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7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
1/519
iCO
CD
LO
o
S
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
2/519
m^
^^Mi^:
:
W*l^^
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
3/519
^
$
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
4/519
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
5/519
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
6/519
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
7/519
MILLE
ET
UNE
NUITS,
CONTES
ARABES,
TRADUITS EN
FRANAIS
Par
m.
GALLAND,
Membre
de
rAcadmie
des Inscriptions
et
Belles-Lettres^ Professeur
de Langue
Arabe
au Collge
Rojal
j
CONTINUS
Par m.
CAUSSIN DE
PERCE
VAL,
Professeur
de
Langue
Arabe
au
Collge
Impcria.
TOME
PREMIER.
A
PARIS,
CHEZ LE
NORMANT,
IMP.-LIBRATRE,
RUE DES
PRTRES
SAINT-
GERMAIK-l'aUXERROIS.
1806.
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
8/519
p
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
9/519
AVERTISSEMENT
DES
DITEURS.
Toutes
les
ditions
des
Mule
et
tJNE
Nuits
qui
ont
prcd
celle-ci
,
sont
tellement
remplies de
fautes
d'impression
et
de
ponctuation
,
que
la
lecture
en
est
non-seulement
p-
nible,
mais
qu'on
y
rencontre
des
pages
tout
fait
inintelligibles.
L'di-
tion
in-S.
qui
fait
partie
de
la
biblio-
thque
des
Fes
,
est
plus
belle
que
les autres
,
mais
non
plus correcte.
Xes
diteurs
ont
suivi, avecune
espce
de
soin
,
les
fautes
de
tout
genre
qui
^iguroient
les
ditions
prcdentes.
Nous
avons
donc
pens
que
le
pu-
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
10/519
V)
AVERTISSEMENT
blic
accueilleroit
avec
plaisir
une
clf-
tion
des
Contes
Arabes
,
purge
non-
seulement des fautes
d'impression
et
de
ponctuation
,
mais
mme des nom-
breuses incorrections
qui appartien-
nent
au
traducteur.
C'est
ce
travail
que
nous
publions aujourd'hui.
En
corrigeant
ce qui
nous
a
paru
nuire
la clart
et
la
correction
,
nous
avons scrupuleusement
respect
le
fonds
du
style
,
qui
a
le
mrite
rare
d'tre
facile
et
naturel
,
et
par
con-
squent
convient
parfaitement
au
genre.
Comme
les
Contes
Arabes
sont
sans
contredit ,
l'ouvrage
le
plus
pro-
pre
faire
connotre
les
moeurs
,
les
usages
et la
religion
des
peuples
orien-
taux
,
nous
avons
joint
au
texte
des
notes rares
et
courtes
,
qui
feront
de
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
11/519
DES
EDITEURS.
Vlj
cet
ouvrage
un
livre
plus
instructif
sans
tre
moins
amusant.
Nous
avons
cru devoir
aussi
mettre
en
tte
de
cette
dition
,
une
Notice
historique sur
M.
Galland
;
nous
avons
prfr
celle
que
M.
Bose,
se-
crtaire
perptuel
de
l'Acadmie des
Inscriptions,
a
prononce
dans
cette
socit clbre,
dont le
traducteur
des
Mille
et
une
Nuits
a
t
un
des
membres
les
plus
distingus.
Enfin
,
aprs
cette
Notice
,
on lira
srement
avec
plaisir
le
jugement
de M.
de
lia
Harpe,
sur
les
Contes
Arabes.
Ce
morceau
curieux
est
extrait
d'une
dissertation
de
cet habile
critique sur
les
romans.
Nous renvoyons
,
pour de
plus
grands dtails
,
la
prface
que
M.
Caussin de
Perceval
,
traducteur
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
12/519
Vlij
AVERTISSEMENT,
etC.
des
deux
derniers volumes
de
cette
dition
,
a
mise
en
tte
du
huitime
tome,
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
13/519
ELOGE
DE M.
GALLAND
(i).
A-NTOINE
Gal LAN
D
naquit en
1646,
de
pauvres
mais
honntes
parens,
tablis dans
un petit
bourg
de Picardie
,
nomm
B.0II0,
deux
lieues
de
Montdidier
,
et
six
de
Noyon
Il
n'avoit
que
quatre
ans, et il
toit
le
septime
enfant de
la
maison,
quand
son
pre mourut. Sa
mre
ne sachant
quoi
l'employer, et
rduite
elle-mme
vivre
du
travail
de
ses
mains
,
fit
tant
qu'elle
le
plaa
enfin
dans
le
collge de Noyon ,
o
le Prin^
eipal et
un
chanoine
de
la
cathdrale
vou-
lurent
bien
partager
entr'eux
le soin
et
les
frais
de
son
ducation.
Il
y
resta
jusqu'
l'ge de
treize
qua^-
torze
ans,
qu'il
perdit
tout
-la-fois
ses
deux
(i)
Cet Eloge
a
t
prononc
l'Acadmi
des
Inscriptions
et belles
-
Lettres
,
dans
lii
sance
de
Pques
lyiS, par
M.
BosE
,
secr-
taire
perptuel
de
cette
Acadmie,
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
14/519
X
1
L O
G
E
pro
lecteurs
;
ce qui l'obligea
revenir
chez
sa
mre
arec un peu de
latin,
de
grec
,
et
mme
d'hbreu
,
dont
elle
ne
connoissoit
nullement
le mrite
,
et
dont
il
n'toit
pas
non.
plus
en tat
de faire un
grand
usage.
Elle
se
dtermina aussitt
lui
faire
ap-
prendre
un
mtier.
Antoine
Galland
obit
j
et
j
malgr
toute
sa
rpugnance
,
il demeura
un
an
entier
avec
le
nialre
chez
qui onl'a-
Voit
mis
en
apprentissage. Mais
,
soit
qu'il
ne
ft
pas n
pour im art
vil
et
abject,
ou
que
plus
vraisemblablement
ce
ft
le
got
des
lettres
qui lui
levt
le
courage,
il
quitta
Un
jour
, et prit le
chemin de Paris
,
sans
au-
tres
fonds
que
l'adresse
d'une
vieille
parente
qui
y
toit
en condition
,
et celle
d'un
bon
ecclsiastique qu'il
avoit
vu
quelquefois
chez
son chanoine
Noyon.
Cette tentative
lui russit
au-del
de
ses
esprances
:
on le
produisit
au
Sous-Princi-
pal
du
collge
du
Plessis
,
qui
lui
fit
con-
tinuer
ses
tudes
,
et le
donna
ensuite
M.
Petitpied
,
docteur
de
Sorbonne.
L
,
il
se
fortifia
dans
la
connoissauce
de
l'hbreu et
des
autres
langues
orientales
,
par
la
libert
qu'il
avoit
d'en
aller
prendre
des
leons
au
collge
Royal,
et
par
l'envie
qu'il
eut
de
faire
le
catalogue des
manuscrits
orientaux
de la
bibliothque
de
Sorbonne.
De chez
M.
Petitpied
,
il
passa
au
collge
Mazarin,
qui
n'toit pas
encore
en
plein
exercice
j
mais un professeur,
nomm
M.
Go-
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
15/519
DE
M.
G
AL
L AND.
XJ
ouin,
y
avoit
rassembl un certain
nombre
d'enfans
de
trois
ou
quatre
ans
seulement
parmi
lesquels
toit
M.
le duc
de
la
Meil-
leraje;
et
il
se
proposoit de leur
faire
ap-
prendre le
latin
fort
aisment et
fort
vite,
en
mettant auprs d'eux des
gens
qui ne
leur
parleroient
jamais
d'autre langue. M. Gal-
land
,
associ ce
travail
, n'eut
pas
le temps
de
voir
quel
en
seroit le
succs
:
M.
de
Noin-
tel, nomm
l'ambassade
de
Constanti-
nople
,
l'emmena
avec
lui
,
pour
tirer
des
Eglises
grecques des
attestations en forme sur
les articles de
leur
Foi,
qui
faisoient alors
un
grand sujet
de
dispute
entre
M.
Arnaud
et le
ministre Claude.
M.
Galland,
arriv
Constantinople
,
y
acquit
bientt
l'usage
du
grec
vulgaire
,
par les longues confrences
qu'il
eut
avec un
patriarche
dpos,
et
plu-
sieurs
mtropolites,
qui,
perscuts par
les
bchas,
s'toient
rfugis dans le
palais de
France.
