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Résumé exécutif1
1 | Objectif du rapport et méthodologie
Ce rapport analyse la diligence raisonnable en matière de
droits humains et d’environnement de l’entreprise suisse de
matières premières Glencore en République démocratique
du Congo (RDC). La diligence raisonnable est un concept
internationalement reconnu et défini dans les « Principes di-
recteurs des Nations Unies pour les entreprises et les droits
humains ». La diligence raisonnable est mesurée pour les
aspects suivants: relations avec les communautés, accès à
l’eau, droit à la santé, droit à l’alimentation et droit à un re-
venu. Les programmes de responsabilité sociale ainsi que les
aspects fiscaux et de corruption sont également brièvement
analysés.
Il s’agit du quatrième rapport que Pain pour le prochain (PPP) et Action de Carême (AdC) publient sur les activités de
Glencore en RDC. Ce rapport est basé sur le travail de re-
cherche de l’Observatoire africain des ressources naturelles
(AFREWATCH) et du Centre d’aide juridico-judicaire (CAJJ) entre
2014 et 2018. Il fait également suite à une visite de terrain de
Pain pour le prochain en mai 2018.
2 | Glencore et ses filiales en RDC
Glencore est l’une des plus grandes entreprises de négoce et
d’extraction de matières premières du monde. Elle est basée à
Baar dans le canton de Zoug. Le groupe Glencore est
actif dans la production et le négoce de 90 matières premières.
Il emploie 146 000 personnes à travers le monde. En RDC, Glen-
core détient deux entreprises : Mutanda Mining Sàrl (MUMI) qui
est une mine de cuivre et de cobalt à ciel ouvert, ainsi que
Kamoto Copper Company Sàrl (KCC) qui est un ensemble de
mines de cuivre et de cobalt. Ces deux entreprises sont situées
à proximité de la ville de Kolwezi et emploient un total de 22 000
employé·e·s. KCC et MUMI détiennent parmi les plus grandes
réserves de cuivre et de cobalt au monde, faisant de Glencore
un des plus gros producteurs de cuivre et de cobalt au niveau
1 Ce document est le résumé de l’étude complète sur Glencore en RDC qui est disponible sur le lien suivant : www.voir-et-agir.ch/report-glencore-18
Poussières soulevées par un camion transportant du cuivre sur la route de Luilu. | © Meinrad Schade.
Glencore en RD Congo :
diligence raisonnable incomplète
Glencore en RD Congo 2
mondial. Ces dernières années, la production de cobalt de
Glencore a fortement augmenté, suite à une hausse de la de-
mande de cobalt notamment pour fabriquer des batteries pour
les voitures électriques.
3 | Droit à l’alimentation et pollutions
3.1 | Pollution de Moloka en 2013–2014Des déversements en provenance de l’entreprise MUMI ont
entrainé des dégâts aux cultures et aux champs de 26 familles
paysannes à Moloka sur une période d’une année en 2013–14.
Moloka est un lieu-dit situé à la limite sud-ouest de la conces-
sion de MUMI. Au total, les terres ont été détruites sur une
superficie totale de 23,85 hectares. Parmi les produits agricoles
détruits figuraient le manioc, le maïs, le riz, les haricots, les
ananas et les bananiers. La pollution fut si étendue qu’elle est
visible sur des images prises par satellite. Dans un premier
temps, MUMI n’a pas réagi aux plaintes des paysan·ne·s. Dans
un deuxième temps, MUMI a nié, dans une lettre, avoir causé
une pollution dans les champs. Après que le CAJJ ait fait un
intense travail d’analyse et de plaidoyer et ait alerté les autori-
tés, MUMI a accepté de dédommager
les 26 familles qui ont reçu un total de
USD 65‘330 pour les cultures endom-
magées. Mais MUMI n’a pas versé de
dédommagement pour la destruction
des terres qui sont désormais impropres
à la culture. Ceci est regrettable car se-
lon l’article 281 du Code minier, Glen-
core devrait également payer une in-
demnité pour « toute modification
rendant le terrain impropre à la culture ».
