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23 Société & Sport Le Temps Jeudi 4 juin 2015 Bacsinszky prolonge la fête du tennis vaudois > Tennis Comme Wawrinka, la joueuse lausannoise est en demi-finale à Roland-Garros Les Valaisans ont la Coupe de Suisse; les Vaudois, eux, ont Ro- land-Garros. Ce jeudi matin, ils sont deux, un gars de Saint-Bar- thélemy, une fille de Belmont-sur- Lausanne, en demi-finale du plus prestigieux tournoi du monde sur terre battue. Timea Bacsinszky a rejoint Stan Wawrinka en élimi- nant mercredi la surprise de la quinzaine parisienne, la jeune Belge Alison Van Uytvanck (6-4 7-5). A l’issue du match, remporté en 1h46 sur le court Suzanne-Len- glen, la jeune femme a invité le public suisse à la fête. «Tout Lau- sanne peut monter à Paris pour nous soutenir, Stan et moi.» Les bonnes âmes sont priées d’apporter un papet vaudois. Ici, à Paris, Timea Bacsinszky ne sait plus quoi manger. «On a fait tous les restaurants autour de l’hôtel. Le chinois, le sushi, l’italien, la brasserie. Tout! Les serveurs me demandent si je compte rester en- core longtemps. Je ne sais pas…» Au moins encore un jour. Le temps de retrouver ce jeudi Se- rena Williams en demi-finale. Ce ne sera évidemment pas une par- tie de plaisir. Depuis trois saisons, l’Américaine perd vite ou va au bout des tournois qu’elle dispute. A Paris, elle peut ajouter un ving- tième titre du Grand Chelem à son palmarès XXL et se rapprocher du record de Steffi Graf (22). «Serena est favorite, bien sûr», admet Ti- mea Bacsinszky, qui a perdu leurs deux rares face-à-face. Elle se sou- vient qu’elle avait «quelques peti- tes ouvertures. Je n’avais pas su les saisir. J’en espérais d’autres qui ne sont jamais venues. C’est la diffé- rence avec les autres joueuses.» «T’es une dure à cuire, toi!» Leur précédent affrontement eut lieu en mars à Indian Wells. Timea Bacsinszky venait d’enchaî- ner deux titres (Acapulco et Mon- terrey) et 15 victoires de rang. En pleine confiance mais fatiguée, elle avait fait mieux que se défen- dre. «Sur le court, Serena m’avait lancé un truc du genre: «T’es une dure à cuire, toi!» Après le match, son entourage était venu me par- ler dans le vestiaire, me dire que j’avais bien joué. J’ai senti qu’elle me regardait avec respect, ce n’était pas ce regard arrogant qu’elle lance souvent aux joueu- ses.» C’est tout le tennis féminin qui la regarde différemment. A pas encore 26 ans (elle les fêtera lundi 8 juin), Timea Bac- sinszky a déjà eu trois vies: enfant prodige, adolescente perdue, jeune femme épanouie. Trois âges, comme tout le monde, sauf qu’elle n’était pas armée pour les transi- tions. Ex-future star du tennis (elle avait remporté deux fois le tour- noi des Petits As, officieux Cham- pionnat du monde des 12-14 ans, comme seule Martina Hingis avant elle), mais enfant martyre de ce sport où tant de joueuses ne font qu’accomplir la volonté d’un père, elle avait décidé de tout arrê- ter au début de l’année 2013. Son histoire, la rupture avec le père puis avec le tennis, les quel- ques mois dans un palace de Mon- treux à éplucher des pommes pour confectionner des tartes Ta- tin, l’e-mail de Roland-Garros en 2013 qui l’invite pour les qualifi- cations et la remet miraculeuse- ment en selle, sont devenus des musts de ses conférences de presse. Elle ne s’en lasse pas et ra- conte avec toujours autant de fraî- cheur comme son tennis a changé à partir du moment où elle a dé- cidé qu’elle jouait pour elle- même. «Décider, c’était quelque chose d’horrible parce qu’on ne m’avait jamais appris à faire mes propres choix.» Son revers, son point fort Timea Bacsinszky a fait la course en tête et globalement do- miné les échanges en faisant cou- rir une adversaire puissante mais peu mobile. Elle aurait pu gagner plus aisément, notamment le se- cond set, avec un coup droit plus sûr et une plus grande efficience sur ses nombreuses balles de break. Son revers, son meilleur coup, la tira de quelques mauvais pas quand le jeu se durcit en fin de manche. Aujourd’hui, on devine dans le regard des autres joueuses une forme d’envie devant sa liberté. Dans ce quart de finale qu’elle était supposée ne pas perdre face à la 93e mondiale, elle ne s’est ja- mais mis de pression excessive. L’enjeu (elle n’avait jamais fait mieux qu’un troisième tour dans les épreuves du Grand Chelem) n’a pas eu prise sur le plaisir du jeu. Il en sera de même contre Se- rena Williams. «Je ne joue pas ma vie sur ce match», assure-t-elle en riant. Laurent Favre PARIS Nadal tombe de haut mais promet de se relever > Tennis Victoire facile de