Il
tira
d'eux
et
des
autres
chefs
de
l'Eglise,
les
attestations
qu'on
avoit
deman-
des
,
et
il
joignit
tout
ce
qu'il
avoit
pu
re-
cueillir
de leurs
entretiens.
M.
de
Nointel,
de
son
ct,
ayant
renou-
vel
avec
la
Porte
les
capitulations
du com-
m^erce,
prit
cette
occasion
d'aller
visiter
les
Echelles
du
Levant
, d'o
il
passa
Jrusa-
lem
,
et
dans
tous
les
autres
lieux
de la
Terre-
Sainte
qui
ont
quelque
rputation.
M.
Galland
fut
du
voyage
:
il
alloit
la
dcouverte
;
il
annooit
ensuite
M.
l'ambassadeur
ce
qu'il
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
16/519
Scj
LOGE
avoit
trouv
de
curieux
;
il
copioit
les
ins
criptions
,
il
dessinoit
,
le
mieux
qu'il
pou-
voit
,
les autres
raonumens
,
souvent
mme
il
les
enlevoit
,
suivant
la
facilit
qu'il
y
avoit
les
faire transporter,-
et
c'est
de
pareils
soins
que
nous
devons
,
entr'autres,
les
marbres
singuliers
qui
sont
aujourd'hui
dans
le
cabinet
de
M.
Baudelot,
et dont le
V.
Dom
Bernard
de
Montfaucon
a
publi
quelques
fragmens
dans
sa
Palographie.
M.
Galland
ne
jugea
pas propos
de
re-
tourner
Constantinople
avec
M.
de
Nointel;
il
aima
mieux
revenir
Paris
;
il
y
arriva
en
1675
5
et
l'aide
de
quelques
mdailles
qu'il
a
voit
ramasses
,
il
fit
connoissance
avec
MM.
Vaillant, Carcavj et
Giraud.
Ces
trois
curieux
l'engagrent,
pour
peu
de
chose,
dans un
second
voyage au
Levant,
d'o
il
rapporta,
l'anne
suivante
,
beaucoup de
m-
daillons
,
qui ont
pass dans
le
cabinet
du
roi.
En
1679
,
M.
Galland
fit Un
troisime
voyage
,
mais
sur
un
autre
pied.
Ce
fut
aux
dpens
de la
Compagnie des
Indes
orien-
tales
,
qui
,
pour
faire sa
cour
M.
Colbert,
avoit
imagin
de
faire
chercher dans
le
Le-
vant
,
par
un
connisseur
,
ce
qui
pourroit
enrichir
son
cabinet
et
sa
bibliothque.
Le
changement
qui
arriva
dans
cette
Compa-
gnie-l,
fit
cesser,
au
bout
de
dix-huit
mois
,
la
commission de
M.
Galland
-mais
M.
Col-
bert
,
qui
ea fut
inform
,
l'employa
par lui-
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
17/519
DE
M,
G AL
L AND. Xuj
mme;
et
aprs
sa
mort,
M.
le
marquis de
Lou
vois
l'obligea
continuer
encore
quelque
temps
ses
recherches,
sous
le
titre
d^Anti^
cmairedu
roi.Pendant
ce
long
sjour,
M. Gal-
land
apprit
fonds
l'arahe,
le turc
,
le
persan,
et
Et
quantit d'observations sin-
gulires.
11
toit
prt
s'embarquer Smyrne
,
quand
il
pensa
y
prir
par
un
prodigienx
tremblement
de terre.
La
grande
et
premire
secousse
vint
sur
le
midi
,
temps
auquel
il
y
a
commimment
du feu
dans
toutes les
maisons
j
et
cette
cir-'
constance
joignit
au
bouleversement
gnral
un
incendie
pouvantable
:
plus
de
quinze
mille
habitans
furent
ensevelis
sous les
rui-
nes
,
ou
dvors
par les
flammes.
M.
Gai-
land
fut
prserv
du
feu par un privilge
assez
ordinaire
aux
cuisines
des
philosophes;
et les
dcombres
de
son
toit
l'enterrrent
de
manire
que
par
des
espces de
petits canaux
interrompus,
il
jouissoit
encore
de
quelque
respiration
:
c'est
ce
qui
le
sauva
j
car
il
n'en
fut retir que
le
lendemain.
Il
repassa en
France
la
premire
occa-
sion qu'il
en
eut
;
et
son
retour
Paris
,
M. Thvenot, garde
de
la
bibliothque
du
roi
,
l'employa
jusqu'
sa
mort
,
qui
arriva
quelques
annes aprs.
M.
d'Herbelot
l'engagea ensuite
lui
pr-
ter
son
secours
pour l'impression de sa Bi-
tiiothque
Orientale:
mai*
celui-ci
mourut
I,
3
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
18/519
Xiv
LOGE
encore
au
bout de
quelque temps,
laissant
son
ouvrage
moiti imprim.
M.
Galland
le
continua
tel
que
nous
l'avons
,
et
en
fit
la
prface.
Il n'eut
pas
moins
de
part
l'dition
du
Mnagiana
qui
parut
alors
:
on croit
mme
que c'est lui qui
a
fourni
tous
les matriaux
du
premier
volume.
Il avoit
encore
donn
immdiatement
auparavant
une
relation
de
ia mon de sultan
Osman
,
et
du couron-
nement
de
sultan Mustapha
,
traduite
du
turc
,
et
un
Recueil
de maximes et de
bons
mots
,
tirs
des ouvrages
des Orientaux.
Aprs
la
mort
de
M.
d'Herbelot, il
s'at-
tacha
M.
Bignon,
premier
prsident
du
grand conseil
,
qui,
par
un
got hrditaire
sa famille,
vouloit
toujours
avoir
auprs
de
lui quelqu'homme
de
lettres.
M.
Bignoa
mourut
aussi
l'anne
suivante
;et
ilsemhloit
que
ce
ft
le
sort
de
M. Galland
de
perdre
,
en
moins
de
rien,
ces
protections
utiles
que
le
mrite
le
plus reconnu
est
quelquefois
trs-long-temps
obtenir
;
mais
celle de
ce
digne
magistrat
passa les
bornes
ordinaires:
il
lui
laissa une
petite
pension
viagre
j
et
par
surcrot
de
bonheur
ou de
consolation
,
M.
Foucault,
conseiller-
d'tat,
qui
toit
alors
intendant
en
Basse-Normandie,
l'ap-
pela auprs
de lui.
Dans
le doux
loisir
d'une
situation
si
tran-
quille,
au
milieu
d'une ample
bibliothque
et d'un
riche
amas
de
mdailles
,
M.
Gallaud
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
19/519
DE
M.
GALLAND.
XV
composa
plusieurs
petits
ouvrages
,
dont
quel-
ques-uns
ont
t
imprims Can mme
,
comme
un
Trait
de
l'origine
du
caf
,
traduit de
l'arabe^ et trois ou
quatre
Let-
tres
sur
diffrentes
mdailles
du
Bas-Em-
pire, C'est encore l
qu'il
a
commenc
Pim-
mense
traduction
de
ces
Contes
Arabes
,
si
connus
sous
le
nom
des
Mille et
une
Nuits
dont
les
premiers
volumes
ont
paru
en
i
704
>
et dont
ou a vu
jusqu'
prsent
dix
tomes
,
qui
ne
sont gure
que
le
quart
de
l'ouvrage.
Quoique
M.
Galland
demeurt
encore
Can
en
l'anne
1701
,
il
ne laissa
pas
d'tre
admis par
le
roi
dans
l'Acadmie
des
Inscrip-
tions, lors
de
son
renouvellement
;
et aussitt
il entreprit
pour
elle
un
Dictionnaire
Nu-
mismatique
,
contenant
V
explication
des
noms
de
dignits
,
des
titres
d'ho/ir-
neur,
et
gnralement de tous
les termes
singuliers qu'on trouve
sur les
mdailles
antiques
,
grecques
et
romaines.
Il
revint enfin
Paris
en
1706;
et
depuis
ce
temps-l
jusqu' sa
mort,
il
a
toujours t
d'une assiduit
exemplaire
nos
assembles; it
-
a lu
un
trs-grand
nombre
de
dissertations:
es
unes
tires de son
Dic.tionnaire
Numisma-
tique
,
ou
de
l'explication
qu'il avoit faite
de
la
plupart
des
mdailles
choisies
du
cabinet
de
M.