Les 26 paysan·ne·s n’ont à l’heure ac-
tuelle pas d’autres terres à cultiver. MUMI a commencé une
dépollution des terres mais les arbres plantés ne poussent que
lentement. Le CAJJ a constaté qu’une partie seulement des
23,85 hectares pollués ont été réhabilités.
Il est à noter que MUMI a toujours refusé de publier ses
analyses environnementales détaillant la nature des polluants,
malgré les appels à la transparence des paysan·ne·s et du CAJJ.
3.2 | Pollution de Moloka en 2018D’après une enquête du CAJJ, le 9 janvier 2018 au matin, les
membres de la communauté de Moloka ont constaté que des
eaux usées en provenance de l’entreprise MUMI, de coloration
noirâtre et dégageant une odeur nauséabonde, ont inondé un
certain nombre des champs de paysan·ne·s. D’après Glencore,
il s’agirait d’un déversement mineur d’huile usée qui s’était
produit à la clôture qui n’avait provoqué aucun impact sur les
cours d’eau ou les zones environnantes.
3.3 | Pollution de Kaindu en 2017En avril 2017, un déversement s’est produit durant la nuit depuis
la barrière de MUMI vers les champs de Kaindu, un village de
quelques centaines d’habitant·e·s dont les champs sont situés
à la limite sud de la concession de MUMI. Les paysan·ne·s ont
constaté que des poissons et des grenouilles étaient mortes
durant la nuit du déversement. Certaines cultures ont subi des
dommages d’après les paysan·ne·s interrogé·e·s. Les 32 pay-
san·ne·s affecté·e·s ont demandé des informations sur ce qui
s’était produit, sur l’ampleur de la pollution et sur les substances
qui se sont déversées. Malheureusement, les paysan·ne·s ne
disposaient pas des moyens nécessaires pour prélever et faire
analyser des échantillons de terres ou d’eau. Les 32 pay-
san·ne·s ont demandé des dédommagements à MUMI, ce que
l’entreprise refuse de payer affirmant que le déversement non
planifié n’a pas affecté des zones avec des cultures.
MUMI a toujours refusé de publier ses analyses environne-
mentales détaillant la nature des polluants, malgré les appels à
la transparence des paysan·ne·s et du CAJJ. MUMI a décrit la
nature du déversement de manière évasive en parlant d’une
solution mixte de boue de résidus composés de 50 % de solides.
Quelques heures après ce déversement, une paysanne de
Kaindu s’est rendue à ses champs et a traversé la rivière dans
laquelle le déversement s’est produit. Cette paysanne s’est par
la suite plainte de problèmes de santé. Cette paysanne, qui
s’est endettée pour couvrir ses frais
médicaux, demande une compen-
sation à Glencore, qui a jusqu’à
présent refusé mais s’est toutefois
déclarée ouverte à réexaminer le
cas en novembre 2018.
3.4 | Pollution de Tshamundenda en 2018En janvier 2018, lors de fortes
pluies, une digue a cédé à l’intérieur
du site de KCC, provoquant un dé-
versement de NASH (hydrosulfate de sodium, un produit
chimique basique sous forme de liquide de couleur noire) dans
un drain sur une distance de 4 kilomètres à l’extérieur de la
concession de KCC dans le quartier de Tshamundenda. Ce dé-
versement a endommagé des cultures dans de nombreux
champs et jardins. Des étangs piscicoles ont également été
touchés, dans lesquels les poissons ont été tués. Un total de
460 ménages sont touchés. La personne la plus touchée est le
propriétaire d’étangs piscicoles : son dommage se chiffre selon
lui à un montant de USD 14 000. Les sols des champs et jardins
contaminés n’ont pas encore été nettoyés et nombreux sont
encore inutilisables. KCC a donné une assistance financière aux
460 ménages pour les dommages aux cultures (la plupart des
personnes interrogées ont déclaré être satisfaites des paie-
ments faits par KCC). Le propriétaire des étangs a estimé que
le dédommagement était trop faible pour compenser le dom-
mage subi mais il a malgré tout accepté un paiement de KCC
de USD 5 925. Les montants des dédommagements ont été
calculés par AGRIPEL (Ministère de l’agriculture, pêche et éle-
vage). KCC n’a pas procédé à une dépollution des champs et
jardins mais a proposé aux ménages touchés de se regrouper
« Pain pour le prochain et Action de Carême exigent de Glencore qu’ils s’engagent à compenser les paysans pour les pertes de récoltes et de revenus mais aussi pour les terres rendues impro pres à la culture. »
Glencore en RD Congo 3
en associations pour intégrer son programme de développe-
ment afin de leur fournir des engrais et des semences. Il est
regrettable que KCC ne parle pas d’indemnité au sens de l’ar-
ticle 280 (indemnité pour dommages causés aux cultures) et
de l’article 281 (indemnité pour modification rendant le terrain
impropre à la culture) du Code minier. KCC se contente d’une
« assistance financière » sans reconnaitre sa responsabilité
dans la destruction des cultures et la pollution des sols.
