrouver leurspropres conceptions dans celles des orphiques. Mais, mêmes'il n'en était pas ainsi, le dieu qu'ils adoraient offrait avec lepersonnage de Phanès des analogies suffisantes pour qu'uneassimilation de l'un û l'autre fût aisée polir la mentalité reli-

gieuse des anciens. Planés, né de l'oeuf d'argent (jiiCChronosavait créé dans l'éther, était,comme Mithra, le démiurge; demême quehui encore, il était regardé comme l'équivalentù la fois

de Hélios3 et de Zeus, qui s'était identifié avec lui en l'absor-bant". Ces raisons eussent iléjù paru assez fortes pour établir

l'équation ZEç "HXoMOpç (I)vç. Mais de plus les théogo-

nies orphiques racontaient qu'au moment où brisant l'oeuf pri-

mitif, Phanès était apparu. il a'n il fait brillci'la luinièreet. éclairé

lemonde5 . C'était précisément ('e que la légende mnithi'iaque

rapportait du (lieu « né de la pj'' » tin flambeau à la tuai r,.

1) Kern, Orjli. fragin., n°2 ) Fisler, W11en,nanle1 un,! lIi,nrue!szdfl, II, 19](1, P. 122 S .f. Boulanger,

()rphee, 1925, p. 55.

3 ) 1raglrL, 237. Cf. Crupll» dans flu»Ior, Jexikou, toi. 2253, 31 ss.

4) 1'i1gin. 129, 167, 1711 ; f. Gruppe, col. 22611, Il «s.

5 ) FiagnI. 36 (p. 135)'li»iIeta[iil)nomnarmt ail apparendo, qiiiucuin

alparuisset, iuquiuitt, lux VffUisit. Ibid. (p. 13.

1)(I)jv'r'r 'pp                                                                                            xXct'edév'ro; 'r                                                                  ' &rÛ                 tv4v '4rouri3vTrupbÇ 'J t()() TZXpo')U)1&IOi . . . .OT)Ç l)7p&(OZXÇejvoSt &spOLç rv d — . E : t pjjragin. 86

110)tJ.7 ra, 0 o"p'b 'r'j3 Oc).ou çcr                                                                      3. -r . ),                                                                      Fragili. 57. Fragnl. 65 : (I)i; (l)vr?' y)v xd

7raccv 'ÇJ X'rLV.6) Mu,,. Mysi. Aliihra, I, p. 339 sa,, et (Al., Il 1, .1114 (                                                                      nsr, 370)                                                                      ithrae

gcn(itori) Iuiii(iuis)

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M11E1lA Et LORI'IIIsME7est-ce cc gran(l acte de la vie (le I11nivers qu'ont

choisi les sculpteurs (lui ont voulu représenter M it.lira-Phanès.Car nous en avons deux représentations, dont la signifi-cation, qui avait déjà été entrevue précédemment., est assu-rée et précisée par la découverte romaine. L'une est unmonument mis au jour àBorcovicuni, près du valium de

Bretagne le Mithra saxujenus y apparaît dans un encadrement

ovoïde, décoré des signes du zodiaque, entre les deux moitiésde l'oeuf dont il est issu'. L'autre plus compliquée est un bas-relief, probablement originaire (le Borne et conservé aujour-d'hui au musée de \lodène 2 , dont. ta dédicace, P(eciinia)

p(osuil) Feux peler (c'est-à-dire pater sacrorum), garantirait

l'origine mithriaque, si celle-ci ne ressortait suffisamment del'examen de ce morceau tic sculpture. On peut y constater,en effet, comment la description que donnaient les écrits

orphiques de Phanès naissant y a été utilisée en la modifiantd'après les spéculations astronomiques des mystères chaidéo-

persiques. Selon la théogonie d'Hiéronymos et d'llelianikos,le dieu sorti (te l'oeuf cosmique avait des ailes d'or aux épaulessur ses Ilancs avaient poussé des têtes de taureau, et sur sonchef un serpent monstrueux prenant l'apparence d'animauxmultiples 3 . Que voyons-nous sur notre bas-relief ? Un beau

jeune homme est debout entre les cieux morceaux de l'oeuf,dont il vient (le briser la coque et d'où jaillissent des flammes,image des feux dont Phanès a éclairé l'univers-; selon la

I) Mon. MqsI. M., 11, mon. 273 d et fig. 315; cf. t. I, p. 163 cl. Eisler, Wellen.,nanlel, p. 410.

