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Galland 1001N Caussin 1

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  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

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    S

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    m^

    ^^Mi^:

    :

    W*l^^

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    MILLE

    ET

    UNE

    NUITS,

    CONTES

    ARABES,

    TRADUITS EN

    FRANAIS

    Par

    m.

    GALLAND,

    Membre

    de

    rAcadmie

    des Inscriptions

    et

    Belles-Lettres^ Professeur

    de Langue

    Arabe

    au Collge

    Rojal

    j

    CONTINUS

    Par m.

    CAUSSIN DE

    PERCE

    VAL,

    Professeur

    de

    Langue

    Arabe

    au

    Collge

    Impcria.

    TOME

    PREMIER.

    A

    PARIS,

    CHEZ LE

    NORMANT,

    IMP.-LIBRATRE,

    RUE DES

    PRTRES

    SAINT-

    GERMAIK-l'aUXERROIS.

    1806.

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

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    p

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

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    AVERTISSEMENT

    DES

    DITEURS.

    Toutes

    les

    ditions

    des

    Mule

    et

    tJNE

    Nuits

    qui

    ont

    prcd

    celle-ci

    ,

    sont

    tellement

    remplies de

    fautes

    d'impression

    et

    de

    ponctuation

    ,

    que

    la

    lecture

    en

    est

    non-seulement

    p-

    nible,

    mais

    qu'on

    y

    rencontre

    des

    pages

    tout

    fait

    inintelligibles.

    L'di-

    tion

    in-S.

    qui

    fait

    partie

    de

    la

    biblio-

    thque

    des

    Fes

    ,

    est

    plus

    belle

    que

    les autres

    ,

    mais

    non

    plus correcte.

    Xes

    diteurs

    ont

    suivi, avecune

    espce

    de

    soin

    ,

    les

    fautes

    de

    tout

    genre

    qui

    ^iguroient

    les

    ditions

    prcdentes.

    Nous

    avons

    donc

    pens

    que

    le

    pu-

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

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    V)

    AVERTISSEMENT

    blic

    accueilleroit

    avec

    plaisir

    une

    clf-

    tion

    des

    Contes

    Arabes

    ,

    purge

    non-

    seulement des fautes

    d'impression

    et

    de

    ponctuation

    ,

    mais

    mme des nom-

    breuses incorrections

    qui appartien-

    nent

    au

    traducteur.

    C'est

    ce

    travail

    que

    nous

    publions aujourd'hui.

    En

    corrigeant

    ce qui

    nous

    a

    paru

    nuire

    la clart

    et

    la

    correction

    ,

    nous

    avons scrupuleusement

    respect

    le

    fonds

    du

    style

    ,

    qui

    a

    le

    mrite

    rare

    d'tre

    facile

    et

    naturel

    ,

    et

    par

    con-

    squent

    convient

    parfaitement

    au

    genre.

    Comme

    les

    Contes

    Arabes

    sont

    sans

    contredit ,

    l'ouvrage

    le

    plus

    pro-

    pre

    faire

    connotre

    les

    moeurs

    ,

    les

    usages

    et la

    religion

    des

    peuples

    orien-

    taux

    ,

    nous

    avons

    joint

    au

    texte

    des

    notes rares

    et

    courtes

    ,

    qui

    feront

    de

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

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    DES

    EDITEURS.

    Vlj

    cet

    ouvrage

    un

    livre

    plus

    instructif

    sans

    tre

    moins

    amusant.

    Nous

    avons

    cru devoir

    aussi

    mettre

    en

    tte

    de

    cette

    dition

    ,

    une

    Notice

    historique sur

    M.

    Galland

    ;

    nous

    avons

    prfr

    celle

    que

    M.

    Bose,

    se-

    crtaire

    perptuel

    de

    l'Acadmie des

    Inscriptions,

    a

    prononce

    dans

    cette

    socit clbre,

    dont le

    traducteur

    des

    Mille

    et

    une

    Nuits

    a

    t

    un

    des

    membres

    les

    plus

    distingus.

    Enfin

    ,

    aprs

    cette

    Notice

    ,

    on lira

    srement

    avec

    plaisir

    le

    jugement

    de M.

    de

    lia

    Harpe,

    sur

    les

    Contes

    Arabes.

    Ce

    morceau

    curieux

    est

    extrait

    d'une

    dissertation

    de

    cet habile

    critique sur

    les

    romans.

    Nous renvoyons

    ,

    pour de

    plus

    grands dtails

    ,

    la

    prface

    que

    M.

    Caussin de

    Perceval

    ,

    traducteur

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

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    Vlij

    AVERTISSEMENT,

    etC.

    des

    deux

    derniers volumes

    de

    cette

    dition

    ,

    a

    mise

    en

    tte

    du

    huitime

    tome,

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

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    ELOGE

    DE M.

    GALLAND

    (i).

    A-NTOINE

    Gal LAN

    D

    naquit en

    1646,

    de

    pauvres

    mais

    honntes

    parens,

    tablis dans

    un petit

    bourg

    de Picardie

    ,

    nomm

    B.0II0,

    deux

    lieues

    de

    Montdidier

    ,

    et

    six

    de

    Noyon

    Il

    n'avoit

    que

    quatre

    ans, et il

    toit

    le

    septime

    enfant de

    la

    maison,

    quand

    son

    pre mourut. Sa

    mre

    ne sachant

    quoi

    l'employer, et

    rduite

    elle-mme

    vivre

    du

    travail

    de

    ses

    mains

    ,

    fit

    tant

    qu'elle

    le

    plaa

    enfin

    dans

    le

    collge de Noyon ,

    o

    le Prin^

    eipal et

    un

    chanoine

    de

    la

    cathdrale

    vou-

    lurent

    bien

    partager

    entr'eux

    le soin

    et

    les

    frais

    de

    son

    ducation.

    Il

    y

    resta

    jusqu'

    l'ge de

    treize

    qua^-

    torze

    ans,

    qu'il

    perdit

    tout

    -la-fois

    ses

    deux

    (i)

    Cet Eloge

    a

    t

    prononc

    l'Acadmi

    des

    Inscriptions

    et belles

    -

    Lettres

    ,

    dans

    lii

    sance

    de

    Pques

    lyiS, par

    M.

    BosE

    ,

    secr-

    taire

    perptuel

    de

    cette

    Acadmie,

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    14/519

    X

    1

    L O

    G

    E

    pro

    lecteurs

    ;

    ce qui l'obligea

    revenir

    chez

    sa

    mre

    arec un peu de

    latin,

    de

    grec

    ,

    et

    mme

    d'hbreu

    ,

    dont

    elle

    ne

    connoissoit

    nullement

    le mrite

    ,

    et

    dont

    il

    n'toit

    pas

    non.

    plus

    en tat

    de faire un

    grand

    usage.

    Elle

    se

    dtermina aussitt

    lui

    faire

    ap-

    prendre

    un

    mtier.

    Antoine

    Galland

    obit

    j

    et

    j

    malgr

    toute

    sa

    rpugnance

    ,

    il demeura

    un

    an

    entier

    avec

    le

    nialre

    chez

    qui onl'a-

    Voit

    mis

    en

    apprentissage. Mais

    ,

    soit

    qu'il

    ne

    ft

    pas n

    pour im art

    vil

    et

    abject,

    ou

    que

    plus

    vraisemblablement

    ce

    ft

    le

    got

    des

    lettres

    qui lui

    levt

    le

    courage,

    il

    quitta

    Un

    jour

    , et prit le

    chemin de Paris

    ,

    sans

    au-

    tres

    fonds

    que

    l'adresse

    d'une

    vieille

    parente

    qui

    y

    toit

    en condition

    ,

    et celle

    d'un

    bon

    ecclsiastique qu'il

    avoit

    vu

    quelquefois

    chez

    son chanoine

    Noyon.

    Cette tentative

    lui russit

    au-del

    de

    ses

    esprances

    :

    on le

    produisit

    au

    Sous-Princi-

    pal

    du

    collge

    du

    Plessis

    ,

    qui

    lui

    fit

    con-

    tinuer

    ses

    tudes

    ,

    et le

    donna

    ensuite

    M.

    Petitpied

    ,

    docteur

    de

    Sorbonne.

    L

    ,

    il

    se

    fortifia

    dans

    la

    connoissauce

    de

    l'hbreu et

    des

    autres

    langues

    orientales

    ,

    par

    la

    libert

    qu'il

    avoit

    d'en

    aller

    prendre

    des

    leons

    au

    collge

    Royal,

    et

    par

    l'envie

    qu'il

    eut

    de

    faire

    le

    catalogue des

    manuscrits

    orientaux

    de la

    bibliothque

    de

    Sorbonne.

    De chez

    M.

    Petitpied

    ,

    il

    passa

    au

    collge

    Mazarin,

    qui

    n'toit pas

    encore

    en

    plein

    exercice

    j

    mais un professeur,

    nomm

    M.

    Go-

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    15/519

    DE

    M.

    G

    AL

    L AND.

    XJ

    ouin,

    y

    avoit

    rassembl un certain

    nombre

    d'enfans

    de

    trois

    ou

    quatre

    ans

    seulement

    parmi

    lesquels

    toit

    M.

    le duc

    de

    la

    Meil-

    leraje;

    et

    il

    se

    proposoit de leur

    faire

    ap-

    prendre le

    latin

    fort

    aisment et

    fort

    vite,

    en

    mettant auprs d'eux des

    gens

    qui ne

    leur

    parleroient

    jamais

    d'autre langue. M. Gal-

    land

    ,

    associ ce

    travail

    , n'eut

    pas

    le temps

    de

    voir

    quel

    en

    seroit le

    succs

    :

    M.

    de

    Noin-

    tel, nomm

    l'ambassade

    de

    Constanti-

    nople

    ,

    l'emmena

    avec

    lui

    ,

    pour

    tirer

    des

    Eglises

    grecques des

    attestations en forme sur

    les articles de

    leur

    Foi,

    qui

    faisoient alors

    un

    grand sujet

    de

    dispute

    entre

    M.

    Arnaud

    et le

    ministre Claude.

    M.

    Galland,

    arriv

    Constantinople

    ,

    y

    acquit

    bientt

    l'usage

    du

    grec

    vulgaire

    ,

    par les longues confrences

    qu'il

    eut

    avec un

    patriarche

    dpos,

    et

    plu-

    sieurs

    mtropolites,

    qui,

    perscuts par

    les

    bchas,

    s'toient

    rfugis dans le

    palais de

    France.