Djokovic en 3 sets De mémoire de chroniqueur, on n’avait pas le souvenir d’avoir vu Rafael Nadal inspirer à Paris un sentiment ressemblant de près ou de loin à de la pitié. Venu plein d’espoir assister au choc des quarts de finale du tableau mas- culin, le public de Roland-Garros assista en un peu moins de 2h30 au déboulonnage en règle de la statue Nadal (7-5 6-3 6-1). Invaincu cette saison sur terre battue (tout comme Andy Murray, son adversaire en demi-finale), au-dessus du lot depuis huit mois, Novak Djokovic pouvait bien sûr devenir le deuxième homme à battre ici le nonuple vainqueur du tournoi. Ce qui semblait impossi- ble, c’est qu’il le fasse avec autant de marge et de facilité. Pressé d’en finir, Rafael Nadal se présenta encore fumant à la salle de presse. En anglais, en castillan puis en catalan, il s’exprima sans langue de bois. «Novak (Djokovic) a été meilleur que moi. Il n’y a rien à dire et quatre choses à faire: 1. le féliciter, 2. l’accepter, 3. compren- dre ce qui s’est passé, 4. travailler pour progresser. Tout est allé très vite. Trop vite. Je fais quelques pe- tites erreurs, cela tourne en sa fa- veur sur pas grand-chose. Ce n’est pas une grande surprise pour moi parce que je n’étais pas assez per- formant ces dernières semaines.» «Je doute depuis onze ans» «Je prends cette défaite avec mesure. Vous admettrez que j’ai toujours été mesuré lorsque je ga- gnais le tournoi. Je l’ai gagné neuf fois, j’ai perdu deux matchs. Je ne suis pas inquiet parce que je ne suis pas blessé. Lorsque vous êtes blessé, vous ne pouvez rien faire; là je peux travailler davantage pour revenir et essayer de gagner encore.» «Est-ce que je doute de moi? Je doute de moi-même depuis onze ans. Je suis 10e mondial parce que j’ai été blessé six mois et que j’ai mal joué trois mois. Mais je sais que je vaux mieux que ce classe- ment et je sais que je serai de nou- veau mieux classé. Je reviendrai ici à Paris et je reviendrai pour tenter de gagner une fois de plus.» L. Fe Echappe-toi si tu peux! > Tendance Les jeux d’évasion grandeur nature débarquent en Suisse romande > Le concept: les participants ont une heure pour s’enfuir. L’enfer, c’est la montre Adrià Budry Carbó Soixante minutes. C’est le temps que vous avez devant vous pour vous échapper de l’une des pièces confinées de ParaPark. Cet escape game («jeu d’évasion») à taille réelle a ouvert ses portes en mars dernier à Genève… pour mieux les refermer derrière les aventureux qui – par équipe de deux à cinq – se retrou- vent encabanés volontaires dans l’une de leurs deux salles thémati- ques. A choix: un laboratoire, théâ- tre d’une mystérieuse expérimenta- tion soviétique (ratée) sur des animaux, ou un studio habité par un esprit dérangé. Une fois la porte refermée, les participants sont livrés à eux-mê- mes. A eux de travailler en équipe et de faire marcher leurs méninges pour trouver tous les indices dont la pièce regorge. Le tout rythmé par le tic-tac obsédant de la minuterie si- tuée près de la porte de sortie. Les deux créateurs du ParaPark genevois, Attila Horvath et Regina Sipos, se sont inspirés de ce qui existe depuis quelques années déjà dans leur pays d’origine, la Hongrie, où des centaines d’ escape games ont vu le jour. «Il y a là-bas une quarantaine de compagnies différentes. Mais, à l’origine, le jeu a été créé au Japon et n’avait été pensé que pour une per- sonne. Le taux de réussite des partici- pants était alors très faible, moins de 2%. En Hongrie, un travailleur social a eu en 2008 l’idée de faire participer les gens en équipe.» Depuis, les Para- Park ont essaimé dans le monde. On en trouve à Zurich, en France, en Es- pagne ou au Chili. A Genève, Attila et Regina comptent surtout sur le bouche à oreille pour remplir leur cellule. Le mot est bien passé: en mai, 55 équipes embastillées volontaires se sont essayées à la grande éva- sion. Un hobby dévorant pour ces deux fonctionnaires internatio- naux qui prennent sur leurs soi- rées et week-ends pour gérer les deux salles. Leurs participants sont en général plutôt trentenaires même si ParaPark a déjà accueilli des familles et des retraités. «Nous avons aussi pas mal de touristes, de passage à Genève, qui viennent chez nous parce qu’ils y ont déjà joué dans d’autres villes», explique Regina. Reste que ce genre de jeux se heurte vite aux limites de leur modèle: les candidats recommen- cent rarement un escape game dont ils sont venus à bout. «Nous avons mis six mois à installer tout le ma- tériel, explique Attila. Nous ne sommes pas encore prêts à chan- ger l’intrigue mais nous le ferons