15
Géotechnique Dans le groupe des géosciences, la géotechnique est la technoscience consacrée à l’étude pratique de la subsur- face terrestre sur laquelle notre action directe est possible pour son aménagement et/ou son exploitation, lors d’opé- rations de BTP (génie civil, bâtiment, carrières), de ges- tion des eaux souterraines (exploitation, drainage) et de prévention des risques naturels. Dans la pratique actuelle, il est indispensable d’y recou- rir lors de l’étude, la construction, la maintenance et la réparation de tous types d’aménagements et d’ouvrages - routes, voies ferrées, canaux, aménagements de mon- tagne, de cours d’eau, de littoraux, ponts et viaducs, tun- nels, barrages, puits et forages, carrières, immeubles…, l’exécution de tous types de travaux - terrassements, fon- dations, drainage… dans tous types de sites - terrestres, fluviaux et maritimes, libres ou occupés. Technique empirique aussi vieille que l’humanité et connue de toutes les civilisations, elle évolue sans cesse selon nos besoins, nos connaissances et nos moyens. Sa pratique pragmatique a longtemps reposé sur des procédés locaux très efficaces ; son évolution ration- nelle a débuté vers la fin du XVII e siècle ; à par- tir de la deuxième partie du XIX e siècle, elle est progressivement devenue scientifique ; depuis, elle na- vigue entre induction/expérience/probabilisme et déduc- tion/calcul/déterminisme ; son état actuel est un amal- game instable de ces deux points de vue. Comme science, elle ressortit autant à la géologie (pétrographie, géologie structurale, géomorphologie, géodynamique, hydrogéologie) qu’à la géomécanique (mécanique des sols, mécanique des roches, sismique, hydraulique souterraine). Comme technique, elle ressortit à l’art de la construction - techniques du BTP - (architec- ture, ingénierie, travaux, maintenance, réparation) pour la mise en œuvre du sous-sol (terrassement, soutènement, drainage, fondation…). Les principes de la géotechnique sont simples mais leur expression est compliquée, car ils procèdent à la fois de la géologie et de la mécanique, de l’observa- tion/expérimentation et du calcul, du raisonnement in- ductif et du raisonnement déductif. À partir du terrain, la géologie étudie la morphologie et le comportement des géomatériaux réels, roches, sols et eau constituant le sous- sol d’un site, qui sont tangibles, discontinus, variables, hétérogènes, anisotropes, contraints, pesants et bien plus que cela : la nature les a faits ainsi et on ne peut que le constater. À partir de sondages et d’essais, la géomé- canique les réduit à des milieux virtuels de modèles qui doivent être continus, immuables, homogènes, isotropes, libres, parfois non pesants et rien que cela : le traitement mathématique l’impose. Pour passer des premiers aux se- conds, de la réalité à l’image, il suffit d’un peu d’imagina- tion et d’usage ; pour repasser ensuite et nécessairement des seconds aux premiers, des échantillons au site, il faut ajouter que les géomatériaux ne sont pas désordonnés, que leurs hétérogénéités et leurs comportements ne sont pas aléatoires, mais qu’au contraire, ils sont structurés de façon tout à fait cohérente, ce qui ramène à la géologie : tout résultat d’essai et de calcul géomécanique incompa- tible avec une observation géologique, est inacceptable en géotechnique. En effet, ne pas tenir compte des particularités géolo- giques d’un site risque d’entraîner à plus ou moins long terme, des dommages, voire des accidents parfois très graves au chantier et/ou à l’ouvrage : la majeure partie des dommages et accidents géotechniques sont dus à l’in- adaptation de l’ouvrage au site qui résulte de la mécon- naissance de la géologie du site et non d’erreurs de calculs géomécaniques sur les parties d’ouvrages en relation avec le sol et le sous-sol. Talus de déblais routier – alternance marno-calcaire subverti- cale. Le barrage de Serre Ponçon sur la Durance - Vue générale - Pro- fils en travers et en long 1

Géotechnique

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Géotechnique : définitions et domaine

Citation preview

Page 1: Géotechnique

Géotechnique

Dans le groupe des géosciences, la géotechnique est latechnoscience consacrée à l’étude pratique de la subsur-face terrestre sur laquelle notre action directe est possiblepour son aménagement et/ou son exploitation, lors d’opé-rations de BTP (génie civil, bâtiment, carrières), de ges-tion des eaux souterraines (exploitation, drainage) et deprévention des risques naturels.Dans la pratique actuelle, il est indispensable d’y recou-rir lors de l’étude, la construction, la maintenance et laréparation de tous types d’aménagements et d’ouvrages- routes, voies ferrées, canaux, aménagements de mon-tagne, de cours d’eau, de littoraux, ponts et viaducs, tun-nels, barrages, puits et forages, carrières, immeubles…,l’exécution de tous types de travaux - terrassements, fon-dations, drainage… dans tous types de sites - terrestres,fluviaux et maritimes, libres ou occupés.Technique empirique aussi vieille que l’humanité etconnue de toutes les civilisations, elle évolue sans cesseselon nos besoins, nos connaissances et nos moyens.Sa pratique pragmatique a longtemps reposé sur desprocédés locaux très efficaces ; son évolution ration-nelle a débuté vers la fin du XVIIe siècle ; à par-tir de la deuxième partie du XIXe siècle, elle estprogressivement devenue scientifique ; depuis, elle na-vigue entre induction/expérience/probabilisme et déduc-tion/calcul/déterminisme ; son état actuel est un amal-game instable de ces deux points de vue.Comme science, elle ressortit autant à la géologie(pétrographie, géologie structurale, géomorphologie,géodynamique, hydrogéologie) qu’à la géomécanique(mécanique des sols, mécanique des roches, sismique,hydraulique souterraine). Comme technique, elle ressortità l’art de la construction - techniques du BTP - (architec-ture, ingénierie, travaux, maintenance, réparation) pourla mise en œuvre du sous-sol (terrassement, soutènement,drainage, fondation…).Les principes de la géotechnique sont simples maisleur expression est compliquée, car ils procèdent à lafois de la géologie et de la mécanique, de l’observa-tion/expérimentation et du calcul, du raisonnement in-ductif et du raisonnement déductif. À partir du terrain,la géologie étudie la morphologie et le comportement desgéomatériaux réels, roches, sols et eau constituant le sous-sol d’un site, qui sont tangibles, discontinus, variables,hétérogènes, anisotropes, contraints, pesants et bien plusque cela : la nature les a faits ainsi et on ne peut quele constater. À partir de sondages et d’essais, la géomé-canique les réduit à des milieux virtuels de modèles qui

doivent être continus, immuables, homogènes, isotropes,libres, parfois non pesants et rien que cela : le traitementmathématique l’impose. Pour passer des premiers aux se-conds, de la réalité à l’image, il suffit d’un peu d’imagina-tion et d’usage ; pour repasser ensuite et nécessairementdes seconds aux premiers, des échantillons au site, il fautajouter que les géomatériaux ne sont pas désordonnés,que leurs hétérogénéités et leurs comportements ne sontpas aléatoires, mais qu’au contraire, ils sont structurés defaçon tout à fait cohérente, ce qui ramène à la géologie :tout résultat d’essai et de calcul géomécanique incompa-tible avec une observation géologique, est inacceptable engéotechnique.En effet, ne pas tenir compte des particularités géolo-giques d’un site risque d’entraîner à plus ou moins longterme, des dommages, voire des accidents parfois trèsgraves au chantier et/ou à l’ouvrage : la majeure partiedes dommages et accidents géotechniques sont dus à l’in-adaptation de l’ouvrage au site qui résulte de la mécon-naissance de la géologie du site et non d’erreurs de calculsgéomécaniques sur les parties d’ouvrages en relation avecle sol et le sous-sol.

Talus de déblais routier – alternance marno-calcaire subverti-cale.

Le barrage de Serre Ponçon sur la Durance - Vue générale - Pro-fils en travers et en long

1

Page 2: Géotechnique

2 1 HISTOIRE

Les ruines du barrage de Malpasset vues de l’aval – Coupe du di-èdre de failles défaillant, cause naturelle de la catastrophe, avecla crue du Reyran, le 2/12/1959, événement déclenchant.

Autoroute A40 - Nantua - viaduc en encorbellement sur chaosd'écroulement de falaise.

Autoroute A75 - Viaduc de Millau - géologique et géotechnique

1 Histoire

Dans sa forme empirique pratique, on a fait de la géotech-nique bien avant qu’on la désigne et qu’on la définisse.

