Urgences 1997;XVh 135-138 © Elsevier, Paris

Glossaire

Glossaire de la mddecine de catastrophe*

P Huguenard 1, L Campan 2

~ 4 7, rue de Falkirk, 94000 Creteil ; 236, allee des Demoiselles, 31400 Toulouse, France

(Re(;u le 12 mars 1997)

Accident Hasard malheureux, evenement soudain qui en- traine des dommages. Sa survenue est inatten- due, impr~vue (mais elle devrait ~tre previsible), fortuite.

ACEL Accident catastrophique a effets limit,s. Contra- diction : si les effets sont limites ce n'est pas catastrophique.

Al~a Synonyme de hasard (jeu de des : << alea jacta est >> ; les des sont jetes) est devenu une notion probabiliste evaluable (cf Vie Le Sage) & distin- guer de << risque >>.

Apocalypse Catastrophe epouvantable (qui provoque I'epou- vante), fin du monde. Son ernploi n'a encore jamais ete justifi~. II aurait pu 1'etre a Nagasaki.

Berce Support d'un moteur (mot technique, utilise aussi par les madns : support d'un bateau au sec).

Bleve Boiling Liquid Expanding Vapor Explosion (Fezins, Mexico, Pemex).

Catastrophe A I'odgine (latine) signifie fin, denouement. Le mot grec << katastroph~ - contient le meme sens mais aussi celui de bouleversement, et plus precisement (avec le prefixe << kata -) celui de renversement.

* D'apr~s I'ouvrage Catastrophes. De la ,strategie d'interven- tion a la prise en charge m#dicale. Paris : Editions scientif iques et medicales Elsevier, 1996.

Raoul Favre [1] lui donne son acception moderne definitive : << renversement, destructeur et brutal, de I'ordre preetabli d'un ensemble materiel et humain >> ... y ajoutant une notion essentiel le toujours valable <<... avec disproportion entre les besoins (de secours) et les moyens >> (immedia- tement disponibles).

Calamite Fleau qui atteint les recoltes (<< calamus -), donc malheur public. Ne devrait se substituer au mot << catastrophe >> que dans les cas oQ celle-ci a provoque des victimes.

Cataclysme Du grec << klusmos >>, action de mouiller (eau en abondance, origine aussi de << clystere -) et << kata- klusmos >>, inondation.

Ce mot a 6te utilise pour qualifier le d~luge. Dans le langage courant, il est parfois employe pour designer un << grand bouleversement >>, mais il ne saurait se substituer & << catastrophe >> sauf s'il s'agit d'une inondation etendue avec deg&ts importants.

Cindynique C'est I'identification et I'etude des dangers.., de- venues une science selon certains. Mot grec : << kindunos -.

Crise De << krisis >> (decision, jugement). Cette etymolo- gie n'est respectee que dans I'expression << etude critique >>.

Le plus souvent la << crise >> est un acces bref et violent ou un derangement subit.

Le m~me mot, bizarrement, est applique souvent & << une periode difficile travers~e par un groupe social >>.

II n'est correct d'assimiler la catastrophe elle-

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m~me & une crise que dans le premier sens du terme.

En revanche, la periode qui suit une catastrophe est souvent consider~e comme un << etat de crise >>

Crash Fracas. Impact. Exemple : train crash (accident ferroviaire).

Crush I~crasement. Crush syndrome ; presque syno- nyme de syndrome de Bywaters.

Ddcombres Debris (distincts de gravats).

Ddg&ts C'est un mot tres fort dont I'etymologie evoque une << d(~vastation >> par une cause violente qui a << ravage ,, I'environnement (exemple : cyclone).

Desastre Evenement << funeste >> sous I'influence d'un << mauvais astre >>. Terme de superstition ; inad- missible bien que faisant partie du vocabulaire anglais : disaster medicine.

Dommage Prejudice corporel ou moral mais egalement perte ou depense.

DZ Dropping zone (zone de largage). Terme de para- chutisme. S'applique mal aux helicopteres sanitai- res. Landing zone (LZ) : zone d'atterrisage, serait plus convenable. Mais I'usage a prevalu.