dès que nous sentirons l’intérêt du public s’émousser.» Le Temps a souhaité, l’espace d’une soirée, relever le défi de ce huis clos angoissant. Marine Lé- guillon, Stéphanie De Oliveira et Frédéric Wasmer ont gentiment ac- cepté de nous servir de cobayes. Des cobayes tout de même un brin ten- dus devant la porte du Studio #113 et ses mystères. Clic, clac. La porte se referme et le chrono démarre son compte à re- bours. La salle est remplie d’objets bizarres, de coffres et de cadenas. Après quelques secondes d’hésita- tion, le déclic se produit. Les trois candidats se répartissent tacite- ment la tâche et partent tous explo- rer un coin de la salle. Livres, tableaux, meubles, rien ne doit être négligé. Les énigmes sont ingénieuses. L’enchaînement a été savamment orchestré mais ne laisse – seul regret – que peu de place pour les considérations liées au scénario ou à l’histoire du lieu. Impossible pourtant de ne pas se laisser prendre au jeu. Résolument professionnel, votre serviteur aban- donne pourtant assez vite sa cas- quette de journaliste pour partici- per à la quête collective. La résolution de deux ou trois énigmes fait vite monter l’excitation. «J’ai trouvé un truc. Viens!» Lequel? Mys- tère! Pas question ici de briser le suspense. Stéphanie résume: «Le plus surprenant dans ce jeu, c’est cette poussée d’adrénaline quand on résout une énigme et qu’on peut avancer.» De l’extérieur, les deux maîtres du jeu, Attila et Regina, se révèlent bons princes. Par talkie-walkie ou à l’aide d’images projetées, ils dis- tillent quelques indices pour déblo- quer les participants qui sèchent sur une combinaison. Cette assistance n’enlève pour- tant rien à la magie de la partie et permet à tous les concurrents – même les moins perspicaces – de progresser et d’avoir une chance de résoudre l’énigme ultime: celle qui «Le plus surprenant, c’est cette poussée d’adrénaline quand on résout une énigme et qu’on peut avancer» Fred, Marine et Stéphanie explorent chaque recoin du Studio #113 de ParaPark à la recherche d’indices. Ce concept de jeu d’évasion grandeur nature se développe un peu partout dans le monde. GENÈVE, 2 MAI 2015 MARK HENLEY/PANOS PICTURES débloque la porte de sortie. Une ca- méra – qui filme mais n’enregistre pas – permet aux organisateurs de suivre la progression des joueurs tout en s’assurant que tout se dé- roule dans les règles de l’art. On imagine les éclats de rire. «Parfois, oui, concède Attila. Mais le plus drôle, c’est ces dernières secondes où il ne manque aux participants plus qu’un objet pour s’échapper. Ils se mettent alors à retourner toute la salle à sa recherche.» Sortis à la dernière seconde non sans avoir saccagé le Studio #113, Fred, Marine et Stéphanie, le con- firment; dans un escape game, l’en- fer, ce n’est pas les autres, c’est la montre. ParaPark, 105, bvd de la Cluse, 1205 Genève. Coût par salle: 100 francs. geneve.parapark.ch/ Un modèle qui essaime un peu partout en Suisse et en Europe ö C’est à Lausanne que le premier escape game («jeu d’évasion») de Suisse romande a vu le jour. Alexei Konovalov, qui a fondé The Door en octobre dernier, propose deux salles: un bunker post-apocalyptique et une chambre victorienne avec une intrigue à la Sherlock Holmes. «Il y a clairement une tendance positive. Les gens sont un peu saturés par le numérique et veulent revenir au réel. Pour nous, plus il y a d’ escape room, plus cela permettra de nous faire connaître.» www.thedoorgame.com ö Autre lieu, autre ambiance. A Genève, Escape Geneva ouvrira ses deux premières salles sur la rue de Lausanne dès le 6 juillet. Là encore, le concept est le même avec des équipes de 2 à 5 joueurs. www.escape-geneva.ch ö Trip Trap Escape s’est aussi lancé sur le créneau avec Le Trésor de Jack Rackham. Une énigme de pirates, façon XVIIIe siècle, qui se déroule dans une cabine de bateau. Le tout sous la menace des canons de la marine anglaise. Le jeu est à décou- vrir jusqu’à ce dimanche. Il emmé- nagera dans un local du centre-ville à partir de septembre et proposera deux nouvelles énigmes locales: L’Escalade et Frankenstein. Aurèle Barde, 30 ans, cofondateur, a décou- vert le concept lors d’un séjour à Paris. Il est allé récupérer des plan- ches sur le chantier du CEVA et se consacre aujourd’hui à plein temps à ce jeu: «Ce qui me fascine c’est ces quatre secondes pendant lesquelles les participants se regardent cir- conspects. Passé ce laps de temps, tout le monde se retrouve agenouillé pour chercher si la clé n’est pas sous un meuble. L’adolescent comme le directeur de boîte.» www.triptrapescape.ch A.B.C.

