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FUMEURS TRÈS DÉPENDANTS ET PSYCHOTRAUMATISMES « Quelles implications en tabacologie pratique ? » Dr Gabrielle ERRARD-DUBOIS Esvres-sur-Indre, France Congrès de la Société Francophone de Tabacologie, Paris, Novembre 2017 Dr Nathalie JAN Loches, France

FUMEURS TRÈS DÉPENDANTS ET PSYCHOTRAUMATISMESsociete-francophone-de-tabacologie.org/dl/csft2017-ErrardDubois-Ja… · Hamilton ≥ 15 (125 patients) Hamilton < 15 (74 patients)

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FUMEURS TRÈS DÉPENDANTS ET PSYCHOTRAUMATISMES

« Quelles implications en tabacologie pratique ? »

Dr Gabrielle ERRARD-DUBOIS Esvres-sur-Indre, France

Congrès de la Société Francophone de Tabacologie, Paris, Novembre 2017

Dr Nathalie JAN Loches, France

Recommandations HAS 2013

et abstinence

1° Les résultats obtenus avec les prises en charge recommandées à ce jour sont encore très insuffisants. 74 % des fumeurs restent sur le carreau !

2° Une population particulière, concernée par une dépendance complexe. Le noyau dur des fumeurs ou hardcore smokers. (1,2,3,4*)

3° Une part insuffisamment faite aux troubles de la régulation émotionnelle chez les fumeurs, comme facteur d’achoppement dans le sevrage. (5*)

Le phénomène de « craving »

* Phénomène encore mal expliqué

•  Semble être un phénomène indépendant… de la dépendance,

en particulier pharmacologique.

•  Plusieurs hypothèses neurobiologiques.

•  Frein majeur pour obtenir et maintenir une abstinence continue et durable.

Mais qui sont donc ces fumeurs que nous ne parvenons pas à accompagner vers une abstinence continue et durable ?

Peut-on envisager qu’il existe chez ces fumeurs à dépendance complexe des troubles post-traumatiques, non diagnostiqués, non traités, et engendrant :

•  des troubles de la régulation émotionnelle, •  avec soit une hyper-réactivité émotionnelle, soit une anesthésie émotionnelle, •  une quasi impossibilité à « mettre en pensée » et à « agir » des solutions

« rationnelles » •  en bref… des « cravings », •  parce que dissociation cortico-limbique et impossibilité du contrôle cortical

sur les émotions, •  parce que dysfonctionnement des circuits neurobiologiques de la neuro-adaptation, •  inefficacité des thérapies de restructuration cognitive puisqu’il existe une disjonction

entre le circuit du contrôle cortical et le système limbique.

Les troubles psychotraumatiques

répondent à un traitement spécifique (11,12,13*)

1° Sécuriser et stabiliser le sujet : ! Hypnose Ericksonienne 2° Désensibiliser l’impact émotionnel des psychotraumatismes : ! EMDR (Eye movement desensitization and reprocessing),

ou DMMO (Désensibilisation par les mouvements oculaires). 3° Réassocier ressources implicites et explicites et retrouver du contrôle

cortical : ! Hypnose Ericksonienne

Les solutions existent, elles doivent être acquises par des formations approfondies, sérieuses et supervisées.

Une étude en médecine générale (1)

-  Étude prospective, sur 2 semaines, population de + de 15 ans ( N=150) consultant en médecine générale, 106 femmes (66,24 %) pour 44 hommes (33,76 %).

-  Auto-questionnaire, anonyme ! recherche de psychotraumatismes (physiques,

moraux, sexuels), -  chez des non-fumeurs, fumeurs occasionnels, ex-fumeurs (> 1 an) et fumeurs actifs.

-  Question posée : « Avez-vous subi des violences… ? »

45 % (n=67) des patients reçus en médecine G, déclarent avoir subi au moins un psychotraumatisme

(moral, physique ou sexuel).

Étude en médecine générale (2) - Chez les non fumeurs -

Parmi les 58 patients non fumeurs de l’échantillon, 20 personnes, soit 34,5 %,

rapportent avoir subi au moins un psychotraumatisme.

Étude en médecine générale (2) - Chez les fumeurs actifs réguliers -

Parmi les 40 patients fumeurs actifs de l’échantillon, 24 personnes soit 60%, rapportent avoir subi

au moins un psychotraumatisme.

Étude en médecine générale (4) Conclusions

Dans une population consultant en médecine générale, les ATCD de psychotraumatismes s’avèrent fréquents,

45 % des consultants.

ET

! Il existe presque 2 fois plus d’évènements traumatogènes rapportés chez les fumeurs actifs que chez les non fumeurs.

! La question posée par un médecin généraliste à son patient « Avez-vous subi des violences physiques, morales, ou sexuelles ? »,

amène réponse, et ne semble pas poser problème.

