59
GDRN5 Réseau Gestion Décentralisée des Ressources Naturelles en 5 ème Région BP 31 Sévaré Mopti (Rép. du Mali) Tel/Fax (+223) 2420 398 E-mail : [email protected] PRATIQUES LOCALES DE GESTION DES RESSOURCES NATURELLES ET LOIS AFFERENTES Mopti Avril 1999 CONSULTANTS Nampaa SANOGHO, Ingénieur forestier Ibrahima CISSE, Sociologue Oumarou BOCAR, Juriste.

GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

GDRN5 Réseau Gestion Décentralisée des Ressources Naturelles en 5ème Région BP 31 Sévaré Mopti (Rép. du Mali) Tel/Fax (+223) 2420 398 E-mail : [email protected]

PRATIQUES LOCALES DE GESTION DES RESSOURCES NATURELLES ET LOIS AFFERENTES

Mopti Avril 1999 CONSULTANTS Nampaa SANOGHO, Ingénieur forestier Ibrahima CISSE, Sociologue Oumarou BOCAR, Juriste.

Page 2: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

2

SOMMAIRE

I. Introduction 1.1 Contexte et justification 1.2 Objectifs de l’étude 1.3 Déroulement . Méthodologie . Composition de l’équipe . Calendrier II. Dynamique des ressources naturelles en 5ème Région III. Evolution des pratiques et institutions de gestion locale des ressources naturelles 3.1 En Zone inondée 3.2 En Zone exondée IV. Analyse des textes et pratiques locales de gestions des ressources naturelles 4.1 Evolution de la législation relative à la gestion des ressources naturelles renouvelable 4.1.1 Le Droit Ancien 4.1.2 Le Droit Colonial 4.1.3 Le Droit Actuel 4.2 Analyse critique de la législation en vigueur et les pratiques locales de gestion des ressources 4.2.1 La législation applicable 4.2.2 Les pratiques locales de gestion 4.2.3 Quelques pistes d’exploration V. Problématique de la cogestion des ressources naturelles 5.1 Gestion locale des ressources naturelles en 5ème région 5.2 Crise dans la gestion des ressources 5.3 Concept de cogestion des ressources naturelles 5.4 Caractéristiques de la cogestion des ressources 5.5 Expérience de gestion participative des ressources dans la région 5.6 Forces et faiblesses des expériences VI. Stratégie des ONG pour l’appui aux pratiques de gestion des ressources naturelles 6.1 Stratégie générale de cogestion des ressources naturelles 6.2 Rôle des ONG dans la cogestion des ressources naturelles 6.3 Stratégie actuelle d’intervention des ONG de la Région 6.4 Propositions d’une stratégie d’intervention rénovée Bibliographie

Page 3: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

3

I. INTRODUCTION 1.1 CONTEXTE GENERAL ET JUSTIFICATION DE L’ETUDE Les ressources naturelles (sols, eaux, pâturages, végétation, gibier et poissons) constituent la base de subsistance des populations rurales en 5ème région. Elles y tirent une grande partie de leur alimentation, leur médicament, leurs besoins en énergie domestique(bois de chauffe). La végétation joue un rôle capital dans la fertilisation des sols agricoles et l’alimentation du bétail. Face à ces enjeux, les communautés rurales ont depuis les temps anciens, réglementé à leur façon l’accès et l’exploitation de ces ressources par l’institutionnalisation de règles coutumières d’une part et la mise en place de structures locales pour en assurer leur gestion d’autre part. Vers les années 1930, l’Etat colonial a introduit une législation moderne calquée sur son propre modèle culturel occidental d’accès aux ressources naturelles. A l’indépendance du Mali en 1960, la législation nationale (d’inspiration coloniale et conçue en langue étrangère non accessible à la population rurale) sur les ressources naturelles consacre et renforce la prééminence de la propriété de l’Etat sur toutes ces ressources. Les règles coutumières s’en trouvent affaiblies et les institutions traditionnelles dépossédées de leurs prérogatives et exclues de la participation à la gestion des ressources de leurs terroirs. Depuis, un système dualiste va désormais régir l’accès et l’exploitation des ressources naturelles : celui de l’Etat (droit positif) qui va rester théorique et non opérationnel, et les règles coutumières pratiques, légitimes et accessibles aux populations. La persistance de ce système dualiste aura pour conséquences : - la méfiance voire l’hostilité entre l’Etat et les populations rurales - l’aggravation de la dégradation des ressources naturelles - la détérioration des conditions de vie des populations rurales - la multiplication des conflits entre différents utilisateurs des ressources

naturelles. La révolution de mars 1991 sera marquée par l’instauration de la démocratie plurielle et l’affaiblissement de l’autorité de l’Etat, notamment des services chargés de gérer les ressources naturelles(Eaux et forêts). La Conférence Nationale d’août 1991 et les Etats Généraux du Monde Rural d’octobre 1991, ont été de véritables procès de l’Etat notamment celui du service forestier.

Page 4: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

4

Pour une réconciliation et pour une prise en compte des aspirations des populations rurales, l’Etat entreprend dès lors une série de réformes des textes de gestion des ressources et des administrations chargées de leur application. Les principes de base de ces réformes visent entre autres : - la redéfinition du rôle de l’Etat et des autres acteurs du développement ; - la participation et la responsabilisation des producteurs ruraux ; - la programmation décentralisée du développement rural ; et - la promotion de la gestion durable des ressources naturelles.

Malgré des progrès et des ouvertures importantes par rapport aux anciens textes de loi, il demeure que les nouvelles mesures législatives et réglementaires ne sont pas toujours appropriées et souffrent d’insuffisances et/ou d’ambiguïtés. 1.2 OBJECTIF DE L’ETUDE Le but visé par cette étude est de mieux faire connaître les forces et les faiblesses des textes de loi et des pratiques locales de gestion des ressources naturelles et d’attirer l’attention des décideurs sur leurs contradictions, en vue de proposer des moyens de renforcement des capacités d’appui aux institutions locales chargées de la gestion des ressources naturelles. 1.3 DEROULEMENT DE L’ETUDE Conformément aux termes de référence, l’étude s’est structurée de la façon suivante : ? Revue bibliographique : l’équipe a procédé à l’exploitation des textes de loi

et des études disponibles sur la question et en particulier la documentation mise à sa disposition par le réseau GDRN5

? L’élaboration d’un guide d’entretien avec les membres des institutions locales

de gestion des ressources naturelles et les responsables des ONG opérant sur le terrain.

? La conduite de ces entretiens a pour but entre autres de :

- identifier les pratiques locales de gestion des ressources naturelles et leur évolution

- identifier les institutions locales et les changements qu’elles ont connu à travers l’histoire de la région

- déterminer les pratiques actuelles et les problèmes afférents - dégager le rôle des différentes catégories d’acteurs (éleveurs,

agriculteurs,pêcheurs) dans les structures de gestion émergentes - recueillir leurs suggestions pour une amélioration de la situation existante - analyser et la rédiger le rapport.

Page 5: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

5

1.3.1 Composition de l’equipe L’équipe de consultants est composée de :

- Nampaa SANOGHO, Ingénieur forestier - Ibrahima CISSE, Sociologue - Oumarou BOCAR, juriste.

1.3.2 Compte rendu chronologique des activités de l’équipe 08 / 03 / 99 - Voyage de l’équipe Bamako - Sevaré 09 / 03 / 99 - Entretien avec Monsieur Aly Bacha KONATE, Coordinateur de GDRN5 à Sévaré - Recherche documentaire 10 - 12/03/99 - Voyage de l’équipe à Dialloubé et Oualadou - Visite de courtoisie au chef d’arrondissement de Dialloubé - entretien avec les services techniques à Dialloubé - entretien avec les autorités villageoises (Diowro) de Dialloubé - entretien avec les associations de femme de Dialloubé - entretien avec les Diowro et les pêcheurs de Oualado 13 / 03 / 99 - Voyage de l’équipe à Douentza - entretien avec l’encadrement NEF - Douentza - entretien avec les membres de Waldé Kelka à Boré 14-15/03/99 - Voyage de l’équipe à Bankass - entretien avec l’encadrement SOS Sahel Bankass - entretien avec les membres Alamodiou de Léguéré 15-16/03/99 - Voyage de l’équipe à Koro - entretien avec l’encadrement CARE International Koro - entretien avec les responsables villageois et les femmes de Lemdé - entretien avec les responsables villageois de Bargou 17 / 03 / 99 - retour de l’équipe à Bamako 19/03/au 06/04/99 - Analyse et rédaction du rapport

Page 6: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

6

II. DYNAMIQUE DES RESSOURCES NATURELLES EN 5EME REGION

La région de Mopti couvre une superficie de 79017 km² (soit 6.34%) du territoire national. Elle est peuplée de plus de 1 475 274 habitants (recensement 1998) soit 15% de la population nationale. Elle est découpée en 8 cercles, 103 communes rurales et 5 communes urbaines et compte 2038 villages. Du point de vue climatique, la région est à cheval sur la zone sahélienne et la zone soudanienne-nord caractérisée par un régime aride à semi-aride et par une grande diversité de ressources : eaux, sols, flore et faune jadis abondantes. Les systèmes de production traditionnels de la 5ème région à savoir l’agriculture, l’élevage et la pêche étaient apparemment adaptés aux conditions écologiques d’antan, peu productifs et sûrs. Ils exploitaient faiblement le milieu tout en permettant la vie d’une population humaine peu dense. Le maintien de ces systèmes traditionnels, malgré l’accroissement de la population, l’introduction de nouveaux systèmes et moyens de production tels que les cultures irriguées, les charrues, les tracteurs et les sécheresses des dernières décennies, ont accentué considérablement la pression d’exploitation sur les ressources naturelles (sols, eaux, végétation, faune). La rupture a été d’abord progressive, presque imperceptible. Elle a été mise en évidence brutalement par la sécheresse des années 1973 et 1985.Les conséquences les plus notables du maintien de l’agriculture itinérante sur brûlis associée à l’accroissement de la population et l’introduction des cultures de rente sont : - l’extension considérable des zones mises en culture, d’une part, sur les sols non

propices à l’agriculture, sur des sols et dans des zones traditionnellement réservées à d’autres productions (élevage et pêche) d’autre part ;

- la réduction de la jachère, qui au lieu de représenter 80 à 90% des superficies

cultivées, est aujourd’hui inférieure à 20% ; - le développement de mauvaises pratiques culturales : culture sur brûlis,

mécanisation non maîtrisée, labour profond de sols superficiels, élimination des arbres sans remplacement, absence de travaux de conservation et de restauration des sols et des eaux de surface ;

- la création de vastes périmètres irrigués le long des fleuves et autour des

mares et des lacs sans considération pour les autres systèmes de production notamment la pêche et souvent sans études préalables.

L’élevage qui reste l’activité essentielle de la région de Mopti, reposait dans le temps sur le nomadisme d’abord, sur la transhumance ensuite. Ces systèmes sont les seuls capables de valoriser et de s’adapter à un milieu aussi fluctuant et diversifié.

Page 7: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

7

Traditionnellement, l’élevage était basé à la fois sur une bonne connaissance de la nature, un bon niveau des effectifs du bétail avec prédominance des bovins et surtout une hiérarchisation des groupes d’éleveurs et le respect strict de la préséance de ses groupes pour l’utilisation des pâturages et des points d’eau. Chaque groupe de pasteurs disposait de droits sur certains pâturages et sur certains points d’eau pendant une période et une durée déterminée permettant une complémentarité et une superposition dans l’espace et dans le temps des systèmes de production. Cette forme de rotation permettait une utilisation optimale et (sans conflits) majeur de toutes les ressources. La distinction entre les pâturages de saison des pluies (zone exondée), et ceux de saison sèche (zone inondée) permettaient à la végétation de se régénérer normalement. Trois éléments sont venus rompre cet équilibre : - L’expansion très forte de la population et du cheptel suite au développement

de la médecine humaine et vétérinaire ; - La réduction sensible des espaces pastoraux, suite à la divagation agricole

(culture pluviale et de décrue, riziculture en grands ou petits périmètres ; développement du maraîchage le long des cours d’eau etc.) ;

- La perturbation de l’organisation traditionnelle des éleveurs par la destruction

de la société pastorale, la perte de l’autorité des chefs coutumiers, la résurgence de nouveaux chefs inféodés à l’administration sans légitimité sociale, l’apparition des éleveurs absentéistes (fonctionnaire et commerçants) et des bergers salariés.

Le résultat de cette évolution est évident sur les pâturages avec de fortes concentrations autour des points d’eau, sur les lieux de commercialisation, dans les zones d’attente périphériques du Delta avec des descentes précoces dans les bourgoutières et des sorties tardives. Aujourd’hui la dégradation des pâturages aussi bien dans la zone inondée que dans la zone exondée, se traduit par : - La surexploitation de la végétation : arbres et herbes qui se reconstituent très

difficilement (mutilation, défeuillaison) ; - le piétinement des sols qui se dégradent et deviennent improductifs ou mis en

mouvement par le vent La chasse et la pêche étaient réservées à des groupes sociaux régis par une hiérarchie stricte, une initiation de longue durée et des règles draconiennes qui respectaient l’équilibre de la nature (totem, déontologie de la chasse ou de la pêche, chasse et pêche coutumière). Aujourd’hui le gibier se fait rare sauf pour la sauvagine migratrice qui hiverne par centaines de milliers dans de Delta et sur laquelle les prélèvements dépassent les 300 000 oiseaux par an. La production piscicole qui était supérieure à 100 000 tonnes/an était tombée à moins de 50 000 tonnes vers les années 1987. En plus de la baisse de la

Page 8: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

8

production, la taille des poissons a baissé et certaines espèces ne se rencontrent plus dans les prises. La déforestation de la 5ème région est aujourd’hui un phénomène général et ses effets sont bien connus. La cause majeure de ce phénomène est constituée par les défrichements. Par exemple la superficie cultivée a évolué de 296 000 ha en 1985-86 à 630 000 ha en 1992-93 soit une augmentation de 20% en 7 ans (Cf. SRAD/Mopti). Le rythme de ces défrichements est fortement accru par la réduction de la jachère, la poursuite de la pratique de l’écobuage et de la culture sur brûlis, la mécanisation inadaptée et la culture sur les sols marginaux. La déforestation est due aussi à l’exploitation du bois énergie et à la persistance des feux de brousse. Toutes les formations végétales de la région sont à l’état de savanes arbustives ou de steppe et rarement de savanes arborées à cause de l’action de l’homme, du bétail, des feux, de la hache et de la houe et aussi de la péjoration climatique. La région de Mopti se caractérisait par la complémentarité spatiale et temporelle qui existait entre les deux zones inondée et exondée d’une part et entre les trois systèmes de production agriculture-élevage-pêche d’autre part. Nous pouvons affirmer qu’au fil du temps, les abondantes ressources de la région se sont amenuisées. D’une situation d’abondance où l’espace et les ressources en terre, bois, poisson, gibier, pâturages semblaient illimités, nous sommes aujourd’hui dans une situation de crise. Les modes traditionnels de gestion ne sont plus à mesure d’assurer une gestion durable des ressources naturelles.