Fred, Marine et Stéphanie explorent chaque recoin du ... · record de Steffi Graf (22). «Serena est favorite, bien sûr», admet Ti-mea Bacsinszky, qui a perdu leurs deux rares

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Page 1: Fred, Marine et Stéphanie explorent chaque recoin du ... · record de Steffi Graf (22). «Serena est favorite, bien sûr», admet Ti-mea Bacsinszky, qui a perdu leurs deux rares

23Société & SportLe TempsJeudi 4 juin 2015

Bacsinszky prolonge la fête du tennis vaudois> Tennis Comme Wawrinka, la joueuse lausannoise est en demi-finale à Roland-Garros

Les Valaisans ont la Coupe deSuisse; les Vaudois, eux, ont Ro-land-Garros. Ce jeudi matin, ilssont deux, un gars de Saint-Bar-thélemy, une fille de Belmont-sur-Lausanne, en demi-finale du plusprestigieux tournoi du monde surterre battue. Timea Bacsinszky arejoint Stan Wawrinka en élimi-nant mercredi la surprise de la quinzaine parisienne, la jeuneBelge Alison Van Uytvanck (6-47-5). A l’issue du match, remportéen 1h46 sur le court Suzanne-Len-glen, la jeune femme a invité lepublic suisse à la fête. «Tout Lau-sanne peut monter à Paris pournous soutenir, Stan et moi.»

Les bonnes âmes sont priéesd’apporter un papet vaudois. Ici, àParis, Timea Bacsinszky ne saitplus quoi manger. «On a fait tousles restaurants autour de l’hôtel.Le chinois, le sushi, l’italien, la brasserie. Tout! Les serveurs medemandent si je compte rester en-core longtemps. Je ne sais pas…»

Au moins encore un jour. Letemps de retrouver ce jeudi Se-rena Williams en demi-finale. Cene sera évidemment pas une par-tie de plaisir. Depuis trois saisons,l’Américaine perd vite ou va au

bout des tournois qu’elle dispute.A Paris, elle peut ajouter un ving-tième titre du Grand Chelem à sonpalmarès XXL et se rapprocher durecord de Steffi Graf (22). «Serena est favorite, bien sûr», admet Ti-mea Bacsinszky, qui a perdu leursdeux rares face-à-face. Elle se sou-vient qu’elle avait «quelques peti-tes ouvertures. Je n’avais pas su lessaisir. J’en espérais d’autres qui nesont jamais venues. C’est la diffé-rence avec les autres joueuses.»