1.1 Le terme

Le terme de « géotechnique » est attesté pour la premièrefois à la fin du XIXe siècle, peut-être dans sa version an-glaise, « geotechnics », ou française, « géotechnique »,

sans doute dans la désignation de la « Commission suissede géotechnique », créée en 1899, rattachée à l’Académiesuisse des sciences naturelles en 1909 ; jusqu’à sa dis-solution en 2005, il y avait aussi un « Institut géotech-nique d’État » belge. Le mot désignait alors l’ensembledes applications des géosciences, avec une connotationclairement géologique en Suisse. Dès le début du XXe

siècle, il était tombé en désuétude partout ailleurs, sansdoute à cause de la dichotomie entre d’une part géolo-gie de l’ingénieur — « Ingenieurgeologie », « engineer-ing geology » — et d’autre part mécanique des sols —« Erdbaumechanik », « soil mechanics » pour la scienceet « soil engineering » pour la technique. Terzaghi utilisad’abord « Erdbaumechanik » pour titre de son ouvragefondateur[1] comme synonyme de « soil engineering », ila ensuite appelé Géotechnique la revue de langue anglaise- maintenant éditée par l'Institution of Civil Engineers àLondres - qui a perdu l’accent sur le e mais a conservé ladésinence que ; il a finalement abandonné le terme pourSoil Mechanics in Engineering Practice, titre de l’un de sesderniers ouvrages[2].En France, Maurice Buisson exhuma sans lendemain leterme dans le sens de mécanique des sols appliquée, pourtitre de son ouvrage en deux tomes dont il ne publia que lepremier, Essai de géotechnique – 1. Caractères physiqueset mécaniques des sols[3], avec une connotation clairementmécanique des sols. En 1962, au début de la constructionsystématique des autoroutes françaises, Pierre Martin acréé le « Bureau d’Études Géotechniques », raison socialede société anonyme et marque commerciale, expressionqui est maintenant devenue générique. Sans doute pourcela, le terme « géotechnique », attesté en français vers1960, figure depuis une quarantaine d’années dans les dic-tionnaires de français. Dans le courant des années 1970,il a été consacré par la création de l’Union syndicale géo-technique à connotation nettement géomécanique et l’éta-blissement de « Listes départementales de géotechniciensagréés en matière de mouvements du sol et du sous-sol »à connotation plutôt géologie de l’ingénieur.Ce terme est maintenant devenu courant dans le langagedu BTP, mais son champ n'est toujours pas fixé.

1.2 La pratique

Ramasser un galet de silex et le casser pour en faire unchopper, chercher, choisir et aménager une grotte pourl’habiter, exploiter une carrière de silex, construire unecité lacustre, ériger un mégalithe… étaient des activités« géotechniques » que les hommes préhistoriques exer-çaient efficacement. Les anciens Chinois, Grecs, Amérin-diens… construisaient parasismique aussi efficacement.Durant l’Antiquité, les Mésopotamiens, Égyptiens, Bre-tons, Grecs, Romains, Andins, Chinois, Hindous… ontconstruit leurs bâtiments, routes, canaux, ponts… en utili-sant des « (géo)techniques » empiriques, sans cesse amé-liorées, comme celle commune à tous qui consiste à adap-

Page 3: Géotechnique

1.2 La pratique 3

ter la charge appliquée par l’ouvrage à la capacité portantede son géomatériau d’assise, en jouant sur les dimensionset la profondeur d’ancrage des fondations ; on fait tou-jours ainsi[N 1]. Darius Ier décrit cette technique dans ladédicace de son palais de Suse ; Vitruve la conseillait auxconstructeurs romains ; deux Évangiles disent qu’au bordd’un torrent à crues, l’homme prudent établit les fonda-tions de sa maison en creusant jusqu’au roc, alors que lefou construit sur le sable…Au Moyen Âge, il y avait d’habiles « (géo)techniciens »pour construire dans les lagunes, les deltas, les plainesalluviales… sur des matériaux peu consolidés, inca-pables de supporter de lourds édifices sans aménage-ments et facilement modifiés par des phénomènes géo-dynamiques actuels, crues, marées, tempêtes… auxquelsces sites sont fréquemment exposés : Notre-Dame de Pa-ris est construite sur une forêt de pieux en bois, longsde quelques mètres, qui traversent la couche de limonmeuble superficiel, pour s’ancrer dans le cailloutis com-pact sous-jacent des alluvions de la Seine ; plus en avalpar exemple, le pont de Tancarville est fondé sur pieuxen béton ancrés dans le même cailloutis. Depuis le IXe

siècle, les Vénitiens occupent un site particulièrement in-grat d'un point de vue géotechnique, une lagune dontle sous-sol s’affaisse en permanence, ce qui impose detout y construire sur « fondations spéciales ». L’actuelleécole géotechnique néerlandaise est directement issue desefforts séculaires qu’ont dû prodiguer les Frisons pouraménager leur province sans cesse disputée à la mer.L'Autrichien Terzaghi avait appris de ses prédécesseurscomment bien construire sur les alluvions argileuses com-pressibles de la vallée du Danube…Durant le XVIIe siècle, la défense des places fortesconfrontées à la puissance de l’artillerie a obligé les ingé-nieurs militaires à construire des remparts de plus en plushauts et épais en terre perreyée ; pour cela, Vauban fit éta-blir et diffuser par l’abbé Duroi, des règles empiriques destabilité des remblais et des murs de soutènement[4],[5] ;on le considère ainsi abusivement comme l’initiateur dela mécanique des sols qui, pour encore deux siècles, seraune mécanique des remblais empirique.Certaines planches de l’Encyclopédie montrent les fonda-tions sur pieux en bois de bâtiments construits en bordurede cours d’eau.

1.2.1 La mécanique des remblais

En 1720, Bernard Forest de Belidor « démontra parl'expérience » que la poussée des « terres ordinaires » - lesremblais - au-delà de leur pente de talus naturel (qu’elles)« prennent d'elles-mêmes » était la cause de l’instabilitédes murs de soutènement.En 1727, Couplet calcula empiriquement la poussée de cecoin de remblai limité par une surface de rupture plane.En 1773, Coulomb assimila la condition de stabilité de

Les équilibres plastiques.

ce coin de poussée à celle d’une charge sur un plan in-cliné dont il avait établi la loi pour rationaliser le char-roi d’artillerie ; il définit clairement la cohésion et l’anglede frottement d’un remblai, et établit la loi de leurs rela-tions à la base de la mécanique des remblais qui devien-dra la mécanique des sols. La géomécanique entrait ainsidans sa phase scientifique, mais les difficultés des calculsd’application le conduisirent à négliger la cohésion et àne retenir que le plan comme surface de glissement enfaisant remarquer qu’ainsi, on agissait dans le sens de lasécurité - « pour la facilité de ses applications à la pra-tique ». Son essai Sur une application des règles de maxi-mis et de minimis à quelques problèmes de statique, relatifsà l'architecture, était « destiné à déterminer, autant que lemélange du calcul et de la physique peuvent le permettre,l'influence du frottement et de la cohésion dans quelquesproblèmes de statique ».En 1846, Collin (de) rappela à propos de barrages en terreet de remblais de canaux et chemins de fer, que la co-hésion est indépendante de l’angle de frottement et ditqu’elle est fonction de la compacité et de la teneur eneau du matériau ; il établit aussi que la courbe de glisse-ment rotationnel d’un remblai la plus proche de la réalité,est à peu près l’arc de cycloïde, de moins en moins pentud’amont en aval, mais les difficultés des calculs pratiquesobligeaient toujours à s’en tenir à l’angle de frottement etau plan.

1.2.2 La mécanique des sols

Vers la fin du XIXe siècle, la mécanique des remblaiss’est progressivement étendue aux géomatériaux meubles,les sols, car on ne disposait pas de théorie spécifiquepour calculer les fondations d’ouvrages construits sur eux.Rankine, Levy, Boussinesq, Massau et d’autres ne niaientpas la cohésion, mais en sous-estimant son rôle, ils né-gligeaient ce paramètre malcommode à utiliser dans lescalculs linéaires - une variable et une constante - , une

Page 4: Géotechnique

4 1 HISTOIRE

« constante » des plus variables.Au début du XXe siècle, Hultin (sv), Petterson etFellenius (sv) ont adopté l’arc de cercle comme ligne deglissement. En 1910, Résal ne négligeait plus la cohésion,mais l'escamotait car le calcul analytique n’aime pas cette« constante ».L’estimation de la contrainte admissible pour une fonda-tion superficielle s’est successivement perfectionnée de-puis Rankine en 1915 jusqu'à Terzaghi, en passant parPrandtl, Fellenius, Skempton (en)… Vers 1920, Frontard(de) confirma l’arc de cycloïde comme ligne de glisse-ment, mais pour simplifier les calculs, on lui préfèra l’arcde spirale logarithmique ou de cercle, selon que l’on tra-vaille sur la butée ou la poussée des sols.En 1925, Terzaghi utilisa les paramètres c, φ, γ, k dansune même formule pour modéliser le comportement mé-canique et hydraulique du géomatériau, la consolidation.Mais comme Fellenius, il dit que l’on ne pouvait pas bâtirde théorie générale de la mécanique des sols ; il dissociadonc l’étude de la stabilité d’une fondation de celle de sontassement, en privilégiant la seconde.Pour calculer de la même façon la poussée des sols pul-vérulents et des sols cohérents, Rankine avait imaginé un« principe de correspondance » assimilant la cohésionà une fonction de l’angle de frottement, ce qu’elle n’estpas comme l’avait établi Coulomb et répété Collin ; en1934, Caquot proposa son « théorème des états corres-pondants » qui annule la cohésion par un changementd’axe dans le plan de Mohr ; cela ne résout rien en pra-tique, car la pression hydrostatique équivalente que l’onintroduit dans les formules n’a pas l’effet physique de lacohésion, même si on l’assimile à une pression latérale quicomprime un massif pulvérulent (essai triaxial).Depuis les années 1930, la mécanique des sols classiqueissue de la mécanique des remblais, celle de Coulombqui modélise le comportement d’un milieu monophasiqueseulement minéral, sans eau libre, paraphrase plus oumoins habilement les anciens en variant les langages ma-thématiques. On l’adapte tant bien que mal au modèle deTerzaghi pour le comportement d’un milieu biphasiqueminéral aquifère, beaucoup plus réaliste.Dans les années 1950 et 1960, deux écoles se sont dé-veloppées en Europe. Elles proposaient des théories spé-cifiques, s’appuyant sur des résultats d’essais in situ dontles principes sont très anciens, mais dont les techniquesont progressé. D'un côté, le recours au pénétromètre sta-tique aux Pays-Bas, en Belgique et dans le nord de laFrance (Buisman (nl), De Beer (de)) ; de l'autre, l'usagedu pressiomètre ou dilatomètre en France (Ménard,Mazier). Pour justifier l’emploi du pressiomètre, LouisMénard a développé une théorie qui permet d’abor-der l’étude des déformations du géomatériau meubleou rocheux, selon la relation classique de la rhéologie,contrainte/déformation : on définit expérimentalement undomaine de déformations élastiques et un module, un do-maine de déformations plastiques et un point de rupture ;