Foucault
j
les
autres
du commei'ce de
lettres;
qu'il entretenoit
avec
plusieurs
savans
tran-
gers,
MM. Cuper, Barr}',
Rhenferd
,
R-
land
^
d'autres
sur
diffrens
points
de
litt-
rature agits dans
la
compagnie
j
d'autres
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
20/519
Xvj
LOGE
enfin
sur des
monumeus
orientaux
,
au
sujet
desquels
on le
consultoit
souvent
,
sur-tout
depuis
l'anne
1709,
qu'il avoit t
nomm
professeur
en
langue
arabe au
collge
Royal.
Mais
ce ne
sont
pas
1:'^
les seuls
ouvrages
qu'ait
laisss
M.
Galland. On en
a
trouv
ua
plus
grand
nombre
encore
dons
ses
papiers,
et
les
plus
considrables sont
:
Une
Relation
de
ses
voyages
,
en
deux
porte-feuilles
'\\i-/
j
Une
DescripLion
particulire de
la
ville
de
Constantinople
;
Des
additions
la
Bibliothque
orien-
tale de
M. d'Herbelot
^
dont
ou
feroit
un
volume
in-Jblio
aussi
gros
que
celui
qui
est
imprim
;
Un
Catalogue
raisonn des
historiens
turcs
f
arabes
et
persans;
Une Histoire gnrale des
empereurs
turcs
Une
Traduction
de
V
Alcoran,
a-'ec
des
remarques historiques
-
critiques
fort
am-
ples,
et
des
notes grammaticales sur le
texte;
Une
suite
de ta
t-aduction
des
iV/ille
et
une
Nuits
,
pour
la valeur
d'environ
deux
volumes
;
Tant
d'ouvrages
,
qui
semblent
marquer
ne
extrme
facilit
,
toient
le
fruit
d'un
travail dur
et suivi
,
qui
pour
le
nombre
des
productions,
surpasse
ordinairement
la
faci-
lit
mme.
M.
Galland
travailloit
sans cesse,
en
qupl-
*jne
situation
qui
se trouvt
,
iyanl
trs-
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
21/519
DE
M.
GALLAND. XVlj
peu
(Inattention
sur
ses
besoins
,
n'en
ayant
aucune
sur
ses
commodits
j
remplaant
quand
i
le
falloit
par
ses
seules
lectures
,
ce
qui
lui
manquoit
du
ct
des
livres
;
n'ayant
pour
objet
que
l'exactitude, et
allant
toujours
sa
fin
sans
aucun
gard
pour les ornemens
qui
auroient
pu
l'arrter.
Simple
dans
ses
moeurs
et
dans
ses
ma-
nires
comme
dans
ses
ouvrages, il
auroit
toute
sa
vie
enseign
des
enfans
les
premiers
elmens
de
la
grammaire
,
avec
le mme plai-
sir
qu'il
a
eu
exercer sou
rudition
sur
diffrentes
matires.
Homme
vrai
jusque
dans
les
moindres
cho-
ses
,
sa
droiture
et sa
probit ajloient
au
point,
que
rendant
compte
ses
associs
de
sa
d-
pense
dans
le
Levant
,
il
leur
comptoit
seu-
lement un
sou
ou
deux,
quelquefois
rien
du
tout
pour
les
journes,
qui,
par
des
con-
jonctures
favorables
,
ou
mme par
des absti-
nences
involontaires
5
ne
lui avoient
pas
coit
davantage.
Il
mourut le
7
fvrier dernier
(i) d'un
redoublement
d'asthme
,
auquel
se
joignit
ur
la
fin ,
une fluxion
de
poitrine
:
il
avoit
69
ans.
L'amour
des
lettres
est
la
dernire
chose
qui
s'est
teinte
en
lui.
Il
pensa, peu
de
jour
avant
sa
mort
,
que
ses
ouvrages ,
le
seul
,
l'u-
nique
bien
qu'il
laissoit
,
pourroient
tre
dis-
(0
1715.
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
22/519
Xviij
LOGE
DE
M. GAILAND.
sips
s'il n'y raettoitordrepl le
fit,
et
del
faon
la
plus simple et
la plus
militaire
, se
contentant
de
le
dire
publiquement
un
ne-
veu
qui
toit
venu de
Noyon
pour
l'assister
dans sa
maladie
et
suivant
cette
disposi-
tion
,
qui
a
t
lidellement excute,
ses
ma-
nuscrits
orientaux ont
pass
dans la biblioth-
que
du
roi
;
son
Dictionnaire Numismatique
est
revenu
l'Acadmie
,
et
sa
traduction
de
l'Alcoran
a
t porte
M.
l'abb
Bignon,
comme
un
gage
de son
estime
et de sa
recon-
Boissance.
Cest avec
une
fortune
si
mdiocre,
que
.
Galland
a
eu
la
gloire
de
faire
les
plus
illustres
hritiers.
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
23/519
EXTRAIT
D'UNE
DISSERTATION
SUR
LES
ROMANS,
PAR
J.
F.
LA
HARPE
(i).
J'aurois
du faire
mention,
en
com-
menant,
d'une
espce
d'ouvrages
qui
ont
prcd
ceux dont
je
viens
de par-
ler
,
mais qui
ne
ressemblent
nos
romans
qu'en
ce
qu'ils appartiennent
Timagination. Il
est
vrai
que
la
ferie
et le merveilleux
en
sont l'abus
j
mais
l'agrment
fait
tout
pardonner
Je
re-
Jistous
les
ans les Contes Orientaux,
et
toujours avec
plaisir.
L'Orient,
il
faut
(i) uvres
de
La
Harpe,
t. m,
pag.
382
et
suivantes.
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
24/519
XX
DISSERTATION
l'avouer,
est
le berceau
de
l'apologue
et
la
source
des contes
qui
ont rempli
le
monde.
Ces
peuples,
amollis
par
le
climat
et
intimids par le
gouverne-
ment, ne
se sont
point
levs
jusqu'aux
spculations de
la
philosophie
,
et
n'ont
qu'effleur les
sciences^
mais
ils
ont
habill
la
morale
en
paraboles
,
et
invent des
fables
charmantes
que
les
autres peuples
ont adoptes l'envi.
Quelle
prodigieuse
fcondit
dans ce
genre
Quelle varit
Quel
intrt
Ce
n'est
pas
que
dans
la
mythologie
des
Arabes
il
y
ait autant
d'esprit
et
de got
que
dans
celle
des
Grecs.
Les
fables de
ceux-ci
semblent
faites
pour
des
homiiies
,
et
celles des
autres pour
des enfans
j
mais
ne
sommes-nous
pas
tous
un
peu enfans
ds
qu'il
s'agit de
contes?
Y
a-t-il
une histoire
plus
agrable que celle
d'Aboulcasem
,
une
histoire
plus
touchante
que
celle
de
Ganem
?
D'ailleurs,
l'amusement
que
ces
livres
procurent n'est
pas
leur
seul
mrite :
ils
servent
donner
une
ide
trs-fidellc
du
caractre
et
des
murs
de
ces
Arabes
qui
ont
long
-temps
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
25/519
SUR
LES
ROMANS.
XXJ
rgn
dans
l'Orient. On
y
reconnot
cette
gnrosit
qui
a
toujours t
une
de
leurs
vertus
favorites,
et
sur
laquelle
Fme et
la
verve
de
leurs
potes et
de
leurs romanciers
semble
toujours
exal-
te. Les
plus
beaux
traits
en
ce
genre
nous
viennent d'eux
: on
ne
sauroit le
nier
5
et
ce
qui
rend
cette
nation
re-
marquable,
c'est
la
seule
chez
qui
le
despotisme parot
n'avoir ni
avili
les
curs,
ni
touff
le
gnie.
Il n'y a
point
eu de despote
plus
absolu,
plus
redoutable
que
ce
fameux
Haroun
ou
Aaron,
dont
le nom
revient
tout
moment
dans
leurs
contes
,
et
dont
le
rgne
est
l'poque
la
plus
brillante
du
califat
et
de
la
grandeur des
Arabes.