«T’es une dure à cuire, toi!»Leur précédent affrontement

eut lieu en mars à Indian Wells.Timea Bacsinszky venait d’enchaî-ner deux titres (Acapulco et Mon-terrey) et 15 victoires de rang. En pleine confiance mais fatiguée,elle avait fait mieux que se défen-dre. «Sur le court, Serena m’avaitlancé un truc du genre: «T’es unedure à cuire, toi!» Après le match, son entourage était venu me par-ler dans le vestiaire, me dire quej’avais bien joué. J’ai senti qu’elleme regardait avec respect, cen’était pas ce regard arrogantqu’elle lance souvent aux joueu-ses.» C’est tout le tennis fémininqui la regarde différemment.

A pas encore 26 ans (elle lesfêtera lundi 8 juin), Timea Bac-sinszky a déjà eu trois vies: enfantprodige, adolescente perdue,jeune femme épanouie. Trois âges,comme tout le monde, sauf qu’ellen’était pas armée pour les transi-tions. Ex-future star du tennis (elleavait remporté deux fois le tour-noi des Petits As, officieux Cham-pionnat du monde des 12-14 ans,comme seule Martina Hingisavant elle), mais enfant martyrede ce sport où tant de joueuses nefont qu’accomplir la volonté d’unpère, elle avait décidé de tout arrê-ter au début de l’année 2013.

Son histoire, la rupture avec lepère puis avec le tennis, les quel-ques mois dans un palace de Mon-treux à éplucher des pommespour confectionner des tartes Ta-tin, l’e-mail de Roland-Garros en2013 qui l’invite pour les qualifi-cations et la remet miraculeuse-ment en selle, sont devenus desmusts de ses conférences depresse. Elle ne s’en lasse pas et ra-conte avec toujours autant de fraî-cheur comme son tennis a changéà partir du moment où elle a dé-cidé qu’elle jouait pour elle-même. «Décider, c’était quelque

chose d’horrible parce qu’on nem’avait jamais appris à faire mespropres choix.»

Son revers, son point fortTimea Bacsinszky a fait la

course en tête et globalement do-miné les échanges en faisant cou-rir une adversaire puissante maispeu mobile. Elle aurait pu gagnerplus aisément, notamment le se-cond set, avec un coup droit plussûr et une plus grande efficiencesur ses nombreuses balles debreak. Son revers, son meilleurcoup, la tira de quelques mauvais pas quand le jeu se durcit en fin demanche.

Aujourd’hui, on devine dans leregard des autres joueuses uneforme d’envie devant sa liberté.Dans ce quart de finale qu’elleétait supposée ne pas perdre faceà la 93e mondiale, elle ne s’est ja-mais mis de pression excessive.L’enjeu (elle n’avait jamais faitmieux qu’un troisième tour dansles épreuves du Grand Chelem)n’a pas eu prise sur le plaisir dujeu. Il en sera de même contre Se-rena Williams. «Je ne joue pas ma vie sur ce match», assure-t-elle enriant. Laurent Favre PARIS

Nadal tombe de haut mais promet de se relever> Tennis Victoire facile de Djokovic en 3 sets

De mémoire de chroniqueur,on n’avait pas le souvenir d’avoirvu Rafael Nadal inspirer à Paris unsentiment ressemblant de près oude loin à de la pitié. Venu plein d’espoir assister au choc desquarts de finale du tableau mas-culin, le public de Roland-Garrosassista en un peu moins de 2h30au déboulonnage en règle de la statue Nadal (7-5 6-3 6-1).

Invaincu cette saison sur terrebattue (tout comme Andy Murray,son adversaire en demi-finale),au-dessus du lot depuis huit mois,Novak Djokovic pouvait bien sûrdevenir le deuxième homme àbattre ici le nonuple vainqueur dutournoi. Ce qui semblait impossi-ble, c’est qu’il le fasse avec autant de marge et de facilité.

Pressé d’en finir, Rafael Nadal seprésenta encore fumant à la salle de presse. En anglais, en castillanpuis en catalan, il s’exprima sanslangue de bois. «Novak (Djokovic)a été meilleur que moi. Il n’y a rienà dire et quatre choses à faire: 1. leféliciter, 2. l’accepter, 3. compren-dre ce qui s’est passé, 4. travailler

pour progresser. Tout est allé trèsvite. Trop vite. Je fais quelques pe-tites erreurs, cela tourne en sa fa-veur sur pas grand-chose. Ce n’estpas une grande surprise pour moiparce que je n’étais pas assez per-formant ces dernières semaines.»