ainsi, les études conjointes de stabilité et de tassementdeviennent théoriquement possibles ; en fait, elles ne lesont pas vraiment puisque l’on utilise d’abord la pressionlimite, critère de plasticité, pour définir la stabilité et en-suite le module, critère d’élasticité, pour calculer le tasse-ment.La tendance a longtemps été soit d’essayer une syn-thèse entre la mécanique des sols classique, l’école dupénétromètre et celle du pressiomètre (Maurice Cassan,Guy Sanglerat, Jean Nuyens…), soit d’exploiter à fond,au moyen de l’ordinateur, les possibilités d’une part dela théorie de Joseph Boussinesq et de l’élasticité linéairepour résoudre les problèmes de tassements, et d’autre partde la loi de Coulomb et de la théorie de la plasticitépour résoudre les problèmes de stabilité (approche ditede « l'école de Grenoble ») ; on profitait alors de la puis-sance de l’ordinateur pour résoudre de vieux problèmesen procédant à des calculs impossibles avec du papier etun crayon ; depuis, on a systématisé l’informatisation desmodèles pour pousser dans ses derniers retranchements laconception traditionnelle. La conception de Ménard estconsidérée par certains géotechniciens comme particu-lièrement solide et fructueuse, méritant un approfondis-sement théorique et expérimental.

1.2.3 La mécanique des roches

Durant les années 1930, mais surtout à partir des années1940, la réalisation des grands aménagements hydroélec-triques, barrages en béton et galeries, conduisit à adapterplus ou moins fidèlement la mécanique des sols à l’étudemécanique des roches en les séparant formellement - mé-canique des sols au bâtiment, mécanique des roches auxgrands travaux ; elle s’est récemment développée de façonautonome, essentiellement grâce à l’informatique.

1.2.4 La géophysique

La géophysique appliquée à la prospection pétrolière aété créée par les Schlumberger en 1920. Durant les an-nées 195-, l’électronique a permis de miniaturiser les ap-pareils et de simplifier les procédés pour les adapter auBTP. L’informatique et le traitement numérique des don-nées les ont encore améliorés ; la sismique 3D est main-tenant utilisée pour les études des grands travaux.

1.2.5 L’hydraulique souterraine

La loi de Darcy a été exprimée en 1856 ; elle rend comptede l’écoulement de l’eau souterraine sous faible gradientet en régime sensiblement permanent. La théorie géné-rale de l’écoulement laminaire en régime permanent a étéprésentée en 1863 par Dupuit, à propos de la tranchéedrainante. En 1880, à la suite de la ruine du barrage deBouzey, Dumas définit la sous-pression, pression hydro-statique de l’eau souterraine sous les ouvrages enterrés.

Page 5: Géotechnique

2.1 Géologie 5

En 1906, Thiem a permis de tenir compte des conditionsaux limites d’une nappe aquifère en régime d’écoulementpermanent.Abordé sans suite pratique par Boussinesq au début duXXe siècle, le problème de l’écoulement en régime tran-sitoire de la nappe aquifère a été traité par Theis dans lecourant des années 1930. La théorie générale de l’écoule-ment des fluides dans les milieux poreux, s’est développéedans les années 1940 et 1950 (Muscat, Houpper…).

1.2.6 Les sondages

La Chine antique, le Moyen Âge du Nord de la France…pratiquaient le forage par battage. Du puits à la main,connu de tout temps et partout, on est passé du battageau câble à la rotation et à la roto-percution, en tête puisen fond de trou, au forage dirigé… Les techniques ré-centes d’enregistrement des paramètres de sondage encontinu ont rendu presque rigoureuses des opérations quine l’étaient guère. L’échantillonnage s’est constammentamélioré en perfectionnant les carottiers, mais l’échan-tillon intact est toujours l'objet mythique de la mécaniquedes sols.

1.2.7 La géologie du BTP

La géologie du BTP a toujours été exercée occasion-nellement par certains géologues scientifiques. Ils étaientconsultés par des maîtres d’œuvre avisés, notamment pourla construction des grands ouvrages transalpins de la findu XIXe siècle, comme le tunnel ferroviaire du Simplon(Révenier, Heim, Taramelli, Schardt, Lugeon), ou durantles années 192-/3- pour les grands aménagements hydro-électriques de montagne (Lugeon, Moret…).. À partirdes années 194-, aux États-Unis d’abord puis en Europeoccidentale, elle a été systématiquement mise en œuvrepar des ingénieurs spécialisés. En France, dans les an-nées 196- et ensuite, elle a par contre, raté le coche desautoroutes et autres grands aménagements, sur lesquelsn’intervenaient pratiquement que des ingénieurs généra-listes, uniquement préoccupés de sondages, d’essais et decalculs ; le nombre et la gravité de leurs ratés ont pro-gressivement redonné à la géologie du BTP un peu dela place qu’elle n’aurait pas dû perdre, mais en pratiqueactuelle, on limite presque toujours les études géotech-niques à des « campagnes d’investigation », en négligeantvoire en ignorant les « contextes géologiques ».

2 Les disciplines

Les disciplines scientifiques sur lesquelles est fondée lagéotechnique sont la géologie, son outil d’observation, demodélisation et de synthèse analogiques, et la géoméca-nique, son outil d’expérimentation, de modélisation et derésultats numériques. Elles sont indépendantes et ont des

bases théoriques différentes ; mais par un usage pratiquecommun, elles sont également nécessaires et complémen-taires en géotechnique et doivent être rapprochées de fa-çon concordante.Les disciplines pratiques sur lesquelles la géotechniqueest fondée sont les techniques du BTP et l’informatique.

2.1 Géologie

Article détaillé : géologie.

Le rôle de la géologie est essentiel en géotechnique ; ellepermet la description cohérente et convenable des formeset des comportements du géomatériau ; sa démarche quis’appuie sur le visible et l’accessible, est qualitative etsemi-quantitative : à chaque échelle d’observation, ellepermet d’étudier les phénomènes naturels et induits auxcomportements complexes, difficiles à mathématiser etde justifier la formulation de ceux qui peuvent l’être enfournissant les modèles de formes les plus proches de laréalité dont la géomécanique a besoin pour fixer les condi-tions aux limites de ses calculs de comportement.

Les modèles de la géotechnique.

Le champ de la géologie comporte de nombreusesbranches secondaires interdépendantes. Les formes et lescomportements du géomatériau sont innombrables, di-vers, spécifiques d’un lieu et d’un moment, mais on netrouve pas et il ne se passe pas n’importe quoi n’importeoù : pour en tenir compte, il faut faire conjointementappel à toutes ces branches ; celles qui concernent plusparticulièrement la géotechnique sont pour les formes,des parties de la lithologie – on dit aussi pétrologie,pétrographie (minéraux et roches) –, de la géologie struc-turale (stratigraphie et tectonique), de la géomorphologie(aspect de la surface terrestre), et pour les comporte-ments, des parties de l’hydrogéologie (eaux souterraines)et de la géodynamique (volcans, séismes, mouvements deterrain…) ; ces parties sont celles qui décrivent et étudientles formes et les comportements actuels.

Page 6: Géotechnique

6 2 LES DISCIPLINES

2.2 Géomécanique

Article détaillé : géomécanique.

La géomécanique, que l’on confond généralement avecla géotechnique, est sa discipline physico-mathématique,son outil déterministe, nécessaire mais insuffisant.Son but est de poser les problèmes types de la géotech-nique - stabilité d’un talus naturel, de remblais ou de dé-blais, d’une excavation souterraine, d’un soutènement ;rupture et/ou tassement de fondation ; débit de puits,épuisement de fouille, drainage… - et de les résoudre parle calcul, au moyen de modèles schématiques de formeset de comportements de milieux virtuels, images de géo-matériaux réels. Ces milieux sont représentés par desformes géométriques simples (deux dimensions, droites,cercles…) fixant les conditions initiales et aux limites mi-nimales qu’imposent les résolutions mathématiques desproblèmes posés : les comportements modélisés sontschématiques et figés, régis par des “lois” déterministes ;à une seule et même cause correspond toujours stricte-ment un seul et même effet. Les paramètres des modèlesmathématiques sont mesurés ponctuellement lors d’essaisin situ - pénétromètre, pressiomètre… ou au laboratoiresur des échantillons prélevés par sondages mécaniques -œdomètre, triaxial…

Les lois fondamentales de la géomécanique.