    Il

    tira

    d'eux

    et

    des

    autres

    chefs

    de

    l'Eglise,

    les

    attestations

    qu'on

    avoit

    deman-

    des

    ,

    et

    il

    joignit

    tout

    ce

    qu'il

    avoit

    pu

    re-

    cueillir

    de leurs

    entretiens.

    M.

    de

    Nointel,

    de

    son

    ct,

    ayant

    renou-

    vel

    avec

    la

    Porte

    les

    capitulations

    du com-

    m^erce,

    prit

    cette

    occasion

    d'aller

    visiter

    les

    Echelles

    du

    Levant

    , d'o

    il

    passa

    Jrusa-

    lem

    ,

    et

    dans

    tous

    les

    autres

    lieux

    de la

    Terre-

    Sainte

    qui

    ont

    quelque

    rputation.

    M.

    Galland

    fut

    du

    voyage

    :

    il

    alloit

    la

    dcouverte

    ;

    il

    annooit

    ensuite

    M.

    l'ambassadeur

    ce

    qu'il

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    16/519

    Scj

    LOGE

    avoit

    trouv

    de

    curieux

    ;

    il

    copioit

    les

    ins

    criptions

    ,

    il

    dessinoit

    ,

    le

    mieux

    qu'il

    pou-

    voit

    ,

    les autres

    raonumens

    ,

    souvent

    mme

    il

    les

    enlevoit

    ,

    suivant

    la

    facilit

    qu'il

    y

    avoit

    les

    faire transporter,-

    et

    c'est

    de

    pareils

    soins

    que

    nous

    devons

    ,

    entr'autres,

    les

    marbres

    singuliers

    qui

    sont

    aujourd'hui

    dans

    le

    cabinet

    de

    M.

    Baudelot,

    et dont le

    V.

    Dom

    Bernard

    de

    Montfaucon

    a

    publi

    quelques

    fragmens

    dans

    sa

    Palographie.

    M.

    Galland

    ne

    jugea

    pas propos

    de

    re-

    tourner

    Constantinople

    avec

    M.

    de

    Nointel;

    il

    aima

    mieux

    revenir

    Paris

    ;

    il

    y

    arriva

    en

    1675

    5

    et

    l'aide

    de

    quelques

    mdailles

    qu'il

    a

    voit

    ramasses

    ,

    il

    fit

    connoissance

    avec

    MM.

    Vaillant, Carcavj et

    Giraud.

    Ces

    trois

    curieux

    l'engagrent,

    pour

    peu

    de

    chose,

    dans un

    second

    voyage au

    Levant,

    d'o

    il

    rapporta,

    l'anne

    suivante

    ,

    beaucoup de

    m-

    daillons

    ,

    qui ont

    pass dans

    le

    cabinet

    du

    roi.

    En

    1679

    ,

    M.

    Galland

    fit Un

    troisime

    voyage

    ,

    mais

    sur

    un

    autre

    pied.

    Ce

    fut

    aux

    dpens

    de la

    Compagnie des

    Indes

    orien-

    tales

    ,

    qui

    ,

    pour

    faire sa

    cour

    M.

    Colbert,

    avoit

    imagin

    de

    faire

    chercher dans

    le

    Le-

    vant

    ,

    par

    un

    connisseur

    ,

    ce

    qui

    pourroit

    enrichir

    son

    cabinet

    et

    sa

    bibliothque.

    Le

    changement

    qui

    arriva

    dans

    cette

    Compa-

    gnie-l,

    fit

    cesser,

    au

    bout

    de

    dix-huit

    mois

    ,

    la

    commission de

    M.

    Galland

    -mais

    M.

    Col-

    bert

    ,

    qui

    ea fut

    inform

    ,

    l'employa

    par lui-

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    17/519

    DE

    M,

    G AL

    L AND. Xuj

    mme;

    et

    aprs

    sa

    mort,

    M.

    le

    marquis de

    Lou

    vois

    l'obligea

    continuer

    encore

    quelque

    temps

    ses

    recherches,

    sous

    le

    titre

    d^Anti^

    cmairedu

    roi.Pendant

    ce

    long

    sjour,

    M. Gal-

    land

    apprit

    fonds

    l'arahe,

    le turc

    ,

    le

    persan,

    et

    Et

    quantit d'observations sin-

    gulires.

    11

    toit

    prt

    s'embarquer Smyrne

    ,

    quand

    il

    pensa

    y

    prir

    par

    un

    prodigienx

    tremblement

    de terre.

    La

    grande

    et

    premire

    secousse

    vint

    sur

    le

    midi

    ,

    temps

    auquel

    il

    y

    a

    commimment

    du feu

    dans

    toutes les

    maisons

    j

    et

    cette

    cir-'

    constance

    joignit

    au

    bouleversement

    gnral

    un

    incendie

    pouvantable

    :

    plus

    de

    quinze

    mille

    habitans

    furent

    ensevelis

    sous les

    rui-

    nes

    ,

    ou

    dvors

    par les

    flammes.

    M.

    Gai-

    land

    fut

    prserv

    du

    feu par un privilge

    assez

    ordinaire

    aux

    cuisines

    des

    philosophes;

    et les

    dcombres

    de

    son

    toit

    l'enterrrent

    de

    manire

    que

    par

    des

    espces de

    petits canaux

    interrompus,

    il

    jouissoit

    encore

    de

    quelque

    respiration

    :

    c'est

    ce

    qui

    le

    sauva

    j

    car

    il

    n'en

    fut retir que

    le

    lendemain.

    Il

    repassa en

    France

    la

    premire

    occa-

    sion qu'il

    en

    eut

    ;

    et

    son

    retour

    Paris

    ,

    M. Thvenot, garde

    de

    la

    bibliothque

    du

    roi

    ,

    l'employa

    jusqu'

    sa

    mort

    ,

    qui

    arriva

    quelques

    annes aprs.

    M.

    d'Herbelot

    l'engagea ensuite

    lui

    pr-

    ter

    son

    secours

    pour l'impression de sa Bi-

    tiiothque

    Orientale:

    mai*

    celui-ci

    mourut

    I,

    3

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    18/519

    Xiv

    LOGE

    encore

    au

    bout de

    quelque temps,

    laissant

    son

    ouvrage

    moiti imprim.

    M.

    Galland

    le

    continua

    tel

    que

    nous

    l'avons

    ,

    et

    en

    fit

    la

    prface.

    Il n'eut

    pas

    moins

    de

    part

    l'dition

    du

    Mnagiana

    qui

    parut

    alors

    :

    on croit

    mme

    que c'est lui qui

    a

    fourni

    tous

    les matriaux

    du

    premier

    volume.

    Il avoit

    encore

    donn

    immdiatement

    auparavant

    une

    relation

    de

    ia mon de sultan

    Osman

    ,

    et

    du couron-

    nement

    de

    sultan Mustapha

    ,

    traduite

    du

    turc

    ,

    et

    un

    Recueil

    de maximes et de

    bons

    mots

    ,

    tirs

    des ouvrages

    des Orientaux.

    Aprs

    la

    mort

    de

    M.

    d'Herbelot, il

    s'at-

    tacha

    M.

    Bignon,

    premier

    prsident

    du

    grand conseil

    ,

    qui,

    par

    un

    got hrditaire

    sa famille,

    vouloit

    toujours

    avoir

    auprs

    de

    lui quelqu'homme

    de

    lettres.

    M.

    Bignoa

    mourut

    aussi

    l'anne

    suivante

    ;et

    ilsemhloit

    que

    ce

    ft

    le

    sort

    de

    M. Galland

    de

    perdre

    ,

    en

    moins

    de

    rien,

    ces

    protections

    utiles

    que

    le

    mrite

    le

    plus reconnu

    est

    quelquefois

    trs-long-temps

    obtenir

    ;

    mais

    celle de

    ce

    digne

    magistrat

    passa les

    bornes

    ordinaires:

    il

    lui

    laissa une

    petite

    pension

    viagre

    j

    et

    par

    surcrot

    de

    bonheur

    ou de

    consolation

    ,

    M.

    Foucault,

    conseiller-

    d'tat,

    qui

    toit

    alors

    intendant

    en

    Basse-Normandie,

    l'ap-

    pela auprs

    de lui.

    Dans

    le doux

    loisir

    d'une

    situation

    si

    tran-

    quille,

    au

    milieu

    d'une ample

    bibliothque

    et d'un

    riche

    amas

    de

    mdailles

    ,

    M.

    Gallaud

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    19/519

    DE

    M.

    GALLAND.

    XV

    composa

    plusieurs

    petits

    ouvrages

    ,

    dont

    quel-

    ques-uns

    ont

    t

    imprims Can mme

    ,

    comme

    un

    Trait

    de

    l'origine

    du

    caf

    ,

    traduit de

    l'arabe^ et trois ou

    quatre

    Let-

    tres

    sur

    diffrentes

    mdailles

    du

    Bas-Em-

    pire, C'est encore l

    qu'il

    a

    commenc

    Pim-

    mense

    traduction

    de

    ces

    Contes

    Arabes

    ,

    si

    connus

    sous

    le

    nom

    des

    Mille et

    une

    Nuits

    dont

    les

    premiers

    volumes

    ont

    paru

    en

    i

    704

    >

    et dont

    ou a vu

    jusqu'

    prsent

    dix

    tomes

    ,

    qui

    ne

    sont gure

    que

    le

    quart

    de

    l'ouvrage.

    Quoique

    M.

    Galland

    demeurt

    encore

    Can

    en

    l'anne

    1701

    ,

    il

    ne laissa

    pas

    d'tre

    admis par

    le

    roi

    dans

    l'Acadmie

    des

    Inscrip-

    tions, lors

    de

    son

    renouvellement

    ;

    et aussitt

    il entreprit

    pour

    elle

    un

    Dictionnaire

    Nu-

    mismatique

    ,

    contenant

    V

    explication

    des

    noms

    de

    dignits

    ,

    des

    titres

    d'ho/ir-

    neur,

    et

    gnralement de tous

    les termes

    singuliers qu'on trouve

    sur les

    mdailles

    antiques

    ,

    grecques

    et

    romaines.

    Il

    revint enfin

    Paris

    en

    1706;

    et

    depuis

    ce

    temps-l

    jusqu' sa

    mort,

    il

    a

    toujours t

    d'une assiduit

    exemplaire

    nos

    assembles; it

    -

    a lu

    un

    trs-grand

    nombre

    de

    dissertations:

    es

    unes

    tires de son

    Dic.tionnaire

    Numisma-

    tique

    ,

    ou

    de

    l'explication

    qu'il avoit faite

    de

    la

    plupart

    des

    mdailles

    choisies

    du

    cabinet

    de

    M.