«Je doute depuis onze ans»«Je prends cette défaite avec

mesure. Vous admettrez que j’aitoujours été mesuré lorsque je ga-gnais le tournoi. Je l’ai gagné neuffois, j’ai perdu deux matchs. Je nesuis pas inquiet parce que je nesuis pas blessé. Lorsque vous êtesblessé, vous ne pouvez rien faire;là je peux travailler davantagepour revenir et essayer de gagner encore.»

«Est-ce que je doute de moi? Jedoute de moi-même depuis onzeans. Je suis 10e mondial parce quej’ai été blessé six mois et que j’aimal joué trois mois. Mais je saisque je vaux mieux que ce classe-ment et je sais que je serai de nou-veau mieux classé. Je reviendrai icià Paris et je reviendrai pour tenterde gagner une fois de plus.» L. Fe

Echappe-toisi tu peux!> Tendance Les jeux d’évasion grandeur nature débarquent en Suisse romande> Le concept: les participants ont une heure pour s’enfuir. L’enfer, c’est la montre

Adrià Budry Carbó

Soixante minutes. C’est le tempsque vous avez devant vous pour vous échapper de l’une des pièces confinées de ParaPark. Cet escape game («jeu d’évasion») à taille réelle a ouvert ses portes en mars dernier àGenève… pour mieux les refermer derrière les aventureux qui – par équipe de deux à cinq – se retrou-vent encabanés volontaires dans l’une de leurs deux salles thémati-ques. A choix: un laboratoire, théâ-tre d’une mystérieuse expérimenta-tion soviétique (ratée) sur des animaux, ou un studio habité par un esprit dérangé.

Une fois la porte refermée, lesparticipants sont livrés à eux-mê-mes. A eux de travailler en équipe et de faire marcher leurs méninges pour trouver tous les indices dont la

pièce regorge. Le tout rythmé par le tic-tac obsédant de la minuterie si-tuée près de la porte de sortie.

Les deux créateurs du ParaParkgenevois, Attila Horvath et Regina Sipos, se sont inspirés de ce qui existedepuis quelques années déjà dans leur pays d’origine, la Hongrie, où des centaines d’escape games ont vu le jour. «Il y a là-bas une quarantaine de compagnies différentes. Mais, à l’origine, le jeu a été créé au Japon et n’avait été pensé que pour une per-sonne. Le taux de réussite des partici-pants était alors très faible, moins de2%. En Hongrie, un travailleur social a eu en 2008 l’idée de faire participerles gens en équipe.» Depuis, les Para-Park ont essaimé dans le monde. On en trouve à Zurich, en France, en Es-pagne ou au Chili.

A Genève, Attila et Reginacomptent surtout sur le bouche à

oreille pour remplir leur cellule. Lemot est bien passé: en mai, 55 équipes embastillées volontaires se sont essayées à la grande éva-sion. Un hobby dévorant pour ces deux fonctionnaires internatio-naux qui prennent sur leurs soi-rées et week-ends pour gérer les deux salles. Leurs participants sonten général plutôt trentenaires même si ParaPark a déjà accueilli des familles et des retraités. «Nousavons aussi pas mal de touristes, depassage à Genève, qui viennent chez nous parce qu’ils y ont déjà joué dans d’autres villes», expliqueRegina. Reste que ce genre de jeuxse heurte vite aux limites de leurmodèle: les candidats recommen-cent rarement un escape game dontils sont venus à bout. «Nous avons mis six mois à installer tout le ma-tériel, explique Attila. Nous ne sommes pas encore prêts à chan-ger l’intrigue mais nous le ferons dès que nous sentirons l’intérêt du public s’émousser.»

Le Temps a souhaité, l’espaced’une soirée, relever le défi de ce huis clos angoissant. Marine Lé-guillon, Stéphanie De Oliveira et Frédéric Wasmer ont gentiment ac-cepté de nous servir de cobayes. Des cobayes tout de même un brin ten-dus devant la porte du Studio #113 et ses mystères.

Clic, clac. La porte se referme et lechrono démarre son compte à re-bours. La salle est remplie d’objets bizarres, de coffres et de cadenas. Après quelques secondes d’hésita-tion, le déclic se produit. Les trois candidats se répartissent tacite-ment la tâche et partent tous explo-rer un coin de la salle.