Gerber Mettre en gerbes (manutention en hauteur). Pra- tiquement : empiler (du materiel).

Gravats Utilis~ au pluriel ; m~me origine que << gravier ,,. D~bris provenant d'une demolition. Plus precis que << decombres ,, (debris d'un edifice ecroule).

Incident << Petit >> ~venement qui survient de fa(;on inopinee. << L~g~re >> difficult~ imprevue au cours d'une action. Utilisable dans un bilan (exemple : << desincarce- ration sans incident >,).

Palette Plateau de chargement pour la manutention des materiels avec un chariot elevateur a fourche. En volapL~k << gerber sur une palette >> signifie seule- ment entasser sur un plateau.

Plans Rouge, blanc, Mash (mise en alerte des services hospitaliers), Orsec (organisation des secours), POI (plan d'organisation interne), PPI (plan parti- culler d'intervention).

Poste Au feminin, sens le plus ancien (Marco Polo) pour designer un << systeme d'acheminement - et ses moyens (chevaux, relais, bureaux de poste...).

Au masculin, plus recent (1875), lieu ou s'exerce une activite professionnelle notamment militaire (poste de garde).

Dans ses deux interpretations le mot s'applique bien au << poste medical avance >> (PMA), & la fois syst6me d'acheminement (6vacuations) et lieu d'une activite professionnelle (premiers soins).

Prdvention - Prdvision Ces deux mots sont souvent utilises indifferem- ment pour dire << organiser ~. I'avance, prendre des pr6cautions >>.

II est preferable de reserver pr~vision au souci de << voir avant - quand et comment un 6v~ne- ment previsible pourrait survenir. La prevention succederait b la pr~vision, puisqu'elle consisterait & << aller au devant ,> de I'ev6nement prevu en pr~parant la protection.

Protection Du grec << tektein >> et du latin << tegere >> : couvrir. C'est assurer un abri, preparer une defense, alors que << pallier ,> (<< palium -, le manteau qui cou- vrait la tunique ou la toge ; soins palliatifs), signifie plutSt << couvrir >>, cacher...

Ramassage Action de rassembler des victimes en nombre.

Ravage Du latin << rapere >,, s'emparer precipitamment. Dommage, deg&t, peut-~tre destruction, peut-~tre m~me ruine, de caractere soudain. Le mot s'appli- que a des malheurs collectifs (ravages du feu ou des inondations) ou individuels (ravages corporels).

Logistique Art de fournir et de coordonner les moyens pour I'organisation d'une operation (afin d'appliquer un plan).

Relevage Action de << remettre debout ,, une victime. En bon fran~ais et en pratique, des relevages precedent le ramassage.

Mitigation Attenuation (d'une peine, en droit penal). Attenua- tion d'un risque majeur.

Risque Signifie simplement << peril ,, ou << hasard ,, (il existe un rapport etymologique avec << ecueil ,,) ;

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encore plus simplement (dedramatise), eventua- lite d'un ~v~nement.

Devrait donc ~tre le resultat d'un calcul de pro- babilit6s, mais n'est, le plus souvent qu'estim~ au mieux 6value. ,< Risque majeur >> ne repond pas ,~ une definition plus precise que << risque grave >,. Mais on sait qu'il est fonction de la fr~quence de I'occurrence, de la violence de I'agression et de I'importance des dommages previsibles, selon la vulnerabilite de I'agresse.

Tactique Art d'appliquer un plan. Ensemble des methodes mises en oeuvre pour parvenir a une fin.

Technique Pratique, savoir-faire, propres a un art. Partie mat~rielle d'un art. Production d'objets. Mani~re de construire, de fabriquer. Travaux, oeuvres d'art (arts et metiers). La technique se distingue de la nature et du savoir.

SA TER Plan de recherche d'aeronefs disparus (secours avion a terre).

Sauver Tirer hors du danger.

Secourir Venir en aide.

Secouriste Personne capable de pratiquer les gestes et les methodes du secourisme. Membre d'une organi- sation de secours pour les victimes d'un accident ou d'une catastrophe.

NB : le secourisme intervient le plus souvent apres le sauvetage, parfois de faQon concomi- tante et simultan~e. Les sapeurs-pompiers sont habituellement << sauveteurs-secouristes >,.