    Foucault

    j

    les

    autres

    du commei'ce de

    lettres;

    qu'il entretenoit

    avec

    plusieurs

    savans

    tran-

    gers,

    MM. Cuper, Barr}',

    Rhenferd

    ,

    R-

    land

    ^

    d'autres

    sur

    diffrens

    points

    de

    litt-

    rature agits dans

    la

    compagnie

    j

    d'autres

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    20/519

    Xvj

    LOGE

    enfin

    sur des

    monumeus

    orientaux

    ,

    au

    sujet

    desquels

    on le

    consultoit

    souvent

    ,

    sur-tout

    depuis

    l'anne

    1709,

    qu'il avoit t

    nomm

    professeur

    en

    langue

    arabe au

    collge

    Royal.

    Mais

    ce ne

    sont

    pas

    1:'^

    les seuls

    ouvrages

    qu'ait

    laisss

    M.

    Galland. On en

    a

    trouv

    ua

    plus

    grand

    nombre

    encore

    dons

    ses

    papiers,

    et

    les

    plus

    considrables sont

    :

    Une

    Relation

    de

    ses

    voyages

    ,

    en

    deux

    porte-feuilles

    '\\i-/

    j

    Une

    DescripLion

    particulire de

    la

    ville

    de

    Constantinople

    ;

    Des

    additions

    la

    Bibliothque

    orien-

    tale de

    M. d'Herbelot

    ^

    dont

    ou

    feroit

    un

    volume

    in-Jblio

    aussi

    gros

    que

    celui

    qui

    est

    imprim

    ;

    Un

    Catalogue

    raisonn des

    historiens

    turcs

    f

    arabes

    et

    persans;

    Une Histoire gnrale des

    empereurs

    turcs

    Une

    Traduction

    de

    V

    Alcoran,

    a-'ec

    des

    remarques historiques

    -

    critiques

    fort

    am-

    ples,

    et

    des

    notes grammaticales sur le

    texte;

    Une

    suite

    de ta

    t-aduction

    des

    iV/ille

    et

    une

    Nuits

    ,

    pour

    la valeur

    d'environ

    deux

    volumes

    ;

    Tant

    d'ouvrages

    ,

    qui

    semblent

    marquer

    ne

    extrme

    facilit

    ,

    toient

    le

    fruit

    d'un

    travail dur

    et suivi

    ,

    qui

    pour

    le

    nombre

    des

    productions,

    surpasse

    ordinairement

    la

    faci-

    lit

    mme.

    M.

    Galland

    travailloit

    sans cesse,

    en

    qupl-

    *jne

    situation

    qui

    se trouvt

    ,

    iyanl

    trs-

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    21/519

    DE

    M.

    GALLAND. XVlj

    peu

    (Inattention

    sur

    ses

    besoins

    ,

    n'en

    ayant

    aucune

    sur

    ses

    commodits

    j

    remplaant

    quand

    i

    le

    falloit

    par

    ses

    seules

    lectures

    ,

    ce

    qui

    lui

    manquoit

    du

    ct

    des

    livres

    ;

    n'ayant

    pour

    objet

    que

    l'exactitude, et

    allant

    toujours

    sa

    fin

    sans

    aucun

    gard

    pour les ornemens

    qui

    auroient

    pu

    l'arrter.

    Simple

    dans

    ses

    moeurs

    et

    dans

    ses

    ma-

    nires

    comme

    dans

    ses

    ouvrages, il

    auroit

    toute

    sa

    vie

    enseign

    des

    enfans

    les

    premiers

    elmens

    de

    la

    grammaire

    ,

    avec

    le mme plai-

    sir

    qu'il

    a

    eu

    exercer sou

    rudition

    sur

    diffrentes

    matires.

    Homme

    vrai

    jusque

    dans

    les

    moindres

    cho-

    ses

    ,

    sa

    droiture

    et sa

    probit ajloient

    au

    point,

    que

    rendant

    compte

    ses

    associs

    de

    sa

    d-

    pense

    dans

    le

    Levant

    ,

    il

    leur

    comptoit

    seu-

    lement un

    sou

    ou

    deux,

    quelquefois

    rien

    du

    tout

    pour

    les

    journes,

    qui,

    par

    des

    con-

    jonctures

    favorables

    ,

    ou

    mme par

    des absti-

    nences

    involontaires

    5

    ne

    lui avoient

    pas

    coit

    davantage.

    Il

    mourut le

    7

    fvrier dernier

    (i) d'un

    redoublement

    d'asthme

    ,

    auquel

    se

    joignit

    ur

    la

    fin ,

    une fluxion

    de

    poitrine

    :

    il

    avoit

    69

    ans.

    L'amour

    des

    lettres

    est

    la

    dernire

    chose

    qui

    s'est

    teinte

    en

    lui.

    Il

    pensa, peu

    de

    jour

    avant

    sa

    mort

    ,

    que

    ses

    ouvrages ,

    le

    seul

    ,

    l'u-

    nique

    bien

    qu'il

    laissoit

    ,

    pourroient

    tre

    dis-

    (0

    1715.

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    22/519

    Xviij

    LOGE

    DE

    M. GAILAND.

    sips

    s'il n'y raettoitordrepl le

    fit,

    et

    del

    faon

    la

    plus simple et

    la plus

    militaire

    , se

    contentant

    de

    le

    dire

    publiquement

    un

    ne-

    veu

    qui

    toit

    venu de

    Noyon

    pour

    l'assister

    dans sa

    maladie

    et

    suivant

    cette

    disposi-

    tion

    ,

    qui

    a

    t

    lidellement excute,

    ses

    ma-

    nuscrits

    orientaux ont

    pass

    dans la biblioth-

    que

    du

    roi

    ;

    son

    Dictionnaire Numismatique

    est

    revenu

    l'Acadmie

    ,

    et

    sa

    traduction

    de

    l'Alcoran

    a

    t porte

    M.

    l'abb

    Bignon,

    comme

    un

    gage

    de son

    estime

    et de sa

    recon-

    Boissance.

    Cest avec

    une

    fortune

    si

    mdiocre,

    que

    .

    Galland

    a

    eu

    la

    gloire

    de

    faire

    les

    plus

    illustres

    hritiers.

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    23/519

    EXTRAIT

    D'UNE

    DISSERTATION

    SUR

    LES

    ROMANS,

    PAR

    J.

    F.

    LA

    HARPE

    (i).

    J'aurois

    du faire

    mention,

    en

    com-

    menant,

    d'une

    espce

    d'ouvrages

    qui

    ont

    prcd

    ceux dont

    je

    viens

    de par-

    ler

    ,

    mais qui

    ne

    ressemblent

    nos

    romans

    qu'en

    ce

    qu'ils appartiennent

    Timagination. Il

    est

    vrai

    que

    la

    ferie

    et le merveilleux

    en

    sont l'abus

    j

    mais

    l'agrment

    fait

    tout

    pardonner

    Je

    re-

    Jistous

    les

    ans les Contes Orientaux,

    et

    toujours avec

    plaisir.

    L'Orient,

    il

    faut

    (i) uvres

    de

    La

    Harpe,

    t. m,

    pag.

    382

    et

    suivantes.

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    24/519

    XX

    DISSERTATION

    l'avouer,

    est

    le berceau

    de

    l'apologue

    et

    la

    source

    des contes

    qui

    ont rempli

    le

    monde.

    Ces

    peuples,

    amollis

    par

    le

    climat

    et

    intimids par le

    gouverne-

    ment, ne

    se sont

    point

    levs

    jusqu'aux

    spculations de

    la

    philosophie

    ,

    et

    n'ont

    qu'effleur les

    sciences^

    mais

    ils

    ont

    habill

    la

    morale

    en

    paraboles

    ,

    et

    invent des

    fables

    charmantes

    que

    les

    autres peuples

    ont adoptes l'envi.

    Quelle

    prodigieuse

    fcondit

    dans ce

    genre

    Quelle varit

    Quel

    intrt

    Ce

    n'est

    pas

    que

    dans

    la

    mythologie

    des

    Arabes

    il

    y

    ait autant

    d'esprit

    et

    de got

    que

    dans

    celle

    des

    Grecs.

    Les

    fables de

    ceux-ci

    semblent

    faites

    pour

    des

    homiiies

    ,

    et

    celles des

    autres pour

    des enfans

    j

    mais

    ne

    sommes-nous

    pas

    tous

    un

    peu enfans

    ds

    qu'il

    s'agit de

    contes?

    Y

    a-t-il

    une histoire

    plus

    agrable que celle

    d'Aboulcasem

    ,

    une

    histoire

    plus

    touchante

    que

    celle

    de

    Ganem

    ?

    D'ailleurs,

    l'amusement

    que

    ces

    livres

    procurent n'est

    pas

    leur

    seul

    mrite :

    ils

    servent

    donner

    une

    ide

    trs-fidellc

    du

    caractre

    et

    des

    murs

    de

    ces

    Arabes

    qui

    ont

    long

    -temps

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    25/519

    SUR

    LES

    ROMANS.

    XXJ

    rgn

    dans

    l'Orient. On

    y

    reconnot

    cette

    gnrosit

    qui

    a

    toujours t

    une

    de

    leurs

    vertus

    favorites,

    et

    sur

    laquelle

    Fme et

    la

    verve

    de

    leurs

    potes et

    de

    leurs romanciers

    semble

    toujours

    exal-

    te. Les

    plus

    beaux

    traits

    en

    ce

    genre

    nous

    viennent d'eux

    : on

    ne

    sauroit le

    nier

    5

    et

    ce

    qui

    rend

    cette

    nation

    re-

    marquable,

    c'est

    la

    seule

    chez

    qui

    le

    despotisme parot

    n'avoir ni

    avili

    les

    curs,

    ni

    touff

    le

    gnie.

    Il n'y a

    point

    eu de despote

    plus

    absolu,

    plus

    redoutable

    que

    ce

    fameux

    Haroun

    ou

    Aaron,

    dont

    le nom

    revient

    tout

    moment

    dans

    leurs

    contes

    ,

    et

    dont

    le

    rgne

    est

    l'poque

    la

    plus

    brillante

    du

    califat

    et

    de

    la

    grandeur des

    Arabes.

    On

    est

    toujours

    tonn

    de

    ces

    murs

    et

    de

    ces

    opinions

    singulires

    qu'ins-

    pifent

    une nation

    ingnieuse

    et

    ma-

    gnanime

    ,

    d'un

    ct

    ,

    l'habitude

    de

    l'esclavage

    ,

    et de

    l'autre

    l'abus

    du

    pouvoir.