2) Diavedoni, en 1863. avait rapproché cc bas-relier des cosmogoniesorphiques. Je l'ai republié, comme uninoriunient rnithriaque, sans écarter absolu.ment la thèse de Cavedoni, Revue archu1. 1902, I, p. 1 sq . isler, %Vellenn,anie.1,

11, P. 400 ss. u apporté de nouveaux arguments en faveur de l'interprétation

orphique.3) Fragm .54 (p. 131)6vro' (1.ov ouov?,

r'rpuy &itl. 5iuo' yovrr pua, 6ç &'at Ày6s ioarcpuxae.gCIXS 'rxépov xx)&,lèexXç 6pcxr'rx 7r€X()pLoviapptç 0pfcù 1v.?6vav. (.f. Fragm. 79: 'C) Or)lkuv )'.çoX&çp&pt to).c                                                                                            p.vxç 'r pd.ouç &rpLe'oro5 'r ?.é.ov'roç. Fragni. 81:'rovv 6 Oco?6yoç &r'r& xfi05 xc'. 'r'pou x(d ).ov'roç x6.xov'roç

er4 7cpvrOlç XEŒMÇ.4) Cf. supra note.

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H

68EVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS

théogonie, la moitié su périeure, (lusurmonte sa tète, repré-sente le ciel, l'autre, sur laquelle reposent ses pieds, la terre'.De ses épaules naissent de grandes ailes, qui expriment larapidité avec laquelle il répand la lumière dans le inonde2.Au-dessus de ses épaules, apparaissent les extrémités ducroissant lunaire, tandis que son visage juvénile, encadré d'unelongue chevelure bouclée, rappelle le type traditionnel de

Hélios. L'astre nocturne parait faire ici allusion à la Nuitoriginelle (Nu), (luenveloppait toutes choses de ténèbres et.qu'a illuminée soudain l'éclat de Phanés 3 . De ses lianes sur-gissent des têtes d'animaux, comme le veut la théogonie,mais cc ne sont pas celles de taureaux, au milieu un lion, ildroite un bélier et à gauche un bouc. Elles figurent manifes-tement des signes (lu zodiaque ; le Lion, qui règne ait (lel'été, le Bélier et le Capricorne, qui marquent le début du

printemps et. celui de l'hiver'. Le jeune dieu n'a pas le chefsurmonté (l'un serpent multiforme, tel que le décrivent Hié-ronvmos et Hellanikos, mais le reptile (luentoure son corpsde quatre replis, vient appliquer la tète 'ontr'e lecône supé-

rieur au-dessus de son visage. C'est là une imitation manifestedes statues mithriaques du Temps ou Aïôn, qu'enlace undragon où l'on voyait un symbole du cOUrS sinueux du soleil

à travers les constellations de l'écliptique. La similitude,certainement intentionnelle, entre les deux représentationss'expliquera si l'on se souvient que te Plia nés flc,)yovoçdevaitsa naissance au Temps, qui avait fr.riné I 'teuf générateur. Lefils ressemblait à son père. La même analogie se retrouved'ailleurs dans les textes orphiques qui décrivent Chronos etPlianès et leur prêtent un aspect similaire6.

Détail singulier, les jambes du dieu se terminent par des

I) F'ragm. 7.2) Hymne VI. 7'i'am. s7                                                                                  IeyàV nrctç rretpis

&yV ç J & o                                                                                  '6v, icp , ou Cc(vxVr.a,. Cf. I'rigin. 75, sI.3) 1"ragni. 65, 86, etc.4) Je roc permets (14, renvoyer pour cet t,' interprétation zodiacale, qu'appuient

d'autres monuments du culte de Mithra, :. la Revue archéologique, 1. e., p, 6.5) Mon. Mqst. MilJu'a. I, p. 79 .6) K cru, ne Orphei, Epimenidis t/eoyoiuiis, 188s, p. 26 s.