3.5 | Pollution de Tshamundenda en 2015Le déversement de janvier 2018 fait suite à un autre déverse-
ment trois ans plus tôt aussi à Tshamundenda, en février 2015
(60 mètres cubes d’acide sulfurique déversés d’un camion qui
s’est renversé devant l’entrée de l’usine de KCC). Glencore a
affirmé avoir neutralisé et nettoyé le drain où le déversement
a eu lieu.
3.6 | Evaluation des pollutionsCes pollutions et ces « déversements involontaires » réguliers
ont clairement un impact négatif sur le droit à l’alimentation des
populations qui vivent autour des sites miniers de KCC et MUMI.
Même si des compensations sont versées, les paysan·ne·s se
retrouvent avec des champs ou des jardins impropres à la
culture. PPP et AdC exigent de KCC et MUMI qu’ils :
• mettent en place des mesures plus efficaces de prévention
des accidents environnementaux afin que ce genre de pol-
lutions ne se reproduisent plus ;
• communiquent de façon ouverte et transparente avec les
communautés, en expliquant ce qui s’est produit, quelles
substances ont été déversées et leur toxicité ;
• effectuent rapidement un constat des dégâts et dommages
subis par les populations locales en présence de représen-
tant·e·s du gouvernement et d’ONG soutenant les commu-
nautés (notamment le CAJJ) ;
• s’engagent à respecter l’article 281 du Code minier et à
prendre des mesures de dépollution/assainissement des
sites endommagés ;
• s’engagent à compenser les paysan·ne·s pour les pertes de
récoltes et de revenus mais aussi pour les terres rendues
impropres à la culture.
4 | Droit à la santé impacté par les poussières
Dans les cités de Musonoi et Luilu, durant la saison sèche (avril
à octobre), les habitant·e·s souffrent de la poussière qui provient
du passage des camions de KCC et d’autres entreprises ainsi
que de véhicules privés. A Musonoi, les poussières proviennent
également des remblais des résidus miniers de KCC qui sont très
proches des habitations. Dans son rapport annuel de 2017, KCC
reconnait que les poussières ont un impact négatif sur la popu-
lation. KCC affirme être la principale entreprise qui prend des
mesures pour diminuer les émissions de poussières, en entre-
tenant la route et en mettant en place des mesures contre les
poussières comme l’arrosage de la route et l’utilisation d’autres
produits spécifiques. Les membres des communautés interrogés
affirment que l’arrosage ne se fait pas à fréquence suffisante
pour empêcher les très importantes émissions de poussières.
En effet, Pain pour le prochain a mesuré en mai 2018 des
valeurs entre 150 et 250 µg/m3 de matières particulaires gros-
Champ pollué à Moloka (mai 2018). | © Meinrad Schade.
Glencore en RD Congo 4
sières (<10µm, aussi appelées PM10) dans les cités de Musonoi
et Luilu et jusqu’à et 500 µg/m3 sur leurs routes d’accès. Ceci
correspond à respectivement 3 et 10 fois plus que la moyenne
journalière recommandée par l’OMS (50 µg/m3) pour les matières
particulaires grossières (PM10). D’après l’OMS, ces matières par-
ticulaires causent des maladies respiratoires dans la population.
D’après les représentant·e·s de trois centres de santé dans le
quartier de Musonoi, les maladies respiratoires sont courantes
parmi la population du quartier de Musonoi. Les routes ne sont
pas asphaltées. Un autre problème causé par les poussières
sont les accidents de la route.