    Cette

    disposition,

    dans

    uu

    prince

    d'ailleurs

    clair

    ,

    compter

    pour rien la

    vie

    des

    hommes;

    et,

    dans

    ces

    mmes

    hommes,

    la

    facilit

    se

    persuader

    qu'ils

    ne

    valent

    pas

    plus

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    26/519

    XXI)

    DISSERTATION

    qu*oa

    ne

    les

    apprcie,

    et

    faire

    de

    la

    servitude politique

    un dvouement

    religieux:

    voil

    ce

    qu'on

    voit tout

    moment

    dans

    leurs

    livres;

    et

    peut-tre

    ce

    mpris

    d'eux-mmes tient

    en

    partie

    ce

    dogme

    de

    la fatalit

    ,

    qui semble

    de

    tout

    temps

    enracin

    dans

    les

    ttes

    orientales. Il revient

    dans

    toutes

    leurs

    fables

    ,

    dont le

    fond

    est

    presque

    tou-

    jours

    un

    passage

    rapide

    de

    l'excs

    du

    malheur au

    fate des

    prosprits,

    et

    de

    l'ivresse

    de

    la

    joie

    au

    comble

    de

    l'af-

    fliction.

    Il

    semble qu'ils n'aient

    eu

    pour

    objet que

    de

    nous

    apprendre

    quel

    point

    nous

    sommes

    assujtis

    cette

    destine

    ternelle;

    crite

    sur

    la.

    TABLE

    DE

    LUMIRE.

    Les

    Mille

    et une Nuits

    sont

    une

    sorte

    de

    peinture dramatique

    de

    la

    nation

    arabe.

    Les artifices

    de

    leurs

    femmes,

    l'hypocrisie

    de

    leurs

    religieux,

    la

    corruption

    des

    gens

    de

    loi

    ,

    les

    fri-

    ponneries

    des

    esclaves

    ,

    tout

    y

    est

    fidel-

    ement

    reprsent,

    et

    beaucoup

    mieux

    que

    ne

    pourroit

    faire le

    voyageur

    le

    plus

    exact.

    On

    j

    trouve

    aussi

    beaucoup

    Se

    traditions

    antiques,

    que

    plusieurs

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    27/519

    SUR

    LES

    ROMANS.

    XXllj

    nations

    ont rapportes

    leur

    manire

    l'histoire de

    Phdre

    et

    celle

    de

    Circ

    y

    sont

    trs-aises

    reconnoitre

    plu-

    sieurs endroits

    ressemblent

    aussi

    des

    traits

    historiques

    des

    livres

    juifs.

    Cette

    aventure

    de

    Joseph^

    la

    plus

    touchante

    peut-tre

    que

    l'antiquit nous

    ait

    trans-

    mise,

    cet

    emblme

    de

    l'envie

    qui

    anime

    des

    frres

    contre

    un

    frre

    ,

    se

    retrouve

    aussi

    en

    partie

    dans

    les

    Contes

    Arabes-.

    Ce n'est

    pas

    qu'on puisse faire

    beaucoup

    de

    cas

    de

    la manire

    dont

    ces

    Contes

    sont

    amens.

    On

    sait

    que

    l'aventure

    de Joconde

    sert

    de fondement

    aux

    Mille

    et

    une

    Nuits,

    et que

    le

    sultan

    Schahriar

    ,

    irrit

    de

    l'infidlit

    de sa

    sultane

    ,

    prend le

    parti

    de

    faire

    tran-

    gler,

    le

    matin,

    sa

    nouvelle

    pouse

    de

    la

    veille.

    Le moyen

    est

    violent^

    mais

    enfin

    la fille

    de son

    visir

    par\ent

    faire

    ces-

    ser ces noces

    meurtrires

    ,

    et

    sauver

    sa

    propre

    vie

    en

    amusant

    le

    sultan par

    des

    contes.

    On

    peut

    croire

    que

    Schahriar

    aimoit

    mieux

    les

    contes que

    les

    fem-

    mes,

    et

    qu'il

    toit

    -peu-prs

    aussi

    raisonnable dans

    sa clmence

    que

    dans

    sa

    cruaut.

    Il

    faut pourtant

    avouer

    que

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    28/519

    XXIV

    DISSERTATION

    j

    etc.

    toutes

    les histoires

    du

    premier volume

    excitent

    tellement

    la

    curiosit

    ds

    les

    vingt

    premires lignes^

    qu'en

    effet

    il

    est

    bien

    diflicile

    de

    n'avoir

    pas

    envie

    de

    savoir

    le reste

    ^

    surtout

    lorsqu'on

    peut

    dire

    ce

    que le

    sultan disoit

    de sa

    femme

    en

    se

    levant

    ;

    Je

    la

    ferai

    tou-

    jours

    BIEN

    MOURIR

    DEMAIN.

    La

    vogue

    qu'eurent les

    Mille

    et

    UNE Nuits

    dans

    leur

    nouveaut, fit

    bientt

    clore

    les

    imitateurs

    ,

    qui

    mar-

    chent

    toujours

    la

    suite

    des

    succs.

    Ainsi

    l'on

    vit parotre

    les

    Mille

    et

    UNE

    Heures, lesMilleetunQuart-

    d'Heure,

    etc.

    ouvrages

    ingnieux

    ,

    fort au-dessous

    de

    leurs

    modleSi.

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    29/519

    A

    MADAME

    LA

    MARQUISE

    DO,

    DAME

    DU

    PALAIS

    DE

    MADAME

    LA

    DUCHESSE

    DE

    BOURGOGNE.

    Madame,

    Les

    bonts

    infinies

    que

    Monsieur

    De GuiLLERAGUES,

    votre

    illustrc

    pre

    ,

    eut

    pour moi

    dans

    le

    sjour

    que

    je fis,

    il

    y

    a

    quelques annes,

    Cons-

    tantinople

    ,

    sont trop prsentes mon

    esprit

    pour ngliger

    aucune

    occasion

    de

    publier

    la reconnoissance

    que

    je

    dois

    sa

    mmoire.

    S'il

    vivoit

    encore

    pour le

    bien

    de

    la

    France

    et

    pour

    mon bonheur

    ,

    je

    prendrois

    la

    libert

    de

    lui

    ddier

    cet ouvrage, non-seules

    X.

    3

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    30/519

    ment

    comme

    mon

    bienfaiteur

    ,

    mais

    encore

    comme

    au

    gnie

    le

    plus

    ca-

    pable

    de goter

    et

    de

    faire

    estimer

    aux

    autres

    les belles choses.

    Qui

    peut

    ne se pas

    souvenir

    de

    l'extrme

    jus-

    tesse

    avec laquelle

    il jugeoit

    de

    tout?

    Ses

    moindres

    penses

    toujours

    bril-

    lantes,

    ses

    moindres

    expressions

    tou-

    jours

    prcises et

    dlicates,

    faisoicnt

    l'admiration de tout le

    monde

    ;

    et

    jamais

    personne n'a joint ensemble

    tant

    de grces et tant de solidit.

    Je

    l'ai

    vu

    dans

    un

    temps

    o,

    tout

    oc-

    cup

    du

    soin

    des affaires de

    son

    matre

    ,

    il sembloit

    ne

    pouvoir mon-

    trer au-delors

    que

    les

    talens

    du

    mi-

    nistre

    ,

    et

    sa

    profonde capacit dans

    les

    ngociations

    les

    plus pineuses

    ;

    cependant toute

    la

    gravit

    de son

    emploi ne pouvoit rien

    diminuer

    de

    ses agrmens

    inimitables, qui avoient

    fait

    le

    clianne

    de

    ses

    amis,

    et

    qui

    se

    faisoient

    sentir

    mme

    aux

    nations les

    plus

    barbares

    avec

    qui

    ce

    grand

    homr^a

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    31/519

    B P I

    T

    R

    E. XXVI}

    avoit

    traiter. Aprs

    la

    perte

    irr-

    parable

    que

    j'en

    ai

    faite

    ,

    je ne puis

    m'adresser

    qu'

    vous,

    Madame,

    puis-

    que vous

    seule pouvez me

    tenir lieu

    de

    lui

    ;

    et

    c'est dans

    cette

    confiance

    (ue

    j'ose

    vous

    demander

    pour

    ce

    livre,

    la

    mme

    protection

    que

    vous

    avezi

    bien voulu

    accorder

    la

    Traduction

    fianaise de

    sept

    Contes

    Arabes que

    j'eus

    l'honneur

    de vous

    prsenter,

    \ous

    vous

    tonnerez

    que,

    depuis ce

    temps-l,

    je n'aie

    pas

    eu Tlionneur

    de

    vous

    les

    offrir

    imprims.

    Le

    retardement.

    Madame,

    vient

    de ce qu'avant

    de commencer

    l'impres-

    sion,

    j'appris

    que

    ces

    Contes

    toient

    tirs

    d'un

    Recueil

    prodigieux

    de Contes

    semblables,

    en

    plusieurs

    volumes,

    in-

    titul

    :

    Les

    Mille et

    une Nuits.

    Cette

    dcouverte

    m'obligea de

    sus-

    pendre

    cette

    impression,

    et

    d'employer

    mes

    soins

    recouvrer le

    Recueil.

    Il

    a

    fallu le

    faire

    venir

    de

    Syrie

    ,

    et mettre

    en

    franais

    le

    premier

    volume

    c|UQ

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    32/519

    XXviij

    PITRE.

    voici

    ,

    de quatre seulement qui

    m'ont

    t

    envoys.

    Les

    Contes

    qu

    il

    contient

    vous

    seront,

    sans doute, beaucoup

    plus

    agrables

    que

    ceux que vous avez

    dj vus.

    Ils

    vous seront

    nouveaux

    et

    vous les

    trouverez en plus

    grand

    nombre; vous

    y

    remarquerez

    mme

    avec

    plaisir

    le

    dessein

    ingnieux

    de

    l'Auteur

    Arabe,

    qui

    n'est

    pas connu,

    de faire un corps

    si

    ample de narra-

    tions

    de

    son

    pays,

    fabuleuses

    la

    v-

    rit

    ,

    mais agrables

    et divertissantes.

    Je

    vous

    supplie.

    Madame,

    de

    vou-

    loir

    bien

    agrer ce

    petit

    prsent

    que

    j'ai l

    honneur de

    vous

    faire : ce

    sera

    un

    tmoignage

    public

    de

    ma

    recon-

    noissance

    ,

    et

    du

    profond respect avec

    lequel

    je

    suis

    et

    serai

    toute

    ma vie,

    MADAME,

    Votre

    trs-humble

    et

    trs-

    obissant

    serviteur,

    Galland.