Étude en médecine générale (4) Conclusions

Afin d’évaluer le risque d’ESPT chez un fumeur en médecine générale, il est donc légitime de : • rechercher la notion d’évènement(s) de vie délétère(s) et psycho-traumatogène(s),

• en posant facilement et systématiquement, à chaque patient fumeur la question :

« Avez-vous vécu ou subi une ou des violences physiques, psychiques ou sexuelles ? »

Étude dans une consultation libérale de tabacologie (1)

Méthodologie : Analyse rétrospective observationnelle : -  dossier de tabacologie Inpes , -  + Beck + Hamilton anxiété + FOA, -  + questionnement évènements traumatogènes, âge de survenue, -  recherche de signes cliniques de l’ESPT, Echelle FOA. -  autres pratiques addictives, conduites dissociantes …

Sur une période de 12 mois, N= 199 fumeurs actifs réguliers : - file active 2014,

- tous les fumeurs venant avec demande d’aide au sevrage.

Étude dans une consultation libérale de tabacologie Résultats

2,01% (4)

6,53% (13)

21,61% (43)

43,72% (87)

25,13% (50)

1,01% (2)

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

de 14 ans inclus à 18 ans inclus

de 19 ans à 25 ans inclus

de 26 ans à 35 ans inclus

de 36 ans à 50 ans inclus

de 51 ans à 65 ans inclus

plus de 65 ans

Nombre

Tranchesd'âges

Ages des patients(file active 2014 : 199 patients)

16% (32)

84% (167)

Précarité sociale(file active 2014 : 199 patients)

Bénéficiaire de la CMU Non bénéficiaire de la CMU

(158)

(41) (62)

79,4%

20,6% 31,1%

Tabac seul Tabac et cannabis Tabac et mésusage d'alcool

Consommations (file active 2014 : 199 patients)

18,6% (37)

81,4% (162)

Fagerström(file active 2014 : 199 patients)

≤ 7/10 entre 8 et 10

50,3% (99)

49,7% (100)

Mesure du CO (file active 2014 : 199 patients)

CO > 30 ppm CO ≤ 30 ppm

Étude dans une consultation libérale de tabacologie Résultats

Beck ≥ 7 47,7%

Beck < 7 52,3%

File active (199 patients)

Beck ≥ 7 (95 patients) Beck < 7 (104 patients)

Hamilton ≥ 15 62,8%

Hamilton < 15 37,2%

File active (199 patients)

Hamilton ≥ 15 (125 patients) Hamilton < 15 (74 patients)

Étude dans une consultation libérale de tabacologie Résultats

76,9% (153)

23,1% (46)

Antécédents de psychotraumatismes

(file active 2014 : 199 patients)

ATCD de PT Pas ATCD de PT

12,06%

35,10% 18%

54,80%

24 70 36 109

Violences sexuelles Abandons ou carences affectives

graves

Violences physiques

Violences morales

File active (199 patients)

15,70%

45,70%

15,30%

71,20%

24 70 36 109

Violences sexuelles Abandons ou carences affectives

graves

Violences physiques

Violences morales

Antécédents de psychotraumatismes (153 patients)

Étude dans une consultation libérale de tabacologie Résultats

Antécédents de psychotraumatismes (153 patients) et risques d’anxiété pathologique ou/et dépressif

Non 49,7% (76)

Oui 50,3% (77)

Hamilton ≥ 15 et Beck ≥ 7

88% (136)

68%(136)

ATCD de PT (153 patients) File active (199 patients)

ESPT du DSM V

Signes de ESPT Pas de signe de ESPT

Étude dans une consultation libérale de tabacologie Résultats

•  Les fumeurs demandeurs d’aide constituent bien une population de fumeurs « très dépendants ».

•  Cette file active n’est pas une population particulièrement précaire. •  Presque 77 % de la file active totale a vécu un ou des psychotraumatismes,

qu’ils soient de type I ou de type II.

•  88 % des fumeurs consultants, identifiés comme ayant vécu un ou plusieurs types de psychotraumatismes, ont des signes cliniques d’ESPT.

Étude dans une consultation libérale de tabacologie Synthèse

88 % des fumeurs consultants, identifiés comme ayant vécu un ou plusieurs types

de psychotraumatismes, ont des signes cliniques d’ESPT. Nous avons donc le devoir : -  d’investiguer autrement la population des fumeurs que nous recevons en tabacologie,

hospitalière ou libérale, -  et d’aller rechercher, au-delà des signes cliniques d’anxiété, dépression,

la notion de psychotraumatismes. .

Étude dans une consultation libérale de tabacologie Synthèse

Conclusion Identifier chez tout fumeur actif dépendant

la notion de PSYCHOTRAUMATISMES, rechercher de signes cliniques d’ESPT,

devient indispensable, car il s’agit peut-être là :

-  de la réelle et principale caractéristique des hardcore smokers ;

-  d’un élément en corrélation avec le risque de « craving » ;

-  de la réelle explication du risque suicidaire, fréquent, chez les fumeurs ;

-  de la réelle explication des désordres des voies neuro-adaptatives (DA, 5HT, Gaba, glut…) retrouvées chez les fumeurs à dépendance complexe et en particulier en cas de « craving » ;

-  d’une possibilité d’ajouter un bras de levier pour aider efficacement ces fumeurs à dépendance complexe, vivant un ENFER depuis très longtemps ;

-  puisqu’il existe des traitements appropriés : HYPNOSE ERICKSONIENNE + EMDR.