La mécanique des sols, la mécanique des roches,l’hydraulique souterraine et une partie de la géophysiquesont les branches de la géomécanique ; la mécanique dessols étudie le comportement de milieux meubles - argile,sable… sous l’action d’efforts naturels - gravité, pressionhydrostatique…, ou induits - vibrations, charges de fon-dations… ; la mécanique des roches étudie le compor-tement des milieux durs – granite, calcaire… dans lesmêmes conditions. La distinction de ces deux branchesest conventionnelle car elles utilisent les mêmes « lois »générales et les mêmes formes de raisonnement et de cal-cul ; l’hydraulique souterraine étudie mathématiquementl’écoulement de l’eau dans le géomatériau aquifère, na-turellement sous l’action de la gravité ou artificiellement,par pompage. En géotechnique, ces disciplines sont étroi-tement liées et même interdépendantes.On ne peut pas formuler une théorie unitaire de la géo-

mécanique ; ses théories restreintes de formes artificiel-lement simples sont trop particulières pour être généra-lisées ; elles ont des origines occasionnelles : confrontéà un problème technique nouveau, un praticien a essayéde le résoudre en s’appuyant sur l’étude expérimentaled’un phénomène qu’il supposait influent et qu’il a isolé ;les “lois” de Hooke, de Coulomb, de Darcy, les théoriesde Terzaghi, de Ménard… sont plutôt des hypothèses ac-ceptables dans un étroit domaine de validité – linéari-té de la relation entre deux paramètres - que l’usage nevalide pas toujours. Et même en admettant la possibili-té d’une généralisation prudente, on se heurte au difficilepassage des échantillons au site ; la géomécanique le faitpar intégration d’équations de champs dans des intervallesde définition et des conditions aux limites imposées parla technique de calcul plutôt que par la prise en comptede la réalité, ce qui conduit à des modèles extrêmementschématiques, même si l’on admet que les matériaux deséchantillons représentent bien les géomatériaux du site.Mais la géomécanique ignore ce que sont les géomaté-riaux réels d’un site, car elle ne les représente que parquelques paramètres (densité, angle de frottement, cohé-sion, perméabilité…) et elle ne manipule que quelquesdonnées ponctuelles obtenues par sondages et essais, tel-lement peu nombreuses que l’on ne peut pas leur attribuerde valeur statistique.

2.2.1 Sols et roches

L’état et le comportement mécanique d'un sol dépendentessentiellement de sa teneur en eau ; ceux d’une roche, deson degré d’altération, de fissuration et de fracturation. Onpeut retenir :

• Sols : géomatériaux meubles, plus ou moins frottantset/ou plastiques dont la cohésion est faible. Elle di-minue jusqu’à disparaître (liquéfaction) par accrois-sement de la teneur en eau.

• Paramètres caractéristiques : densité, teneur eneau, angle de frottement, cohésion...

• Roches : géomatériaux compacts et durs dont la ré-sistance à la compression simple est supérieure àquelques MPa. Elle diminue et/ou disparaît par al-tération physique (hydratation), chimique (dissolu-tion) et/ou mécanique (fragmentation).

• Paramètres caractéristiques : vitesse sismique,module d’élasticité, résistances à la compres-sion, à la traction, au cisaillement...

2.2.2 Mécanique des sols

Article détaillé : Mécanique des sols.

L’étude du comportement mécanique des « sols », forma-tions meubles de couverture - sable, argile…, sous l’action

Page 7: Géotechnique

2.3 Les techniques du BTP 7

d’efforts naturels - gravité, pression hydrostatique - ou in-duits - vibrations, charges de fondations, terrassements…ressortit à la mécanique des sols, la plus ancienne, la plusconnue et la plus pratiquée de ces branches, parce quela plupart des problèmes géotechniques se posent pour lamise en œuvre de ces formations lors de la constructionde la plupart des ouvrages du BTP.

2.2.3 Mécanique des roches

Article détaillé : Mécanique des roches.

La mécanique des roches est une adaptation de la mé-canique des sols pour étudier des ouvrages à l’échelle degrands massifs profonds – barrages, galeries… ; sa mé-thode actuelle consiste à établir des modèles de formesnumériques plus ou moins compliqués du massif selon lanature et la densité de sa fissuration et à les manipuler enappliquant les lois de Hooke et/ou de Coulomb aux élé-ments et/ou à leurs frontières définis par divers codes demodélisation – éléments finis (FEM), différences finies(FDM), éléments distincts (DEM), éléments aux limites(BEM) - plus ou moins adaptés aux cas étudiés, de fa-çon à schématiser leurs déformations internes et/ou leursdéplacements relatifs ; on essaie ainsi d’atteindre la défor-mation globale du massif modélisé, sous l’effet d’effortsspécifiques, généralement des charges de fondations oudes relaxations de contraintes autour d’excavations exis-tantes ou à créer.

2.2.4 Sismique

À partir de mesures de potentiels superficielles ou ensondages, la géophysique calcule la forme possible d’unchamp mécanique – sismique, gravimétrie - ou électriqueen profondeur ; cela permet de préciser les modèles struc-turaux géologiques et de valider les modèles géoméca-niques.

2.2.5 Hydraulique souterraine

Article détaillé : Hydraulique souterraine.

L’hydraulique souterraine concerne l’écoulement de l’eaudans le sous-sol sous l’effet de la gravité et/ou par pom-page. La loi de Darcy définit la perméabilité d’un milieuaquifère, paramètre liant linéairement le débit à la pres-sion. La méthode de calcul de Dupuit applique cette loià l’écoulement laminaire en régime permanent dans unmilieu indéfini homogène. La méthode de Thiem précisel’effet des conditions aux limites du milieu. La méthodede Theis permet l’étude de l’écoulement en régime tran-sitoire.

2.2.6 Le calcul géomécanique

La démarche générale du calcul géomécanique consisteà réduire le comportement d’un ouvrage dans son site àson action sur le géomatériau, ramenée au comportementd’un milieu invariant, homogène, isotrope et semi-infini,soumis à une action extérieure ; à toute action, correspondune réaction spécifique : le géomatériau est plus ou moinsrésistant, compressible et perméable ; l’action est généra-lement une pression qui produit un déplacement, une dé-formation instantanée pouvant aller jusqu’à la rupture, ouun écoulement. Deux variables, l’une connue représen-tant la cause et l’autre inconnue représentant l’effet, sontcombinées dans des formules, avec des constantes repré-sentant le matériau – densité, angle de frottement, cohé-sion, perméabilité… et caractérisant plus ou moins les li-mites du problème ; les constantes ayant été déterminéesdirectement ou indirectement par des mesures ou des es-timations, à chaque valeur de la variable cause correspondune et une seule valeur de la variable effet. Les formulessimples traduisant les lois fondamentales – Hooke, Cou-lomb, Terzaghi, Darcy – ne retiennent que la partie li-néaire du comportement correspondant, l'élasticité ; ellessont d’un usage facile mais pratiquement limité au trai-tement des essais destinés à mesurer les paramètres utili-sés dans les formules d’application qui sont des solutionsparticulières d’intégrations d’équations différentielles ouaux dérivées partielles compliquées dans des conditionssimples qui correspondent rarement à la réalité ; elles ontdes formes trigonométriques, logarithmiques, exponen-tielles… délicates et fastidieuses à manipuler, pratique-ment incalculables sans risque d’erreur avec un crayonet du papier, que pour cela on a traduit en tableaux etabaques plus ou moins précis que l’on trouve dans les ma-nuels ; elles sont devenues plus maniables grâce l’infor-matique.Il est nécessaire de contrôler les résultats que l’on obtientainsi : on pose le problème, on dégrossit la solution avecles formules simples et les abaques ou les formules inter-médiaires programmées, on calcule avec les logiciels eton valide ou on modifie. Une démarche analogue est évi-demment nécessaire si l’on utilise un procédé numérique,éléments finis (FEM) le plus souvent, pour résoudre unproblème compliqué.

2.3 Les techniques du BTP

L’application des principes, données et résultats géo-techniques permet l’usage rationnel des techniques duBTP pour la mise en œuvre du sous-sol. Ces techniques- terrassement et fondations pour l’essentiel - consti-tuent un groupe cohérent de moyens spécifiques, né-cessaires à l’aménagement d’un site et à la constructiond’un ouvrage. Leurs principes généraux - procédés, maté-riels, méthodes, organisation…, sont communs à presquetoutes les opérations de BTP et sont relativement stables :ils constituent les règles de l’art ; mais en pratique, ces

Page 8: Géotechnique

8 3 LE GÉOTECHNICIEN

techniques évoluent constamment en fonction des acqui-sitions technico-scientifiques et surtout des progrès desprocédés et des matériels.Au cas par cas, elles doivent être spécifiquement adap-tées aux organes géotechniques de l’ouvrage - soutè-nement, fondation, drain…, aux géomatériaux auxquelsils seront confrontés - meubles ou rocheux, évolutifs oustables, plus ou moins perméables et aquifères…, auxcomportements attendus de l’ensemble site/ouvrage - glis-sement, tassement, inondation… Le choix et la miseen œuvre de l’une d’elles dépendent des caractères géo-techniques du site - morphologie, structure, matériaux,phénomènes naturels… et des caractères économiqueset techniques de l’opération - financement, planning,implantation, conceptions architecturale et structurale,moyens de chantier disponibles, phasage des travaux.