Page 9: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

9

III. EVOLUTION DES PRATIQUES ET INSTITUTIONS DE GESTION LOCALE DES RESSOURCES NATURELLES 3.1. EN ZONE INONDEE LES INSTITUTIONS DES PECHERIES a) Evolution Les principaux groupes de pêcheurs Bozo et Somono, généralement riverains du fleuve, sont considérés comme les premiers occupants de la région dont ils exploitent depuis la nuit des temps les plaines inondées, les mares et marigots, les lacs et les fleuves. De ce passé sont issus des mythes et rites de pêche bien conservés, des organisations sociales traditionnelles de ces activités et une adaptation impressionnante de l’outillage. Suivant les rythmes des saisons et des mouvements de la crue et de la décrue dispersant ou concentrant la densité de la faune, s’organisent les pêches saisonnières et la mobilité des pêcheurs. En simplifiant, les pêcheurs se dispersent à la périphérie dans les plaines hautes en crue, puis se concentrent progressivement à la décrue. Et c’est dans ce mouvement alternatif que se succèdent les pêcheurs saisonniers selon un calendrier propre à chaque zone. Cependant trois de ces pêches marquent plus fortement ce cycle : - la pêche aux Alestes lenciscus, ( les tinéni ou loko en fulfulde) dans la partie

amont du Delta et particulièrement à l’ouest. Jusqu’au début du siècle, elle était pratiquée de façon banale avec la construction de levées de terre (barrages)quand la décrue commence. Des brèches y sont ouvertes et les filets permettent la capture de bancs de poissons longs de plusieurs kilomètres. Depuis les techniques ont évolué permettant de suivre et de capturer les bancs de poissons tout au long de leur évolution. Cette pêche dure de novembre à février dans la partie Ouest du Delta et spécialement sur les rives du Diaka.

- les pêches collectives dans les mares des hautes plaines du Delta, qui

démarrent au mois de mars et qui continuent dans le fleuve courant mai - début juin selon la décrue. Elles intéressent en premier lieu les riverains Bozo et Somono de ces lieux et de nombreux cultivateurs voisins, Nono - Marka, Rimaïbe et des pêcheurs d’amont venus des régions de Ségou et Koulikoro qui se joignent à eux. Les techniques de pêche ont très peu évolué au niveau de ces pêches collectives.

- les grandes pêches des lacs en étiage que rejoignent la plupart des pêcheurs

d’amont descendus pour les pêches collectives. En réalité les pêches au niveau des lacs Debo et Walado démarrent dès février et se poursuivent jusqu’en juin au fur et à mesure du retrait des eaux. A partir du mois d’avril ces lacs voient en fait converger la quasi-totalité des pêcheurs Bozo et Somono

Page 10: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

10

du Delta et d’autres régions avec une panoplie d’engins adaptés à la baisse progressive des eaux.

Toutes ces pêches sont organisées selon un rituel précis qu’officient les chefs des eaux (dyi tuu) exerçant une véritable autorité sur les pêcheurs. En effet chaque zone de pêche du Delta (mare, marigot, bras de fleuve, lac...) est la propriété traditionnelle d’une famille qui tire sa légitimité du droit de premier occupant. Le chef des eaux (dyi tuu) qui est aussi généralement le chef de famille a pour rôle : - l’organisation des pêches collectives ; - l’arbitrage des droits d’usage entre les différentes familles ; - le règlement de l’installation des barrages de pêche et de l’utilisation des

instruments de pêche selon les saisons et les lieux de capture. Dans certaines zones (bief Mopti - Kouna sur le Niger) c’est un conseil des chefs des eaux qui fixe les dates et le calendrier des pêches collectives selon une procédure propre et annonce dans tout le pays que chacun est libre d’y participer selon ses moyens. Au niveau des lacs Debo et Walado l’occupation des emplacements de pêche et le rythme d’arrivée des pêcheurs obéissent à un système de préséance presque semblable à celui de la transhumance des animaux dans le Delta : arrive d’abord le dyi tuu et les membres de sa famille dans un certain nombre de lieux, puis suivent après quelques jours les Bozo autochtones, puis les bozo et somono étrangers admis par le dyi tuu, enfin les non - pêcheurs professionnels indépendants. Aux étrangers les emplacements de pêche sont loués moyennant généralement le tiers des prises. Enfin à partir d’une période la liberté de pêche est accordée à tous les pêcheurs sur tous les marigots. Les régimes politiques qui se sont succédés dans la région depuis l’empire du Mali n’ont presque pas influencé cette organisation sociale de la pêche. Tout au plus au début du 19è siècles la DINA a installé quelques nouvelles familles alliées à sa cause, dans de nouveaux villages et leur a attribué des titres de maîtres des eaux pour des mares et marigots précis. Par contre sa politique de sédentarisation systématique des pêcheurs nomades n’a donné lieu qu’à l’implantation des campements : daga, quasi-déserts de novembre à juillet durant la décrue. Dans les années 60, l’Etat tente d’intervenir dans la filière de commercialisation, par la création d’une Coopérative des pêcheurs de Mopti ayant le monopole de l’achat aux pêcheurs et de vente aux grossistes - exportateurs. Cette expérience qui n’affecta pas directement l’organisation sociale de la pêche durera 3 ans (1965 - 1968) car dès 1968, à la suite du changement de régime, la liberté de commerce du poisson est rétablie. C’est au début des années 70 que l’Etat interviendra avec force dans la gestion de la pêche par la création de l’Opération Pêche Mopti en 1972 et l’imposition d’une réglementation «moderne » qui ignorent l’organisation traditionnelle de la maîtrise des eaux par les dyi tuu. Désormais ce sont les autorisations officielles de pêche qui gèrent cette activité dans l’ensemble du Delta, au détriment des manifestations traditionnelles les plus ostentatoires en abandon progressif.

Page 11: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

11

Cependant à l’instar de la gestion des pâturages, l’Etat reconnaîtra progressivement à partir du début des années 80, plus de pouvoir aux institutions locales traditionnelles. En 1983 une Convention de pêche est élaborée pour la gestion et la surveillance des pêcheurs au niveau local et régional. Un Conseil de pêche est aussi créé pour aider à la résolution des conflits signalés et gérer l’exploitation des zones de pêches. Ces nouvelles institutions qui sont un pas important vers la reconnaissance des institutions locales traditionnelles sont handicapées par des pesanteurs juridico - administratives (manque de statut, décisions non conformes à la réglementation en vigueur) et une insuffisance d’organisation notoire des pêcheurs. b) Forces et faiblesse des institutions de gestion des pêcheries Ces institutions étaient basées sur une spécialisation des acteurs(bozo, Somono), une bonne connaissance des ressources et de leur écologie, une diversification des modes et des lieux de pêche, le pouvoir presque divin du maître des eaux d’où un respect strict par les pratiquants des règles et de la déontologie. La connaissance du milieu et de la dynamique des populations de poissons permettaient aux pêcheurs d’exploiter de façon optimale les ressources. La faible capacité de capture des engins de pêche et l’usage quasi domestique fait du poisson pêché permettaient aux ressources de se régénérer. Il faut ajouter que la demande en ressources était faible et les sources alternatives de produits de consommation abondantes. Cependant les règles de gestion clanique et ou familiale était discriminatoire d’abord pour les familles autres que celle du maître des eaux ensuite pour les étrangers. Le respect de la préséance qui reste le fondement de ces institutions privilégiait de façon presque pérenne les familles fondatrices quel que soit leur évolution et celle des autres. En plus ces institutions étaient axées uniquement sur l’exploitation des ressources et aucune action de développement de la ressource n’était envisagée. L’intervention de l’Etat et l’intrusion de l’argent dans la vie quotidienne des pêcheurs vont corrompre le système et rendre ces institutions inadaptées à la situation de surexploitation des ressources et d’un Etat démocratique et de droit. 3.2. LES INSTITUTIONS PASTORALES a) Evolution Les premières institutions pastorales remontent à l’occupation du Delta par les pasteurs Peuls vers le 14ème siècle, à travers plusieurs vagues de migration regroupées par campement de nomadisme (ouro). A côté des villages d’agriculteurs Niono – Marka, Bambara, Bobo… ces campements s’installent saisonnièrement ou bien croisent les pêcheurs Bozo nomades qui sillonnent les différents cours d’eau.

Page 12: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

12

Entre ces différentes communautés s’établit au départ un partage de fait des principales ressources naturelles du Delta : les plaines hautes et les bordures de la zone d’inondation aux communautés d’agriculteurs, les fleuves, bras de fleuve, lacs et mares pour les pêcheurs et l’herbe de décrue des profondes cuvettes pour les pasteurs. Cependant le nombre croissant des pasteurs nomades, la richesse et la saisonnalité des pâturages et les rivalités politiques entre clans et lignages Peuls aboutirent à une forme d’appropriation et de contrôle d’accès des bourgoutières par les lignages ou groupes de familles (Suudu baaba). Par le jeu de la primauté d’occupation, d’alliance familiale et politique et de puissance démographique et militaire, une répartition progressive des différentes bourgoutières du Delta entre les différents groupes de lignage s’instaure sous la gestion des chefs de campement de nomadisme (Diom Ouro). Outre le contrôle de l’accès aux bourgoutières par les éleveurs non-membres du lignage (fonction en fait assurée par tous les membres actifs de son lignage), le Diom Ouro était aussi chargé des rapports avec les populations sédentaires, les pêcheurs, les agriculteurs et les autres groupes de pasteurs. Le 15ème siècle voit l’apparition de chefferies Peul (Ardo) dans le Delta correspondant à une véritable poussée démographique des éleveurs nomades dans la région, suscitant des rivalités de voisinage entre les différentes communautés et de la compétition au niveau des pâturages, qui débouchèrent sur une situation d’insécurité et de besoin de protection pour les personnes et les biens des pasteurs. Les chefferies Ardo (re) structurèrent les entités pastorales des Diom Ouro en entités territoriales plus vastes et plus viables économiquement (leydi), dont elles assurent la protection militaire et la stabilité politique. En contrepartie, une nouvelle fonction le Diom houdo, étymologiquement propriétaire de l’herbe, est créée par le Ardo, chef du leydi, pour la gestion des pâturages et des bergers. Elle correspond en fait à l’ancienne fonction de chef de campement – qui dispose désormais d’une tutelle politique et militaire – qui doit en plus prélever un droit d’accès au pâturage (tolo) sur les troupeaux étrangers. Par délégation de pouvoir du Ardo, les biens perçus par le Diom houdo sont répartis entre le Ardo, toutes les familles qui composent le lignage et le percepteur. Dans la plupart des cas, la fonction de Diom Houdo s’est confondue avec celle de Diom Ourou = Diowro. Sa tâche est surtout de terrain, en relation avec les mouvements des troupeaux et la nécessaire gestion des pâturages de saison sèche. Il pouvait être l’homme de confiance du Ardo ou son parent le plus proche, mais il était toujours choisi par le lignage, par le conseil des chefs de famille.

Page 13: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

13

La valeur de la redevance était fonction de l’importance numérique du troupeau, du degré de relation sociale avec le lignage et des difficultés économiques et politiques du moment. Elle était payée en espèce (cauris) et/ou en nature (taurillon, génisse, production laitière d'une période… ). La période des Ardo correspond à la première de structuration territoriale de l’espace deltaïque par les pasteurs Peulh, selon leur propre organisation sociale, leur mode de vie et leur besoin en pâturage de décrue. La charpente de cette organisation est le leydi, espace territorial du Ardo, comprenant l’ensemble des ressources naturelles de la région gérées par le Diom Houdo = diowro soit directement pour les pâturages ou par délégation par le bessema pour les terres de cultures situées dans la zone de pâturage. Le bessema est généralement un ancien captif de la famille du diowro (dimadio), chargé par lui de la gestion des parcelles de culture. Au début de 19ème siècle, l’Etat théocratique Peulh de Hamdallayie, couramment appelé DINA, se substitua aux chefferies Ardo et réorganisa l’administration et la gestion des ressources naturelles du Delta et de ses environs. Mais si la Dina détruisit les Ardo, elle ménagea les diowro essentiellement dans un souci de bonne organisation de la transhumance, par une mise à profit de leur connaissance des pâturages, des animaux et de la culture Peul. Un des axes de l’organisation administrative de la DINA est la sédentarisation des pasteurs Peul et des pêcheurs Bozo dans des villages. Le village Peul (Ouro) devrait réunir les conditions d’un élevage de type nouveau, la transhumance, devant faciliter sa sédentarisation. Ainsi les pâturages du leydi furent regroupés en trois catégories = le harrima, à proximité immédiate du Ouro, serait utilisé par tous ses éleveurs, mais par les vaches laitières exclusivement ; le bourgou du lignage sur lequel seront prélevés les droits de redevance (tolo) pour les troupeaux étrangers, mais d’accès libre à partir d’une certaine date de la saison sèche (Balmal houti) ; le bourgou beïtel, nouveau pâturage ou pâturages confisqués et dont la gestion est confiée à des responsables politiques de la Dina. En fait la Dina maintient presque partout les droits traditionnels des lignages Peul et l’essentiel des attributions des Diowro. Son innovation, outre la catégorisation des pâturages porte principalement sur : - l’interterritorialisation ou la sous-régionalisation du pastoralisme dans le Delta

par la création et la multiplication des pistes de transhumance à travers les leydi et hors de la zone d’inondation.

- la codification de l’ensemble des règles d’accès, de séjour et de

déplacement des troupeaux à l’intérieur du Delta - et la prise en compte des autres activités économiques de la région

(agriculture et pêche). En tant que gestionnaire des pâturages et des bergers, le Diowro a pour mission principale la mise en œ uvre du calendrier pastoral annuel élaboré chaque

Page 14: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

14

année par une conférence de tous les chefs politiques et militaires de provinces et les Diowro. Sur le terrain il doit faire respecter le calendrier d’entrée des troupeaux dans les pâturages du leydi, superviser la succession des troupeaux dans leur mouvement, contrôler le nombre de troupeaux étrangers admis dans les pâturages, récupérer la redevance (tolo) dont le montant a été plafonné et distribuer par l’intermédiaire du bessema, les parcelles de culture dans la zone d’inondation. Le changement de régime politique – colonisation toucouleur vers la fin du 19ème siècle et colonisation française au début du 20ème siècle – ne changea pas fondamentalement les pratiques et institutions locales et régionales de gestion des pâturages dans le Delta. La transhumance demeure une pratique d’élevage incontournable pour tous les pasteurs du Delta et de plus en plus pour les pasteurs des environs (Tamachek et Maure du Nord- Est, Peul de l’Ouest et du Séno à l’Est). Le pouvoir du Diowro se renforce. Il devient le maître sans conteste du bourgou familial et perçoit des redevances sans cesse en augmentation sur les troupeaux étrangers en l’absence de toute réglementation politique et du contrôle familial. Après l’indépendance, conformément à ces choix idéologiques de socialisme, le nouveau régime proclame la « nationalisation » des terres de pâturage et des eaux et décrète illégal la redevance (tolo), les préséances traditionnelles et la fonction de Diowro. Il s’ensuit une courte période de crise des institutions locales marquée par la multiplication des conflits entre groupes de pasteurs dans les pâturages. A partir de 1969 avec l’instauration des conférences annuelles sur les bourgoutières, les institutions locales et le pouvoir des diowro sont progressivement restaurés avec la complicité des autorités politico-administratives soucieuses d’éviter les conflits, l’anarchie, car, les Diowro qui continuent de veiller au respect des institutions locales sur le terrain sont en fait fortement soutenus par les éleveurs de la région, contre les éleveurs étrangers qui sont souvent tentés de ne respecter ni l’ordre d’accès ni les pistes de transhumance. Les conférences locales et régionales annuelles sur les bourgoutières réunissent les autorités politiques et administratives et les représentants des différents services économiques et techniques de la circonscription en vue de fixer les dates des différentes traversées des fleuves et marigots, et d’entrée dans les principales bourgoutières. Elles enregistrent les doléances des éleveurs et prennent les dispositions sécuritaires lorsque la paix sociale semble menacée entre les groupes d’éleveurs. Depuis environ deux décennies, un revirement de situation semble se dessiner en faveur du Diowro et des institutions locales d’autant plus qu’il est appuyé très souvent par de nouveaux partenaires (fonctionnaires, commerçants et paysans possédant du cheptel) qui lui confient indirectement leurs troupeaux en espérant les faire accéder gracieusement à ses bourgoutières.