On
est
toujours
tonn
de
ces
murs
et
de
ces
opinions
singulires
qu'ins-
pifent
une nation
ingnieuse
et
ma-
gnanime
,
d'un
ct
,
l'habitude
de
l'esclavage
,
et de
l'autre
l'abus
du
pouvoir.
Cette
disposition,
dans
uu
prince
d'ailleurs
clair
,
compter
pour rien la
vie
des
hommes;
et,
dans
ces
mmes
hommes,
la
facilit
se
persuader
qu'ils
ne
valent
pas
plus
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
26/519
XXI)
DISSERTATION
qu*oa
ne
les
apprcie,
et
faire
de
la
servitude politique
un dvouement
religieux:
voil
ce
qu'on
voit tout
moment
dans
leurs
livres;
et
peut-tre
ce
mpris
d'eux-mmes tient
en
partie
ce
dogme
de
la fatalit
,
qui semble
de
tout
temps
enracin
dans
les
ttes
orientales. Il revient
dans
toutes
leurs
fables
,
dont le
fond
est
presque
tou-
jours
un
passage
rapide
de
l'excs
du
malheur au
fate des
prosprits,
et
de
l'ivresse
de
la
joie
au
comble
de
l'af-
fliction.
Il
semble qu'ils n'aient
eu
pour
objet que
de
nous
apprendre
quel
point
nous
sommes
assujtis
cette
destine
ternelle;
crite
sur
la.
TABLE
DE
LUMIRE.
Les
Mille
et une Nuits
sont
une
sorte
de
peinture dramatique
de
la
nation
arabe.
Les artifices
de
leurs
femmes,
l'hypocrisie
de
leurs
religieux,
la
corruption
des
gens
de
loi
,
les
fri-
ponneries
des
esclaves
,
tout
y
est
fidel-
ement
reprsent,
et
beaucoup
mieux
que
ne
pourroit
faire le
voyageur
le
plus
exact.
On
j
trouve
aussi
beaucoup
Se
traditions
antiques,
que
plusieurs
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
27/519
SUR
LES
ROMANS.
XXllj
nations
ont rapportes
leur
manire
l'histoire de
Phdre
et
celle
de
Circ
y
sont
trs-aises
reconnoitre
plu-
sieurs endroits
ressemblent
aussi
des
traits
historiques
des
livres
juifs.
Cette
aventure
de
Joseph^
la
plus
touchante
peut-tre
que
l'antiquit nous
ait
trans-
mise,
cet
emblme
de
l'envie
qui
anime
des
frres
contre
un
frre
,
se
retrouve
aussi
en
partie
dans
les
Contes
Arabes-.
Ce n'est
pas
qu'on puisse faire
beaucoup
de
cas
de
la manire
dont
ces
Contes
sont
amens.
On
sait
que
l'aventure
de Joconde
sert
de fondement
aux
Mille
et
une
Nuits,
et que
le
sultan
Schahriar
,
irrit
de
l'infidlit
de sa
sultane
,
prend le
parti
de
faire
tran-
gler,
le
matin,
sa
nouvelle
pouse
de
la
veille.
Le moyen
est
violent^
mais
enfin
la fille
de son
visir
par\ent
faire
ces-
ser ces noces
meurtrires
,
et
sauver
sa
propre
vie
en
amusant
le
sultan par
des
contes.
On
peut
croire
que
Schahriar
aimoit
mieux
les
contes que
les
fem-
mes,
et
qu'il
toit
-peu-prs
aussi
raisonnable dans
sa clmence
que
dans
sa
cruaut.
Il
faut pourtant
avouer
que
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
28/519
XXIV
DISSERTATION
j
etc.
toutes
les histoires
du
premier volume
excitent
tellement
la
curiosit
ds
les
vingt
premires lignes^
qu'en
effet
il
est
bien
diflicile
de
n'avoir
pas
envie
de
savoir
le reste
^
surtout
lorsqu'on
peut
dire
ce
que le
sultan disoit
de sa
femme
en
se
levant
;
Je
la
ferai
tou-
jours
BIEN
MOURIR
DEMAIN.
La
vogue
qu'eurent les
Mille
et
UNE Nuits
dans
leur
nouveaut, fit
bientt
clore
les
imitateurs
,
qui
mar-
chent
toujours
la
suite
des
succs.
Ainsi
l'on
vit parotre
les
Mille
et
UNE
Heures, lesMilleetunQuart-
d'Heure,
etc.
ouvrages
ingnieux
,
fort au-dessous
de
leurs
modleSi.
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
29/519
A
MADAME
LA
MARQUISE
DO,
DAME
DU
PALAIS
DE
MADAME
LA
DUCHESSE
DE
BOURGOGNE.
Madame,
Les
bonts
infinies
que
Monsieur
De GuiLLERAGUES,
votre
illustrc
pre
,
eut
pour moi
dans
le
sjour
que
je fis,
il
y
a
quelques annes,
Cons-
tantinople
,
sont trop prsentes mon
esprit
pour ngliger
aucune
occasion
de
publier
la reconnoissance
que
je
dois
sa
mmoire.
S'il
vivoit
encore
pour le
bien
de
la
France
et
pour
mon bonheur
,
je
prendrois
la
libert
de
lui
ddier
cet ouvrage, non-seules
X.
3
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
30/519
ment
comme
mon
bienfaiteur
,
mais
encore
comme
au
gnie
le
plus
ca-
pable
de goter
et
de
faire
estimer
aux
autres
les belles choses.
Qui
peut
ne se pas
souvenir
de
l'extrme
jus-
tesse
avec laquelle
il jugeoit
de
tout?
Ses
moindres
penses
toujours
bril-
lantes,
ses
moindres
expressions
tou-
jours
prcises et
dlicates,
faisoicnt
l'admiration de tout le
monde
;
et
jamais
personne n'a joint ensemble
tant
de grces et tant de solidit.
Je
l'ai
vu
dans
un
temps
o,
tout
oc-
cup
du
soin
des affaires de
son
matre
,
il sembloit
ne
pouvoir mon-
trer au-delors
que
les
talens
du
mi-
nistre
,
et
sa
profonde capacit dans
les
ngociations
les
plus pineuses
;
cependant toute
la
gravit
de son
emploi ne pouvoit rien
diminuer
de
ses agrmens
inimitables, qui avoient
fait
le
clianne
de
ses
amis,
et
qui
se
faisoient
sentir
mme
aux
nations les
plus
barbares
avec
qui
ce
grand
homr^a
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
31/519
B P I
T
R
E. XXVI}
avoit
traiter. Aprs
la
perte
irr-
parable
que
j'en
ai
faite
,
je ne puis
m'adresser
qu'
vous,
Madame,
puis-
que vous
seule pouvez me
tenir lieu
de
lui
;
et
c'est dans
cette
confiance
(ue
j'ose
vous
demander
pour
ce
livre,
la
mme
protection
que
vous
avezi
bien voulu
accorder
la
Traduction
fianaise de
sept
Contes
Arabes que
j'eus
l'honneur
de vous
prsenter,
\ous
vous
tonnerez
que,
depuis ce
temps-l,
je n'aie
pas
eu Tlionneur
de
vous
les
offrir
imprims.
Le
retardement.
Madame,
vient
de ce qu'avant
de commencer
l'impres-
sion,
j'appris
que
ces
Contes
toient
tirs
d'un
Recueil
prodigieux
de Contes
semblables,
en
plusieurs
volumes,
in-
titul
:
Les
Mille et
une Nuits.
Cette
dcouverte
m'obligea de
sus-
pendre
cette
impression,
et
d'employer
mes
soins
recouvrer le
Recueil.
Il
a
fallu le
faire
venir
de
Syrie
,
et mettre
en
franais
le
premier
volume
c|UQ
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
32/519
XXviij
PITRE.
voici
,
de quatre seulement qui
m'ont
t
envoys.
Les
Contes
qu
il
contient
vous
seront,
sans doute, beaucoup
plus
agrables
que
ceux que vous avez
dj vus.
Ils
vous seront
nouveaux
et
vous les
trouverez en plus
grand
nombre; vous
y
remarquerez
mme
avec
plaisir
le
dessein
ingnieux
de
l'Auteur
Arabe,
qui
n'est
pas connu,
de faire un corps
si
ample de narra-
tions
de
son
pays,
fabuleuses
la
v-
rit
,
mais agrables
et divertissantes.
Je
vous
supplie.