2.4 L’informatique

La simulation informatique permet de dégrossir la plupartdes problèmes génériques de géomécanique, mais elle estmal adaptée à la variété des sites et des ouvrages et à laspécificité des problèmes à résoudre qui oblige à effec-tuer des simulations successives, en modifiant les valeursdes paramètres et les formes des modèles. On trouve dansle commerce spécialisé de très nombreux logiciels d’ap-plications techniques – stabilité de pentes, soutènements,fondations…, traitement des mesures, calculs… qui, pourla plupart, ne sont pas transparents ; après avoir fourni àla machine les valeurs des paramètres mesurés qu’elle de-mande, elle donne le résultat attendu ; s’il est douteux, onne peut que la refaire tourner pour éliminer d’éventuelleserreurs de saisies ou changer les valeurs des paramètres.Une validation spécifique est donc toujours nécessaire.Bien entendu, un géotechnicien expérimenté, bon infor-maticien, peut écrire le logiciel dont il a besoin pour trai-ter un problème particulier et éventuellement le commer-cialiser après l’avoir validé au moyen de nombreuses ex-périences de terrain personnelles, en vrai grandeur.

3 Le géotechnicien

Terzaghi, lui-même ingénieur mécanicien, décrivait legéotechnicien idéal comme un géologue qui serait aus-si mécanicien du sol ; Cambefort ajoutait qu’il devait deplus, être ingénieur de génie civil et ingénieur de sondage ;Martin complétait par hydraulicien, géophysicien, infor-maticien et même juriste et commerçant. Il s’agit évidem-ment d’un chef de projet expérimenté, animateur respon-sable d’une équipe plus ou moins grande selon l’impor-tance de l’étude qui lui est confiée.En pratique, le “géotechnicien” peut être un ingénieur-conseil libéral, un bureau d’étude de sol en société com-merciale, un organisme public ou semi-public, le bureau

d’étude d’une grande entreprise généraliste ou spécialiséeen fondations spéciales, un enseignant…En France, l’OPQIBI, organisme de qualification profes-sionnelle de l'ingénierie, présente une liste de spécialitésgéotechniques.La plupart des bureaux d’études de sol français sontmembres de l’Union syndicale géotechnique.

3.1 Mission

La mission du géotechnicien est de réaliser l’étude dontles constructeurs ont besoin pour projeter et réaliser leuropération ; elle consiste à recueillir et interpréter les don-nées géotechniques, structure du site, caractéristiques desmatériaux, existence d’aléas géologiques, prévision decomportement de l’ensemble site/ouvrage, afin d’en tirerdes résultats pratiques pour le projet, le chantier et l’ou-vrage… ; successivement ou simultanément prospecteur,ingénieur, prévisionniste, il exerce son art en s’appuyantsur son expérience. Il doit évidemment établir le pro-gramme de l’étude dont il est chargé et maîtriser la miseen œuvre des moyens nécessaires à sa réalisation. Le tra-vail de documentation, de télédétection et de lever de ter-rain lui incombe toujours ; s’il dispose de collaborateurset de moyens adéquats, il peut aussi mettre en œuvre lui-même les techniques de mesures qui lui sont nécessaires,géophysique, sondages, essais… ; sinon, il en confie lamise en œuvre à des sous-traitants spécialistes, mais il as-sure toujours l’organisation et la coordination d’ensemble,et l’interprétation des résultats intermédiaires ; il en réa-lise ensuite la synthèse, base des calculs qui conduisent àson interprétation finale.

3.2 Responsabilité

Le géotechnicien est un technicien spécialisé dans l’étudedu site de construction d’un ouvrage et non de l’ouvragelui-même, sauf cas assez rare de maîtrise d’œuvre d’unouvrage spécifiquement géotechnique – digues et bar-rages en terre, exploitation d’eau souterraine… L’étudepuis la construction d’un ouvrage posent d’innombrablesproblèmes techniques et économiques que le géotechni-cien n’est pas habilité à poser et à résoudre, ni même àconnaître, car ils sortent du champ de sa spécialité ; il neproduit ou contrôle ni calcul, ni plan, ni descriptif, ni de-vis propres à l’ouvrage dont il ne connaît généralementque l’implantation et le type approximatifs et souvent évo-lutifs : c’est un locateur de service qui a une obligationde moyen à l’égard du maître d’œuvre et non un loca-teur d’ouvrage qui a une obligation de résultat à l’égard dumaître d'ouvrage, bien que ce dernier commande l’étudeet la paie, car le géotechnicien n’intervient techniquementqu’auprès du maître d’œuvre ; de l’étude du projet à laréalisation de l’ouvrage, sa présence auprès des construc-teurs - maître d’œuvre, bureaux d’études et entreprises -et sa concertation avec eux devraient être permanentes

Page 9: Géotechnique

4.2 Les étapes de l’étude 9

et étroites, mais c’est au maître d’œuvre d’en décider, del’entretenir et de l’utiliser.Ainsi, dans la plupart des cas, le géotechnicien engagesa responsabilité civile professionnelle (RCP) pour éta-blir, autant que faire se peut, le diagnostic de l’état etla prévision du comportement d’un site naturel sollicitépar un ouvrage, et non une responsabilité civile décen-nale (RCD) pour l’étude et la construction d’un ouvrage àlaquelle il ne participe pas directement. Les constructeursutilisent comme bon leur semble les renseignements qu’illeur fournit à l’étape qu’ils ont fixée ; les interprétationsqu’ils en font et les décisions qu’ils prennent sont rarementsoumises à son approbation : il n’est pas un « construc-teur » au sens de la loi Spinetta.

4 L'étude géotechnique

L’étude géotechnique est une opération compliquée dontdépend en grande partie la qualité de l’ouvrage concerné.Sa démarche générale consiste d’abord à bâtir le modèlestructural du site, ensuite à caractériser et étudier les phé-nomènes naturels et induits dont il est puis sera le siègeet enfin à proposer des solutions pratiques aux problèmesgéotechniques que pose l’adaptation spécifique de l’ou-vrage au site.Son but est de fournir, autant que faire se peut au maîtred’ouvrage et aux constructeurs, des renseignements pra-tiques, fiables et directement utilisables sur la nature etle comportement du site dans lequel il sera construit, afinqu’ils puissent définir et justifier les solutions techniquesqu’ils devront concevoir, adopter et mettre en œuvre pourréaliser leur ouvrage en toute sécurité et à moindre coût.L’exécution de sondages et d’essais in situ, la collecte etl’épreuve d’échantillons, doivent être les dernières d’unesuite d’opérations ordonnées en étapes successives ; y re-courir directement et exclusivement, reviendrait à at-tribuer un rôle de synthèse à des moyens d’analyse, àconfondre étude géotechnique et campagne de sondageset d’essais.Il est utile, sinon nécessaire, que le géotechnicien inter-vienne en ce qui le concerne à toutes les étapes d’étudedu projet, de construction et d’entretien de l’ouvrage etqu’il dispose de tous les moyens dont il a besoin, en orga-nise la mise en œuvre, en assure le suivi et en exploite lesdonnées.

4.1 Les moyens de l’étude

Chaque site et éventuellement chaque ouvrage dans unmême site, doit être étudié spécifiquement, selon un pro-gramme adapté à chaque étape de l’étude et éventuelle-ment même, susceptible d’être modifié à tout moment enfonction des résultats obtenus, en mettant en œuvre lesmoyens qui fourniront à meilleur compte les renseigne-

Les moyens de la géotechnique

ments nécessaires et suffisants les plus pertinents. Chaquemoyen - documentation, levé géologique, télédétection,géophysique, sondages, essais de terrain et de laboratoire,informatique… a sa valeur et ses limites ; aucun n’est in-utile, mais aucun n’est universel. Pour chaque type d’ou-vrage, à chaque étape de l’étude, employer ceux qui luisont les mieux adaptés, conduit à une meilleure préci-sion de résultats et à d’appréciables économies de tempset d’argent.