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    33/519

    PRFACE.

    Il

    n'est

    pas

    besoin

    de

    prvenir

    le

    lecteur sur

    le

    mrite

    et

    la

    beaut

    des

    Contes

    qui

    sont

    renferms

    dans

    cefi

    ouvrage.

    Ils portent

    leur

    recomman-

    dation

    avec

    eux

    :

    il

    ne

    faut

    que

    les

    lire

    pour demeurer

    d'accord

    qu'en

    ce

    genre

    on

    n'a rien vu de si beau

    jus-

    qu'

    prsent dans aucune

    langue.

    En

    effet,

    qu'y

    a-t-il

    de

    plus

    ing-

    nieux

    ,

    que d'avoir fait un

    corps

    d'une

    quantit

    prodigieuse de

    Contes

    ,

    dont

    la

    varit

    est

    surprenante ,

    et l'encha-

    nement

    si

    admirable

    ,

    qu'ils

    semblent

    avoir

    l faits

    pour composer

    l'ample

    B

    ecueil

    dont

    ceux-ci ont

    t tirs?

    Je

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    34/519

    XXX

    PREFACE.

    dis

    l'ample Recueil

    ,

    car

    l'original

    arabe,

    qui

    est

    intitul

    Les

    Mille

    ET

    UNE

    Nuits,

    a

    trente-six parties,

    et

    ce

    n'est

    que la traduction

    de

    la

    premire qu'on donne

    aujourd'hui

    au

    public.

    On

    ignore

    le

    nom

    de

    l'au-

    teur d'un

    si

    grand

    ouvrage

    5

    mais

    vraisemblablement

    il

    n'est

    pas

    tout

    d'une main

    ;

    car

    comment

    pourra-

    t-on

    croire qu'un seul

    homme

    ait

    eu

    l'imagination

    assez

    fertile pour

    suffire

    tant de

    fictions ?

    Si

    les

    Contes

    de

    cette

    espce

    sont

    agrables

    et

    divertissans

    par

    le

    mer-

    veilleux

    qui

    j

    rgne d'ordinaire,

    ceux-

    ci

    doivent

    l'emporter en

    cela

    sur tous

    ceux

    qui

    ont

    paru,

    puisqu'ils

    sont

    remplis

    d'vnemens

    qui

    surprennent

    et

    attachent

    l'esprit

    ,

    et

    qui

    font

    voir

    de combien

    les Arabes

    surpassent

    les

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    35/519

    PRFACE*

    XXXJ

    autres

    nations

    en

    cette sorte

    de

    com-

    position.

    Ils

    doivent

    plaire

    encore

    par

    les

    coutumes

    et

    les

    murs

    des

    Orien-

    taux

    ,

    par

    les

    crmonies

    de

    leur

    re-

    ligion,

    tant

    paenne

    que

    mahom-

    tane

    5

    et

    ces

    choses

    y

    sont mieux

    marques

    que dans

    les

    auteurs

    qui en

    ont

    crit,

    et

    que

    dans

    les

    relations

    des voyageurs.

    Tous

    les

    Orientaux,

    Persans

    , Tartares

    et

    Indiens

    s'y

    font

    distinguer

    ,

    et

    paroissent

    tels qu'ils

    sont, depuis

    les

    souverains

    jusqu'aux

    personnes

    de

    la

    plus

    basse

    condition.

    Ainsi,

    sans

    avoir essuy

    la

    fatigue

    d'aller

    chercher

    ces

    peuples

    dans

    leurs pays

    ,

    le

    lecteur

    aura ici le

    plai-

    sir

    de

    les

    voir

    agir

    et

    de

    les

    entendre

    parler.

    On

    a

    pris soin

    de

    conserver

    leurs

    caractres , de

    ne

    pas

    s'loigner

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    36/519

    XXXI) r

    R

    E

    F

    A

    C

    B.

    de

    leurs expressions

    et

    de

    leurs

    senti-

    mens

    ;

    et

    Ton

    ne s'est

    cart du

    texte

    que

    quand

    la

    biensance n'a

    pas per-

    mis

    de s'y

    attacher.

    Le

    traducteur

    se

    flatte

    que

    les

    personnes

    qui

    enten-

    dent

    l'arabe

    ,

    et

    qui

    voudront

    pren-

    dre

    la

    peine

    de

    confronter

    l'original

    avec

    la

    copie

    ,

    conviendront qu'il

    a

    fait

    voir

    les

    Arabes

    aux

    Franais

    avec

    toute

    la circonspection

    que

    de-

    mandoit

    la dlicatesse de

    notre

    lan-

    gue et

    de notre

    temps.

    Pour

    peu

    mme

    que

    ceux

    qui

    li-

    ront

    ces

    Contes,

    soient disposs

    pro-

    fiter

    des

    exemples

    de

    vertu et

    de

    vice

    qu'ils

    y

    trouveront ,

    ils en pourront

    tirer

    un

    avantage

    qu'on

    ne

    tire

    point

    de

    la

    lecture

    des

    autres

    Contes

    ,

    qui

    sont

    plus

    propres

    corrompre

    les

    mcEurs qu'

    les

    corriger.

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    37/519

    LES

    MILLE

    ET

    UNE

    NUITS,

    CONTES

    ARABES.

    I/ES

    chronicnies

    des

    Sassaniens,

    an-

    ciens rois de

    Perse

    ,

    qui

    avoieiit

    ten-

    du leur empire

    dans les

    Indes

    ,

    dans

    les

    grandes

    et

    petites

    isles

    qui

    en d-

    pendent,

    et

    bien

    loin

    au-del

    du Gan-

    ge

    ,

    jusqu'

    la

    Chine

    ,

    rapportent

    qu'il

    y

    avoit autrefois un roi de

    cette puis-

    sante maison

    ,

    qui toit le plus

    ex-

    cellent prince

    de son temps.

    Il

    se

    fai-

    soit

    autant aimer de ses

    sujets,

    par

    sa

    sagesse

    et

    sa

    prudence,

    qu'il

    s'toit

    rendu

    redoutable ses

    voisins

    par

    le

    bruit de

    sa

    valeur

    et

    par

    la

    rputation

    de

    ses

    troupes

    belliqueuses

    et

    bien

    disciplines.

    Il

    avoit

    deux

    fils:

    l'ain,

    I.

    I

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    38/519

    2

    LES

    7riLLE

    ET

    UNE

    NUITS,

    appel

    Schahriar

    ,

    digne

    hritier

    de

    son

    pre

    ,

    en

    possdoit

    toutes

    les

    ver-

    tus; elle

    cadet, nomm

    Schahzenan,

    n'avoit

    pas

    moins

    de

    mrite

    que

    son

    irre.

    Aprs un

    rgne

    aussi

    long

    que

    glo-

    rieux,

    ce

    roi

    mourut,

    et

    Schahriar

    monta

    sur

    le

    trne.

    Schahzenan

    , ex-

    clus

    de

    tout partage

    par

    ]es

    lois

    de

    l'empire

    ,

    et

    oblig

    de

    vivre

    comme

    un particulier

    ,

    au

    lieu

    de

    souffrir

    im-

    patiemment

    le

    bonheur

    de

    son

    an

    ,

    mit

    toute

    son attention

    lui

    plaire,

    l

    eut

    peu de

    peine

    y

    russir.

    Sciiah-

    riar

    ,

    qui avoit

    naturellement

    de

    l'in-

    clination pour ce

    prince,

    fut

    charm

    de

    sa

    complaisance

    ;

    et

    par

    un

    excs

    d'amiti, voulant

    partager

    avec

    lui

    ses

    tats ,

    il

    lui

    donna le

    royaume

    de

    la

    Grande

    Tartarie. Schahzenan

    en

    illa bientt

    prendre

    possession

    ,

    et

    il

    labht

    son

    sjour

    Samarcande,

    qui

    en

    toit

    la

    capitale.

    IJ

    y

    avoit dj

    dix

    ans

    que

    ces

    deux

    rois

    toient

    spars

    ,

    lorsque

    Schah-

    riar,

    souhaitant

    passionnment

    de re-

    \ uir

    soa

    frre

    ,

    rsolut

    de

    lui

    envoyer

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    39/519

    CONTES

    ARABES.

    5

    un

    ambassadeur

    pour

    l'inviter

    le

    ve-

    nir

    voir.

    Il

    choisit pour

    cette

    ambas-

    sade

    son

    premier

    visir(i),

    qui

    partit

    avec

    une

    suite conforme

    sa

    dignit,

    et fit

    toute

    la

    diligence

    possible.

    Quand

    il

    fut

    prs

    de Samarcande

    , Scliahze-

    nan, averti de son arrive,

    alla

    au-

    devant

    de

    lui

    avec

    les

    principaux

    sei-

    gneurs

    de sa

    cour,

    qui,

    pour

    faii'e

    plus

    d'honneur

    au ministre

    du

    sultan,

    s'toient

    tous

    habills

    magnifique-

    ment.

    Le

    roi

    de

    Tartarie

    le

    reut

    avec

    de

    grandes

    dmonstrations

    cle

    joie,

    et

    lui demanda

    d'abord des

    nouvelles

    du sultan son

    frre.

    Le

    visir

    satisft

    sa

    curiosit

    5

    aprs quoi

    il

    exposa le

    sujet

    de

    son ambassade.

    Schahzenan en

    fut

    touch.

    Sage visir

    ,

    dit-il

    ,

    le sultan

    mon

    frre

    me

    fait

    trop

    d'honneur

    , et

    il

    ne

    pouvoit

    rien

    me

    proposer

    qui

    me ft plus

    agrable.

    S'il

    souhaite

    de

    me

    voir,

    je

    suis

    press de la

    mme

    envie. Le

    temps

    ,

    qui n'a

    point

    dimi-

    nu

    son amiti, n'a

    point affoibli

    la

    mienne.

    Mon royaume est

    tranquille,

    (1)

    Premier

    ministre.

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    40/519

    4

    lES MILLE

    ET

    UNE

    NUITS

    ,

    et

    je

    ne

    v^eux

    que

    dix

    jours pour

    me

    mettre

    en

    tat

    de

    partir

    avec

    vous.

    Ainsi

    il

    n'est pas

    ncessaire

    que vous

    entriez dans

    la

    ville pour

    si

    peu

    de

    temps.