Une route de contournement est en construction par le
Gouvernement local qui pourrait partiellement régler ce pro-
blème à l’avenir. De plus, sur la route menant à Musonoi, un
tronçon de 13 kilomètres est en train d’être asphalté par une
entreprise privée pour le compte du gouvernement local.
Malgré les mesures prises, les activités de Glencore ont un
impact négatif sur le droit à la santé des populations des quar-
tiers de Musonoi et de Luilu. L’asphaltage d’une portion de la
route de Musonoi pourrait bientôt changer la situation et réduire
en partie les poussières. Par contre, le
problème des poussières provenant
des remblais à Musonoi restera entier.
PPP et AdC exigent que KCC mette
en place des mesures de suppression
des poussières par un arrosage effi-
cace des routes durant la saison sèche
afin de faire cesser cet impact négatif
sur le droit à la santé.
5 | Relations avec les communautés
Dans chaque quartier autour de KCC et dans chaque village
autour de MUMI, Glencore a recruté des chargé·e·s du social
ainsi que des agent·e·s de liaison. Ces chargés du social et
agents de liaison qui travaillent pour KCC et MUMI ont des
discussions régulières avec les communautés.
D’après Glencore, KCC a principalement des contacts
avec le représentant administratif d’une communauté (norma-
lement le chef de quartier), avec les comités des communau-
tés et d’autres groupes, comme des coopératives, des asso-
ciations et des chefs coutumiers. Dans les communautés, des
membres sélectionné·e·s par la communauté forment un co-
mité et occupent ce rôle durant trois ans. KCC et MUMI affir-
ment utiliser les médias locaux (radio et TV) pour informer les
communautés.
6 | Consultations de KCC en 2017
Comme l’exige le Code minier congolais, KCC a mené des
consultations en 2017 dans les quartiers alentours, dont
Musonoi et Luilu et a commissionné la rédaction d’une nouvelle
Etude d’Impact Environnemental et Social (EIES). Contraire-
ment aux années précédentes, AFREWATCH, le CAJJ et d’autres
ONG ont été invitées aux séances de consultation. D’après un
rapport de AFREWATCH, ces consultations étaient lacunaires
et ne correspondaient pas aux meilleures pratiques exigées par
les Standards de Performance de la Société Financière Inter-
nationale (SFI) : en effet, seul un petit nombre de personnes ont
été consultées parmi les dizaines de milliers de personnes vi-
vant dans les deux quartiers. Le résumé de l’EIES n’a pas été
distribué aux communautés. AFREWATCH a constaté que les
consultations ne se sont pas déroulées en swahili, mais en
français. Glencore, de son côté, affirme que les consultations
ont été faites en swahili également. Les informations étaient
données dans un langage trop technique, difficilement com-
préhensibles pour les membres des communautés. Les expli-
cations se sont focalisées sur les impacts positifs des mines.
De plus, les femmes étaient fortement sous-représentées.
Les Standards de Performance de la Société Financière
Internationale demandent une « divulgation et la diffusion pré-
alables d’informations pertinentes, transparentes, objectives,
utiles et facilement accessibles présentées dans une ou plu-
sieurs langues autochtones, sous une
forme culturellement acceptable, et
compréhensibles par les Communau-
tés affectées ». Ces consultations ne
respectent donc pas ces points.
7 | Pollution de la rivière Luilu
En 2012 et 2014, Pain pour le pro-chain et Action de Carême avaient
fourni des preuves de la pollution de la rivière Luilu par KCC
via le Canal Albert (preuves qui avaient d’ailleurs été contes-
tées par Glencore). La situation en 2018 est meilleure : il
semble que la rivière Luilu ne soit plus polluée par les usines
de KCC. En effet, les résultats d’analyses d’eau effectuées par
Pain pour le prochain en mai 2018 ne montrent plus de traces
de pollution.