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7 ITHRA ET L'ORPHISME

sabots fendus. Gavedoni les a interprétés ingénieusement= comme figurant les pieds fourchus de Pan, conçu comme

maître du grand Tout et à qui Phanès était assimilé'. Lesattributs que tient notre divinité composite achèvent dedéterminer son caracLère : il saisit de la main droite le foudreet s'appuie de la gauche sur un sceptre : Ce sont les insignesde Zeus, avec lequel, nos trois inscriptions le rappellent,

Mithra était identifié comme l'était aussi Plianès selon ladoctrine des orphiques'.La bande ovale qui entoure la niche où se dresse l'image

divine, porte les représentations courantes des douze signes(lu zodiaque. Ces signes apparaissent fréquemment sur lesmonuments mithriaques', tantôt ils surmontent ou entourentle groupe du dieu t.auroctone tantôt - et ceci nous intéresseici davantage - ils encadrent la figure (le 'Mithra naissant4.

Leur signification est certaine partout ils représentent leciel constellé d'étoiles, que parcourt le soleil clans son coursannuel. Il était donc facile d'interpréter ce zodiaque commeétant Ouranos, dont un texte orphique fait la coquille del'oeuf cosmique 5 , ou l'Éther, fluide ardent qui suivant lesanciens alimente le feu des étoiles, car c'était au sein de l'ltlierque cet oeuf d'argent avait été formés.

1 ) Revue archéol., 1. C. Fragm. 54 (p. 131 fin) 11parrovov &'ueZ x1xct 7r&vTcùvx6.-rop x.l Xou —, a13 x6eou, & x.l 11&vz xz zOat. Cr. fi. 158,p. 216 et hymne orph. 11.                                                                                  ette interprétation est corroborée par ce fait qu'ontrouve des images de Pan entouré, connue notre Millira-Phanès, par la bandezodiacale (cf. Saglio Pottier, Dici., s. y . odiacus col. 1057). Elle est préférable écelle qui recorinait dans les extrémités inférieures de notre idole diai pattes detaureau, forme animale de Dionysos avec lequel Phaitès est souvent confondu(Eisler, op. cil.. p. 4n?).

2) Cf. supra, p. GO, n. 5 et P. 64.3) Mon. Mys!. Mithra, 1, P. 110.4) Outre le monument de Boreovicum cité plus ILOIII. (p. 67:, où la farine ovoïde

(le l'encadrement décèle l'intervention de la conception orphique, un bas-relieftrouvé récemment itTrèves, nous montre le Mithra sarijenus portant sur le brasgauche le globe solaire et soutenant de la main droite le cercle zodiacal qui l'en-toure, tandis que dans les angles extérieurs soufflent les quatre vent. (cf. infra, o - 7 0,mi. 2). Ce bas-relief a été publié par L,œschke, Die Erforschung des i'crnprlhr:irèesim Allbach, Berlin, 1925, pl. 28 et p. 16, et reproduit par Leipolt, Die Religion desMilhras (dans llaas, IliékraUas ztir Religion.sg., fasc. 15) 1930,u° 30.

5) Fragm. 706yozitupèv &vn, oGov &v 'ro'pv6ç. cf. Fragm. 56.

6) Ibid.:E'zus &z; xe6oç AOépt Mp 1 ccèv àpybptov. Cf. F'ragm. 73, 7 4.

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1

• r.

70FVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONSM. Eisler a noté que le Bélier et la Balance, signes des deux

équinoxes, sont placés l'un au-dessus de la têtedu dieu etl'autre sous ses pieds et il a rappelé que Porphyre dans unpassage dont la portée est d'ailleurs obscure, rapporte queMithra siégeait sur le cercle équinoctial, ayant â sa droite lenord et à sa gauche le midi'.

Comme la bande zodiacale, les quatre bustes des Vents

placés dans les écoinçons sont un emprunt à l'art mithziaque2.Celte disposition qu'on retrouve dans les planisphères yexprime probablement l'idée (les vents venant des quatrepoints cardinaux. Mais les mystères ont rattaché à ces divi-nités des spéculations sur la nature aérienne des âmes qu'en-traînent les souffles de l'atmosphère et celles-ci n'étaient pasétrangères à l'orphisme". Peut-être même celui-ci partageait-illa conception, attribuée aux anciens Pythagoriciens, d'un

répandu dans l'espace infini qui s'étend au delà du cielet qui entretient la respiration du monde comme l'atmosphèreterrestre celle de l'homme4.