Livres, tableaux, meubles, rien nedoit être négligé. Les énigmes sont ingénieuses. L’enchaînement a été savamment orchestré mais ne laisse– seul regret – que peu de place pourles considérations liées au scénario ou à l’histoire du lieu.

Impossible pourtant de ne pas selaisser prendre au jeu. Résolument professionnel, votre serviteur aban-donne pourtant assez vite sa cas-quette de journaliste pour partici-

per à la quête collective. La résolution de deux ou trois énigmesfait vite monter l’excitation. «J’ai trouvé un truc. Viens!» Lequel? Mys-tère! Pas question ici de briser le suspense. Stéphanie résume: «Le plus surprenant dans ce jeu, c’est cette poussée d’adrénaline quand on résout une énigme et qu’on peut avancer.»

De l’extérieur, les deux maîtresdu jeu, Attila et Regina, se révèlent bons princes. Par talkie-walkie ou à l’aide d’images projetées, ils dis-tillent quelques indices pour déblo-quer les participants qui sèchent surune combinaison.

Cette assistance n’enlève pour-tant rien à la magie de la partie et permet à tous les concurrents – même les moins perspicaces – de progresser et d’avoir une chance de résoudre l’énigme ultime: celle qui

«Le plus surprenant, c’est cette poussée d’adrénaline quand on résout une énigme et qu’on peut avancer»

Fred, Marine et Stéphanie explorent chaque recoin du Studio #113 de ParaPark à la recherche d’indices. Ce concept de jeu d’évasion grandeur nature se développe un peu partout dans le monde. GENÈVE, 2 MAI 2015

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débloque la porte de sortie. Une ca-méra – qui filme mais n’enregistre pas – permet aux organisateurs de suivre la progression des joueurs tout en s’assurant que tout se dé-roule dans les règles de l’art. On imagine les éclats de rire. «Parfois, oui, concède Attila. Mais le plus drôle, c’est ces dernières secondes où il ne manque aux participants plus qu’un objet pour s’échapper. Ilsse mettent alors à retourner toute lasalle à sa recherche.»

Sortis à la dernière seconde nonsans avoir saccagé le Studio #113, Fred, Marine et Stéphanie, le con-firment; dans un escape game, l’en-fer, ce n’est pas les autres, c’est la montre.

ParaPark, 105, bvd de la Cluse, 1205 Genève. Coût par salle: 100 francs. geneve.parapark.ch/

Un modèle qui essaime un peu partout en Suisse et en Europeö C’est à Lausanne que le premier escape game («jeu d’évasion») de Suisse romande a vu le jour. Alexei Konovalov, qui a fondé The Door en octobre dernier, propose deux salles: un bunker post-apocalyptique et une chambre victorienne avec une intrigue à la Sherlock Holmes. «Il y a clairement une tendance positive. Les gens sont un peu saturés par le numérique et veulent revenir au réel. Pour nous, plus il y a d’escape room, plus cela permettra de nous faire connaître.»www.thedoorgame.comö Autre lieu, autre ambiance. A

Genève, Escape Geneva ouvrira ses deux premières salles sur la rue de Lausanne dès le 6 juillet. Là encore, le concept est le même avec des équipes de 2 à 5 joueurs.www.escape-geneva.chö Trip Trap Escape s’est aussi lancé sur le créneau avec Le Trésor de Jack Rackham. Une énigme de pirates, façon XVIIIe siècle, qui se déroule dans une cabine de bateau. Le tout sous la menace des canons de la marine anglaise. Le jeu est à décou-vrir jusqu’à ce dimanche. Il emmé-nagera dans un local du centre-ville à partir de septembre et proposera

deux nouvelles énigmes locales: L’Escalade et Frankenstein. Aurèle Barde, 30 ans, cofondateur, a décou-vert le concept lors d’un séjour à Paris. Il est allé récupérer des plan-ches sur le chantier du CEVA et se consacre aujourd’hui à plein temps à ce jeu: «Ce qui me fascine c’est ces quatre secondes pendant lesquelles les participants se regardent cir-conspects. Passé ce laps de temps, tout le monde se retrouve agenouillé pour chercher si la clé n’est pas sous un meuble. L’adolescent comme le directeur de boîte.»www.triptrapescape.ch A.B.C.