PERSPECTIVES

Nous proposons un

nouvel arbre décisionnel

devant tout fumeur venant

en consultation

de tabacologie.

PERSPECTIVES

Nous proposons :

6 indications à une hypnose ericksonienne chez un fumeur actif régulier :

•  Tout fumeur dépendant ayant conscience d’avoir vécu un ou des évènements psychotraumatogènes.

•  Fumeur ne parvenant pas à initier une abstinence complète.

•  Patient faisant de multiples faux-pas, cravings puissants, sur de mauvaises gestions de ses affects négatifs.

•  Patient abstinent avec efforts majeurs, aucun avantage perçu à l’arrêt du tabac, hyper-activation émotionnelle.

•  Patient abstinent avec manifestations physiques majeures, mauvaise qualité de vie.

•  Patient basculant vers un autre comportement addictif.

Nous proposons :

que des tabacologues -  intègrent dans leurs outils de travail, -  ou fassent appel à des professionnels compétents, pour mettre en place de :

•  l’HYPNOSE ERICKSONIENNE •  l’EMDR

non pas pour initier des sevrages à la façon « magique des hypnotiseurs classiques », mais pour traiter les fumeurs concernés par des troubles psychotraumatiques

et enfin : -  améliorer leur QUALITE DE VE, -  les aider à sortir de leur ENFER, -  et augmenter leurs chances de parvenir à une ABSTINENCE DURABLE

PERSPECTIVES

Nous proposons :

Que la RECHERCHE en tabacologie retienne l’hypothèse de ce travail pour CHANGER SON REGARD !

En intégrant une chronologie différente dans le mécanisme

de l’ADDICTION TABAGIQUE SÉVÈRE :

Naissance ! PT non identifié ! phénomène dissociatif salvateur pour le sujet ! désordres neurobiologiques de l’adaptation aux évènements stresseurs de la vie ! circuit court de disjonction cortico-limbique ! perte du contrôle cortical ! ESPT et recherche de conduites dissociantes DA, 5HT… climat suicidaire fort ! rencontre du tabac : tabac utilisé comme une aide à rester en vie, renforçateur de la disjonction CL ( mise à distance des émotions / affects négatifs ! craving ! difficulté abstinence complète et durable ! exposition longue durée au tabac

! conséquences sanitaires lourdes …

PERSPECTIVES

Sources bibliographiques 1.  EMERY S., GILPIN E A., AKE C., FARKAS, and PIERCE JP., Characterizing and identifying “hardcore smokers : implications for

futher reducing smoking prevalence”, Am J Public Health, 2000 March ; 90(3) : 387–394. 2.  COSTA ML., COHEN JE., CHAITON MO., “Hardcore” definitions and their application to a population based sample of smokers.

NicTob Res, Vol12, Num 8, Aug 2010, 860-864. 3.  PERRIOT J., UNDERNER M., PEIFFER G., LE HOUEZEC J., Le sevrage tabagique des fumeurs difficiles. Helping the hardcore

smokers. Rev Mal Resp (2012), 448-461. 4.  BERLIN I., Suicide et Tabac, Hôpital Pitié Salpêtrière – Université P. et M. Curie – Inserm 669 Paris France, Intervention

à Clermont-Ferrand, France, 24 Octobre 2013. 5.  DUMONT A. et al, Le déficit de la régulation émotionelle chez les patients addicts. Courrier des addictions, Tome 38,n°1,

mars2016, 71-77. 6.  SALMONA M., mémoire Traumatique et victimologie, www.memoiretraumatique.org, [s.d.]. 7.  SALMONA M., Le livre noir des violences sexuelles, Ed. Dunod, [s.d.]. 8.  LOUVILLE P. et SALMONA M., Clinique du psychotraumatisme, Revue Santé Mentale, N° 176, Mars 2013. 9.  American Psychiatric Association, Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 5th Edition: DSM-5, American Psychiatric

Press, Washington D.C., 2013. 10.  JOSSE E., Troubles dissociatifs, quoi de neuf dans le DSM-5 ?, www.resiliencepsy.com, 2013. 11.  JOSSE E., Le pouvoir des histoires thérapeutiques. L’hypnose ericksonienne dans la guérison des traumatismes psychiques,

La Méridienne/Desclée De Brouwer, Paris, 2007. 12.  Rapport de l’Académie Nationale de Médecine, Thérapies complémentaires : acupuncture, hypnose, ostéopathie, tai-chi.

Leur place parmi les ressources de soins, 5 mars 2013. Daniel Bontoux, Daniel Couturier, Charles-Joël Menkes (Membres de l’Académie Nationale de Médecine).

13.  Expertise scientifique Inserm U1178, demande du Ministère de la Santé (Direction Générale de la Santé), Juin 2015.

Merci