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Les truites du bassin de la Haute-Sûre sont-elles autochtones ? Voilà une question simple et légitime pour le pêcheur, le scientifique ou le gestionnaire. Mais les questions les plus simples aboutissent souvent à des réponses compliquées qui engendrent une cascade d’autres questions ! C’est pour tenter d’y voir plus clair que nous vous proposons une série d’articles issus de l’expérience du projet MigraSûre (voir premier article dans le P. B. de décembre 2012), porté par le Parc naturel Haute-Sûre Forêt d’Anlier en partenariat avec la Région Wallonne, l’Université Catholique de Louvain et la Fédération halieutique de bassin. Après une année d’échantillonnage, les premières conclusions viennent de tomber. Petit focus sur les résultats préliminaires des analyses génétiques, et en particulier le niveau d’hybridation entre souches locales et domestiques…
2. ETUDE GÉNÉTIQUE : LES PREMIERS RÉSULTATSN. Mayon (Parc naturel Haute-Sûre Forêt d’Anlier)
24 Le Pêcheur Belge - Mai 2013
LES TRUITES AUTOCHTONES EN HAUTE-SÛRE
Identifier et protéger
DÉFINIR LES RÉFÉRENTIELS
L’un des aspects de l’étude génétique
consiste à pouvoir dire si une truite donnée,
capturée dans un cours d’eau, est un pois-
son issu d’une souche « rivière » ou d’une
souche « pisciculture ». En gros, cette analyse
consiste à trier les poissons et à les classer
dans l’un ou l’autre groupe. La première
chose à faire était donc de caractériser ces
deux référentiels ! Une enquête auprès des
différentes sociétés de pêche du bassin nous
a permis de définir les principaux élevages
auxquels chaque groupement a eu recours
pour ses déversements. Nous nous sommes
alors rendus dans chaque pisciculture pour
prélever un morceau de nageoire sur une
cinquantaine de poissons. D’autre part, nous
avons aussi échantillonné un petit nombre de
cours d’eau supposés peu impactés par les
sujets d’élevage (amont d’obstacles, zones
sans société de pêche, cours d’eau sans dé-
versement…).
Nous avons ensuite entré ces données dans
un programme informatique qui trie les pois-
sons sur la base de leurs caractéristiques gé-
nétiques. C’est ainsi que nous avons décou-
vert l’existence de deux groupes distincts :
le premier rassemble tous les échantillons
prélevés en pisciculture tandis que le second
regroupe les truites capturées dans les cours
d’eau (figure 1). A noter que certaines truites
capturées en rivière ont été rangées avec
les poissons de pisciculture, preuve que les
cours d’eau sélectionnés comme « a priori
préservés » abritaient malgré tout quelques
poissons plus ou moins typés « pisciculture ».
Ces poissons ont bien entendu été suppri-
més du groupe de référence « rivière ».
De cette première étape, on peut déjà rete-
nir deux choses. Premièrement, les poissons
de pisciculture sont génétiquement très
semblables entre eux, peu importe leur éle-
vage d’origine. Deuxièmement, les poissons
autochtones du bassin de la Sûre sont réel-
lement différents au niveau génétique des
poissons d’élevage.
ESTIMER L’INTROGRESSION DANS DIFFÉRENTES POPULATIONS
Une fois les référentiels établis, nous pou-
vions nous lancer dans l’étude des popula-
tions de différents cours d’eau. Lors de cette
première année, 20 stations ont été échantil-
lonnées. Pour ce faire, le programme infor-
25Le Pêcheur Belge - Mai 2013
matique STRUCTURE 2.2 a analysé chaque
poisson pour donner la proportion de géno-
types « rivière » et « pisciculture » présents
dans chaque truite. La figure 2 montre les
résultats de cette analyse : plus il y a de rouge
dans l’échantillon, plus l’hybridation par les
sujets d’élevage est importante. A l’inverse,
plus le graphique est vert, plus la population
est préservée.