    Je

    vous

    prie

    de

    vous

    arrter

    en cet

    endroit

    et

    d'y

    faire

    dresser vos

    tentes.

    Je

    vais

    ordonner

    qu'on

    vous

    apporte des

    rafraichissemens

    en

    abon-

    dance

    pour vous

    et

    pour

    toutes

    les

    personnes de

    votre

    suite.

    Cela

    fut

    excut

    sur-le-champ

    ; le roi fut

    peine

    rentr

    dans

    Samarcande,quel6

    visir

    vit

    arriver

    une

    prodigieuse

    quan-

    tit

    de

    toutes

    sortes

    de

    provisions

    ,

    ac-

    compagnes

    de

    rgals

    et de

    prsens

    d'un

    trs

    -grand

    prix.

    Cependant

    Schahzenan

    ,

    se

    dispo-

    sant

    partir ,

    rgla

    les

    affaires

    les

    plus

    pressantes,

    tablit un

    conseil

    pour

    gouverner

    son royaume pendant son

    absence

    ,

    et mit la

    tte

    de

    ce

    con-

    seil

    un

    ministre

    dont la

    sagesse

    lui

    toit

    connue

    et en

    qui

    il

    avoit

    une

    entire

    confiance.

    Au

    bout

    de dix

    jours

    , ses

    quipages

    tant

    prts , il

    dit

    adieu

    la

    reine sa

    femme ,

    sor-

    tit

    sur

    le

    soir

    de

    Samarcaude

    ,

    et,

    sui-

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    41/519

    C

    li

    T

    E

    s

    A Pv. A

    2

    E

    S.

    5

    vi

    des

    officiers

    qui

    dvoient

    tie du

    vojage ,

    il

    se

    rendit

    an

    pavillon

    royal

    qu'il

    avoit fait dresser auprs

    des

    ten-

    tes

    du

    visir. Il s'entretint

    avec cet

    am-

    bassadeur

    jusqu'

    minuit.

    Alors

    vou-

    lant

    encore une

    fois

    embrasser

    la

    rei-

    ne

    ,

    qu'il

    aimoit

    beaucoup

    ,

    il

    retour-

    na

    seul

    dans

    son

    palais.

    Il

    alla droit

    l'appartement

    de

    cette

    princesse

    ,

    qui,

    ne s'attendant

    pas

    le

    revoir

    ^

    avoit

    reu dans son

    lit

    un des

    derniers

    of-

    ficiers

    de

    sa

    maison. Il

    y

    avoit

    dj

    long-temps

    qu'ils

    toient

    couchs

    ,

    et

    ils

    dormoient

    tous

    deux

    d'un

    profond

    sommeil.

    Le roi

    entra sans bruit, se

    faisant

    un

    plaisir

    de

    surprendre

    par

    son re-

    tour

    une

    pouse

    dont

    il

    se

    crojoit

    tendrement

    aim. Mais

    quelle

    fut sa

    surprise

    ,

    lorsqu'

    la

    clart

    des

    flam-

    beaux

    ,

    qui

    ne

    s'teignent

    jamais la

    nuit

    dans

    les

    appartemens

    des prin-

    ces

    et

    des

    princesses

    ,

    il

    aperut

    un

    homme dans ses bras. Il

    demeura

    immobile durant

    quelques

    momens

    ne

    sachant

    s'il devoit

    croire ce

    qu'il

    vojoit.

    Mais

    n'en

    pouvant

    douter :

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    42/519

    LES

    MILLE

    ET

    UNE

    NUITS

    ,

    K

    Quoi

    dit-il

    en

    lui-mme

    ,

    je suis

    peine

    hors

    de

    mon

    palais

    ,

    je

    suis

    encore sous

    les

    murs

    de

    Samarcan-

    de

    ,

    et l'on

    m'ose outrager

    Ah

    per-

    fide

    ,

    votre crime

    ne

    sera pas

    impuni

    1

    Comme roi

    ,

    je

    dois

    punir les

    forfaits

    qui

    se

    commettent dans

    mes

    tats;

    comme

    poux offens

    ,

    il

    faut

    que

    je

    vous

    immole

    mon juste ressenti-

    ment.

    Enfin

    ce

    malheureux

    prince

    cdant son premier transport

    ,

    tira

    son

    sabre

    ,

    s'approcha du

    lit

    ,

    et

    d'un

    seul

    coup

    ft

    passer

    les coupables

    du

    sommeil la

    mort. Ensuite

    les

    prenant

    l'un aprs

    fautre ,

    il

    les

    jeta

    par

    une

    fentre

    dans

    le foss dont le

    palais

    toit environn.

    S'tant

    veng de

    cette

    sorte

    ,

    il

    sor-

    tit

    de la

    ville

    comme

    il

    y

    toit

    venu

    et

    se

    retira

    sous son pavillon.

    Il

    n'j

    fut

    pas plutt arriv

    ,

    que

    sans

    parler

    personne

    de

    ce

    qu'il venoit de

    faire,

    il

    ordonna

    de

    plier les

    tentes

    et

    de

    partir.

    Tout

    fut

    bientt

    prt,

    et

    il

    n'-

    toit

    pas

    jour encore

    ,

    qu'on

    se

    mit

    en

    marche

    au

    son des

    tymbales

    et

    de

    plusieurs

    autres instrumens

    qui ins-

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    43/519

    CONTES

    A R

    A T>

    IL

    S.

    7

    piroient

    de la joie

    tout

    le

    monde

    ionnis

    au

    roi.

    Ce

    prince,

    toujours

    oc-

    cup

    de

    l'infidlit

    de

    la

    reine

    ,

    toit

    la

    proie

    d'une

    affreuse

    mlancolie

    qui

    ne

    le

    quitta

    point pendant tout

    le

    vojage.

    Lorsqu'il fut prs

    de

    la

    capitale

    des

    Indes

    ,

    il

    vit

    venir

    au-devant

    de

    lui le sultan

    (i)

    Schahriar

    avec

    toute

    ^a

    cour. Quelle joie pour

    ces

    princes

    de

    se

    revoir

    Ils mirent tous deux

    pied

    terre

    pour

    s'embrasser

    5

    et

    aprs

    s'tre

    donn

    naille

    marques

    de

    ten-

    dresse

    5

    ils

    remontrent

    cheval

    , et

    entrrent dans

    la ville

    aux acclama-

    tions

    d'une

    foule

    innombrable

    de

    peuple. Le sultan

    conduisit le

    roi son

    frre

    j

    usqu au

    palais

    qu'il

    lui

    avoit

    fait

    prparer.

    Ce

    palais

    communiquoit

    au

    sien

    par

    un

    mme

    jardin

    ;

    il

    toit

    d'autant

    plus

    magnifique

    ,

    qu'il toit

    consacr

    aux

    ftes et

    aux

    divertisse-

    mens

    de

    la

    cour;

    et

    on

    en

    avoit

    en-

    Ci)

    Ce mot

    arabe

    sii^nifie

    enjpcreur

    ou sei-

    gneur

    j

    on

    donne

    ce

    titre

    presque

    tous

    les

    soiivoryins

    de TOrient.

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    44/519

    core

    augment

    la

    magnificence

    par

    de

    nouveaux

    ameublemens.

    Schahriar quitta

    d'abord

    le roi

    de

    Tartarie,

    pour

    lui donner

    le

    temps

    d'entrer

    au

    bain

    et de

    changer d'ha-

    bit; mais

    ds

    qu'il

    sut

    qu'il

    en

    toit

    sorti,

    il

    vint le

    retrouver.

    Ils s'assirent

    sur

    un

    sofa,

    et

    comme

    les

    courtisans

    se

    tenoient

    loigns

    par

    respect,

    ces

    deux

    princes

    commencrent

    s'entre-

    tenir

    de

    tout

    ce que deux

    frres,

    en-

    core plus unis

    par l'amiti que

    par

    le

    sang, ont

    se

    dire

    aprs

    une

    longue

    absence.

    L'heure du souper

    tant

    ve-

    nue

    ,

    ils mangrent ensemble

    ;

    et

    aprs

    le repas, ils

    reprirent

    leur en-

    tretien

    ,

    qui

    dura

    jusqu'

    ce

    que

    Schahriar

    ,

    s'apercevant

    que

    la

    nuit

    toit

    fort

    avance

    ,

    se

    retira

    pour

    lais-

    ser

    reposer son

    frre.

    L'infortun

    Schahzenan

    se

    cou-

    cha

    ;

    mais

    si

    la

    prsence

    du sultaij

    son

    frre

    avoit

    t

    capable

    de

    suspen-

    dre

    pour

    quelque

    temps

    ses

    chagrins,

    ils se

    rveillrent alors

    avec

    violence.

    Au

    lieu

    de

    goter

    le

    repos

    dont

    il

    avoit

    besoin

    , il

    ne

    ft

    que rappeler

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    45/519

    CONTES ARABES.

    9

    dans

    sa

    mmoire

    les

    plus

    cruelles

    r-

    flexions.

    Ternies

    les

    circonstances

    de

    l'infidlil de

    la

    reine

    se

    prsentoient

    si

    vivement

    son

    imagination

    ,

    qu'il

    en toit

    hors

    de lui-mme.

    Enfin

    ,

    ne

    pouvant dormir

    ,

    il

    se

    leva

    3

    et

    se

    livrant

    tout entier

    des penses

    si

    affligeantes

    ,

    il

    parut

    sur

    son

    visage

    une

    impression

    de tristesse que le

    sul-

    tan

    ne

    manqua

    pas de

    remarquer.

    Qu'a donc

    le

    roi

    de

    Tartarie

    ,

    disoit-

    il?

    Qui

    peut

    causer

    ce chagrin

    que

    je

    lui

    vois? Auroit-il

    sujet de se plain-

    dre

    de

    la

    rception que

    je

    lui

    ai faite?

    3N^on

    :

    je

    l'ai

    reu comme

    un

    frre que

    j'aime

    ,

    et

    je

    n'ai

    rien

    l-dessus

    me

    reprocher.

    Peut-tre

    se

    voit-ii

    regret

    loign

    de

    ses

    tats

    ou

    de

    la

    reine

    sa

    femme.

    Ah

    si c'est

    cela

    qui

    l'afflige

    il faut

    que

    je

    lui fasse

    incessamment

    les prsens

    que

    je

    lui deUiue, afin

    qu'il

    puisse

    partir quand il

    lui

    plai-

    ra

    ,

    pour

    s'en

    retournei'

    Samar-

    cande,

    Effectivement, ds le lende-

    main

    il

    lui

    envoya

    une

    partie de

    ces

    prsens, qui

    toient

    composs de

    tout

    ce

    (jue

    les

    Indes

    produisent

    de

    plus

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    46/519

    lO

    rare,

    de plus

    riche

    et

    de

    plus

    sin-

    gulier.