8 | Accès à l’eau
Durant de nombreuses années, la rivière Luilu a été polluée par
différentes entreprises minières, dont KCC : cette situation a
péjoré le droit à l’eau des populations de Luilu. C’est pourquoi
KCC a une responsabilité de s’engager à ce que l’accès à l’eau
de ces populations soit à nouveau garanti. Depuis 2007, des
habitant·e·s, organisé·e·s en comités, demandent à KCC de
s’engager dans ce sens. En 2014, lors d’un entretien avec PPP
et AdC, KCC avait promis de participer à la construction de puits
pour que la cité de Luilu ait accès à l’eau. Après plus de dix ans
d’attente et nombreuses lettres de comités d’habitant·e·s, trois
sous-stations sont en cours de construction depuis trois ans
mais ne sont toujours pas achevées. Elles seront accessibles
pour une population d’environ 10 000 habitant·e·s, mais les
« Les mesures de Glencore sont insuffisantes dans le cas du droit à la santé en lien avec les poussières à Musonoi et à Luilu ou encore du droit à l’alimentation lors de pollutions de champs. »
Glencore en RD Congo 5
autres quartiers de la cité de Luilu n’auront toujours pas un
accès à l’eau suffisant (environ 20 000 habitant·e·s).
Le fait que KCC soutienne la construction de sous-stations
pour améliorer l’accès à l’eau de la population est à saluer. Il est
toutefois à déplorer qu’une grande partie des habitant·e·s de
la cité de Luilu ne pourra pas bénéficier de ces sous-stations.
9 | Droit à un revenu et routes coupées
Le rapport de 2014 critiquait le fait que MUMI a fermé en 2011
la route qui reliait les villages de Kapaso, Riando, Kando et
Kisenda à la route nationale n° 1. Au lieu de parcourir 5 kilo-
mètres à vélo ou à pied, les villageois-e-s devaient franchir 15
kilomètres pour aller vendre leurs produits. Ce détour consti-
tuait un handicap important. En 2018, l’équipe de recherche
a constaté que des camions ont été aménagés pour transpor-
ter des personnes à l’arrière et circulent sur la route entre
Lualaba-Gare et Kaindu. Il est malheureusement à noter que
les personnes transportées par ces camions équipés de bancs
à l’arrière sont exposées à la poussière.
L’impact négatif sur le droit à un revenu à cause de la fer-
meture de routes est fortement atténué grâce à la mesure prise
par MUMI, même si ce système de transport reste perfectible
(bus adaptés à la place de camions).
10 | Aspects fiscaux, économiques et de corruption
Bien que le présent rapport se focalise sur les aspects des
droits humains et de l’environnement, un chapitre est consacré
aux aspects fiscaux, économiques et à la corruption. Le bilan
en matière de corruption et de fiscalité est très décevant et
préoccupant.
Depuis de nombreuses années, Glencore travaille avec Dan
Gertler, un homme d’affaires et milliardaire israélien qui est un
proche du président de la RDC, Joseph Kabila. En avril 2018,
Dan Gertler dépose une action en justice contre Glencore en
réclamant un dédommagement de près de 3 milliards de dollars
pour ne pas avoir payé les droits de licence sur deux mines. Le
15 juin 2018, Glencore annonce avoir repris les paiements à
son partenaire. En effet, l’entreprise avait cessé les versements
à Dan Gertler car celui-ci avait été placé sur une liste de sanc-
tions américaines en décembre 2017 pour des actes de cor-
ruption. Début juillet 2018, Glencore annonçait faire l’objet
d’une investigation du Département américain de la justice, lui
demandant des documents sur sa conformité avec la loi an-
ti-corruption et les législations sur le blanchiment d’argent,
dans trois pays dont la RDC.
En janvier 2018, l’entreprise minière de l’Etat congolais, la
Gécamines, qui détient 30 % de Kamoto Copper Company
(KCC), a demandé la dissolution de KCC devant le tribunal de
commerce de Kolwezi dans le but de la sanctionner pour avoir
éludé le paiement de dividendes. Le 12 juin 2018, Glencore a
annoncé avoir trouvé un accord avec la Gécamines : la dette
de KCC sera fortement réduite. La Gécamines commencera à
percevoir des dividendes – pour la première fois.
En Suisse, Glencore fait l’objet d’une procédure. En dé-
cembre 2017, l’ONG suisse Public Eye a déposé une dénon-
ciation pénale auprès du Ministère public de la Confédération
(MPC), invitant la justice à investiguer l’acquisition de titres mi-
niers à des prix bradés par Glencore. A ce jour, le MPC n’a pas
encore pris de décision s’il entend ou non donner une suite à
cette dénonciation.