Page 15: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

15

Cependant si cette « connivence » est un signe d’arrangement avec les autorités régionales et locales, sur le terrain, avec les autres éleveurs le malaise est perceptible. Les conflits entre éleveurs de même lignage se multiplient au sujet de l’accès aux pâturages, à la préséance, aux limitations des bourgoutières, à la succession des Diowro, au recouvrement et à la répartition des biens perçus des redevances, au non-respect de la libre pâture, de plus en plus reportée pour percevoir la redevance. Suite à ces multiples conflits auxquels les ingérences extérieures d’ordre politique, et/ou administrative ne sont pas souvent étrangères, de nouvelles instances de décision (diowro et sous – diowro) voient le jour (il en existerait plus de 200 dans le Delta contre une vingtaine seulement du temps des Ardo) des redevances sauvages sont instaurées, collectées et utilisées pour des besoins personnels de subsistance ou de prestige. En fait plus que la fonction de Diowro et des institutions locales de gestion des pâturages, les autres éleveurs dénoncent la connivence du Diowro avec les nouveaux utilisateurs des pâturages familiaux et son manque de partage des biens perçus avec les autres membres de son lignage. b) Forces et faiblesses des institutions pastorales C’est le système pastoral de Dina qui marque encore le Delta intérieur du fleuve Niger. Il présente quelques avantages en ce qu’il avait permis une catégorisation des pâturages et des pasteurs, codifié un ensemble de règles d’accès, de séjour et de déplacement des animaux dans et autour du Delta, intégré d’autres systèmes de production notamment l’agriculture et l’élevage, donné une base politique et militaire au pouvoir des Diowro symbolisé par la perception du Tolo. Bref , avec une population réduite, un bétail peu abondant, des ressources en eau et en pâturage abondants, des besoins de consommation limités, cette institution donnait les meilleurs chances de durabilité à l’exploitation des ressources. Les institutions pastorales avaient une gestion clanique et familiale des ressources fourragères, un pouvoir exorbitant, une tendance à exclure des étrangers . Il y avait là une institutionnalisation de l’hégémonie peul sur les autres ethnies, le maintien des liaisons de servage de certaines couches de la population, l’encouragement à la possession de très gros troupeaux qui déterminaient la place sociale des pasteurs. Tous ces inconvénients vont se trouver exacerbés avec la nationalisation des terres en 1960 et l’abolition manquée du Tolo. En effet les Diowro vont restaurer et renforcer progressivement leur pouvoir en complicité avec l’administration et la Conférence régionale sur les bourgoutières ne pourra plus éviter les nombreux conflits, la naissance d’une nouvelle classe de Diowro et de sous-dioro dont la cupidité (redevances sauvages, refus de partager le Tolo avec les autres membres de la famille, vente de l’utilisation de leydi, etc.) et le manque d’égard pour la conservation des ressources pastorales sont une des raisons de la forte dégradation des ressources.

Page 16: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

16

3.2 EN ZONE EXONDEE : LES INSTITUTIONS DE GESTIONS DES ARBRES Cette étude concerne la partie orientale de la région comprenant le Haïré et le Seno majoritairement peuplée de Dogon. Le Plateau (Haïré) aurait été la première zone de peuplement humain des Tellem disparus depuis le 14ème siècle, et puis des Dogon qui ont progressivement émigré vers la plaine à la faveur de la pacification politique et militaire au 19ème siècle. Outre les Dogon, la zone est aussi occupée par une forte minorité de Peul éleveurs et agriculteurs, de Dafing, de Samo, de Mossi… L’Ouest du HAÏRE, qui serait un prolongement naturel du Gourma est occupé par une multitude de groupes ethniques : Bambara, Peul, Dogon et Sonraï... Chez les Dogon, groupe ethnique majoritaire aussi bien dans le SENO que le HAÏRE, l’appropriation de l’espace et de ses ressources naturelles s’est faite par « petit pays » ou « cantons coutumiers » correspondant chacun à la zone d’emprise d’un lignage. Chaque canton comprend un « village mère », plusieurs villages satellites et leurs hameaux de culture. Le village mère est reconnu comme propriétaire coutumier de l’ensemble des ressources naturelles du canton correspondant au leydi du Delta – qu’il affecte, à ses membres qui veulent créer des hameaux de culture ou des villages satellites et à des étrangers au lignage qui souhaitent s’y installer. Chaque canton constitue une entité politique, linguistique et foncière, dirigée par un patriarche (le Hogon), élu par l’assemblée des patriarches après consultation de divinités locales qui sont les véritables propriétaires des lieux. Ce modèle d’occupation et de gestion des terres est sensiblement le même pour l’ensemble des communautés villageoises de la région et du Sahel en général. L’agriculture, l’élevage et l’exploitation forestière sont les principales activités économiques des populations. L’agriculture chez les Dogon combine des pratiques intensives et extensives éprouvées durant de longs siècles. Sur le plateau et aux alentours immédiats, qui étaient de véritables refuges pour ces populations longtemps persécutées par des royaumes voisins esclavagistes, les Dogon ont développé un véritable système de production agricole (céréalier surtout) intensif et hautement artificialisé. Ce système encore dominant sur le plateau a été renforcé par la multiplication récente de barrages de retenue d’eau qui permettent le développement de cultures irriguées. La pacification politique et militaire de la région à la fin du 20è siècle a déclenché un véritable processus de migration agricole du plateau vers la plaine. Cette migration se poursuit encore du plateau vers de nouvelles terres de

Page 17: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

17

culture : anciennes réserves forestières, anciennes plaines inondées offrant d’importantes potentialités agricoles. Ici il s’agit d’une agriculture essentiellement extensive avec une pratique des jachères de plus en plus courtes du fait de la pression démographique. Dans ces premières zones de colonisation agricole, l’agro-foresterie paysanne est très largement pratiquée à travers la protection de certaines espèces d’arbres, fruitiers ou non fruitiers. L’élevage nomade était l’apanage des Peul à une époque de moindre densité de champs de culture dans la zone. La sédentarisation des populations dans le SENO, liée à la pacification et l’intégration progressive de l’élevage et de l’agriculture ont transformé le système de nomadisme en système transhumant et/ou sédentaire. En hivernage, la quasi-totalité du cheptel rejoint le domaine des forêts et/ou des anciennes jachères de la zone qui sont aussi des lieux de pâturage des troupeaux d’une partie du Delta, des régions voisines du Burkina Faso. A la fin de l’hivernage, une partie de ce cheptel rejoint les riches pâturages de saison sèche du Delta, et une autre se disperse dans les champs récoltés pour profiter des chaumes. L’exploitation forestière est restée à usage essentiellement domestique, pour l’autoconsommation : le bois de chauffe et le bois d’œ uvre, les médicaments… Cependant la croissance de l’urbanisation, notamment à partir des années 70 a donné une importance nouvelle à cette activité. Certaines zones forestières comme le Kelka dans le cercle de Douentza et la forêt de Baye dans le cercle de Bankass sont devenues les principales sources d’approvisionnement en bois de chauffe et en bois d’œ uvre des centres urbains. Des études de terrain ont montré l’existence de diverses institutions locales traditionnelles chargées de la gestion des ressources naturelles, du moins en milieu sédentaire agricole. Certaines institutions sont presque communes à tous les groupes socio-ethniques de la zone, tandis que d’autres seraient plutôt spécifiques aux agriculteurs sédentaires même si leur autorité s’exerçait à toute la population. Des institutions traditionnelles de gestion des terres de culture appartiennent à la première catégorie. Elles comprennent selon la zone et son histoire sociale et politique : . le chef de terre et son conseil de notables (anciens du village), ou bien . le chef de village et son conseil de village. Partout leurs fonctions sont quasi identiques : - orientation de l’occupation agricole lorsque le village dispose de réserves

foncières importantes ; - réalisation de sacrifices en début de campagne pour des bonnes récoltes ; - distribution de nouvelles parcelles aux lignages qui composent le village et/ou

aux étrangers ; - arbitrage des litiges fonciers opposant les lignages ou les familles.

Page 18: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

18

Le chef de terre et son conseil tirent leur légitimité de l’occupation la plus ancienne par leur famille, du canton coutumier. De ce fait un « contrat » particulier les lie avec les esprits qui sont les véritables propriétaires des ressources naturelles. Le chef de village et ses conseillers sont d’essence politique et leur autorité sur la gestion des ressources naturelles est issue de conquête militaire et/ou d’expropriation des chefs coutumiers de terre par les nouvelles autorités qui contrôlent la zone. Depuis la pacification, ces deux institutions (chef de terre et chef de village) en matière de gestion des terres ont tendance à se confondre. Chaque chef de village officiellement reconnu par l’administration centrale, revendique plus ou moins ses droits d’attribuer ou de retirer les parcelles de culture et d’arbitrer les litiges fonciers avec l’appui de ses conseillers L’existence d’institutions traditionnelles chargées de la protection des ressources naturelles renouvelables dans l’ensemble des villages Dogon et Dafing constitue une spécificité de la zone. Ces institutions qui portent une diversité d’appellations selon les sous zones et les villages semblent issues d’un même fonds socioculturel dont l’origine remonte au Mandé, berceau historique de ces groupes ethniques. Leurs noms locaux sont les suivants : - OGOKANA dans le cercle de Koro - ALAMODIOU dans le cercle de Bankass - BODJINANTON dans le cercle de Bankass - BARA HOGON dans le cercle de Bankass Les Ogokana et Alamodiou semblent être les plus représentatives et les plus étudiées. Elles auraient eu également leur équivalent en milieu bambara de Douentza (KelKa) les MANAMANA, sans que des investigations approfondies puissent déterminer la nature de leur ancrage dans cette société. Diversités organisationnelles, de structuration sociale et de fonctionnement, selon les zones et les villages semblent être une des caractéristiques marquantes de ces institutions. Toutefois partout elles ont des fonctions identiques au sein des communautés villageoises : - Protéger les arbres fruitiers au niveau du terroir villageois ; - réaliser des travaux d’intérêt commun ; - résoudre certains types de conflits sociaux dans le village. La surveillance des ressources naturelles consiste essentiellement à interdire : - la cueillette des fruits verts ; - la coupe des jeunes arbres verts quel que soit l’espèce ;

Page 19: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

19

- la coupe de certaines espèces protégées comme le balanzan (Acacia albida), le Karité (Vitellaria pardoxa), le néré (Parkia biglobosa), le fromager (Ceiba pentadra),

- la lutte contre les feux de brousse Pour les arbres, la protection a pour but principal de permettre au grand public la consommation des fruits et aux plantes de se reproduire naturellement. De par leur mission de faire régner l’ordre et la discipline au sein de la communauté villageoise d’une part, leur composition et fonctionnement plus ouverts et plus égalitaires que le conseil des notables d’autre part ces institutions sont de fait une émanation et un prolongement de l’autorité villageoise dont elles assurent publiquement une partie des fonctions qui est le maintien de la paix de la sécurité au sein de la communauté. Leurs actions s’exercent à l’ensemble de la population y compris les membres du conseil des notables et les étrangers y compris. Des sanctions graduelles, selon le rang social et politique du contrevenant et selon la gravité du délit, sont généralement prévues. Elles vont du paiement symbolique d’une mesure de céréales de son choix, à l’exclusion sociale, en passant par le paiement d’amendes en bétail ou en argent. Le produit des amendes est en principe publiquement consommé lors de fêtes organisées par les membres de l’institution. Cependant cette trame commune ne doit pas cacher des spécificités locales souvent importantes au niveau des modes et critères d’adhésion, de la composition sociale selon les tranches d’âge, le sexe et les catégories socio-professionnelles, la nature de la coopération inter-institution ou inter-villageoise… Plus que des différences de fond, ces spécificités semblent indiquer des différences d’évolution dont les facteurs les plus récents sont : - l’islamisation progressive mais importante des populations Dogon et Dafing

depuis le 19è siècle, dont certaines choisiront l’abandon des aspects les plus divers des traditions jugées comme incompatibles avec l’islam (culte des fétiches, consommation de bière de mil… )

- l’urbanisation de la zone avec la multiplication des grands centres, entraînant

un brassage ethnique et culturel favorable à l’éclosion de nouvelles valeurs et à l’abandon d’anciennes jugées rétrogrades,

- enfin les nouveaux textes forestiers et les institutions modernes de gestion des

ressources naturelles qui marginalisent définitivement ces institutions traditionnelles locales.

En fait, depuis une trentaine d’années, avec la promulgation des textes forestiers nationaux, ces institutions coutumières de protection des ressources naturelles renouvelables sont en constante perte de vitesse. Sans avoir été officiellement dissoutes, elles ont complètement disparu de l’univers institutionnel de certains villages ou ont été particulièrement marginalisées par les autorités et une partie

Page 20: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

20

de la population villageoise qui ne voient en elles que des survivances d’un passé révolu. Cependant l’affaiblissement de l’autorité de l’Etat à partir des événements de mars 1991, suivie de la relecture des textes forestiers en 1995 et l’investissement de certaines ONG dans l’implication des populations à la gestion de leurs propres ressources naturelles donneront l’occasion à certaines institutions de renaître dans la zone. Les forces et les faiblesses des institutions locales de gestion des arbres sont celles énumérées dans le sous-chapitre relatif aux expériences de gestion participative dans la 5ème région (cf. 5.5.5).