    Il

    ne

    laissoit

    pas

    nanmoins

    d'essayer

    de

    le

    divertir

    tous les jours

    })ar

    de

    nouveaux

    plaisirs; mais

    les

    fles

    es

    plus

    agrables,

    au

    lieu

    de le

    rjouir,

    ne

    faisoient

    qu'irriter

    ses

    chagrins.

    Un

    jour

    Schahriar

    ayant

    ordonn

    une

    grande

    chasse

    deux journes

    de

    sa capitale , dans un pays o

    il

    y

    avoit particulirement beaucoup

    de

    cerfs

    ,

    Schahzenan

    le pria de le

    dis-

    penser

    de

    l'accompagner

    ,

    en

    lui

    di-

    sant

    que l'lat

    de

    sa

    sant

    ne

    lui

    per-

    mettoit

    pas

    d'tre

    de la

    partie. Le

    sul-

    tan

    ne voulut pas le

    contraindre

    ,

    le

    Icdssa

    en

    libert et

    partit

    avec

    toute

    sa

    cour

    pour

    aller

    prendre

    ce

    divertis-

    sement.

    Aprs son

    dpart, le

    roi

    de

    la

    Grande

    Tartarie

    se

    voyant

    seul

    s'enferma

    dans son

    appartement.

    Il

    s'assit

    une

    fentre

    qui avoit vue

    sur

    le

    jardin.

    Ce

    beau

    lieu

    et le

    ramage

    d'une

    infinit d'oiseaux

    qui

    y

    faisoient

    leur

    retraite,

    lui

    auroient

    donn

    du

    plaisir,

    s'il

    et

    t

    capable

    d'en

    res-

    sentir;

    mais

    toujours

    dchir

    par

    le

    souvenir

    funeste

    de

    l'action

    infme

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    47/519

    CONTES ARABES.

    II

    (le

    la

    reine

    ,

    il arrtoit

    moins

    souvent

    ses

    yeux

    sur

    le

    jardin

    ,

    qu'il

    ne

    les

    le-

    voit

    au

    ciel

    pour

    se

    plaindre

    de

    son

    malheureux

    sort.

    Nanmoins

    ,

    quelque occup qu'il

    ft

    de

    ses ennuis

    ,

    il

    ne

    laissa pas

    d'apercevoir

    un

    objet

    qui

    attira

    toute

    son

    attention.

    Une

    porte

    secrte

    du

    palais du

    sultan

    s'ouvrit

    tout--coup

    et

    il en

    sortit

    vingt

    femmes

    ,

    au mi-

    lieu

    desquelles

    marchoit

    la

    sultane

    (i)

    d'un

    air

    qui

    la

    faisoit

    aisment

    distin-

    guer.

    Cette

    princesse

    ,

    croyant

    que

    le

    roi de

    la

    Grande

    Tartarie toit aussi

    la

    chasse

    ,

    s'avana

    avec

    fermet

    jus-

    que

    sous

    les

    fentres

    de fappartement

    de

    ce

    prince

    ,

    qui

    ,

    voulant

    par

    cu-

    riosit

    fobserver,

    se

    plaa

    de ma-

    nire qu'il

    pouvoit

    tout

    voir

    sans

    tre

    vu.

    Il

    remarqua

    que

    les

    personnes

    qui accompagnoient

    la

    sultane

    ,

    pour

    bannir toute

    contrainte

    ,

    se

    dcouvri-

    (i) Le titre

    ce

    sultane

    se

    donne tontes

    les

    fpmnrifs

    c c5

    prinres

    tie TOrient.

    Cepen-

    dant

    le

    nom

    de

    snltune,

    tout court

    ,

    dsigne

    rdinaireuient

    la favorite.

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    48/519

    52

    LES MILIE

    ET

    UNE NUITS,

    teiit

    le

    visage

    ,

    qu'elles avaient

    eu

    cou-

    vert

    jusqu'alors,

    et

    quittrent

    de

    longs

    liabits

    quelles

    portoient

    par

    -dessus

    d'autres

    plus courts. Mais

    il

    fut

    dans

    un extrme

    tonnement

    de voir

    que

    dans

    cette

    compagnie

    qui

    lui

    avoit

    sembl

    toute

    compose

    de

    femmes

    j

    il

    y

    avoit dix noirs qui prire)it

    chacun

    leur

    matresse.

    La sultane

    de son

    ct

    ne

    demeura

    pas long-temps

    sans

    amant

    ;

    elle frappa

    des mains

    en

    criant:

    Masoud,

    Masoud*

    et

    aussi-

    tt un autre

    noir

    descendit

    du

    haut

    d'un arbre

    ,

    et

    courut

    elle

    avec

    beaucoup

    d'empressement.

    La

    pudeur

    ne me

    permet

    pas de

    raconter

    tout

    ce

    qui

    se

    passa

    entre

    ces

    femmes

    et

    ces

    noirs,

    et

    c'est

    un

    dtail

    qu'il n'est pas

    besoin

    de faire.

    Il

    suffit

    de dire

    que

    Schahzenan en

    vit

    assez

    pour

    juger

    que

    son

    frre

    n'toit

    pas

    moins

    plaindre

    que

    lui.

    Les

    plaisirs

    de celte troupe

    amoureuse

    durrent

    jusqu

    minuit.

    Il

    se

    baignrent

    tous

    ensemble

    dans

    une

    grande

    pice

    d'eau,

    qui

    faisoitun

    des

    plus

    beaux

    ornemens

    du

    jardin

    ;

    aprs

    quoi

    ayant

    repris

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    49/519

    CONTES

    ARABES*

    Ij

    leurs

    habits ,

    ils rentrrent

    par

    la

    porte

    secrte

    dans le

    palais

    du

    sultan;

    et

    Masoud

    ,

    qui toit

    venu

    de

    dehors

    par-dessus

    la

    muraille

    du

    jardin

    ,

    s'en

    retourna par le nime

    endroit.

    Comme

    toutes

    ces

    choses

    s'toient

    passes

    sous

    les

    jeux

    du

    roi de

    la

    Grande

    Tartarie

    ,

    elles

    lui

    donnrent

    iieu

    de

    faire

    une

    infinit

    de

    rflexions*

    Que

    j'avois peu de

    raison

    , disoit-il

    ,

    de

    croire

    que

    mon

    malheur

    toit

    si

    singulier

    C'est

    sans

    doute

    l'invitable

    destine

    de

    tous

    les

    maris

    ,

    puisque

    le

    sultan mon frre

    ,

    le

    souverain

    de tant

    d'tats,

    le

    plus

    grand

    prince

    du

    mon-

    de, n'a pu

    l'viter.

    Cela

    tant,

    quelle

    foiblesse

    de

    me

    laisser

    consumer

    de

    chagrin

    C'en

    est

    fait

    :

    le

    souvenir

    d'un

    malheur

    si

    commun

    ne

    troublera

    plus

    dsormais

    le

    repos de

    ma

    vie.

    En

    effet,

    ds

    ce moment

    il

    cessa

    de s'affliger

    -

    et comme

    il

    n'avoit

    pas

    voulu

    souper

    qu'il

    n'et

    vu

    toute

    la

    scne

    qui

    ve-

    noit d'tre

    joue

    sos ses

    fentres

    ,

    il

    fit

    servir

    alors, mangea

    de meilleur

    apptit

    qu'il

    n'avoit fait

    depuis

    soa

    dpart

    de

    Samarcande

    ,

    et

    entendit

    I.

    2

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    50/519

    14

    I.ES

    MILLE ET

    UNE

    NUITS

    ,

    mme

    avec

    quelque

    plaisir

    un

    con-

    cert

    agrable

    de

    voix

    et

    d'instrumens

    dont

    on

    accompagna le

    repas.

    Les jours

    suivans

    il

    fut

    de trs-

    bonne

    humeur;

    et

    lorsqu'il

    sut

    que

    le

    sultan toit

    de

    retour

    , il

    alla

    au-

    devant

    de

    lui

    , et

    lui

    ft

    son

    compli-

    ment

    d'un

    air

    enjou.

    Schahiiar

    d'a-

    bord

    ne

    prit pas

    garde

    ce

    change-

    ment; il ne

    songea

    qu'

    se

    plaindre

    obligeamment

    de

    ce que

    ce

    prince

    avoit refus

    de

    l'accompagner la

    chasse;

    et

    sans lui

    donner

    le

    temps

    de

    rpondre

    ses

    reproches,

    il lui

    parla

    du

    grand

    nombre

    de

    cerfs

    et

    d'autres animaux

    qu

    il

    avoit

    pris

    ,

    et

    enfin

    du

    plaisir qu'il

    avoit

    eu.

    Schah-

    zenan, aprs l'avoir

    cout

    avec- at-

    tention,

    prit

    la

    parole son

    tour.

    Comme

    il

    n'avoit plus de chagrin qui

    l'empcht

    de faire

    paroitre

    combien

    il

    avoit

    d'esprit,

    il

    dit

    mille

    choses

    agrables

    et plaisantes.

    Le

    sultan

    ,

    qui

    s'

    toit attendu

    le

    retrouver

    dans le

    mme

    tat

    o il

    l'avoil

    laiss,

    fut ravi

    de

    le

    voir si

    gai.

    Mon frre

    ,

    lui

    dit-il

    ,

    je

    rends

    grces

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    51/519

    CONTES

    ARABES.

    1

    5

    at ciel

    de

    l'heureux

    changement

    qu'il

    a

    produit

    en

    vous

    pendant

    mon

    ab-

    sence

    5

    j'en

    ai

    une

    vritable joie

    ,

    mais

    j'ai une prire

    vous

    faire

    ,

    et

    je

    vous

    conjure

    de

    m'

    accorder

    ce

    que

    je vais

    vous

    demT.nder.

    Que

    pourrois-je

    vous

    refuser

    ,

    rpondit le

    roi

    de Tar-

    tarie

    ?

    Vous

    pouvez

    tout

    sur Schah-

    zenan.

    Parlez;

    je

    suis

    dans

    l'impa-

    tience

    de

    savoir

    ce

    que

    vous

    souhai-

    tez de

    moi.