4.2 Les étapes de l’étude

En France, le décret du 2/2/73 relatif aux Conditionsde rémunération des missions d’ingénierie et d’architectureremplies pour le compte des collectivités publiques par lesprestataires de droit privé définit les étapes des études duBTP.Le décret du 1/12/93 (loi MOP du 13/7/85) en a plus oumoins modifié la forme sans en changer le fond.La norme NF P 94-500 (2000 – 2006) [6], inspirée parl’Union syndicale géotechnique, définit (Gn ou XXX) etclasse les missions des géotechniciens, avec une orien-tation contractuelle, commerciale et juridique ; elle dé-taille la « campagne – ou le programme - d’investiga-tion » (types, maillages et nombres de sondages et d’es-sais) et n’évoque que succinctement, en préliminaire –voire oublie -, le « contexte géologique » (documenta-tion, « visite » du site, enquête de voisinage, sinistrali-té...). En novembre 2013, elle a été en partie modifiéepour être mieux adaptée à la loi MOP, mais la confu-sion entre étape d’étude et mission de géotechnicien de-meure.Ces nomenclatures et quelques autres appellent différem-

Page 10: Géotechnique

10 4 L'ÉTUDE GÉOTECHNIQUE

ment les étapes et leur fixent des limites plus ou moinsdifférentes, sans trop modifier la progression ordonnée del’étude.La nomenclature APS, APD, SDT, DCE, CGT et RDTdu décret du 2/2/73 est passée dans le langage courant duBTP ; c’est la plus claire et la plus pratique pour définirétape par étape, la démarche générale de l’étude géotech-nique d’un grand aménagement ; celle de l’étude géotech-nique d’un ouvrage isolé peut être simplifiée, mais il estnécessaire de respecter le cheminement par étapes suc-cessives en allégeant éventuellement les moyens de cha-cune : limiter une telle étude au niveau des STD n’exclutpas qu’il faille définir et caractériser le site pour que l’ou-vrage lui soit correctement adapté ; un APS et un APDabrégés sont donc toujours indiqués.Hors nomenclatures, on appelle “faisabilité" une étapepréliminaire sommaire permettant d’esquisser les grandeslignes du projet et d’en orienter l’étude.

4.2.1 Avant projet sommaire (APS)

Loi MOP : parties d’ “Esquisse” et d’ “Avant-projet som-maire” - Norme NF P 94-500 : parties de G1 - SIT “Pré-liminaire”.Étude générale du site et de ses abords pour en définirles caractères géotechniques principaux et esquisser lesgrandes lignes de l'adaptation du projet au site.

• Moyens : géologie à petite échelle (1/20 000 à 1/5000) - télédétection - géophysique et sondages ra-pides.

• Résultats : le maître d'œuvre peut s’appuyer sur cesdocuments pour entreprendre l'étude du plan demasse du projet et établir un coût d'objectif provi-soire de son adaptation au sol.

• Rapport : schéma structural - plans et coupesgéotechniques schématiques à petite échelle (carteIGN, plan cadastral…) - commentaires généraux surl'aptitude du site à recevoir les aménagements proje-tés et définition des principes généraux d'adaptation.

Les étapes de l’étude - 1 Faisab. 2 APS. 3 APD. 4 STD.

4.2.2 Avant projet détaillé (APD)

Loi MOP : parties d’ “Avant-projet-sommaire” et d’“Avant-projet-définitif” (confusion possible : APD =Avant-projet-détaillé dans le décret du 2/2/73 et Avant-projet-définitif dans la loi MOP) - Norme NF P 94-500 :partie de G1 - AVP " Avant-projet”.Étude détaillée du site, permettant d'y limiter et d'y ca-ractériser géotechniquement les zones dans lesquelles lesméthodes de terrassements et les modes de fondations se-ront analogues.

• Moyens : géologie à grande échelle (1/1 000 à 1/200)- télédétection - géophysique - sondages et essaisd'étalonnage.

• Résultats : en utilisant ces documents, les implanta-tions des ouvrages, les niveaux des plates-formes desterrassements généraux, les niveaux des sous-solséventuels, les types, niveaux et contraintes admis-sibles des fondations ainsi que les caractéristiquesgénérales de toutes les parties d'ouvrage en relationavec le sous-sol, peuvent être définis par le maîtred'œuvre, pour adapter au mieux son projet aux par-ticularités du site, et pour préciser le coût d'objectifde son adaptation au sol.

• Rapport : plans et coupes géotechniques à grandeéchelle, sur fond de plan de géomètre - présenta-tion par zone, des méthodes d'exécution des terras-sements, des types de fondations envisageables…

Pour en minimiser le coût, la majeure partie des étudesgéotechniques se réduisent à cette étape ; ce n’est pas suf-fisant pour prévenir les dommages ou les accidents auchantier, à l’ouvrage, au voisinage et/ou à l’environne-ment, et cela limite la responsabilité du géotechnicien.

4.2.3 Spécifications techniques détaillées (STD)

Loi MOP : parties d’ “Avant-projet définitif” et d’ "Étudede projet” - Norme NF P 94-500 : G2 - PRO “Projet” etparties de G3 - EXE “Exécution”.Étude détaillée du sous-sol dans l’emprise de chaque ou-vrage, permettant de prévoir, à la précision demandée parle maître d'œuvre, les conditions d’exécution des déblais,des remblais, des fondations, des chaussées, aires et dal-lages, éventuellement des ouvrages et procédés spéciaux.

• Moyens : géologie à grande échelle (1/500 à 1/100)- télédétection - géophysique - sondages mécaniques- essais in situ et/ou de laboratoire.

• Résultats : le maître d'œuvre dispose des élémentsgéotechniques lui permettant de prédimensionnerles parties d'ouvrages en relation avec le sous-sol,de préparer les plans d'exécution et le descriptif.

Page 11: Géotechnique

4.3 Qualité du résultat de l’étude 11

• Rapport : plans, coupes et commentaires géotech-niques concernant chaque partie d'ouvrage en rela-tion avec le sous-sol.

4.2.4 Dossier de consultation des entreprises (DCE)

Loi MOP : parties d’ “Assistance au maître d’ouvragepour la passation des contrats de travaux” - Norme NFP 94-500 : G3 – EXE - “Exécution”.Spécifications géotechniques de la consultation ou de l’ap-pel d'offres puis du marché d'entreprise, concernant l’exé-cution de ces mêmes parties d'ouvrages.

• Moyens : utilisation des documents établis précé-demment, éventuellement complétés à la demande.

• Résultats : spécifications géotechniques de la consul-tation ou de l’appel d'offres puis du marchéd'entreprise, concernant l’exécution de ces mêmesparties d'ouvrages.

Les calculs et documents techniques sont soumis au géo-technicien qui vérifie, en ce qui concerne leur aspect géo-technique, que les hypothèses adoptées et les valeurs desparamètres utilisés, sont bien conformes à ses indications.Il n'a pas à se prononcer sur le choix des méthodes decalculs, sur leurs résultats, ainsi que sur les plans établis.En aucun cas, le géotechnicien n'assume, même partielle-ment, la conception technique de ces parties d'ouvrages.

4.2.5 Contrôle général des travaux (CGT)

Loi MOP : parties d’"Ordonnancement, Pilotage, Coor-dination” - Norme NF P 94-500 : parties de G3 – EXE -“Exécution” et G4 – SUP - “Suivi”.Assistance du maître d'œuvre pour l’exécution des tra-vaux et parties d'ouvrages en relation avec le sous-sol : discussions pour l’agrément des méthodes propo-sées ou appliquées par les entreprises - participationsaux réunions de chantier - interventions pour préciser undétail d'exécution mal défini, pour la prise de décisionconcernant les imprévus d'exécution et pour la réception.

• Moyens : à la demande et autant que de besoin, levésgéotechniques de détail sur le chantier - géophysique- sondages et/ou essais de contrôle.

• Résultats : le maître d'œuvre peut optimiser techni-quement et financièrement les parties d'ouvrage enrelation avec le sous-sol et, éventuellement, les mo-difier à la demande en cas d'imprévus. Le dossiergéotechnique des ouvrages pourra être consulté encas de dommage, de réhabilitation… Le géotechni-cien n’a pas l’obligation de surveillance permanentedes travaux correspondants et il n'a pas à en prendreles attachements. Ces missions font partie de cellesdu maître d'œuvre.

4.2.6 Réception des travaux (RDT)

Loi MOP : parties d’"Ordonnancement, Pilotage, Coor-dination” - Norme NF P 94-500 : parties de G3 – EXE -“Exécution” et G4 - SUP - “Suivi”.À la réception de l’ouvrage, l’ensemble de la documenta-tion recueillie lors de l’étude et de l’exécution, permettraitau géotechnicien d’être un expert objectif qui pourra ai-der à régler à l’amiable un contentieux éventuel - aléa géo-logique, souvent exagéré voire imaginaire -, au mieux desintérêts de chacun.

4.2.7 Éviter l’accident

Loi MOP : parties d’ “Ordonnancement, Pilotage, Coor-dination” - Norme NF P 94-500 : parties de G4 – SUP -“Suivi” et G5 – DIA - “Diagnostic géotechnique”.Le bon entretien d’un ouvrage n’est pas une mission nor-malisée. Or, durant la vie de l’ouvrage, le géotechnicienpourrait être amené à intervenir pour étudier le comporte-ment de l’ensemble site/ouvrage, expliquer un dommage,en permettre la réparation immédiate et peu onéreuse oumême éviter la ruine.