Page 21: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

21

IV ANALYSE DES TEXTES ET PRATIQUES LOCALES DE GESTION DES RESSOURCES NATURELLES

L’accès à la terre et l’usage des ressources naturelles constituent des aspects juridiques à la fois importants et complexes dans toutes stratégies de mise en oeuvre d’une politique cohérente de développement durable, notamment du monde rural et de répartition judicieuse des ressources de la nature. A ce niveau, toute démarche juridique conséquente doit nécessairement prendre en compte l’impératif de développement, la bonne gestion des ressources naturelles renouvelables, la jouissance équitable des droits relatifs à la terre et les ressources de la terre par les populations. La recherche de cet équilibre entre la sauvegarde de l’intérêt général et la satisfaction des besoins des particuliers constitue le défi que pose toute construction juridique relative à la gestion des ressources naturelles renouvelables et de la terre. La législation coloniale, et par la suite la législation nationale, du reste abondante, n’ont pas échappé à ce piège du déphasage de la loi moderne par rapport aux réalités et au déséquilibre des forces entre l’Etat d’une part, les particuliers et les communautés d’autre part dans la gestion des ressources naturelles. Ces difficultés de déphasage et de déséquilibre en matière foncière et de gestion de ressources naturelles se trouvent accentuées en 5è région qui constitue un espace écologique, démographique et économique diversifié. Mise à l’épreuve de la gestion pratique des problèmes en matière de terre et de ressources naturelles, les lois nouvelles ont révélé des limites face à la résistance des us et coutumes enracinés pendant plusieurs siècles dans le delta. Aussi, toute la démarche aujourd’hui, doit consister à trouver un Droit approprié, adapté aux exigences de nos réalités et du devenir, et susceptible de gérer efficacement et en harmonie avec les populations, les ressources naturelles du pays. 4-1 EVOLUTION DE LA LEGISLATION RELATIVE AUX RESSOURCES

NATURELLES RENOUVELABLES L’évolution du Droit foncier et des ressources naturelles dans notre pays a connu trois phases importantes avec des variations au niveau de chacune d’elle. Le Droit actuel porte encore les « stigmates » de cette évolution. Aussi, pour bien comprendre le Droit actuellement en vigueur et les difficultés d’application, un aperçu sommaire de cette évolution est nécessaire. Cet aperçu permettra de mieux appréhender les contradictions qui existent actuellement entre la loi et les pratiques des populations relativement à la gestion des ressources naturelles renouvelables.

Page 22: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

22

4-1-1. Le droit ancien : Avant l’arrivée du colonisateur, les populations avaient déjà une longue tradition de la gestion des ressources naturelles et de la terre. Des us et coutumes, des règles écrites existaient depuis longtemps et qui permettaient de prendre en charge tous les aspects d’appropriation, d’accès, d’usage et de disposition de la terre et de ses ressources tout en garantissant la protection et même la promotion d’un domaine collectif et l’intérêt général. Dans le Delta, cet aspect des choses a pris un relief singulier. Au fil du temps et de l’histoire, il s’était constitué un Droit traditionnel bien agencé dans son esprit, sa finalité et ses mécanismes pour répondre aux problèmes de l’époque, et dont les effets continuent à agir sur la situation actuelle. Les notions de propriété privée du sol ou de ses ressources renouvelables, du droit d’usage et ses corollaires existaient mais variaient sensiblement selon les zones géographiques et culturelles données. Parallèlement à ce Droit traditionnel existaient des institutions traditionnelles chargées de la mise en oeuvre de l’exploitation des terres et des ressources naturelles. Ainsi, le Droit de propriété sur la terre et les ressources étaient reconnu. Des particuliers avaient un droit exclusif sur des terres dont ils sont maîtres de la gestion et de l’usage. Ces terres pouvaient aussi être la propriété privée d’une famille. De même que la terre, les ressources aussi sont parfois la propriété privée d’un particulier ou d’une famille. Ces droits sont éminents et confèrent à leurs titulaires des prérogatives très poussées dans l’usage, la gestion et la disposition de ces biens. C’est le cas des droits de propriété sur des terres de cultures, des pêcheries et l’herbe etc. Schématiquement, dans le delta, on peut remarquer une répartition des droits sur la terre et ses ressources suivant la nature de l’activité. En effet, les plaines hautes et les bordures des zones d’inondation sont aux agriculteurs, les eaux aux pêcheurs et l’herbe aux éleveurs. Une longue gestation d’une organisation sociale basée sur les forces en présence a fait varier un peu ce schéma. L’intérêt de toute cette évolution d’un point de vue juridique, est la certitude que des droits de propriété traditionnels s’exerçaient. La DINA est venue affiner, sinon « démocratiser » à son temps ce Droit de propriété. Certaines terres et l’herbe du delta appartiennent à des familles Peulh ayant à leur tête un gestionnaire « Le Diowro ». Parallèlement, chaque zone de pêche du Delta est une propriété traditionnelle d’une famille.

Page 23: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

23

Dans la zone exondée, le Droit relatif à la terre et à ses ressources est moins fort. Le Droit de propriété, s’il existe est tempéré par d’autres considérations sociales, politiques ou religieuses. Mais dans tous les cas, le Droit ancien de la terre et de ses ressources a généré des institutions traditionnelles dotées de véritables prérogatives et pouvoirs d’administration, de contrôle et même de sanctions en cas de violation de la norme traditionnelle. Une forte survivance du Droit traditionnel et de ses institutions existe encore et constitue l’une des sources de conflit, sinon la plus importante, entre la loi moderne et les réalités. 4-1-2. Le droit colonial : L’Etat colonial a apporté un Droit nouveau dont les finalités sont étrangères aux préoccupations des populations. La législation coloniale visait notamment à asseoir un nouvel ordre social, économique et même culturel de l’empire colonial. En effet, pour des impératifs et des finalités propres à la colonisation, le colonisateur a adopté des nouveaux textes, porteurs d’une autre approche et visant des objectifs bien définis. Cette nouvelle démarche « d’expropriation collective » ou plus exactement de refus de conférer au droit local sa pertinence et sa valeur a conduit l’Etat colonial à considérer que les terres sont « vacantes et sans maîtres ». Le législateur colonial a voulu ainsi minimiser les droits traditionnels relatifs à la terre, l’eau, la forêt et les pâturages. Plusieurs textes relatifs au foncier ont été adoptés durant cette période. On peut citer entre autres : - l’Arrêté Faidherbe du 11 mars 1865 - le Décret du 20 juillet 1900 - le Décret du 30 août 1900 - le Décret du 23 octobre 1904 - le Décret du 24 juillet 1906 - le Décret du 2 mai 1906 et l’Arrêté du 19 octobre 1906 - le Décret du 15 novembre 1935 - le Décret du 20 mai 1955 et celui du 10 juillet 1956. Cette succession de textes illustre la complexité de la question. Mais tous ces textes ont un dénominateur commun : affirmer la prééminence des droits de l’Etat colonial sur les terres et enlever toute valeur juridique aux droits traditionnels qui, par la suite seront été timidement reconnus pour assurer la paix sociale. Les modes d’accès à la propriété et d’acquisition des terres furent aussi bouleversés. Le nouvel ordre juridique apporte l’immatriculation, le titre foncier, la

Page 24: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

24

concession rurale comme seules voies d’accès aux terres. Ces nouvelles notions étrangères au pays ne seront jamais adoptées par les populations. La législation foncière a eu des prolongements dans des domaines plus spécialisés touchant directement les ressources de la terre. En effet, pour gérer les ressources forestières, le « législateur » colonial a adopté le Décret du 4 juillet 1935 modifié et complété par celui du 20 mai 1955 qui réduisent de façon considérable l’accès des populations aux forêts et aux arbres. Cette architecture juridique complète la mainmise de l’Etat colonial sur les terres en même temps que les ressources. C’est là, un bouleversement presque total par rapport à l’ancien système. Le Delta central a enregistré son « choc » des deux ordres juridiques. Il a été évoqué maintes fois ou cours des entretiens, l’antagonisme entre le droit colonial et le droit traditionnel de la terre et des ressources. Des arrangements avaient été trouvés pour éviter un désordre social grave. C’est tout l’esprit d’ailleurs de certains textes qui reconnaissaient timidement aux droits traditionnels une existence « limitée » et la possibilité d’inscrire ces droits dans le processus du droit positif. 4-1-3. Le droit actuel Le Droit malien relatif à la gestion des ressources naturelles est resté sous l’empire de l’influence du Droit colonial dont il s’est inspiré. Les hésitations relevées pendant la période coloniale demeurent encore dans la législation malienne. L’Etat moderne, en plus de cette source d’inspiration, s’est ouvert aux idées nouvelles sur la protection de la nature, l’environnement, le développement et a parfois voulu apporter une réponse par le biais de la législation à certains grands défis écologiques, environnementaux, économiques et même socioculturels. La législation malienne en matière foncière est parsemée de dilemmes, d’hésitations, de ripostes et de recherche de conciliations sociales. Il est difficile, à y regarder de très près, de trouver une finalité et une stratégie uniforme à travers l’évolution de ce secteur du Droit dans la législation malienne. Cela s’explique naturellement par la complexité même du sujet. De 1960 à nos jours, nous avons assisté à une profusion de textes législatifs en matière de gestion des ressources naturelles. Trois grandes étapes ont marqué cette succession de textes qui sans être totalement une succession d’échecs, révèlent un manque d’efficacité des lois en cette matière.

? Quelques années après l’accession du pays à l’indépendance(1968), le législateur s’était penché sur la codification de la gestion des ressources naturelles sans intervenir en matière foncière restée sous l’empire de la législation coloniale plusieurs décennies après l’indépendance (1986). Ce incohérence va jouer dans l’incompréhension des textes sur la chasse, la pêche et la forêt.

Page 25: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

25

Des lois ont été élaborées et adoptées notamment de la loi n° 68-8 / AN -RM du 17 février 1968 portant code forestier, de l’Ordonnance n° 60 CMLN du 11 novembre 1969 portant institution d’un code de chasse. Ces textes n’ont pas su se démarquer suffisamment de la vision coloniale et matérialiste de la forêt et des autres ressources.

Cependant, des avancées réelles y étaient accomplies notamment la prise en charge de certaines préoccupations internationales (convention africaine pour la conservation et l’aménagement de la faune et de son habitat) la définition des concepts et une certaine ouverture des textes aux droits d’usage des populations, l’exercice de certains pouvoirs réglementaires ou de contrôle par des autorités locales (gouverneurs de régions, chefs de village etc.) article 38 - 58 du code forestier de 1968.

Malgré ces avancées significatives, ces textes qui confirment la prééminence de l’Etat et qui sont restés collé aux concepts antérieurs n’ont pas rencontré le succès escompté. Plusieurs griefs ont été formulés à l’endroit de ces textes à savoir:

- la mainmise de l’Etat sur les ressources réaffirmée - la non prise en compte conséquente des diversités et spécificités

locales - le manque de cohérence entre les textes de gestion des ressources

naturelles et entre les textes et les pratiques - la non-participation des populations à leur conception.

On peut ajouter à ces griefs, les comportements négatifs de certains agents de l’Etat dans l’application de ces textes. Le jugement général fait de l’application de ces textes est qu’ils ont favorisé la dégradation des ressources naturelles.

L’échec de la législation des années 60 a amené le législateur a en faire une relecture. Les effets pervers de la grande sécheresse combinés à l’inefficacité des textes sont à la base de code forestier de 1986 :

- loi n° 86-42 AN-RM du 30 Janvier 1986 portant code forestier - loi n° 86-65 AN-RM du 28 Juillet 1986 portant institution et fixant le taux

d’une taxe de défrichement - loi n° 86-44/ AN-RM du 30 Janvier 1986 portant code de pêche - loi n° 86-66 / AN-RM du 30 Juin 1986 portant code de feu - loi n° 86-43 / AN-RM du 30 Janvier 1986 portant code de chasse et de

conservation de la faune et de son habitat.

Ces textes sont l’expression d’une riposte à l’inapplication des textes antérieurs et de la volonté de préserver la nature par la sévérité de la répression.

Page 26: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

26

Malheureusement ces textes aussi n’auront pas le succès attendu malgré l’accélération de la dégradation des ressources forestières sous les effet de la sécheresse.

Au total, la politique législative n’a pas été un succès dans la mise en oeuvre d’une gestion efficiente des ressources naturelles. L’inadaptation des textes par volontarisme ou irréalisme et l’inadaptation des institutions modernes chargées de leurs mise en oeuvre ont conduit à cet échec.

? Une refonte générale de toute la législation antérieure a eu lieu après les

événements de Mars 1991. On a assisté même à une sorte « d’inflation » législative. Dans cette nouvelle orientation, on peut inscrire plusieurs textes qui ont essayé de prévoir quelques originalités dans l’esprit et la stratégie :

- loi n°95-004 du 18-01-1995 fixant les conditions de gestion des ressources

forestières - loi n°95-003 du 18-01-1995 portant organisation de l’exploitation, du

transport et du commerce bois - loi n° 95-031 du 20 Mars 1995 fixant les conditions de gestion de la

faune sauvage et de son habitat ; - loi n° 95-032 du 20 Mars 1995 fixant les conditions de gestion de pêche

et de la pisciculture ; - loi n° 96-050 du 16 Octobre 1996 portant principe de constitution et de

gestion du domaine des collectivités territoriales ; - loi n°96-016 du 13 Février 1996 portant création de l’unité de gestion

forestière. - Décret n°95-184 / P-RM du 26-04-1995 fixant le taux de redevance et

des taxes perçus à l’occasion de l’exploitation de la faune sauvage. - Décret n°96-050 / P - RM du 14 Février 1996 fixant les modalités de

classement et de déclassement des réserves de faunes, des sanctuaires et des zones d’intérêt cynégétique.

- Décret n°96-083 / P - RM du 20 Mars 1996 fixant l’organisation et les modalités de fonctionnement de l’unité de gestion forestière.

- Arrêté n°95-2487 / MDRE du 14 Novembre 1995 relatif aux conditions d’exercice de la chasse rituelle et du droit d’usage en matière de chasse.

- Arrêté n°96-0793 / MDRE - SG du 17 Mai 1996 concernant la commission régionale d’arbitrage des conflits relatifs à la fixation des quotas annuels d’exploitation de bois etc.

A la faveur de la Révolution du 26 Mars 1991, la relecture des textes de gestion est entreprise et orientée vers l’élaboration de lois cadre ou lois d’orientation. Ce travail aurait associé pour une première fois les populations à la détermination des normes de gestion des ressources. Malgré les insuffisances qu’ils comportent, ces textes (lois, décrets d’application et arrêtés) ont mis l’accent sur les notions de gestion, d’aménagement et de participation des populations.

Page 27: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

27

Le législateur a fait une place de choix à la décentralisation au niveau de la gestion des ressources naturelles.

Pour mettre fin au monopole de l ‘Etat sur les ressources naturelles, il a institué trois domaines de gestion :

- le domaine de l’Etat - le domaine des collectivités territoriales - le domaine des particuliers.

Ces lois apportent beaucoup d’éléments nouveaux sur la gestion des ressources naturelles :

- les propriétaires du domaine forestier national sont astreints à prendre

des mesures de protection des ressources naturelles ; - certaines opérations (fouilles, exploitation de carrière, ouverture d’une

voie etc.) doivent avoir été autorisées ; - le déclassement est obligatoirement suivi d’un classement

compensatoire ; - toute aliénation des forêts classées, des périmètres de protection,

périmètre de reboisement ne pourra se faire qu’après déclassement ; la mise en oeuvre des plans d’aménagement des forêts classées de l’Etat peut être fait par les populations riveraines, les entreprises forestières, les organismes coopératifs dans le cadre d’un contrat ;

- chaque collectivité territoriale ou particulier est tenue d’édicter les mesures de protection nécessaires et de conservation appropriée de ses ressources.

