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Le pouvoir du diplôme : un élément important à considérer dans l’étude des trajectoires de mobilité géographique des jeunes Frédéric Deschenaux, Ph.D. Professeur

Frédéric Deschenaux, Ph.D. Professeur

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Le pouvoir du diplôme : un élément important à considérer dans l’étude des trajectoires de mobilité géographique des jeunes. Frédéric Deschenaux, Ph.D. Professeur. Introduction. - PowerPoint PPT Presentation

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Le pouvoir du diplôme : un élément important à considérer dans l’étude des

trajectoires de mobilité géographique des jeunes

Frédéric Deschenaux, Ph.D.Professeur

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Introduction

Le discours populaire véhicule la thèse selon laquelle les jeunes doivent prendre en main leur insertion professionnelle.

On les enjoint à la scolarisation et à la mobilité géographique pour améliorer leurs perspectives d’emploi.

Or, un examen de la situation des jeunes sur le marché de l’emploi permet de constater des disparités entre les diplômés, notamment en ce qui a trait au taux de chômage et à la rémunération.

En d’autres mots, l’insertion professionnelle ne se déroule pas de la même façon pour tous les jeunes, même lorsqu’ils utilisent

les mêmes stratégies, entre autres la mobilité géographique.

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La scolarisation des jeunes

À l’aide des outils créés dans la foulée du Rapport Parent (Cégeps, UQ, Prêts et bourses), on constate de nets progrès sur une période d’une trentaine d’années chez les personnes de 15 ans et plus.

En 1971, 80 % de la population avait moins d’une 13e année de scolarité alors qu’en 2001 cette proportion n’était que de 58 %.

Durant la même période, la proportion de personnes détenant un baccalauréat est passée de 4,6 % à 14 %.

Or, si tous les jeunes ont accès à l’enseignement supérieur, ils n’y accèdent pas tous et, encore moins, ne diplôment pas tous.

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Le cheminement dans le système scolaire québécois

Source : MELS, 2007

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La mobilité géographique des jeunes

Depuis toujours, des jeunes québécois sont mobiles sur le territoire; ils quittent leur région d’origine pour aller étudier ou travailler. Or, à d’autres époques, le fait que les familles étaient plus nombreuses camouflait le départ de ces jeunes mobiles, ce qui n’est plus le cas de nos jours, soulevant un certain nombre de questions par rapport à la mobilité géographique de cette catégorie de la population. Le départ des jeunes, notamment des régions dites périphériques (ou encore région-ressources ou bien régions éloignées) devient alors un problème exacerbé par une baisse démographique généralisée de ces régions et par un chômage supérieur à la moyenne souvent lié à la fermeture d’usines des secteurs primaires et secondaires, dans des économies fortement axées sur l’extraction de matières premières ou sur la transformation de biens.

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La mobilité géographique… suite

Selon les travaux du Groupe de recherche sur la migration des jeunes (GRMJ), près de la moitié des jeunes de 20 à 34 ans ont quitté leur région d’origine pour différents motifs.

Les études constituent l’un des motifs le plus souvent cités pour expliquer le départ du milieu d’origine, phénomène notamment lié à la répartition sur les territoires des institutions d’enseignement supérieur.

Le désir de « vivre leur vie » est très présent, les jeunes voulant tenter de nouvelles expériences ou vivre dans un nouveau milieu, afin de s’affranchir de leur milieu d’origine.

Contrairement à une croyance assez répandue, seulement un peu plus d’un jeune sur dix quitte le milieu d’origine pour travailler (12,6 %).

Ce sont surtout les moins scolarisés qui sont mobiles pour des raisons d’emploi.

La mobilité géographique est plus fréquente en région périphérique qu’en région métropolitaine.

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Niveau nécessitant le départ de la région d’origine

Tiré de : Deschenaux et Laflamme, 2007

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La responsabilisation des jeunes

Dans notre société très individualiste, chacun est responsable de son sort. Il doit faire les efforts nécessaires pour tirer son épingle du jeu. Le marché de l’emploi n’arrive plus à intégrer toutes les personnes, non pas en raison d’un manque d’emploi, au contraire.