Il est à première vue difficile de comprendre comment lesniiithriastes ont pu mettre d'accord leur tradition sacrée,attestée par une quantité de textes et de monuments figurés,suivant laquelle leur dieu était7poy4ç, né de la Peira

Geniirix, avec la doctrine orphique qui faisait sortir Phanès(l'un oeuf formé dans l'éther. Mais si l'on se souvient qued'une part la « pierre génératrice » d'où sort le dieu lumineux,

était probablement le ciel, conçu comme une voûte solide, d'où

jaillit la clarté (le l'aurore 1 et que d'autre part, scion la cos-niogonie orphique, l'oeuf cosmique se divisait, pour produire leciel et la terre (p. 67 s.), qu'illuminait l'éclat resplendissant. dePhanès, on pourra au moins entrevoir par quelle exégèse les

1) I'orph ,D

e 1 ntrr, Xymph. , 24.2) Mon. ,Il qsL .M.. I, p. 95 s. Cette lisposul ion se retrouve sur e lois-relief (le

Très es ci1 plus haut. 1p.69 ,

n. 4) et sur le rernarquahie bas rial lu I ),et,urr )ilehn,

Dos ,\fithrush&iq!u'n zu 1)., 1928, Pl. LI).3) Aristote, De anima, 410 b 19                                                                                            r. 27.4) Zûller, Philos. der Griechen, I», p. 436, n. 2.5) Mon. MzjsL Mithra, 1, p. 160.

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9 ITHRA ET L'ORPHISME1deux récits divergents ont pu être harmonisés. Le syncrétismepaïen par son système d'allégories est parvenu i'i concilier descontradictions plus flagrantes que celle-ci.

Nous avons essayé de montrer, en interprétant le bas-relief de Modène, comment les vieilles croyances que lessectateurs (le Mitiira avaient empruntées aux mages d'AsieMineure s'étaient combinées avec les descriptions fantastiques

des kpot ?dyot ou orphiques. On voudrait savoir à quelle dates'est produite cette confusion étrange. Aucun des monumentsqui l'attestent ne peut remonter au delà du 11e siècle de notreère', et il est possible que l'introduction (les doctrines orphiques

dans la théologie des mystères perses ne soit pas antérieure àl'époque impériale. Elle serait alors un effet de ce renouvel-lement de faveur dont, jouirent les écrits du Pseudo-Orphée,lorsque celui-ci fut considéré, ainsi que les prophètes de

l'Orient, comme le révélateur (l'une antique sagesse et l'ins-pirateur de la philosophie grecque. Mais bien que nous n'enpuissions fournir aucune preuve, il paraît probable que déjàles « maguséens sd'Anatolie, durant la période de syncrétismequi s'ouvre avec Alexandre, avaient déjà rapproché de leurstraditions religieuses le contenu des rhapsodies orphiques, quioffraient avec elles quelque affinité. Nous savons que les Juifs

de l'époque hellénistique prétendirent transformer le hérosthrace en un prédicateur du monothéisme et un disciple deMoïse, et combien cette falsification (le l'histoire parvint às'imposer, c'est ce citie nous a révélé la découverte de la syna-gogue de Doura, où une peinture représente Orphée jouant de

la lyre au milieu des animaux qu'apprivoisent ses accords.1.'1glise devait emprunter ce motif artistiqimemiu judaïsme.

Nous voudrions en terminant exprimer un voeu : le

mitbréum, d'où les trois inscriptions sont tombées au niveau

I) Je liai pas voulu citer un sarcophage d'Ostie, aujourd'hui au musée ticLatran, où Orphée est revêtu d ' ut costutrw dans lequel Fou u voulu recouiial Irecelui de Mitiira (cf. Kern, p. 4it, u' I-19(, on réalité cet accouLrejiient est prêté ù titioq u:i itI.ité de dieux ou tic personnages orientaux et il n'a rien de spéci hqtierueu tuiilhriaque, cf. Mon M'jsL Mdhru, I, p. 180; Mentor. Acead. '°°°I Areheulogia,III, 1932, P. 84.

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72EVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS 10

de la via Marmorala, était, probablement établi dans une grottecreusée dans la paroi rocheuse de I'Aventin. Il serait fort àsouhaiter que des recherches fussent entreprises pour leretrouver. L'association religieuse, probablement coni poséed'Orientaux, qui l'avait aménagé nous a laissé trois dédicacesd'un intérêt si exceptionnel, qu'elles font naître le désir d'ensavoir davantage siii' si composition et ses croyances.

I"ranz (uMoNr.

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