La loi n° 95-034 fixant les conditions de gestion de la faune et son habitat en son article 95 stipule que : « les associations de chasseurs qui concourent notamment à la conservation de la nature, la lutte contre le braconnage... peuvent être reconnues d’utilité publique conformément à la réglementation en vigueur ».

En matière de sanction, les nouvelles lois offrent la possibilité de transaction avant jugement. Elles édictent des peines plus sévères pour les cas de récidive et d’infractions volontaires et fixent le délai de prescription à dix huit mois.

Ces textes mettent l’accent sur les notions de gestion, d’aménagement et de participation des populations avec beaucoup moins d’importance à la répression.

Page 28: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

28

4-2 ANALYSE CRITIQUE DE LA LEGISLATION EN VIGUEUR ET LES PRATIQUES LOCALES DE GESTION DES RESSOURCES 4-2-1 La législation applicable Au-delà de leurs finalités nobles, de la pertinence du montage juridique et des progrès accomplis, les textes actuellement applicables en matière de gestion des ressources forestières, halieutiques et fauniques révèlent des insuffisances de fond rendant leur application difficile ou aléatoire. On peut relever entre autres insuffisances : - l’incohérence entre ces textes et le code domanial et foncier. Or toute

contradiction entre le code domanial et foncier et la législation en matière de gestion des ressources naturelles conduit à l’échec.

- Le manque de cohérence entre les textes de la décentralisation et les textes

susvisés. Ces textes ont été pris avant ceux de la décentralisation et n’ont pas pris totalement en charge tous les contours du processus.

- Les textes forestiers sont muets sur la gestion des arbres des domaines non

forestiers notamment les arbres champêtres. Cette situation est susceptible de créer des problèmes. En effet la lettre circulaire ministérielle émise sur le sujet est contraire à la législation . Elle constitue une source potentielle de conflits en les agents de l’Etat et les agriculteurs.

- De nombreuses dispositions des textes sont d’application difficile voire

impossible pour des raisons matérielles ou institutionnelles. En effet, la subordination de l’exploitation des forêts à l’existence de plans d’aménagement, les conditions de classement et de déclassement, de classements compensatoires, la complexité des modes de taxation de l’exploitation des forêts, le transfert automatique des jachères de plus de dix ans dans le domaine forestier, la reconnaissance du droit d’usage en chasse et le pouvoir accordé aux associations de chasse de mener la lutte contre le braconnage sont entre autres autant de mesures, techniquement difficile à mettre en oeuvre. - Les définitions de certaines notions sont à réviser. - Le manque de définition du domaine non forestier et le silence sur la gestion

des arbres de ce domaine. - La non-détermination des domaines agricole et pastoral de l’Etat et la gestion

des arbres dans les domaines autres que le domaine forestier (arbres champêtres - arbres dans les pâturages).

- Certaines dispositions telles que celles relatives aux espèces animales et

végétales protégées ne tiennent pas compte de la spécificité et de la diversité écologique des différentes zones de notre pays.

Page 29: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

29

- Les textes, bien que prenant en charge la décentralisation et permettant parfois à des particuliers d’être propriétaires, ne reconnaissent pas les institutions traditionnelles autochtones des différentes localités qui ont cependant la légitimité sociale.

- Les textes bien qu’élaborés à la suite d’une large concertation à la base,

n’ont pas reconnu les droits coutumiers comme de véritables droits de propriété. Il s’ensuit toujours une sorte de confrontation entre le Droit objectif en vigueur et les pratiques traditionnelles vivaces.

- Le législateur a adopté un régime répressif trop sévère. Les peines sont

souvent disproportionnées par rapport à la faute commise. Parfois, la sanction est éloignée de l’infraction. Aussi, la transaction, mal appliquée, a révélé des effets pervers de corruption au lieu d’une dissuasion pédagogique.

- Les textes reconnaissent des droits aux entités décentralisées, mais non aux

communautés villageoises qui détiennent la réalité du pouvoir de gestion des terres.

- Les institutions modernes créées n’ont pas encore l’efficacité nécessaire pour

la mise en oeuvre correcte des textes. La création de la Direction Nationale de la Conservation de la Nature avec les mêmes missions de vulgarisation et de police que les anciennes structures des Eaux et Forêts, peut avoir les mêmes conséquences graves sur l’application des textes bien que des mesures complémentaires aient été prises pour atténuer les effets de la dualité police / vulgarisation.

- D’un point de vue de technique législative, les textes sont un peu rigides dans

un domaine caractérisé par la diversité, la spécificité dont la prise en charge nécessite l’adoption de textes d’orientation générale.

- Les Agents chargés d’appliquer les procédures et les sanctions sont parfois en

porte à faux avec la finalité des textes. De même, les pouvoirs conférés aux agents sont inutilement exorbitants.

- Les textes sont globalement complexes, en avance parfois sur les réalités et

en contradictions avec des us et coutumes. Bref, contrairement aux termes de référence ayant servi à leur élaboration, les textes de gestion des ressources forestières, fauniques et halieutiques en vigueur ne peuvent pas être considérés comme des lois d’orientation. Ils n’ont pas su échapper à prescription de mesures réglementaires dont la pertinence ne peut être que locale. Tous ces éléments rendent les textes non-effectifs, peu opérationnels et donc peu efficaces.

Page 30: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

30

4-2-2 Les pratiques locales de gestion : Sur le terrain, la gestion des ressources naturelles est opérée par des institutions traditionnelles et des institutions émergentes. Malgré l’existence d’un cadre et d’un encadrement juridique étoffé, la gestion des ressources naturelles en 5è région relève surtout des pratiques locales. Aussi en est-il des Diowro, des chefs des eaux, de certaines organisations traditionnelles villageoises ou communautaires, et plus récemment des Associations ou GIE. La coexistence de ces deux réalités ou plus exactement la confrontation entre ces deux réalités rend aujourd’hui la gestion des ressources naturelles particulièrement difficile en 5è région. En effet, en 5è région comme ailleurs au Mali, la gestion des ressources naturelles se fait suivant les coutumes locales qui sont en contradiction à bien des égards avec le droit positif malien. En effet ni les règles islamiques, ni la législation coloniale ne sont pas arrivées à se substituer aux règles coutumières de gestion des ressources. Aujourd’hui encore, la gestion des ressources est marquée par la coexistence conflictuelle entre les lois de la République et les coutumes. Alors que les textes en vigueur, font de l’Etat le propriétaire unique et / ou principal des ressources, les coutumes reconnaissent ce droit à des particuliers ou à des divinités qui délèguent les pouvoirs de gestion à des dépositaires : maîtres des terres, des eaux, des pâturages des chasses. Le droit positif, généralement écrit, est peu connu et / ou accepté par les usagers qui ont recours volontiers à la coutume mieux connue et moins contraignante. Ainsi, il y a deux réalités juridiques qui s’affrontent et donnent naissance à plusieurs types de conflits souvent mortels. Cette situation est rendue plus complexe par le comportement du législateur malien qui, en reconnaissant le droit coutumier, n’a pas donné suffisamment d’éléments pour mieux cerner cette notion. La coexistence entre coutumes et loi moderne rend la gestion des ressources chaotique et permet beaucoup d’abus. En effet les coutumes prévalent sur les ressources selon un ensemble de principes : - le caractère sacré de la terre et les eaux, l’inaliénabilité et l’appartenance

aux divinités ; - l’accès limité aux terres agricoles et le libre accès aux arbres et à la faune ; - la reconnaissance de droits aux humains, le droit de gestion dévolu à la

compétence des maître des ressources ; - le caractère local voire clanique ou familial des règles et des pratiques de

gestions

Page 31: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

31

Ces principes s’opposent à ceux du droit positif d’appropriation et d’accès aux ressources qui sont : - l’appropriation de toutes les terres par l’Etat ; - l’accès à la terre et aux autres ressources lié à des processus longs et coûteux

d’immatriculation ; - la mise à l’écart des populations dans la gestion des ressources communes ; - la centralisation des modalités et des procédures de gestion des ressources ; - le caractère national des lois qui ne permet pas de tenir compte de la

diversité de conditions et d’état des ressources. Dans un Etat moderne démocratique et de droit, la législation doit intégrer les règles coutumières positives. La loi pour être adaptée, tire sa légitimité des pratiques et de la culture locales. Certaines coutumes institutionnalisent des inégalités sociales, incompatibles avec l’éthique démocratique. Cependant l’Etat ayant tiré les conclusions négatives de sa gestion des ressources est prêt à faire participer les populations à la gestion contractuelles des ressources. 4-2-3. Quelques pistes d’exploration Dans l’optique de la décentralisation, du développement durable à la base et de la bonne gestion des ressources naturelles, il convient aujourd’hui de procéder à des innovations pertinentes et des prises de position courageuses. - Il faut élaborer un nouveau texte d’orientation générale, qui fixe le cadre

général et donne aux collectivités le pouvoir de réglementer ces matières en tenant compte des directives de la loi d’orientation et des spécificités locales.

- Il faut aussi élaborer un texte harmonisé, unique, qui réunirait la législation

foncière et domaniale, des ressources naturelles et des différentes activités et droits y afférents.

Ce code foncier et des ressources naturelles renouvelables aura à assurer une cohérence entre ces différents domaines, tant il est vrai qu’ils sont intimement liés. En effet, une bonne législation en matière de gestion des ressources doit intégrer la terre, les ressources et les modes de gestion. Ce code sera une sorte de loi d’orientation qui fixe les directives générales et laisse une marge importante au pouvoir réglementaire local. D’ailleurs, l’Atelier gagnerait en s’exerçant à jeter les base d’une loi modèle d’orientation en matière foncière et de ressources naturelles. - La meilleure loi au monde est celle qui est précise, claire, facilement

accessible et non ouvert à la confusion. Par conséquent il faut élaborer un texte simple et précis.

Page 32: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

32

- Prévoir un nouveau cadre de concertation et de coopération entre toutes les

parties prenantes : Etat, collectivités, communautés, particuliers, institutions traditionnelles et associations.

- Toutes ces mesures doivent être accompagnées par des actions de formation

à tous les niveaux, de sensibilisation, d’information et de diffusion de la législation.

Page 33: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

33

Avantages et Inconvénients des nouveaux textes

Avantages Inconvénients

- Une plus grande emprise locale sur la gestion des Ressources Naturelles et répartition des domaines entre l’Etat, les collectivités et les particuliers ; - Une plus grande possibilité de prise en compte des us et coutumes dans le domaine des Collectivités - Une plus grande latitude de règlement local des conflits - Un large espace de dialogue et de concertation pour négocier et choisir le type d’utilisation et de gestion des ressources - la possibilité donnée à certaines associations de participer à la répression des infractions à la loi notamment au cours de leur mission de service public - Une organisation plus participative de la filière bois (cf. loi n° 95-003) - Institution de droits d’usage en chasse pour l’approvisionnement en protéine des populations locales - Un rétrécissement drastique des fourchettes des amendes et contraventions

- l’objectif d’élaboration de lois cadres n’est pas atteint, les textes comportent des aspects réglementaires qui nuisent à la prise en compte des spécificités locales - Incompatibilité entre les textes de gestion de la forêt, de la faune et de la pêche avec le Code domanial et foncier en vigueur - De nombreuses dispositions légales sont d’application difficile voire impossible tels les article 10,17, 23, 31, 35, 47, 54, 61, 77, 78, 85, de la loi n° 95-004 - De nombreuses dispositions sont à clarifier, articles : 3, 22, 28, 31, 58, 61, 65, 69, de la loi n° 95-004 et les articles : 11, 12, 24, de loi n° 95-003 - Il manque une définition claire de la forêt et de ses rapports avec le domaine forestier - Il y a lieu de préciser ce que l’on entend par autorités compétentes des Collectivités territoriales - Possibilité de surexploitation des ressources là où leur disponibilité est en deçà des besoins des populations - Naissance de nouvelles classes sociales basées sur l’instruction, sur la capacité financière ou l’appartenance politique. - Développement de l’opportunisme et de l’incivisme.

Page 34: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

34

V. PROBLEMATIQUE DE LA COGESTION DES

RESSOURCES NATURELLES EN 5EME REGION 5.1 LA GESTION TRADITIONNELLE DES RESSOURCES

NATURELLES EN 5EME REGION Les populations de la région de Mopti ont une longue tradition de gestion locale des ressources de leurs terroirs. Elles ont souvent eu des systèmes et des organisations pour gérer l’accès à la terre et aux autres ressources naturelles. Dans toutes les contrées de la région, le mode de jouissance des terres détermine aussi le droit que l’on détient vis-à-vis des arbres. En effet il est bien établi que dans la zone inondée comme dans la zone exondée, le droit du premier occupant régissait la propriété - le droit d’administration pour être plus exact- des terres du village qu’on a créé. Chaque village dispose d’un certain espace géographique ou terroir, au niveau duquel des droits à la terre et aux autres ressources ont été accordés à différents maîtres (maître des terres, des eaux, des pêches, et des chasses) selon leur rapport avec les génies propriétaires de ces ressources. La terre agricole était généralement sous un régime contrôlé et assimilable à la propriété privée tandis que les terres forestières , les arbres, les zones de pêche et les zones de chasse étaient le plus souvent communautaires. Si les membres de la famille du maître des terres avaient des priorités et des droits de préséance pour l’exploitation des terres, ces gestionnaires ne pouvaient refuser l’accès aux terres non mises en friches aux autres membres de la communauté ou aux étrangers. L’affectation des terres se faisait suivant la capacité d’exploitation des demandeurs qui de facto perdaient leurs droits d’usufruit ou de prêteur suite à l’abandon des terres durant une période plus ou moins longue. Le droit d’exploiter différents produits des arbres ou de la forêt aussi bien sur les terres agricoles que sur les terres forestières différait des droits sur les arbres eux-mêmes. Par exemple les gens pouvaient avoir le droit de récolter des produits médicinaux et/ou des fruits sur les arbres sans avoir le droit de les exploiter pour des raisons commerciales. Les pratiques traditionnelles, mettaient une distinction entre la terre et les arbres. Partout ce sont les systèmes de droits sur les arbres qui déterminaient dans une large mesure l’incitation des individus et des communautés à la protection, au développement et à l’exploitation de la forêt. La conception que l’homme se faisait de la forêt (source inépuisables de ressources) , et le rôle de celle-ci dans la vie socioculturelle de la société ont donné naissance à des institutions traditionnelles qui protégeaient les liens entre l’homme et la forêt.