Grâce à ces résultats, nous avons pu caracté-
riser chaque poisson étudié comme étant soit
un poisson typé « rivière », « pisciculture » ou
un hybride. La figure 3 montre la proportion
des différents types génétiques dans les sec-
teurs étudiés, ainsi que le taux d’hybridation
moyen de la population (qu’on appelle le
coefficient d’introgression). On remarque
qu’il existe de grandes disparités entre les
cours d’eau du bassin. Certaines populations
apparaissent encore relativement préservées
(faible coefficient d’introgression, majorité de
poissons assignés au type « rivière ») tandis
que d’autres sont nettement plus hybridées
par les souches d’élevage. Sur quelques cours
d’eau, l’introgression est même totale : tous
les poissons sont assignés aux souches de
pisciculture. Sans surprise, ce sont principale-
ment les secteurs où la pêche est interdite ou
peu pratiquée qui sont les plus préservés au
niveau génétique. Les linéaires concernés par
une société de pêche, une pisciculture ou des
étangs de pêche privés abritent quant à eux
des populations introgressées à des niveaux
divers. Il va sans dire que la priorité doit être
donnée à la protection des quelques popu-
lations autochtones encore préservées dans
le bassin. Celles-ci constituent un patrimoine
biologique inestimable, unique et extrême-
ment fragile car le problème avec l’introgres-
sion, c’est que ce qui a été perdu l’est défini-
tivement…
Les analyses génétiques réalisées ne se
limitent pas à l’étude de l’introgression.
D’autres paramètres sont également sui-
vis pour permettre d’affiner le diagnostic
(comme la diversité génétique au sein d’une
population, la distance génétique entre popu-
lations, l’existence de phénomènes de dérive
génétique ou de consanguinité…). Mais ne
compliquons pas trop les choses ! Pour plus
de clarté, ceci sera abordé dans un article ul-
térieur… Car bien sûr, d’autres populations
viendront s’ajouter à l’analyse suite aux pro-
chains échantillonnages de cette année 2013.
Nous disposerons alors d’un « atlas géné-
tique » des populations de truites du bassin
de la Sûre. Cette base de travail pourra vrai-
semblablement orienter la gestion piscicole à
venir des cours d’eau du bassin.
ET LES AMÉNAGEMENTS ? LE CAS DE LA STRANGE
Dans le bassin de la Strange, plusieurs obs-
tacles à la libre circulation des organismes
aquatiques ont été relevés lors de différents
L’un des aspects de l’étude génétique consiste à pouvoir dire si une truite donnée, capturée dans un cours d’eau, est un poisson issu d’une souche « rivière » ou d’une souche « pisciculture ».
Figure 1 : l’analyse statistique confirme que les poissons typés « pisciculture » (en jaune) et les poissons typés « rivière » (en bleu) forment bien deux groupes génétiques distincts. Chaque point représente une truite. Plus deux points sont éloignés, plus ces poissons sont différents l’un de l’autre.
inventaires. Certains obstacles ont déjà fait
l’objet d’un d’aménagement (prise d’eau du
moulin de Hollange, confluence avec le ruis-
seau des Hargeais…). Néanmoins, un obs-
tacle prioritaire continue de poser des pro-
blèmes de continuité écologique sur le cours
principal de la Strange. Il s’agit d’une chute sur
roche affleurante au niveau du franchisse-
ment de l’ancienne voie du tram « Bastogne
– Arlon ».
Nous avons étudié l’opportunité de lever cet
obstacle en nous basant sur les caractéris-
tiques génétiques des truites du cours d’eau.
Dans un premier temps, un inventaire hydro-
morphologique détaillé de toute la masse
d’eau a mis en évidence que les meilleures
zones de frayères se retrouvent sur l’amont
et sont quasi absentes en aval de l’obstacle.
Ce travail confirme donc qu’un aménage-
ment de l’obstacle permettra de restaurer
l’accès à des zones de frai de bonne qualité
et sera bénéfique pour les populations de
l’ensemble du cours d’eau.
En outre, l’analyse génétique des popula-
tions de truites sur trois stations (aval de
l’obstacle / amont direct de l’obs-
tacle / tête de bassin) a
permis de conclure
que la levée de l’obs-
tacle ne constitue pas
une menace pour les
truites autochtones.
De fait, les souches
« rivière », présentes
en aval (environ un
tiers de la population), sont quasi absentes en
amont de l’obstacle et ont même totalement
disparu sur les têtes de bassin. Sans doute
l’importante pollution aux hydrocarbures
survenue en 1998 (voir article de N.-H. Bal-
zat dans le Pêcheur Belge n°7 de septembre
1998) n’est-elle pas étrangère à la situation.
A l’époque, les populations piscicoles de la
Strange ont été dévastées sur les 8 premiers
kilomètres du cours d’eau.
La recolonisation
du secteur tou-
ché s’est presque
totalement refaite
via des repeuple-
ments car l’aval du
cours d’eau était
alors déconnecté par
un ouvrage infranchis-
sable (aujourd’hui aménagé)
empêchant toute remontée.
La présence d’une piscicul-
ture, source d’échappées régulières vers le
cours d’eau, ainsi que les déversements réa-
lisés par la société de pêche locale (adultes
et truitelles) auraient ainsi contribué à re-
former la population que nous connaissons
aujourd’hui et dont le génotype est entière-
ment typé « pisciculture ».