Briques et tôle ondulée : des conditions de vie difficiles pour les villageois autour de la mine de MUMI. | © Meinrad Schade
Glencore en RD Congo 6
Conclusion
Selon les Principes directeurs des Nations Unies pour les en-
treprises et les droits humains, Glencore devrait faire une dili-
gence raisonnable en quatre étapes : 1) identifier les risques ;
2) agir en conséquence ; 3) faire un suivi par des indicateurs ;
4) rendre compte des analyses et des mesures adoptées. Pain
pour le Prochain et Action de Carême arrivent à la conclusion
suivante concernant la diligence raisonnable de Glencore en RD
Congo:
1. Glencore a effectué une évaluation de ses impacts envi-ronnementaux et sociaux, selon les exigences du Code
minier congolais. Toutefois il n’est pas clair si cette évalua-
tion inclut de manière systématique l’ensemble des droits
humains, tels que définis par les standards internationaux
(Principes directeurs des Nations Unis sur les entreprises et
les droits humains ainsi que les lignes directrices de l’OCDE) ;
2. Glencore prend certaines mesures pour minimiser ou sup-
primer les impacts négatifs de ses activités. Ces mesures
sont suffisantes dans le cas de l’arrêt de la pollution de la
rivière Luilu ainsi que du droit au revenu lors de routes cou-
pées. En revanche, les mesures sont insuffisantes dans le cas du droit à la santé en lien avec les poussières à Musonoi et à Luilu ou encore du droit à l’alimentation lors de pollutions de champs ;
3. Glencore ne vérifie pas suffisamment l’efficacité de ces mesures sur la base d’indicateurs et avec les populations locales, comme le montrent les impacts sur le droit à
l’alimentation et à la santé. En effet, il est important que
Glencore, comme le demandent les Principes directeurs, se
fonde « sur des indicateurs qualitatifs et quantitatifs appro-
priés, et s’appuie sur les appréciations de sources tant
internes qu’externes, y compris des acteurs concernés »,
c’est-à-dire les populations locales affectées par les pous-
sières et les pollutions.
4. Glencore communique insuffisamment à ce sujet : dans
les rapports de durabilité, des informations générales sont
données sur les processus mis en place par la firme en
matière de respect de droits humains. Toutefois, il n’y pas
d’informations publiques suffisamment précises sur les im-
pacts de KCC et MUMI sur les droits humains et sur l’envi-
ronnement en RDC ainsi que sur le détail des mesures prises pour diminuer ces impacts et leur efficacité. De
plus, Glencore n’a pas publié ses Etudes d’Impact Environ-
nemental et Social (EIES) ou même un résumé de ces études
à l’intention des populations locales (comme exigé par le
Code minier congolais).
Ce rapport arrive à la conclusion que Glencore met en œuvre la diligence raisonnable de façon incomplète. De
plus, le bilan en matière de corruption et de fiscalité est très
décevant et préoccupant, au vu des nombreux démêlés judi-
ciaires de Glencore.
Si on peut considérer que KCC et MUMI se sont améliorés
sur certains aspects durant ces six dernières années, c’est en
grande partie grâce au travail et à la pression exercée par les
organisations partenaires de PPP et AdC.
Cette expérience montre que le travail de longue haleine
des organisations partenaires sur le terrain est crucial. Il ne
suffit toutefois pas : aujourd’hui encore, des enjeux majeurs
(droit à la santé, droit à l’alimentation) ne sont toujours pas
résolus. Une régulation contraignante pour les multinatio-nales suisses, telle que l’exige l’Initiative pour des multina-tionales responsables, est absolument nécessaire afin de
garantir un meilleur respect des droits humains et des stan-
dards environnementaux par les multinationales suisses à
l’étranger.
Renseignements Yvan Maillard Ardenti, [email protected], 031 385 65 73 Lorenz Kummer (médias), [email protected], 079 489 38 24
Pain pour le prochain / Action de Carême | novembre 2018
Etude complète sur Glencore en RDC: www.voir-et-agir.ch/report-glencore-18