4.3 Qualité du résultat de l’étude

Pour des raisons de budget, de délais mais surtout par es-sence des problèmes d’adaptation site/ouvrage, on ne peutpas obtenir un résultat géotechnique indiscutable ; quoique l’on fasse, on ne peut pas connaître la structure et lecomportement du sous-sol d’un aménagement à la préci-sion de l’étude technique du projet et à celle des exigencesde construction : ils sont beaucoup plus compliqués queles modèles dont on dispose et les résultats numériquesdes calculs de géomécanique sont des ordres de grandeurqu’il faut tempérer par un “coefficient de sécurité" ; c’estdonc en prévisionniste que le géotechnicien doit se com-porter pour présenter les résultats pratiques d’une étudedont la précision est toujours relative.

5 Les applications de la géotech-nique

Les applications de la géotechnique sont innombrables,d’une très grande diversité, toujours uniques et pourcertaines d’une extrême complexité, aménagements, ou-vrages et travaux - terrassements, soutènements, fonda-tions, drainages -, exploitations de matériaux ou d’eausouterraine, prévention de pollutions, réhabilitation dessites pollués, stockages de déchets…, en fait tout ce quel’on peut creuser, construire, exploiter ou rejeter à la sur-face de la Terre.

Page 12: Géotechnique

12 6 LES RISQUES GÉOTECHNIQUES

5.1 Les aménagements

Les aménagements sont des opérations occupant des sur-faces plus ou moins étendues et comportant plusieursouvrages analogues ou différents : Zones urbaines, in-dustrielles (surface, souterrain) ; Aérodromes ; Aménage-ments « linéaires » (canalisations, routes, voies ferrées,canaux, cours d’eau, rivages marins) ; Champs de cap-tages…La géotechnique des aménagements définit le cadre del’opération, contrôle sa faisabilité, éventuellement pro-pose des variantes, divise le site en secteurs relativementhomogènes où des problèmes techniques analogues pour-ront recevoir des solutions analogues, repère d’éventuelssecteurs et endroits à risques de façon à les éviter ou àles traiter spécifiquement, valide les dispositions retenues,prépare les études détaillées de chaque ouvrage qui com-posent l’aménagement, permet l’évaluation du coûts del’opération…

5.2 Les ouvrages

Un ouvrage du BTP est une construction isolée ou unélément d’aménagement : Immeubles ; Usines ; Réser-voirs ; Barrages hydrauliques ; Ouvrages de soutènement– murs, gabions, parois ; Ouvrages d’art – ponts, viaducs,aqueducs ; Ouvrages portuaires – jetées, quais, écluses,formes ; Ouvrages de défense maritime ou fluviale –digues, épis…

De l’étude du site à la construction de l’ouvrage : pont - bâtiment

On détermine les conditions générales et particulièresdans lesquelles un ouvrage peut leur être adapté avec lemaximum de sécurité, d’efficacité et d’économie – éviterles dommages ou les accidents au chantier, à l’ouvrageet aux ouvrages voisins, optimiser le coût de l’ouvrage etla marche du chantier, organiser la maintenance et as-surer la durée fonctionnelle de l’ouvrage –, par les tra-vaux de construction de ses parties en relation avec le solet le sous-sol, définis en connaissance de cause – terras-sements, drainage ; type, profondeur d’encastrement, es-timation des contraintes que les fondations imposent aumatériau d’assise et adaptation de sa structure aux éven-tuels tassements qu’il pourrait subir… Cette démarche aun caractère général scientifique : par l’observation (géo-

logie), l’expérimentation (géotechnique), le calcul (géo-mécanique), elle permet de bâtir un modèle de formeet de comportement de l’ensemble site/ouvrage qui seraéprouvé (retour d’expérience) durant la construction, cequi amènera éventuellement de le modifier à la demandepour obtenir le modèle définitif, validé ou non à plus oumoins long terme par le comportement de l’ouvrage ache-vé.

5.3 Les travaux

Quand l’étude du projet d’un ouvrage est achevée, on dé-finit les travaux d’exécution de ses parties en relation avecle sol et le sous-sol du site - Terrassements ; Fondations ;Drainages ; Captages d’eau souterraine. Ces travaux per-mettent d’adapter l’ouvrage au site en terrassant son em-placement, éventuellement en y corrigeant des caractèresnaturels gênants et/ou en y prévenant les effets de phéno-mènes naturels dommageables, en établissant ses fonda-tions… ; cela peut se faire sur la base des études de l’ou-vrage, mais la préparation des travaux et leur suivi géo-technique évitent les négligences et/ou les erreurs d’inter-prétation d’études à l’origine de la plupart des difficul-tés de chantier et facilitent leur adaptation à d’éventuelsimprévus, à des situations compliqués… nécessitant descompléments d’étude spécifiques, notamment pour l’in-terprétation d’éventuels incidents ou accidents de chan-tier puis pour la définition et l’application des remèdes àleur apporter.

6 Les risques géotechniques

Articles détaillés : Risque naturel et Catastrophe natu-relle.

Selon les lieux et les circonstances, l’effet pervers non prisen compte dans l’étude d’un aménagement, d’un ouvrage,d’un chantier sur le voisinage et/ou l’environnement, l’ef-fet pernicieux d’un événement intempestif – l’aléa - na-turel, séisme, inondation… ou induit, tassement, glisse-ment, pollution…, imprévu ou mal prévenu sont des dan-gers que courent de nombreux aménagements, ouvrageset leurs alentours, en raison de leurs inadaptations à leurssites – vulnérabilité - et/ou aux circonstances. L’expres-sion de ce danger est la dérive économique, le dysfonc-tionnement, le dommage, l’accident, la ruine, la catas-trophe : le séisme abat l’immeuble, la tempête détruit ladigue, la crue emporte le pont, inonde le lotissement, lepavillon fissure sous l’effet de la sécheresse, les caves sontpériodiquement inondées, l’immeuble voisin d’une fouillefissure et/ou s’affaisse, la paroi moulée s’abat, le remblaiflue, la chaussée gondole, le talus de la tranchée routières’éboule lors d’un orage, le mur de soutènement s’écroule,le groupe de silos ou le réservoir s’incline, le barrage fuitou cède, le sol industriel et/ou la nappe aquifère sont pol-

Page 13: Géotechnique

13

lués, la ville manque d’eau en période d’étiage, le coût del’ouvrage en construction s’envole en raison d’un aléa géo-logique réel ou non…, on en passe et de pires. Un livreentier ne suffirait pas à énumérer les accidents géotech-niques majeurs ou mineurs, passés, présents ou futurs.Si le danger est clairement identifié et correctement étu-dié, on peut réduire le risque, s’en prémunir, en gérerl’expression qui est un sinistre susceptible d’être garantipar une assurance contractée par le maître d’ouvrage, lesconstructeurs, le propriétaire… ; si l’aléa est naturel et seseffets désastreux, les victimes sont indemnisées sur fondspublics au titre de “catastrophe naturelle”.

Phénomènes naturels dangereux (aléas) – Séismes – Mouvementsde terrain – Crues, inondations

Les causes humaines des accidents géotechniques sontsouvent nombreuses mais l’une d’elles est généralementdéterminante : - étude géotechnique absente, insuffi-sante, erronée, mal interprétée - vice ou modification in-adéquate d’usage : implantation irréfléchie, conceptioninadaptée, mise en œuvre défectueuse, malfaçons… -actions extérieures : phénomènes naturels, travaux voi-sins… Mais beaucoup plus que techniques, les causeseffectives sont comportementales : économies abusives,ignorance, incompétence, négligence, laxisme…Nous devons nous accommoder d’un événement éventuel-lement dommageable, éviter qu’il se produise ou d’être oùet quand il est susceptible de se produire ; nous devonsnous comporter, aménager et construire nos ouvrages entenant compte de l’éventualité de tels événements et dece que les juristes appellent le risque du sol. Car la na-ture n’est pas capricieuse, le sol n’est pas vicieux ; ils sontneutres. Les phénomènes, même paroxistiques, sont na-turels et les dommages, accidents, catastrophes sont hu-mains ; néanmoins, les textes législatifs, juridiques et ré-glementaires qualifient abusivement les risques et les ca-tastrophes de “naturels” et le sol de “vicieux”.