En fait, l’emploi est loin de manquer dans nos sociétés, comme en font foi l’augmentation jamais égalée du nombre d’heures supplémentaires de travail et des contrats à durée déterminée observables dans les économies occidentales (Fournier et Bourassa, 2000; Vultur, 2003; 2006)

Dans cette situation, on assiste souvent à un glissement de sens, c’est-à-dire qu’on transforme une possible marginalisation objective en une marginalisation subjective.

Plutôt que de prendre en considération les aléas du marché de l’emploi et les comportements des employeurs comme potentiels obstacles à l’obtention d’un emploi, on envoie le message à l’individu que sa capacité à se trouver un emploi est uniquement tributaire de ses compétences personnelles

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Questions de recherche

Ces dernières années, les explications sociologiques mettent l’individu à l’avant-plan et les structures sociales sont laissées dans l’ombre. Ainsi, cette contribution vise à montrer que l’étude de l’insertion professionnelle des jeunes bénéficierait de l’apport explicatif d’une perspective plus structurelle.Plusieurs jeunes quittent leur région notamment pour aller étudier.Il existe encore des disparités sur le marché de l’emploi selon le niveau de scolarité. De même, les recherches montrent que plusieurs jeunes reviennent dans leur région d’origine après l’avoir quittée. Reviennent-ils pour se trouver un emploi ou est-ce parce qu’ils ont un emploi qu’ils reviennent? Nous postulons que les disparités entre les jeunes sur le marché de l’emploi pourraient être expliquées par leurs titres scolaires et nous posons l’hypothèse qu’une personne sera plus encline à revenir dans sa région après l’avoir quittée pour étudier si son diplôme lui confère davantage de pouvoir sur le marché de l’emploi.

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Le pouvoir du diplôme

Le diplôme académique prend sa pleine dimension sur le marché de l’emploi et dans les espaces professionnels principalement en fonction de sa rareté.

Suivant la loi de l’offre et de la demande, plus une situation est courante, moins elle présente de rareté, moins elle est donc assortie de pouvoir.

La rareté d’un titre scolaire est, quant à elle, étroitement liée aux changements technologiques, aux découvertes scientifiques, aux contingences inscrites dans les réalités culturelles, sociales et économiques d’une société.

Ces contingences résultent des forces en présence qui tentent de les définir et de les orienter à leur avantage. Elles sont, en quelque sorte, le fruit de négociations constantes entre les employeurs, les salariés syndiqués ou non et l’État.

À plusieurs égards, le système d’enseignement, chargé, entre autres, de la formation de la main-d’œuvre, est à la remorque des acteurs participant des négociations.

Il est important de noter que le pouvoir du diplôme est loin d’être lié aux aptitudes intellectuelles qu’il exige pour l’obtenir (Deschenaux et Laflamme, 2007; Laflamme, 2000).

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L’inflation des diplômes

Dans le contexte d’une hausse de la certification et de la qualification de l’offre de travail, on assiste au Québec à des situations persistantes de suréducation (Vultur, 2006). Il est en soi positif qu’une plus grande proportion de la population accède aux études postsecondaires. Toutefois, dans un contexte où les diplômés sont nombreux par rapport aux postes disponibles, cette situation peut mener à une inflation des diplômes. Comme la rareté est synonyme de pouvoir de négociation sur un marché, l’abondance d’un titre scolaire sur un marché ou dans un segment de ce marché mène à une perte du pouvoir du diplôme (Laflamme, 1996; Deschenaux et Laflamme, 2007).Passeron (1982) a été l’un des premiers à décrire ce phénomène de « dévaluation produit par l’accroissement des effectifs scolarisés sur la « valeur » du diplôme » (p.551).Il mentionne également que « la logique de l’inflation impose globalement des stratégies de même sens, même si la modalité, l’intensité et surtout les moyens de ces stratégies d’adaptation varient fortement selon les enjeux propres aux différents groupes sociaux » (p.559).