Madame,
de
vou-
loir
bien
agrer ce
petit
prsent
que
j'ai l
honneur de
vous
faire : ce
sera
un
tmoignage
public
de
ma
recon-
noissance
,
et
du
profond respect avec
lequel
je
suis
et
serai
toute
ma vie,
MADAME,
Votre
trs-humble
et
trs-
obissant
serviteur,
Galland.
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
33/519
PRFACE.
Il
n'est
pas
besoin
de
prvenir
le
lecteur sur
le
mrite
et
la
beaut
des
Contes
qui
sont
renferms
dans
cefi
ouvrage.
Ils portent
leur
recomman-
dation
avec
eux
:
il
ne
faut
que
les
lire
pour demeurer
d'accord
qu'en
ce
genre
on
n'a rien vu de si beau
jus-
qu'
prsent dans aucune
langue.
En
effet,
qu'y
a-t-il
de
plus
ing-
nieux
,
que d'avoir fait un
corps
d'une
quantit
prodigieuse de
Contes
,
dont
la
varit
est
surprenante ,
et l'encha-
nement
si
admirable
,
qu'ils
semblent
avoir
l faits
pour composer
l'ample
B
ecueil
dont
ceux-ci ont
t tirs?
Je
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
34/519
XXX
PREFACE.
dis
l'ample Recueil
,
car
l'original
arabe,
qui
est
intitul
Les
Mille
ET
UNE
Nuits,
a
trente-six parties,
et
ce
n'est
que la traduction
de
la
premire qu'on donne
aujourd'hui
au
public.
On
ignore
le
nom
de
l'au-
teur d'un
si
grand
ouvrage
5
mais
vraisemblablement
il
n'est
pas
tout
d'une main
;
car
comment
pourra-
t-on
croire qu'un seul
homme
ait
eu
l'imagination
assez
fertile pour
suffire
tant de
fictions ?
Si
les
Contes
de
cette
espce
sont
agrables
et
divertissans
par
le
mer-
veilleux
qui
j
rgne d'ordinaire,
ceux-
ci
doivent
l'emporter en
cela
sur tous
ceux
qui
ont
paru,
puisqu'ils
sont
remplis
d'vnemens
qui
surprennent
et
attachent
l'esprit
,
et
qui
font
voir
de combien
les Arabes
surpassent
les
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
35/519
PRFACE*
XXXJ
autres
nations
en
cette sorte
de
com-
position.
Ils
doivent
plaire
encore
par
les
coutumes
et
les
murs
des
Orien-
taux
,
par
les
crmonies
de
leur
re-
ligion,
tant
paenne
que
mahom-
tane
5
et
ces
choses
y
sont mieux
marques
que dans
les
auteurs
qui en
ont
crit,
et
que
dans
les
relations
des voyageurs.
Tous
les
Orientaux,
Persans
, Tartares
et
Indiens
s'y
font
distinguer
,
et
paroissent
tels qu'ils
sont, depuis
les
souverains
jusqu'aux
personnes
de
la
plus
basse
condition.
Ainsi,
sans
avoir essuy
la
fatigue
d'aller
chercher
ces
peuples
dans
leurs pays
,
le
lecteur
aura ici le
plai-
sir
de
les
voir
agir
et
de
les
entendre
parler.
On
a
pris soin
de
conserver
leurs
caractres , de
ne
pas
s'loigner
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
36/519
XXXI) r
R
E
F
A
C
B.
de
leurs expressions
et
de
leurs
senti-
mens
;
et
Ton
ne s'est
cart du
texte
que
quand
la
biensance n'a
pas per-
mis
de s'y
attacher.
Le
traducteur
se
flatte
que
les
personnes
qui
enten-
dent
l'arabe
,
et
qui
voudront
pren-
dre
la
peine
de
confronter
l'original
avec
la
copie
,
conviendront qu'il
a
fait
voir
les
Arabes
aux
Franais
avec
toute
la circonspection
que
de-
mandoit
la dlicatesse de
notre
lan-
gue et
de notre
temps.
Pour
peu
mme
que
ceux
qui
li-
ront
ces
Contes,
soient disposs
pro-
fiter
des
exemples
de
vertu et
de
vice
qu'ils
y
trouveront ,
ils en pourront
tirer
un
avantage
qu'on
ne
tire
point
de
la
lecture
des
autres
Contes
,
qui
sont
plus
propres
corrompre
les
mcEurs qu'
les
corriger.
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
37/519
LES
MILLE
ET
UNE
NUITS,
CONTES
ARABES.
I/ES
chronicnies
des
Sassaniens,
an-
ciens rois de
Perse
,
qui
avoieiit
ten-
du leur empire
dans les
Indes
,
dans
les
grandes
et
petites
isles
qui
en d-
pendent,
et
bien
loin
au-del
du Gan-
ge
,
jusqu'
la
Chine
,
rapportent
qu'il
y
avoit autrefois un roi de
cette puis-
sante maison
,
qui toit le plus
ex-
cellent prince
de son temps.
Il
se
fai-
soit
autant aimer de ses
sujets,
par
sa
sagesse
et
sa
prudence,
qu'il
s'toit
rendu
redoutable ses
voisins
par
le
bruit de
sa
valeur
et
par
la
rputation
de
ses
troupes
belliqueuses
et
bien
disciplines.
Il
avoit
deux
fils:
l'ain,
I.
I
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
38/519
2
LES
7riLLE
ET
UNE
NUITS,
appel
Schahriar
,
digne
hritier
de
son
pre
,
en
possdoit
toutes
les
ver-
tus; elle
cadet, nomm
Schahzenan,
n'avoit
pas
moins
de
mrite
que
son
irre.
Aprs un
rgne
aussi
long
que
glo-
rieux,
ce
roi
mourut,
et
Schahriar
monta
sur
le
trne.
Schahzenan
, ex-
clus
de
tout partage
par
]es
lois
de
l'empire
,
et
oblig
de
vivre
comme
un particulier
,
au
lieu
de
souffrir
im-
patiemment
le
bonheur
de
son
an
,
mit
toute
son attention
lui
plaire,
l
eut
peu de
peine
y
russir.
Sciiah-
riar
,
qui avoit
naturellement
de
l'in-
clination pour ce
prince,
fut
charm
de
sa
complaisance
;
et
par
un
excs
d'amiti, voulant
partager
avec
lui
ses
tats ,
il
lui
donna le
royaume
de
la
Grande
Tartarie. Schahzenan
en
illa bientt
prendre
possession
,
et
il
labht
son
sjour
Samarcande,
qui
en
toit
la
capitale.
IJ
y
avoit dj
dix
ans
que
ces
deux
rois
toient
spars
,
lorsque
Schah-
riar,
souhaitant
passionnment
de re-
\ uir
soa
frre
,
rsolut
de
lui
envoyer
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
39/519
CONTES
ARABES.
5
un
ambassadeur
pour
l'inviter
le
ve-
nir
voir.
Il
choisit pour
cette
ambas-
sade
son
premier
visir(i),
qui
partit
avec
une
suite conforme
sa
dignit,
et fit
toute
la
diligence
possible.
Quand
il
fut
prs
de Samarcande
, Scliahze-
nan, averti de son arrive,
alla
au-
devant
de
lui
avec
les
principaux
sei-
gneurs
de sa
cour,
qui,
pour
faii'e
plus
d'honneur
au ministre
du
sultan,
s'toient
tous
habills
magnifique-
ment.
Le
roi
de
Tartarie
le
reut
avec
de
grandes
dmonstrations
cle
joie,
et
lui demanda
d'abord des
nouvelles
du sultan son
frre.
Le
visir
satisft
sa
curiosit
5
aprs quoi
il
exposa le
sujet
de
son ambassade.
Schahzenan en
fut
touch.
Sage visir
,
dit-il
,
le sultan
mon
frre
me
fait
trop
d'honneur
, et
il
ne
pouvoit
rien
me
proposer
qui
me ft plus
agrable.
S'il
souhaite
de
me
voir,
je
suis
press de la
mme
envie. Le
temps
,
qui n'a
point
dimi-
nu
son amiti, n'a
point affoibli
la
mienne.
Mon royaume est
tranquille,
(1)
Premier
ministre.
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
40/519
4
lES MILLE
ET
UNE
NUITS
,
et
je
ne
v^eux
que
dix
jours pour
me
mettre
en
tat
de
partir
avec
vous.