Page 35: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

35

Une caractéristique de cette gestion traditionnelle est que les propriétaires pouvaient exploiter et disposer des arbres de leurs champs sans aucune autorisation d’une autorité quelconque. Très souvent des emprunteurs et autres usufruitiers de loin les plus nombreux n’avaient pas le droit de planter des arbres. Toutefois , il leur était cédé, des droits temporaires de tailler les branches des arbres des champs qu’ils exploitaient, de cueillir les fruits et de collecter le bois mort. Les pêcheries et les zones de chasses qui étaient en permanence sous la surveillance des génies de la brousse ou des eaux faisaient l’objet d’exploitation communautaire suivant des règles ésotériques rigoureuses dont le non-respect pouvait entraîner la mort du contrevenant. Pour toutes les ressources naturelles, la gestion traditionnelle est familiale, elle se base sur des principes et des procédés qui tiennent compte des autres acteurs du développement local. Elle respecte aussi le principe de l’hospitalité en ce que l’exploitation des ressources ne peut être totalement interdite aux étrangers dans la mesure où ils n’enfreignent pas les règles locales de gestion. Les institutions décrites plus haut offrent des exemples éloquents de cette gestion traditionnelle des ressources ( cf. § III). A une période d’abondance des ressources, due à une faiblesse de la demande d’une part et au grand potentiel de leur reconstitution d’autre part, la gestion traditionnelle permettait de satisfaire les besoins des populations sans heurts. Cela n’est plus le cas et la forte pression sur les ressources créent aujourd’hui une véritable crise. 5.2 CRISE DANS LA GESTION DES RESSOURCES DANS LA

REGION Dans le premier chapitre nous avons décrit l’évolution des ressources naturelles de la 5ème région. D’une situation d’abondance nous sommes à la veille d’une crise. Les raisons que nous avons avancées pour caractériser ce phénomène étaient plutôt techniques et liées à la dégradation des ressources. Cependant, cette situation de crise dérive aussi de l’érosion des rapports sociaux traditionnels, de la mauvaise organisation de la gestion, de l’inadaptation des règles coutumières de gestion des ressources et de l’inadéquation des lois et règlements modernes de gestion des ressources. En effet la modernisation de la société et surtout la puissance de l’argent vont dégrader les réseaux de solidarité qui caractérisaient les sociétés traditionnelles et qui constituaient la base de leur cohésion. Cela aura pour conséquence le développement de l’individualisme, la dislocation de la grande famille et le développement du mercantilisme. L’appât du gain et surtout la recherche du gain facile vont provoquer la vénalité de toutes les ressources et la naissance de conflits de toutes natures et de tous les niveaux de gravité.

Page 36: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

36

Avec l’indépendance apparaît un nouveau gestionnaire des ressources : l’Etat avec ses services techniques dont celui des Eaux et Forêts. Les règles traditionnelles d’accès aux ressources jugées trop libres seront remplacées par un système de réglementation plus rigide et totalement étranger aux cultures locales. Le droit de propriété exercé par l’Etat de façon théorique (il n’avait pas les moyens de la rendre effectif) sur toutes les ressources et son rôle central dans le règlement des conflits sapent l’autorité des chefs traditionnels, créent de nouveaux leaders sans légitimité sociale et donnent à des exploitants la possibilité d’accéder à des ressources qui leurs étaient interdites. L’accès des ressources devient plus que jamais libre avec impossibilité de réinvestir dans la reconstitution des ressources. L’augmentation des besoins en argent pousse les groupes les plus influants en complicité avec les structures étatiques à monopoliser les meilleures ressources et à utiliser l’argent qu’ils tirent de leur gestion pour satisfaire leurs besoins personnels. Les institutions traditionnelles deviennent de moins en moins actives pour perdre leur poids presque partout dans la région. Au même moment, les ressources se dégradent, la terre s’appauvrit, la végétation se meurt, des espèces animales et végétales disparaissent, les cours d’eau se dessèchent, les pêcheries s’amenuisent pour disparaître, la disette et la pauvreté s’installent partout dans la région. Malgré une légère reprise depuis quelques années, la région est durablement installée dans une crise écologique et sociale difficile à juguler. 5.3 CONCEPT DE COGESTION DES RESSOURCES NATURELLES La crise de ressources que traverse la région recommande que soit mis en œ uvre un système de gestion plus adapté à la situation écologique, sociale, économique et culturelle du milieu. Depuis quelques années des tentatives sont en cours dans ce sens notamment dans la zone exondée de la région particulièrement dans les cercles de Douentza, Bankass et Koro. Ces démarches dites participatives se doivent d’évoluer rapidement vers une réelle cogestion pour tenir compte des exigences actuelles de démocratisation et de décentralisation. 5.3.1 Fondements politique et idéologique de la cogestion des ressources Les nouveaux contextes politique et institutionnel de démocratie et de décentralisation du pays visent le développement économique, social et culturel local c’est à dire le bien être individuel et collectif des citoyens par la création et la libre administration de collectivités territoriales, le désengagement progressif de l’Etat, la promotion de la société civile et du secteur privé, la participation plus accrue des populations à la gestion des ressources de leurs terroirs. La décentralisation est l’expression la plus élaborée du fameux slogan savoir central , pouvoir local . Elle est en pratique une condition nécessaire de la cogestion des ressources naturelles. Elle entraîne des reformes institutionnelles en profondeur telle la restructuration du Ministère du développement Rural et de

Page 37: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

37

l’Eau (MDRE) laquelle s’appuie sur le Plan d’Action adopté en 1993 et qui traduit le Schéma Directeur du Secteur rural lui-même adopté en 1992. Le Plan d’Action traduit en action les options politiques actuelles et ambitionne de satisfaire les doléances des populations rurales grâce à une reforme institutionnelle basée sur l’efficacité des services techniques de l’Etat et la responsabilisation des tous les intervenants notamment les populations rurales. Le concept de cogestion des ressources naturelles est l’expression du constat qu’il ne peut y avoir de développement durable sans la participation consciente et volontaire des populations. Les lois et règlements en vigueur en matière de gestion des ressources naturelles et de décentralisation offrent un cadre législatif favorable pour cette cogestion.

Page 38: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

38

5.3.2 Fondements scientifiques et techniques de la cogestion des ressources naturelles Les approches participatives en général et la gestion conjointe en particulier répondent explicitement aux insuffisances des stratégies de développement passées et s’appuient sur certains résultats scientifiques et techniques malheureusement encore trop récents mais prometteurs. La cogestion des ressources repose sur l’hypothèse d’un changement substantiel dans la nature des relations entre l’Etat et les populations. En cogestion, c’est un partenariat qui s’installe entre eux sur la base de négociation autour du partage des rôles et des missions. Dans cette négociation, la société civile notamment les ONG ont une place de choix car, elles devront assurer la délicate mission d’intermédiation, de lobbying, de facilitateur, de catalyseur, d’incitateur entre ces deux partenaires qui ont longtemps eu des rapports pas toujours faciles. 5.3.3 Aspirations des populations rurales La remise en cause de l’ordre établi et les prises de position des populations de la région de Mopti en particulier et de l’ensemble des paysans du pays en général lors de la Conférence Nationale et des Etats généraux du monde rural en 1991 ont montré à suffisance l’aspiration des ruraux à s’approprier les ressources de leurs terroirs et leur gestion. Cette situation n’est pas due seulement à la carence de l’Etat dans la gestion de ces ressources et à l’état précaire dans lequel se trouvent aujourd’hui ces ressources. En effet il semble difficile de mobiliser les populations pour une action tant que la situation n’est pas devenue critique et que la poursuite d’une production régulière est réellement menacée, comme cela est le cas aujourd’hui en 5ème région. Les actions destinées à améliorer la gestion des ressources et le contrôle de leur exploitation , est alors bien accueillie par les populations. 5.4 CARACTERISTIQUES DE LA COGESTION DES RESSOURCES

NATURELLES Plusieurs concepts sont en usage pour caractériser, la participation et la responsabilisation indispensables des populations locales à la gestion des ressources dont dépend leur développement. Parmi les nombreux concepts on peut citer: - la gestion participative, - la gestion durable - la gestion locale - la gestion conjointe ou cogestion. Il y a trois éléments communs à l’ensemble de ces approches :

Page 39: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

39

- la reconnaissance de la légitimité des valeurs de développement et de la conservation des ressources ;

- l’acceptation du fait que les buts du développement et de la conservation ne

sont pas nécessairement contradictoires ; et - la volonté d’obtenir un certain niveau de participation ou de collaboration

des populations locales à la gestion des ressources naturelles de leurs terroirs. Le concept de gestion participative est fréquemment utilisé mais l’expression se prête à de nombreuses interprétations, allant de la simple notion de collaboration tout à fait symbolique à un véritable rôle dans le processus décisionnel. C’est pourquoi l’expression gestion conjointe particulièrement explicite sur le partenariat entre acteurs de gestion nous paraît mieux convenir pour désigner la forme de gestion désirée dans la région de Mopti. La gestion conjointe ou cogestion des ressources naturelles, fait référence à une œ uvre commune où chacun viendrait avec son savoir, son avoir et son pouvoir pour instaurer avec les autres un partenariat dans le but de satisfaire ses besoins élémentaires. Ce qui caractérise tous ces concepts et qui nous parait dès lors essentiel à retenir est qu'ils font appel à un nombre important d'acteurs rentrant en synergie et / ou en concurrence dans la protection, la production, la promotion, l'utilisation des ressources de la nature avec l'intention avouée ou non de les exploiter le plus longtemps possible. 5.4.1 Acteurs de la cogestion et leurs relations La cogestion des ressources naturelles est basée sur la participation effective de tous les acteurs au développement. Dans ce processus relationnel d’individus, de groupes d’individus, d’organes et d’institutions, la coordination et la rationalisation des efforts nécessitent un partenariat c’est à dire un partage des pouvoirs, des ressources, des informations, et des expériences. Il implique la confiance, la responsabilité, l’égalité et l’équité entre les parties. C’est au partenariat qui implique la participation de tous les acteurs (Etat, collectivités, populations, plus associations, Opérateurs privés, ONG, Agences d’aide au développement), au processus d’identification des problèmes, de définition des priorités, de fixation des objectifs, de détermination des stratégies et des calendriers d’application dans le cadre des actions de gestion des ressources. Il implique un code de conduite, une charte des responsabilités et des instruments définissant les tâches, engagements et obligations ainsi que les critères permettant de vérifier leur état de mise en oeuvre. Le partenariat entre deux ou plusieurs acteurs quels qu’ils soient, obéit à cet axiome. Le partenariat en tant qu’entente entre différentes parties doit être l’objet d’un contrat, d’une convention, d’un accord ou tout autre acte législatif ou réglementaire où sont stipulés les droits et obligations des Parties.

Page 40: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

40

Cette entente pour être durable et profitable à tous, doit se baser sur des arrangements institutionnels permettant la concertation et le dialogue indispensables entre les différents partenaires. L’approche « globale » requise pour la cogestion des ressources naturelles est complexe. Elle prend en compte l’ensemble des questions sociales, économiques, écologiques, politiques, institutionnelles et légales. La grande diversité des actions techniques est en rapport avec le grand nombre de structures administratives et techniques, coutumières ou officielles impliquées dans la gestion des ressources naturelles. Le cadre technique de la gestion locale des ressources naturelles est la gestion et l’aménagement de terroirs, c’est à dire l’administration (gestion) et l’amélioration (aménagement) des ressources dans une zone donnée. Ce concept doit être employé pour décrire la série d’interventions comprenant l’utilisation des ressources disponibles, l’affectation des terres à certains usages, la limitation de leur accès à certaines périodes et le contrôle du niveau de leur utilisation. En fait le partenariat du développement local ne peut se développer que dans un cadre législatif où sont bien définies et garanties : la gestion concertée des ressources, la transparence, l’alternance dans la responsabilité, la bonne circulation de l’information, la séparation des pouvoirs et la légitimité des institutions.

Page 41: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

41

PARTENARIAT ENTRE ACTEURS DE LA COGESTION ETAT BAILLEURS Structures techniques déconcentrées de l’Etat INTERMEDIAIRES ONG du Entreprises privées NORD Associations Org. Paysannes Collectivités GIE territoriales : Bureaux d’études Communes Commerçants Cercles COLLECTIVITES ONG nationales Régions TERRITORIALES DU NORD

POPULATIONS

Page 42: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

42

5.4.2 Rôles des acteurs de la cogestion des ressources naturelles Les acteurs du développement local sont nombreux et divers : populations, élites locales, représentants nationaux, intervenants extérieurs, décideurs, intermédiaires professionnels d'appui. L'enjeu est de parvenir à un réel partage des rôles et des responsabilités entre acteurs, créer des cadres de concertation et de gestion du pouvoir, du savoir et des avoirs. Il s'agit aussi de déterminer les compétences des différents acteurs, de définir le partenariat entre les acteurs et de déterminer le cadre politique, institutionnel et juridique du partenariat pour en tirer le meilleur profit. Il existe en fait trois grandes catégories d’acteurs : - Les décideurs et bailleurs de fonds ; - Les populations à la base/bénéficiaires ; - Les intermédiaires professionnels (GIE, Entreprise, ONG, Bureau d’Etudes,

commerçants etc.). Comment ces différents acteurs interviennent dans le processus de développement actuel avec les nouveaux rôles en gestation ? Le tableau de la page suivante nous en donne un aperçu.

Page 43: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

43

LE TABLEAU SUIVANT DONNE UN APERÇU DES ROLES DES DIFFERENTS ACTEURS DE LA COGESTION DES RESSOURCES NATURELLES

ACTEURS ACTIONS/ROLES RESPONSABILITES

ETAT

- garant - décideur - exécutant - contrôleur - catalyseur - information et appui conseil - arbitre - définit le cadre institutionnel et juridique - assurer la coordination - définition, planification, orientation, contrôle du développement global - garant du processus de démocratisation (définition des règles du jeu, protection des droits, création de conditions pour le respect des règles du jeu et des libertés - défendre l’intégrité territoriale, l’unité nationale et la cohésion sociale - encourager l’initiative privée - encourager les autres acteurs de développement.

- garant des institutions républicaines - assurer l’effectivité de l’application des lois et le fonctionnement des institutions - arbitrage et contrôle - sont des décideurs

COLLECTIVITES TERRITORIALES

ORGANES ET INSTITUTIONS

- identifier les besoins - élaborent les programmes planifient - contrôlent et gèrent - recherchent les fonds - attribuent les marchés - évaluent les actions

- gestionnaire du développement local - décideurs - contrôleurs

OPERATEURS PRIVES : ONG - GIE, BUREAU

D’ETUDES, ENTREPRISE, ETC.

¨RESTATAIRES DE SERVICES

- appui divers - mobilisation - éducation renforcement de la société civile - réflexion permanente - groupe de pression et contre pouvoir - catalyseur - formation et intermédiaire - information, sensibilisation - assistance technique et financière - renforcement du processus de démocratisation - gérer les activités - réalisent les activités, informent, exécutent, financent, donnent des appuis techniques, forment

- éduquer et informer les populations - renforcer les capacités d’organisation et de gestion - complémentarité avec l’Etat depuis la conception jusqu’au contrôle - rôle de relais et d’intermédiation.