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Repères méthodologiques

Les données présentées proviennent d’un sondage téléphonique mené en 2004-2005 auprès de 5997 jeunes âgés entre 20 et 34 ans par le Groupe de recherche sur la migration des jeunes (GRMJ). Plus précisément, ce sont les jeunes qui ont surtout été actifs sur le marché de l’emploi (travaillant à temps plein ou à temps partiel ou en recherche d’emploi) au cours de l’année de référence qui ont été retenus pour ce chapitre. Cette sélection s’impose étant donné que nous voulons étudier les jeunes qui ont intégré le marché de l’emploi au terme de leur scolarisation, peu importe à quel niveau elle s’est arrêtée. Ainsi, 3855 jeunes ont surtout été actifs sur le marché de l’emploi au cours de l’année de l’enquête. De ce nombre, nous conservons pour les analyses que les jeunes qui ont quitté leur lieu d’origine pour aller étudier, soit 1240 personnes. Les deux tiers ont quitté sans revenir (827 personnes), les autres (413 personnes) sont revenus dans leur région.

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Un indice de pouvoir du diplôme (Deschenaux et Laflamme, 2007)

Le type d’activité sur le marché de l’emploi est la première variable utilisée.

Une situation de travail à temps plein donnait 1 point; un emploi à temps partiel donnait 0,50 point;une situation de recherche d’emploi donnait 0,25 point.

Le revenu annuel de la répondante ou du répondant est une autre variable entrant dans la composition de l’indice.

Un revenu de moins de 14 999 $ par année vaut 0,25 point dans l’indice; 15 000 $ à 29 999 $ vaut 0,50 point; 30 000 $ à 59 999 $ vaut 0,75 point; 60 000 $ et plus vaut 1 point dans l’indice.

La correspondance travail-études est la variable centrale dans l’indice. À cet effet, un emploi estimé en relation avec les études donnait 3 points, alors qu’une réponse négative ne donnait pas de point. Dans cet esprit, une personne travaillant à temps plein et obtenant une bonne rémunération obtiendra le maximum de points à l’indice si l’emploi occupé est en lien avec ses études.

La distribution théorique de l’indice varie donc de 0,25 à 5 points. La distribution empirique s’étale de 0,75 point à 5 points. En moyenne, les jeunes de l’échantillon ont obtenu 3,76 points, avec un écart-type de 1,4 point.

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Le pouvoir du diplôme

Rang Niveau de scolarité Domaine Moyenne Catégorie

1 Universitaire Administration 4,53 Très fort

2 Universitaire Sciences de la santé 4,45 Très fort

3 Secondaire professionnel DEP-sciences de la santé 4,42 Très fort

4 Universitaire Sciences de l'éducation 4,42 Très fort

5 Universitaire Sciences de la nature et appliquées 4,41 Très fort

6 Collégial technique DEC Technique-sciences de la santé 4,04 Fort

7 Secondaire professionnel DEP-sciences humaines 3,89 Fort

8 Secondaire professionnel DEP-sciences physiques 3,86 Fort

9 Collégial technique DEC Technique-sciences physiques 3,82 Fort

10 Secondaire professionnel DEP-administration 3,79 Fort

11 Collégial technique DEC Technique-Administration 3,75 Fort

12 Collégial technique DEC Technique-sciences naturelles 3,65 Moyen

13 Universitaire Lettres, Sciences humaines et Arts 3,62 Moyen

14 Collégial technique DEC Technique-sciences humaines 3,39 Moyen

15 Secondaire professionnel DEP-sciences naturelles 3,25 Moyen

16 Collégial pré-universitaire Sciences humaines 2,48 Faible

17 Collégial pré-universitaire Sciences de la nature 2,24 Faible

Distribution de la moyenne à l’indice de pouvoir du diplôme

Source : Deschenaux et Laflamme, 2007, p.206

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Pouvoir du diplôme et mobilité géographique

Tiré de : Deschenaux et Laflamme, 2007

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Pouvoir du diplôme et satisfaction face aux conditions de travail

Tiré de : Deschenaux et Laflamme, 2007

On pouvait s’y attendre…

Intériorisation du discours dominant?