Ainsi
il
n'est pas
ncessaire
que vous
entriez dans
la
ville pour
si
peu
de
temps.
Je
vous
prie
de
vous
arrter
en cet
endroit
et
d'y
faire
dresser vos
tentes.
Je
vais
ordonner
qu'on
vous
apporte des
rafraichissemens
en
abon-
dance
pour vous
et
pour
toutes
les
personnes de
votre
suite.
Cela
fut
excut
sur-le-champ
; le roi fut
peine
rentr
dans
Samarcande,quel6
visir
vit
arriver
une
prodigieuse
quan-
tit
de
toutes
sortes
de
provisions
,
ac-
compagnes
de
rgals
et de
prsens
d'un
trs
-grand
prix.
Cependant
Schahzenan
,
se
dispo-
sant
partir ,
rgla
les
affaires
les
plus
pressantes,
tablit un
conseil
pour
gouverner
son royaume pendant son
absence
,
et mit la
tte
de
ce
con-
seil
un
ministre
dont la
sagesse
lui
toit
connue
et en
qui
il
avoit
une
entire
confiance.
Au
bout
de dix
jours
, ses
quipages
tant
prts , il
dit
adieu
la
reine sa
femme ,
sor-
tit
sur
le
soir
de
Samarcaude
,
et,
sui-
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
41/519
C
li
T
E
s
A Pv. A
2
E
S.
5
vi
des
officiers
qui
dvoient
tie du
vojage ,
il
se
rendit
an
pavillon
royal
qu'il
avoit fait dresser auprs
des
ten-
tes
du
visir. Il s'entretint
avec cet
am-
bassadeur
jusqu'
minuit.
Alors
vou-
lant
encore une
fois
embrasser
la
rei-
ne
,
qu'il
aimoit
beaucoup
,
il
retour-
na
seul
dans
son
palais.
Il
alla droit
l'appartement
de
cette
princesse
,
qui,
ne s'attendant
pas
le
revoir
^
avoit
reu dans son
lit
un des
derniers
of-
ficiers
de
sa
maison. Il
y
avoit
dj
long-temps
qu'ils
toient
couchs
,
et
ils
dormoient
tous
deux
d'un
profond
sommeil.
Le roi
entra sans bruit, se
faisant
un
plaisir
de
surprendre
par
son re-
tour
une
pouse
dont
il
se
crojoit
tendrement
aim. Mais
quelle
fut sa
surprise
,
lorsqu'
la
clart
des
flam-
beaux
,
qui
ne
s'teignent
jamais la
nuit
dans
les
appartemens
des prin-
ces
et
des
princesses
,
il
aperut
un
homme dans ses bras. Il
demeura
immobile durant
quelques
momens
ne
sachant
s'il devoit
croire ce
qu'il
vojoit.
Mais
n'en
pouvant
douter :
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
42/519
LES
MILLE
ET
UNE
NUITS
,
K
Quoi
dit-il
en
lui-mme
,
je suis
peine
hors
de
mon
palais
,
je
suis
encore sous
les
murs
de
Samarcan-
de
,
et l'on
m'ose outrager
Ah
per-
fide
,
votre crime
ne
sera pas
impuni
1
Comme roi
,
je
dois
punir les
forfaits
qui
se
commettent dans
mes
tats;
comme
poux offens
,
il
faut
que
je
vous
immole
mon juste ressenti-
ment.
Enfin
ce
malheureux
prince
cdant son premier transport
,
tira
son
sabre
,
s'approcha du
lit
,
et
d'un
seul
coup
ft
passer
les coupables
du
sommeil la
mort. Ensuite
les
prenant
l'un aprs
fautre ,
il
les
jeta
par
une
fentre
dans
le foss dont le
palais
toit environn.
S'tant
veng de
cette
sorte
,
il
sor-
tit
de la
ville
comme
il
y
toit
venu
et
se
retira
sous son pavillon.
Il
n'j
fut
pas plutt arriv
,
que
sans
parler
personne
de
ce
qu'il venoit de
faire,
il
ordonna
de
plier les
tentes
et
de
partir.
Tout
fut
bientt
prt,
et
il
n'-
toit
pas
jour encore
,
qu'on
se
mit
en
marche
au
son des
tymbales
et
de
plusieurs
autres instrumens
qui ins-
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
43/519
CONTES
A R
A T>
IL
S.
7
piroient
de la joie
tout
le
monde
ionnis
au
roi.
Ce
prince,
toujours
oc-
cup
de
l'infidlit
de
la
reine
,
toit
la
proie
d'une
affreuse
mlancolie
qui
ne
le
quitta
point pendant tout
le
vojage.
Lorsqu'il fut prs
de
la
capitale
des
Indes
,
il
vit
venir
au-devant
de
lui le sultan
(i)
Schahriar
avec
toute
^a
cour. Quelle joie pour
ces
princes
de
se
revoir
Ils mirent tous deux
pied
terre
pour
s'embrasser
5
et
aprs
s'tre
donn
naille
marques
de
ten-
dresse
5
ils
remontrent
cheval
, et
entrrent dans
la ville
aux acclama-
tions
d'une
foule
innombrable
de
peuple. Le sultan
conduisit le
roi son
frre
j
usqu au
palais
qu'il
lui
avoit
fait
prparer.
Ce
palais
communiquoit
au
sien
par
un
mme
jardin
;
il
toit
d'autant
plus
magnifique
,
qu'il toit
consacr
aux
ftes et
aux
divertisse-
mens
de
la
cour;
et
on
en
avoit
en-
Ci)
Ce mot
arabe
sii^nifie
enjpcreur
ou sei-
gneur
j
on
donne
ce
titre
presque
tous
les
soiivoryins
de TOrient.
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
44/519
core
augment
la
magnificence
par
de
nouveaux
ameublemens.
Schahriar quitta
d'abord
le roi
de
Tartarie,
pour
lui donner
le
temps
d'entrer
au
bain
et de
changer d'ha-
bit; mais
ds
qu'il
sut
qu'il
en
toit
sorti,
il
vint le
retrouver.
Ils s'assirent
sur
un
sofa,
et
comme
les
courtisans
se
tenoient
loigns
par
respect,
ces
deux
princes
commencrent
s'entre-
tenir
de
tout
ce que deux
frres,
en-
core plus unis
par l'amiti que
par
le
sang, ont
se
dire
aprs
une
longue
absence.
L'heure du souper
tant
ve-
nue
,
ils mangrent ensemble
;
et
aprs
le repas, ils
reprirent
leur en-
tretien
,
qui
dura
jusqu'
ce
que
Schahriar
,
s'apercevant
que
la
nuit
toit
fort
avance
,
se
retira
pour
lais-
ser
reposer son
frre.
L'infortun
Schahzenan
se
cou-
cha
;
mais
si
la
prsence
du sultaij
son
frre
avoit
t
capable
de
suspen-
dre
pour
quelque
temps
ses
chagrins,
ils se
rveillrent alors
avec
violence.
Au
lieu
de
goter
le
repos
dont
il
avoit
besoin
, il
ne
ft
que rappeler
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
45/519
CONTES ARABES.
9
dans
sa
mmoire
les
plus
cruelles
r-
flexions.
Ternies
les
circonstances
de
l'infidlil de
la
reine
se
prsentoient
si
vivement
son
imagination
,
qu'il
en toit
hors
de lui-mme.
Enfin
,
ne
pouvant dormir
,
il
se
leva
3
et
se
livrant
tout entier
des penses
si
affligeantes
,
il
parut
sur
son
visage
une
impression
de tristesse que le
sul-
tan
ne
manqua
pas de
remarquer.
Qu'a donc
le
roi
de
Tartarie
,
disoit-
il?
Qui
peut
causer
ce chagrin
que
je
lui
vois? Auroit-il
sujet de se plain-
dre
de
la
rception que
je
lui
ai faite?
3N^on
:
je
l'ai
reu comme
un
frre que
j'aime
,
et
je
n'ai
rien
l-dessus
me
reprocher.
Peut-tre
se
voit-ii
regret
loign
de
ses
tats
ou
de
la
reine
sa
femme.