Le fait d’aménager l’obstacle ne peut donc
être que positif : il permettra aux poissons de
l’aval de gagner les frayères de bonne qualité
situées en amont pour s’y reproduire et ainsi
renforcer les populations du cours d’eau. Les
travaux d’aménagement (passe à poissons na-
turelle en rampe d’enrochements) sont pré-
vus pour la fin de l’été. Il sera assurément in-
téressant de suivre l’évolution génétique des
truites de la Strange après que la continuité
écologique ait été rétablie afin de voir dans
quelle mesure les truites de souche sont ca-
pables de recoloniser l’amont du cours d’eau.
Plus que certainement une affaire à suivre !
26 Le Pêcheur Belge - Mai 2013
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La prése
Figure 2 : ce graphique montre l’assignation de chaque truite à un type génétique. Chaque trait vertical dans un échantillon correspond à une truite. Le trait donne la proportion de génotypes « rivière » (vert) et « pisciculture » (rouge) dans chaque poisson.
Figure 3 : cartographie de l’introgression dans les secteurs du bassin de la Sûre étudiés en 2012. Les « camemberts » illustrent, pour chaque station, la proportion de truites « rivière »
(bleu), « pisciculture » (rouge) et « hybrides » (vert). Les valeurs affichées sont les coefficients d’intro-gression, c’est-à-dire le pourcentage de génotypes « pisciculture » observés dans chaque population.
Un obstacle majeur (1,3 m de haut) est d’ores et déjà à l’étude sur la Strange pour des travaux prévus fin de l’été 2013. Son aménagement permettra de reconnec-ter 46 km de cours d’eau situés en amont, dont les meilleures frayères de la masse d’eau.
27Le Pêcheur Belge - Mai 2013
Nous vous proposons ici 9 photos de truites qui ont été analysées
et caractérisées génétiquement. On y retrouve 3 poissons typés
« pisciculture » (P), 3 poissons « rivière » (R) et 3 hybrides (H). Se-
rez-vous capable de les identifier ? Nous vous invitons à compléter
le coupon-réponse ci-dessous (entourez la réponse de votre choix
dans le tableau) et à nous le renvoyer par courrier postal ou par
e-mail (voir adresses ci-dessous). Trois gagnants seront désignés en
fonction des résultats et un tirage au sort sera effectué en cas d’ex-
æquo (1er prix pour la personne ayant le plus de bonnes réponses,
etc.). Bonne chance à tous !
1er prix : un an d’abonnement au magazine Le Pêcheur Belge
+ lot offert par le Parc naturel Haute-Sûre Forêt d’Anlier.
2ème prix : lot offert par le Parc naturel Haute-Sûre Forêt d’Anlier.
3ème prix : un an d’abonnement au magazine Le Pêcheur Belge.
Coupon à renvoyer au Parc naturel Haute-Sûre Forêt d’Anlier :Maison du Parc naturel – Concours truite – Chemin du moulin, 2 – B-6630 MARTELANGE – [email protected]
JEU-CONCOURSLes premiers résultats ont prouvé que les truites autochtones et les truites domestiques sont différentes génétique-ment. Mais attention, ça ne veut pas dire qu’il est possible de les distinguer visuellement ! S’il est vrai que certains poissons d’élevage sont parfois faciles à reconnaître, il est impossible de se prononcer avec certitude dans la plu-part des cas… Comme chaque poisson analysé a été photographié, nous avons pu nous essayer au jeu des pronos-tics. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ce n’est pas si évident qu’il n’y paraît, n’en déplaise à certains d’entre nous qui s’estimaient capables à coup sûr de pouvoir reconnaître « une vraie sauvage » d’un poisson d’élevage !
Le projet MigraSûre est cofinancé par l’Union européenne
(Fonds Européen pour la Pêche) et la Région Wallonne. Il
est mené en partenariat avec l’UCL et la Fédération des
Sociétés de pêche du bassin de la Sûre belge.
Parc naturel Haute-Sûre Forêt d’Anlier
Chemin du moulin 2, à B-6630 Martelange
E-mail : [email protected]
Avec le Fonds Européen pour la Pêche, investissons dans
une pêche durable
COUPON - RÉPONSE :
Ma solution :
Poisson 1 Poisson 2 Poisson 3
P – R – H P – R – H P – R – H
Poisson 4 Poisson 5 Poisson 6
P – R – H P – R – H P – R – H
Poisson 7 Poisson 8 Poisson 9
P – R – H P – R – H P – R – H
Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Tél. : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
E-mail : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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