Securite Protection des personnes et des biens, aboutis- sant & un etat de s0rete. Securite civile.

Shock Heurt, impact, secousse, trauma... Preferer le franqais choc, medicalement plus general et da- vantage signifiant.

Sinistre De mauvais augure (vol d'oiseaux noirs venant de gauche), malheur. Dommages aux personnes et aux biens faisant I'objet d'un contrat d'assurances. Terme impropre dans le domaine de la catastrophe.

Strategie Art de coordonner I'action. Art d'etablir un plan, ensemble d'actions coordonnees.

Stress Psychologiquement : de I'anglais distress (affliction).

Techniquement, resistance d'un materiau a une force (pression) ; & la rigueur peut se traduire par << tension >>.

Physiologiquement : ensemble des reactions neuroendocriniennes & I'agression (H Selye, 1936). En langage vulgaire, faussement syno- nyme d'agression.

Technologie Traite sur un art. Plus largement : rapport a I'etude des sciences et de la technique.

Catastrophe technologique dont les causes ne sont pas naturelles ; convient assez bien puisque << la technique se distingue de la nature >, mais reste impr~cis, d'autant qu'une cause technique (rupture de barrage) peut avoir des consequences naturelles (inondation) et m~me ~tre le resultat d'un evOnement naturel (s~isme).

II est preferable de preciser la cause : catas- trophe chimique, nucleaire, routiere, aerienne, maritime.., ou I'impact :catastrophe industrielle, miniere, forestiere, portuaire, ferroviaire...

Urgence - Urgent L'importance de ces termes justifie un assez long developpement.

L'urgence c'est ce qui << urge - (de << urgere ,>, presser), qui << ne souffre pas de retardement >> (Littre), ce qui ne peut pas attendre.

La notion d'urgence est differente selon les epoques, les races, les moeurs, les cultures, les religions, I'environnement, les facilites d'appel, les moyens d'investigation...

M~me limitee au domaine de la catastrophe en un lieu precis et d'un type particulier, elle reste approximative.

Devant un m~me cas, darts les m~mes circons- tances, avec les m~mes moyens d'intervention et d'examen, les uns diront detresse, d'autres grande urgence, ou premiere urgence, ou ex- treme urgence, ou urgence Iourde, ou urgence grave.., et pour d'autres cas, seconde urgence, urgence potentielle, urgence legere, 3 e urgence, urgence ressentie, urgence vraie, urgence d~pas- see et aussi urgence diff~r6e ! II a m~me ~te pr~tendu << qu'il n'y avait pas d'urgences, mais seulement des gens presses >>. On parle couram- ment << de patients qui ne peuvent pas attendre ,> et que I'on devrait donc qualifier d'impatients.

L'imprecision du vocabulaire entraTne la confu- sion clans les idees et malheureusement le desordre darts la pratique, car toutes les interpretations sont permises.

Les services hospitaliers dits << d'urgence >> re~;oivent plusieurs milliers de consultants aleatoires, parmi lesquels seulement quelques centaines, << ne peuvent pas attendre >,.

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Une partie de ce service peut ~tre preparee pour recevoir et traiter & part ces cas qui ne peuvent vraiment pas attendre.

Par analogie avec la culture << intensive >>, qui reunit sur un terrain privilegi6 de I'exploitation, le maximum d'ouvriers et de machines, elle s'appel- lerait << accueil intensif >> ; elle est apparue dans certaines circulaires (13 ao0t 1965 reprise le 4 septembre 1973 : DGS 957) sous la d6nomination << sas de r~animation >> ou << el6ment de reanima- tion d'urgence >>. Elle fonctionne parfois sous I'etiquette plus evocatrice de << tri-dechoquage >> ou salle d'accueil des urgences vitales (Sauv). De toute fa~on elle realise le premier maUlon hospita- lier d'une chaine de soins raccourcie, baptis~e << circuit court >>.

Cette unit~ intensive d'accueil ne volt passer que 10 & 20 % des admissions dans un h6pital d'aigus. Elle utilise un materiel de soins et d'exa- mens different. Ses personnels, medicaux et pa- ramedicaux, sont plus nombreux et davantage specialises.