Ah
si c'est
cela
qui
l'afflige
il faut
que
je
lui fasse
incessamment
les prsens
que
je
lui deUiue, afin
qu'il
puisse
partir quand il
lui
plai-
ra
,
pour
s'en
retournei'
Samar-
cande,
Effectivement, ds le lende-
main
il
lui
envoya
une
partie de
ces
prsens, qui
toient
composs de
tout
ce
(jue
les
Indes
produisent
de
plus
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
46/519
lO
rare,
de plus
riche
et
de
plus
sin-
gulier.
Il
ne
laissoit
pas
nanmoins
d'essayer
de
le
divertir
tous les jours
})ar
de
nouveaux
plaisirs; mais
les
fles
es
plus
agrables,
au
lieu
de le
rjouir,
ne
faisoient
qu'irriter
ses
chagrins.
Un
jour
Schahriar
ayant
ordonn
une
grande
chasse
deux journes
de
sa capitale , dans un pays o
il
y
avoit particulirement beaucoup
de
cerfs
,
Schahzenan
le pria de le
dis-
penser
de
l'accompagner
,
en
lui
di-
sant
que l'lat
de
sa
sant
ne
lui
per-
mettoit
pas
d'tre
de la
partie. Le
sul-
tan
ne voulut pas le
contraindre
,
le
Icdssa
en
libert et
partit
avec
toute
sa
cour
pour
aller
prendre
ce
divertis-
sement.
Aprs son
dpart, le
roi
de
la
Grande
Tartarie
se
voyant
seul
s'enferma
dans son
appartement.
Il
s'assit
une
fentre
qui avoit vue
sur
le
jardin.
Ce
beau
lieu
et le
ramage
d'une
infinit d'oiseaux
qui
y
faisoient
leur
retraite,
lui
auroient
donn
du
plaisir,
s'il
et
t
capable
d'en
res-
sentir;
mais
toujours
dchir
par
le
souvenir
funeste
de
l'action
infme
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
47/519
CONTES ARABES.
II
(le
la
reine
,
il arrtoit
moins
souvent
ses
yeux
sur
le
jardin
,
qu'il
ne
les
le-
voit
au
ciel
pour
se
plaindre
de
son
malheureux
sort.
Nanmoins
,
quelque occup qu'il
ft
de
ses ennuis
,
il
ne
laissa pas
d'apercevoir
un
objet
qui
attira
toute
son
attention.
Une
porte
secrte
du
palais du
sultan
s'ouvrit
tout--coup
et
il en
sortit
vingt
femmes
,
au mi-
lieu
desquelles
marchoit
la
sultane
(i)
d'un
air
qui
la
faisoit
aisment
distin-
guer.
Cette
princesse
,
croyant
que
le
roi de
la
Grande
Tartarie toit aussi
la
chasse
,
s'avana
avec
fermet
jus-
que
sous
les
fentres
de fappartement
de
ce
prince
,
qui
,
voulant
par
cu-
riosit
fobserver,
se
plaa
de ma-
nire qu'il
pouvoit
tout
voir
sans
tre
vu.
Il
remarqua
que
les
personnes
qui accompagnoient
la
sultane
,
pour
bannir toute
contrainte
,
se
dcouvri-
(i) Le titre
ce
sultane
se
donne tontes
les
fpmnrifs
c c5
prinres
tie TOrient.
Cepen-
dant
le
nom
de
snltune,
tout court
,
dsigne
rdinaireuient
la favorite.
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
48/519
52
LES MILIE
ET
UNE NUITS,
teiit
le
visage
,
qu'elles avaient
eu
cou-
vert
jusqu'alors,
et
quittrent
de
longs
liabits
quelles
portoient
par
-dessus
d'autres
plus courts. Mais
il
fut
dans
un extrme
tonnement
de voir
que
dans
cette
compagnie
qui
lui
avoit
sembl
toute
compose
de
femmes
j
il
y
avoit dix noirs qui prire)it
chacun
leur
matresse.
La sultane
de son
ct
ne
demeura
pas long-temps
sans
amant
;
elle frappa
des mains
en
criant:
Masoud,
Masoud*
et
aussi-
tt un autre
noir
descendit
du
haut
d'un arbre
,
et
courut
elle
avec
beaucoup
d'empressement.
La
pudeur
ne me
permet
pas de
raconter
tout
ce
qui
se
passa
entre
ces
femmes
et
ces
noirs,
et
c'est
un
dtail
qu'il n'est pas
besoin
de faire.
Il
suffit
de dire
que
Schahzenan en
vit
assez
pour
juger
que
son
frre
n'toit
pas
moins
plaindre
que
lui.
Les
plaisirs
de celte troupe
amoureuse
durrent
jusqu
minuit.
Il
se
baignrent
tous
ensemble
dans
une
grande
pice
d'eau,
qui
faisoitun
des
plus
beaux
ornemens
du
jardin
;
aprs
quoi
ayant
repris
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
49/519
CONTES
ARABES*
Ij
leurs
habits ,
ils rentrrent
par
la
porte
secrte
dans le
palais
du
sultan;
et
Masoud
,
qui toit
venu
de
dehors
par-dessus
la
muraille
du
jardin
,
s'en
retourna par le nime
endroit.
Comme
toutes
ces
choses
s'toient
passes
sous
les
jeux
du
roi de
la
Grande
Tartarie
,
elles
lui
donnrent
iieu
de
faire
une
infinit
de
rflexions*
Que
j'avois peu de
raison
, disoit-il
,
de
croire
que
mon
malheur
toit
si
singulier
C'est
sans
doute
l'invitable
destine
de
tous
les
maris
,
puisque
le
sultan mon frre
,
le
souverain
de tant
d'tats,
le
plus
grand
prince
du
mon-
de, n'a pu
l'viter.
Cela
tant,
quelle
foiblesse
de
me
laisser
consumer
de
chagrin
C'en
est
fait
:
le
souvenir
d'un
malheur
si
commun
ne
troublera
plus
dsormais
le
repos de
ma
vie.
En
effet,
ds
ce moment
il
cessa
de s'affliger
-
et comme
il
n'avoit
pas
voulu
souper
qu'il
n'et
vu
toute
la
scne
qui
ve-
noit d'tre
joue
sos ses
fentres
,
il
fit
servir
alors, mangea
de meilleur
apptit
qu'il
n'avoit fait
depuis
soa
dpart
de
Samarcande
,
et
entendit
I.
2
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
50/519
14
I.ES
MILLE ET
UNE
NUITS
,
mme
avec
quelque
plaisir
un
con-
cert
agrable
de
voix
et
d'instrumens
dont
on
accompagna le
repas.
Les jours
suivans
il
fut
de trs-
bonne
humeur;
et
lorsqu'il
sut
que
le
sultan toit
de
retour
, il
alla
au-
devant
de
lui
, et
lui
ft
son
compli-
ment
d'un
air
enjou.
Schahiiar
d'a-
bord
ne
prit pas
garde
ce
change-
ment; il ne
songea
qu'
se
plaindre
obligeamment
de
ce que
ce
prince
avoit refus
de
l'accompagner la
chasse;
et
sans lui
donner
le
temps
de
rpondre
ses
reproches,
il lui
parla
du
grand
nombre
de
cerfs
et
d'autres animaux
qu
il
avoit
pris
,
et
enfin
du
plaisir qu'il
avoit
eu.
Schah-
zenan, aprs l'avoir
cout
avec- at-
tention,
prit
la
parole son
tour.
Comme
il
n'avoit plus de chagrin qui
l'empcht
de faire
paroitre
combien
il
avoit
d'esprit,
il
dit
mille
choses
agrables
et plaisantes.
Le
sultan
,
qui
s'
toit attendu
le
retrouver
dans le
mme
tat
o il
l'avoil
laiss,
fut ravi
de
le
voir si
gai.
Mon frre
,
lui
dit-il
,
je
rends
grces
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
51/519
CONTES
ARABES.
1
5
at ciel
de
l'heureux
changement
qu'il
a
produit
en
vous
pendant
mon
ab-
sence
5
j'en
ai
une
vritable joie
,
mais
j'ai une prire
vous
faire
,
et
je
vous
conjure
de
m'
accorder
ce
que
je vais
vous
demT.nder.
Que
pourrois-je
vous
refuser
,
rpondit le
roi
de Tar-
tarie
?
Vous
pouvez
tout
sur Schah-
zenan.
Parlez;
je
suis
dans
l'impa-
tience
de
savoir
ce
que
vous
souhai-
tez de
moi.