    Depuis

    que

    vous

    tes

    dans

    ma

    cour

    ,

    reprit

    Schahriar

    ,

    je

    vous

    ai

    vu

    plong

    dans

    une

    noire

    m-

    lancolie que j'ai

    vainement

    tent

    de

    dissiper

    par

    toutes

    sortes

    de

    divertis-

    semens. Je

    me suis

    imagin

    que

    votre chagrin

    venoit

    de

    ce que

    vous

    tiez

    loign

    de

    vos

    tats

    ;

    j'ai

    cru

    mme

    que

    famour

    y

    avoit

    beaucoup

    de

    part,

    et

    que

    la reine

    de Samar-

    cande

    ,

    que

    vous

    avez

    d

    choisir

    d'une

    beaut

    acheve

    ,

    en

    toit

    peut-

    tre

    la

    cause.

    Je

    ne

    sais

    si

    je

    me

    suis

    tromp

    dans

    ma

    conjecture;

    mais

    je

    vous avoue

    que

    c'est particulire-

    ment

    pour cette

    raison

    que

    je

    n'ai

    pas

    voulu

    vous

    uiiportuner l-

    des-

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    52/519

    l6

    LES

    MILLE

    ET

    UNE

    NUITS,

    SUS

    ,

    de peur de vous

    dplaire.

    Ce-

    pendant

    ,

    sans

    que j'y aie contribu

    en

    aucune

    manire

    ,

    je

    vous

    trouve

    mon

    retour

    de la meilleure

    humeur

    du

    monde

    et

    l'esprit

    entirement

    d-

    gag

    de cette

    noire

    vapeur,

    qui

    en

    troubloit

    tout l'enjouement.

    Dites-

    moi

    de

    grce

    ,

    pourquoi

    vous

    tiez

    si

    triste

    ,

    et

    pourquoi

    vous ne

    l'tes

    plus

    ?

    A ce

    discours

    , le

    roi de

    la Gran-

    de

    Tait

    .rie

    demeura

    quelque temps

    rveur

    ,

    comme

    s'il

    et

    cherch

    ce

    qu'il

    avoit

    y

    rpondre.

    Enfin

    il re-

    partit dans

    ces

    termes

    :

    Vous

    tes

    mon

    sultan

    et

    mon

    maitre

    ;

    mais

    dis-

    pensez-moi

    ,

    je vous supplie

    ,

    de

    vous

    Qonner

    la

    satisfaction

    que

    vous

    me

    demandez.

    Non, mon

    frre,

    r-

    Fhqua

    le sultan

    ,

    il

    faut

    que

    vous

    me

    accordiez

    ;

    je la

    souhaite

    ,

    ne

    me la

    refusez

    pas.

    Schahzenan

    ne

    put

    rsister

    aux

    instances

    de

    Schahriar.

    H

    bien

    mon

    frre

    ,

    lui

    dit-il

    ,

    je

    vais vous

    satisfaire

    ,

    puisque

    vous

    me

    lie

    commandez.

    Alors

    il

    lui

    raconta

    l'infidlit

    de

    la

    reine

    de

    Samarcande

    ;

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    53/519

    CONTES

    ARABES.

    I7

    et

    lorsqu'il

    en

    eut achev le

    rcit:

    VoiJ,

    poursuivit-il, le

    sujet

    de

    ma

    tristesse; jugez

    si

    j'avois

    tort

    de

    m'y

    abandonuer.

    O

    mon

    frre

    s'-

    cria

    le

    sultan

    d'un

    ton

    qui marquoit

    combien

    il

    entroit

    dans

    le

    ressenti-

    ment

    du

    roi de

    Tartarie

    ,

    quelle hor-

    rible

    histoire

    venez

    -

    vous

    de

    me

    ra-

    conter

    1

    Avec

    quelle impatience je

    l'ai

    coute jusqu'au bout

    Je vous

    loue

    d'avoir puni

    les

    tratres

    qui

    v^ous

    ont

    fait

    un outrage si

    sensible.

    On

    ne

    sauroit

    vous

    reprocher

    cette

    action

    :

    elle est

    juste

    3

    et

    pour moi

    j'a-

    vouerai

    qu'

    votre

    place j'aurois

    eu

    peut-tre

    moins

    de

    modration

    que

    vous.

    Je

    ne

    me

    serois pas

    content

    d'ter

    la

    vie

    une

    seule

    femme

    ,

    je

    crois

    que

    j'en

    aurois sacrifi plus de

    mille

    ma

    rage. Je

    ne

    suis

    pas

    ton-

    n

    de

    vos

    chagrins

    ;

    la

    cause

    en toit

    trop

    vive

    et

    trop

    mortifiante

    pour

    n'y

    pas

    succomber.

    O

    ciel

    quelle

    aventure

    Non

    ,

    je

    crois qu'il n'en

    est

    jamais

    arriv

    de

    semblable

    person-

    ne qu' vous.

    Mais

    enfin

    il faut

    louer

    Dieu

    de ce

    qu'il

    vous

    a

    donn

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    54/519

    8

    LES

    MILLE

    ET

    UNE NUITS

    ,

    de la

    consolation

    ;

    et comme

    je

    ne

    doute

    pas qu'elle

    ne

    soit

    bien

    fon-

    de

    ,

    ayez

    encore

    la

    complaisance

    de

    m'en

    instruire

    ,

    et

    faites

    moi

    la con-

    fidence

    entire.

    Scliahzenan fit plus

    de

    difficult

    sur

    ce

    point que sur le

    prcdent,

    cause de

    l'intrt

    que son

    frre

    y

    avoit

    ;

    mais

    il fallut cder

    ses nou-

    velles instances,

    Je

    v^ais

    donc

    vous

    obir

    ,

    lui

    dit-il

    ,

    puisque

    vous

    le

    vou-

    lez

    absolument.

    Je crains

    que

    mon

    obissance

    ne

    vous cause

    plus

    de cha-

    grins

    que

    je

    n'en

    ai

    eu

    ;

    mais

    vous

    ne

    devez

    vous

    en

    prendre qu'

    vous-m-

    me,

    puisque

    c'est vous

    qui

    me

    for-

    cez

    vous rvler

    une chose

    que

    je

    voudrois enses^ehr

    dans

    un

    ternel

    oubli.

    ce

    Ce

    que

    vous

    me

    dites,

    inter-

    rompit

    Schahriar,

    ne

    fait

    qu'irriter

    ma

    curiosit

    5

    htez-vous

    de

    me

    d-

    couvrir

    ce

    secret

    ,

    de

    quelque

    nature

    q^u'il

    puisse

    tre.

    Le

    roi

    de

    Tarta-'

    ne,

    ne

    pouvant plus

    s'en

    dfendre,

    fit

    alors

    le dtail

    de

    tout

    ce

    qu'il

    avoit

    vu du

    dguisement

    des

    noirs,

    de

    l'emnortemeiit

    de

    la

    sultane

    et

    d

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    55/519

    CONTES

    ARABES.

    If)

    ses

    femmes

    ,

    et

    il

    n'oublia

    pas Ma-

    soLid.

    xA-prs

    avoir

    t

    tmoin

    de

    ces

    infamies

    ,

    conlinua-t-il

    ,

    je

    pensai

    que

    toutes

    les

    femmes

    y

    toient

    na-

    turellement

    portes , et

    qu'elles

    ne

    pouvoient

    rsister

    leur

    penchant.

    Prvenu

    de

    cette

    opinion

    ,

    il

    me

    pa-

    rut

    que

    c'toit

    une

    grande

    foiblesse

    un

    nomme d'attacher

    son

    repos

    leur

    fidht.

    Celte

    rflexion

    m'en

    fit

    faire

    beaucoup

    d'autres; et

    enfin

    je ju-

    geai

    que

    je

    ne

    pouvois

    prendre un

    meilleur

    parti

    que

    de

    me

    consoler.

    Il

    m'en

    a

    cot

    quelques

    efforts

    ;

    mais

    j'en suis

    venu

    bout

    ;

    et

    ,

    si

    vous

    m'en croyez,

    vous suivrez

    mon

    exem-

    ple.

    Quoique

    ce

    conseil

    ft

    judicieux

    le

    sultan

    ne

    put le

    goter.

    Il entra

    mme

    en

    fureur.

    Quoi 1

    dit-il

    ,

    la

    sultane

    des

    Indes

    est

    capable

    de se

    prostituer

    d'une

    manire

    si

    indigne

    I

    Non

    ,

    mon

    frre

    ,

    ajouta-t-il

    ,

    je

    ne

    puis croire ce

    que

    vous me

    dites

    , si

    e

    ne

    le

    vois de

    mes

    propres

    yeux.

    [1 faut que

    les

    vtres

    vous

    aient

    tromo

    ;

    la

    chose est

    assez

    impor-

  • 7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1

    56/519

    ao

    LES

    DIILLE

    ET

    UKE

    NUITS

    ,

    tante

    pour

    mriter

    que

    j'en

    sois

    as-

    sur par

    moi-nime.

    Mon frre,

    rpondit Schahzenan

    , si vous voulez

    en

    tre

    tmoin

    ,

    cela

    n'est

    pas fort

    difficile

    :

    vous

    n'avez

    qu'

    faire

    une

    nouvelle

    partie

    de chasse

    ;

    quand

    nous

    serons

    hors

    de

    la

    ville

    avec

    vo-

    tre

    cour

    et

    la

    mienne,

    nous

    nous

    ar-

    rterons

    sous

    nos

    pavillons ,

    et

    la

    nuit

    nous

    reviendrons

    tous

    deux seuls

    dans

    mon

    appartement.

    Je

    suis

    assu-

    r

    que

    le

    lendemain vous

    verrez

    ce

    que

    j'ai

    vu.

    Le

    sultan

    approuva

    le

    stratagme,

    et

    ordonna

    aussitt

    une

    nouvelle

    chasse

    ;

    de sorte

    que ds

    le

    mme

    jour

    les pavillons

    furent dres-

    ss au

    lieu

    dsign.

    Le

    jour

    suivant

    ,

    les

    deux

    princes

    partirent

    avec

    toute

    leur

    suite. Ils ar-

    rivrent

    o

    ils

    dvoient

    camper

    ,

    et

    ils

    y

    demeurrent

    jusqu'

    la

    nuit.

    Alors

    Schahriar

    appela

    son

    grand-visirj

    et,

    sans

    lui

    dcouvrir

    son

    dessein

    ,

    lui

    commanda

    de tenir

    sa

    place

    pendant

    son absence

    ,

    et

    de

    ne

    pas

    permettre

    que

    personne

    sortit

    du

    camp

    ,

    poux*

    quelque

    sujet

    que ce

    pt

    cire.

    D'-

  • 7/21/2019 Galland 1