ASSOCIATIONS VILAGEOISES / POPULATIONS

- mobilisation - contre pouvoir - décideur - gérer les activités - contribuent au financement

- participer - surveiller - dénoncer et contrôler - gestionnaires et exécutants - acteurs dynamiques pour le développement - bénéficiaires impliqués dans la prise de décision

PARTENAIRES AU DEVELOPPEMENT DU NORD (Etat Collectivité)

- appui financier, technique - appui à la réalisation des programmes

- soutenir les processus - bailleurs/décideurs

Page 44: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

44

5.5. EXPERIENCES DE GESTION PARTICIPATIVE DES

RESSOURCES NATURELLES EN 5 EME REGION 5.5.1 Expérience de gestion participative des ressources du delta : la dina L’enjeu principal du système de gestion des ressources naturelles du delta, est le maintien de la préséance, de l’alternance et de la mobilité des utilisateurs pour éviter les conflits entre exploitants de la même ressource : pâturage, poisson, forêt, terres de culture. L’abondance des ressources et la faiblesse du nombre des utilisateurs permettaient jadis une gestion assez harmonieuse du système. Celui-ci survivra à toutes les administrations depuis les Ardo, jusqu’à la République en passant par la Dina, l’Empire Toucouleur, et la Colonisation. La raison semble résider dans le fait que tous ces systèmes de gouvernement avaient compris que la paix et la tranquillité de la zone dépendaient du respect de ces règles séculaires de gestion des terres et des pâturages. Cependant la précarité climatique actuelle, l’explosion démographique et la vénalité des ressources pastorales menacent la stabilité du système. Le système de gestion des ressources naturelles du Delta est dépendant du rythme et de l’importance des crues et des décrues du fleuve Niger. L’élevage y est l’activité économique principale, mais on y pratique aussi l’agriculture irriguée et sèche et la pêche. La sédentarisation des pasteurs du Delta et la mise en place des Diowro ont été précédés d’une conférence sur les bougoutières à Hamdallaye la capitale de l’Empire théocratique de Cheikou Amadou. Cette conférence tout en tenant compte des actes posés par le pouvoir Ardo a déterminé les limites des administrateurs des bourgoutières et les modes de leur exploitation. Le principe de base était le respect de la hiérarchie et de la préséance ; le respect des us et des coutumes. Bien que les mutations climatiques, économiques et sociales aient érodé ce dispositif de la Dina, il reste d’application encore. Cependant l’émergence de la démocratie et de l’Etat de droit, et l’application très prochaine de la décentralisation recommande une restructuration du système désormais inadapté parce que basé sur une hiérarchisation discriminatoire entre ethnies et entre citoyens. Compte tenu du nombre élevé des utilisateurs des ressources du Delta et de la diversité de leurs intérêts pour les ressources, seule une cogestion des ressources de cette zone peut en assurer l’exploitation durable. Cette démarche a deux préoccupations essentielles qui correspondent à deux fonctions principales des ressources naturelles par l’organisation du système et par les techniques d’exploitation des ressources à savoir : satisfaire les besoins actuels des populations (d’éleveurs, d’agriculteurs et de pêcheurs) en ressources

Page 45: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

45

de la nature(fonction de production), tout en protégeant ces ressources pour pouvoir les exploiter dans l’avenir (fonction de protection). 5.5.2 Expériences d’aménagement et de gestion des ressources de la vallée du Kelka La forêt de la Vallée du Kelka est située dans l’arrondissement de Boré (Cercle de Douentza) Elle couvre une superficie de 106700ha (cf. M.L. Sylla). Elle est située dans la zone agro-climatique sahélien nord avec une pluviométrie comprise entre 400 et 600 mm/an. La vallée du Kelka est une cuvette située entre deux collines et des plateaux, à cheval sur la route nationale Sévaré-Gao sur son tronçon Konna-Boré. Le Kelka est le domaine formant le terroir de 15 villages d’agro-pasteurs sédentaires. Il est traversé chaque année par les animaux transhumants de Djenné et Mopti vers le Gourma. La forêt est la principale zone d’approvisionnement en bois de la ville de Mopti notamment en saison sèche. Depuis la sécheresse des années 1973 et 1984-85, elle fait l’objet d’une forte pression qui menace son existence. Devant cette situation, l’ONG Near East-Frudation (NEF) et le cantonnement forestier de Douentza se sont donnés la main en 1992 pour aider les populations dans la sauvegarde de ce patrimoine par la mise en œ uvre d’un Programme d’aménagement et de gestion de ressources de la vallée. Depuis les 15 villages riverains de la Forêt ont été organisés en une institution inter-villageoise appelée Walde Kelka. Cette action a pour finalité, le développement du niveau de vie des populations riveraines de la forêt grâce à leur participation consciente à son exploitation et sa protection. Le Programme d’Aménagement et de Gestion des RN de la vallée de Kelka a pour objectif l’appui institutionnel à la gestion décentralisée des ressources forestières de la vallée du Kelka par la création et l’appui-conseil à une Association supra-villageoise le Waldé Kelka (Prospérité du Kelka). La création de cette association est inspirée par la pratique traditionnelle des 15 villages limitrophes de la forêt de la protéger contre l’exploitation abusive par les personnes étrangères. Waldé Kelka est une Association formelle de type privé dirigée par un Comité Exécutif de 15 membres. Chaque membre représente une Association villageoise informelle. Du point de vue des actions techniques en cours, le programme porte sur des études techniques, l’élaboration d’un Plan d’Aménagement forestier du domaine. Le Plan d’Aménagement conçu pour une période de 5 ans a été approuvé par les autorités administratives régionales depuis octobre 1997. Sa mise en œ uvre n’a pas démarré encore malheureusement. En tout état de cause, les associations villageoises et l’association inter-villageoise sont actives dans :

Page 46: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

46

- la gestion des conflits d’utilisation des ressources de forêt ; - la surveillance de la forêt par des équipes villageoises ; - l’exploitation ; le conditionnement et la commercialisation du bois ; - la gestion conjointe avec les Peuls, du pacage dans la forêt, de la traversée

des animaux transhumants et de la coupe du fourrage aérien. Les activités de surveillance sont organisées au gré des différents villages. Elles sont exécutées par des équipes ou des individus qui appréhendent et sanctionnent les contrevenants par des payements d’amendes en nature ou en monnaie. Ces activités de sanction qui aux yeux de l’Association sont indispensables à sa crédibilité sont illégales et posent des problèmes délicats à résoudre. 5.5.3 Expérience de gestion de l’environnement de bankass Le cercle de Bankass a une population de plus de 203 600 habitants repartis dans 280 villages regroupés en 12 communes. Du point de vue géomorphologie, le cercle se divise entre les plaines alluviales du Sourou au sud-est avec des sols argileux à limono-argileux, une abondance relative des ressources ligneuses (forêt de Samori) et une forte pression humaine très récente : - les plaines sableuses du Seno-Bankass situées à l’est du pied des

escarpements de la falaise de Bandiagara vers le nord jusqu’au sud du cercle de Douentza ;

- le plateau composé des massifs allant de 400 m à 500 m d’altitude et occupé

par les escarpements de la falaise de Bandiagara. Il s’étend du sud-est au nord-ouest du cercle.

Cette dernière zone, relativement pauvre en ressources ligneuses et fortement défrichée, est couverte par les terroirs d’une soixantaine de villages dans les communes de Kari-Bonzon, Dimbal et Ségué avec une superficie d’environ 1.980 km² et une population d’environ 34 000 hbts. Cette population tire la quasi-totalité de ses besoins énergétiques du bois. Les fruits et légumes sauvages et les plantes médicinales y jouent également un rôle économique évident. Aujourd’hui toute la zone est en dégradation accélérée et les ressources en diminution très rapide. C’est devant cette situation très grave que l’ONG SOS/Grande-Bretagne a lancé depuis 1992 un Projet de protection de l’environnement en redynamisant des organisations socioculturelles traditionnelles supra-villageoises dénommées : Alamodiou. Les six Alamodiou du plateau sont ceux de Khan, Dogo, Garou (Aa), Tamala, Songo-Anda et Assaga Anda. La problématique de la gestion des ressources naturelles du plateau est la conservation des eaux et des sols, la protection des arbres notamment les arbres fruitiers et les plantes médicinales par la population locale organisée.

Page 47: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

47

Les actions du projet sont basées sur l’hypothèse que la manière la plus appropriée et la plus durable d’assurer la gestion d’une ressource est de transférer la responsabilité de sa gestion à une organisation perçue comme légitime par les utilisateurs et possédant l’autorité nécessaire pour faire appliquer les règles d’accès à la ressource. La gestion de ressources naturelles par les Alamodiou se limitait à la protection des arbres fruitiers, l’interdiction de la coupe des arbres verts, la réglementation de la cueillette, la gestion des conflits sociaux et la lutte contre les feux de brousse. Grâce à la légitimité sociale dont ils jouissaient, ils n’avaient aucune difficulté à faire respecter la réglementation locale et punir les contrevenants par l’institution d’amendes en nature, en cauris et plus tard en monnaie. Les activités exercées par les Alamodiou au sein de Projet sont aujourd’hui élargies. Ce sont notamment : - la protection des arbres fruitiers et l’interdiction de la coupe des arbres verts ; - la réglementation de la cueillette des fruits sauvages ; - la gestion des conflits sociaux ; - le surcreusement des mares ; - la lutte contre les feux de brousse ; - les travaux de défense et de restauration des sols et des eaux(DRS/CES) ; - la production et la plantation d’arbres fruitiers et forestiers ; - l’information et la sensibilisation des populations sur la dégradation de leur

environnement ; - l’alphabétisation des populations. De plus en plus, ces structures Dogon impliquent les éleveurs à la gestion des terroirs. En effet chaque année il y a une concertation agriculteurs –éleveurs pour la détermination des sites des champs de culture, les périodes de récoltes des cultures et les modes d’exploitation du fourrage aérien. Ces concertations visent à limiter les litiges entre agriculteurs et éleveurs, leurs conclusions sont appliquées par les Alamodiou. Les Alamodiou exécutent bénévolement leurs activités. Cette situation est sans conteste un frein à leur motivation dans une société de plus en plus monétarisée. Compte tenu des conditions socio-économiques et surtout écologiques, les actions du Alamodiou sont largement insuffisantes pour espérer une restauration des ressources. Néanmoins elles démontrent que des organisations institutionnelles locales de proximité jouissant d’une légitimité sociale, et d’une certaine autorité constituent des partenaires privilégiés pour la gestion durable des ressources naturelles.

Page 48: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

48

5.5.4 Expérience de gestion de la forêt de Ségue La zone forestière de Ségué dans le cercle de Koro est un vaste domaine agro-sylvo-pastoral de plus de 83 000 hectares situés près de la frontière avec le Burkina Faso. Les systèmes de production permanents y sont l’agriculture céréalière et l’élevage transhumant. Devant la crise de bois qui sévit dans le cercle, les résidus de récolte constituent une part essentielle des sources d’énergie. La pression humaine et pastorale est très forte dans tout le cercle et la forêt de Ségué est la source essentielle de bois des populations locales, des populations urbaines voisines et du Burkina Faso pays frontalier. La végétation de la forêt est en disparition du fait des défrichements agricoles, de la surexploitation du bois et du surpâturage. Malgré cette situation de crise, il ne s’est pas développé de systèmes de gestion des ressources naturelles capables d’assurer la durabilité de ces ressources et le développement socio-économique local. Mieux, la forêt de Ségué est restée une ressource communautaire dont la gestion relève des services de l’Etat qui sont incapables de garantir sa conservation. Devant cette situation et à la lumière d’une première expérience menée dans le cercle, l’ONG Care-Mali a lancé en 1997 un projet intitulé : Projet de Gestion de la Forêt de Ségué dont l’objectif est de créer des conditions appropriées d’ici l’an 2001 pour la gestion soutenable de la forêt de Ségué, permettant aux 6300 usagers de gérer les ressources forestières et de continuer à vivre de la forêt sur une base soutenable. Ce projet incite les populations locales à s’organiser pour mener des interventions techniques destinées à améliorer la rentabilité des activités économiques : agriculture, élevage, collecte du bois et cueillette des fruits et légumes sauvages. La problématique de la gestion de la forêt naturelle du cercle est qu’elle constitue un moyen de subsistance pour au moins 6000 personnes et mérite de ce fait à être conservée. La mise en œ uvre du Projet repose sur deux objectifs intermédiaires dont le premier sans contexte le plus important est institutionnel et le second technique consistant en l’élaboration et l’exécution d’une série de directives techniques et de gestion pour l’exploitation soutenable des ressources naturelles de la forêt de Ségué. L’appui institutionnel devant permettre l’émergence d’organisations locales d’utilisateurs de la forêt sur les bases juridiques et organisationnelles viables est un préalable pour le second objectif intermédiaire. Malheureusement trois années sur cinq sont presque écoulées sans que les organisations prévues ne voient le jour. Néanmoins dans le sens de la réalisation du second objectif intermédiaire les actions techniques suivantes ont été entreprises :

Page 49: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

49

- Information - Formation - Sensibilisation des populations ; - Etude sylvo-pastorale ; - Concertations entre utilisateurs des ressources : agro-sylvo-pastorales du

domaine afin d’en déterminer l’avenir ; - Concertations avec les structures étatiques régionales chargées de la gestion

des ressources forestières (DRAER) ; - Visites d’échange des cadres à Tominian, Koutiala, Douentza et au Burkina

Faso ; - Formation continue des agents de terrain ; - Animation sur les thèmes : décentralisation et démocratie ; - Echange inter-paysans avec le projet SOS Sahel ; - Diagnostics approfondis dans les villages cibles ; Il est à signaler que l’étude des aspects écologiques et économiques des différents usagers des ressources n’a pas été faite. Elle conditionne l’élaboration de directives techniques et de gestion (préférées par les promoteurs du projet aux traditionnels Plans d’Aménagement et de gestion des forêts sous prétexte de leur complexité). Ils constituent la base technique de la stratégie de gestion. 5.5.5 Analyses des expériences de gestion participatives des ressources naturelles : forces et faiblesses Les expériences citées plus haut ont le mérite d’exister. Mis à part le Delta, elles visent l’émergence de structures locales de gestion participative de certaines ressources. Les institutions de gestion sont l’émanation des populations qui se reconnaissent en elles. Certaines de ces institutions jouissent d’une légitimité historique qui en font des représentants respectés de leurs communautés. En plus, elles constituent d’ores et déjà de puissants remparts contre certains abus des services techniques et administratifs et les étrangers accusés d’être les auteurs de la dégradation des ressources notamment les ressources ligneuses et fourragères. Toutefois, l’organisation, la structuration, le statut juridique(pas de personnalité juridique) et la gestion actuelle de ces institutions ne peuvent plus garantir ni leur efficacité, ni leur pérennité. En effet les bases culturelles des organisations traditionnelles sont fortement entamées par l‘évolution de la société et les exposent à une disparition certaine. De la même façon, la création d’Association du type Kelka par les Projets, risque de disparaître avec la fin des projets qui les ont créés. Un autre élément essentiel de la faiblesse des institutions traditionnelles actuelles est leur refus de partager notamment avec les étrangers, de tenir compte des acteurs de faits, et la monétarisation des ressources qui sont souvent bradées. Il faut aussi noter qu’il existe de nombreux blocages pour une bonne gestion des ressources de la région :

Page 50: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

50

- la pauvreté - l’analphabétisme ; - les conflits d’intérêt ; - l’insuffisance de développement organisationnel et institutionnel ; - faible technicité des acteurs ; - persistance de coutumes inadaptées ; - difficultés d’accès aux textes législatifs de gestion des ressources, etc.