Depuis
que
vous
tes
dans
ma
cour
,
reprit
Schahriar
,
je
vous
ai
vu
plong
dans
une
noire
m-
lancolie que j'ai
vainement
tent
de
dissiper
par
toutes
sortes
de
divertis-
semens. Je
me suis
imagin
que
votre chagrin
venoit
de
ce que
vous
tiez
loign
de
vos
tats
;
j'ai
cru
mme
que
famour
y
avoit
beaucoup
de
part,
et
que
la reine
de Samar-
cande
,
que
vous
avez
d
choisir
d'une
beaut
acheve
,
en
toit
peut-
tre
la
cause.
Je
ne
sais
si
je
me
suis
tromp
dans
ma
conjecture;
mais
je
vous avoue
que
c'est particulire-
ment
pour cette
raison
que
je
n'ai
pas
voulu
vous
uiiportuner l-
des-
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52/519
l6
LES
MILLE
ET
UNE
NUITS,
SUS
,
de peur de vous
dplaire.
Ce-
pendant
,
sans
que j'y aie contribu
en
aucune
manire
,
je
vous
trouve
mon
retour
de la meilleure
humeur
du
monde
et
l'esprit
entirement
d-
gag
de cette
noire
vapeur,
qui
en
troubloit
tout l'enjouement.
Dites-
moi
de
grce
,
pourquoi
vous
tiez
si
triste
,
et
pourquoi
vous ne
l'tes
plus
?
A ce
discours
, le
roi de
la Gran-
de
Tait
.rie
demeura
quelque temps
rveur
,
comme
s'il
et
cherch
ce
qu'il
avoit
y
rpondre.
Enfin
il re-
partit dans
ces
termes
:
Vous
tes
mon
sultan
et
mon
maitre
;
mais
dis-
pensez-moi
,
je vous supplie
,
de
vous
Qonner
la
satisfaction
que
vous
me
demandez.
Non, mon
frre,
r-
Fhqua
le sultan
,
il
faut
que
vous
me
accordiez
;
je la
souhaite
,
ne
me la
refusez
pas.
Schahzenan
ne
put
rsister
aux
instances
de
Schahriar.
H
bien
mon
frre
,
lui
dit-il
,
je
vais vous
satisfaire
,
puisque
vous
me
lie
commandez.
Alors
il
lui
raconta
l'infidlit
de
la
reine
de
Samarcande
;
7/21/2019 Galland 1001N Caussin 1
53/519
CONTES
ARABES.
I7
et
lorsqu'il
en
eut achev le
rcit:
VoiJ,
poursuivit-il, le
sujet
de
ma
tristesse; jugez
si
j'avois
tort
de
m'y
abandonuer.
O
mon
frre
s'-
cria
le
sultan
d'un
ton
qui marquoit
combien
il
entroit
dans
le
ressenti-
ment
du
roi de
Tartarie
,
quelle hor-
rible
histoire
venez
-
vous
de
me
ra-
conter
1
Avec
quelle impatience je
l'ai
coute jusqu'au bout
Je vous
loue
d'avoir puni
les
tratres
qui
v^ous
ont
fait
un outrage si
sensible.
On
ne
sauroit
vous
reprocher
cette
action
:
elle est
juste
3
et
pour moi
j'a-
vouerai
qu'
votre
place j'aurois
eu
peut-tre
moins
de
modration
que
vous.
Je
ne
me
serois pas
content
d'ter
la
vie
une
seule
femme
,
je
crois
que
j'en
aurois sacrifi plus de
mille
ma
rage. Je
ne
suis
pas
ton-
n
de
vos
chagrins
;
la
cause
en toit
trop
vive
et
trop
mortifiante
pour
n'y
pas
succomber.
O
ciel
quelle
aventure
Non
,
je
crois qu'il n'en
est
jamais
arriv
de
semblable
person-
ne qu' vous.
Mais
enfin
il faut
louer
Dieu
de ce
qu'il
vous
a
donn
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54/519
8
LES
MILLE
ET
UNE NUITS
,
de la
consolation
;
et comme
je
ne
doute
pas qu'elle
ne
soit
bien
fon-
de
,
ayez
encore
la
complaisance
de
m'en
instruire
,
et
faites
moi
la con-
fidence
entire.
Scliahzenan fit plus
de
difficult
sur
ce
point que sur le
prcdent,
cause de
l'intrt
que son
frre
y
avoit
;
mais
il fallut cder
ses nou-
velles instances,
Je
v^ais
donc
vous
obir
,
lui
dit-il
,
puisque
vous
le
vou-
lez
absolument.
Je crains
que
mon
obissance
ne
vous cause
plus
de cha-
grins
que
je
n'en
ai
eu
;
mais
vous
ne
devez
vous
en
prendre qu'
vous-m-
me,
puisque
c'est vous
qui
me
for-
cez
vous rvler
une chose
que
je
voudrois enses^ehr
dans
un
ternel
oubli.
ce
Ce
que
vous
me
dites,
inter-
rompit
Schahriar,
ne
fait
qu'irriter
ma
curiosit
5
htez-vous
de
me
d-
couvrir
ce
secret
,
de
quelque
nature
q^u'il
puisse
tre.
Le
roi
de
Tarta-'
ne,
ne
pouvant plus
s'en
dfendre,
fit
alors
le dtail
de
tout
ce
qu'il
avoit
vu du
dguisement
des
noirs,
de
l'emnortemeiit
de
la
sultane
et
d
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55/519
CONTES
ARABES.
If)
ses
femmes
,
et
il
n'oublia
pas Ma-
soLid.
xA-prs
avoir
t
tmoin
de
ces
infamies
,
conlinua-t-il
,
je
pensai
que
toutes
les
femmes
y
toient
na-
turellement
portes , et
qu'elles
ne
pouvoient
rsister
leur
penchant.
Prvenu
de
cette
opinion
,
il
me
pa-
rut
que
c'toit
une
grande
foiblesse
un
nomme d'attacher
son
repos
leur
fidht.
Celte
rflexion
m'en
fit
faire
beaucoup
d'autres; et
enfin
je ju-
geai
que
je
ne
pouvois
prendre un
meilleur
parti
que
de
me
consoler.
Il
m'en
a
cot
quelques
efforts
;
mais
j'en suis
venu
bout
;
et
,
si
vous
m'en croyez,
vous suivrez
mon
exem-
ple.
Quoique
ce
conseil
ft
judicieux
le
sultan
ne
put le
goter.
Il entra
mme
en
fureur.
Quoi 1
dit-il
,
la
sultane
des
Indes
est
capable
de se
prostituer
d'une
manire
si
indigne
I
Non
,
mon
frre
,
ajouta-t-il
,
je
ne
puis croire ce
que
vous me
dites
, si
e
ne
le
vois de
mes
propres
yeux.
[1 faut que
les
vtres
vous
aient
tromo
;
la
chose est
assez
impor-
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56/519
ao
LES
DIILLE
ET
UKE
NUITS
,
tante
pour
mriter
que
j'en
sois
as-
sur par
moi-nime.
Mon frre,
rpondit Schahzenan
, si vous voulez
en
tre
tmoin
,
cela
n'est
pas fort
difficile
:
vous
n'avez
qu'
faire
une
nouvelle
partie
de chasse
;
quand
nous
serons
hors
de
la
ville
avec
vo-
tre
cour
et
la
mienne,
nous
nous
ar-
rterons
sous
nos
pavillons ,
et
la
nuit
nous
reviendrons
tous
deux seuls
dans
mon
appartement.
Je
suis
assu-
r
que
le
lendemain vous
verrez
ce
que
j'ai
vu.
Le
sultan
approuva
le
stratagme,
et
ordonna
aussitt
une
nouvelle
chasse
;
de sorte
que ds
le
mme
jour
les pavillons
furent dres-
ss au
lieu
dsign.
Le
jour
suivant
,
les
deux
princes
partirent
avec
toute
leur
suite. Ils ar-
rivrent
o
ils
dvoient
camper
,
et
ils
y
demeurrent
jusqu'
la
nuit.
Alors
Schahriar
appela
son
grand-visirj
et,
sans
lui
dcouvrir
son
dessein
,
lui
commanda
de tenir
sa
place
pendant
son absence
,
et
de
ne
pas
permettre
que
personne
sortit
du
camp
,
poux*
quelque
sujet
que ce
pt
cire.
D'-
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