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Discussion

L’examen de l’indice de pouvoir du diplôme au regard du profil de mobilité géographique et du type de région d’origine permet de constater que les marchés de l’emploi régionaux accordent un pouvoir différent aux titres scolaires. La grande diversité des économies métropolitaines fait en sorte que la plupart des diplômes peuvent y être reconnus. Toutefois, dans les régions intermédiaires, on semble faire une place importante aux diplômes jouissant d’un fort pouvoir. Ces diplômes se concentrent exclusivement du côté de la formation professionnelle et technique (tableau 1). Certes, les diplômes universitaires bénéficiant presque tous d’un très fort pouvoir peuvent y être mobilisés, mais il semble que les diplômes professionnels et techniques dans plusieurs domaines ont la cote. Du côté des régions périphériques, le constat est semblable, avec un avantage pour les formations professionnelles et techniques.

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La structuration des espaces professionnels

La situation des diplômés présentant un très fort pouvoir pourrait s’expliquer par la structuration des espaces professionnels auxquels se destinent ces diplômes. En effet, les diplômes en administration (comptabilité, ressources humaines), en sciences de la santé (médecine, soins infirmiers), en éducation (enseignement) ou en sciences de la nature et appliquées (génie, chimie) donnent accès à des espaces professionnels très fermés. La plupart de ces diplômes requièrent l’appartenance à un ordre professionnel ou encore exigent l’obtention d’un permis de pratique (l’enseignement, notamment) qui limitent l’accès à ces espaces professionnels. Cette fermeture de l’espace professionnel garantirait de meilleures conditions de travail, malgré le fait que l’économie régionale ne soit pas en prédominance tournée vers ces domaines.L’espace professionnel des diplômes bénéficiant d’un fort pouvoir est aussi relativement fermé.

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Situation paradoxale…

Le pouvoir du diplôme pourrait expliquer en partie le retour des jeunes qui avaient quitté leur région pour aller étudier. En partie, parce que deux comportements semblent s’opposer à l’examen de nos données. En effet, les jeunes les plus nombreux à revenir dans leur région d’origine sont les détenteurs de diplômes jouissant d’un très fort pouvoir et ceux qui ont un diplôme assorti d’un faible pouvoir. Comment expliquer ces situations en apparence contradictoires? Nous intuitionnons que les jeunes détenant un diplôme assorti d’un faible pouvoir reviennent dans leur région dans l’espoir d’y décrocher un emploi. Rappelons que ce sont des titulaires de diplômes du collégial préuniversitaire. En conséquence, ils peuvent se trouver un emploi qui ne demande pas nécessairement de qualification particulière, comme il en existe plusieurs dans le secteur des services.

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Situation paradoxale…

A contrario, les titulaires de diplômes jouissant d’un très fort pouvoir pourraient être portés à revenir en raison de la pénurie de personnel qualifié rencontrée dans plusieurs domaines visés par ces diplômes, comme la santé et l’éducation. L’inadéquation provoquée par un nombre de postes supérieur au nombre de diplômés augmente le pouvoir du titre.

Pénurie dans certains secteurs (santé, éducation)

Le pouvoir du diplôme semble très lié à la structuration des espaces professionnels auxquels se destinent les détenteurs de ces diplômes, ce qui les avantage clairement.

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En somme…

L’analyse du pouvoir du diplôme apporte un éclairage intéressant et porteur d’explications concernant l’insertion professionnelle et la mobilité géographique. Ce concept a l’avantage de centrer le point de vue sur les conditions objectives d’insertion professionnelle, ne remettant pas en cause les qualités personnelles des jeunes. Un titre scolaire, quel qu’il soit, n’a pas la même valeur partout, car le marché de l’emploi, avec ses caractéristiques spécifiques, teinte le pouvoir qu’il confère aux diplômés qui en sont les porteurs.