Toutefois, son existence reelle et son fonction- nement vdrifie n'ont pas resolu le probleme du vocabulaire, qui devrait permettre de rationaliser I'orientation des victimes vers I'accueil de I'arriere.

Le mot oxyologie, a ete cre6 par un Hongrois (Gabor) pour designer en fran~ais, & partir de deux racines grecques, la science de << I'aigu >, (et non pas du pointu).

Dans cette optique, I'oxyologie ne s'exercerait qu'au niveau des PMA, des Sauv, des services (ou unites) d'urgence et de soins intensifs, de cer- taines unites de r~animation.., c'est-&-dire dans << le circuit court >>.

Mais naturellement cette separation suppose que les cas urgents ou supposes tels ou se pre- sentant comme tels, soient tri6s & I'admission m6me de pr~f6rence avant I'admission, qu'il existe donc des criteres de tri (triage) admis pour tous.

Or il existe deux circonstances qui imposent un triage d'apres des criteres precis : la guerre et la catastrophe.

Le triage peut s'exercer en fonction de I'indica- tion operatoire : - urgences absolues : operation immediate ; - urgences diff6r~es : intervention & prevoir ; - urgences potentielles : victimes & surveiller dans I'eventualit6 d'une indication chirurgicale qui se preciserait ; - urgences depassees : operation inutile ou im- possible.

On distingue plus efficacement : - des extremes urgences : etats de detresse cardio- vasculaire et respiratoire, bless6s-brel6s-blastes... qui r6clament une r6animation intensive imme- diate ; - d e s 1 res urgences (U1) (presentant un risque

vital) avec les polytraumatises, les crush, les por- teurs de garrots, les brDI6s & plus de 20 %, les grandes hypothermies.., reclamant une reanima- tion rapide, une operation dans les 6 heures ; - d e s 2 es urgences pour lesquelles le risque est fonctionnel : polyblesses, br01ures inferieures & 20 %, les << sp6cialit~s >> (ORL, ophtalmologie...), se suffisant d'une reanimation standard et pouvant at- tendre I'op~ration 18 & 24 heures (sauf les plaies du globe : U1) ; - des 3 es urgences constitu6es par les << ~clop6s >, n'ayant m~me pas besoin d'etre hospitalises.

II conviendrait naturellement de completer cette categorisation essentiellement traumatologique en y classant les infarctus du myocarde et les oedemes aigus pulmonaires, les insuffisants res- piratoires aigu6s, les intoxications massives, la neurologie non traumatique, les accouchements prematures.., dans les EU et U1.

Mais on a tendance, dans un premier temps, & simplifier le triage avec seulement quatre cate- gories : - les urgences absolues qui regroupent les extre- mes urgences et les premieres urgences ; - les urgences relatives qui comprennent ies U2 et les U3 ; - les urgences potentielles & surveiller ; - enfin les urgences depass6es.

En conclusion, force est de constater qu'il n'est pas raisonnable de vouloir definir << I'urgence >>, mais qu'il est Iogique, possible et probablement utile de la demembrer gr&ce & un triage m~dical aussi precoce que possible et en adoptant un vocabulaire simple standardise.

Victime Creature vivante offerte en sacrifice. Peu usite dans ce sens. Depuis 1735, << personne tu~e ou blessee >,. En termes journalistiques designe par- fois seulement les morts.

Vuln6rabilitd Sensibilite aux blessures, fragilite. Vulnerable : expos~ aux blessures, aux deg&ts. La notion de terrain receptif, jadis dominante en m~decine, et un moment mise entre parentheses par le pasto- risme, retrouve une actualite br~lante gr&ce b I'immunologie et & la genetique modernes. Henri Labodt [2] a maintes fois disserte sur ce thbme propos notamment de << I'inhibition de I'action >,, productrice de glucocortico'fdes immunodepres- seurs.

R E F E R E N C E S

1 Favre R. L'hommeetlescatastrophes. Paris : SPEI, 1964 2 Laborit H. La legende des comportements. Paris : Flam-

marion Medecine-Sciences, 1994