7 Économie

La géotechnique pratique est un marché dont le produitest l’étude qu’un maître d’ouvrage achète à un géotech-nicien pour savoir dans quelles conditions l’ouvrage qu’il

projette pourra être adapté au site dont il dispose pourle construire. C’est une opération commerciale composéeen grande partie de prestations matérielles, de loin les plusonéreuses, – sondages, essais, informatique – et en trèsfaible partie d’une prestation intellectuelle qui est pour-tant la principale. Elle est risquée pour le maître d’ou-vrage qui ne peut pas comparer concrètement les propo-sions des géotechniciens qu’il consulte ; il détermine géné-ralement son choix sur le prix d’une proposition commer-ciale, pas sur la qualité du produit dont il ignore s’il serabon quand il le commande et même s’il sera bon au mo-ment où il le paiera ; sur un site et pour un ouvrage don-nés, il peut comparer plusieurs propositions techniqueset financières, mais il ne peut pas commander plusieursétudes pour confronter leurs résultats.Sauf dans le cas de grands aménagements et ouvrages trèscomplexes et/ou très dangereux, le coût d’une étude géo-technique est marginal, négligeable, comparé au coût del’ouvrage qui la motive. Or dans tous les cas, les consé-quences financières d’une étude géotechnique douteuse,erronée, mal interprétée, négligée…, l’insuffisance oumême l’absence d’étude peuvent avoir de graves consé-quences financières. Si l’on s’en aperçoit lors de l’étudedu projet, on doit la compléter, en faire une autre oumême en faire une ; le surcoût géotechnique est alors limi-té. Mais, il n’est pas rare que l’on s’aperçoive que l’étudegéotechnique est défectueuse lors de la construction del’ouvrage ; les cas les plus classiques sont les erreurs dedéfinition ou de calage de fondations, de stabilité de talusou de parois, de débit de fouille… ; il faut alors arrêterle chantier, trouver et étudier une solution de remplace-ment, modifier l’ouvrage et sa construction… ; cela en-traîne évidemment des surcoûts et des allongements dedélais de construction qui peuvent être très élevés.Toutefois, il ne faut pas tomber dans l’excès contraire et,sous prétexte de coût marginal, surpayer une étude pouréviter tout risque : les résultats obtenus lors des premièresétapes d’une étude sont les plus importants ; ceux que l’onobtient ensuite sont complémentaires ou même font sou-vent double emploi avec ceux que l’on connaît déjà. L’in-térêt pratique d’une étude devient de plus en plus minceà mesure qu’elle se précise et le rapport précision/coût ouintérêt pratique, tend très vite vers une valeur asympto-tique. Il est donc souhaitable de contrôler constammentson déroulement, de façon à pouvoir l’arrêter à temps, àl’optimum de son intérêt. Ainsi, le maître d’ouvrage et lesconstructeurs ne seront pas tentés de la considérer commeune stérile obligation technique ou morale et apprécieronttout le bien-fondé de la démarche qui les a conduits à lafaire entreprendre.

8 Droit

La précision relative d’une étude géotechnique ne permetpas d’atteindre la certitude qu’exige le droit pour lequelil importe de ne rien laisser au hasard et de ne prendre

Page 14: Géotechnique

14 10 NOTES ET RÉFÉRENCES

aucun risque. Elle aide seulement à estimer la probabilitédes corrélations d’un fait géotechnique et de ses causes oude ses conséquences supposées et à obtenir des résultatsplus ou moins convenables selon la difficulté du projet,la complexité du site, l’état des connaissances technico-scientifiques du moment et l’étape de l’étude à laquelle lamission du géotechnicien est limitée ; la sécurité absoluequi correspond à la probabilité rigoureusement nulle devoir se produire un dommage à l’ouvrage ou un accidentest une vue de l’esprit.En France, selon l’article 1792 du Code Civil - loi Spi-netta et Code des assurances - : Tout constructeur d’unouvrage est responsable de plein droit, envers le maître oul’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultantd’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrageou qui, l’affectant dans l’un de ces éléments constitutifs oul’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sadestination.En cas de dommages au gros œuvre d’un bâtiment, etmaintenant de plus en plus d’un ouvrage quelconque, sansmême vérifier s’ils affectent sa solidité et le rendent im-propre à sa destination, conditions d’application de la loi,on évoque, souvent a priori, un défaut de fondation ré-sultant d’un “vice du sol”, alors qu’ils résultent presquetoujours de défauts techniques et/ou constructifs.Le « vice du sol » est un concept juridique non défini,dont on fait souvent une notion technique pour reprocherau géotechnicien de l’avoir négligé.

9 Bibliographie

: document utilisé comme source pour la rédactionde cet article.

• Pierre Martin - Géotechnique appliquée au BTP -Eyrolles, Paris, 2008.

• Henri Cambefort - Introduction à la géotechnique -Eyrolles, Paris, 1971

• Karl von Terzaghi et Ralph B. Peck -Mécanique dessols appliquée aux travaux publics et aux bâtiments -Dunod, Paris, 1961

10 Notes et références

10.1 Notes[1] par exemple plus en aval, le pont de Tancarville est fondé

sur des pieux en béton ancrés dans le même cailloutis

10.2 Références[1] (de) Karl Terzaghi, Erdbaumechanik auf bodenphysikali-

scher grundlage, Leipzig, Vienne, F. Deuticke, 1925.

[2] (en) Karl Terzaghi et Ralph B. Peck, Soil Mechanics inEngineering Practice, Hoboken, John Wiley & Sons, 7 fé-vrier 1996, 3e éd., 549 p., (édition posthume publiée parGholamreza Mesri).

[3] Maurice Buisson, Essai de géotechnique : 1. Caractèresphysiques et mécaniques des sols, t. 1, Dunod, 1942, 336p.

[4] Profil général pour les murs de soutènement.

[5] La manière de fortifier selon la méthode du maréchal deVauban, in Traité de la défense des places – 1687

[6] Norme française NF P 94-500 - en ligne http://u-s-g.org/mission-geotechnique.asp?idpage=9&titre=

• Portail du bâtiment et des travaux publics

• Portail de la géologie

Page 15: Géotechnique

15

11 Sources, contributeurs et licences du texte et de l’image

11.1 Texte• Géotechnique Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9otechnique?oldid=107086769 Contributeurs : Ske, Nguyenld, Phe-bot,

Korrigan, K !roman, Leag, Korg, Roland45, MagnetiK, Plyd, Cro-Maat, Jerome66, B-noa, MMBot, Jean-Christophe BENOIST, Riù, Pau-tard, Milou-Milette, Pld, Anna-b, ChoumX, Lamiot, Ptitflup, Jm2k, Thijs !bot, Chaoborus, Rémih, JAnDbot, Manuguf, Nono64, Com-monsDelinker, Nerijp, VonTasha, Swn nos, Arnopiz, Salebot, Speculos, Zorrobot, MenasimBot, Ptbotgourou, Ragnarok666, Bloody-libu,Daniel Yssol, HerculeBot, ZetudBot, Juraastro, Luckas-bot, Reisserei, Nouill, Lomita, ZéroBot, WikitanvirBot, MerlIwBot, 5053PM, En-revseluj, Almohandiss2013, OrikriBot, Addbot et Anonyme : 26

11.2 Images• Fichier:Applications-development.svg Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9d/Applications-development.svgLicence : Public domain Contributeurs : The Tango ! Desktop Project Artiste d’origine : The people from the Tango ! project

• Fichier:Monocline01.gif Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/f0/Monocline01.gif Licence : CC-BY-SA-3.0Contributeurs : Transferred from en.wikipedia ; Transfer was made by User:Mikenorton.Artiste d’origine :Original uploader was Mikenortonat en.wikipedia

• Fichier:Nuvola_apps_ksig_horizonta.png Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/58/Nuvola_apps_ksig_horizonta.png Licence : LGPL Contributeurs : http://www.icon-king.com Artiste d’origine : David Vignoni

• Fichier:PM.A50.jpg Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/ff/PM.A50.jpg Licence : CC-BY-SA-3.0 Contribu-teurs : ? Artiste d’origine : ?

• Fichier:PM.Alea3.jpg Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9d/PM.Alea3.jpg Licence : CC-BY-SA-3.0 Contribu-teurs : Travail personnel Artiste d’origine : 5053PM - at wikipedia : article Pierre Martin (géotechnique)

• Fichier:PM.Disciplines.jpg Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/db/PM.Disciplines.jpg Licence : CC-BY-SA-3.0 Contributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : 5053PM - at fr.wikipedia : user :5053PM and article :Pierre Martin (géotechnicien)

• Fichier:PM.Déblais.jpg Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/ff/PM.D%C3%A9blais.jpg Licence : CC-BY-SA-3.0 Contributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : 5053PM

• Fichier:PM.Fond15.jpg Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/12/PM.Fond15.jpg Licence : CC-BY-SA-3.0Contributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : 5053PM at fr.wikipédia : article Pierre Martin (géotechnicien)

• Fichier:PM.Malpasset.jpg Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/17/PM.Malpasset.jpg Licence : CC-BY-SA-3.0Contributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : 5053PM

• Fichier:PM.Moyens.jpg Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/33/PM.Moyens.jpg Licence : CC-BY-SA-3.0Contributeurs : ? Artiste d’origine : ?

• Fichier:PM.Mécasol1.jpg Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/dd/PM.M%C3%A9casol1.jpg Licence : GFDLContributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : 5053PM - at fr.wikipedia : user :5053PM and article :Pierre Martin (géotechnicien)

• Fichier:PM.Mécasol2.jpg Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/bb/PM.M%C3%A9casol2.jpg Licence : CC-BY-SA-3.0 Contributeurs : Travail personnelArtiste d’origine : 5053PM - at fr.wikipedia : user :5053PM and article :Pierre Martin (géotechnicien)

• Fichier:PM.Nantua.JPG Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a4/PM.Nantua.JPG Licence : GFDL Contribu-teurs : Travail personnel Artiste d’origine : 5053PM - at fr.wikipedia : user :5053PM and article :Pierre Martin (géotechnicien)

• Fichier:PM.Serre_Ponçon.jpg Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9d/PM.Serre_Pon%C3%A7on.jpg Licence :CC-BY-SA-3.0 Contributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : 5053PM

• Fichier:PM.ViaducA75.jpg Source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9e/PM.ViaducA75.jpg Licence : CC-BY-SA-3.0 Contributeurs : Travail personnel Artiste d’origine : 5053PM

11.3 Licence du contenu• Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0