Page 51: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

51

TABLEAU RECAPITULATIF DES FORCES ET FAIBLESSES DES DISPOSITIFS DE

COGESTION Il est encore tôt pour établir avec précision les forces et faiblesses de nombreux exemples de cogestion en cours dans la région en particulier et au Mali en général. Toutefois les expériences en cours à Douentza, Bankass principalement, permettent de faire ressortir le tableau suivant :

FORCES FAIBLESSES - La conviction que le développement local n’est possible qu’avec une population bien organisée et soutenue financièrement pour son décollage ; - Le désir des populations de gérer leurs propres affaires et les conditions politiques, économiques, administratives et sociales favorables ; - La conviction des responsables du Programme sur la capacité des populations à gérer leur développement ; - La conception de nombreux outils pour l’application de la démarche notamment la MARP ; le PPO, le Genre etc. - L’unanimité sur l’efficacité et l’efficience de l’approche participative ; - L’acception unanime que l’homme est au début et à la fin de son développement.

- la faible maîtrise par les ONG de la démarche participative ; - le doute des leaders nationaux quant à la capacité des populations à gérer leur développements ; - la faible capacité d’autofinancement des populations ; - le statut juridique et la forme des institutions locales et les difficultés qui pourraient accompagner leur formalisation ; - la tendance d’une ONG à sélectionner des actions à appuyer ; - le peu de motivation des agents locaux de l’Etat à transférer les connaissances ; - la tendance des ONG à s’impliquer directement dans l’exécution à cause du manque d’interfaces fiables et efficaces ; - les difficultés des ONG à respecter les choix et le rythme des populations ; - le caractère expérimental des expériences en cours. La faiblesse de l’appui institutionnel et financier Etc.

Page 52: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

52

VI. AXES ET APPROCHES STRATEGIQUES POUR LA

COGESTION DES RESSOURCES NATURELLES 6.1 STRATEGIE GENERALE Seule l’approche de partenariat entre les différents acteurs peut garantir une cogestion des ressources naturelles. L’approche globale qui soutient la bonne gestion locale des ressources naturelles est basée sur la participation effective de tous les acteurs au Développement. Dans ce processus relationnel d’individus, de groupes d’individus, d’organes et d’institutions, la coordination et la rationalisation des efforts nécessitent un partenariat c’est à dire un partage des pouvoirs, des ressources, des informations, et des expériences entre acteurs. Il implique la confiance, la responsabilité, l’égalité et l’équité entre les parties. Le partenariat implique la participation de tous les acteurs (Etat, collectivités, populations, plus associations, Opérateurs privés, plus ONG, Agences d’aide au développement), au processus d’identification des problèmes, de définition des priorités, de fixation des objectifs, de détermination des stratégies et des calendriers d’application dans le cadre des actions de gestion des ressources. Il implique un code de conduite, une charte des responsabilités et des instruments définissant les tâches, engagements et obligations ainsi que les critères permettant de vérifier leur état de mise en œ uvre. Le partenariat entre deux ou plusieurs acteurs quels qu’ils soient, obéit à cet axiome. Le partenariat en tant qu’entente entre différentes parties doit être l’objet d’un contrat, d’une convention, d’un accord ou tout autre acte législatif ou réglementaire où sont stipulés les droits et obligations des Parties. Le principe de ce partenariat est admis dans les règles et conditions de transfert des compétences entre l’Etat et les Collectivités d’une part et entre les Collectivités elles-mêmes d’autre part. Cette entente pour être durable et profitable à tous, doit se baser sur des arrangements institutionnels permettant la concertation et le dialogue indispensables entre les différents partenaires. L’approche «globale » requise pour la gestion locale des ressources naturelles est complexe. Elle prend en compte l’ensemble des questions sociales, économiques, écologiques, politiques, institutionnelles et légales. La grande diversité des actions techniques est en rapport avec le grand nombre de structures administratives et techniques, coutumières ou officielles impliquées dans la gestion des ressources naturelles.

Page 53: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

53

Les structures techniques impliquées dans la gestion des ressources naturelles sont encore peu compétentes pour intervenir dans les domaines aussi cruciaux que la gestion du foncier. Le cadre technique de la cogestion des ressources naturelles est l’aménagement de terroirs, c’est à dire l’administration (gestion) et l’amélioration (aménagement) des ressources dans une zone donnée. Ce concept doit être employé pour décrire la série d’interventions comprenant l’utilisation des ressources disponibles, l’affectation des terres à certains usages, la limitation de leur accès à certaines périodes et le contrôle du niveau de leur utilisation. En fait le partenariat du développement local ne peut se développer que dans un cadre législatif où sont bien définies et garanties : la gestion concertée des ressources, la transparence, l’alternance dans la responsabilité, la bonne circulation de l’information, la séparation des pouvoirs et la légitimité des institutions. CARACTERISTIQUES DE LA COGESTION DES RESSOURCES NATURELLES

CARACTERISTIQUES CONTENU

OBJECTIFS Développement durable Prospérité et progrès de la communauté Mieux être des populations

STRATEGIE

Responsabilisation des populations Transfert du pouvoir de décision au populations Transfert des moyens et des compétences Transfert des connaissances : formation Amélioration de l’organisation villageoise

METHODE

Aider les populations à aborder leurs problèmes Aider les populations à s’organiser Former - Informer - Eduquer – Communiquer

DEMARCHE

Mettre en oeuvre des décisions collectives Organiser la communauté Reconnaître l’autorité et le pouvoir des communautés Appuyer les communautés selon leurs décisions, leurs règles et leur rythme

Page 54: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

54

PROBLEMES LIES A LA COGESTION DES RESSOURCES DES NATURELLES

PROBLEMES CONTENU

DEFIS

- Comment transférer le processus et la prise de décision aux populations ?

- Comment faire participer les populations au processus ? - Comment faire le partage des rôles entre acteurs ? - Comment faire participer les populations dans la formulation

des politiques locales, régionales et nationales ? - Comment préparer les protagonistes à la maîtrise des outils ?

CONTRAINTES

- - Faible maîtrise de la démarche - Doute des leaders nationaux quant à la capacité des

populations à gérer leur développement - Faible capacité d’autofinancement des populations - Tares de certaines approches d’incitation et de mobilisation - Difficultés de certains intervenants de s’adapter au rythme des

ruraux - Insuffisance de motivation de l’encadrement pour le transfert

des connaissances et des compétences. - Manque d’Organisations Intermédiaires d’Appui fiables et

efficaces - Nom adaptation des modes de gestion des organisations

villageoises - Bas niveau de formation des principaux acteurs - Insuffisance d’engagement de certaines couches de la

population

ACQUIS

- - Désir des populations de gérer leurs propres affaires - Existence de nombreux outils pour la méthode - Unanimité sur l’efficacité et l’efficience de la méthode - Acceptation unanime que l’homme est au début et à la fin de

son développement. -

Page 55: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

55

6.2 STRATEGIE DES ONG POUR L’APPUI AUX PRATIQUES DE GESTION DES RESSOURCES NATURELLES Les ONG sont des organisations de la société civile, des intermédiaires professionnels, les organes d’intermédiation et de lobbying devenues indispensables pour le développement économique et social. Au regard de leurs rôles, les ONG dans les fonctions de structure d’appui au développement durable des populations cibles travailleront de plus en plus en relation contractuelle avec les Collectivités territoriales de base notamment les Communes qui détiennent la légitimité de la gestion des terres et conséquemment de la gestion des ressources naturelles. Les stratégies d’intervention devraient se baser sur l’approche participative. Dans l'application de cette approche participative, trois principes sont observés : - aider les populations à aborder leurs problèmes de développement pour

lesquels, elles n'imaginaient pas de solutions par manque d'information ; - appuyer la structuration du milieu pour faire émerger des structures

villageoises formelles qui prendront les décisions et géreront les ressources naturelles, humaines, matérielles et financières, au nom de la communauté ;

- responsabiliser les populations dans toutes les étapes de la démarche, ce qui

nécessite un accompagnement important notamment en matière de formation, d'information, d'éducation et de communication.

Trois options interdépendantes doivent par conséquent être développées : - une option technique qui est la mise en oeuvre de décisions collectives sur

l'exploitation des potentialités du terroir ; - une option structurelle correspondant à l'organisation de la communauté

pour le choix et l'exécution de décisions de développement communautaire ; - une option institutionnelle constituée par la reconnaissance et le

renforcement de l'autorité et du pouvoir des communautés à gérer leurs affaires selon leurs règles et leurs décisions.

Recommandation pour les ONG de la 5ème région intervenant dans la gestion participative des ressources naturelles De nombreuses ONG de la région interviennent dans la gestion des ressources naturelles. Cette intervention est plus remarquée dans la zone exondée que dans le Delta. La raison probable est que la situation y est plus complexe. Des expériences réussis existent. D’autres le sont moins. Certaines de ces ONG sont regroupées au sein du Réseau Gestion Décentralisée des Ressources Naturelles en 5ème Région (GDRN5). Celui-ci jouit d’une notoriété et d’une grande expérience en gestion des ressources. Il a aussi une grande connaissance de la région de ses ressources et des hommes qui les exploitent. D’autres ateliers ont

Page 56: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

56

déjà eu lieu et de nombreuses recommandations existent quant aux modes d’intervention des ONG. Nous estimons qu’il y a lieu de tirer des conclusions et de comprendre que si l’organisation des populations est un préalable pour leur participation indispensable à la gestion des ressources naturelles, la résurgence d’anciennes institutions locales ayant des comportements souvent en divorce avec la société doit être abandonnée au profit de la création d’Association de type privé ou au moins des Groupements d’Intérêt Economique (GIE). Ces organisations modernes répondront mieux aux préoccupations et aux intérêts des populations et les amèneront à s’engager avec plus de conviction dans le développement durable. Le développement doit être désormais perçu dans sa globalité, en tenant compte des nombreux intérêts individuels et collectifs en jeu. Il doit être planifié de façon plus scientifique et dans le temps et surtout dans l’espace. C’est pourquoi l’aménagement des terroirs doit être retenu comme stratégie d’intervention en ce qu’il permet aux ONG de s’amarrer facilement au train de la décentralisation et de se placer au centre de toutes les préoccupations nationale et locale notamment la lutte contre la pauvreté. Au-delà des trois principes et trois options ci-dessus énumérées, les ONG devront : - Identifier les opportunités et contraintes de leurs interventions ; - Se préparer et tendre vers un professionnalisme ; - Procéder au besoin à une clarification institutionnelle et négocier une place avant qu’on ne lui en impose ; - Comprendre et respecter scrupuleusement son rôle d’acteur d’appui et d’interface - Maîtriser le processus du développement local et ses procédures dans un cadre démocratique et décentralisé - Participer à l’appui à la mobilisation des ressources par les acteurs locaux ; Les ONG doivent donc privilégier les missions d’approche d’appui- conseil et de transfert de compétences pour le renforcement organisationnel et institutionnel et développer un partenariat dans le cadre du respect des prérogatives des autres acteurs du développement. Les ONG doivent s’atteler à faire de la décentralisation un véritable outil de développement. Pour ce faire, elles doivent lutter pour leur participation à la formulation des programmes de développement, faire le lobbying et l’advocacy pour que les besoins des populations à la base soient au centre des préoccupations des décideurs, des planificateurs. Elles doivent aider à la planification, la mise en œ uvre, le suivi et l’évaluation des nombreux programmes de développement local en apportant aux populations un appui conséquent en analyse de la situation, organisation des communautés, planification du développement local, renforcement de la capacité de recherche et de négociation des moyens de mise en œ uvre des programmes auprès de leurs partenaires.

Page 57: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

57

Elles doivent adopter l’aménagement des terroirs comme outils de développement global et holistique en adoptant tous les moyens et techniques permettant la participation effective des populations à la gestion de leur terroir dans un partenariat dynamique avec l’Etat ou les Collectivités territoriales.

Page 58: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

58

BIBLIOGRAPHIE 1. A. B. KANE(1981) : L’organisation pastorale du Delta Central du Niger 2. Actes de l’atelier de formation sur l’analyse des aspects institutionnels dans le

cadre d’une gestion décentralisée des ressources naturelles - Douentza 1 - 5 Mars 1993

3. B. BA 1995 : Analyse, Socio - Historique de la Fonction de l’Institution

Traditionnelle de Gestion des Pâturages dans le Delta « Le Diowro » ; 4. B. DOTOUM et C.B (1991) : Aperçu sur l’Organisation et la Gestion de l’Espace

Pastoral 5. BICOF (1997): Plan d’Aménagement du Domaine de Kelka 6. Care – Mali/SOS - Sahel /NEF – Sévaré(1994) : Actes de l’atelier sur les

institutions locales et la gestion des ressources naturelles renouvelables 7. C. N.DIAKITE : Les Peuls à la conquête du bourgou 8. C. N. DIAKITE : Les Eleveurs Sahéliens et la Gestion des Ressources Naturelles 9. D.K MALLE (1992): Gestion des Terroirs Villageois et Aménagements hydro -

agricoles dans la Région de Mopti 10. Elaboration d’un Plan d’Aménagement Simplifié des Ressources Sylvo-

Pastorales 996 11. G. TIMBO (1991) : Organisations Pastorales Politique - stratégies - finalités 12. GDRN 5 (1996 ): Rapport de l’atelier su « l’interprétation des textes législatifs à

la gestion de ressources naturelles renouvelables » 13. IER / ORSTOM : La Pêche dans le Delta Central du Niger Vol. 1er 14. IIED (1994): L’Etat de la Gestion des Pâturages ;la Création et l’Erosion

d’Institutions Pastorales au Mali Dossier n° 46 15. J. GALLAIS (1984): Les Hommes du Sahel 16. M. DJIRE (1996): Problématique foncière et institutionnelle de l’utilisation des

ressources naturelle dans le Delta Central du Niger 17. NEF / S. TRAORE (1997) : Rapport définitif de l’étude socio - économique dan la

zone du Kelka 18. N. S. T. V : La gestion des ressources naturelles et le développement des

institutions pastorales dans le Sahel ;

Page 59: GDRN5 Région E-mail : alybacha@experco

59

19. ODEM ( 1990): Expériences de l’Opération de Développement de l’Elevage en 5ème Région

20. O. MAIGA( 1991): La problématique de la communication entre les Associations pastorales et l’encadrement

21. O. PAMANTA (1996) : Le Système halieutique du Jaka aval 22. Organisation du monde pastoral 1989 23. R. CLEMENT (1949) :Les bourgoutières peuls 24. Sommet Planète Terre Action 21 : Arrangements Internationaux sur

l’Environnement 25. SOS Sahel International U.K /Sévaré : Projet d’appui à la gestion de

l’environnement de Bankass - Mali 1998 - 2001 26. T. SANOGO (1995): Approche Juridique et Législative Foncière 27. Y. DEME (1998): Associations Locales de Gestion des Ressources Naturelles du

Kelka, Mali 28. Y.DIALLO (1997): Etude du Statut Juridique des Associations « Alamodiou » de

Protection de l’Environnement de Bankass 29. Y. MAGUIRAGA (1991) : Organisations pastorales et développement